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Date : 20161110


Dossier : IMM-876-16

Référence : 2016 CF 1256

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

MANINDER PAL SINGH SASAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

APRÈS avoir entendu la présente demande à Regina, en Saskatchewan, le jeudi 20 octobre 2016;

ET APRÈS avoir examiné les documents déposés devant la Cour et après avoir entendu les avocats au nom des parties;

ET APRÈS avoir pris l’affaire en délibéré;

ET APRÈS avoir conclu que la demande doit être accueillie pour les motifs suivants :

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire conteste une décision d’un agent d’immigration qui refuse la demande de visa de résident permanent du demandeur (M. Sasan) en tant que membre de la catégorie des candidats des provinces. Le refus se fonde sur le fait que M. Sasan n’a pas fourni à temps une vérification du casier judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et une preuve de statut valide au Canada.

[2]               Les faits sous-jacents ne sont pas contestés. M. Sasan est citoyen de l’Inde. Il est entré au Canada le 3 septembre 2010 en vertu d’un permis d’étudiant. En avril 2012, à la fin de ses études, M. Sasan a obtenu un emploi à Regina et a par la suite demandé la résidence permanente sous l’égide du programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan.

[3]               Le permis de travail d’immigration de M. Sasan était valide jusqu’au 28 août 2015. En vertu des modalités d’approbation d’un candidat des provinces, M. Sasan était tenu de présenter une demande de résidence permanente au plus tard le 31 mars 2014. Il était également tenu de remplir les conditions d’admissibilité, notamment celles qui ont trait à la criminalité.

[4]               M. Sasan a présenté sa demande de résidence permanente tel qu’il était exigé, mais n’a pas renouvelé son permis de travail avant son expiration le 28 août 2015. De fait, il n’a pas demandé le rétablissement de son statut de résident temporaire avant le 27 novembre 2015.

[5]               Pendant ce temps, M. Sasan a été accusé de trois chefs d’agression en octobre 2014. On lui a délivré un visa de résident permanent temporaire le 3 mars 2015, qui venait à échéance le 25 mai 2015. Lorsque M. Sasan s’est présenté à la frontière canado-américaine aux fins de son établissement le 12 mars 2015, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada a confisqué sa confirmation de résidence permanente ainsi que son visa en raison des récentes accusations criminelles. Le 17 août 2015, il a plaidé coupable à un chef d’accusation et reçu une absolution inconditionnelle. Les deux autres accusations ont été suspendues. Le 26 octobre 2015, on a demandé à M. Sasan de mettre à jour sa demande de résidence permanente toujours en suspens en fournissant une vérification de casier judiciaire de la GRC ainsi qu’une preuve de statut valide au Canada. Le délai pour répondre était le 31 décembre 2015.

[6]               M. Sasan n’était apparemment pas pressé et n’a pas demandé le rétablissement de sa résidence temporaire avant le 27 novembre 2015. Le Centre de traitement des demandes de Vegreville, en Alberta, a reçu la demande le 30 novembre 2015. Malheureusement, sa demande ne respectait pas la fenêtre de 90 jours prévue au paragraphe 182(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Par conséquent, il n’a pas bénéficié d’un rétablissement automatique de statut.

[7]               Le dossier indique également que M. Sasan s’est conformé à la demande de mise à jour de la vérification de casier judiciaire de la GRC en fournissant ses empreintes digitales le 9 novembre 2015. Ce fait a été reconnu par le défendeur.

[8]               La demande de résidence permanente de M. Sasan a été rejetée le 27 janvier 2016 pour le motif qu’il n’a pas fourni les renseignements relatifs au casier judiciaire de la GRC ni la preuve de son statut valide d’immigration avant la date limite du 31 décembre 2015. L’agent a jugé que ce défaut de répondre contrevenait au paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C.2001, ch. 27 (LIPR) qui exige qu’un demandeur produise tous les renseignements et éléments de preuve pertinents exigés pour le traitement de sa demande.

[9]               La décision faisant l’objet du contrôle reposait, en partie, sur une croyance erronée de la part de l’agent que M. Sasan n’avait pas fourni ses empreintes digitales aux fins d’une évaluation du casier judiciaire de la GRC. Le défendeur soutient que cette erreur est sans importance parce que M. Sasan n’a pas produit les éléments de preuve liés au statut valide et qu’il était par conséquent inévitable que sa demande soit rejetée.

[10]           Je ne suis pas convaincu que l’erreur de procédure commise par l’agent au sujet des éléments de preuve manquants liés au casier judiciaire de la GRC était nécessairement sans conséquence pour la décision ou que le rejet de la demande de M. Sasan était inévitable. La demande relative à ces renseignements n’était sûrement pas fondée sur les accusations criminelles en suspens de M. Sasan qui étaient, bien entendu, d’une grande pertinence pour sa demande. Si l’agent avait regardé, il aurait constaté que M. Sasan avait demandé un rétablissement de son statut temporaire et qu’une décision était attendue. Évidemment, il était loisible à l’agent de reporter une décision sur la demande de résidence permanente jusqu’à ce que la demande de rétablissement du statut temporaire de M. Sasan soit tranchée. À la place, il a choisi de refuser une dispense, en partie parce que M. Sasan a omis de produire les éléments de preuve relatifs à son statut actuel – éléments de preuve qu’il aurait su ou aurait dû savoir non disponibles à ce moment-là. Même si la demande de rétablissement de statut temporaire a par la suite été rejetée, cette décision a été prise après le rejet de la demande de résidence permanente. On ne peut pas savoir maintenant si la même décision aurait été prise si la demande de résidence permanente avait été mise en suspens.

[11]           Il importe aussi de signaler que les deux décisions étaient visées par les pouvoirs de redressement prévus à l’article 24 de la LIPR. Si l’agent avait été convaincu que M. Sasan n’était pas interdit de territoire pour criminalité, il lui aurait été loisible d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour effectivement rétablir le statut de M. Sasan, puis d’approuver la demande de résidence permanente.

[12]           Même si le problème survenu en l’espèce au sujet de l’évaluation du casier judiciaire de la GRC n’était pas connu de l’agent, cela portait quand même un coup fatal aux principes de l’équité procédurale. Étant donné que je ne suis pas convaincu que le rejet de la demande de M. Sasan était, indépendamment de cette violation, inévitable, la décision est annulée. La demande de résidence permanente de M. Sasan est renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond en tenant compte de manière appropriée du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 24 de la LIPR.

[13]           Le ministre a cinq jours à compter de la présente décision pour proposer une question certifiée et le demandeur aura trois jours par la suite pour y répondre.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond.

« R.L. Barnes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-876-16

INTITULÉ :

MANINDER PAL SINGH SASAN c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS :

LE 10 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Khurshed Chowdhury

Pour le demandeur

Don Klaassen

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chowdhury Law Office

Avocats

Regina (Saskatchewan)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour le défendeur

 

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