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Date : 20160812


Dossier : IMM-3098-16

Référence : 2016 CF 931

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

NING ZHOU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La demanderesse sollicite un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi. Le renvoi est prévu pour le 15 août 2016. La demanderesse est actuellement en détention.

[2]               La demanderesse est née en 1982 et est une citoyenne de la Chine. Elle semble avoir passé beaucoup de temps à l’extérieur de la Chine, a étudié à Singapour d’août 2003 à décembre 2004 et au Royaume-Uni de janvier 2005 à décembre 2011. De retour en Chine, elle s’est mariée le 9 mai 2012 et a donné naissance à un fils en novembre 2012.

[3]               Quelques mois plus tard, en mars 2013, la demanderesse serait tombée dans la douche et aurait subi une légère commotion cérébrale. Afin de se rétablir plus rapidement, elle se serait mise à la pratique du Falun Gong. En juin 2014, alors qu’elle pratiquait le Falun Gong, il semble que le groupe auquel elle s’était jointe ait reçu l’information suivant laquelle la police chinoise était sur le point de faire une descente à cet endroit. La demanderesse a eu le temps de s’échapper par la porte arrière et elle se serait réfugiée dans la clandestinité.

[4]               Lorsque la demanderesse a échappé à la police le 7 juin 2014, elle a pris un taxi qui l’a emmenée à la gare. Elle a pris le train dans sa ville natale pour se rendre à Pékin, un trajet en train de dix heures. Elle prétend que les autorités chinoises l’auraient cherchée chez elle dès le 9 juin 2014; des agents se seraient en effet rendus chez elle à cinq reprises. Cachée derrière des lunettes de soleil et portant un chapeau, elle serait allée à l’ambassade américaine à Pékin afin d’obtenir un visa pour les États-Unis. Munie de ce visa, elle aurait quitté Beijing le 9 septembre 2014 pour se rendre à Seattle, dans l’État de Washington, en passant par Hawaï. Elle aurait franchi la frontière canadienne à pied et elle est arrivée à Vancouver. À partir de là, elle a pris un vol pour Toronto où, deux mois plus tard, elle a fait une demande d’asile (15 novembre 2014).

[5]               Sa demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) dans une décision datée du 12 janvier 2015. La demanderesse a interjeté appel de la décision à la Section d’appel des réfugiés (SAR). Son appel a été rejeté, et le tribunal a conclu :

[33] Bien que la SPR ait commis une erreur en s’attendant à ce que l’appelante déploie davantage d’efforts pour obtenir une lettre de la FDA, il ne s’agit pas là d’une erreur déterminante dans la décision de la SPR. Ayant examiné la preuve, la SAR conclut que les éléments suivants nuisent à la crédibilité de l’appelante : l’entrevue visant à obtenir un visa des États-Unis, le fait que l’appelante ait pu quitter le pays munie de son véritable passeport, et l’absence de conséquences que sa famille aurait normalement subies pour n’avoir pas révélé où se trouvait l’appelante. La crédibilité de l’appelante est davantage compromise par son défaut de présenter une demande d’asile aux États‑Unis et par la présentation tardive de sa demande d’asile au Canada, autant de points que l’appelante n’a pas contestés en appel. L’appelante manque en général de crédibilité. Elle n’a pas établi, au moyen d’éléments de preuve crédibles, qu’elle était recherchée par le PSB, qu’elle fuyait le PBS ou qu’elle était une adepte du Falun Gong ou qu’elle était perçue comme telle. Pour ce motif, la demande d’asile de l’appelante doit être rejetée.

Notre Cour n’a pas accordé l’autorisation de lancer un contrôle judiciaire de la décision de SAR.

[6]               La prochaine étape était de se prévaloir d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), lequel a été publié le 18 juillet 2016. La demanderesse a présenté de nouveaux éléments de preuve à l’agent d’ERAR. Trois avis d’arrestation des autorités chinoises ont été présentés, accompagnés d’une lettre envoyée par le mari de la demanderesse le 9 juin 2016. Il semblerait que les trois avis d’arrestation aient été signifiés au mari de la demanderesse le 9 mars 2015, le 20 juillet 2015 et le 14 mars 2016. Ces avis portent les numéros suivants :

        9 mars 2015 : Avis no : [2015] 00186

        20 juillet 2015 : Avis no : [2015] 00203

        14 mars 2016 : Avis no : [2016] 00610

[7]               On sait peu de choses de ces avis d’arrestation sauf qu’ils font désormais partie du dossier présenté à l’agent d’ERAR. Ainsi, rien n’explique pourquoi les numéros des avis font état d’une différence de 17 avis du 9 mars 2015 au 20 juillet 2015, alors qu’il semblerait qu’environ 90 avis par mois aient été produits dans les 78 premiers jours de 2015. De même, alors que l’avis du 9 mars 2015 porte le numéro 186, celui du 14 mars 2016 porte le numéro 610.

[8]               Quoi qu’il en soit, l’agent d’ERAR a conclu qu’il fallait accorder peu de valeur probante à la lettre du conjoint de la demanderesse ou aux avis d’arrestation. L’agent d’ERAR a estimé que la lettre attestait de deux événements que la SPR et la SAR avaient considérés comme n’ayant pas été établis. En ce qui concerne les avis d’arrestation, l’agent d’ERAR a noté un certain nombre de lacunes :

        Les documents sont au nom de Ling Zhou et non pas de Ning Zhou;

        L’adresse sur le document n’est pas l’adresse de résidence de la demanderesse avant son départ pour Pékin en juin 2014;

        Aucun autre témoin ne semble avoir assisté à la remise de l’avis d’arrestation et il n’y a aucun témoignage à l’appui de la remise de l’avis;

        Ces documents proviennent du mari de la demanderesse qui aurait un intérêt direct dans l’issue de l’affaire; il n’y a au dossier que des déclarations du mari et personne d’autre n’a offert de témoignage.

[9]               L’agent d’ERAR a également fait remarquer que les membres de la famille du demandeur ne semblent pas avoir été particulièrement harcelés ou visés par les autorités chinoises dans le but, par exemple, de les contraindre à divulguer l’endroit où la demanderesse pourrait être.

[10]           Enfin, l’agent d’ERAR a noté que l’ambassade du Canada en Chine avait indiqué que la province dans laquelle la demanderesse a résidé avant d’aller à Pékin est considérée comme particulièrement à risque en ce qui concerne les documents frauduleux.

[11]           Il est curieux que les avis d’arrestation de cette demanderesse en particulier semblent être apparus que tard dans le processus. Aucune explication du fait que l’intérêt des autorités ne se serait manifesté que plusieurs mois après que la demanderesse eut échappé à la descente de police en janvier 2014, au point de mener à la production d’avis d’arrestation. En effet, pourquoi les autorités montreraient-elles quelque intérêt à l’égard de quelqu’un qui s’est échappé et dont l’identité a été établie d’une manière qui n’a pas pu être possible à la présente instance? On nous dit que l’adresse figurant sur l’avis est celle des parents du mari de la demanderesse, où il semble résider. Aucune information n’a été donnée pour expliquer pourquoi le mari vit avec ses parents et comment il a été retrouvé à la nouvelle adresse par la police s’impatientant manifestement, aussi tard qu’en mars 2016, de retrouver son épouse, soit près de deux ans après qu’elle eut disparu juste avant une descente de police visant un groupe d’adeptes du Falun Gong. En d’autres mots, l’histoire telle que racontée n’est vraiment pas convaincante.

[12]           La demanderesse a contesté la décision de l’agent d’ERAR du 20 juillet 2016 en déposant une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant notre Cour.

[13]           Comme c’est toujours le cas dans les demandes de sursis à l’exécution des mesures de renvoi, le demandeur doit satisfaire au critère en trois volets établi dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311. Le critère exige que la demanderesse établisse : (1) que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher; (2) qu’il subira un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée; et (3) que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une injonction.

[14]           Contrairement aux observations voulant qu’une conclusion selon laquelle il y a une question sérieuse implique que les deux autres volets du critère soient remplis, la Cour d’appel fédérale a explicitement conclu que tel n’est pas le cas. Il faut satisfaire aux trois volets du critère.

[15]           Dans Janssen Inc. c. Addvie Corporation, 2014 CAF 112, on peut lire :

[19]      Chaque volet du critère ajoute un élément important. C’est pourquoi aucun d’entre eux ne saurait être facultatif. L’objet fondamental du critère se trouverait compromis s’il en était autrement.

[20]      Le critère vise à reconnaître que la suspension de ce qui est juridiquement contraignant et exécutoire — qu’il s’agisse d’une décision judiciaire, d’une mesure légale, ou du droit conféré par la loi à un organisme subalterne d’exercer sa compétence — est une mesure des plus importantes : Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2011 CAF 312, au paragraphe 5. Le caractère contraignant et obligatoire de la loi — ce que j’appellerai la « légalité » — a son importance. Il s’agit en fait d’une composante de la primauté du droit, d’un principe constitutionnel : ColombieBritannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 R.C.S. 473, au paragraphe 58.

[21]      Par conséquent, la Cour ne devrait accorder une suspension ou un sursis que si chacun des trois volets du critère, et les principes qui s’y rapportent, penchent en faveur de la suspension temporaire du principe de la légalité.

[16]           Le demandeur a focalisé sa demande de sursis sur le caractère sérieux de la question à trancher sur le fond. Invoquant Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 458, la demanderesse fait valoir que si la Cour estime qu’il existe une question sérieuse à trancher, étant donné que la décision d’ERAR défavorable constitue le cœur de l’affaire, il en découlerait un préjudice irréparable pour lequel la demanderesse ne pourrait obtenir aucun redressement, rendant le contrôle judiciaire théorique.

[17]           Quant à la décision de l’ERAR, le déposant présente deux arguments. Premièrement, elle prétend que la décision est déraisonnable, parce que l’agent d’ERAR n’a pas accordé assez de poids aux nouveaux éléments de preuve, soit l’avis d’arrestation et la lettre du mari. En second lieu, les motifs donnés par l’agent d’ERAR seraient insuffisants. La demanderesse s’appuie sur Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

[18]           L’équation proposée par la demanderesse suivant laquelle, dans les cas impliquant des décisions d’ERAR, (question sérieuse + caractère théorique = sursis) n’est pas appropriée. La Cour d’appel fédérale a carrément examiné la question dans Shpati c. Canada (MPSE), 2011 CAF 286, [2012] 2 RCF 133. La Cour a conclu que la notion du caractère théorique peut ne pas s’appliquer dans le contexte d’une décision d’ERAR. La Cour d’appel a conclu que, même dans le cas d’une affaire théorique, une Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre l’affaire et annuler la décision d’ERAR. Le ministre pourrait permettre au demandeur de revenir au Canada en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de sa demande d’ERAR (paragraphe 30).

[19]           Plus précisément, la Cour d’appel a répondu à la question au cœur de l’enjeu d’une demande de sursis suivant une décision d’ERAR négative. « Le caractère potentiellement théorique du litige d’un demandeur visant la décision d’ERAR lors de son renvoi justifie‑t‑il de reporter le renvoi en attendant l’issue de ce même litige? » (paragraphe 34) La réponse fut un non catégorique.

[35]      À mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. S’il en était autrement, le report serait pratiquement automatique chaque fois qu’une personne qui risque d’être renvoyée introduit une instance en contrôle judiciaire relativement à une décision d’ERAR défavorable. Cela, contrairement à l’économie de la loi, reviendrait à conclure à l’existence d’un sursis légal en plus de ceux qui sont expressément prévus par la LIPR.

[20]           Ayant conclu que le caractère théorique ne constitue pas en soi un préjudice irréparable, la Cour poursuit :

[39]      Si donc le caractère théorique ne constitue pas en soi un préjudice irréparable au sens du critère à trois volets régissant l’octroi d’un sursis au renvoi, je ne vois aucune raison pour laquelle les agents d’exécution devraient toujours être légalement obligés d’en tenir compte lorsqu’ils se prononcent sur une demande de report en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’un litige relatif à une décision d’ERAR.

[21]           Cela ne veut pas dire que le caractère potentiellement théorique ne serait pas examiné par le juge de la Cour fédérale saisi d’une demande de sursis judiciaire d’un renvoi. C’est simplement un élément qui doit être pondéré dans l’ensemble des facteurs relatifs au critère à trois volets. Il va sans dire que la qualité des nouveaux éléments de preuve constitue un facteur important.

[22]           Compte tenu du caractère sérieux de la question à trancher, il ne suffit pas que la demanderesse fasse valoir que la question n’est pas futile. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, « si le sursis est accordé, la réparation aura été obtenue sur une conclusion que la question soulevée n’est pas futile » (Wang c. MCI, [2001] 3 RCF 682), il faut satisfaire à un critère différent. On ne fera pas frivole. Un examen plus poussé doit avoir lieu. Selon les termes du juge Pelletier dans Wang, « le juge saisi de l’affaire doit aller plus loin que l’application du critère de la ‘question sérieuse’ et examiner de près le fond de la demande sous-jacente » (paragraphe 10). Le critère qui devrait être applicable est celui de la probabilité de réussite.

[23]           Les deux questions sérieuses soulevées par la demanderesse sont que les motifs étaient insuffisants et qu’on n’a pas accordé assez de poids aux nouveaux éléments de preuve. En ce qui concerne l’insuffisance des motifs, la demanderesse ne tient pas compte de la décision de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador, 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708.

[24]           Comme la Cour l’a énoncé, l’arrêt Dunsmuir, invoqué par la demanderesse, ne prescrit pas que « l’insuffisance » des motifs permet[te] à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat » (paragraphe 14). La Cour relève que la perfection n’est pas la norme; il nous faut plutôt comprendre les motifs sous-tendant la décision pour voir pourquoi la décision appartient à la gamme des issues acceptables (Dunsmuir, paragraphe 47):

[16]      Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite à l’égard de chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, Local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association et al. [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[25]           La Cour dans Newfoundland cite avec approbation un article du professeur Dyzenhaus traitant du caractère suffisant des motifs, notamment que « la cour de justice doit d’abord chercher à les compléter avant de tenter de les contrecarrer » (au paragraphe 12).

[26]           Dans le cas présent, il est manifeste que l’agent d’ERAR n’a pas cru l’histoire de la demanderesse. L’agent d’ERAR a effectivement accordé peu de poids aux soi-disant nouveaux éléments de preuve. Il a donné les motifs justifiant cette conclusion. Il n’y a certainement pas assez de nouveaux éléments de preuve pour contrebalancer l’histoire qui a été racontée à la SPR et à la SAR, qui ont toutes deux tranché en défaveur de la demanderesse. L’agent d’ERAR a examiné l’affaire dans son intégralité.

[27]           Il incombait à la demanderesse de présenter de nouveaux éléments de preuve aussi inattaquables que possible compte tenu de la conclusion forte rendue par les autres décideurs administratifs. Il convient de rappeler la conclusion de la SAR. Il n’a pas été établi que :

        la demanderesse était recherchée par le PSB;

        la demanderesse a fui le PSB;

        la demanderesse était une adepte du Falun Gong;

        la demanderesse était considérée comme une adepte du Falun Gong.

[28]           La question est donc de déterminer si les allégations voulant que la décision de l’agent d’ERAR soit déraisonnable ont des chances de l’emporter. À mon avis, au regard de l’histoire qu’a racontée la demanderesse, il est peu probable qu’elle ait des chances de succès. La Cour, dans Newfoundland, a jugé particulièrement utile de chercher à comprendre la nature du paragraphe 44 du mémoire présenté par l’une des parties reproduit à la fin du paragraphe 18 des motifs de jugement :

[traduction] La déférence est le principe directeur qui régit le contrôle de la décision d’un tribunal administratif selon la norme de la décision raisonnable. Il ne faut pas examiner les motifs dans l’abstrait; il faut examiner le résultat dans le contexte de la preuve, des arguments des parties et du processus. Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs.

En effet, l’agent d’ERAR indiquait qu’il faut être crédule pour donner foi aux soi-disant nouveaux éléments de preuve. Non seulement les motifs sont-ils suffisants et adéquats pour comprendre pourquoi l’agent d’ERAR est arrivé à cette conclusion, mais force est de constater que la décision constitue une issue acceptable possible.

[29]           Étant donné que le critère tripartite exige que chacun de ses volets soit respecté, il s’ensuit que la demande de sursis ne peut pas avoir une issue favorable à la demanderesse. Je voudrais toutefois ajouter quelques commentaires sur la nécessité de prouver qu’un préjudice irréparable serait causé.

[30]           Dans Gateway City Church c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 126, la Cour d’appel insiste sur la qualité des éléments de preuve qui sont nécessaires pour établir un préjudice irréparable :

[15]      Les affirmations générales ne peuvent établir l’existence d’un préjudice irréparable, car elles ne prouvent rien :

Il est beaucoup trop facile pour ceux qui demandent un sursis dans une affaire comme celle‑ci d’énumérer diverses difficultés, de les qualifier de sérieuses, puis, au moment de préciser le préjudice qui risque d’en découler, d’employer des termes généraux et expressifs qui ne servent pour l’essentiel qu’à affirmer – et non à prouver à la satisfaction de la Cour – que le préjudice est irréparable.

(Première Nation de Stoney c. Shotclose, 2011 CAF 232 (CanLII), au paragraphe 48.) En conséquence, « [l]es hypothèses, les conjectures et les affirmations discutables non étayées par les preuves n’ont aucune valeur probante » : Glooscap Heritage Society c. Ministre du Revenu national, 2012 CAF 255, au paragraphe 31.

[16]      Il faut plutôt « produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé » : arrêt Glooscap, précité, au paragraphe 31. Voir également Dywidag Systems International, Canada, Ltd. c. Garford Pty Ltd., 2010 CAF 232, au paragraphe 14; Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25, 268 N.R. 328, au paragraphe 12; Laperrière c. D. et A. MacLeod Company Ltd., 2010 CAF 84, au paragraphe 17.

[31]           Dans ce cas, beaucoup de lacunes restaient inexpliquées dans la preuve soumise par la demanderesse au cours des procédures d’immigration d’après le dossier dont la Cour disposait. Selon la preuve, il y aurait 40 millions d’adeptes du Falun Gong en Chine. Non seulement l’évasion de la demanderesse est-elle tout à fait remarquable en soi, mais il nous reste à comprendre pourquoi cette demanderesse aurait été traquée comme elle le prétend, sans que sa famille soit harcelée par la police au-delà des visites répétées. Et pourquoi les avis d’arrestation ont-ils été signifiés après de nombreuses visites ? Non seulement un avis a-t-il été laissé au mari, mais deux autres ont été produits. En effet, le premier avis est daté du 9 mars 2015, environ deux mois avant la décision de la SAR. Pourquoi n’était-il pas disponible? Est-ce que cela ne mérite pas une explication complète? Et d’où provenaient les avis? Pourquoi ont-ils été transmis et pourquoi ont-ils été laissés dans un endroit qui n’est pas la résidence de la demanderesse en Chine? Pourquoi le mari a-t-il déménagé et comment a-t-il été retrouvé par les autorités en tant qu’un proche d’une adepte du Falun Gong, dont la disparition remontait à juin 2014? Où sont les détails qui apporteront le seau de la véracité?

[32]           Dans les affaires de cette nature, il incombe au demandeur de convaincre le Tribunal en présentant une preuve mettant en évidence un niveau convaincant de particularité. Ça n’a pas été le cas en l’espèce.

Par conséquent, la demande est rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis de l’ordonnance de renvoi, censée être exécutée le 15 août 2016, soit rejetée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3098-16

 

INTITULÉ :

NING ZHOU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 août 2016

ORDONNANCE ET MOTIFS :

L’honorable juge Roy

DATE DES MOTIFS :

Le 12 août 2016

COMPARUTIONS :

Ayesha Kumararatne

Pour la demanderesse

Jyll Hansen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ayesha Kumararatne

Avocate

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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