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Date : 20161014


Dossier : T-451-16

Référence : 2016 CF 1145

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2016

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

STUART MORRISON

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

I.                   La procédure

[1]               Stuart Morrison (le demandeur) a demandé un contrôle judiciaire d’une décision du ministre du Revenu national (le ministre) datée du 16 février 2016 (la décision) dans laquelle, après un réexamen, le ministre a rejeté la demande au deuxième palier du demandeur pour l’allègement de tous les intérêts qui lui ont été imposés conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Le demandeur a demandé un allègement pour ses années d’imposition 1997 et 1998 sur la base des difficultés financières, de l’erreur et du retard de la part de l’Agence du revenu du Canada  (l’ARC) et des circonstances extraordinaires.

II.                Exposé des faits

[2]               En 1997 et en 1998, le demandeur a acheté des œuvres d’art à des prix de gros dans le cadre d’un arrangement d’abri fiscal. Ses sorties de fonds étaient de 22 334 $ en 1997 et de 24 408 $ en 1998. Il a ensuite fait don des œuvres d’art à un organisme de bienfaisance enregistré et a obtenu un reçu aux fins d’impôt pour la valeur au détail des œuvres d’art. Il a ensuite demandé des déductions pour dons de bienfaisance de 71 208 $ en 1997 et de 85 642 % en 1998.

[3]               Le demandeur a fait l’objet d’un audit et les déductions n’ont pas été acceptées. En 2001, le demandeur s’est vu imposer une nouvelle cotisation pour 1997 et 1998. Il a été conclu qu’il devait environ 140 000 $ en principal, intérêts et pénalités. En réponse, le demandeur a déposé des avis d’opposition (les oppositions).

[4]               Peu de temps après, dans une lettre datée du 16 octobre 2001, le ministre a informé le demandeur que ses oppositions seraient mises en suspens en attendant l’issue de deux affaires portant sur des abris fiscaux similaires. Il s’agissait notamment des affaires Klotz c. R, 2004 CCI 147, conf. par 2005 CAF 158, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée [2005] CSCR n286 (C.S.C.) et Nash c. R, 2004 CCI 651, infirmé par 2005 CAF 386, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée [2006] CSCR n20 (C.S.C.) (des causes types). Le demandeur a aussi été avisé que, malgré le fait que ses oppositions étaient mises en suspens, les intérêts continueront de s’accumuler sur sa dette fiscale jusqu’à ce qu’elle soit payée.

[5]               La décision finale dans les causes types a été rendue le 20 avril 2006, lorsque la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel. À la suite de ce litige, les abris fiscaux ont été jugés frauduleux. Le ministre a par conséquent rejeté les oppositions et émis des avis de nouvelle cotisation le 20 mai 2008.

[6]               Après la nouvelle cotisation en 2008, le demandeur a présenté des demandes au premier et au deuxième palier en vue d’obtenir l’allègement pour les contribuables concernant la période pendant laquelle ses oppositions étaient en suspens (du 16 octobre 2001 au 20 mai 2008). En réponse aux prétentions du demandeur, les frais d’intérêts pour 1998 ont été annulés pour les périodes suivantes en raison du retard de l’ARC : du 27 octobre 2008 au 22 janvier 2010; du 23 juillet 2010 au 15 septembre 2010; et du 7 janvier 2011 au 16 mai 2011. Un allègement des intérêts a aussi été accordé le 20 mai 2008, mais son étendue n’est pas connue. En outre, le demandeur s’est vu accorder un allègement de toutes les pénalités qui s’élevaient à 16 904,50 $ pour 1997 et à 19 830,85 $ pour 1998.

[7]               L’ARC a fait des offres de règlement en 2002 et en 2006 pendant que les oppositions étaient en suspens. Aucune offre ne suggérait un allègement des intérêts. La première offre portait la mention « Sous toutes réserves  ». La deuxième offre ne portait pas la mention « Sous toutes réserves  ». Toutefois, en l’absence d’avis précisant que la mention « Sous toutes réserves  » n’est plus appliquée, je suis d’avis qu’elle restait en vigueur.

[8]               Le demandeur a refusé les deux offres et a également refusé de signer la renonciation nécessaire pour la mise en œuvre du deuxième règlement suggéré.

[9]               En mai 2014, le demandeur a vendu une maison qu’il avait rénovée. Comme le défendeur avait grevé sa propriété d’un privilège, tous les montants dus pour 1997 et 1998 ont été payés.

III.             Décision

[10]           Le 13 août 2013, après que les parties aient convenu qu’un réexamen serait entrepris, le demandeur a soumis une demande de deuxième palier pour l’allègement des intérêts. Comme ce fut le cas pour ses premières demandes, aucun document n’a été fourni pour appuyer les difficultés alléguées et aucune précision n’a été donnée concernant les retards allégués. Cette demande a abouti à la décision faisant l’objet du contrôle.

[11]           Les raisons suivantes ont été avancées à l’appui de la demande d’allègement des intérêts présentée par le demandeur :

                     des circonstances extraordinaires, notamment la fraude liée à l’abri fiscal complexe et élaborée qui a occasionné la dette fiscale et qui a supposément pris à l’ARC et aux tribunaux des années pour la découvrir et la comprendre;

                     de sérieuses difficultés financières pendant des années qui ont empêché le paiement de la dette fiscale;

                     le retard causé par l’ARC dont le demandeur prétend qu’il couvrait toute la période pendant laquelle les oppositions étaient en suspens en attendant l’issue des causes types.

[12]           La décision a annulé les frais d’intérêts pour 1997 comme ils avaient été annulés précédemment pour 1998 (voir le paragraphe 6 ci-dessus), mais aucun autre allègement n’a été accordé entre autres pour les raisons suivantes :

                     les documents d’appui démontrant les difficultés financières n’avaient pas été fournis;

                     aucun effort n’a été déployé pour faire des paiements volontaires ou conclure une entente de paiement;

                     les déclarations de revenus ont été produites en retard ou n’ont pas été produites,

                     les demandes de renseignements n’ont pas été répondues en temps opportun (il a fallu neuf mois au demandeur pour indiquer le montant qu’il avait réellement payé pour les œuvres d’art);

                     le demandeur a ignoré les lettres des services de la vérification;

                     les rapports de crédit montraient que sa maison était libre d’hypothèque, et par conséquent, il avait les ressources nécessaires pour faire des paiements;

                     il avait été avisé que les intérêts augmenteraient pendant que les oppositions étaient mises en attente;

                     il n’y avait pas d’autre retard attribuable à la direction des appels ou découlant des changements au niveau du personnel qui traitait son dossier.

[13]           La décision indique aussi à plusieurs reprises que le refus du demandeur d’accepter les offres de règlement de l’ARC était un facteur de rejet de sa demande d’allègement des intérêts.

IV.             Discussion et conclusion

[14]           Étant donné que les offres de règlement avaient été faites « Sous toutes réserves  », le demandeur avait le droit de voir sa demande d’allègement des intérêts examinée sans avoir égard à l’issue des discussions de règlement. À mon avis, le recours répété du défendeur à ses refus d’accepter le règlement a violé son droit à l’équité procédurale.

[15]           Comme aucune déférence n’est due dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande de contrôle judiciaire. La demande d’allègement des intérêts présentée par le demandeur pour les années 1997 et 1998 doit être examinée par un autre commissaire de la direction des appels sans tenir compte du fait que le demandeur a refusé d’accepter les offres de l’ARC pour régler sa dette fiscale de ces années.

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-451-16

 

INTITULÉ :

STUART MORRISON c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 OCTOBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Ian Iatzko

 

Pour le demandeur

 

Andrea Jackett

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DioGuardi Tax Law

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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