Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160825


Dossier : T-1440-14

Référence : 2016 CF 970

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2016

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

BAYER INC. ET

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

demanderesses

et

FRESENIUS KABI CANADA LTD. ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une requête déposée par la défenderesse, Fresenius Kabi Canada Ltd. [Fresenius], visant à ce que je réexamine mon jugement daté du 27 mai 2016, en vertu duquel la Cour a délivré une ordonnance d’interdiction, à la demande de Bayer Inc. et de Bayer Intellectual Property GmbH [Bayer], à l’égard d’un avis d’allégation signifié par Fresenius concernant le brevet canadien no 2 192 418 [le brevet 418].

[2]               Au moment de délivrer l’ordonnance d’interdiction, la Cour a mentionné ce qui suit au paragraphe 7 :

[traduction]
 [7]       [...] La question déterminante porte sur la suffisance de l’avis d’allégation : j’ai conclu que l’avis d’allégation était vicié, parce qu’il ne renfermait pas l’« énoncé détaillé du fondement juridique et factuel » de l’allégation d’absence de contrefaçon, lequel est exigé par la loi, à savoir le sous-alinéa 5(3)b)(ii) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement sur les MBAC). Si je n’avais pas conclu que l’avis d’allégation était vicié, j’aurais rejeté la demande de Bayer, puisque cette dernière n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’absence de contrefaçon n’étaient pas justifiées.

[3]               En résumé, Fresenius tente d’obtenir un réexamen parce qu’elle prétend que la mesure d’ordonnance d’interdiction va à l’encontre des motifs, et que les motifs ne tiennent pas compte des concessions consenties par Bayer dans sa plaidoirie. Fresenius soutient que la Cour a rendu une ordonnance d’interdiction au motif que l’avis d’allégation était insuffisant uniquement à l’égard de l’allégation d’absence de contrefaçon par importation, elle ajoute qu’une telle mesure va à l’encontre de la conclusion de la Cour selon laquelle l’allégation d’absence de contrefaçon simple contenue dans l’avis d’allégation constituait « l’essentiel de l’allégation de Fresenius » et, enfin, elle fait valoir que son allégation était justifiée. Fresenius conclut que l’affaire présente le type d’incohérence ou d’omission que la Cour est habilitée à corriger, en vertu de l’article 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Fresenius demande que la Cour exerce ce pouvoir afin de rendre l’ordonnance qu’elle aurait dû délivrer et de rejeter la présente demande.

[4]               Fresenius affirme que sa requête ne vise pas à modifier le fond des motifs donnés par la Cour, et elle demande que des changements soient apportés de manière à ce que la demande d’interdiction de Bayer soit rejetée, plutôt que d’être accueillie. Elle demande également que l’adjudication des dépens soit infirmée de manière à ce qu’ils soient accordés à Fresenius plutôt qu’à Bayer, tout comme dans la décision existante.

[5]               En revanche, Bayer soutient que Fresenius demande indûment à la Cour de réécrire ses motifs et d’infirmer son jugement. Bayer affirme que les motifs ne peuvent être réécrits et que le présent jugement ne peut être infirmé au moyen d’une requête en réexamen. En outre, Bayer fait valoir que le jugement était justifié par des motifs détaillés, lesquels coïncident parfaitement avec ce dernier.  Bayer soutient qu’aucune question n’a été oubliée ou involontairement omise. Par conséquent, Bayer affirme qu’un réexamen ne peut avoir lieu aux termes du paragraphe 397(1) des Règles.

[6]               Selon le paragraphe 397(1) des Règles, la Cour fédérale peut examiner de nouveau les modalités d’une ordonnance (notamment un jugement) seulement pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a)    l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier; ou

b)   une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

[7]               À mon avis, la demande de Fresenius voulant que la Cour infirme son jugement par des ajouts, des modifications ou des substitutions à ses dires outrepasse la mesure limitée prévue à l’article 397 des Règles, puisque le jugement concorde avec les motifs et qu’aucune question n’a été oubliée ou omise involontairement. Par conséquent, le paragraphe 397(1) des Règles ne peut être invoqué.

[8]               Dans ses motifs en date du 27 mai 2016, la Cour a conclu que l’avis d’allégation de Fresenius était vicié parce qu’il ne renfermait pas « l’énoncé détaillé du fondement juridique et factuel » de l’allégation d’absence de contrefaçon, lequel est exigé par la loi, à savoir le sous-alinéa 5(3)b)(ii) du Règlement sur les MBAC. Cette lacune a porté un coup fatal à la cause de Fresenius, lequel subsiste en dépit de la requête en réexamen présentée par Fresenius. Je n’ai fait état d’aucune loi lors de l’instruction, pas plus qu’à l’occasion de la présente requête en réexamen, donnant à penser qu’il pouvait être remédié à un avis d’allégation comportant une telle lacune. La conclusion précise que l’avis d’allégation de Fresenius comportait un vice de forme, tel qu’il est mentionné dans les motifs de la Cour au paragraphe 76 : [traduction] « [...] tranche la présente demande, le ministre de la Santé peut refuser de délivrer un avis de conformité lorsqu’un demandeur [...] a omis de se conformer à son obligation de déposer l’énoncé détaillé exigé en vertu du sous-alinéa 5(3)b)(ii) du Règlement sur les MBAC. Par conséquent, Bayer a droit à l’ordonnance d’interdiction qu’elle demande. »

[9]               En toute déférence, la présente requête consiste plutôt en une requête visant à faire valoir de nouveau sa position à l’égard de la demande. Toutefois, une requête en réexamen ne peut servir à cette fin. Les motifs et le jugement concordent, et je ne trouve pas d’erreurs dans leur rédaction. Plus précisément, je conclus maintenant, comme précédemment, que le jugement rendu exprime l’intention de la Cour. Il est du ressort de la Cour d’appel fédérale de déterminer s’il comporte une erreur, à l’occasion d’un appel.

[10]           Dans sa correspondance, Fresenius affirme qu’une requête en réexamen constitue un recours approprié, juste et plus rapide pour la remise en cause du jugement de la Cour. Bien qu’une requête en réexamen puisse être plus expéditive qu’un appel pour obtenir qu’un jugement ou une ordonnance soient annulés, je ne peux reconnaître, et cet argument n’a pas été invoqué bien qu’il soit le résultat d’une telle logique, que l’article 397 des Règles puisse remplacer les droits d’appel créés par la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

[11]           La Cour est dessaisie autrement qu’en conformité avec l’article 397 des Règles. Il est généralement admis et, en l’espèce, il n’est pas controversé entre les parties que l’article 397 des Règles ne peut être invoqué pour infirmer une ordonnance déjà rendue : South Yukon Forest Corporation c. Canada, 2006 CAF 34, aux paragraphes 39 et 40; Taker c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 83, aux paragraphes 4 et 5.

[12]           À mon humble avis, seule la Cour d’appel fédérale peut accorder à Fresenius la mesure qu’elle demande. À cet égard, je note que la requête en réexamen a été déposée le 3 juin 2016. Par la suite, Fresenius a effectivement déposé un avis d’appel à la Cour d’appel fédérale le 24 juin 2016. Fresenius a fait parvenir une lettre à la Cour déclarant que, dans le cas où elle obtiendrait un règlement définitif favorable à l’égard de sa requête en réexamen, son appel deviendrait théorique, et elle prendrait alors les mesures nécessaires pour s’en désister. Fresenius n’est aucunement lésée à l’égard de sa requête en réexamen en interjetant appel par la suite; je mentionne l’appel, puisqu’il s’agit pour Fresenius de la bonne marche à suivre, plutôt que de recourir à la présente requête en réexamen.

[13]           Il serait inapproprié de la part de la Cour d’approfondir les présents motifs rejetant la requête. Il s’agirait là d’un empiétement sur la compétence de la Cour d’appel fédérale de corriger des erreurs, si elle devait en trouver en l’espèce. Il serait inapproprié de ma part d’entendre l’examen de mes propres motifs, cela permettrait un moyen d’appel déguisé, contrairement à l’économie générale des Règles et de la Loi sur les Cours fédérales : Tucker c. Canada, 2001 CFPI 334, aux paragraphes 7 à 12. Si la Cour à tort en l’espèce, il appartient à l’instance d’appel d’en décider. Je mentionne également qu’il a été établi qu’une « question », pour l’application de l’alinéa 397(1)b) des Règles, est un élément de la mesure demandée, plutôt qu’un argument soulevé devant la Cour : Lee c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 867, aux paragraphes 3, 4 et 7.

[14]           En conséquence, la requête en réexamen est rejetée.

[15]           Les coûts devraient suivre l’issue de la cause. Par conséquent, les dépens de Bayer relativement à la présente requête lui seront remboursés par Fresenius. S’il y a lieu, les parties peuvent déposer, dans les 15 jours suivant la date du présent jugement, des observations écrites visant à obtenir d’autres directives concernant les dépens.


ORDONNANCE

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La présente requête en réexamen est rejetée.

2.                  Les dépens de Bayer relativement à la présente instance lui seront remboursés par Fresenius. S’il y a lieu, les parties peuvent déposer, dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance, des observations écrites visant à obtenir d’autres directives concernant les dépens.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1440-14

 

INTITULÉ :

BAYER INC. ET AL. c.

FRESENIUS KABI CANADA LTD. ET AL.

 

Requête écrite examinée à Ottawa (Ontario), sans comparution des parties

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 AOÛT 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Peter Wilcox

Mark Edward Davis

 

Pour les demanderesses

BAYER INC. ET

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

 

Tim Gilbert

Sana Halwani

Andrew Moeser

Zarya Cynader

Pour la défenderesse

FRESENIUS KABI CANADA LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

BAYER INC. ET

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

 

Gilbert’s LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse

FRESENIUS KABI CANADA LTD.

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.