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Date : 20160923


Dossier : T-2193-09

Référence : 2016 CF 1077

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

DAVID PIOT POUR SON PROPRE COMPTE ET À TITRE DE REPRÉSENTANT DEMANDEUR

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PHELAN

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’un recours collectif concernant une augmentation du loyer pour des lots de chalets situés dans les réserves de Sakimay et Shesheep, au lac Crooked, en Saskatchewan. En 2009, la Première Nation Sakimay [Sakimay] a augmenté le loyer des chalets appartenant au groupe représenté par le demandeur (qui désignera l’ensemble du recours collectif, à moins d’indication contraire) jusqu’à concurrence de 700 % pour chaque année de la prochaine période de location de cinq ans.

[2]               David Piot [M. Piot] est le représentant demandeur pour son propre compte et pour celui de tous les locataires qui sont partie à un bail résidentiel ou récréatif qui est entré en vigueur en 1991 [le bail de 1991 ou le bail] aux termes d’une ordonnance de certification de la Cour.

[3]               Le locateur est la défenderesse, bien qu’une grande partie des pouvoirs d’administration des terres, y compris les lots en cause, ont été en dévolus à Sakimay.

[4]               Le 11 octobre 2013, la juge Gleason a établi les questions communes suivantes :

(a)        La défenderesse était-elle contractuellement tenue de négocier avec les membres avant de fixer le montant du loyer ou avant d’envoyer les avis aux membres visés par le bail de 1991 pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014? Le cas échéant, s’agit‑il d’une obligation susceptible d’exécution?

(b)        Si notre Cour répond par l’affirmative à la question (a), la défenderesse avait-elle le droit de fixer unilatéralement le loyer sans que les négociations aient d’abord abouti à une impasse?

(c)        Si notre Cour répond par la négative à la question (b), les membres ont‑ils renoncé à leur droit de négocier en refusant de participer aux négociations ou autrement?

(d)       Si notre Cour répond par l’affirmative à la question (a) et par la négative aux questions (b) et (c), faut‑il tenir des négociations avant que la Cour fixe le montant du loyer, ou bien la Cour a-t-elle la compétence d’établir un tel montant, peu importe que les parties aient été légalement obligées de négocier?

(e)        Si la réponse à la question (d) est que les négociations ne sont pas nécessaires, ou que notre Cour a la compétence de fixer le montant du loyer, quelle est la méthode ou formule appropriée pour établir le montant du loyer du terrain pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 aux termes du bail de 1991?

(e.1)     Si la réponse à la question (d) est que notre Cour n’a pas la compétence de fixer le montant du loyer, quelle est la méthode ou formule appropriée pour établir le montant du loyer du terrain pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 aux termes du bail de 1991?

(f)        Quelle est l’application ou l’application à titre provisoire de la méthode ou de la formule appropriée à l’égard de chaque membre visé par le bail de 1991?

II.                Contexte factuel (certains faits ont été convenus par les parties)

[5]               Les propriétés louées par les locataires consistent en des lots individuels situés sur les rives du lac Crooked, ou à proximité de celles-ci, dans la vallée de la Qu’Appelle, dans le sud-est de la Saskatchewan. Les lots visés par le bail en cause sont situés du côté nord‑ouest du lac, dans la réserve indienne de Shesheep no 74A, et du côté sud‑ouest du lac, dans la réserve indienne de Sakimay no 74. Les terres situées du côté nord du lac Crooked sont pour la plupart des propriétés privées, contrairement aux lots se trouvant du côté sud du lac. La rive sud du lac Crooked est pratiquement inhabitée, à l’exception du lotissement de Grenfell Beach.

[6]               Sur la rive nord du lac Crooked, les lots sont pour la plupart loués, et il y a très peu de lots détenus en fief simple privé qui ne sont pas aménagés. La défenderesse, en sa qualité de locateur (par l’entremise de Sakimay), possède 265 lots à louer sur la rive nord, dont 194 lots sont loués depuis 1951. De ce nombre, 165 lots sont visés par le bail de 1991. Ces lots sont situés dans la réserve indienne de Shesheep no 74A et sont parfois appelés « Indian Point ». Depuis environ 37 ans, les propriétaires de chalet sont représentés par une association sans personnalité morale connue sous la dénomination de « Shesheep Cottage Owners Association » [SCOA].

[7]               Sur la rive sud du lac, 285 lots ont été subdivisés et sont offerts en location, dont 129 sont loués par la défenderesse à des locataires depuis 65 ans. De ces 129 lots, 124 sont soumis au bail de 1991. Ces lots situés dans la réserve indienne de Sakimay no 74A sont désignés par les propriétaires de chalet comme « Grenfell Beach ». Les locataires de lots situés sur la rive sud sont représentés depuis environ 29 ans par une association sans personnalité morale connue sous la dénomination de « Grenfell Beach Association » ou « Grenfell Beach Cottage Owners Association » [GBCA]. Un seul de ces locataires a choisi de se retirer du présent recours collectif.

[8]               C’est en 1951 que Sakimay a commencé à céder des parties des terres des réserves indiennes de Sakimay no 74 et de Shesheep no 74A à Sa Majesté la Reine du chef du Canada [Canada] pour être louées. Les cessions et désignations actuellement en vigueur expireront en 2024.

[9]               Bien que les baux aient été administrés par la défenderesse, elle a toutefois délégué certaines responsabilités administratives à Sakimay en 1995. Sakimay s’est acquittée de ces aspects de l’administration des baux par l’entremise de la Sakimay Land Authority.

À toutes fins utiles, et du point de vue du demandeur, Sakimay est le « locateur » et fait l’objet de très peu de supervision, le cas échéant, de la part du Canada.

[10]           À l’heure actuelle, deux versions du bail existent (toutes deux sont des baux standards établis par le gouvernement), la première étant en vigueur en 1980 [le bail de 1980] et la deuxième étant entrée en vigueur en 1991 [le bail de 1991]. Les deux baux comportent des dispositions prévoyant une révision du « loyer » tous les cinq (5) ans, mais emploient des méthodes différentes pour en fixer le montant.

[11]           Ce procès et les présents motifs portent sur le bail de 1991. Le bail de 1980 fait l’objet d’un procès qui a été instruit immédiatement après le présent procès, et la décision rendue subséquemment est publiée sous l’intitulé Schnurr v. Canada, 2016 FC 1079.

[12]           Aucune négociation n’a eu lieu avec les locataires concernant les conditions des baux de 1991. Le Canada a établi les baux actuellement en vigueur et le Canada ou Sakimay les a présentés aux locataires pour être signés en leur précisant que « c’était à prendre ou à laisser ».

[13]           Selon les conditions du bail de 1991, aucun service de quelque nature que ce soit n’est fourni par la défenderesse ou Sakimay, même au regard de l’infrastructure appartenant à la Bande. En contrepartie, les locataires ne paient aucune taxe ni aucuns frais d’entretien.

Dans le cours des choses, l’entretien de la propriété et de l’infrastructure de la défenderesse (dans sa forme actuelle) qui n’est occupée par aucun des locataires incombe aux locataires.

[14]           Les baux de 1991 arrivent à échéance aux dates suivantes :

a)                  14 baux prennent fin le 31 décembre 2018;

b)                  277 baux prennent fin le 31 décembre 2022.

[15]           Tous les baux de 1991 comportent des clauses semblables ou identiques en matière de révision de loyer.

[16]           La cession d’un bail en vigueur est subordonnée au contrat de bail, et plusieurs des membres du recours collectif détiennent leur droit par voie de cession.

[17]           Les baux prévoient une révision du loyer tous les cinq (5) ans. La dernière révision du loyer, avant celle faisant l’objet du présent recours, a eu lieu en 2005. Les valeurs foncières ont été établies selon la valeur des terres en fief simple situées en dehors de la réserve, sans tenir compte du « facteur applicable à une réserve indienne ».

[18]           Vu les points de discorde entre les deux experts en évaluation, il convient de noter qu’il faut remonter en 1989 pour la dernière application d’un taux de rendement dérivé du marché.

[19]           La clause essentielle du bail de 1991 est la clause 2.01 :

[traduction]
2.01     […] Le loyer annuel fera l’objet d’une révision tous les cinq (5) ans. Pour chacune des périodes de cinq (5) successives prévues aux présentes, le loyer sera établi par les parties aux présentes en consultation avec le conseil de bande de la Première Nation Sakimay au moins trente (30) jours avant le 1er janvier de la période de cinq (5) ans concernée et restera en vigueur pendant toute la durée de celle‑ci. Le locataire sera avisé par écrit, par courrier recommandé, de la fixation du loyer. Le loyer sera établi selon la juste valeur marchande du terrain. Si les parties aux présentes ne parviennent pas à s’entendre sur le montant du loyer pour une année donnée, le ministre fixera le montant du loyer à payer pour ladite année, sous réserve d’une décision définitive rendue par la Cour fédérale [sic], selon les voies de droit régulières. À la suite de la décision rendue par la Cour fédérale [sic], toute modification au loyer prendra la forme d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement.

[20]           Pendant l’année 2009, Sakimay a retenu les services de B.R. Gaffney & Associates Ltd. [Gaffney], un cabinet d’évaluation dont le siège social est situé en Saskatchewan, afin qu’il procède à l’évaluation de tous les lots. Comme je l’ai déjà indiqué et démontrerai ci-dessous, ce cabinet recommandait à l’issue de son évaluation une augmentation importante du loyer pour les locataires visés par le bail de 1991 (tout comme pour les locataires du bail de 1980).

[21]           Sakimay avait déjà fait appel à Gaffney pour la réalisation de ces évaluations lors de plusieurs périodes de location de cinq (5) ans. Bien que les divers rapports aient été déposés en preuve, aucun employé de Gaffney, pas même M. Clements qui a réalisé l’évaluation de 2009, n’a été appelé à témoigner au sujet de cette évaluation. La défenderesse n’a pas tenté de démontrer que l’évaluation représentait la juste valeur marchande. En l’espèce, elle s’est plutôt appuyée sur l’évaluation de son expert, M. Duncan Bell.

[22]           L’historique de la fixation du loyer depuis 1980 est présenté dans la pièce 57 du recueil conjoint de documents comme suit :

                     de 1980 à 1984 : le montant du loyer avait été fixé selon une évaluation réalisée par des évaluateurs de l’État;

                     de 1985 à 1989 : le montant du loyer est calculé en fonction d’une augmentation générale de 15 % établie par le chef et le conseil de la Première Nation Sakimay sans aucune évaluation;

                     de 1990 à 1994 : le montant du loyer s’appuyait sur une évaluation réalisée par Gaffney;

                     de 1995 à 1999 : le montant du loyer connaissait une augmentation de 5 % établie par le chef et le conseil de la Première Nation Sakimay sans aucune évaluation;

                     de 2000 à 2004 : le montant du loyer était fondé sur une évaluation réalisée par Gaffney et toute augmentation du loyer avait été adoptée par le chef et le conseil de la Première Nation Sakimay; néanmoins, si une diminution du loyer était recommandée à l’issue de l’évaluation, le montant du loyer stagnait au niveau de 1999;

                     de 2004 à 2009 : le montant du loyer était fixé selon une évaluation réalisée par Gaffney sans considérer une quelconque diminution du loyer; dans ce cas, le montant du loyer resterait le même qu’au cours de la période de cinq (5) ans précédente;

                     de 2009 à 2014 : le montant du loyer s’appuyait sur l’évaluation réalisée par Gaffney.

[23]           En dépit de l’obligation prévue dans le bail voulant que le montant du loyer soit fixé selon la juste valeur marchande, Sakimay a refusé d’appliquer toute diminution, même si l’évaluation la justifiait.

[24]           Le 8 octobre 2009, en vertu d’une résolution du conseil de bande, Sakimay a fixé le montant du loyer pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014, sans l’intervention des locataires ou de leurs associations respectives.

[25]           Comme l’a indiqué la résolution du conseil de bande, la révision du loyer reposait sur une évaluation de Gaffney réalisée le 30 juin 2009, auquel on a ajouté un taux de rendement rajusté de 7,5 % sur les valeurs courantes de la propriété à bail.

[26]           Comme il est indiqué plus loin, l’avocat du demandeur a tenté, en novembre 2009, d’inciter la défenderesse ou Sakimay à prendre part à ce qu’il a décrit comme étant une [traduction] « négociation du montant du loyer ». Une rencontre était prévue le 26 novembre 2009 dans l’intention manifeste de discuter du nouveau loyer, mais le représentant du demandeur a annulé la rencontre sans fournir d’explication.

[27]           Le 1er décembre 2009 (soit 30 jours avant la prise d’effet du nouveau loyer), le demandeur et la défenderesse ou Sakimay n’avaient pas trouvé d’accord en ce qui concerne le nouveau montant du loyer.

[28]           Pour comprendre toute la portée de l’augmentation, un tableau (approuvé par les parties) a été dressé précisant s’il s’agit d’un lot riverain ou non riverain (c’est un fait reconnu qu’il existe une différence entre la valeur des lots en bordure du lac et celle des autres lots), les frais à l’acquisition, le montant du loyer pour les années 2008 et 2009, le loyer contesté fixé par Sakimay pour les années 2010 à 2014, et une indication si, depuis l’entrée en vigueur du bail, une unité d’habitation a été construite ou installée sur le lot concerné :

Réserve indienne de Sakimay no 74

Locataire

Lot

(Non riverain = NR

Riverain = R)

Frais à l’acquisition

Montant du loyer en 2008 et 2009

Montant du loyer en 2010

Aménagé (Oui/Non)

Cheri Chartier

159 NR

2 000 $

366 $

1 998 $

Oui

Wendy Maksymchuk

171 NR

2 000 $

350 $

1 890 $

Non

Dwayne et Paula Leonard

262 NR

2 000 $

307 $

1 674 $

Oui

Warren Emke

267 R

Inconnu

Inconnu

5 346 $

Non

Devan Sperlie

153 NR

2 000 $

297 $

1 620 $

Non

Réserve indienne de Shesheep no 74A

Locataire

Lot

(Non riverain = NR

Riverain = R)

Frais à l’acquisition

Montant du loyer en 2008 et 2009

Montant du loyer en 2010

Aménagé (Oui/Non)

Marjorie A. Frank

99-18 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Oui

Raymie Reese

99-20 NR

1 500 $

351 $

1 755 $

Oui

Garnet et Shawna Gettel

222 NR

2 000 $

268 $

1 677 $

Oui

Darcy et Wendy Gettel

221 NR

2 000 $

238 $

1 490 $

Oui

Terry Threlfell

223

2 000 $

328 $

2 052 $

Non

David Gerhardt

99-22 NR

2 000 $

319 $

1 593 $

Oui

Curt Novak

172 R

10 000 $

556 $

3 475 $

Oui

Denis et Celine Ottenbreit

173 R

10 000 $

556 $

3 475 $

Oui

Kevin Selland et Brandi Ottenbreit

174 R

10 000 $

573 $

3 580 $

Oui

Harry Urzada

241 R

10 000 $

1 511 $

9 445 $

Oui

Shane Ottenbreit et Jackie Ottenbreit

242 R

10 000 $

1 625 $

10 157 $

Oui

Sandra Stradcski

224 NR

2 000 $

298 $

1 863 $

Oui

Angela Pinay

247 R

10 000 $

1 118 $

6 986 $

Oui

Ken et Heather Neuls

248 R

10 000 $

1 118 $

6 986 $

Oui

Brian et Jean Petracek

249 R

10 000 $

1 084 $

6 772 $

Oui

Dallas Davidson

99-23 NR

2 000 $

281 $

1 404 $

Oui

Lori Dale Kurtz

245 R

10 000 $

1 133 $

7 079 $

Oui

Cindy Street et Marco Ricci

130 R

10 000 $

727 $

4 544 $

Non

Mark Bell

142 NR

3 000 $

784 $

4 704 $

Non

Kelly Sanhiem

143 NR

3 000 $

[vide]

4 776 $

Non

Angela et Trevor Gordon

129 R

10 000 $

727 $

4 544 $

Non

Brandy Ramstad et Bo Hallborg

158 NR

1 500 $

426 $

2 129 $

Non

Shantelle Arsenault

123 R

3 000 $

757 $

4 556 $

Non

Lynn Torlen

99-19 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Non

Brett Herbert

120 NR

2 000 $

306 $

1 539 $

Non

Melissa Herbert

121 NR

2 000 $

356 $

1 782 $

Non

Scott Miller

99-21 NR

2 000 $

319 $

1 593 $

Non

Tracy et Joseph Santos

122 R

6 000 $

869 $

5 216 $

Non

Chris Miller

99-28 NR

2 000 $

445 $

2 214 $

Non

Lawnie et Michael Skrypnyk

99-16 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Non

Kyle Conrad

99-17 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Non

Lindsay et Miranda Orosz

99-24 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Non

Drew Orosz

117 NR

2 000 $

373 $

1 863 $

Non

Michael Orosz

119 NR

2 000 $

335 $

1 674 $

Non

Randolph Johnston

114 NR

2 000 $

409 $

2 043 $

Non

Michael Waschuk

219 NR

2 000 $

298 $

1 400 $

Non

Kristen Ryan

220 NR

2 000 $

298 $

1 490 $

Non

Holly Orosz

99-25 NR

2 000 $

351 $

1 755 $

Non

Scott Miller

113 NR

2 000 $

386 $

1 928 $

Non

Tim et Sherrie Stoll

243 R

10 000 $

1 312 $

8 197 $

Non

Trevor Sanftleben

246 R

10 000 $

1 118 $

6 986 $

Non

Kimberley Powers

244 R

10 000 $

1 148 $

7 173 $

Oui

[29]           Dans ce contexte, le demandeur soutient que la défenderesse n’avait pas l’autorité nécessaire pour fixer le montant du loyer pour la période de cinq (5) ans comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 sans [traduction] « la tenue de négociations de bonne foi, même si celles‑ci devaient échouer ».

[30]           En l’absence d’une telle condition préalable, le demandeur avance que le ministre (ni Sakimay agissant en son nom en vertu de pouvoirs délégués) n’avait pas l’autorité nécessaire pour fixer le montant du loyer. En conséquence, les avis de loyer sont invalides, et le montant du loyer doit demeurer identique au montant précédent.

Le demandeur fait également valoir que notre Cour n’a pas la compétence de fixer le montant, mais demande à celle‑ci d’établir un montant provisoire dans l’éventualité d’un appel et de retenir, pour ce faire, la méthode proposée par son expert, Steven Thair.

[31]           Selon la défenderesse, elle n’était pas tenue de négocier le loyer – la clause n’équivalant tout au plus qu’à un [traduction] « engagement à conclure un accord ». Elle soutient par ailleurs que les locataires, par leurs actes, ont renoncé à tout droit à la négociation. Enfin, si notre Cour a la compétence de fixer le montant du loyer, elle devrait, à cette fin, adopter la méthode proposée par son expert, Duncan Bell.

III.             LES QUESTIONS EN LITIGE

[32]           Les questions communes auxquelles notre Cour doit répondre ont été énoncées par la juge Gleason et sont reproduites au paragraphe 4 de la présente décision.

[33]           Les questions soulevées par le demandeur peuvent être présentées comme suit :

                     Quelles obligations prévues dans la clause 2.01 ont préséance sur le droit du ministre de fixer le loyer en vertu du bail de 1991?

                     La clause 2.01, et plus particulièrement la condition ayant préséance sur le droit du ministre de fixer le loyer, constitue-t-elle un engagement à conclure un accord et, le cas échéant, doit‑elle être déclarée nulle pour cause d’imprécision?

                     Les locataires ont‑ils renoncé à un quelconque droit ayant préséance sur celui du ministre de fixer le montant du loyer?

                     Les avis de loyer sont‑ils nuls?

                     Quelle méthode de fixation du montant du loyer la Cour devrait‑elle appliquer (supposant qu’elle dispose de cette compétence)?

A.                Les obligations prévues à la clause 2.01

[34]           L’interprétation d’un contrat est objective par nature et consiste à se demander quelle signification une personne raisonnable aurait donnée aux mots et expressions.

[35]           En s’acquittant de cette tâche, la Cour présume que les parties savaient ce qu’elles disaient et ont tenu compte du contexte dans lequel les termes ont été utilisés à deux égards :

                     Le contexte du document dans son intégralité, comme il est reconnu dans l’arrêt Eco-Zone Engineering Ltd c. Grand Falls–Windsor (Town), 2000 NFCA 21, au paragraphe 7, 103 A.C.W.S. (3d) 722, où la Cour a affirmé que [traduction] « […] rarement est-il réellement possible d’interpréter un document sans avoir aucune connaissance du contexte […] »;

                     la matrice factuelle ou les circonstances. Cet arrêt doit également être examiné objectivement et ne devrait servir qu’à clarifier les intentions des parties énoncées dans le contrat.

[36]           Le principe de base veut qu’à moins d’une ambiguïté dans l’interprétation des termes utilisés dans le contrat après avoir mentionné le contexte des documents et les circonstances, il convienne d’utiliser le sens ordinaire des mots. Ce n’est que si une ambiguïté persiste quant à la signification des termes, ou si les termes sont contradictoires ou ont plusieurs significations que la Cour peut recourir aux règles d’interprétation pour interpréter un contrat.

[37]           La Cour suprême, dans l’arrêt Eli Lilly & Co c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, au paragraphe 55, 161 DLR (4th) 1, a confirmé le principe selon lequel il n’est pas nécessaire de prendre en considération quelque preuve extrinsèque que ce soit lorsque le langage utilisé par les parties est, « à première vue, clair et sans ambiguïté ».

[38]           Cet arrêt s’est penché sur la manière dont on peut résoudre une telle ambiguïté en faisant sien l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale :

41        […] tout examen de la question de savoir si cette interprétation favoriserait un « résultat commercial raisonnable » ne doit occuper qu’une « troisième place », derrière la « première » règle d’interprétation -- l’analyse objective des termes utilisés par les parties -- et l’application de la règle contra proferentem, qui consiste à interpréter toute ambiguïté d’un texte au détriment de la partie qui l’a rédigé. [...]

[39]           La règle contra proferentem s’applique en l’espèce puisque les baux constituaient une forme de contrat d’adhésion où en cas d’ambiguïté, le contrat doit être interprété contre son auteur.

[40]           Le principe voulant que dans des circonstances particulières, une cour puisse, pour interpréter les conditions du contrat, entendre la preuve concernant les actes subséquents des parties contractantes est également pertinent à la présente affaire. L’examen des actes des parties après la conclusion du contrat peut être utile en cas d’ambiguïté du contrat.

[41]           La Cour a rappelé cette règle dès l’arrêt Adolph Lumber Co c. Meadow Creek Lumber Co (1919), 58 R.C.S. 306 [Adolph Lumber]. Dans cette affaire, la Cour a conclu que lorsqu’il est impossible de remonter au sens exact que voulaient donner les parties aux termes utilisés, elle avait [traduction] « le droit et le devoir, au vu du comportement subséquent des parties qui témoigne de l’interprétation qu’elles‑mêmes font du contrat, d’adopter et d’appliquer cette même interprétation comme étant la bonne » (au paragraphe 307).

Le principe établi dans l’arrêt Adolph Lumber a été appliqué plus récemment dans l’arrêt Arthur Andersen Inc c. Toronto Dominion Bank (1994), 17 O.R. (3d) 363 (Ont CA), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1994] 3 R.C.S. v.

[42]           En ce qui concerne le mécanisme prévu par la clause 2.01, il n’a rien de particulièrement unique et sa structure générale n’est pas difficile à comprendre. Dans la décision St-Martin c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1998] A.C.F. no 1031, 81 A.C.W.S. (3d) 529 [St-Martin], inf. par 2001 CAF 205 pour d’autres motifs (l’appel portait sur la preuve relative à l’évaluation et non l’interprétation du contrat faite par le juge en chef adjoint Richard [alors juge]), la Cour examinait une stipulation libellée de façon semblable (sans être identique). Les deux parties invoquent cette affaire en l’espèce, mais pour des raisons différentes.

[43]           Le juge Richard y décrit le processus visant à fixer le loyer de la manière suivante :

[42]      Le bail envisage que les parties essayeront de s’entendre sur le loyer courant avant la période de sept ans. C’est seulement dans le cas où elles ne pourront pas s’entendre que le ministre le fixera. C’est seulement dans le cas où le locataire n’est pas d’accord avec le loyer fixé par le ministre que l’affaire peut être renvoyée à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada. Dans l’intervalle, le preneur à bail doit continuer de payer le prix de location annuel fixé par le ministre.

[44]           Le demandeur affirme que la dernière phrase de l’extrait ci‑dessus est une remarque incidente et que le juge Richard ne disposait pas de la jurisprudence citée par le demandeur dans son mémoire. Je ne suis pas de cet avis. Rien n’indique qu’il s’agit d’une remarque incidente. Le juge Richard y décrit simplement comment le mécanisme s’articulait, notamment en ce qui concerne le paiement.

[45]           S’il s’agissait d’une remarque incidente, je la fais mienne, car elle est plus conforme au libellé de la clause en cause que l’idée que les locataires pourraient différer le paiement de leur loyer pendant des années, le temps que le litige soit entendu par la Cour. Les profits tirés de ces terres appartiennent à Sakimay et à la défenderesse et, en l’absence d’une disposition indiquant que le paiement du nouveau loyer est suspendu, le loyer fixé par le ministre s’applique jusqu’à ce que notre Cour en décide autrement.

[46]           En l’espèce, je conclus que la clause 2.01 est ambiguë quant à la signification et à l’application des conditions préalables à l’exercice de la fixation du loyer par le ministre. Il est impossible de dire au juste comment les parties elles‑mêmes vont fixer le montant du loyer.

[47]           L’ambiguïté dans la clause 2.01 découle de son absence de détails sur la manière dont se déroulera le processus de fixation du loyer. Il est superflu d’exiger que le locataire soit avisé par courrier d’une fixation de loyer pour laquelle il a participé activement à sa négociation.

[48]           Il est d’autant plus difficile d’appliquer la clause 2.01 lorsque l’on prend en considération le décret C.P. 1995 - 1832, qui délègue effectivement à Sakimay les responsabilités de la gestion, notamment la fixation du loyer initial. Ce décret modifiait la dynamique d’un processus tripartite, impliquant le ministre, pour en faire un processus bilatéral mettant Sakimay au centre et au cœur et ne laissant au ministre qu’un pouvoir résiduel et particulier de fixer le loyer en cas de litige. Le bail a donc été modifié de plein droit, et tant Sakimay que le demandeur sont régis par cette législation déléguée.

[49]           Par conséquent, je conclus qu’il est impossible de dire au juste comment ce processus était mené.

[50]           Le processus exige que le loyer initial soit fixé 30 jours avant le début de la prochaine période de cinq ans, mais aucun délai n’est indiqué en ce qui concerne les échanges entre Sakimay et les locataires. Nulle part dans le contrat il n’est fait mention du type de négociation que le demandeur a demandé en novembre 2009 impliquant des compromis, la divulgation de documents et des négociations, ce que le demandeur a décrit comme étant des [traduction] « négociations jusqu’à l’épuisement ».

[51]           En présence d’une ambiguïté de la sorte, il y a lieu pour la Cour de prendre en considération le comportement des parties après la conclusion du contrat, conformément à l’arrêt Adolph Lumber.

[52]           La preuve démontre qu’entre 1991 et 2009, le processus de fixation du loyer s’est effectué sans aucune forme de discussion ou de négociation. En somme, la défenderesse/Sakimay a retenu les services d’un évaluateur et a établi un loyer aux locataires, ce qui mettait fin au processus puisque celui‑ci ne soulevait aucune contestation.

[53]           J’en conclus donc que les parties acceptaient que le loyer soit établi par Sakimay elle-même. Les locataires n’ont jamais agi comme si la fixation du loyer nécessitait leur participation.

Ce processus de fixation initiale du loyer est une tout autre question et soulève des questions de renonciation et de préclusion.

B.                 L’obligation de négocier

[54]           Comme je l’expliquerai plus loin, bien que le comportement des parties démontre que la « fixation » initiale du loyer relevait davantage d’un processus unilatéral que bilatéral, rien dans la preuve n’indique que les locataires avaient renoncé à leur droit de participer au processus ou de discuter avec le locateur de bonne foi avant que le loyer soit définitivement fixé le 1er décembre de l’année en question.

[55]           La question en litige en l’espèce est celle du droit des locataires. Le bail est muet au sujet de ce processus et ne confère aucun droit particulier à ce type de négociation évoqué dans les lettres du 17 novembre 2009 de l’avocat des locataires où il demandait la présentation de certains documents et faisait véritablement valoir la thèse (au moins devant notre Cour) selon laquelle les locataires avaient un droit à la négociation jusqu’à [traduction] « l’épuisement » – sans doute de l’objet des négociations, et non de celui des locataires.

[56]           Le demandeur a qualifié les négociations [traduction] « de bonne foi » s’apparentant à « l’obligation de consulter » que l’on retrouve dans les relations entre l’État et les Premières Nations. Ni le libellé du bail, ni les attentes initiales, ni le comportement antérieur des parties n’évoquent une obligation d’aussi haut niveau.

[57]           Rien n’indique non plus que Sakimay est tenue d’adhérer à la thèse des locataires ou même d’y répondre. On pourrait toutefois s’attendre raisonnablement de sa part qu’elle prête, à tout le moins, une oreille attentive aux préoccupations des locataires.

[58]           À cet égard, Arlene Antel, membre de la SCOA, a envoyé un courriel à Sakimay le 3 novembre 2009 pour demander la tenue d’une rencontre avec le chef et le conseil concernant une augmentation importante de leurs « frais de bail ». Les parties se sont finalement entendues pour tenir la rencontre le 26 novembre 2009.

[59]           Le 5 novembre 2009 (deux jours après la demande de rencontre de la SCOA), Sakimay a informé la GBCA que le chef et le conseil souhaitaient rencontrer ses représentants le 25 novembre 2009 (la veille de la rencontre avec la SCOA).

[60]           Dans l’intervalle, la SCOA a retenu les services d’un avocat. Le 17 novembre 2009, l’avocat a écrit au ministre, au bureau régional du Ministère en Saskatchewan et à la Sakimay Land Authority afin de leur faire part de sa volonté à négocier la fixation du montant du loyer ou à en discuter. Dans cette lettre, l’avocat demandait que lui soient communiqués la méthode qui avait été employée pour fixer le loyer des trois (3) périodes précédentes de cinq ans, tous les documents justificatifs ainsi que l’ensemble des documents de travail et autres documents pertinents à la fixation du loyer pour la période commençant le 1er janvier 2010. Il demandait à recevoir le tout au plus tard dix (10) jours après la date de la lettre.

[61]           Aucun document n’a été fourni avant que la présente instance.

[62]           Le 20 novembre 2009, la SCOA a écrit à Sakimay pour l’informer qu’elle n’assisterait pas à la rencontre du 26 novembre 2009, citant [traduction] « des raisons imprévues ».

[63]           Quant à la GBCA, bien qu’elle ait tout d’abord indiqué à Sakimay que David Piot assisterait à la réunion du 25 novembre 2009, elle lui a fait savoir la veille de la rencontre qu’il ne serait finalement pas présent.

[64]           M. Piot a témoigné qu’il ne voulait pas assister seul à la rencontre et que celle‑ci n’avait rien à voir avec l’augmentation du loyer. Or, la preuve d’Elizabeth Parley démontre qu’elle avait discuté de l’augmentation du loyer avec M. Piot au début du mois de novembre.

[65]           Au vu du nombre relativement restreint de locataires concernés par l’augmentation du loyer, de l’importance de cette augmentation, de la préoccupation évidente des deux associations et du fait que M. Piot était de toute évidence au fait de l’augmentation de loyer, je conclus que sa mémoire fait défaut en ce qui a trait à l’objet de la rencontre prévue le 25 novembre 2009.

[66]           M. Piot savait, tout comme la GBCA savait (ou aurait dû savoir), que la rencontre du 25 novembre avait pour but de discuter de l’augmentation du loyer. Admettre moins que cela serait de l’aveuglement volontaire.

[67]           Les associations respectives ont annulé les rencontres demandées avec Sakimay sans fournir d’explication ou de justification. Le fait que l’avocat avait fixé une date butoir à la « production des documents » qui était ultérieure à la rencontre prévue ne constitue pas une raison d’annuler la rencontre et a toutes les apparences d’une date butoir factice.

[68]           J’en conclus que les locataires ont refusé d’exercer quelconques droits dont ils disposaient de « négocier » ou de « discuter » le montant du loyer avant son échéance.

[69]           Le bail ne contient aucune stipulation, implicite ou explicite, qui appuie les demandes relatives à la production de documents de la part du demandeur, et l’omission, par l’autre partie, de se plier à ces demandes ne justifie pas l’annulation de l’une ou l’autre des rencontres prévues avec Sakimay.

C.                 L’engagement de conclure un accord

[70]           La défenderesse soutient que la clause 2.01 n’est rien de plus qu’un [traduction] « engagement de conclure un accord ». Il en ressort une disposition au libellé vague et imprécis n’ayant aucune force exécutoire.

[71]           Il est difficile de concevoir que la défenderesse, en sa qualité d’auteur du bail, cherche aujourd’hui à faire valoir qu’elle n’a jamais voulu créer des droits susceptibles d’exécution. Il s’agit d’un cas justifiant l’application de la règle contra proferendum. La défenderesse ne peut tirer profit du « vice de forme » qu’elle a elle‑même créé.

[72]           Plus important encore, il ne s’agit pas d’un « engagement de conclure un accord », mais plutôt d’une clause d’arbitrage sur le loyer établissant en des termes clairs et sans équivoque le cadre dans lequel le loyer peut être fixé.

[73]           Je suis d’accord avec le demandeur que les deux arrêts de principe à cet égard sont Empress Towers Ltd c. Bank of Nova Scotia (1990), 73 D.L.R. (4th) 400 (BC CA) [Empress] et Mannpar Enterprises Ltd c. Canada, 1999 BCCA 239, 173 D.L.R. (4th) 243.

[74]           Dans l’arrêt Empress, le bail prévoyait un renouvellement en fonction des loyers en vigueur sur le marché convenus entre le locateur et le locataire. En cas de désaccord en ce qui concerne les loyers en vigueur sur le marché, le bail prendrait fin.

[75]           Bien que la clause de renouvellement diffère de celle en litige en l’espèce, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a décrit trois catégories de renouvellement de bail :

a)                  La première catégorie regroupe les baux où le loyer est simplement [traduction] « à convenir ». En règle générale, cette clause est nulle pour cause d’imprécision;

b)                  La deuxième catégorie regroupe les baux pour lesquels le loyer sera fixé à l’aide d’une formule établie, mais aucun instrument n’est fourni pour appliquer la formule servant à calculer le montant du loyer. Dans ce genre d’affaires, les tribunaux fourniront l’instrument et concluront que les obligations contractuelles sont inexécutables;

c)                  La troisième catégorie regroupe les baux dans lesquels la formule est énoncée, mais défaillante, et l’instrument permettant d’appliquer la formule servant à calculer le montant du loyer. Dans ces affaires, il est possible d’utiliser l’instrument fourni pour corriger le défaut dans la formule. Ces cas seront considérés avoir des obligations contractuelles susceptibles d’exécution.

[76]           Dans l’arrêt Empress, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a conclu qu’il y a une obligation implicite de négocier de bonne foi lorsque l’incapacité des parties à s’entendre donne lieu à un droit de résiliation.

[77]           Cette affaire est un parfait exemple que la nature du processus peut dicter la nature du droit. L’obligation implicite de négocier de bonne foi et ce qu’elle suppose exactement dépendront de la conséquence ultime d’une incapacité des parties à s’entendre. Dans les cas où un arbitre tiers doit trancher à la suite d’une impasse dans une négociation, il est raisonnable de conclure que la nature des négociations peut être moins restrictive que lorsqu’une telle impasse risque de mener à une résiliation, en partie parce que les tribunaux cherchent à donner plein effet à un bail qui est prévu se poursuivre.

[78]           Notre Cour a été saisie de nombreuses affaires dans lesquelles elle a agi comme l’arbitre dans les révisions de loyer. L’affaire St.-Martin en est un exemple.

[79]           La clause 2.01 contient tous les éléments nécessaires à une disposition ayant force exécutoire et n’est pas uniquement un « engagement de conclure un accord ».

[80]           À mon avis, les éléments essentiels d’une formule – laquelle doit comporter une base de loyer (juste valeur marchande) et un instrument (fixation du loyer par le ministre subordonnée à l’approbation de la Cour) – sont ce qui donne à la clause 2.01 tout son poids juridique.

[81]           Le demandeur a péché par excès lors de la première étape (discussion/négociation), ce qui mène à un résultat déraisonnable et inattendu.

[82]           Selon le demandeur, un vice de forme à la première étape (qui a malgré tout donné lieu à un désaccord sur le loyer) empêche de procéder à la deuxième et à la troisième étape. Il en résulte que Sakimay est privée, pour la prochaine période de cinq ans, du bénéfice d’un « loyer courant ». Je ne vois rien dans la preuve qui indique que c’était là le but visé, et le libellé fort simple de la clause 2.01 n’incite pas à tirer cette conclusion.

D.                La renonciation

[83]           Comme je l’ai mentionné plus tôt, la renonciation (ou, à tout le moins, la préclusion) peut survenir dans deux circonstances :

                     avant 2009, les parties avaient coutume de négocier ou de discuter du nouveau loyer avant que celui-ci soit fixé par le ministre;

                     les locataires ont perdu leur droit de négocier lorsqu’ils ont unilatéralement annulé les rencontres prévues avec Sakimay à la fin de novembre 2009.

[84]           Les deux parties invoquent l’arrêt Saskatchewan River Bungalows Ltd c. La Maritime, Compagnie d’assurance-vie, [1994] 2 R.C.S. 490, 115 DLR (4th) 478. Dans cette affaire, la Cour a soulevé deux points, qui s’appliquent en l’espèce :

                     il y a renonciation lorsqu’une partie à un contrat ou à une instance agit de façon à ne pas se prévaloir d’un droit ou d’un vice dont elle connaît l’existence en ce qui concerne l’exécution d’une obligation par l’autre partie;

                     il n’existe pas de règle rigide pour déterminer ce qui peut ou ne peut pas constituer une renonciation; elle peut être exprimée de façon formelle ou informelle ou être inférée du comportement. Elle peut également se présenter sous une intention claire et consciente de renoncer à son droit.

[85]           Le demandeur, dans son argumentation, fait valoir que les locataires sont nombreux à ne jamais lire le bail (bon nombre d’entre eux étant partie au bail original par voie de cession). Le demandeur soutient que les locataires n’ont pas pu renoncer à leur droit à la négociation puisqu’ils ignoraient qu’ils avaient un tel droit.

[86]           La prétention d’ignorance de ses droits va à l’encontre du droit et de l’obligation d’une personne de connaître la loi et fait fi de la manière dont les tentatives infructueuses antérieures pour se prévaloir de tels droits peuvent être interprétées ou comprises par l’autre partie.

[87]           Dans les circonstances actuelles, les locataires ont, par leur comportement, renoncé à leur droit à une fixation bilatérale du loyer, laissant cela à Sakimay.

[88]           Toutefois, comme l’a admis Sakimay, les locataires n’ont pas renoncé au droit de discuter du montant du loyer proposé. Sakimay a accepté de rencontrer les deux associations de locataires pour discuter du montant du loyer. Il est manifeste que Sakimay croyait que les locataires avaient, dans une certaine mesure, un mot à dire dans ce processus.

[89]           Le coup de grâce porté à la thèse du demandeur est l’annulation, par les deux associations, de la rencontre avec Sakimay. Ce faisant, les locataires ont renoncé à tout vice dans le processus et se sont exposés à une imposition du loyer pour laquelle leur seul recours était désormais leur droit de porter l’affaire devant notre Cour.

[90]           En résumé, je conclus que les conditions préalables permettant d’établir la compétence de notre Cour pour trancher la question du montant du loyer sont remplies.

Compte tenu du litige que soulève le loyer, il reste à déterminer la méthode qui sera utilisée pour en fixer le montant.

E.                 La méthode appropriée

[91]           Ayant conclu que la Cour fédérale avait la compétence de fixer définitivement le loyer, notre Cour est tenue de répondre à la question suivante : quelle méthode ou formule convient‑il d’utiliser pour fixer le loyer applicable aux terrains visés pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 aux termes du bail de 1991?

[92]           Il s’agit donc essentiellement de choisir lequel des rapports des deux évaluateurs experts notre Cour retiendra. La défenderesse a consacré une bonne partie de son argumentation à tenter de convaincre notre Cour de se pencher sur les détails contenus dans chaque rapport et, à l’occasion et lorsqu’elle le jugeait nécessaire, d’adopter le point de vue de son expert ou de substituer sa propre opinion pour conclure différemment sur des questions précises.

[93]           Il ne s’agit pas d’un cas où notre Cour devrait, ou pourrait, s’ingérer à ce point. La Cour n’est pas en mesure, en partie parce qu’elle ne possède pas l’expertise nécessaire, de se prononcer sur un facteur d’évaluation précis, comme, par exemple, quel devrait être le facteur à appliquer aux réserves indiennes.

Les questions de cette nature doivent faire l’objet de rapports d’expert et donnent lieu à une conclusion de fait une fois que la Cour a choisi l’opinion qu’elle privilégiera entre les deux.

[94]           L’expert principal du demandeur était Steven Thair [M. Thair], un évaluateur qui exerce en Saskatchewan. Il enseigne également les méthodes d’évaluation et intervient dans la certification ou l’homologation d’autres évaluateurs se portant candidats.

[95]           M. Thair possède une vaste expérience de l’évaluation immobilière en Saskatchewan, et son expérience s’étend aux propriétés récréatives. Malgré son inexpérience des terres autochtones et des terres se trouvant dans une réserve, il a abordé cette mission comme il l’aurait fait pour une propriété dont les caractéristiques ne sont pas entièrement déterminées par les forces du marché. Par conséquent, il s’estimait en mesure d’évaluer le montant d’un escompte qui serait appliqué à des terrains situés dans une réserve [facteur applicable à une réserve indienne].

[96]           Larry Dybvig [M. Dybvig] était un deuxième expert cité à comparaître essentiellement dans le but de réfuter le rapport présenté par l’expert de la défenderesse, Duncan Bell [M. Bell]. Son expérience comprend l’enseignement aux évaluateurs et l’établissement des normes de l’Institut canadien des évaluateurs.

[97]           La Cour n’a pas jugé utiles les critiques concernant le professionnalisme des experts (des deux côtés, mais plus particulièrement du côté du demandeur). Je passe outre à « l’échange d’insultes » auquel se sont livrées les deux parties et ne peux conclure que l’un ou l’autre des évaluateurs a communiqué des renseignements inexacts ou a manqué de professionnalisme, ni qu’il a subi le contrecoup de toute autre critique, implicite ou explicite, relativement à sa conduite professionnelle dans le cadre de son travail.

[98]           Je penche plus en faveur du témoignage de M. Thair que de celui de M. Bell en raison de la conviction, de la persuasion, de la constance, du raisonnement et de la connaissance des propriétés visées par le bail dont il a fait preuve. J’ai également tenu compte du comportement des experts à la barre et de la mesure dans laquelle le contre‑interrogatoire a ébranlé leur rapport, qui a de toute évidence été plus importante dans le cas de M. Bell. Je reconnais que très peu de témoins ressortent indemnes d’un contre‑interrogatoire, mais M. Bell a éprouvé beaucoup plus de problèmes à cet égard que M. Thair.

En ne privilégiant pas les conclusions de M. Bell, loin de moi l’idée de porter atteinte à son professionnalisme ou à son honnêteté ou de laisser entendre quoi que ce soit de négatif à cet égard.

[99]           M. Bell est un évaluateur de la région de Sudbury; il n’avait donc aucune connaissance de la réalité locale. Il était manifeste qu’on a fait appel à lui sur le tard, en raison de son expérience avec les terres situées dans des réserves (bien qu’il exerce dans la région du nord‑est de l’Ontario). S’il en connaissait beaucoup plus sur les terres situées dans les réserves que M. Thair, il en était tout autrement de ses connaissances du marché local en Saskatchewan.

[100]       J’aborderai les différences dans la connaissance de la réalité locale plus loin et me contenterai de dire pour le moment qu’une différence de taille qui s’est fait sentir dans son évaluation est le fait que M. Bell n’a visité les propriétés qu’une seule fois, en hiver, tandis que M. Thair les a visitées trois fois, en trois différentes saisons. M. Thair connaissait les caractéristiques locales (inondations, plantes nuisibles, etc.) et a passé la majeure partie de sa vie d’adulte à parcourir des propriétés semblables dans la vallée de la Qu’Appelle.

[101]       En dépit de ces différences et d’autres différences qualitatives entre les deux évaluateurs principaux, ceux‑ci s’entendaient sur l’approche à privilégier dans cette affaire. M. Bell a ainsi accepté l’approche fondamentale de M. Thair, ne s’élevant que contre les [traduction] « méthodes particulières » utilisées par ce dernier.

[102]       Cette approche est la suivante :

                     Estimer la valeur des lots visés (sur une base hypothétique d’un terrain détenu en fief simple) en les comparant avec des données sur les ventes de terrains détenus en fief simple hors réserve;

                     Appliquer des ajustements afin de tenir compte des facteurs applicables à une réserve indienne qui influent sur la valeur des lots visés par rapport aux lots détenus en fief simple hors réserve;

                     Déterminer un taux de rendement (parfois appelé à tort un taux d’intérêt) et l’appliquer à la valeur des lots situés dans la réserve afin d’établir le montant des loyers annuels.

[103]       Les deux parties ont reconnu que cette approche respecte en général l’approche établie dans l’arrêt Bande indienne de Musqueam c. Glass, [2000] 2 R.C.S. 633, 2000 CSC 52 [Musqueam], et suivie, plus récemment, dans la décision Morin c. Canada, 2002 CFPI 1312, 226 FTR 188 [Morin], conf. par 2005 CAF 52.

[104]       Après avoir établi la méthodologie générale de base, laquelle doit être adaptée aux dispositions pertinentes du document constitutif (en l’espèce, la clause 2.01 du bail), l’évaluateur est tenu, en vertu des Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada [NUPPEC], de suivre les étapes suivantes :

a)                  Procéder à une inspection approfondie des propriétés concernées et comprendre en profondeur les caractéristiques de la région environnante;

b)                  S’informer en détail des actions des participants au marché afin d’obtenir des données dérivées du marché qui pourraient être utiles pour répondre à la question d’évaluation en cause;

c)                  Procéder à toutes les inspections et investigations nécessaires pour convaincre l’évaluateur professionnel que les données utilisées aux fins de la comparaison sont, dans les faits, comparables;

d)                 Une fois que sont obtenus ces ensembles de données sur les actions des avocats, des vendeurs, des locateurs et des locataires relatives à des propriétés comparables, il incombe alors à l’évaluateur professionnel d’explorer différentes techniques d’évaluation faisant partie de la boîte à outils de la théorie et de la pratique de l’évaluation susceptibles de l’aider à répondre à la question posée;

e)                  L’évaluateur professionnel est également tenu, selon les normes NUPPEC, d’utiliser autant de méthodes d’évaluation que possible pour répondre à la question posée sous différents angles, de manière à obtenir la réponse la plus précise grâce aux données tirées du marché;

f)                   Après avoir élaboré une série d’indicateurs à l’aide des différentes approches, l’évaluateur professionnel doit ensuite procéder à un rapprochement raisonné des indicateurs afin d’obtenir l’estimation la plus juste qui soit en réponse à la question posée.

[105]       Le terrain en question est assujetti à une restriction immédiate puisque, conformément aux cessions applicables, il a été cédé à des fins locatives. Il consiste en des lots de terre nus non aménagés, bien que la majorité des locataires y aient construit au moins un bâtiment et apporté des améliorations de toutes sortes. Si ces améliorations ne sont d’aucune pertinence pour les besoins de la description, elles entrent cependant en ligne de compte dans la valeur, puisqu’elles constituent « un risque » pour le locataire lorsque le bail prend fin.

[106]       Le bail prévoyait que le loyer serait fixé en fonction de la valeur du lot, et non de la valeur d’un terrain situé dans une municipalité adjacente à la réserve. Il s’agit d’une erreur commise par M. Bell.

[107]       La disposition déterminante du bail veut que la fixation du loyer repose sur la [traduction] « juste valeur marchande du terrain ». Dans l’arrêt Musqueam, la majorité des juges a conclu que la valeur marchande du « terrain » visé par le bail n’est pas déterminée par celle d’un terrain détenu en fief simple hors réserve, mais bien par la [traduction] « valeur hypothétique des lots détenus en fief simple » dans la réserve.

L’approche adoptée dans l’arrêt Musqueam est, selon les faits, comparable à notre affaire et s’applique en l’espèce.

[108]       À l’instar de l’arrêt Musqueam, la difficulté à déterminer la valeur des terrains était due à l’absence de données : il n’y avait aucune donnée directe établissant le prix qu’un acheteur paierait à un vendeur pour un lot nu non amélioré situé dans l’une ou l’autre des réserves.

[109]       L’arrêt Musqueam diffère cependant de notre affaire sur plusieurs faits importants, dont un sur lequel les deux experts en l’espèce n’arrivent pas à s’entendre. Dans l’arrêt Musqueam, les parties devaient s’entendre sur le taux de rendement; dans notre affaire, le taux de rendement devait être déterminé à partir de données dérivées du marché au 1er décembre 2009.

[110]       Ces différences contextuelles, que ce soit dans les arrêts Musqueam, Morin, St. Martin ou toute autre décision en matière d’évaluation, font ressortir que les évaluations et les conclusions de la Cour sont dictées par des faits précis et des opinions d’expert. La jurisprudence offre une orientation et une constance dans l’approche à privilégier, elle n’est cependant pas un cadre rigide à suivre ni ne fournit de calculs ou de résultats déterminés d’avance.

[111]       L’observation ci-dessus s’applique au choix du témoignage d’expert à retenir. Dans la décision Morin, le témoignage de M. Bell a été retenu et privilégié. Cette conclusion s’appuyait sur les faits présentés au juge de première instance, dont des évaluations contradictoires, ce qui ne semblait pas poser de problème dans la décision Morin. Notre Cour ne va pas à l’encontre de la jurisprudence en privilégiant l’opinion de M. Thair au détriment de celle de M. Bell, même si c’est l’opinion de ce dernier qui avait été privilégiée dans la décision Morin.

[112]       Cela étant dit, le juge Gonthier, s’exprimant au nom de la majorité dans l’arrêt Musqueam, a établi un certain nombre de lignes directrices qui avaient été proposées par le demandeur dans son mémoire de droit, que je fais miennes et reproduis du mémoire du demandeur.

[traduction]

Monsieur le Juge Gonthier, en rendant la décision au nom de la majorité dans l’arrêt Musqueam, a établi un certain nombre de lignes directrices dont peuvent se servir les tribunaux et les évaluateurs pour fixer à l’avenir les loyers à partir de données dérivées du marché et déterminer la valeur hypothétique des terrains détenus en fief simple et le taux de rendement. Ces lignes directrices vont comme suit :

a)   Le terme « terrain » dans le bail désigne le lot non amélioré loué au locataire;

b)   Par conséquent, lorsqu’il est fait mention, dans le bail, de la valeur du « terrain » comme un élément pris en considération dans la fixation du loyer, il s’agit de la valeur du lot « dans la réserve », et non de la valeur du lot détenu en fief simple « hors réserve »;

c)   Si l’on veut utiliser la valeur d’un terrain détenu en fief simple « hors réserve » comme la valeur du lot « dans la réserve », le bail doit l’indiquer expressément, conformément à ce qu’énonce Rodgers c. Canada ou Devil’s Gap Cottages (1982) Ltd. c. Canada;

d)   En droit immobilier, le terme « valeur » signifie généralement la juste valeur marchande du terrain, laquelle est fondée sur le prix dont un vendeur et un acheteur, [traduction] « tous deux bien informés et consentants », conviendraient pour le terrain sur un marché libre;

e)   La valeur marchande est généralement la valeur d’échange du terrain plutôt que sa valeur pour le locataire au titre de l’usage. Le terrain (la propriété visée) est évalué sans égard à l’intérêt du locataire dans celui‑ci et les conditions particulières d’un bail ne sont pas pertinentes pour déterminer [traduction] « la juste valeur marchande des lieux loués comme terrain nu »;

f)   Le fait, dans les baux à long terme, de fixer le loyer selon un pourcentage de la valeur marchande du terrain constitue une formule par laquelle un investisseur prudent s’attend, en contrepartie d’un rendement modeste sur son investissement, à un maximum de certitude et à un minimum de risques. Le loyer constitue le véritable rendement sur la valeur marchande du terrain. Cette méthode tient compte du fait que le bailleur pourrait vendre le terrain à sa valeur courante et réinvestir le produit aux taux d’intérêt en vigueur.

g)   L’immobilisation est constituée de terrains qui ont été cédés pour être loués et non pour être vendus. La nature de l’immobilisation consiste en [sic] des terrains situés dans une réserve et non des terrains détenus en fief simple;

h)   La valeur doit refléter les restrictions légales attachées aux terrains et les conditions du marché. Le marché peut réagir différemment à l’égard d’un terrain dans une réserve qu’il ne le fait à l’égard d’un terrain situé hors de la réserve. Pour donner effet au bail, la valeur du terrain utilisée dans la clause de révision du loyer doit correspondre au terrain en question et non à un autre terrain qui est situé hors de la réserve;

i)    Pour déterminer la valeur d’un terrain, qu’il soit vacant ou amélioré, l’évaluateur (sauf stipulation contraire du bail) tient compte de l’utilisation optimale qui est [traduction] « légalement autorisée, physiquement possible et financièrement réalisable, et qui permet une productivité maximale ». Parmi les empêchements d’ordre légal, mentionnons [traduction] « [l]es restrictions de nature privée, le zonage, les codes du bâtiment, les mesures de contrôle de l’utilisation du territoire non liées au zonage, ainsi que les règlements environnementaux »;

j)    La valeur des terrains hors réserve n’est tout simplement pas transposable aux terrains dans une réserve. Dès qu’un terrain d’une réserve est cédé pour être vendu, il perd les attributs que lui conférait le fait qu’il était situé dans une réserve. Un titre en fief simple sur un terrain situé dans une réserve est donc quelque chose qui ne peut exister. Pour s’en approcher, il faut utiliser une valeur hypothétique. La valeur d’un terrain situé dans une réserve peut être déterminée en ajustant la valeur de terrains hors réserve pour tenir compte des caractéristiques réelles des terrains et de l’activité sur le marché des participants économiques;

k)   Afin de déterminer la valeur hypothétique d’un terrain situé dans une réserve, la Cour a examiné les forces du marché entre les acheteurs et les vendeurs relativement à une propriété comparable régie par un bail prépayé de 99 ans avec un terme à courir de 78 ans. En dépit du fait qu’un droit de tenure à bail acheté par paiement anticipé sur un terrain comparable faisait l’objet d’une évaluation, il s’agissait de la meilleure preuve disponible quant à la valeur que les acheteurs et les vendeurs conféraient à un hypothétique intérêt de propriété en fief simple dans la réserve. Le « facteur applicable à une réserve indienne » est toujours une question de fait qui doit être tranchée en fonction des actions des participants au marché (acheteurs et vendeurs, locateurs et locataires) dans des transactions menées de bonne foi.

l)    Le « facteur applicable à une réserve indienne » est essentiellement un climat « d’incertitude » perçu par les participants au marché, les acheteurs et les vendeurs, les propriétaires et les locateurs qui se répercute dans leurs activités sur le marché. Il importe peu que la perception d’incertitude soit justifiée ou non, puisque c’est la réaction à cette incertitude qui influe sur les actions des participants au marché, lesquelles déterminent ensuite le facteur applicable à la réserve;

m)  La valeur des améliorations devrait être déduite de la valeur hypothétique du terrain détenu en fief simple dans la réserve avant l’application d’un taux de rendement, puisqu’il n’est pas approprié de prélever au locataire un loyer qui tienne compte de la valeur courante des améliorations qu’il a lui‑même payées.

[Renvois omis.]

F.                  La valeur estimée des terrains

[113]       La première étape du processus d’évaluation consiste à examiner les propriétés visées ainsi que la région environnante, notamment les lieux de villégiature de la vallée de la Qu’Appelle.

[114]       La Cour a déjà soulevé l’approche diamétralement opposée de M. Thair et de M. Bell à cet égard. En plus de visiter à plusieurs reprises les propriétés visées, M. Thair a aussi visité des propriétés comparables. Il a dressé la liste des éléments à évaluer et la fréquence à laquelle ils devaient l’être, et a pris ses propres photos des propriétés. Il a en outre une connaissance approfondie tant des propriétés visées que des propriétés utilisées aux fins de la comparaison.

[115]       Quoi qu’il en soit, le travail réalisé par M. Bell au regard de cet exercice aussi important que fondamental n’a pas fait le poids devant celui de M. Thair. Il a repris en grande partie les travaux préliminaires réalisés par Blase Clements, de Gaffney, notamment ses comparaisons, à un tel point que les erreurs qui s’étaient glissées dans les descriptions de M. Clements se sont retrouvées dans son propre travail.

[116]       Les photos utilisées par M. Bell des propriétés en cause n’illustraient pas les niveaux du lac et les propriétés qui s’y trouvent. Son assertion selon laquelle ces photos brossaient un portrait somme toute représentatif des propriétés en question a été directement contredite par Mme Parley, sans que M. Bell ne fût en mesure de fournir une explication raisonnable.

[117]       Selon les estimations de M. Thair, un terrain détenu en fief simple comparable situé hors de la réserve avait une valeur de 1 800 $ par pied de façade. Il a également conclu que les ventes de propriétés comparables suivaient une tendance temporelle et que la valeur des lieux de villégiature dans la province tendait à varier considérablement.

M. Clements avait tiré des conclusions semblables dans son évaluation de 2009, mais il n’a pas témoigné et ses rapports n’ont servi essentiellement que de sources d’informations.

[118]       Lorsque l’on regarde les chiffres établis par messieurs Thair et Bell, les valeurs de base similaires attribuées aux propriétés situées hors réserve sautent aux yeux :

Valeurs estimées des terrains

M. Thair

M. Bell

Propriété riveraine, par pied de façade

1 800 $

1 890 $

Propriété non riveraine, par pied de façade

700 $

690 $

[119]       La concordance des chiffres prête à confusion. Bien que les valeurs numériques soient essentiellement les mêmes, elles ont été obtenues de façon différente et, dans le cas de M. Bell, ont donné lieu à des explications contradictoires.

[120]       Initialement, M. Bell avait conclu que la valeur d’un terrain situé hors de la réserve était estimée, en tenant compte d’une tendance temporelle, à 2 478,79 $ pour une propriété comparable située au lac Round. Dans son rapport, M. Bell a ensuite ramené la valeur à 2 100 $ par pied de façade pour une propriété comparable située hors réserve, au motif que la valeur des propriétés situées au lac Round est supérieure à celle des propriétés situées au lac Crooked.

Aux questions cherchant à savoir comment il avait calculé la tendance temporelle, M. Bell a déclaré qu’il avait ramené le montant de 2 478 $ à 2 100 $ parce qu’il craignait que son calcul de la tendance temporelle soit trop élevé et non pour une question de qualité.

[121]       Il s’agit là de l’une des nombreuses contradictions dans le témoignage de M. Bell qui met en évidence l’imprécision entourant sa méthode d’évaluation et la validité de son analyse de la tendance temporelle.

[122]       La tendance temporelle a d’ailleurs été un point de discorde entre les experts. Sans ignorer ce facteur, M. Bell l’a pris en considération dans un « sens qualitatif ». M. Dybvig a soumis à une analyse de régression les ventes que M. Clements avait fournies à M. Bell pour arriver à une valeur hors réserve ajustée en fonction du temps de 2 140 $ par pied de façade. M. Bell n’était pas suffisamment convaincu de l’exactitude de ces données pour procéder à un tel calcul.

[123]       Toutefois, même si l’on utilise les valeurs de M. Dybvig, un écart de 338 $ par pied de façade demeure comparativement à la valeur de M. Bell de 2 478 $. M. Bell a écarté la question en affirmant que lui et M. Dybvig étaient du même avis, contrairement à M. Thair. Cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, l’ajustement de M. Bell par rapport à la valeur initiale de 2 478 $ n’avait pas pour objet de corriger la tendance temporelle.

[124]       Je trouve troublante cette incohérence dans ses réponses. Je préfère donc l’analyse de M. Thair, puisqu’elle est encore plus prudente que celle de M. Dybvig, sans compter que ce dernier avait des connaissances beaucoup moins approfondies des propriétés et des marchés.

[125]       Il est tout aussi difficile de comprendre la valeur de 1 890 $ par pied de façade attribuée par M. Bell à un terrain hors réserve d’après les calculs qui figurent dans son rapport d’examen d’avril 2013 au vu de l’analyse réalisée par M. Thair dans son rapport d’expert de février 2013 qui arrive à une valeur de 2 100 $ par pied de façade. Il est illogique de citer une valeur dans un rapport présenté aux fins de réfutation qui diffère de la valeur indiquée dans le rapport principal.

[126]       Par conséquent, c’est sans hésitation que je retiens la valeur de 1 800 $ par pied de façade attribuée par M. Thair à un terrain détenu en fief simple hors réserve, malgré les critiques de M. Bell et ses autres calculs portant à confusion.

G.                Le facteur applicable à une réserve indienne

[127]       Outre la question de la tendance temporelle, les experts ne s’entendaient pas sur un autre point central de cette affaire, soit le calcul du facteur applicable à une réserve indienne. M. Thair l’avait estimé à 34 %, comparativement à 6,25 % pour M. Bell.

[128]       Il est établi dans l’arrêt Musqueam qu’il est possible d’appliquer un facteur à une réserve indienne sans que cela constitue une obligation : « [l]a question de l’ampleur de la réduction qui devrait être appliquée, voire de l’opportunité d’une réduction, est une question de fait » (juge Gonthier, au paragraphe 52). La pertinence d’appliquer une réduction et l’ampleur de cette réduction sont déterminées par le marché.

[129]       M. Thair, dans son analyse du « marché » et de la pertinence, d’après celui‑ci, de réduire la valeur d’un terrain du fait qu’il se trouve dans une réserve, a tenu compte de deux aspects.

[130]       En premier lieu, il a comparé les montants de loyer prévus au titre des baux des propriétés riveraines et non riveraines situées dans la réserve à Indian Point, Grenfell Beach et White Bear avec ceux des propriétés situées hors réserve au lac Marean et dans les parcs provinciaux. À partir de là, il a conclu à l’existence d’un ajustement à la baisse de 25 %.

[131]       En deuxième lieu, M. Thair a examiné les taux de capitalisation et de rendement en comparant le rendement réalisé avec des terrains hors réserve avec celui réalisé avec des terrains situés dans une réserve. Ces calculs ont mené à un taux de rendement hors réserve de 1,6 %. Puis, M. Thair a examiné les propriétés locatives situées à Kinookmaw, Regional Beach, Buena Vista, Chitek Lake, White Bear Lake, Kenosee, Grenfell et au lac Crooked pour aboutir à un taux de rendement réalisé avec des terrains situés dans une réserve de 0,9 %.

[132]       À la suite d’une comparaison de ces deux taux, M. Thair a conclu qu’un ajustement à la baisse de 43 % était de mise.

[133]       Enfin, après un rapprochement des deux résultats de 25 % et de 43 %, M. Thair a conclu à un facteur applicable à une réserve indienne de 34 %.

[134]       La défenderesse reproche à M. Thair les propriétés choisies pour effectuer ses calculs, l’absence d’un ajustement en fonction de la tendance temporelle (un point déjà abordé) et l’utilisation d’un taux applicable à un parc provincial qui sert, de l’avis de la défenderesse, « des fins politiques ».

[135]       M. Thair était tout à fait conscient des forces et des lacunes de ses points de données, et il a usé de son jugement professionnel pour équilibrer ces forces. Il s’agit là de la véritable fonction de l’expert. Il avait des raisons convaincantes et logiques de s’appuyer sur les données.

[136]       La méthode de M. Thair consistait à examiner les forces et le comportement du marché, ce qui est conforme en tout point à ce qui est recommandé dans l’arrêt Musqueam.

[137]       M. Bell, quant à lui, a reconnu que la méthode qu’il a utilisée pour calculer le facteur applicable à une réserve indienne ne reposait pas sur le comportement du marché. Il n’a pas tenté d’obtenir le type de données examinées par M. Thair.

[138]       M. Bell a plutôt choisi d’examiner, comme il l’avait fait dans la décision Morin, les facteurs précis suivants :

                     les préoccupations hypothécaires;

                     les remous politiques;

                     les taxes foncières et les frais de viabilisation.

Il se peut que ces facteurs donnent lieu à un ajustement à la baisse, mais le test décisif pour ces facteurs consiste à déterminer si ceux‑ci ou d’autres « préoccupations relatives à la réserve indienne » se répercutent sur le marché.

[139]       Le problème avec la méthode de M. Bell provient du fait qu’elle insuffle dans l’analyse un degré de subjectivité injustifié. L’analyse de la question de savoir si l’absence de taxes compense largement l’absence de services fournis par Sakimay révèle pour ainsi dire le point de vue de M. Bell selon lequel il n’obtient pas des services proportionnels aux taxes payées.

[140]       En toute déférence, le fait que la méthode de M. Bell a été suivie dans la décision Morin ne signifie pas qu’elle doive l’être en l’espèce. Il semble que des doutes sérieux entouraient l’évaluateur de la partie adverse dans la décision Morin.

[141]       Ce n’est pas le cas en l’espèce, la Cour disposant avec le rapport de M. Thair d’une évaluation plus convaincante et plus cohérente sur les plans factuel et juridique.

[142]       Si un facteur applicable à une réserve indienne de 34 % peut sembler au premier abord élevé et qu’un autre nombre avoisinant 25 % peut sembler plus raisonnable, il n’appartient pas à un juge n’ayant aucune expertise en la matière qui s’appuie sur la preuve d’un expert de fixer son propre facteur. Le juge ne possède pas les données, les outils, la formation ou l’expérience nécessaires pour obtenir un facteur de substitution.

[143]       Sur cette question précisément, je retiens encore une fois les conclusions de M. Thair.

H.                Le taux de rendement

[144]       Le dernier grand point de discorde est le taux de rendement. M. Bell conclut qu’il devrait être fixé à 4,5 %, tandis que M. Thair est d’avis qu’il devrait être de 1,6 %.

[145]       M. Bell s’appuie sur un taux historique de 4,5 % qui remonte à 1989 et qui avait été établi par Gaffney et appliqué de manière constante par la suite, sans la moindre preuve que les véritables taux du marché étaient pris en considération de temps à autre.

[146]       Comme l’ont souligné les experts du demandeur, le taux de 4,5 % a été établi lorsque les taux d’intérêt et les taux de rendement étaient relativement élevés. Par exemple, le taux du financement à un jour de la Banque du Canada a diminué entre 1989 et 2009 pour passer de 14 % par année à 2 % par année.

[147]       M. Bell semble donc avoir simplement appliqué le modèle de Gaffney établi à 4,5 % sans procéder à une analyse approfondie.

[148]       Au paragraphe 40 de l’arrêt Musqueam, cité par les deux parties, la Cour suprême a affirmé :

[...] « [L]e fait, dans les baux à long terme, de fixer le loyer selon un pourcentage de la valeur marchande du terrain constitue une formule par laquelle un investisseur prudent s’attend, en contrepartie d’un rendement modeste sur son investissement, à un maximum de certitude et à un minimum de risques » (Revenue Properties, précité, à la p. 180). Le loyer constitue le véritable rendement sur la valeur marchande du terrain. « [Cette méthode] tient compte du fait que le bailleur pourrait vendre le terrain à sa valeur courante et réinvestir le produit aux taux d’intérêt en vigueur, [...] » [...].

[149]       Je retiens la méthode privilégiée par messieurs Thair et Dybvig (et adoptée dans l’évaluation de Gaffney de 1989) qui utilise, comme il se doit, la méthode reposant sur le marché afin d’obtenir un taux de rendement qui consiste à diviser le montant du loyer par la valeur du bien.

[150]       M. Thair a utilisé deux indicateurs de ce montant relatifs au marché de la villégiature en Saskatchewan, tandis que M. Bell n’a pas examiné ce marché local.

[151]       Au regard des marchés locaux, M. Thair a rejeté le taux de la ville de Saskatoon, établi à 4,6 %. Cible de critiques de la part de la défenderesse, il s’est défendu en affirmant que le taux de cette ville n’était pas représentatif des taux applicables à une propriété de villégiature. J’estime que cette réponse est raisonnable.

[152]       M. Thair a privilégié la preuve d’un taux de rendement de 1,92 % pour les parcs provinciaux, car ces parcs constituent 50 % du marché de la villégiature et sont donc en concurrence directe avec les baux de Sakimay. Sa décision d’opter pour ce taux repose également sur le fait qu’il a été établi à la suite de consultations avec la Saskatchewan Provincial Park Cabin Owners Association (association des propriétaires de chalets situés dans les parcs provinciaux de la Saskatchewan) et résulte donc d’une forme de négociation entre le locateur et les locataires.

[153]       La défenderesse a tenté d’affaiblir ce comparateur au motif qu’il s’agissait d’un taux « dérivé » destiné à atténuer l’effet de la hausse rapide de la valeur des terrains qui aurait donné lieu à un taux de rendement de 5,26 % en 2006. Elle a également indiqué, sans aucune preuve à l’appui, qu’il s’agissait davantage d’un règlement « politique » que d’un résultat lié à la conjoncture du marché.

[154]       M. Thair a avancé un fondement raisonnable à la conclusion voulant que ce taux soit pertinent : il s’agissait d’un taux qui se trouvait sur le marché, peu importe la manière dont il a été établi. Soutenir le caractère artificiel du taux ignore le pouvoir de marché du gouvernement participant et des locataires. Il n’existe aucune preuve selon laquelle le taux émanait d’une quelconque largesse du gouvernement.

[155]       Enfin, M. Thair a pris en considération le taux de rendement de 1,2 % des propriétés situées au lac Marean, conscient des différences entre la situation prévalant au lac Crooked et celle du lac Marean.

[156]       Comme je l’ai affirmé plus tôt, M. Thair avait des motifs convaincants et logiques à l’appui de ses conclusions, selon des faits qu’il comprenait. Je retiens donc ses conclusions à cet égard également.

[157]       Il y avait en l’espèce d’autres points de discorde, de moindre importance et pertinence, qu’il n’est pas nécessaire d’aborder.

[158]       Comme je l’ai déjà mentionné, je retiens que la méthode appropriée est celle utilisée par M. Thair.

[159]       La décision rendue en l’espèce donnera sans doute lieu à d’autres calculs et à de nouvelles questions en litige. C’est pourquoi notre Cour demeure compétente pour connaître des questions découlant de la présente décision.

IV.             CONCLUSION

[160]       Pour ces motifs, la Cour répond comme suit aux questions communes :

a)                  La défenderesse était‑elle contractuellement tenue de négocier avec les membres avant de fixer le montant du loyer ou avant d’envoyer ses avis aux membres visés par le bail de 1991 pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014? Le cas échéant, s’agit‑il d’une obligation susceptible d’exécution?

Réponse : Dans les circonstances décrites en l’espèce, non.

b)                  Si notre Cour répond par l’affirmative à la question (a), la défenderesse avait-elle le droit de fixer unilatéralement le loyer sans que les négociations aient d’abord abouti à une impasse?

Réponse : Sans objet.

c)                  Si notre Cour répond par la négative à la question (b), les membres ont‑ils renoncé à leur droit de négocier en refusant de participer aux négociations ou autrement?

Réponse : Oui, les membres ont renoncé à leur obligation de négocier ou de discuter de l’augmentation de loyer pour la période en cause.

d)                 Si notre Cour répond par l’affirmative à la question (a) et par la négative aux questions (b) et (c), faut‑il tenir des négociations avant que la Cour fixe le montant du loyer, ou bien la Cour a -t-elle la compétence d’établir un tel montant, peu importe que les parties aient été légalement obligées de négocier?

Réponse : Sans objet.

e)                  Si la réponse à la question (d) est que les négociations ne sont pas nécessaires, ou que notre Cour a la compétence de fixer le montant du loyer, quelle est la méthode ou formule appropriée pour fixer le montant du loyer du terrain pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 aux termes du bail de 1991?

Réponse : Notre Cour a la compétence de fixer le montant du loyer.

e.1)            Si la réponse à la question (d) est que notre Cour n’a pas la compétence de fixer le montant du loyer, quelle est la méthode ou formule appropriée pour établir le montant du loyer du terrain pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014 aux termes du bail de 1991?

Réponse : Sans objet.

f)                   Quelle est l’application ou l’application à titre provisoire de la méthode ou de la formule appropriée à l’égard de chaque membre visé par le bail de 1991?

Réponse : La méthode adoptée par l’évaluateur du demandeur.

[161]       Comme le propose le demandeur, aucuns dépens ne seront adjugés.

[162]       Cette affaire étant régie par les procédures de recours collectif de notre Cour, cette dernière demeure également compétente pour résoudre toute question qui pourrait se poser entre les membres du recours collectif et les avocats.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 septembre 2016

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2193-09

 

INTITULÉ :

DAVID PIOT POUR SON PROPRE COMPTE ET À TITRE DE REPRÉSENTANT DEMANDEUR c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 13 au 16 octobre et du 19 au 22 octobre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Kevin Bell

 

Pour le demandeur

 

David Smith

David Culleton

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bell, Kreklewich & Chambers

Avocats

Melville (Saskatchewan)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour la défenderesse

 

 

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