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Date : 20160907


Dossier : T-1379-13

T-1468-13

T-1368-14

Référence : 2016 CF 1013

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T-1379-13

ENTRE :

BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT

demanderesses/
défenderesses reconventionnelles

et

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

défenderesse/
demanderesse reconventionnelle

Dossiers : T-1468-13

T-1368-14

ET ENTRE :

BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT

demanderesses/
défenderesses reconventionnelles

et

APOTEX INC.

défenderesse/
demanderesse reconventionnelle

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

(version confidentielle publiée le 7 septembre 2016)

TABLE DES MATIÈRES

I.             Aperçu. 3

II.           Contexte. 7

A.           Les produits en litige. 7

B.           Le brevet 426 en général 8

C.           Procédures antérieures mettant en cause les parties. 9

(1)          Procédures visant Cobalt 9

(2)          Procédures visant Apotex. 10

D.           Actes de procédure. 11

III.         Le brevet 426 en détail 12

IV.         Les revendications en litige. 17

V.           Adhésion déférente et stare decisis. 18

VI.         Questions en litige. 23

VII.       Observations préliminaires concernant les éléments de preuve. 23

A.           Objections concernant la preuve d’expert 23

B.           « Aveuglement » des témoins experts. 26

VIII.     Interprétation et validité des revendications. 27

A.           Témoins des faits et témoins experts. 27

B.           Observations générales concernant les éléments de preuve. 30

C.           Principes gouverneurs et date pertinente. 31

D.           Personne versée dans l’art 32

E.           Connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art 33

F.            Termes des revendications nécessitant une interprétation. 37

(1)          « Particules de drospirénone ». 37

(2)          « Lors de la dissolution dans l’environnement gastrique ». 40

IX.         Validité. 42

A.           Fardeau. 42

B.           Développements menant au brevet 426. 42

C.           Évidence. 45

(1)          Personne versée dans l’art et connaissances générales courantes. 47

(2)          Idée originale. 48

(3)          Différences entre l’art antérieur et l’invention. 50

(4)          Les différences étaient-elles évidentes ou nécessitaient-elles une invention?. 52

D.           Antériorité. 59

(1)          Divulgation antérieure et caractère réalisable. 61

(2)          Exception de l’« utilisation expérimentale ». 65

E.           Portée excessive. 68

F.            Insuffisance du mémoire descriptif. 70

G.           Utilité. 73

H.           Conclusion concernant la validité. 76

X.           Contrefaçon – Apotex. 77

A.           Fardeau et règles de droit 77

B.           Témoignage – Témoins experts. 78

C.           Témoignage – Tests expérimentaux. 79

(1)          Expériences menées par Bayer 79

(2)          Expériences menées par Apotex. 84

D.           Observations générales concernant les éléments de preuve. 86

E.           Analyse. 88

(1)          Expériences par spectroscopie Raman confocale de Bayer 88

(2)          Expériences par spectroscopie FT Raman de Bayer 94

(3)          Expériences par microscopie RTA d’Apotex. 102

(4)          Expériences par spectroscopie Raman confocale d’Apotex. 107

(5)          Développement des comprimés Zamine et Mya. 108

F.            Conclusion. 112

XI.         Contrefaçon – Cobalt 113

A.           Question préliminaire – « Aveu » de Cobalt 113

B.           Témoignage – Témoins experts. 118

C.           Témoignage – Tests expérimentaux. 119

(1)          Expériences menées par Bayer 119

(2)          Expériences menées par Cobalt 120

D.           Observations générales concernant les éléments de preuve. 120

E.           Observations supplémentaires concernant l’interprétation des revendications. 120

F.            Analyse. 123

(1)          Procédé de fabrication de Cobalt 123

(2)          Expériences par spectroscopie Raman confocale de Bayer 124

(3)          Expériences par spectroscopie Raman confocale de Cobalt 126

G.           Conclusion. 128

XII.       Réparation. 129

XIII.     Dépens. 131

 

I.                   Aperçu

[1]               Les demanderesses sont des sociétés affiliées. Bayer Pharma Aktiengesellschaft [Bayer Pharma] est une société allemande qui se spécialise dans la découverte et le développement de produits pharmaceutiques à des fins commerciales. Bayer Inc. est une société canadienne dont le siège social est situé à Toronto.

[2]               La défenderesse et demanderesse reconventionnelle Apotex Inc. [Apotex] est une société pharmaceutique fabriquant des produits génériques dont le siège social est situé à Toronto.

[3]               La défenderesse et demanderesse reconventionnelle Cobalt Pharmaceuticals Company [Cobalt], maintenant dénommée Actavis Pharma Company, est une société pharmaceutique fabriquant des produits génériques dont le siège social est situé à Mississauga.

[4]               Schering Aktiengesellschaft [Schering], prédécesseure en titre de Bayer Pharma, était une société pharmaceutique en Allemagne. Le 31 août 2000, Schering a déposé une demande visant les lettres patentes canadiennes no 2 382 426 [le brevet 426]. Le brevet 426 s’intitule « Mélange pharmaceutique d’éthinylestradiol et de drospirénone utilisé en tant que contraceptif ». La demande revendiquait la priorité à l’égard de deux demandes de brevet, l’une américaine et l’autre européenne, déposées le 31 août 1999. Bayer Pharma est maintenant la propriétaire inscrite du brevet 426.

[5]               L’éthinylestradiol agit comme un œstrogène, tandis que la drospirénone agit comme un progestatif. Combinés, ils inhibent l’ovulation chez la femme. Lorsque Schering a présenté une demande relative au brevet 426, il était connu que l’éthinylestradiol et la drospirénone pouvaient être utilisés dans la fabrication d’un contraceptif oral efficace. Cependant, aucun fabricant de médicaments n’avait fourni la formule précise divulguée et revendiquée dans le brevet 426 en vue de la vente au public.

[6]               Selon les tests en laboratoire effectués in vitro, il était connu que la drospirénone était labile en milieu acide à un pH de 1,0, ce qui veut dire qu’elle s’isomériserait en composé inactif si elle était exposée à une solution acide d’un pH de 1. Dans l’estomac, le pH varie de 1,0 à 3,0.

[7]               La drospirénone est un stéroïde et est donc peu soluble dans l’eau. Les composés peu solubles peuvent être micronisés (c.-à-d. réduits en très petites particules) afin d’accroître leur taux de dissolution. Cependant, le fait d’accroître le taux de dissolution d’un médicament labile en milieu acide peut entraîner une dégradation encore plus rapide du médicament dans l’environnement gastrique.

[8]               Le taux de dissolution d’un médicament dans l’estomac dépend en partie de sa formulation. Un enrobage gastrorésistant peut être utilisé pour protéger les ingrédients pharmaceutiques actifs d’un comprimé contre l’environnement gastrique, de sorte que le médicament est libéré dans l’environnement moins acide de l’intestin grêle. Une formulation à libération immédiate, qui n’a aucun enrobage gastrorésistant, se désintégrera rapidement dans l’estomac.

[9]               Schering a initialement mis au point un contraceptif oral composé d’éthinylestradiol et de drospirénone sous forme de comprimé gastrorésistant. Toutefois, l’une des difficultés associées à l’enrobage gastrorésistant est qu’il peut entraîner une variabilité de l’efficacité du médicament chez différentes personnes. Après avoir réalisé d’autres expériences, y compris des tests in vitro, Schering a découvert qu’il était possible d’administrer une faible dose d’éthinylestradiol et de drospirénone sous une forme micronisée ou à dissolution rapide sans enrobage gastrorésistant, mais affichant une biodisponibilité adéquate en tant que contraceptif. Selon Schering, cette découverte constituait une nouvelle invention et, par conséquent, elle a voulu la protéger en demandant un brevet.

[10]           Apotex et Cobalt vendaient elles aussi des contraceptifs oraux composés d’éthinylestradiol et de drospirénone comme ingrédients pharmaceutiques actifs. Les doses sont comparables à celles utilisées dans les produits des demanderesses. De plus, les comprimés se dissolvent rapidement et n’ont pas d’enrobage gastrorésistant.

[11]           Les demanderesses affirment que les produits d’Apotex et de Cobalt contrefont les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426. Apotex et Cobalt répondent que leurs produits sont formulés de telle sorte qu’ils ne relèvent pas de la portée des revendications alléguées. Elles soutiennent également que les revendications sont invalides.

[12]           Comme c’est souvent le cas lors des procès en matière de brevet, les parties ont présenté de très nombreux éléments de preuve et arguments à l’appui de leurs positions respectives. Dans les motifs qui suivent, j’ai tenté d’aborder tous ceux qui, à mon avis, pourraient avoir une incidence sur l’issue de ce litige. Certains aspects des éléments de preuve et des arguments ne sont peut-être pas présentés en détail ci-après, mais je les ai tous examinés.

[13]           Je conclus que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ne sont pas invalides pour les motifs allégués suivants : (i) évidence, (ii) antériorité, (iii) portée excessive, (iv) caractère insuffisant ou ambiguïté du mémoire descriptif, (v) inutilité. Je conclus également que les produits d’Apotex et de Cobalt sont formulés de sorte qu’ils relèvent de la portée des revendications 31, 48 et 49 du brevet 426. Par conséquent, les produits d’Apotex et de Cobalt contrefont les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426.

II.                Contexte

A.                Les produits en litige

[14]           Bayer Pharma est la propriétaire inscrite du brevet 426 ainsi que la brevetée. Bayer Inc. est porteuse d’une licence pour le brevet 426 et elle vend des contraceptifs oraux sous les noms de « Yaz » et de « Yasmin », avec le consentement de Bayer Pharma. Les deux entités sont des personnes se réclamant de la brevetée Bayer Pharma aux termes du paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets, LRC (1985), ch. P-4 [la Loi]. J’appellerai collectivement les demanderesses « Bayer ».

[15]           Apotex a obtenu auprès du ministre de la Santé un avis de conformité lui permettant de vendre des versions génériques des comprimés Yasmin de Bayer sous les noms de « Zamine 21 » et de « Zamine 28 » [Zamine] le 15 août 2013, ainsi qu’une version générique des comprimés Yaz de Bayer sous le nom de « Mya » [Mya] le 8 mai 2014. Les comprimés Zamine contiennent 3 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol. Les comprimés Mya contiennent 3 mg de drospirénone et 0,02 mg d’éthinylestradiol.

[16]           Cobalt fabrique et vend des versions génériques des comprimés Yasmin de Bayer sous les noms de « Zarah 21 » et de « Zarah 28 » [Zarah]. Les comprimés Zarah contiennent 3 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol. Cobalt a reçu une approbation réglementaire lui permettant de commencer à commercialiser les comprimés Zarah au Canada le 31 mai 2013.

B.                 Le brevet 426 en général

[17]           Le brevet 426 s’intitule « Mélange pharmaceutique d’éthinylestradiol et de drospirénone utilisé en tant que contraceptif ». Wolfgang Heil, Jurgen Hilman, Ralph Lipp et Renate Heithecker sont nommés à titre d’inventeurs.

[18]           La demande de brevet a été déposée en vertu des dispositions du Traité de coopération en matière de brevets, le 19 juin 1970, R.T. Can. 1990 no 22 (entré en vigueur le 24 janvier 1978), la date de dépôt applicable étant le 31 août 2000. Elle revendiquait la priorité à l’égard de deux demandes de brevet, l’une américaine et l’autre européenne, les précurseurs internationaux du brevet 426. Ces demandes ont été déposées le 31 août 1999 et publiées le 8 mars 2001.

[19]           Le brevet 426 a été délivré à Schering le 28 février 2006. Bayer Pharma est devenue la propriétaire inscrite du brevet le 6 octobre 2011. Bayer Inc. en détient la licence.

[20]           La demande visant le brevet 426 a été déposée auprès du Bureau canadien des brevets après le 1er octobre 1989. Les dispositions de la « nouvelle » Loi sur les brevets, qui s’applique à toutes les demandes de brevet déposées après cette date, sont donc pertinentes en l’espèce. À moins d’être jugé invalide, le brevet 426 expirera le 31 août 2020.

C.                 Procédures antérieures mettant en cause les parties

(1)               Procédures visant Cobalt

[21]           En décembre 2011, Cobalt a demandé l’approbation réglementaire de vendre une version générique des comprimés Yaz de Bayer. La composition proposée était comparable à celle des comprimés Zarah de Cobalt, sauf qu’elle contenait 3 mg de drospirénone et 0,02 mg d’éthinylestradiol. Cobalt a demandé un avis de conformité au ministre de la Santé [le ministre], alléguant que le processus de fabrication de son médicament ne contreferait pas la revendication 31 ni les revendications dépendantes 48 et 49 du brevet 426, et que toutes les revendications du brevet alléguées par Bayer étaient invalides.

[22]           En réponse, Bayer a présenté une demande en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [Règlement AC], afin d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Cobalt jusqu’à l’expiration du brevet 426. Le 22 octobre 2013, dans la décision Bayer Inc. c. Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 1061 [Bayer c. Cobalt], le juge Hughes a accueilli la demande d’interdiction de Bayer.

[23]           L’un des arguments avancés par Cobalt devant le juge Hughes était que la revendication 31 du brevet 426 se limitait aux particules de drospirénone micronisées. Le juge Hughes a conclu que la revendication 31 n’était pas aussi limitée, car elle englobait toutes les particules de drospirénone qui se dissolvaient rapidement de la manière précisée dans la revendication. Il a conclu qu’aucune des allégations d’absence de contrefaçon et d’invalidité de Cobalt n’était justifiée. Plus particulièrement, le juge Hughes a conclu que la revendication 31 n’était pas évidente ni invalide pour des motifs d’inutilité, d’absence de prédiction valable, de portée excessive, d’insuffisance ou d’ambiguïté. Cobalt ne semble pas avoir contesté le brevet 426 pour un motif d’antériorité.

[24]           L’appel interjeté par Cobalt à l’encontre de la décision du juge Hughes a été rejeté par la Cour d’appel fédérale le 4 mai 2015 (Cobalt Pharmaceuticals Company c. Bayer Inc., 2015 CAF 116 [Cobalt c. Bayer CAF]). La Cour d’appel a confirmé l’interprétation que le juge Hughes a faite du brevet, en plus de confirmer que les allégations d’absence de contrefaçon et d’invalidité de Cobalt n’étaient pas justifiées. En conséquence, Cobalt est actuellement incapable de mettre en vente sa version générique du produit Yaz de Bayer jusqu’à l’expiration du brevet 426.

(2)               Procédures visant Apotex

[25]           En juillet 2012, Apotex a intenté des procédures similaires contre Bayer en vertu du Règlement AC. Apotex demandait une approbation réglementaire de sa version générique des comprimés Yaz de Bayer pour des motifs d’absence de contrefaçon de la revendication 1 et des revendications dépendantes 2 et 8, la revendication 30, la revendication 31 ainsi que les revendications dépendantes 36, 37, 39 à 42 et 47 à 50. En réponse, Bayer a présenté une demande afin d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex.

[26]           Dans une décision datée du 7 mai 2014, le juge Hughes a rejeté la demande de Bayer (Bayer Inc. c. Apotex Inc., 2014 CF 436 [Bayer c. Apotex]. Il a conclu qu’aucune des allégations d’Apotex concernant l’invalidité du brevet 426 pour des motifs d’antériorité, d’ambiguïté et d’insuffisance n’était justifiée. Toutefois, il a également conclu que Bayer n’avait pas assumé le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’absence de contrefaçon d’Apotex n’étaient pas justifiées. Il a donc jugé que le produit d’Apotex n’était pas visé par les revendications en litige, et Apotex a donc pu mettre sa version générique des comprimés Yaz de Bayer sur le marché.

D.                Actes de procédure

[27]           Bayer a intenté une action contre Cobalt le 14 août 2013 (T-1379-13), après que Cobalt a commencé à commercialiser ses comprimés Zarah au Canada. Dans sa déclaration, Bayer allègue que Cobalt a contrefait les revendications 1, 2, 4 à 7, 30, 31, 48, 49 et 52 du brevet 426. Cobalt nie l’allégation de contrefaçon et, par demande reconventionnelle, allègue que les revendications sont invalides.

[28]           Bayer a intenté une action contre Apotex le 30 août 2013 (T-1468-13), alléguant qu’Apotex a contrefait les revendications 1, 2, 4 à 7, 30, 31, 48, 49 et 52 du brevet 426 en fabricant et en vendant ses comprimés Zamine au Canada. Apotex nie l’allégation de contrefaçon et, par demande reconventionnelle, allègue que les revendications sont invalides.

[29]           Bayer a intenté une deuxième action contre Apotex le 4 juin 2014 (T-1368-14) concernant ses comprimés Mya. Bayer allègue qu’Apotex a contrefait les revendications 1, 2, 4 à 7, 30, 31, 48 et 49 du brevet 426 en fabricant et en vendant ses comprimés Mya au Canada. Apotex nie l’allégation de contrefaçon et, par demande reconventionnelle, allègue que les revendications sont invalides.

[30]           Les trois actions ont été réunies en vertu d’une ordonnance de la Cour datée du 2 octobre 2014. Dans ces instances, Cobalt a accepté d’être liée par la décision rendue par la Cour concernant la validité du brevet 426 dans l’affaire Apotex et tout appel susceptible de suivre. Cobalt se fonde donc sur la preuve et les observations d’Apotex concernant la validité.

[31]           Le 11 janvier 2016, le premier jour du procès, Bayer a informé la Cour qu’elle cherchait à obtenir une déclaration de contrefaçon contre Apotex et Cobalt, mais seulement à l’égard de la revendication 31 du brevet 426 et des revendications dépendantes 48 et 49. Les instances ont été scindées, et la présente décision ne concerne que les questions de validité et de contrefaçon.

III.             Le brevet 426 en détail

[32]           Le domaine de l’invention est décrit à la page 1 du brevet 426 :

[traduction]

DOMAINE DE L’INVENTION

La présente invention concerne une composition pharmaceutique contenant de la drospirénone et de l’éthinylestradiol, une méthode permettant à la drospirénone de se dissoudre, des méthodes permettant d’inhiber l’ovulation par l’administration de drospirénone, et l’utilisation de la drospirénone et de l’éthinylestradiol pour inhiber l’ovulation.

[33]           Dans la section suivante, intitulée [traduction] « Contexte de l’invention », il est reconnu que les contraceptifs oraux contenant une combinaison de gestagène et d’œstrogène sont couramment utilisés depuis les années 1960. Le composé de gestagène est fiable aux fins de contraception. Le brevet reconnaît que l’un de ces gestagènes, la drospirénone, est utile pour le traitement de diverses affections. Il est reconnu qu’une combinaison de drospirénone et d’éthinylestradiol serait une combinaison possible, mais non préférentielle, qui agirait comme contraceptif oral.

[34]           La section suivante, intitulée [traduction] « Résumé de l’invention », indique qu’une dose minimum ainsi qu’une dose maximum de drospirénone ont été déterminées.

[traduction]

RÉSUMÉ DE L’INVENTION

Lors des travaux de recherche ayant mené à la réalisation de la présente invention, on a étonnamment découvert qu’une dose minimum de drospirénone non encore divulguée était requise pour assurer une activité contraceptive fiable. Une dose maximum préférentielle a également été identifiée, à laquelle il est possible d’éviter dans une large mesure des effets secondaires indésirables, et en particulier une diurèse excessive.

[35]           La page 4 contient la section [traduction] « Divulgation détaillée de l’invention ». Le brevet indique que pour assurer une biodisponibilité adéquate de la drospirénone, celle-ci doit être présentée sous une forme qui en permet une dissolution rapide. Le brevet traite ensuite de la micronisation, précise les paramètres relatifs à la taille et à la distribution des particules ainsi que les paramètres relatifs à la dissolution. Il indique également qu’il est possible de fournir le produit sous forme micronisée ou en le vaporisant, sous forme de solution, sur un vecteur inerte.

[traduction]

DIVULGATION DÉTAILLÉE DE L’INVENTION

La drospirénone, qui peut être essentiellement préparée selon la méthode décrite, par exemple, dans le brevet américain 4 129 564 ou le brevet WO 98/06738, est une substance peu soluble dans l’eau et dans les tampons aqueux à divers pH. Par ailleurs, la drospirénone subit un réarrangement et forme un isomère inactif dans des conditions acides, et elle subit une hydrolyse dans des conditions basiques. Afin que le composé présente une bonne biodisponibilité, ledit composé est présenté de façon avantageuse sous une forme qui en favorise la dissolution rapide.

Il a été étonnamment observé que, lorsque la drospirénone est fournie sous une forme micronisée (de façon que les particules de la matière active aient une surface de plus de 10 000 cm2/g et qu’elles présentent la distribution suivante, déterminée au microscope, concernant les tailles pas plus de deux particules dans un lot donné présentant un diamètre supérieur à 30 µm, et préférentiellement ≤ 20 particules présentant un diamètre ≥ 10 µm et ≤ 30 µm) dans une composition pharmaceutique, on observe une dissolution rapide de l’ingrédient actif in vitro (on définit une « dissolution rapide » par une dissolution d’au moins 70 % de la drospirénone en environ 30 minutes, et plus particulièrement une dissolution d’au moins 80 % de la drospirénone en environ 20 minutes, à partir d’un comprimé contenant 3 mg de drospirénone, dans 900 ml d’eau à 37 °C, selon la méthode XXIII de l’USP utilisant un appareil à palette no 2 à 50 tours/minute). Plutôt que de fournir la drospirénone sous une forme micronisée, il est possible de la dissoudre dans un solvant approprié, par exemple du méthanol ou de l’acétate d’éthyle, puis de la pulvériser à la surface de particules vectrices inertes et d’incorporer lesdites particules dans la composition.

Sans se limiter à une théorie précise, il semble que la vitesse de dissolution in vitro de la drospirénone est liée à la vitesse de dissolution in vivo, ce qui entraîne une absorption rapide de la drospirénone in vivo après l’administration du comprimé par voie orale. Il s’agit d’un avantage, car l’isomérisation du composé dans l’estomac et/ou son hydrolyse dans l’intestin sont considérablement réduites, ce qui permet à la biodisponibilité du composé d’être élevée.

En ce qui concerne l’éthinylestradiol, qui est également peu soluble, quoique moins sujet à une dégradation que la drospirénone dans les conditions qui prévalent dans le tube digestif, il est également avantageux de recourir à une forme micronisée ou pulvérisée à partir d’une solution, par exemple une solution d’éthanol, sur la surface de particules vectrices inertes. Cette démarche a un autre avantage, soit celui de permettre une distribution plus homogène de l’éthinylestradiol dans le composé, ce qui serait autrement difficile à réaliser, l’éthinylestradiol étant incorporé en des quantités extrêmement faibles. Lorsqu’il est sous forme micronisée, l’éthinylestradiol présente préférentiellement la distribution suivante, déterminée au microscope, concernant les tailles : 100 % des particules présentent un diamètre ≤ 15,0 µm, 99 % des particules présentent un diamètre ≤ 12,5 µm, 95 % des particules ont un diamètre ≤ 10,0 µm et 50 % des particules ont un diamètre ≤ 3,0 µm. De plus, aucune particule ne présente un diamètre supérieur à 20 µm et ≤ 10 particules ont un diamètre ≥ 15 µm et ≤ 20 µm.

Afin d’obtenir une meilleure vitesse de dissolution, on utilise préférentiellement des vecteurs ou des excipients qui favorisent la dissolution des deux matières actives. Il peut par exemple s’agir de substances qui sont facilement solubles dans l’eau, comme les dérivés de la cellulose, [...] la carboxyméthylcellulose, l’hydroxypropylcellulose, l’hydroxypropylméthylcellulose, de l’amidon gélatinisé, de la gélatine ou de polyvinylpyrrolidone. Il semble en particulier que la polyvinylpyrrolidone soit particulièrement utile pour favoriser la dissolution.

La composition de l’invention comprend préférentiellement une quantité de drospirénone correspondant à une dose quotidienne allant d’environ 2,5 mg à environ 3,5 mg, et en particulier à une dose d’environ 3 mg. La quantité d’éthinylestradiol correspond préférentiellement à une dose quotidienne allant d’environ 0,015 mg à environ 0,04 mg, et en particulier à une dose d’environ 0,015 mg à environ 0,03 mg. Plus particulièrement, la présente composition comprend une quantité de drospirénone correspondant à une dose quotidienne allant d’environ 3,0 à environ 3,5 mg et une quantité d’éthinylestradiol correspondant à environ 0,015 mg à environ 0,03 mg.

Outre sa capacité à inhiber l’ovulation, la composition de l’invention s’est révélée posséder des propriétés antiandrogéniques prononcées, et peut par conséquent être utilisée dans la prévention ou le traitement de troubles liés aux androgènes, en particulier l’acné. L’utilisation de la composition à cette fin peut se faire indépendamment de son emploi en guise de contraceptif divulgué ci‑dessus ou en concomitance avec un tel emploi. De plus, étant donné que la drospirénone est un antagoniste de l’aldostérone, elle a des propriétés diurétiques et constitue par conséquent un moyen adéquat de contrecarrer la rétention d’eau causée par l’éthinylestradiol.

Dans l’une de ses réalisations, l’invention concerne une préparation pharmaceutique consistant en un nombre donné de formes pharmaceutiques quotidiennes emballées séparément et pouvant être retirées individuellement placées dans une unité d’emballage et conçues pour être administrées oralement pendant une période d’au moins 21 jours consécutifs, où chacune des dites unités de dose quotidienne contient une combinaison de drospirénone d’environ 2 mg à 4 mg et d’éthinylestradiol d’environ 0,01 mg à 0,05 mg.

[36]           La divulgation détaillée décrit les véhicules et les excipients, les doses particulières, les autres utilisations, l’emballage des doses, les doses quotidiennes et les périodes de repos.

[37]           Le brevet énonce à la page 9 que la composition de l’invention peut être formulée de n’importe quelle manière connue dans l’art pharmaceutique :

[traduction]

La composition de l’invention peut être formulée selon toutes les méthodes connues dans le domaine pharmaceutique. Plus particulièrement, comme indiqué ci‑dessus, la composition peut être formulée selon une méthode comprenant de la drospirénone et, facultativement, de l’éthinylestradiol sous forme micronisée ou pulvérisée à partir d’une solution sur des particules vectrices inertes comme adjuvant avec un ou plusieurs excipients pharmaceutiquement acceptables favorisant la dissolution de la drospirénone et de l’éthinylestradiol de façon à permettre une dissolution rapide de la drospirénone et, préférentiellement, de l’éthinylestradiol en administration orale.

[38]           Il s’ensuit une liste d’exemples d’excipients adéquats ainsi que l’observation portant que les comprimés peuvent être recouverts d’une pellicule et que la composition peut être sous forme liquide. Les unités d’emballage, la formulation parentérale et les formulations transdermiques sont également abordées.

[39]           À partir de la page 11, le brevet fournit cinq exemples de tests effectués par les inventeurs nommés. L’exemple 1 traite de la préparation des comprimés contenant de la drospirénone et de l’éthinylestradiol, tous deux sous forme micronisée. L’exemple 2 traite du taux de dissolution de la drospirénone dans ces comprimés. L’exemple 3 traite du taux de dissolution de l’éthinylestradiol. L’exemple 4 traite de la biodisponibilité de la drospirénone et de l’éthinylestradiol. L’exemple 5 traite de l’efficacité des formulations contenant ces composants comme contraceptif.

[40]           Les revendications du brevet (53 au total) sont ensuite énoncées.

IV.             Les revendications en litige

[41]           La revendication 31 est la seule revendication indépendante en litige. Elle se lit comme suit :

[traduction]

Une composition pharmaceutique comprenant :

d’environ 2 mg à environ 4 mg de particules de drospirénone, où la drospirénone est sous une forme qui, lorsque fournie en comprimé de 3 mg de drospirénone, se dissout de sorte qu’au moins 70 % de la drospirénone est dissoute dans 900 ml d’eau à 37 °C (±0,5 °C) en 30 minutes, comme le prévoit la méthode USP XXIII Paddle à l’aide d’un appareil de test de dissolution USP 2 à une vitesse d’agitation de 50 tr/min, ainsi que de six récipients en verre et de six palettes;

d’environ [sic] 0,01 mg à 0,05 mg de 17α-éthinylestradiol et au moins un véhicule pharmaceutique acceptable, la composition étant d’une dose orale et étant efficace comme contraceptif oral chez une femme.

[42]           Les revendications 48 et 49 sont aussi en litige, mais seulement parce qu’elles sont dépendantes de la revendication 31.

[43]           La revendication 48, qui dépend de la revendication 31, se lit comme suit :

[traduction]

Une composition ou un ensemble visé à la revendication 31, où la quantité de drospirénone varie entre 2,5 mg et 3,5 mg, et la quantité de 17α-éthinylestradiol varie de 0,015 mg à 0,04 mg.

[44]           La revendication 49, qui dépend de la revendication 31, se lit comme suit :

[traduction]

Une composition ou un ensemble visé à la revendication 31, où la quantité de 17α-éthinylestradiol varie entre 0,01 mg et 0,04 mg, et la drospirénone se trouve sous une forme où elle est exposée à l’environnement gastrique lors de la dissolution.

V.                Adhésion déférente et stare decisis

[45]           Les parties s’entendent sur la mesure dans laquelle la Cour est liée par les conclusions de fait et de droit tirées par la Cour d’appel fédérale et par le juge Hughes dans les instances connexes relatives à un avis de conformité. Les parties acceptent la proposition générale voulant que les décisions rendues par les tribunaux supérieurs soient contraignantes conformément à la doctrine du stare decisis. Cependant, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si la Cour est tenue de suivre les conclusions de droit antérieures qui reposent grandement sur une preuve d’expert, comme l’interprétation des revendications. Elles ne s’entendent pas non plus sur la mesure dans laquelle je devrais m’en tenir aux conclusions du juge Hughes conformément à la doctrine de l’adhésion déférente.

[46]           Bayer soutient que la Cour devrait adhérer à l’interprétation que la Cour d’appel fédérale a faite du brevet 426, à moins que les éléments de preuve ne démontrent que l’interprétation antérieure était erronée ou si des éléments de preuve différents exigent un résultat différent. Bayer se fonde sur les jugements rendus par la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308, aux paragraphes 50 et 51 [Allergan], et Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2014 CAF 250, au paragraphe 59 [Pfizer Canada]. Bayer insiste également pour que la Cour adopte les conclusions additionnelles de la Cour d’appel fédérale et du juge Hughes dans le contexte d’un avis de conformité, notamment pour qu’elle conclut que le brevet 426 n’est pas invalide pour des motifs d’évidence, d’insuffisance ou de portée excessive.

[47]           Cobalt affirme que les conclusions tirées dans une instance relative à un avis de conformité ne constituent pas, en droit, une décision définitive sur la validité ou la contrefaçon d’un brevet, citant la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Eli Lilly & Co c. Novopharm Ltd, [1998] 2 RCS 129, aux paragraphes 95 et 96, [1998] ACS no 59. Cobalt soutient que la portée de la preuve présentée dans une action en contrefaçon est beaucoup plus large que dans une instance relative à un avis de conformité et que la Cour est donc libre de s’écarter des conclusions tirées par la Cour d’appel fédérale et le juge Hughes.

[48]           Cobalt ajoute que l’interprétation, par un tribunal, d’une revendication dans le contexte d’un avis de conformité n’a pas force obligatoire dans une action subséquente en contrefaçon, mais peut avoir une certaine valeur persuasive lorsque la revendication a été interprétée sans que des connaissances spécialisées soient nécessaires (citant l’arrêt Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2015 CF 322, aux paragraphes 175 à 179). Cobalt prévient que, étant donné que le dossier de preuve est différent dans une action en contrefaçon, ce pourrait être une grave erreur de se fonder sur les conclusions tirées par le juge qui a instruit l’instance relative à l’avis de conformité (AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex inc., 2014 CF 638, aux paragraphes 34, 36 et 42, conf. pour d’autres motifs dans 2015 CAF 158, autorisation de pourvoir devant la CSC accordée [AstraZeneca]).

[49]           Apotex affirme que les conclusions tirées dans le contexte d’un avis de conformité ne devraient pas avoir d’incidence sur la présente action (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 359, au paragraphe 41). Elle fait valoir que les conclusions de la Cour d’appel fédérale, même sur les questions de droit, n’ont pas strictement force exécutoire, tout en reconnaissant qu’elles peuvent être « très persuasives ». En ce qui concerne l’adhésion déférente, Apotex affirme que chaque juge peut déterminer le mode d’application de cette doctrine à ses décisions à l’égard de la compétence particulière exercée (citant Allergan, au paragraphe 48). Tout comme Cobalt, Apotex prévient qu’il serait une erreur pour la Cour de s’en remettre aux conclusions formulées dans les instances relatives à un avis de conformité, car des compétences différentes sont exercées et que les éléments de preuve ne sont pas les mêmes.

[50]           Il semble que le droit à cet égard ne soit pas entièrement établi. Il est clair que les principes du stare decisis et de l’adhésion déférente s’appliquent dans le contexte des avis de conformité lorsque les tribunaux exercent la même compétence (Allergan, aux paragraphes 50 et 51). Il est cependant moins clair si ces principes s’appliquent avec la même force, ou de la même façon, dans les instances relatives à un avis de conformité et dans les actions subséquentes en contrefaçon et en invalidation. Bien que les règles de droit puissent être les mêmes, les éléments de preuve sont nettement différents.

[51]           L’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher (Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67, au paragraphe 61 [Whirlpool]). Conformément au principe du stare decisis, les tribunaux inférieurs sont liés par les décisions rendues par un tribunal supérieur. Cependant, comme l’ont mentionné Cobalt et Apotex, la Cour a également conclu que les instances relatives à un avis de conformité ne pouvaient pas donner lieu à une décision définitive concernant la validité ou la contrefaçon d’un brevet parce qu’elles sont de nature sommaire; elles visent des questions différentes de celles qui sont soulevées au procès et qui sont tranchées selon la preuve par affidavit (AstraZeneca, au paragraphe 27).

[52]           En l’espèce, le principe du stare decisis n’est pertinent que pour la question de l’interprétation des revendications. La Cour d’appel fédérale a interprété la revendication 31 comme visant toutes les particules de drospirénone à dissolution rapide qui, lorsqu’elles se présentent sous la forme d’un comprimé, ont le profil de dissolution requis (Cobalt c. Bayer CAF, aux paragraphes 33 et 76). Il s’agit là d’une conclusion de droit. Toutefois, dans les procédures visant Cobalt, le juge Stratas a fait remarquer en obiter que les questions d’interprétation des revendications ne devraient pas être considérées comme de « pures questions de droit » parce que le tribunal n’interprète pas un brevet dans un vide factuel. Il a mentionné qu’il était difficile de « détacher » les aspects de l’interprétation d’une revendication qui découlent de l’appréciation de la preuve d’expert et du libellé du brevet en soi (Cobalt c. Bayer CAF, aux paragraphes 17 à 20). Le juge Stratas a néanmoins reconnu que la jurisprudence faisant autorité considère les questions d’interprétation des revendications comme de pures questions de droit. Je suis en accord avec cette conclusion.

[53]           Dans la mesure où la Cour pourrait avoir un pouvoir discrétionnaire de suivre l’interprétation adoptée dans l’instance relative à l’avis de conformité ou de s’en écarter, je considère que l’interprétation antérieure de la Cour d’appel fédérale est, à première vue, contraignante, mais je reconnais qu’elle pourrait être revue si la preuve le justifiait. Autrement dit, j’adopterai l’interprétation que le juge Hughes et la Cour d’appel fédérale ont faite du brevet 426, à moins qu’une partie ne me fournisse une bonne raison de ne pas le faire. Il en va de même lorsqu’il s’agit de définir l’« idée originale » du brevet et de déterminer la « promesse » de celui-ci, deux aspects de l’interprétation des revendications qui sont donc des questions de droit (Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au paragraphe 67 [Sanofi‑Synthelabo]; Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, au paragraphe 24, demande de pourvoir devant la CSC refusée [Weatherford]; Astrazeneca Canada Inc. c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2011 CF 1023, au paragraphe 87, conf. pour d’autres motifs 2012 CAF 109 [Astrazeneca Canada]).

[54]           Les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit tirées antérieurement dans le contexte d’un avis de conformité sont peut-être persuasives, mais il faut en tenir compte avec prudence. Par exemple, le juge Hughes a précédemment défini l’expression « personne versée dans l’art » dans le contexte d’une instance relative à un avis de conformité, mais il s’agit d’une question de droit et de fait. Elle doit donc être examinée de nouveau, en fonction des éléments de preuve présentés en l’espèce. L’évidence est habituellement considérée comme une question de fait ou une question de droit et de fait, à laquelle le principe de l’adhésion déférente ne s’applique pas (Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, au paragraphe 44 [Wenzel]; Allergan, au paragraphe 44). Il en va de même pour les questions d’ambiguïté, de portée excessive, d’utilité et d’insuffisance.

VI.             Questions en litige

[55]           Bayer maintient que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 sont valides et ont été contrefaites par Apotex et Cobalt. Apotex et Cobalt nient les allégations de contrefaçon et, par demande reconventionnelle, allèguent que les revendications en litige devraient être déclarées invalides.

[56]           Apotex soutient que les revendications sont invalides pour cinq motifs : (i) évidence; (ii) antériorité; (iii) portée excessive (iv) caractère insuffisant ou ambiguïté du mémoire descriptif; (v) inutilité.

VII.          Observations préliminaires concernant les éléments de preuve

A.                Objections concernant la preuve d’expert

[57]           Toutes les parties ont présenté des objections par écrit à l’égard des rapports d’experts déposés par les parties adverses. Aucune des parties n’a consacré un temps important à ces objections dans leur plaidoirie, même si bon nombre d’entre elles ont été soulevées durant le procès et ont été tranchées en conséquence.

[58]           Bayer a présenté trois documents intitulés « Particulars of Objection to Expert Witnesses » (exposés de l’opposition aux témoins experts), l’un daté du 16 novembre 2015, et les deux autres datés du 4 janvier 2016. Elle a indiqué qu’elle s’opposerait, au procès, à toute mention des documents qui n’étaient pas inclus dans les actes de procédure des défenderesses ainsi qu’à toute opinion d’expert fondée sur ces documents. Bayer a également précisé qu’elle s’opposerait à la recevabilité de certaines réponses déposées par les experts d’Apotex au motif qu’elles ne relevaient pas de la portée des actes de procédure. De plus, Bayer a soutenu que les éléments de preuve s’éloignaient du mandat des experts, que les experts n’avaient pas eu l’autorisation de déposer des réponses et que les rapports étaient fondés sur des tests irrecevables parce qu’ils n’étaient pas conformes à l’Avis aux parties et à la communauté juridique [l’Avis] concernant les tests expérimentaux, daté du 27 février 2014.

[59]           Bayer a formulé des objections similaires concernant la recevabilité des rapports d’experts déposés pour le compte de Cobalt et concernant les témoignages relatifs à ces questions. Bayer a allégué que Cobalt avait omis de respecter les dates limites énoncées dans l’Avis, n’avait pas respecté le Code de déontologie régissant les témoins experts [Code de déontologie] conformément à l’article 52.2 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles des Cours fédérales], s’était fondée sur des documents non divulgués, avait tenté de présenter des éléments de preuve allant à l’encontre d’un aveu formulé dans son acte de procédure et avait offert de l’information qui s’éloignait du mandat des experts.

[60]           Apotex a présenté des objections écrites exhaustives à l’égard des rapports d’experts déposés pour le compte de Bayer. Cobalt a en grande partie adopté les objections formulées par Apotex et a présenté un document qui renvoyait aux rapports préparés par les experts de Bayer pour l’affaire mettant en cause Apotex en même temps que ceux préparés pour l’affaire mettant en cause Cobalt.

[61]           Apotex a soulevé l’objection fondamentale selon laquelle Bayer n’avait pas présenté tous les documents pertinents liés aux tests effectués par ses experts. Elle s’est également opposée à des paragraphes précis des rapports d’experts de Bayer pour une grande variété de motifs, notamment le non-respect du Code de déontologie. Apotex a exprimé des préoccupations concernant le caractère adéquat des qualifications des experts pour formuler certaines opinions, l’incohérence des méthodes d’essai, la nouveauté de ces méthodes et une hypothèse injustifiée.

[62]           Je conclus que toutes les parties ont divulgué suffisamment d’information pour éviter que les parties adverses soient prises par surprise et pour qu’elles aient une occasion adéquate de contester la preuve d’expert qu’elles considéraient comme inutiles dans leur cas respectif. Le contre-interrogatoire n’a révélé aucune lacune en matière de divulgation ni aucune absence d’avis pouvant avoir causé de l’injustice pour une partie. Bayer a renoncé à s’appuyer sur l’analyse en classification automatique à K moyennes, qui était l’une des nouvelles méthodes d’essai à laquelle Apotex s’opposait. Les limites des qualifications de tous les témoins experts les empêchant de formuler certaines opinions ont été examinées en contre-interrogatoire, tout comme les conclusions pouvant être considérées comme hypothétiques.

[63]           Les parties ont eu amplement l’occasion, lors du contre-interrogatoire, de contester l’opinion des témoins experts, et elles l’ont fait. Je fonde mes conclusions sur les éléments de preuve que je juge recevables et probants. Je rejette les éléments de preuve qui, à mon avis, dépassent les qualifications d’un expert témoin, et je n’accorde aucun poids aux points de vue qui n’ont pas été étayés par des éléments de preuve ou qui étaient indûment hypothétiques. Les motifs pour lesquels j’accepte certains éléments de preuve et certaines opinions et j’en refuse d’autres se trouvent dans l’analyse qui suit.

B.                 « Aveuglement » des témoins experts

[64]           Apotex soutient que le témoignage de ses témoins experts devrait être privilégié par rapport à celui des experts qui ont témoigné pour le compte de Bayer, car ces derniers sont arrivés à leurs conclusions sans connaître la nature et le contenu du brevet en litige ni les positions juridiques des parties. Inversement, Apotex mentionne que les témoins experts de Bayer ont témoigné à l’appui de ce brevet et de brevets similaires à plusieurs occasions et connaissent donc très bien le sujet.

[65]           Bien que l’« aveuglement » des témoins experts ait déjà été privilégié devant la Cour, il ne s’agit pas d’un principe juridique devant être appliqué à tous les cas (Shire Canada Inc. c. Apotex Inc., 2016 CF 382, au paragraphe 45 [Shire]; Eli Lilly Canada Inc c. Apotex Inc, 2015 CF 875, au paragraphe 166 [Eli Lilly]; AstraZeneca, au paragraphe 322). Le fait que des témoins experts aient été aveuglés peut être persuasif et utile pour établir le poids à accorder à l’opinion de cet expert lorsque la crédibilité soulève des préoccupations (Shire, au paragraphe 45; Eli Lilly, aux paragraphes 163 à 166). Cependant, la principale préoccupation de la Cour demeure la substance de l’opinion de l’expert et le raisonnement qui a mené à cette opinion.

[66]           Comme le juge Locke l’a observé, si le raisonnement d’un expert est bien étayé, il n’y a aucune raison d’accorder moins de poids à la preuve d’expert simplement parce que l’expert n’a pas été informé de certains faits au moment de donner son opinion (Shire, au paragraphe 45). En outre, l’aveuglement d’un témoin expert « ne garantit nullement » que les éléments de preuve déposés sont fiables. Il est toujours possible pour une partie peu scrupuleuse de solliciter l’opinion de plusieurs experts non informés des faits et de conserver seulement les opinions que la partie juge favorables à sa position juridique (Shire, au paragraphe 46). Je ne crois pas que l’aveuglement des témoins experts soit un facteur important pour trancher les questions juridiques et factuelles soulevées en l’espèce.

VIII.       Interprétation et validité des revendications

A.                Témoins des faits et témoins experts

[67]           Apotex, la demanderesse reconventionnelle à l’égard de la question de la validité, a présenté le témoignage des témoins experts suivants pour aborder les questions de l’interprétation et de la validité du brevet :

a)      M. Kenneth Morris, de Brooklyn, à New York. Il est enseignant et directeur du Lachman Institute for Pharmaceutical Analysis à l’Université de Long Island. Il a été reconnu en tant qu’expert en produits pharmaceutiques, en pharmacologie et en sciences des matériaux. M. Morris a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour des motifs d’évidence, d’ambiguïté, d’insuffisance, de portée excessive et d’inutilité.

b)      M. Alan F. Parr, de Cary, en Caroline du Nord. Il est un expert-conseil indépendant en biopharmaceutique et en pharmacologie. Il a été admis comme expert en biopharmaceutique de la pharmacologie ainsi qu’en transport et en devenir des médicaments et des formes posologiques dans le tube digestif. M. Parr a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour des motifs d’évidence, d’ambiguïté, d’insuffisance, de portée excessive et d’inutilité.

c)      Dr James Simon, de Washington, D.C. Il est professeur clinique à la Division d’endocrinologie de la reproduction et d’infertilité au département d’obstétrique et de gynécologie de l’École de médecine de l’Université George Washington. Il a été admis comme médecin et expert clinique qualifié en gynécologie, en endocrinologie de la reproduction et en infertilité, notamment en étude du système de reproduction féminin, des hormones sexuelles utilisées dans la contraception, des contraceptifs oraux (y compris les contraceptifs combinés) et en pratique d’essais cliniques visant l’étude et le développement de contraceptifs. Le Dr Simon a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour des motifs d’antériorité.

d)     M. Michael Cima, de Cambridge, au Massachusetts. Il est titulaire de la chaire de génie David H. Koch et professeur de science et génie des matériaux au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il a été admis comme expert en sciences des matériaux et en génie, en développement de la technologie pharmaceutique et en fabrication de systèmes et de produits d’administration de médicaments, en évaluation des propriétés physiques et chimiques de substances pharmaceutiques et d’excipients pharmaceutiques, et comme expert des instruments et des méthodes utilisés pour analyser les substances et les produits pharmaceutiques, y compris la spectroscopie infrarouge et Raman et la microscopie optique. M. Cima a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour des motifs d’antériorité.

[68]           Bayer, la défenderesse dans l’instance relative à la validité, a appelé trois témoins des faits :

a)      M. Johannes W. Tack, de Berlin, en Allemagne. Il était scientifique responsable des formulations chez Schering durant les années 1980 et 1990. Il était également responsable de la conception d’une formulation de drospirénone à utiliser comme contraceptif oral et est l’un des inventeurs nommés d’un brevet concernant la drospirénone aux États-Unis.

b)      Dre Renate Heithecker, de Berlin, en Allemagne. Elle a travaillé comme pharmacienne et médecin clinicienne chez Schering durant les années 1980 et 1990. Elle a conçu et mené des études cliniques afin de déterminer l’efficacité d’une formulation de drospirénone et d’éthinylestradiol comme contraceptif. Elle est également l’une des inventeurs nommés du brevet 426.

c)      M. Michael Karl Hümpel, de Lubeck, en Allemagne. Il a travaillé comme pharmacocinéticien chez Schering durant les années 1980 et 1990 et a participé à la conception d’une formulation de drospirénone à utiliser comme contraceptif oral.

[69]           Bayer a également présenté le témoignage des témoins experts suivants :

a)      Dr Kurt Barnhart, de Philadelphie, en Pennsylvanie. Il est un professeur d’obstétrique et de gynécologie à l’Université de Pennsylvanie. Il a été admis comme expert en obstétrique et en gynécologie se spécialisant dans l’endocrinologie de la reproduction et la fertilité, le système reproducteur féminin, le développement de nouveaux contraceptifs, notamment des contraceptifs hormonaux oraux combinés, les essais cliniques des contraceptifs et la direction de ceux qui participent à ces essais cliniques. Le Dr Barnhart a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour un motif d’antériorité, en fonction des essais cliniques effectués par Schering et Berlex, une société affiliée de Schering.

b)      M. Martyn Davies, de Nottingham, au Royaume-Uni. Il est professeur de chimie de surface biomédicale à l’Université de Nottingham et cofondateur de Juniper Pharma Services [Juniper], une entreprise de développement pharmaceutique et de caractérisation avancée. Il a été admis comme expert en formulation pharmaceutique, notamment en recherche, en développement, en fabrication, en caractérisation, en mise à l’essai et en analyse de formulations pharmaceutiques, y compris en évaluation des propriétés physiques et chimiques de substances et d’excipients pharmaceutiques à l’aide, entre autres, de la spectroscopie Raman confocale, de la spectroscopie Fourier Transform Raman [spectroscopie FT Raman], de la spectroscopie infrarouge, de la microscopie optique à lumière polarisée, de tests de dissolution et de chromatographie liquide à haute performance [CLHP]. M. Davies a formulé une opinion sur la question de savoir si le brevet 426 est invalide pour des motifs d’évidence, de portée excessive, d’ambiguïté et d’insuffisance.

B.                 Observations générales concernant les éléments de preuve

[70]           Les témoins experts et les témoins des faits appelés à témoigner concernant les questions d’interprétation des revendications et d’invalidité étaient généralement crédibles. Ils ont tous présenté des qualifications impressionnantes et ont témoigné de façon directe et éclairante, parfois même de façon opiniâtre, justifiant un peu trop leurs conclusions.

C.                 Principes gouverneurs et date pertinente

[71]           Avant de décider si un brevet est valide et s’il a été contrefait, il est nécessaire d’interpréter les revendications en litige. Les revendications doivent être interprétées à la date de leur publication, soit le 8 mars 2001 (Whirlpool, au paragraphe 55). La Cour doit examiner la description contenue dans le brevet pour déterminer les « éléments essentiels » et peut demander l’aide d’un expert pour connaître la signification de mots ou d’expressions particuliers (Whirlpool, aux paragraphes 43, 45 et 57).

[72]           Les principes fondamentaux de l’interprétation des revendications sont énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Whirlpool, aux paragraphes 49 à 55; Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, aux paragraphes 44 à 54 [Free World Trust]; et Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 RCS 504, au paragraphe 27, 122 DLR (3d) 203. Ces principes sont les suivants :

  • la teneur d’une revendication doit être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet avec un esprit disposé à comprendre, comme la voit la personne versée dans l’art à la date de publication pour ce qui est des connaissances générales courantes;
  • le respect du libellé des revendications permet de les interpréter de la manière dont l’inventeur est présumé l’avoir voulu et d’une façon favorable à l’atteinte de l’objectif de l’inventeur, qui fait la promotion à la fois de l’équité et de la prévisibilité;
  • l’ensemble du mémoire descriptif devrait être pris en compte afin de s’assurer de la nature de l’invention, et l’interprétation des revendications ne doit pas être bienveillante ni sévère, mais elle devrait plutôt être raisonnable et équitable tant pour le titulaire du brevet que pour le public.

D.                Personne versée dans l’art

[73]           Afin d’interpréter les revendications en litige, la Cour doit définir ce qu’est une personne versée dans l’art. Il s’agit de « la personne à laquelle s’adresse censément le brevet, sous l’angle de laquelle la Cour doit interpréter le brevet et qui sert de critère en vue de déterminer l’évidence » (Amgen Canada Inc c. Apotex Inc., 2015 CF 1261, au paragraphe 42).

[74]           Bayer affirme que le brevet 426 vise un formulateur pharmaceutique possédant un diplôme en pharmacie ou en chimie, ainsi que plusieurs années d’expérience dans le domaine de la formulation pharmaceutique. Cela suit de près la définition donnée par le juge Hughes dans Bayer c. Cobalt (au paragraphe 38).

[75]           Apotex ne conteste pas sérieusement la définition de Bayer. Selon elle, le seul point de désaccord entre les parties est le degré de spécialisation d’une personne versée dans l’art dans le domaine de la pharmacocinétique. Apotex fait valoir que « [d]ans le cas des brevets hautement techniques, la personne versée dans l’art sera celle qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques et d’expertise dans le domaine particulier auquel se rapporte le brevet » (citant la décision Merck & Co Inc. v. Apotex Inc., 2010 FC 1265, au paragraphe 58). Elle affirme que le brevet 426 porte précisément sur la pharmacocinétique et que, par conséquent, il ne peut pas être compris si on ne possède pas l’expérience ou les connaissances adéquates dans ce domaine.

[76]           Les experts d’Apotex, M. Morris et M. Parr, ont défini une personne versée dans l’art comme une équipe composée d’experts en sciences des matériaux pharmaceutiques, de formulateurs pharmaceutiques, de pharmacocinéticiens, de pharmacologues et de chercheurs cliniciens travaillant tous dans leurs domaines pertinents. M. Davies ne s’opposait pas à l’idée de qualifier d’équipe une personne versée dans l’art, tout en insistant sur le fait que cette personne se concentrerait principalement à la formulation de médicaments et non à la pharmacocinétique. Il a reconnu que la personne versée dans l’art aurait au moins quelques connaissances en pharmacocinétique.

[77]           D’après les éléments de preuve et les observations des parties, je définirais la personne versée dans l’art comme un formulateur pharmaceutique possédant un diplôme en pharmacie ou en chimie, ainsi que plusieurs années d’expérience dans le domaine de la formulation pharmaceutique. Ce formulateur pharmaceutique aurait à tout le moins une connaissance pratique de la pharmacocinétique.

E.                 Connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art

[78]           Le brevet doit être interprété en tenant compte des « connaissances générales courantes » des personnes versées dans l’art (Free World Trust, au paragraphe 44; Whirlpool, au paragraphe 53). Il s’agit des connaissances que possède la personne versée dans l’art au moment opportun et comprend ce que l’on pourrait raisonnablement s’attendre que cette personne sache (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 70; Whirlpool, au paragraphe 74). Les connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art doivent être établies selon la prépondérance des probabilités et ne peuvent être supposées (Uponor AB v. Heatlink Group Inc., 2016 FC 320, au paragraphe 47 [Uponor]).

[79]           L’évaluation des connaissances générales courantes est régie par les principes énoncés dans la décision Eli Lilly and Company c. Apotex Inc., 2009 CF 991, au paragraphe 97, et General Tire & Rubber Co v Firestone Tyre & Rubber Co, [1972] RPC 457, aux paragraphes 482 et 483, [1971] FSR 417 (UKHL) :

[traduction]

  • Il faut soigneusement distinguer les connaissances générales courantes imputées à la personne versée dans l’art de ce que l’on considère en droit des brevets comme des connaissances publiques;
  • les connaissances générales courantes forment un concept différent qui découle d’une approche fondée sur le bon sens de la question pratique de savoir ce que connaîtrait en fait un destinataire dûment qualifié – le genre d’homme qui excelle dans son travail et que l’on pourrait trouver dans la vraie vie;
  • les mémoires descriptifs individuels de brevet et leur contenu ne font habituellement pas partie des connaissances générales courantes pertinentes, bien qu’il puisse y avoir des mémoires descriptifs si bien connus qu’ils font partie des connaissances générales courantes, particulièrement dans certaines industries;
  • De façon générale, en ce qui concerne les documents scientifiques :
    • pour établir les connaissances générales courantes, il ne suffit pas de démontrer qu’une divulgation particulière a été faite dans un article, dans une série d’articles ou dans une revue scientifique, quel que soit le tirage de cette revue, en l’absence d’une preuve selon laquelle la divulgation est généralement acceptée par les personnes versées dans l’art auquel elle se rapporte;
    • une connaissance précise et divulguée dans un document scientifique ne devient pas une connaissance générale courante simplement parce que le document est lu par de nombreuses personnes, et encore moins parce qu’il a été largement diffusé;
    • une telle connaissance ne fait partie des connaissances générales courantes que si elle est connue et acceptée sans réserve par la majorité de ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art;
    • il est difficile de déterminer comment l’utilisation d’une chose qui, dans les faits, n’a jamais été utilisée dans un art particulier peut être considérée comme une connaissance générale courante de l’art.

[80]           D’après les éléments de preuve présentés en l’espèce, je conclus qu’une personne versée dans l’art aurait compris ce qui suit et que cela aurait constitué des connaissances générales courantes à la date pertinente aux fins de l’interprétation des revendications, c’est-à-dire le 8 mars 2001 :

  • La drospirénone peut être utilisée dans la formulation d’un contraceptif oral efficace, de même que dans des traitements contre la diurèse, l’hypersensibilité, le déséquilibre hormonal, la toxicomanie et les symptômes d’androgénisation;
  • L’éthinylestradiol peut être utilisé dans la formulation d’un contraceptif oral efficace;
  • La drospirénone peut être utilisée dans la formulation d’un contraceptif oral efficace en quantité variant de 1 mg à 10 mg (préférablement 3 mg) lorsqu’elle est combinée à une quantité d’éthinylestradiol variant de 0,01 mg à 0,05 mg (préférablement 0,03 mg);
  • La drospirénone est un stéroïde et est donc peu soluble dans l’eau;
  • Les composés peu solubles peuvent être micronisés afin d’accroître leur taux de dissolution;
  • La drospirénone est labile en milieu acide in vitro à un pH de 1, entraînant ainsi l’isomérisation in vitro;
  • Dans l’estomac, le pH normal varie de 1,0 à 3,0;
  • Dans Michael E. Aulton, ed, Pharmaceutics, The Science of Dosage Form Design (London, UK: Churchill Livingstone, 1998) [Aulton], un ouvrage faisant autorité en matière de formulation pharmaceutique, il est affirmé que le temps de vidange gastrique d’un comprimé qui ne se désintègre pas (c.-à-d. le temps qu’il faut à un médicament en solution pour quitter l’estomac et pénétrer dans l’intestin grêle) se situe entre 0,5 et 4,5 heures. Les autres formes posologiques qui se désintègrent en petites sous-unités se vident graduellement et ont un temps de vidange moyen d’environ 1,5 heure;
  • Les formulateurs se fonderaient couramment sur les résultats de tests in vitro pour simplifier des formulations afin d’approfondir le développement de médicaments; cependant, la corrélation entre les résultats in vitro et les résultats in vivo ne peut être supposée et doit être confirmée par d’autres tests.

[81]           Par ailleurs, la personne versée dans l’art aurait été au courant que la spirorénone, un composé qui ressemble beaucoup à la drospirénone, s’isomérise elle aussi in vitro à un pH de 1, quoique plus lentement que la drospirénone. La spirorénone est formulée sous forme de comprimé à libération immédiate qui offre une bonne biodisponibilité in vivo lorsqu’elle est administrée sous une forme non micronisée à des doses relativement élevées pour être utilisée comme antagoniste de l’aldostérone, diurétique ou médicament contre l’hypersensibilité.

F.                  Termes des revendications nécessitant une interprétation

[82]           L’interprétation des brevets est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher. Les parties, par l’entremise de leurs témoins experts, ont offert à la Cour des opinions divergentes sur la signification de certains termes utilisés dans les revendications en litige. Un témoignage d’expert n’est nécessaire que lorsque la signification d’un terme n’est pas évidente à la lecture du mémoire descriptif du brevet. Je suis d’avis que le témoignage d’expert est utile pour interpréter les expressions contestées suivantes : a) « particules de drospirénone » et b) « lors de la dissolution dans l’environnement gastrique ».

(1)               « Particules de drospirénone »

[83]           Chacune des revendications en litige décrit les compositions ou les ensembles comme contenant des quantités précises de « particules de drospirénone ». Dans l’instance relative à l’avis de conformité mettant en cause Bayer et Cobalt, le juge Hughes a interprété la revendication 31 comme incluant toutes les particules de drospirénone se dissolvant rapidement dont le taux de dissolution correspond à celui précisé dans la revendication (Bayer c. Cobalt, au paragraphe 59, conf. par 2015 CAF 116). Autrement dit, la revendication 31 inclut la drospirénone sous toutes ses formes, qu’elle soit micronisée ou vaporisée. De plus, dans la décision Bayer c. Apotex, au paragraphe 60, le juge Hughes a interprété l’expression « particules de drospirénone », telle qu’elle figure dans la revendication 31, comme n’englobant « ni une solution de drospirénone, ni des particules d’une matrice dans laquelle on aurait dissous de la drospirénone ».

[84]           M. Parr a défini une « particule de drospirénone » comme étant une [traduction] « petite forme de drospirénone à l’état solide ». M. Webster a pour sa part indiqué que le terme renvoyait à des [traduction] « unités à l’état solide d’un ingrédient pharmaceutique actif ». M. Davies a défini une particule comme étant une [traduction] « forme de matière non dissoute à l’état solide ».

[85]           En l’espèce, Apotex soulève une nouvelle question qui ne semble pas avoir été examinée devant le juge Hughes : celle de savoir si l’expression « particules de drospirénone » utilisée dans les revendications 31, 48 et 49 limite ces revendications aux compositions où la drospirénone se trouve exclusivement à l’état particulaire ou si les revendications incluent les compositions qui contiennent un mélange de drospirénone à l’état particulaire et non particulaire.

[86]           Selon M. Cima, le terme « particules » s’entend de [traduction] « masses solides distinctes », et le terme « particules de drospirénone » s’entend de masses solides composées exclusivement de drospirénone. Il a exprimé le point de vue selon lequel la personne versée dans l’art comprendrait donc que les compositions pharmaceutiques contenant des formes de drospirénone non particulaires ne relèvent pas de la portée des revendications en litige. Je ne suis pas d’accord. Les mots « exclusivement » ou « seulement » ne figurent pas dans les revendications en litige. Le fait de les ajouter irait à l’encontre d’une lecture téléologique du brevet. En outre, M. Cima a reconnu en contre-interrogatoire qu’une formulation qui inclut au moins 2 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol sous forme particulaire relève de la portée du brevet.

[87]           Cobalt a appelé M. Graham Buckton comme témoin expert. Ses qualifications sont décrites au paragraphe 297 ci-dessous. Selon l’interprétation du brevet proposée par M. Buckton, l’expression « particules de drospirénone » exclut la drospirénone qui a été vaporisée sur des particules vectrices inertes ainsi que la drospirénone qui a été incorporée dans un comprimé. Dans son témoignage, M. Buckton a mentionné que la drospirénone vaporisée sur des vecteurs inertes formait un [traduction] « composite » ou une [traduction] « construction » avec la particule vectrice. Il a affirmé que la drospirénone sous forme de construction partageait une frontière avec la particule vectrice et n’existait donc plus sous forme de particules individuelles. Selon Cobalt, si les inventeurs avaient eu l’intention que la revendication 31 du brevet englobe la drospirénone produite par la méthode de vaporisation, le mot « particules » n’aurait pas été utilisé.

[88]           J’examine le témoignage de M. Buckton dans le contexte de l’allégation de contrefaçon de Bayer contre Cobalt (voir la section « Observations supplémentaires concernant l’interprétation des revendications » ci-après). Il suffit de dire que je ne suis pas convaincu par la caractérisation de M. Buckton selon laquelle les particules qui sont vaporisées sur des vecteurs inertes, puis incorporées dans un comprimé, forment un « composite » ou une « construction ». À mon avis, les particules de drospirénone qui subissent ce processus, qui est précisément visé par le brevet 426, demeurent des particules, telles que décrites par M. Davies.

(2)               « Lors de la dissolution dans l’environnement gastrique »

[89]           La revendication 49 prévoit que la drospirénone dans la composition ou l’ensemble est exposée [traduction] « à l’environnement gastrique lors de la dissolution ». Une personne versée dans l’art comprendrait que l’expression « environnement gastrique » signifie l’estomac. Selon M. Parr, « dissolution » s’entend du processus par lequel les particules solides de drospirénone deviennent une composante dissoute d’une solution.

[90]           Apotex allègue (et M. Parr et M. Morris l’affirment dans leur témoignage) qu’une personne versée dans l’art comprendrait que ce terme impose une limite, car [traduction] « la quantité revendiquée de particules de drospirénone dans la composition doit être exposée à l’estomac (ou à son contenu) après la dissolution de ces particules ». Autrement dit, toutes les particules de drospirénone doivent être complètement dissoutes dans l’estomac et non l’intestin, sinon elles ne seraient pas « exposées à l’environnement gastrique ». Selon M. Parr et M. Morris, puisque les revendications 31 et 48 n’incluent pas de telle limite, la personne versée dans l’art les interpréterait comme permettant à certaines ou à l’ensemble des particules de drospirénone de se dissoudre dans l’estomac ou l’intestin grêle, ou ailleurs. Selon le témoignage de M. Parr, un enrobage gastrorésistant se dissoudrait au PH de l’eau et correspondrait donc au profil de dissolution décrit à la revendication 31. D’après M. Cima, si la revendication 31 était limitée de la même façon que la revendication 49, c’est-à-dire si elle précisait que les particules de drospirénone devaient aussi être exposées à l’environnement gastrique lors de la dissolution, alors le terme utilisé dans la revendication 49 serait redondant.

[91]           Dans son témoignage, M. Davis a indiqué que l’expression [traduction] « exposition à l’environnement gastrique lors de la dissolution » voulait simplement dire que la formulation n’avait pas d’enrobage gastrorésistant. À son avis, aucune des revendications en litige n’englobe les compositions ayant un enrobage gastrorésistant, car elles visent toutes des formulations à dissolution rapide. M. Davis a mentionné qu’une personne versée dans l’art n’interpréterait pas les revendications 31 et 48 autrement simplement parce que la revendication 49 précise que la [traduction] « drospirénone est exposée à l’environnement gastrique lors de la dissolution ». Dans son témoignage, il a déclaré qu’un comprimé avec enrobage gastrorésistant ne correspondrait pas au profil de dissolution décrit à la revendication 31.

[92]           Je préfère le témoignage de M. Davis à cet égard. À mon avis, Apotex offre une interprétation indûment technique de la « dissolution dans l’environnement gastrique ». Il est vrai que ce ne sont pas tous les ingrédients pharmaceutiques actifs des comprimés de Bayer qui se dissolvent complètement dans l’estomac. Cependant, M. Cima a reconnu que l’on comprendrait que le terme signifie que le premier site de dissolution est l’estomac et que, même si une quantité minime de particules de drospirénone se dissolvait dans l’intestin, la composition relèverait toujours de la portée de la revendication. En outre, je suis d’accord avec M. Davies qu’aucune des revendications en litige n’inclut les comprimés avec enrobage gastrorésistant puisque ceux-ci ne correspondraient pas au profil de dissolution précisé à la revendication 31. Je conclus que, lorsqu’on interprète les revendications comme un tout, il est clair que l’invention revendiquée est une formulation à dissolution rapide qui offre une biodisponibilité étonnamment bonne comme contraceptif, même si elle est exposée directement à l’environnement gastrique.

IX.             Validité

A.                Fardeau

[93]           Le paragraphe 43(2) de la Loi prévoit que, en l’absence de preuve du contraire, un brevet est présumé valide. Comme toutes les parties allèguent l’invalidité, Apotex et Cobalt ont le fardeau de présenter des éléments de preuve pour appuyer leurs affirmations. La Cour doit trancher la question selon le fardeau de la preuve en matière civile, notamment selon la prépondérance des probabilités.

B.                 Développements menant au brevet 426

[94]           Schering a conçu une première formulation de drospirénone micronisée sans enrobage à la fin des années 1970 et au début des années 1980 en vue d’évaluer son utilité comme médicament de l’appareil cardiovasculaire. Dans l’une de ses études, le rapport 4417, il a été découvert qu’une formulation de drospirénone micronisée sans enrobage offrait une biodisponibilité in vivo adéquate.

[95]           Par la suite, en juin 1980, Schering a présenté une demande de brevet en Allemagne afin d’utiliser la drospirénone comme contraceptif oral, brevet dans lequel elle divulguait que la drospirénone était oralement biodisponible lorsqu’elle était formulée [traduction] « selon la méthode connue ». Il n’est pas très clair si cela renvoyait à une formulation à libération immédiate, à une formulation à dissolution rapide ou à quelque chose d’autre. Les tests qui appuyaient ces conclusions se limitaient à des sujets masculins et utilisaient des doses relativement élevées (10 mg, 40 mg et 160 mg) qui étaient administrées à des fins thérapeutiques différentes (antagoniste de l’aldostérone).

[96]           Le 21 avril 1983, plusieurs directeurs et chefs de service chez Schering se sont réunis pour discuter de la mise au point de deux molécules qu’il serait possible de vendre sur le marché : la spirorénone et la drospirénone. Il s’agit de deux composés différents, mais étroitement liés. Comme Schering avait précédemment mené une étude sur la drospirénone à titre de médicament potentiel de l’appareil cardiovasculaire, elle savait que la drospirénone était labile en milieu acide et qu’elle s’isomérisait en présence d’une solution acide.

[97]           Lors de la réunion, M. Krause, un chimiste de Schering, a présenté ses conclusions de recherche sur le taux d’isomérisation de la spirorénone dans des conditions acides, comme le décrit le rapport 4627 de Schering daté du 11 mars 1981. M. Krause est également l’auteur du rapport 4928 de Schering daté du 25 août 1981, dans lequel il décrit les résultats de ses expériences sur les niveaux de plasma de la spirorénone chez des sujets masculins volontaires. M. Krause avait publié trois articles décrivant ses constatations (Krause W & Jakobs U, « Determination of Plasma Levels of Spirorenone, a New Aldosterone Antagonist, and One of its Metabolites by High-Performance Liquid Chromatography » (1982) 230:1 Journal of Chromatography, aux pages 37 à 45); Krause W & Kühne G, « Isolation and Identification of Spirorenone Metabolites from the Monkey (Macaca Fascicularis) » (1982) 40:1 Steroids, aux pages 81 à 90; Krause W, Sack C & Seifert W, « Pharmacokinetics of the New Aldosterone Antagonist, Spirorenone, in Healthy Volunteers after Single and Repeated Daily Doses » (1983) 25:2 Eur J Clin Pharmacol, aux pages 231 à 236). Les parties appellent collectivement les rapports et publications de M. Krause les « articles de Krause ».

[98]           Le procès-verbal de la réunion tenue chez Schering confirme que [traduction] « M. Krause a présenté les résultats d’études cinétiques menées sur des humains. Ces études ont été réalisées presque exclusivement avec de la spirorénone, et peu d’information pouvait donc être présentée en pratique sur la drospirénone ». Il semble qu’il y ait eu consensus chez Schering selon lequel les études sur la spirorénone de M. Krause n’étaient pas particulièrement pertinentes en ce qui concerne le développement d’un contraceptif à faible dose de drospirénone.

[99]           M. Tack a témoigné qu’il était au courant des articles de Krause lorsqu’il a commencé à développer la drospirénone à titre de contraceptif oral potentiel. Il croyait cependant que les conclusions de M. Krause concernant l’isomérisation de la spirorénone ne pouvaient pas être utilisées pour orienter le développement de la drospirénone parce que les études de M. Krause concernaient un médicament différent qui n’était pas sous forme micronisée et avaient été réalisées dans un cadre expérimental particulier.

[100]       L’une des premières tâches de M. Tack était de réaliser une expérience afin d’évaluer la dissolution de la drospirénone in vitro à l’aide de comprimés de 1 mg de drospirénone avec et sans enrobage gastrorésistant. Ces études ont révélé que la drospirénone se dégradait rapidement lorsqu’elle était exposée à l’environnement gastrique dans l’estomac. M. Tack a présenté ces résultats dans le rapport 5728 de Schering daté du 29 novembre 1983.

[101]       D’après ces résultats, M. Tack a conclu que la drospirénone devrait être administrée dans un enrobage gastrorésistant afin de résister au fluide gastrique, comme le montrait le rapport 5728 de Schering. Sa recommandation a été approuvée par la haute direction de Schering, y compris par M. Hümpel, pharmacocinéticien en chef chez Schering.

[102]       Schering a réalisé d’autres études pharmacocinétiques en 1984, lesquelles ont démontré que la formulation avec enrobage gastrorésistant montrait une grande variabilité dans la biodisponibilité de la drospirénone chez les chiens et les humains. Les préoccupations relatives à cette variabilité ont poussé Schering à réaliser une « étude à trois volets » en 1988, dans le cadre de laquelle on a mesuré la biodisponibilité absolue des comprimés de drospirénone avec et sans enrobage gastrorésistant en comparaison d’une formulation par intraveineuse.

[103]       En novembre 1990, on a demandé à M. Tack d’examiner si un comprimé à libération immédiate devait être utilisé. De 1993 à 1995, Schering a continué à étudier l’isomérisation de la drospirénone. Le 31 août 2000, Schering a déposé le brevet 426 visant une formulation de drospirénone à dissolution rapide.

C.                 Évidence

[104]       Conformément aux articles 28.1 et 28.3 de la Loi, un brevet ne peut être délivré pour une invention qui, à la date de la revendication, est évidente pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève le brevet. Les parties conviennent que l’évidence du brevet doit être évaluée au 31 août 1999.

[105]       Habituellement, on considère que l’évidence est une décision factuelle, ou une question de droit ou de fait (Wenzel, au paragraphe 44). Lorsque l’on examine l’évidence, on ne peut faire d’évaluation a posteriori. Le simple fait qu’une autre personne aurait pu découvrir l’invention ne la rend pas évidente (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66). Pour décider si une revendication est évidente, les tribunaux suivent généralement une démarche à quatre volets énoncée dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 67 :

  • Identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;
  • Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;
  • Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;
  • Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[106]       La quatrième étape de l’examen peut nécessiter que l’on tienne compte de la question de savoir si l’invention revendiquée résulte d’un « essai allant de soi ». Cet aspect du critère a tendance à se présenter dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation et où de nombreuses variables interdépendantes peuvent avoir une incidence sur le résultat voulu (Sanofi-Synthelabo, aux paragraphes 68 à 71). Le développement de produits pharmaceutiques est une si grande entreprise que je dois me demander si l’invention revendiquée en l’espèce découle d’un « essai allant de soi ». Pour ce faire, je dois tenir compte des facteurs non exhaustifs suivants :

  • Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?
  • Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?
  • L’art antérieur fournit-elle [sic] un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[107]       L’expression « essai allant de soi » a été interprétée de façon stricte par la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada. Un brevet sera jugé invalide pour ce motif seulement s’il était « très clair » ou s’il « allait de soi » que l’invention telle qu’elle est revendiquée fonctionnerait (Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2009 CAF 8, au paragraphe 29). La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66; Eli Lilly Canada Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 CAF 286, au paragraphe 4). Les mesures concrètes ayant mené à l’invention sont un autre facteur important à prendre en considération (Sanofi-Synthelabo, aux paragraphes 70 et 71).

(1)               Personne versée dans l’art et connaissances générales courantes

[108]       J’ai déjà abordé la question de la personne versée dans l’art à qui le brevet s’adresse et celle des connaissances générales courantes de cette personne. Bien que l’on doive aborder l’évidence à compter du 31 août 1999 et que l’interprétation ait été faite au 8 mars 2001, aucune des parties n’a mis en évidence des considérations pertinentes découlant de cette légère différence de date.

(2)               Idée originale

[109]       Il faut saisir l’idée originale qui sous-tend la revendication elle-même. Toutefois, lorsque cela est impossible, on peut se fonder sur le mémoire descriptif du brevet, à condition que la Cour n’interprète pas la revendication de façon plus restrictive ou plus extensive qu’elle ne devrait l’être (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 77).

[110]       Dans la décision Bayer c. Cobalt, le juge Hughes a conclu que l’idée originale du brevet 426 était que la drospirénone puisse être fournie sous une forme micronisée, ou sous une autre forme lui permettant de se dissoudre rapidement, sans enrobage gastrorésistant, dans un contraceptif oral contenant une association de drospirénone et d’éthinylestradiol (au paragraphe 81). Cette conclusion a été confirmée par la Cour d’appel fédérale (Cobalt c. Bayer CAF, au paragraphe 69).

[111]       Interpréter un brevet afin de définir l’idée originale lorsqu’il n’est pas facile de saisir celle‑ci à partir de la revendication elle‑même est une question de droit (Allergan, au paragraphe 50, citant Weatherford, au paragraphe 24). En conséquence, comme il en a été question précédemment, la caractérisation du juge Hughes, citée avec approbation par la Cour d’appel fédérale, peut être considérée comme étant, à première vue, contraignante à moins qu’il n’y ait une bonne raison de s’en écarter.

[112]       Apotex prétend que le juge Hughes n’a pas fourni de motif suffisant pour appuyer son point de vue concernant l’idée originale, et que sa définition ne correspondait pas aux éléments de preuve. Elle soutient que je devrais prendre ma propre décision en fonction des éléments de preuve qui sont présentés devant moi.

[113]       La position d’Apotex, appuyée par les témoignages de M. Morris et de M. Parr, est qu’une personne versée dans l’art comprendrait que l’idée originale de la revendication 31 est un contraceptif oral contenant un mélange de drospirénone et d’éthinylestradiol qui est efficace chez les femmes, et dans lequel les particules de drospirénone se trouvent sous une forme qui permet leur dissolution rapide. Selon M. Morris, la personne versée dans l’art serait capable de définir l’idée originale à partir du texte de la revendication 31 seulement.

[114]       M. Davies a critiqué la définition offerte par M. Morris et M. Parr parce qu’elle ne précise pas que la drospirénone peut être offerte sous une forme à libération immédiate tout en présentant une biodisponibilité élevée. Le témoignage de M. Davies est le suivant :

[traduction]

D’après ce que j’en comprends, l’idée originale du brevet 426 est une formulation de 2 mg à 4 mg de drospirénone à utiliser comme contraceptif oral pouvant être offert sous une forme posologique à dissolution rapide qui présente une biodisponibilité étonnamment élevée.

[115]       À mon avis, la définition proposée par M. Davies, qui correspond à l’idée originale interprétée par le juge Hughes et la Cour d’appel fédérale, est préférable. Elle englobe les dimensions essentielles de l’idée originale, c’est-à-dire la biodisponibilité étonnamment élevée des ingrédients pharmaceutiques actifs dans un comprimé à libération immédiate et à dissolution rapide sans enrobage gastrorésistant.

(3)               Différences entre l’art antérieur et l’invention

[116]       Le cœur du conflit entre les parties concernant cette question est de savoir si l’art antérieur mènerait la personne versée dans l’art à anticiper un problème d’isomérisation pour la drospirénone in vivo, et si l’art antérieur a divulgué que la drospirénone pouvait être développée comme une formulation à libération immédiate servant de contraceptif oral.

[117]       Bayer reconnaît que l’art antérieur nous enseigne que les techniques comme la micronisation ou le dépôt pouvaient être utilisées pour accroître le taux de dissolution d’un médicament peu soluble afin d’en améliorer la biodisponibilité. Cependant, l’art antérieur mettait en garde contre l’accroissement du taux de dissolution d’un médicament labile en milieu acide, car cela mènerait inévitablement à la dégradation du médicament dans l’environnement gastrique. Bayer soutient donc que l’art antérieur « [s’]éloignait » de l’idée originale parce qu’une personne versée dans l’art, d’après ses connaissances générales courantes, n’aurait pas administré un médicament labile en milieu acide comme la drospirénone sans protéger la formulation contre l’acide gastrique, notamment en utilisant un enrobage gastrorésistant.

[118]       M. Parr n’était pas d’accord. Il a témoigné qu’à la fin des années 1990, il était courant d’incorporer des particules micronisées de médicament dans une formulation à faible dose de médicaments peu solubles, notamment des stéroïdes hormonaux. Selon M. Parr, les ouvrages nous enseignent que la drospirénone devait être formulée de manière classique pour un contraceptif oral combiné et que la personne versée dans l’art aurait compris qu’une « formulation classique » inclut les comprimés à libération immédiate. M. Morris a témoigné que la personne versée dans l’art aurait été au courant, étant donné les ouvrages et les études cliniques antérieurs, que les plages de doses revendiquées pour la drospirénone et l’éthinylestradiol auraient un effet contraceptif chez les femmes. Par conséquent, Apotex soutient qu’il n’y avait aucune différence entre l’idée originale énoncée à la revendication 31 (telle qu’elle est définie par Apotex) et l’information comprenant l’état de la technique et les connaissances générales courantes au 31 août 1999.

[119]       Encore une fois, je préfère la preuve de M. Davies. Les parties conviennent qu’au 31 août 1999, aucune compagnie pharmaceutique n’avait formulé de pilule contraceptive de la manière divulguée dans le brevet. Comme l’a mentionné M. Davies, la déclaration générique se trouvant dans l’art antérieur selon laquelle la drospirénone pouvait être formulée à l’aide de « méthodes classiques » ne constitue pas un enseignement suffisant pour contrer le fait que l’art antérieur nous enseigne que la drospirénone était labile en milieu acide et ne devrait pas être offerte sous une forme à dissolution rapide.

[120]       Par ailleurs, même si la personne versée dans l’art avait compris que l’expression « méthodes classiques » englobait les formulations à libération immédiate, cela ne veut pas dire que la formulation se dissoudrait aussi rapidement ou que la drospirénone ne s’isomériserait pas. Dans bon nombre des publications antérieures sur lesquelles Apotex se fonde, la forme de la drospirénone, la taille des particules et/ou son taux de dissolution n’étaient pas divulgués, et aucun lien n’était fait entre l’utilisation d’une formulation à dissolution rapide et la biodisponibilité.

[121]       La différence entre l’art antérieur et l’invention revendiquée peut être décrite simplement comme étant la découverte que la drospirénone, qui était connue pour être labile en milieu acide in vitro, pouvait être administrée sous une forme à dissolution rapide présentant une biodisponibilité étonnamment bonne in vivo. La découverte qu’une formulation à faible dose et à dissolution rapide ne s’isomérisait pas dans une mesure importante dans l’environnement gastrique était nouvelle.

(4)               Les différences étaient-elles évidentes ou nécessitaient-elles une invention?

[122]       Dans la décision Bayer c. Cobalt, le juge Hughes a conclu que la différence entre l’art antérieur et l’idée originale n’allait pas plus ou moins de soi (au paragraphe 83). Il a déclaré que « [l]’art antérieur ne pointait pas vers les médicaments labiles en milieu acide, comme la drospirénone, présentés sous une forme à dissolution rapide. Les tentatives antérieures ont été réalisées in vitro; la découverte capitale était d’ignorer les résultats obtenus in vitro et d’effectuer des tests in vivo, lesquels ont produit des résultats inattendus. » Bien que je ne sois pas lié par cette conclusion, elle peut être considérée comme persuasive.

[123]       Bayer affirme que la ligne de conduite de Schering est représentative de ce que la personne versée dans l’art aurait fait, et a en réalité fait, à ce moment-là. Schering a d’abord utilisé un enrobage gastrorésistant pour protéger la drospirénone contre l’isomérisation dans l’environnement gastrique avant de découvrir, apparemment à sa surprise, que cela était inutile.

[124]       Apotex soutient que la différence entre l’art antérieur et l’idée originale n’aurait pas nécessité une ingéniosité particulière pour la surmonter. Dans la mesure où la personne versée dans l’art aurait pu craindre que la drospirénone soit susceptible de s’isomériser in vivo, elle aurait été capable de faire une expérience de routine pour confirmer que la drospirénone ne s’isomérise pas in vivo, et elle l’aurait d’ailleurs fait. La personne versée dans l’art se serait attendue à ce que, comme la spirorénone, il n’y ait aucune isomérisation in vivo.

[125]       Apotex affirme que la ligne de conduite de Schering n’est pas représentative du chemin qu’aurait pris la personne versée dans l’art en 1999. Entre le début des travaux de développement internes de Schering et la date pertinente pour l’évaluation de l’évidence (c.-à-d. entre le début des années 1980 et 1999), de l’information importante décrivant l’utilisation de la drospirénone comme contraceptif oral avait été publiée. Cela comprend les articles publiés par M. Oelkers, un autre scientifique travaillant chez Schering, en 1991 et 1995, dans lesquels il a conclu que la drospirénone semblait prometteuse, en combinaison avec l’éthinylestradiol, dans la formulation d’un contraceptif oral. Il avait été démontré que le médicament était efficace lors des essais cliniques chez l’humain sans qu’il soit fait mention de la nécessité de le protéger contre l’isomérisation dans l’environnement gastrique. En fin de compte, Apotex fait valoir que la ligne de conduite de Bayer dépasse l’entendement.

[126]       Apotex soutient également que M. Tack avait peu d’expérience en formulation de médicament au moment où il a fait sa recommandation, et avait tort de supposer que la drospirénone s’isomériserait in vitro comme in vivo. Elle affirme que M. Tack n’a pas tenu compte des résultats des études antérieures menées par Schering, y compris les articles de Krause et une autre étude selon laquelle une formulation de drospirénone micronisée sans enrobage pouvait offrir une bonne biodisponibilité chez l’humain. Apotex prétend, et M. Parr en a témoigné, que même s’il existait une préoccupation raisonnable concernant l’isomérisation à ce moment-là, la personne versée dans l’art n’aurait pas utilisé un enrobage gastrorésistant sans d’abord mener des études in vivo.

[127]       Cependant, M. Davies a témoigné que M. Tack n’avait pas besoin de confirmer une corrélation in vitro/in vivo avant de recommander l’utilisation d’un enrobage gastrorésistant. L’ouvrage d’Aulton, que toutes les parties ont accepté comme source d’autorité, ne parle pas de la nécessité d’établir une corrélation in vitro/in vivo à la phase de préformulation du développement d’un médicament. M. Parr a avoué en contre-interrogatoire que dans un ouvrage antérieur cité dans son rapport, le brevet américain 5 356 896, les inventeurs nommés avaient recommandé de protéger le médicament Fluvastin contre l’isomérisation en fonction des données in vitro seulement. En fin de compte, même si une corrélation in vitro/in vivo peut s’appliquer à une étape ultérieure du développement d’un médicament, elle n’est pas requise à l’étape de la préformulation. Comme les données in vitro de Schering démontraient clairement que la drospirénone était instable dans l’acide gastrique, Schering n’avait aucune raison d’établir une corrélation in vitro/in vivo avant de créer un enrobage gastrorésistant.

[128]       Je conclus donc qu’en se fondant sur les données in vitro pour recommander l’utilisation d’un enrobage gastrorésistant, M. Tack se conformait aux normes de l’industrie. La ligne de conduite de Schering démontre que la découverte ayant mené à la formulation de drospirénone à dissolution rapide n’était pas un essai de routine. Elle s’est plutôt faite sur une période de cinq ans, après avoir élaboré un comprimé avec enrobage gastrorésistant.

[129]       Bayer n’est pas d’accord avec Apotex sur le fait que la personne versée dans l’art se serait fondée sur les articles de Krause pour développer un contraceptif oral contenant de la drospirénone. Bayer compare les études de M. Krause sur la drospirénone avec les travaux de développement de Schering de la manière suivante : M. Krause travaillait avec un (i) comprimé de sprirorénone (ii) macrocristallin (iii) à dose élevée (iv) destiné à être utilisé comme médicament antihypertenseur, tandis que l’équipe de chercheurs de M. Tack s’efforçait de développer un (i) comprimé de drospirénone (ii) à dissolution rapide et (iii) à dose élevée (iv) destiné à être utilisé comme contraceptif. Étant donné ces différences, Bayer soutient que la décision de M. Tack d’accorder peu d’importance à l’information contenue dans les articles de Krause ne dépasse pas l’entendement, mais montre plutôt ce que la personne versée dans l’art aurait fait de cette information.

[130]       Bayer mentionne que pour qu’un contraceptif oral soit efficace, il doit être stable dans toute la gamme de pH de l’estomac chez la femme. La personne versée dans l’art qui cherche à formuler un composé labile en milieu acide doit s’assurer qu’il ne se dégradera pas dans la gamme de pH normale de l’estomac, particulièrement dans le cas d’un contraceptif, où une dose compromise pourrait donner lieu à une grossesse non désirée. Selon les ouvrages cités par M. Davies, le taux de vidange gastrique varie considérablement d’un individu à l’autre. Plus particulièrement, le taux de vidange gastrique pour les solutions varie de 30 minutes à environ deux heures, et s’élève à plusieurs heures pour les petites granules (lesquelles sont formées de particules d’une formulation à désintégration rapide).

[131]       Bayer soutient également que l’objectif thérapeutique d’un médicament doit être pris en considération au moment de sa formulation. Ce principe est essentiel lors de la formulation de contraceptifs, qui doivent être efficaces chez toutes les femmes et dans toutes les conditions prévues (y compris à un pH de 1 dans l’estomac). En comparaison d’autres médicaments ayant des degrés d’efficacité acceptables (p. ex. les médicaments contre la douleur), une pilule contraceptive doit toujours être efficace. M. Hümpel a expliqué que Schering craignait particulièrement le risque d’isomérisation lorsqu’elle a élaboré son contraceptif, une crainte qui n’est pas aussi importante lors du développement d’un médicament de l’appareil cardiovasculaire à dose élevée.

[132]       L’ouvrage d’Aulton mettait en garde contre l’accroissement du taux de dissolution des médicaments labiles en milieu acide, car cela entraîne une dégradation plus importante dans l’acide gastrique. Bien qu’un test in vivo puisse avoir été un « essai allant de soi » dans le cas d’un médicament comme la spirorénone avec une bonne marge d’erreur, je ne peux conclure que la personne versée dans l’art aurait administré de la drospirénone comme contraceptif sous forme à dissolution rapide sans d’abord protéger la formulation contre l’acide gastrique (notamment par un enrobage gastrorésistant). La formulation de drospirénone sous forme de comprimé à dissolution rapide offrait de faibles probabilités de réussite. La personne versée dans l’art n’aurait pas mis à l’essai une formulation dont elle n’attendait aucun succès. En outre, même si aucun contraceptif oral avec enrobage gastrorésistant n’était offert sur le marché en 1999, l’utilisation d’enrobages gastrorésistants pour les médicaments labiles en milieu acide était généralement bien établie dans les ouvrages à ce moment-là.

[133]       Je conviens que, selon les ouvrages disponibles, une personne versée dans l’art pourrait avoir été curieuse de savoir si une formulation à faible dose de drospirénone destinée à être utilisée comme contraceptif offrait une bonne biodisponibilité in vivo lorsqu’administrée sans enrobage gastrorésistant. Cependant, le résultat d’un tel test n’aurait pas été évident. En ce sens, les tests in vivo n’auraient pas été des essais « allant de soi », mais plutôt des essais « valant la peine d’être tentés ». Cela n’est pas suffisant pour satisfaire au critère de l’essai « allant de soi ».

[134]       À titre d’argument subsidiaire, Apotex soulève la possibilité qu’une personne versée dans l’art préoccupée par l’isomérisation de la drospirénone puisse simplement avoir ajouté un excipient alcalin comme « tampon » dans une formulation à libération immédiate.

[135]       M. Davies a convenu en contre-interrogatoire qu’une formulation à libération immédiate avec un tampon alcalin pouvait relever de la portée de la revendication 31, tant qu’elle permettait la dissolution rapide et qu’elle protégeait la composition contre l’isomérisation. Apotex mentionne le brevet américain 5 356 896 comme un élément d’antériorité démontrant que la personne versée dans l’art aurait su qu’un tampon alcalin pouvait être utilisé comme protection contre l’isomérisation. Se fondant sur l’ouvrage Richard Miller et al., eds, Terrell on the Law of Patents, 7th ed (London, UK: Sweet & Maxwell, 2011) à la page 298, Apotex affirme que si une réalisation relève de la portée de la revendication et qu’elle est évidente, la revendication est alors invalide. Selon Apotex, la revendication 31 ne contient aucune limite qui empêcherait d’incorporer un agent stabilisant alcalin comme un tampon dans la formulation.

[136]       À mon avis, cette théorie de rechange trouve peu de justification dans l’art antérieur. La plupart des ouvrages et des brevets existants nous enseignent que les ingrédients pharmaceutiques actifs qui sont susceptibles de s’isomériser dans des solutions acides doivent être protégés à l’aide d’un enrobage gastrorésistant. L’art antérieur ne contenait aucun exemple de drospirénone administrée dans une formulation à dissolution immédiate et jumelée à un tampon alcalin. Cette formulation n’a jamais été utilisée dans la fabrication d’un comprimé contraceptif non plus. Je ne crois pas que la personne versée dans l’art aurait su qu’un tampon alcalin pouvait être utilisé pour protéger contre l’isomérisation de la drospirénone dans ce contexte.

[137]       La théorie de rechange d’Apotex n’était pas suffisamment élaborée dans les éléments de preuve. Bien que M. Davies ait convenu qu’un tampon alcalin pouvait être utilisé pour protéger contre l’isomérisation de la drospirénone, il a insisté sur le fait que cette information, même si elle n’a pas été exclue du texte de la revendication 31, devrait satisfaire aux autres éléments essentiels de la revendication. Cela n’a jamais été établi.

[138]       En somme, je suis d’accord avec Bayer pour dire que la ligne de conduite de Schering montre ce que la personne versée dans l’art aurait fait au 31 août 1999. La décision de Schering de formuler son contraceptif sous forme de comprimé avec enrobage gastrorésistant allait dans le même sens que les enseignements de l’art antérieur et des pratiques pharmaceutiques standard au moment pertinent. Les revendications en litige ne sont donc pas invalides pour un motif d’évidence.

D.                Antériorité

[139]       Conformément à l’article 28.2 de la Loi, un brevet est invalide pour cause d’antériorité si l’objet que définit la revendication a été divulgué de telle manière qu’il est devenu accessible au public plus d’un an après la date de dépôt, et s’il est réalisable aux yeux d’une personne versée dans l’art (Eli Lilly Canada Inc. c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 CF 125, au paragraphe 145).

[140]       Plus d’un an après la date de dépôt de la demande de brevet, Bayer a réalisé des études cliniques en Europe et aux États-Unis et a remis aux participants des comprimés contenant de la drospirénone et de l’éthinylestradiol. Apotex allègue que les revendications en litige étaient anticipées parce que leurs éléments essentiels avaient été divulgués au cours de ces essais.

[141]       L’allégation d’antériorité d’Apotex soulève deux questions. La Cour doit d’abord décider si le sujet des revendications a été divulgué de manière à constituer une antériorité en application de l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi. Le cas échéant, la Cour doit examiner si la divulgation est soustraite de l’application des dispositions de la Loi parce qu’il s’agissait d’une expérience.

[142]       Le critère de l’antériorité est décrit dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo de la Cour suprême du Canada. Il n’est pas obligatoire que la divulgation soit une description exacte du sujet de la revendication, mais elle doit être suffisante pour que, lorsqu’elle est lue par une personne versée dans l’art qui est disposée à comprendre l’invention, il soit possible de la comprendre sans difficulté, en tenant compte de la nature de l’invention (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 33).

[143]       Dans l’arrêt Canwell Enviro-Industries Ltd. v. Baker Petrolite Corp., 2002 CAF 158, au paragraphe 42 [Baker Petrolite], la Cour d’appel fédérale a fourni une liste non exhaustive de huit principes dont il faut tenir compte au moment d’évaluer l’antériorité découlant d’une utilisation antérieure. Ces principes ont été résumés par le juge Hughes dans l’arrêt Bayer c. Apotex, au paragraphe 117, de la façon suivante :

1. La vente au public ou l’utilisation par le public ne suffit pas à elle seule à prouver l’antériorité. Pour qu’il y ait antériorité au sens de l’alinéa 28.2(1)a), il est nécessaire de prouver qu’il y a eu divulgation de l’invention.

2. Pour qu’une vente ou utilisation antérieure constitue une antériorité opposable à une invention, il doit s’agir d’une divulgation qui permet de réaliser celle-ci (« enabling disclosure »).

3. L’utilisation antérieure ou la vente antérieure d’un produit chimique permettra au public de réaliser l’invention s’il est possible d’en découvrir la composition au moyen d’une analyse.

4. L’analyse doit pouvoir être faite par une personne versée dans l’art conformément aux techniques d’analyse connues et disponibles à la date pertinente.

5. En ce qui concerne l’antériorité au sens de l’alinéa 28.2(1)a), dans les cas où un procédé de rétroingénierie est nécessaire et permet de découvrir l’invention, une invention devient accessible au public lorsqu’un produit qui la renferme est vendu à un membre du public qui peut l’utiliser comme bon lui semble.

6. Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un membre du public a effectivement analysé le produit qui a été vendu.

7. Le temps et l’énergie consacrés à l’analyse ne permettent pas de déterminer de façon concluante si une personne compétente aurait pu découvrir l’invention. Le facteur pertinent à cet égard est uniquement la question de savoir si l’exercice d’un génie inventif était nécessaire. Il doit y avoir des éléments de preuve à partir desquels l’exercice d’un génie inventif peut être déduit. La complexité de la tâche ou le temps et le travail nécessaires ne suffisent pas à eux seuls.

8. Il n’est pas nécessaire que le produit faisant l’objet de l’analyse soit susceptible de reproduction exacte. C’est l’objet des revendications du brevet (l’invention) qui doit être divulgué à l’aide de l’analyse. La nouveauté de l’invention revendiquée sera détruite s’il y a eu divulgation d’une variante visée par la revendication.

[144]       La divulgation doit être faite à un membre du public. Le mot « public » a été défini comme étant [traduction] « une personne qui utilise sans contrainte en droit et en equity l’information » (Baker Petrolite, au paragraphe 42, citant Lux Traffic Controls Ltd v Pike Signals Ltd, [1993] RPC 107 (Eng Patents Ct)).

(1)               Divulgation antérieure et caractère réalisable

[145]       Entre décembre 1992 et juillet 1998, plus d’un an avant la date de dépôt du brevet 426, Schering a réalisé au moins trois essais cliniques avancés (phase III) en Europe et aux États-Unis en utilisant des comprimés de 3 mg de drospirénone et de 0,03 mg d’éthinylestradiol (appelés essais cliniques nos 2, 3 et 4 dans les éléments de preuve). Les participants ont reçu une grande quantité de ces comprimés, qu’ils devaient s’administrer eux-mêmes sur plusieurs mois en dehors d’un essai clinique. Dans ces trois essais, on a dit aux participants ce que les comprimés contenaient, et ils savaient que les comprimés étaient destinés à être utilisés comme contraceptifs.

[146]       Aucune restriction n’a été imposée aux participants concernant la divulgation de l’information sur les comprimés. Les participants n’ont pas signé d’entente de confidentialité. En effet, le Dr Barnhart a reconnu que Schering ne pouvait pas et ne tenterait pas d’empêcher les participants de discuter de leur participation à l’essai avec leurs partenaires sexuels, les membres de leur famille, leur médecin ou n’importe qui d’autre. On a demandé aux participants d’ingérer tous les comprimés qui leur avaient été distribués ou de renvoyer les comprimés non utilisés. Cependant, durant les essais cliniques nos 2, 3 et 4, des centaines de comprimés de drospirénone et d’éthinylestradiol de Schering ont été déclarés [traduction] « perdus » ou [traduction] « non renvoyés ». Le Dr Barnhart a décrit cette perte comme étant [traduction] « inévitable ».

[147]       Cela a mené le juge Hughes à conclure, dans l’arrêt Bayer c. Apotex aux paragraphes 118 à 121, qu’en ce qui concerne l’essai clinique no 4, il existait une possibilité « théorique » qu’un comprimé ait été conservé et analysé et que par conséquent, les exigences de l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi étaient remplies. Toutefois, le juge Hughes a conclu que l’exception de l’utilisation expérimentale s’appliquait.

[148]       Bayer affirme que de nombreuses restrictions ont été imposées aux participants concernant l’utilisation permise des comprimés. Ils devaient se les administrer eux-mêmes ou les renvoyer. Les comprimés n’ont donc pas été rendus accessibles au public « sans obstacle contraignant » (citant l’arrêt Baker Petrolite, au paragraphe 42).

[149]       Par ailleurs, Bayer soutient que les participants à l’étude auraient compris qu’ils avaient « l’obligation de ne pas utiliser ces renseignements pour une autre fin que celle en vue de laquelle ces renseignements ont été donnés », car n’importe quel homme ou femme raisonnable étant à la place du participant aurait compris que les renseignements avaient été donnés à titre confidentiel (citant l’arrêt Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 RCS 574, [1989] ACS no 83 et Weatherford). Bayer soutient que l’information reçue à titre confidentiel ne devrait pas constituer une divulgation publique aux fins d’antériorité.

[150]       Apotex répond que, sans entente de confidentialité, les participants n’avaient aucune obligation d’ingérer ou de renvoyer les comprimés comme il leur avait été demandé. Elle affirme donc que les participants étaient libres d’utiliser les comprimés « sans obstacle contraignant », ce qui veut dire qu’ils pouvaient divulguer aux membres du public de l’information sur les comprimés.

[151]       Une simple divulgation au public n’est pas suffisante. La divulgation doit permettre la découverte de l’objet que définit la revendication par un procédé de rétroingénierie au besoin. Bayer fait valoir que les éléments essentiels de la revendication 31 et de ses revendications dépendantes n’ont, en fait, pas été divulgués. Fondamentalement, les participants ne connaissaient pas le profil de dissolution de la drospirénone contenue dans les comprimés et ne savaient pas qu’elle était exposée à l’environnement gastrique lors de la dissolution. Bayer soutient qu’un membre du public n’aurait pas pu discerner les éléments essentiels à l’aide de techniques analytiques connues et sans un génie inventif.

[152]       Lors de son témoignage, M. Davies a déclaré qu’au moment où les essais cliniques étaient menés, il n’y avait aucune source de drospirénone offerte sur le marché, et aucune information concernant sa solubilité accessible au public. Selon lui, il aurait fallu faire preuve d’un génie inventif pour découvrir que de la drospirénone se trouvait sous forme particulaire et qu’elle satisfaisait aux paramètres de dissolution précisés.

[153]       Apotex répond qu’on avait dit aux participants aux essais que les comprimés contenaient 3 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol et qu’ils savaient que les comprimés étaient administrés à titre de contraceptifs oraux. Bien que le profil de dissolution n’ait pas été divulgué, Apotex affirme qu’il aurait été facile pour la personne versée dans l’art de le découvrir en utilisant la méthode de dissolution décrite dans les articles de Krause ou en obtenant une norme de référence par synthèse de la drospirénone. Lors de son témoignage, M. Cima a indiqué qu’en 1999, la méthode « United States Pharmacopeia [USP] XXIII Paddle » était connue et que la personne versée dans l’art aurait pu l’utiliser pour déterminer le taux de dissolution du médicament. Cela lui aurait permis de comprendre que les comprimés étaient conçus de façon à permettre une libération rapide de la drospirénone.

[154]       Bien que j’accepte, comme l’a fait le juge Hughes, la possibilité théorique qu’un ou plusieurs comprimés puissent s’être retrouvés entre les mains de personnes versées dans l’art, je ne peux conclure que cela aurait était suffisant pour permettre à celles-ci de découvrir l’invention par un procédé de rétroingénierie et sans génie inventif.

[155]       Les composantes centrales des revendications en litige comprennent sa dissolution rapide et l’exposition des ingrédients pharmaceutiques actifs à l’environnement gastrique lors de la dissolution. Cela n’aurait pas pu être découvert sans accès à au moins six des douze comprimés, la capacité d’obtenir une norme de référence par synthèse de la drospirénone, l’établissement d’un profil de dissolution et, plus important encore, l’intuition que le lieu et la vitesse de la dissolution étaient des éléments essentiels de l’idée originale des revendications. Apotex n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la personne versée dans l’art aurait été capable de recueillir cette information sans génie inventif, et je ne crois donc pas que l’objet des revendications a été divulgué de manière à constituer une antériorité au sens de l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi.

(2)               Exception de l’« utilisation expérimentale »

[156]       À titre subsidiaire, je suis d’accord avec le juge Hughes que Bayer bénéficie de l’exception de l’utilisation expérimentale.

[157]       L’article 28.2 de la Loi ne prévoit pas d’exception pour une utilisation expérimentale. Cependant, comme l’a récemment mentionné le juge Hughes dans l’arrêt Bayer c. Apotex, au paragraphe 119, en droit canadien, il est établi depuis longtemps qu’une utilisation expérimentale ne constitue pas une utilisation publique (citant Gibney v. Ford Motor Co of Canada (1967), 2 ExCR 279, au paragraphe 49, 52 CPR 140 (Can Ex CT) [Gibney] et Elias v. Grovesend Tinplate Co (1890), 7 RPC 455, à la page 466). Dans Gibney, le juge Noel a conclu qu’un inventeur pouvait utiliser toute méthode d’essai disponible, à condition que l’expérimentation soit raisonnable et nécessaire, et réalisée de bonne foi en vue de perfectionner l’invention ou de tester son bien-fondé (Gibney, aux paragraphes 48 et 56).

[158]       L’exception de l’utilisation expérimentale a également été récemment abordée dans Wenzel Downhole Tools Ltd c. National-Oilwell Canada Ltd, 2011 CF 1323, conf. en partie dans 2012 CAF 333, où la juge Snider a conclu que la location d’un outil à utiliser dans un champ pétrolier n’était pas expérimentale et constituait une antériorité parce que l’outil avait été mis à la disposition du public aux fins d’inspection. Elle a déclaré au paragraphe 90 de sa décision que « l’utilisation ne sera expérimentale que si l’utilisateur croit qu’il en est ainsi ». En appel, la Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion de la juge Snider concernant l’antériorité, tout en précisant que le critère relatif à la divulgation antérieure est objectif (Wenzel, au paragraphe 118).

[159]       Dans l’arrêt Bayer c. Apotex, au paragraphe 119, le juge Hughes a mentionné que l’exception de l’utilisation expérimentale « s’applique notamment lorsque, par nécessité, l’expérience doit être effectuée au sein du public ». Il a ajouté ceci au paragraphe 121 :

En l’espèce, les études cliniques étaient nécessaires pour prouver que le médicament était sans danger et efficace et, partant, pour que le gouvernement en autorise la vente. Aucune vente du médicament ne pouvait se faire tant que l’innocuité et l’efficacité du produit n’avaient pas été démontrées. Bayer a pris des mesures raisonnables pour préserver la confidentialité des documents pertinents et pour faire en sorte que les comprimés non utilisés lui soient retournés. La possibilité théorique que certains comprimés aient été conservés et analysés n’est justement que théorique. Cette possibilité théorique n’empêche pas le fait que les études étaient expérimentales et que c’est par nécessité que les comprimés ont été remis à des membres du public. Par conséquent, ces études cliniques ne constituent pas une forme d’utilisation publique.

[160]       Apotex allègue que les essais de la phase III (y compris les essais cliniques nos 2, 3 et 4), n’étaient pas des expériences visant à prouver que le médicament de Schering était sans danger et efficace, mais ont été entrepris uniquement dans le but d’obtenir l’approbation du gouvernement de le vendre sur le marché. Selon Apotex, Schering n’a pas nécessairement réalisé ces essais afin d’établir que des comprimés de drospirénone et d’éthinylestradiol étaient efficaces comme contraceptif oral, car cela avait déjà été établi durant les essais de la phase II. Apotex soutient que les expériences menées après qu’une invention a vu le jour sont antérieures et qu’aucune exception ne devrait s’appliquer aux essais cliniques effectués pour confirmer que l’invention donne les résultats voulus (citant Gibney, aux paragraphes 44 et 50).

[161]       Bayer répond que ses essais cliniques de la phase III étaient raisonnables et nécessaires pour perfectionner son invention et en tester le bien-fondé. Contrairement aux études antérieures, les essais de la phase III étaient nécessaires pour évaluer la prévention des grossesses dans des situations réelles où les femmes n’ont pas été avisées d’utiliser d’autres méthodes de contraception.

[162]       Bien que je sois d’accord avec Apotex que les essais cliniques de la phase III, qui servent de fondement à l’argument relatif à la divulgation publique, ont été effectués dans le but d’obtenir une approbation réglementaire, cela n’a pas pour effet, à mon avis, de les soustraire à l’exception de l’utilisation expérimentale. Le but des essais réglementaires est, en partie, de confirmer la sécurité et l’efficacité d’un médicament proposé avant qu’il ne soit offert en vente au public. Les risques à cette étape avancée ont été évalués comme étant minimes, mais cela ne compromet pas la nature intrinsèquement expérimentale d’un essai réglementaire. J’approuve les conclusions du juge Hughes à cet égard.

E.                 Portée excessive

[163]       Afin d’être valides, les revendications d’un brevet ne doivent pas dépasser la portée de l’invention réalisée ou de l’invention divulguée. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d’exercer un monopole sur tout moyen d’obtenir le résultat souhaité (Free World Trust, au paragraphe 32).

[164]       Le brevet 426 divulgue que la drospirénone peut être offerte sous forme micronisée, mais qu’il est aussi possible de la dissoudre dans un solvant adéquat et de la vaporiser sur la surface de particules vectrices inertes. Contrairement aux autres revendications du brevet, les revendications 31, 48 et 49 ne se limitent pas à la drospirénone micronisée, mais incluent toute forme posologique orale qui correspond au profil de dissolution précisé à la revendication 31.

[165]       Apotex soutient que la recherche menée par les inventeurs du brevet 426 se limitait à décider si la drospirénone micronisée se dissolvait rapidement, ce qui n’est qu’une des méthodes à l’égard desquelles un monopole est revendiqué et la seule méthode réellement divulguée. Par conséquent, Apotex fait valoir que l’invention se limite aux compositions qui correspondent au profil énoncé de dissolution par micronisation de la drospirénone. Sinon, le brevet semble revendiquer un monopole sur toutes les manières d’atteindre la dissolution rapide recherchée, ce qu’Apotex compare à un brevet visant tout procédé permettant de « faire repousser les cheveux d’un homme atteint de calvitie » (exemple bien connu du juge Binnie dans l’arrêt Free World Trust, au paragraphe 32) :

[L]’ingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination d’un résultat souhaitable, mais bien à l’enseignement d’un moyen particulier d’y parvenir. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d’exercer un monopole sur tout moyen d’obtenir le résultat souhaité. Il n’est pas légitime, par exemple, de faire breveter un procédé permettant de faire repousser les cheveux d’un homme atteint de calvitie et de prétendre ensuite que n’importe quel moyen d’obtenir ce résultat emporte la contrefaçon du brevet.

[166]       En outre, Apotex allègue que si l’invention du brevet 426 vise les compositions qui sont exposées à l’environnement gastrique lors de la dissolution, alors les revendications 31 et 48, qui n’ont aucune limite de ce genre, sont excessives. Comme il est mentionné précédemment, M. Morris et M. Parr ont déclaré que, sans une telle limite, les revendications 31 et 48 doivent englober les formes posologiques qui incluent les comprimés ayant un enrobage gastrorésistant.

[167]       Bayer répond que les revendications n’ont pas une portée plus large que l’invention réalisée ou divulguée. Elle affirme que l’exemple 2 du brevet démontre que le profil de dissolution précisé à la revendication 31 avait en réalité été obtenu par les inventeurs. Bayer ajoute que les enseignements et les revendications ne visaient pas simplement l’obtention du résultat voulu, soit une biodisponibilité satisfaisante, mais un moyen particulier d’obtenir ce résultat, notamment une formulation à dissolution rapide. Elle soutient que la Cour d’appel fédérale a rejeté un argument identique concernant la portée excessive dans les procédures visant Cobalt.

[168]       En réponse à l’observation d’Apotex selon laquelle les revendications 31 et 48 ont une portée excessive parce qu’elles n’incluent pas la limite présente dans la revendication 49 (exposition à l’environnement gastrique lors de la dissolution), Bayer affirme que la personne versée dans l’art n’interpréterait pas ces revendications comme englobant les formulations ayant un enrobage gastrorésistant, mais seulement les formulations à libération rapide. Comme il a été mentionné précédemment, M. Davies a déclaré dans son témoignage qu’un comprimé avec enrobage gastrorésistant ne satisferait pas au profil de dissolution décrit à la revendication 31 du brevet. Bayer affirme donc que la position d’Apotex est fondée sur une interprétation qui ne tient pas compte de l’objet visé.

[169]       À mon avis, l’argument d’Apotex repose encore une fois sur une mauvaise caractérisation de l’idée originale divulguée par les revendications en litige. L’invention revendiquée est la découverte surprenante que, dans un contraceptif oral composé de drospirénone et d’éthinylestradiol, la drospirénone peut être offerte sous forme micronisée ou une autre forme à dissolution rapide sans enrobage gastrorésistant. Comme la Cour d’appel fédérale l’a conclu dans l’arrêt Cobalt c. Bayer CAF, au paragraphe 76 :

Comme il a été décrit précédemment, la revendication 31 englobe toutes les particules de drospirénone qui, lorsqu’elles se présentent sous la forme d’un comprimé, ont le profil de dissolution requis. Comme il a aussi été décrit précédemment, la divulgation du brevet 426 s’étend à la drospirénone qui se présente autrement que sous la forme de particules micronisées. Par conséquent, la revendication 31 n’a pas une portée plus large que la divulgation de l’invention. Au contraire, elle revendique exactement ce qui a été inventé : une solution particulière à un problème particulier.

[170]       J’adopte la conclusion de la Cour d’appel fédérale à cet égard.

F.                  Insuffisance du mémoire descriptif

[171]       Conformément à l’alinéa 27(3)a) de la Loi, le mémoire descriptif d’un brevet doit décrire de façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur. Le paragraphe 27(4) de la Loi prévoit également que le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention. La divulgation suffisante de l’invention dans le mémoire descriptif est une « condition préalable à la délivrance du brevet » (Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, au paragraphe 34 [Teva]). Dans l’arrêt Pioneer HiBred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623, au paragraphe 29, [1989] ACS no 72, la Cour suprême du Canada a décrit une divulgation adéquate ainsi :

[L]e demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention. Afin d’être complète, celle-ci doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie [renvoi omis]. Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invaliderait parce que non suffisamment décrite. Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation [renvoi omis].

[172]       Pour analyser l’insuffisance, il faut répondre à trois questions : (i) en quoi consiste l’invention? (ii) comment fonctionne-t-elle? et (iii) n’ayant que le mémoire descriptif, une personne versée dans l’art peut-elle construire l’invention avec succès à partir des seules instructions contenues dans la divulgation? (Uponor, au paragraphe 172, citant Teva, aux paragraphes 50 et 51). La Cour doit examiner le mémoire descriptif dans son ensemble pour décider si le brevet satisfait aux exigences en matière de divulgation.

[173]       Une revendication est ambiguë lorsque le brevet ne définit pas la nature de l’invention. Selon le juge Hughes, « l’ambiguïté n’est véritablement invoquée qu’en dernier recours, sinon jamais » (Pfizer Canada Inc c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725, au paragraphe 53).

[174]       Apotex fait valoir que la revendication 31 est ambiguë et insuffisante, car elle englobe toute quantité de drospirénone entre 2 mg et 4 mg sous toute forme posologique orale, mais le profil de dissolution précisé dans la revendication ne fait mention que d’un comprimé de 3 mg de drospirénone. Apotex affirme que le brevet 426 ne décrit pas suffisamment en quoi une dose qui n’est pas sous forme de comprimé de 3 mg permet d’atteindre le taux de dissolution requis, comme les capsules, les suspensions ou les émulsions. Selon elle, la personne versée dans l’art serait tenue de deviner si une forme posologique orale autre qu’un comprimé de 3 mg permettra d’atteindre le taux de dissolution précisé dans les revendications et, le cas échéant, de quelle façon elle le fera.

[175]       D’après la preuve de M. Davies, une personne versée dans l’art aurait su comment augmenter ou diminuer une dose pour établir si la composition correspond au taux de dissolution requis. Selon M. Davies, le brevet, tel qu’il est divulgué, précise clairement que le profil de dissolution énoncé a été établi en dissolvant 3 mg de drospirénone, peu importe si la personne versée dans l’art utilise une quantité autre que 3 mg dans la formulation et peu importe la nature de la formulation.

[176]       Je juge que l’analyse de M. Davies est cohérente et persuasive. Le profil de dissolution est fondé sur un comprimé de 3 mg, mais cette quantité peut être augmentée ou autrement adaptée par une personne versée dans l’art sans recourir à des moyens inventifs. Le brevet est suffisamment précis pour permettre à une personne versée dans l’art de produire l’invention en utilisant seulement les instructions contenues dans la divulgation.

G.                Utilité

[177]       Conformément à l’article 2 de la Loi, une invention doit présenter le caractère de l’utilité pour bénéficier d’une protection.

[178]       Si le mémoire descriptif du brevet ne promet pas un résultat précis, la « moindre parcelle » d’utilité suffit. Un inventeur n’est pas tenu de décrire l’utilité de son invention. Toutefois, lorsque le mémoire descriptif exprime clairement une « promesse », l’utilité sera appréciée en fonction de cette promesse (Sanofi-Aventis c. Apotex Inc., 2013 CAF 186, aux paragraphes 48 à 50).

[179]       Tout comme dans le cas des revendications, l’interprétation de la promesse du brevet est une question de droit (Astrazeneca Canada, au paragraphe 87). C’est à la Cour de vérifier, de manière téléologique, s’il existe une promesse dans le contexte du brevet dans son ensemble, du point de vue de la personne versée dans l’art, par rapport à l’état d’avancement de la science et aux données disponibles au moment du dépôt du brevet (Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2011 CAF 236, au paragraphe 17, citant Eli Lilly Canada inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 197, au paragraphe 80, demande de pourvoir devant la CSC rejetée [Eli Lilly Canada]).

[180]       S’il existe une promesse d’utilité, le breveté doit avoir démontré ou prédit valablement l’utilité énoncée avant la date de dépôt (Eli Lilly Canada, au paragraphe 80). Cependant, le breveté sera assujetti à cette norme élevée uniquement si une promesse « claire et non ambiguë » a été faite. Lorsque la validité d’un brevet est contestée au motif que la promesse n’a pas été respectée, le brevet sera interprété en faveur du titulaire du brevet lorsque la personne versée dans l’art pourrait raisonnablement comprendre que le brevet ne contient pas cette promesse (Pfizer Canada, au paragraphe 66). La Cour doit garder à l’esprit que ce ne sont pas toutes les déclarations que l’on trouve dans un brevet au sujet des avantages qui peuvent être considérées comme une promesse. Un objectif n’est pas nécessairement une promesse, mais plutôt un « avantage que l’on espère que l’invention comportera » (AstraZeneca Canada, au paragraphe 139).

[181]       Apotex soutient que le brevet 426 contient trois promesses explicites : (i) inhiber l’ovulation et être un contraceptif oral efficace; (ii) permettre d’administrer une plus faible dose de drospirénone que ce qui était précédemment requis pour obtenir un effet contraceptif efficace; et (iii) permettre d’administrer une dose maximale de drospirénone à laquelle les effets secondaires désagréables, en particulier une diurèse excessive, peuvent être évités presque complètement.

[182]       Bayer affirme que le brevet 426 ne contient pas de promesse d’utilité explicite. Cependant, en réponse à la première allégation d’Apotex, Bayer avoue que le brevet énonce que la composition est efficace pour inhiber l’ovulation. Bayer fait valoir que cette efficacité est démontrée à l’exemple 5 du brevet. Elle soutient, en fonction de la preuve du Dr Simon et du Dr Barnhart, que l’exemple 5 démontre qu’une combinaison de 2 mg ou 3 mg de drospirénone et de 0,03 mg d’éthinylestradiol est efficace pour inhiber l’ovulation et que la formulation à dissolution rapide est bien tolérée. En outre, Bayer affirme que l’exemple 4 démontre qu’une formulation de drospirénone à dissolution rapide présente une biodisponibilité adéquate. Elle soutient donc que le breveté, même s’il n’y est pas tenu en droit, a démontré l’utilité revendiquée à titre d’inhibiteur d’ovulation à la date de dépôt (citant la décision GlaxoSmithKline Inc. c. Pharmascience Inc., 2011 CF 239, au paragraphe 96).

[183]       En ce qui concerne la deuxième allégation d’Apotex, Bayer soutient que le brevet 426 ne promet pas que la drospirénone puisse être administrée à une plus faible dose que ce qui était précédemment requis. Elle prétend que toute mention d’une dose minimale dans le brevet est une observation plutôt qu’une promesse et que dans tous les cas, la dose minimale revendiquée d’environ 2 mg pour utilisation à titre de contraceptif est pleinement étayée par l’exemple 5.

[184]       Bayer rejette également la troisième allégation d’Apotex voulant que le brevet promette d’éviter les effets secondaires à la dose maximale préférée, et affirme que même si la revendication était interprétée comme une promesse, l’exemple 5 démontre une bonne tolérance et une absence d’effet secondaire pour les doses de 2 mg et de 3 mg de drospirénone. Par ailleurs, Bayer ajoute que l’exemple 4 montre que l’administration d’une dose allant jusqu’à 6 mg de drospirénone n’entraîne pas de problème ou de préoccupation concernant les effets secondaires.

[185]       Dans la décision Bayer c. Cobalt, au paragraphe 95, le juge Hughes a conclu que l’on pouvait dire que la « promesse » du brevet se trouvait à la page 4 de celui-ci :

[traduction]

Afin que le composé présente une bonne biodisponibilité, ledit composé est présenté de façon avantageuse sous une forme qui en favorise la dissolution rapide.

[186]       En confirmant la décision du juge Hughes, la Cour d’appel fédérale n’a pas abordé précisément cette question.

[187]       La question de savoir si le brevet contient une promesse d’utilité et, le cas échéant, celle de savoir quelle est la nature de cette promesse, sont des questions de droit [Astrazeneca Canada, au paragraphe 87]. Comme je l’ai dit précédemment, la doctrine de l’adhésion déférente crée une présomption selon laquelle les décisions antérieures de la Cour seront respectées, à moins qu’il n’y ait une bonne raison de s’en écarter. Je ne vois aucune raison de m’écarter de la caractérisation faite par le juge Hughes de l’utilité promise par le brevet. De plus, je conclus que la promesse est démontrée ou prédite valablement par les exemples 4 et 5. Les revendications invoquées ne sont pas invalides pour absence d’utilité.

H.                Conclusion concernant la validité

[188]       Conformément à l’analyse qui précède, je conclus que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ne sont pas invalides pour les motifs allégués suivants : (i) évidence, (ii) antériorité, (iii) portée excessive, (iv) caractère insuffisant ou ambiguïté du mémoire descriptif, (v) inutilité.

X.                Contrefaçon – Apotex

A.                Fardeau et règles de droit

[189]       L’article 42 de la Loi accorde au breveté le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, de construire, d’exploiter et de vendre à d’autres l’objet de l’invention pour qu’ils puissent l’utiliser. Un brevet est contrefait par tout acte qui nuit à la pleine jouissance du monopole conféré au titulaire du brevet (Monsanto Canada Inc c. Schmeiser, 2004 CSC 34, au paragraphe 34 [Monsanto]).

[190]       Conformément au paragraphe 55(1) de la Loi, quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté du dommage que cette contrefaçon lui a fait subir après l’octroi du brevet. Pour établir s’il y a contrefaçon, on compare les produits qui sont présumés contrefaire le brevet avec les revendications du brevet, telles qu’elles sont interprétées par la Cour. Si les comprimés d’Apotex comprennent chacun des éléments essentiels des revendications 31, 48 ou 49, alors le brevet de Bayer a été contrefait.

[191]       Le fardeau de prouver qu’il y a eu contrefaçon incombe à la partie qui l’allègue (Monsanto, au paragraphe 29). Le fardeau incombe donc à Bayer.

[192]       Les comprimés Zamine d’Apotex, qui correspondent aux comprimés Yasmin de Bayer, sont un contraceptif oral contenant 3 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol comme ingrédients pharmaceutiques actifs. Les comprimés Mya d’Apotex, qui correspondent aux comprimés Yaz de Bayer, contiennent 3 mg de drospirénone et 0,02 mg d’éthinylestradiol.

[193]       Le seul point de désaccord entre Bayer et Apotex consiste à savoir si les comprimés Zamine et Mya contiennent au moins 2 mg de particules de drospirénone. Il ne fait aucun doute que les comprimés Zamine et Mya satisfont aux critères de dissolution de la revendication 31.

[194]       La défense d’Apotex contre l’allégation de contrefaçon de Bayer est que les comprimés Zamine et Mya contiennent de la drospirénone « en dispersion moléculaire », c.-à-d. sous une forme suffisamment dissoute dans un médium de sorte qu’elle n’est plus sous forme de particules. Si la drospirénone dans les comprimés d’Apotex est en dispersion moléculaire, les comprimés ne relèvent alors pas de la portée du brevet, qui ne fait mention que de « particules ».

B.                 Témoignage – Témoins experts

[195]       Bayer a présenté le témoignage des témoins experts suivants :

a)      M. Shen Yung Luk, de Nottingham, au Royaume-Uni. Il est directeur scientifique chez Juniper. Il a été admis comme un expert de la caractérisation et de la mise à l’essai de produits pharmaceutiques, notamment de l’évaluation des propriétés physiques et chimiques de substances et d’excipients pharmaceutiques à l’aide d’une variété de techniques analytiques comme la microscopie confocale Raman, la spectroscopie FT Raman, la spectroscopie infrarouge, la microscopie optique à lumière polarisée, les tests de dissolution et la CLHP. M. Luk a aidé à concevoir les expériences de Juniper. Il avait pour mandat de décrire les tests expérimentaux effectués avec les comprimés d’Apotex et d’en présenter les résultats.

b)      M. Martyn Christopher Davies. Ses qualifications ont été décrites précédemment. M. Davies a conçu les expériences de Juniper et a fourni des éléments de preuve concernant l’interprétation des résultats.

[196]       Apotex a présenté le témoignage des témoins experts suivants :

a)      M. André J. Sommer, d’Oxford, en Ohio. Il est directeur du laboratoire de microspectroscopie moléculaire et professeur au département de chimie et de biochimie à l’Université de Miami. Il a été admis comme un expert de la spectroscopie moléculaire (infrarouge et Raman), de la microspectroscopie, de la microscopie confocale, de la conception d’instruments optiques et de la chimie analytique, notamment des techniques analytiques utilisées pour déterminer et caractériser les propriétés physiques et chimiques des substances chimiques comme les produits pharmaceutiques. M. Sommer a fourni des éléments de preuve sur les essais effectués pour le compte de Bayer et d’Apotex et sur les concepts des matériaux et de la chimie pharmaceutique.

b)      M. Michael J. Cima. Ses qualifications ont été décrites précédemment. M. Cima a assisté à quelques-unes des expériences menées par les parties et a fourni son opinion quant aux allégations de contrefaçon fondées sur ces expériences.

C.                 Témoignage – Tests expérimentaux

(1)               Expériences menées par Bayer

[197]       Bayer a obtenu des échantillons des comprimés d’Apotex et a demandé à M. Luk et M. Davies de décider s’ils contenaient au moins 2 mg de particules de drospirénone et satisfaisaient aux critères de dissolution précisés à la revendication 31. Afin de remplir leur mandat, M. Luk et M. Davies ont utilisé une technique bien connue dans l’industrie pharmaceutique appelée spectroscopie Raman.

[198]       La spectroscopie Raman sert à analyser les propriétés de matériaux complexes comme les comprimés pharmaceutiques. Cette technique utilise un microscope Raman (une version modifiée d’un microscope standard) pour observer l’interaction de la lumière, habituellement générée par un laser, avec un composé chimique. Un composé chimique contient des atomes qui sont liés par des liaisons chimiques et forment des molécules. Étant donné les différences inhérentes des structures moléculaires des composés, on peut les déterminer et les distinguer d’après la manière caractéristique dont ils interagissent avec la lumière : les liaisons chimiques qui lient les atomes dans une molécule vibrent et créent de l’énergie, ce qui produit « l’effet Raman ». L’interaction de la lumière avec le composé est visible dans le « spectre Raman », qui positionne la longueur d’onde de la lumière par rapport à l’intensité relative de celle-ci sur un graphique, et est mesurée en nombre d’ondes ou en cm-1. Le spectre Raman peut être décrit comme une « empreinte » chimique.

[199]       Le spectre Raman affiche des pics, et il est possible de déterminer un composé en comparant le spectre qu’il génère aux spectres de référence. L’intensité relative des pics peut aussi être utilisée pour définir et quantifier les éléments constitutifs d’un composé. Selon la largeur d’un pic, il est possible d’établir si un composé est cristallin (c.-à-d. sous la forme de particules) ou non cristallin (c.-à-d. amorphe ou en dispersion moléculaire).

[200]       M. Luk et M. Davies ont analysé les comprimés d’Apotex à l’aide de la spectroscopie Raman confocale et de la spectroscopie FT Raman, comme il est décrit plus en détail ci-après.

[201]       Ils ont également effectué des tests de dissolution afin d’établir si les comprimés d’Apotex correspondaient au profil de dissolution énoncé à la revendication 31, notamment si 70 % de la drospirénone contenue dans les comprimés se dissolvait en 30 minutes lorsqu’on utilisait un protocole de dissolution bien accepté décrit dans la méthode USP. Il est incontestable que les comprimés d’Apotex correspondent au profil de dissolution requis, et il est donc inutile de commenter davantage cet aspect des tests expérimentaux.

a)                  Spectroscopie Raman confocale

[202]       M. Luk et M. Davies ont utilisé la spectroscopie Raman confocale pour déterminer si les comprimés d’Apotex contenaient de la drospirénone sous forme de particules, ou sinon en dispersion moléculaire. Lors de cette expérience, ils ont coupé les comprimés pour obtenir des sections transversales. Chaque section transversale a ensuite été soumise à la spectroscopie Raman confocale, une technique de cartographie Raman. L’emplacement de la drospirénone dans l’échantillon a été déterminé et différencié des autres composants (ou « excipients ») des comprimés en fonction du pic caractéristique de la drospirénone.

[203]       Par la suite, M. Luk et M. Davies ont analysé les cartes Raman afin de repérer les formes de drospirénone dans les comprimés d’Apotex. Le laser utilisé dans la spectroscopie Raman est sensible à l’orientation des liaisons chimiques dans un cristal, lesquelles sont fixées à l’intérieur de ce cristal. Selon M. Luk, les matériaux cristallins produisent des différences dans les intensités relatives des pics Raman, qui dépendent de l’orientation du cristal. Inversement, les matériaux non cristallins, y compris les dispersions moléculaires, n’entraînent pas d’« effet d’orientation » parce que les molécules sont réparties au hasard dans la dispersion moléculaire. Comme l’effet d’orientation n’est présent que lorsque les matériaux cristallins sont examinés, la spectroscopie Raman confocale peut être utilisée pour confirmer ou infirmer la présence de cristaux (particules).

[204]       M. Luk et M. Davies ont également soumis des lames de référence contenant de la drospirénone cristalline et en dispersion moléculaire à une spectroscopie Raman confocale afin qu’elles servent de contrôle. Ils ont comparé ces résultats à ceux obtenus de la spectroscopie Raman effectuée sur les comprimés d’Apotex. Les lames de référence contenaient de la drospirénone cristalline USP à l’état pur. Les lames de référence de drospirénone en dispersion moléculaire contenaient de la drospirénone, XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX X, ingrédients se trouvant tous dans les comprimés d’Apotex.

[205]       Une fois que la drospirénone d’un emplacement particulier de la section transversale d’un comprimé était cartographiée, une technique statistique appelée analyse en classification automatique à K moyennes a été utilisée pour quantifier la taille et la surface des particules de drospirénone présentes dans les produits d’Apotex. Cette technique a aussi été utilisée pour établir une différence entre les particules regroupées composées de plusieurs petites particules.

[206]       Dans sa plaidoirie finale, Bayer a renoncé à se fonder sur l’analyse en classification automatique à K moyennes réalisée par M. Luk et M. Davies. Cet aspect des tests n’est donc pertinent que pour la crédibilité générale de la méthode de Juniper.

b)                  Spectroscopie FT Raman

[207]       M. Luk et M. Davies ont appliqué la technique de spectroscopie FT Raman pour quantifier la drospirénone présente sous forme particulaire dans les comprimés d’Apotex plutôt qu’en dispersion moléculaire. Dans cette expérience, les comprimés ont été réduits en poudre, puis soumis à une spectroscopie FT Raman, qui a généré un spectre Raman caractéristique.

[208]       Comme pour l’expérience par spectroscopie Raman confocale, Juniper a créé deux mélanges de drospirénone pour générer une norme de référence FT Raman. Les deux mélanges de référence contenaient les mêmes composants que les comprimés d’Apotex. Le mélange de référence de drospirénone cristalline contenait tous les excipients des comprimés d’Apotex et de la drospirénone sous forme cristalline. Tous ces composants étaient offerts sur le marché. On ne pouvait pas en dire autant du mélange de référence de drospirénone en dispersion moléculaire; par conséquent, Juniper a créé un mélange contenant une poudre composée de tous les excipients des comprimés d’Apotex et de la drospirénone en dispersion moléculaire. Le mélange de référence a été placé sur une lame de verre microscopique et on l’a laissé sécher pendant une nuit. Il a ensuite été analysé à l’aide de la technique FT Raman. Juniper a réalisé l’analyse FT Raman deux fois pour chacun des comprimés Zamine et Mya.

[209]       Afin de confirmer que le mélange de référence de drospirénone en dispersion moléculaire contenait une vraie dispersion moléculaire, les lames de référence ont été soumises à une microscopie optique à lumière polarisée. Cette technique est très répandue dans l’industrie pharmaceutique pour examiner et visualiser la structure des médicaments et des excipients à l’aide d’un microscope. Elle utilise une lumière polarisée (c.-à-d. une lumière qui voyage selon une ligne verticale) et une lumière non polarisée (c.-à-d. une lumière qui oscille dans toutes les directions). Utilisée de concert avec une analyse de l’image, cette technique permet d’analyser la répartition de la taille des particules et d’explorer la cristallinité.

[210]       Après avoir confirmé que le mélange de référence comprenait une « vraie dispersion moléculaire », M. Luk et M. Davies ont comparé les spectres Raman des comprimés d’Apotex aux spectres générés par les deux mélanges de référence et ont tenté de déterminer la quantité de drospirénone dans les comprimés d’Apotex qui était sous forme particulaire plutôt qu’en dispersion moléculaire.

(2)               Expériences menées par Apotex

a)                  Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflexion totale atténuée

[211]       La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflexion totale atténuée [RTA] est une version de la spectroscopie qui utilise une lumière infrarouge. Cette technique peut être utilisée pour créer des images ou des cartes qui fournissent de l’information chimique sur les différentes régions de la surface examinée. Ces cartes contiennent de nombreux spectres, qui peuvent être interprétés pour déterminer la composition d’un comprimé pharmaceutique.

[212]       Selon M. Cima, lorsque de la drospirénone est présente en dispersion moléculaire, chaque molécule de drospirénone est entourée de molécules de la substance dans laquelle elle est dissoute, XXXXX XXXXX XXXXX XXX. Par conséquent, si la drospirénone se trouve sous forme particulaire dans les comprimés d’Apotex, on pourrait s’attendre à ce que des régions distinctes ou discontinues contiennent seulement de la drospirénone. Sinon, si la drospirénone se trouve en dispersion moléculaire, elle sera toujours XXXXX XXXXX XXXX.

[213]       M. Sommer et M. Cima ont utilisé une RTA pour cartographier deux régions dans deux comprimés Mya et deux comprimés Zamine, le même nombre de comprimés cartographiés par M. Luk et M. Davies. L’objectif était de confirmer si la drospirénone se trouvait au même endroit en même temps que d’autres substances. M. Sommer et M. Cima ont créé des cartes qui contenaient de l’information chimique sur les différentes régions des surfaces examinées des comprimés. Chaque spectre figurant sur la carte générée représentait le matériau présent à un emplacement précis de la surface examinée. En interprétant les spectres ensemble, M. Sommer et M. Cima ont tenté de déterminer la composition de différentes régions des comprimés d’Apotex. Les spectres obtenus lors des expériences en RTA ont ensuite été soumis à une méthode d’analyse statistique appelée analyse en composantes principales [ACP] afin de mieux repérer les composés présents dans chaque région examinée des comprimés.

b)                  Spectroscopie Raman confocale

[214]       M. Sommer et M. Cima ont réalisé leurs propres expériences à l’aide de la spectroscopie Raman confocale décrite précédemment. Cependant, comme il a été mentionné, ils ont appliqué différents paramètres, notamment une période d’intégration plus longue (c.-à-d. le temps durant lequel le laser peut rayonner dans une seule position). Dans leurs témoignages, M. Sommer et M. Cima ont affirmé qu’il était nécessaire de s’assurer que les principaux excipients dans les comprimés d’Apotex pouvaient être détectés.

c)                  Spectroscopie FT Raman

[215]       M. Sommer et M. Cima ont aussi tenté de reproduire la préparation des lames de référence de drospirénone en dispersion moléculaire créées par M. Luk et M. Davies à Juniper. Dans leurs témoignages, ils ont indiqué que les résultats de la spectroscopie FT Raman de Juniper étaient erronés, principalement parce que la norme de référence pour la drospirénone en dispersion moléculaire préparée par Juniper contenait un solvant résiduel. Afin de vérifier si le solvant résiduel était présent dans les pellicules de référence, ils ont soumis celles-ci à une spectroscopie FT Raman, comme il est décrit précédemment.

D.                Observations générales concernant les éléments de preuve

[216]       Je crois que les témoins experts qui ont été appelés à témoigner pour les deux parties concernant l’allégation de contrefaçon de Bayer contre Apotex sont généralement crédibles.

[217]       J’ai cependant été troublé par le témoignage de M. Luk et de M. Davies concernant l’analyse en classification automatique à K moyennes, une forme d’analyse statistique qu’ils ont utilisée pour interpréter les résultats de leurs expériences par spectroscopie Raman confocale. De nombreuses pages des rapports d’experts des parties et plusieurs jours de témoignage ont été consacrés à l’analyse en classification automatique à K moyennes, mais il s’est avéré difficile, voire impossible, pour les experts et l’avocat d’Apotex de reproduire avec exactitude les résultats de Juniper à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle d’audience. M. Luk a initialement attribué cet échec à l’utilisation par les parties de différentes versions du logiciel de classification, mais cela s’est révélé incorrect. Ni M. Luk ni M. Davies ne maîtrisaient totalement le logiciel en tous les cas, et Bayer a finalement décidé de ne pas recourir à cet aspect de la preuve.

[218]       En toute équité pour les experts de Bayer, M. Sommer et M. Cima ont également eu de la difficulté à expliquer les résultats de leur ACP, l’outil de classification statistique fourni par le fabricant d’outils RTA.

[219]       Malgré mes réserves concernant le témoignage de M. Davies et de M. Luk concernant l’analyse en classification automatique à K moyennes, je crois que les résultats des expériences de Juniper sont convaincants, y compris son utilisation de la spectroscopie Raman confocale, de la spectroscopie FT Raman et de la microscopie optique à lumière polarisée. À mon avis, les résultats de ces expériences s’écartent de l’analyse en classification automatique à K moyennes échouée. Je retiens le témoignage de M. Davies selon lequel l’analyse en classification automatique à K moyennes a été effectuée pour confirmer davantage ce qui avait déjà été observé dans les données Raman à haute résolution, notamment que les comprimés d’Apotex contenaient de la drospirénone sous forme particulaire. Je rejette l’observation d’Apotex selon laquelle les problèmes associés à l’analyse en classification automatique à K moyennes jettent un doute sur la crédibilité générale de M. Luk et de M. Davies. De plus, je conclus que les résultats des tests expérimentaux de Bayer ne sont pas réfutés par les résultats des expériences d’Apotex par spectroscopie en RTA et par spectroscopie Raman confocale.

E.                 Analyse

(1)               Expériences par spectroscopie Raman confocale de Bayer

[220]       Comme je l’ai souligné précédemment, à l’aide d’une spectroscopie Raman confocale, Juniper a créé des cartes indiquant les zones où la drospirénone était répartie dans chaque section transversale des comprimés Zamine et Mya examinés. M. Davies a ensuite effectué dix autres balayages à haute résolution de certaines régions. Selon lui, les images ci-dessous, en plus des données spectrales et des cartes obtenues par Juniper, démontrent clairement que les comprimés d’Apotex contiennent des particules de drospirénone.

High resolution confocal Raman map of prospirenone in Zamine Tablet 2, Area 10.

Carte Raman confocale à haute résolution de la drospirénone contenue dans le comprimé 2 Zamine, zone 10

High resolution confocal Raman map of drospirenone in Mya Tablet 1, Area 2.

Carte Raman confocale à haute résolution de la drospirénone contenue dans le comprimé 1 Mya, zone 2

[221]       M. Davies a comparé ces cartes Raman confocales à haute résolution aux cartes Raman confocales à haute résolution obtenues pour les références de drospirénone cristalline (particules) et en dispersion moléculaire, et a exprimé le point de vue selon lequel les comprimés Zamine et Mya ressemblaient étroitement à la première des deux images suivantes :

Crystalline Drospirenone Reference.

Référence de drospirénone cristalline

Molecularly Dispersed Drospirenone Reference.

Référence de drospirénone en dispersion moléculaire

[222]       Dans son témoignage, M. Davies a déclaré que, même sans recourir à une analyse en classification automatique à K moyennes, les images Raman confocales à haute résolution lui permettaient de conclure que la drospirénone contenue dans les comprimés d’Apotex se trouvait sous une forme particulaire.

[223]       Selon Apotex, le défaut fondamental et prépondérant dans les expériences par spectroscopie Raman confocale menées par Juniper était qu’elles ne permettaient pas de détecter les excipients que l’on sait présents dans les comprimés d’Apotex. Les excipients de lactose et d’amidon représentent environ XXX des ingrédients dans les comprimés Zamine et Mya. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que la drospirénone présente dans les comprimés d’Apotex ne pouvait pas exister de façon isolée parce que les formulations étaient condensées sous forme de comprimés et que l’on devrait alors s’attendre à voir des éléments de preuve de la présence de drospirénone dans les régions adjacentes aux régions contenant les excipients. En l’absence de tels éléments de preuve, M. Cima a conclu que les expériences de Juniper ne permettaient pas de détecter les excipients, ce qui nuisait à leur fiabilité.

[224]       M. Cima et M. Sommer ont fait valoir que les expériences de Juniper ne permettaient pas de détecter les excipients en raison de la courte « période d’intégration » (c.-à-d. le temps d’exposition) du microscope, et de la faible puissance du laser appliquée à l’échantillon. D’après M. Sommer, un faible « rapport signal-bruit » peut nuire à la capacité du microscope de détecter les composants qui se diffusent plus faiblement que les autres. Du « bruit » ou de la statique survient lorsque le microscope détecte un signal qui ne provient pas de l’échantillon examiné. Par comparaison à la drospirénone, les excipients comme XXXXX, l’amidon et le lactose sont tous de « faibles diffuseurs Raman », ce qui veut dire qu’ils ne présentent pas de hauts pics spectraux Raman comparativement au pic généré par la drospirénone. Selon M. Sommer et M. Cima, les excipients sont moins susceptibles d’être détectés dans un spectre de bruit.

[225]       Dans son témoignage, M. Sommer a déclaré que, comparativement aux expériences de Juniper, l’expérience de cartographie en RTA réalisée pour le compte d’Apotex a donné lieu à un bon rapport signal-bruit après que l’on a augmenté le temps d’acquisition. D’après M. Sommer et M. Cima, si on utilise le bon temps d’intégration, la drospirénone est majoritairement XXXXX XXXXX XXXX et non, comme l’avaient affirmé M. Luk et M. Davies, isolée sous forme de particules distinctes. Apotex soutient que ses expériences de cartographie Raman en RTA montrent sans équivoque que XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX dans tous les cas sauf un, ce qui confirme que les expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper ne peuvent détecter les excipients.

[226]       Apotex soutient que l’incapacité des expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper à détecter les divers excipients présents dans les comprimés d’Apotex fait en sorte qu’il lui était impossible d’établir si la drospirénone était XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX, et pouvait donc se trouver en dispersion moléculaire. M. Cima a indiqué que cela ébranlait la conclusion de M. Luk et de M. Davies selon laquelle les spectres Raman des cartes à haute résolution affichaient des effets d’orientation. Selon M. Cima, avant qu’un signal puisse être attribué à des effets d’orientation, la présence de signaux confusionnels provenant d’autres substances doit être exclue. Comme cela n’a pas été fait, M. Cima était d’avis que les conclusions de M. Luk et de M. Davies concernant l’effet d’orientation découlant des spectres n’étaient pas fiables.

[227]       Apotex indique que, dans un litige sud-africain antérieur concernant des comprimés semblables aux comprimés Zamine et Mya, M. Davies et M. Luk avaient conçu des expériences afin d’évaluer l’emplacement des excipients et de la drospirénone (Molecular Profiles Final Report: Determination of Drospirenone particle size in a Ruby (3 mg Drospirenone / 0,03 mg Ethinyl estradiol) solid dosage formulation, 26 octobre 2011 [rapport Ruby]). À la page 13 du rapport Ruby, une carte de couleurs montre la répartition de la drospirénone, de l’amidon, du lactose et XXXXX dans les comprimés examinés. Apotex affirme que la cartographie réalisée par M. Luk dans cette affaire a révélé une quantité importante de XXXXX XXXXX XXX XXXXXX. Apotex se demande pourquoi Juniper a adopté une approche différente de celle utilisée dans les expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale en l’espèce.

[228]       En contre-interrogatoire, M. Davies a admis qu’il n’avait pas inclus de carte indiquant la répartition des excipients dans les comprimés d’Apotex, bien qu’il ait fourni une telle carte dans le rapport Ruby. M. Davies a indiqué que, dans le litige antérieur Ruby, les tests de Juniper visaient à déterminer la taille des particules et la surface des comprimés et non à déterminer si la drospirénone se trouvait en dispersion moléculaire ou sous forme particulaire.

[229]       La deuxième grande critique d’Apotex concernant les expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper vise l’utilisation de lames de référence comprenant de la drospirénone à l’état pur ou XXXXX XXXXX XXX XXXXX XXXXX XXX, plutôt que des lames de référence comprenant d’autres excipients se trouvant dans les comprimés d’Apotex. Selon Apotex, les normes de référence n’ont pas été assujetties au processus de porphyrisation, de granulation et d’homogénéisation auquel les comprimés d’Apotex ont été soumis. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré qu’une dispersion moléculaire pure n’a pas la même apparence qu’une dispersion moléculaire découlant du processus de formulation et de fabrication appliqué aux comprimés d’Apotex. Cependant, il n’a pas expliqué la nature ou l’ampleur de cette différence, et M. Davies n’a pas été questionné dans une mesure importante à ce sujet lors du contre-interrogatoire.

[230]       Dans son témoignage, M. Luk a déclaré que le fait d’inclure aux lames de référence les excipients présents dans les comprimés d’Apotex n’aurait pas changé les images des particules de drospirénone parce qu’ils auraient seulement [traduction] « rempli l’espace » autour des particules. Il a reconnu en contre‑interrogatoire que certaines régions de ses cartes d’intensité contenaient un signal de drospirénone qui aurait pu être [traduction] « présent en même temps que les excipients » ou [traduction] « se situer au même endroit ». Même si l’opinion initiale de M. Davies était que toute la drospirénone décelée dans les cartes d’intensité était cristalline, il a en fin de compte convenu qu’une partie de celle-ci, dans les comprimés, n’était pas cristalline et que les matériaux amorphes des comprimés pouvaient éventuellement être en dispersion moléculaire. Cependant, il a maintenu que la quantité de drospirénone sous forme non particulaire était négligeable.

[231]       Je conclus que les résultats des expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale constituent une preuve solide que la drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya d’Apotex se trouve sous forme de particules. La constatation essentielle des expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper est que la drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya d’Apotex présente une apparence cristalline caractéristique. Comme l’illustrent les images reproduites ci-dessus, la drospirénone ressemble à des groupements irréguliers, et non à une substance homogène dispersée. Bien que Bayer ait renoncé à s’appuyer sur l’analyse en classification automatique à K moyennes sur laquelle M. Luk et M. Davies s’étaient fondés pour confirmer les effets d’orientation dans les comprimés d’Apotex, Apotex ne conteste pas le principe général voulant que les matériaux cristallins puissent montrer des effets d’orientation lorsque soumis à un laser polarisé, comme ce fut le cas dans les expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper. Par conséquent, malgré les problèmes associés à cette analyse, les critiques d’Apotex ne suffisent pas pour ébranler la solidité des conclusions de M. Luk et de M. Davies. En outre, Apotex n’a pas démontré que la décision de M. Luk et de M. Davies de préparer des spectres de référence sans excipients minait la validité de leurs expériences. Ce n’est pas le cas non plus de leur défaut d’obtenir des images des autres excipients.

[232]       Les autres critiques soulevées contre les expériences réalisées par spectroscopie Raman confocale de Juniper reposent sur l’hypothèse selon laquelle XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XX indique nécessairement une dispersion moléculaire. Pour les raisons que j’expliquerai plus en détail ci-après, je ne peux conclure qu’un emplacement commun constitue une preuve concluante de dispersion moléculaire. Par conséquent, le fait que Juniper n’a pas conçu ses expériences par spectroscopie Raman confocale de manière à pouvoir détecter et situer les excipients des comprimés d’Apotex ne mine pas sa méthodologie.

(2)               Expériences par spectroscopie FT Raman de Bayer

[233]       Les experts de Bayer ont analysé les comprimés d’Apotex à l’aide de la spectroscopie FT Raman et ont conclu qu’il y avait au moins 2 mg de particules de drospirénone dans chacun des comprimés Zamine et Mya. M Davies s’est fondé sur le phénomène d’élargissement et/ou de déplacement des pics spectraux pour démontrer que la drospirénone contenue dans les comprimés d’Apotex se trouvait au moins à 90 % (c.-à-d. plus de 2 mg) sous forme particulaire.

[234]       M. Luk et M. Davies ont créé une norme de référence contenant 100 % de drospirénone cristalline et les excipients des comprimés d’Apotex, ainsi qu’une deuxième norme contenant de la drospirénone en dispersion moléculaire et les excipients des comprimés d’Apotex. Ils ont ensuite créé des spectres composites pour calculer les pics FT Raman de drospirénone des comprimés contenant divers rapports de drospirénone cristalline-drospirénone en dispersion moléculaire.

[235]       Lorsque M. Davies a comparé le pic de drospirénone caractéristique pour les comprimés Zamine et Mya (environ 1 600 cm-1), il a découvert que ces spectres correspondaient davantage au spectre de drospirénone cristalline qu’au spectre de drospirénone en dispersion moléculaire. Plus précisément, le pic caractéristique de la drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya avait une forme et un emplacement qui se trouvaient entre la norme à 100 % cristalline et le composite à 90 % cristalline et 10 % en dispersion moléculaire : la « largeur totale/demi hauteur » des pics des comprimés Zamine et Mya à 1 600 cm-1 se trouvait entre la norme à 100 % cristalline et le composite à 90 %.

[236]       Les deux tableaux suivants, produits par Juniper, illustrent les conclusions de M. Luk et de M. Davies concernant le pourcentage de drospirénone contenue dans les comprimés Zamine et Mya d’Apotex qui se trouve sous forme particulaire plutôt qu’en dispersion moléculaire.

cm-1

 

cm-1

 

[237]       D’après les données de la spectroscopie FT Raman, M. Davies a conclu qu’au moins 90 % de la drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya se trouvaient sous forme cristalline et étaient donc des particules de drospirénone. M. Cima a convenu qu’un tel comprimé contrefaisait la revendication 31.

[238]       M. Cima n’a pas contesté qu’une dispersion moléculaire contenant de la drospirénone indiquerait un élargissement du pic Raman lorsque comparé au pic Raman connu de la drospirénone cristalline. M. Sommer a également reconnu le phénomène de déplacement/d’élargissement des pics lorsque la drospirénone se trouve en dispersion moléculaire plutôt que sous forme particulaire. Apotex fait toutefois valoir que Bayer n’a pas établi que les normes de référence utilisées par Juniper étaient exactes, et que les comparaisons avec les comprimés d’Apotex étaient donc fiables.

[239]       La première critique d’Apotex concernant l’expérience réalisée par M. Luk et M. Davies est que la lame de référence de drospirénone en dispersion moléculaire créée par Juniper était contaminée par la présence de solvant. Selon M. Cima, la présence de solvant entraînerait un aspect caoutchouteux des pellicules, favorisant ainsi l’élargissement du pic observé dans l’expérience par spectroscopie FT Raman. Cet élargissement excessif a prétendument donné lieu à une norme de référence de drospirénone en dispersion moléculaire qui n’était pas représentative de la dispersion moléculaire trouvée dans les produits d’Apotex.

[240]       Apotex soutient que l’apparence des pellicules créées par Juniper s’expliquait par la présence de solvant, et non parce que les pellicules étaient complètement « sèches ». Les experts d’Apotex ont expliqué que la température des pellicules de drospirénone en dispersion moléculaire pouvait être soit au-dessus, soit en dessous de la « température de transition vitreuse » (Tg). Lorsque la Tg est inférieure à la température de la pièce, la pellicule a un aspect caoutchouteux et mou. Lorsque la Tg est supérieure à la température de la pièce, la pellicule est une plaque de verre. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que la différence entre ces deux états modifie les propriétés des dispersions et les spectres Raman.

[241]       M. Cima a initialement affirmé que son opinion était fondée sur son observation personnelle des pellicules créées par Juniper, mais il a plus tard admis qu’il n’était pas présent pour cette partie des expériences. Son opinion était en réalité fondée sur son examen des photographies prises par l’avocat d’Apotex durant les tests inter partes. M. Cima était d’avis que les pellicules créées par Juniper avaient un aspect mou et caoutchouteux et ne présentaient pas les propriétés du verre. Dans les photographies, les pellicules semblaient se replier lorsqu’on les détachait de la lame sur laquelle elles avaient été préparées. Selon M. Cima, si les pellicules avaient eu l’aspect du verre, elles se seraient brisées et auraient été réduites en poussière. Il a mentionné que l’aspect caoutchouteux et replié ne pouvait s’expliquer que par la présence du solvant dans les pellicules.

[242]       Apotex est d’avis, en se fondant sur les ouvrages cités, qu’une pellicule sèche aurait une Tg supérieure à la température de la pièce et que la Tg de la pellicule pouvait être abaissée en dessous de la température de la pièce par la présence de solvant. Apotex soutient qu’il n’y a aucune autre explication scientifique pour la diminution de la Tg.

[243]       Apotex indique que l’élargissement du pic observé par Juniper n’était pas conforme à des dispersions moléculaires préparées adéquatement de la façon décrite dans les ouvrages. M. Cima a fourni deux ouvrages de référence sur l’élargissement des pics.

[244]       L’un des articles faisait mention d’un élargissement des pics pour un autre médicament, la nifédipine, dont la Tg était supérieure à la température de la pièce. L’augmentation de la largeur du pic était de 2 cm-1 et non de 10 cm-1 comme l’avait observé M. Davies. Toutefois, M. Cima n’a rien dit sur la nature du médicament nifédipine, ni sur les raisons pour lesquelles on devrait déduire quoi que ce soit de l’élargissement du pic de drospirénone en fonction de l’élargissement du pic de nifédipine. L’article ne précise pas que l’élargissement du pic observé était un principe général qui s’applique à d’autres composés.

[245]       Le deuxième article indiquait que la drospirénone est [traduction] « plutôt inhabituelle », car les spectres Raman de la drospirénone cristalline et de la drospirénone amorphe étaient [traduction] « très similaires ». Par contre, ni M. Cima ni l’article sur lequel il s’est fondé n’ont quantifié l’ampleur de cette similarité, mentionnant seulement que la différence était [traduction] « minime ».

[246]       Apotex se demande si les efforts de Juniper pour sécher les lames de référence étaient suffisants pour enlever le solvant des pellicules. Comme il a été mentionné dans le protocole d’essai inter-partes, les pellicules devaient être asséchées durant la nuit sous un jet d’azote. Cependant, Juniper a modifié le protocole de séchage des expériences inter-partes et n’a pas toujours consigné les changements. Apotex fait valoir que cela démontre qu’il y avait une préoccupation concernant la présence de solvant. M. Cima a indiqué que, selon les ouvrages, le séchage ne pouvait se faire qu’à des températures élevées et pendant une période beaucoup plus longue que celle utilisée dans les expériences de Juniper.

[247]       M. Sommer a affirmé que ses tentatives de reproduire les pellicules créées par Juniper ont entraîné la présence de solvant dans les pellicules. Les spectres FT Raman créés par M. Sommer sur une pellicule séchée durant la nuit sous un jet d’azote et sur une pellicule séchée durant une heure de plus à une température élevée ont tous deux démontré la présence de solvant. M. Sommer n’a pas préparé de lame de référence complètement sèche pour la soumettre à une spectroscopie FT Raman, même si Bayer indique qu’il avait eu la possibilité de le faire.

[248]       Apotex soutient que M. Luk et M. Davies n’ont pas effectué les tests appropriés pour établir s’il y avait du solvant. Selon M. Cima et M. Sommer, le test le plus fiable pour déceler la présence de solvant consisterait à obtenir un spectre FT Raman des pellicules avant de les mélanger avec d’autres excipients; toutefois, Juniper a obtenu des spectres FT Raman des pellicules seulement après les avoir mélangées avec d’autres excipients. Apotex critique également le défaut de M. Davies d’employer une « perte à la dessiccation » pour s’assurer que tout le solvant avait été enlevé.

[249]       La deuxième critique d’Apotex concernant les expériences FT Raman de Juniper est que la lame de drospirénone USP que M. Luk et M. Davies ont utilisée comme référence ne contenait peut-être pas de la drospirénone 100 % cristalline. Selon Apotex, l’USP ne garantit pas le degré de cristallinité de l’échantillon de drospirénone, et le matériau USP était micronisé, ce qui pourrait avoir donné lieu à quelques matériaux amorphes. Un matériau amorphe peut se trouver sous forme particulaire ou en dispersion moléculaire. Apotex ne s’est pas penchée dans une très grande mesure sur la possibilité que des matériaux amorphes aient été présents dans les normes de référence cristallines de M. Luk et de M. Davies. Elle n’a pas non plus démontré, de manière convaincante, l’incidence que cela pourrait avoir sur les résultats de Juniper.

[250]       À mon avis, Juniper a pris des mesures raisonnables pour confirmer l’exactitude de ses mélanges de référence de drospirénone cristalline et en dispersion moléculaire. Une méthode de microscopie à lumière polarisée a été utilisée à cette fin. Cela a permis de confirmer que la drospirénone utilisée dans le mélange de référence de drospirénone cristalline était composée de cristaux (et donc de particules), tandis que le mélange de référence de drospirénone en dispersion moléculaire ne contenait aucun cristal ni aucune particule.

[251]       Les critiques d’Apotex concernant les expériences par spectroscopie FT Raman de Juniper ne m’ont pas convaincu. L’allégation selon laquelle les lames de référence de Juniper étaient contaminées par du solvant repose sur l’examen par M. Cima des photographies prises par l’avocat d’Apotex. M. Cima n’a pas assisté aux expériences. Son affirmation selon laquelle la présence de solvant favoriserait l’élargissement du pic dans l’expérience FT Raman est fondée sur deux ouvrages de référence, dont aucun n’a fait la lumière sur les expériences particulières réalisées en l’espèce. La plainte selon laquelle l’USP ne garantit pas le degré de cristallinité de l’échantillon de drospirénone repose sur une spéculation plutôt que sur un élément de preuve.

[252]       Apotex soumet un autre élément de preuve circonstanciel à l’appui de son affirmation selon laquelle la pellicule de drospirénone en dispersion moléculaire de Juniper était contaminée par du solvant. Cet élément de preuve consiste principalement en des références documentaires sur les tests ex parte réalisés par Juniper, dont les résultats n’ont pas été communiqués à Apotex. L’avocat d’Apotex a insinué que Juniper aurait pu manipuler délibérément ses pellicules de référence pour obtenir les résultats voulus. Cela n’est pas une assertion plausible, car Bayer a volontairement divulgué suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à Apotex de présenter son argument concernant la contamination par un solvant.

[253]       Encore plus important, une allégation de fraude ou de parjure contre un témoin professionnel est une question grave et ne devrait pas être faite sans preuve claire et convaincante (Blank c. Canada (Justice), 2009 CF 1221, aux paragraphes 54 et 55). La preuve circonstancielle sur laquelle se fonde Apotex est loin de satisfaire à cette norme et je n’y accorde aucun poids.

(3)               Expériences par microscopie RTA d’Apotex

[254]       Apotex soutient que ses comprimés sont fabriqués selon un processus où XXXXX XXXXX XXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX X, ce qui fait que la drospirénone se dissout ou se disperse dans XXXXX XXXXX. M. Davis a convenu que l’analyse spectroscopique d’une dispersion moléculaire devrait donner lieu à des signaux pour XXXXX XXXXX XXXXX au même endroit; cependant, lorsque la drospirénone se trouve sous forme de particules cristallines, les molécules devraient générer un signal pour les régions distinctes et isolées contenant de la drospirénone.

[255]       À l’aide de la microscopie RTA, M. Sommer a cartographié deux régions dans deux comprimés Mya et deux comprimés Zamine. Les cartes ainsi créées ont été soumises à une ACP qui, comme il a été mentionné précédemment, est un outil de classification statistique fourni par le fabricant d’outils RTA. L’ACP ne nécessite aucune entrée de l’utilisateur et classifie toujours les données en huit composantes codées par couleur.

[256]       M. Cima a attiré l’attention de la Cour sur un spectre représentatif des régions « bleues » d’un comprimé Mya qui a découlé de l’ACP. Les spectres de référence pour XXXXX XXXXX XXXXX ont été présentés aux fins de comparaison :

Spectre infrarouge des régions bleues du comprimé Mya 1, zone 1 (ligne supérieure en mauve)

Spectre infrarouge de drospirénone (ligne du milieu en noir)

Spectre infrarouge de XXXXXX (ligne inférieure en rouge)

[257]       M. Cima a expliqué les résultats de l’ACP ainsi :

[traduction]

Le spectre des régions bleues contient la bande de 1 765 cm-1 qui caractérise la drospirénone. […]

Les bandes de 1 655 cm-1 et de 1 765 cm-1 indiquent également la présence de XXXXX dans les régions bleues. Lorsque l’on compare la force relative des bandes de 1 655 cm-1 et de 1 765 cm-1 dans le spectre des régions bleues (ligne supérieure dans la figure) à la force relative de ces mêmes deux bandes dans le spectre de référence de la drospirénone (ligne du milieu à 3 400 cm-1, 1 765 cm-1 et 1 655 cm-1 dans la figure), il est évident que la force relative de ces bandes s’inverse.

Cette inversion s’explique par XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XX dans les régions bleues. Fondamentalement, les deux XXXXX XXXXX XXX contribuent à l’intensité des bandes dans le spectre des régions bleues. XXXXX contribuera à l’intensité du pic à 1 655 cm-1, mais ne contribuera pas à l’intensité du pic à 1 765 cm-1. Par conséquent, l’inversion de la force relative des bandes de 1 655 cm-1 et de 1 765 cm-1 indique XXXXXX XXXXX XXXXX XXXXX.

Toutes les régions en bleu dans la carte de l’ACP sont donc XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX.

[258]       M. Cima a offert une conclusion similaire concernant les régions en cyan (turquoise ou bleu sarcelle) : toutes les régions en cyan dans la carte de l’ACP sont XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX.

[259]       Selon M. Cima, les résultats de l’ACP démontrent que la très grande majorité de la drospirénone contenue dans les comprimés d’Apotex est XXXXX XXXXX XXX. Un seul composant des quatre zones examinées dans les comprimés Mya s’est révélé très riche en drospirénone. Cette zone ne représentait qu’une [traduction] « petite fraction de la zone occupée par les régions contenant de la drospirénone », soit 31 des 29 580 pixels où de la drospirénone a été détectée. Quant aux comprimés Zamine, il n’y avait qu’un seul composant et une seule zone très riche en drospirénone. Elle comprenait environ 6 % de toutes les régions contenant de la drospirénone dans l’un des comprimés Zamine examinés. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que les cartes RTA montraient que la très grande majorité de la drospirénone dans les comprimés d’Apotex se trouvait en dispersion moléculaire.

[260]       Apotex indique que la cartographie RTA effectuée par M. Sommer englobait plus de vingt fois la surface examinée par Juniper dans le même nombre de comprimés.

[261]       Bayer répond qu’Apotex a confondu à tort l’emplacement conjoint et la dispersion moléculaire. Selon Bayer, l’emplacement conjoint signifie seulement qu’au moins deux particules se trouvent l’une à côté de l’autre dans le champ de vision de l’instrument analytique (en l’espèce, l’instrument RTA). Une dispersion moléculaire, quant à elle, nécessite que la drospirénone soit dispersée dans une autre substance à l’échelle moléculaire. Dans une dispersion moléculaire, les molécules d’une substance (p. ex. la drospirénone) sont réparties de façon homogène XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX.

[262]       Bayer conteste les cartes de l’ACP de M. Cima au motif qu’elles montrent de nombreuses paires de substances dans un emplacement conjoint qui ne peuvent pas se trouver en dispersion moléculaire, y compris du stéarate d’amidon-magnésium, XXXXX XXXXX XXX et de lactose‑amidon. Les résultats de l’ACP peuvent indiquer que XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX se trouvent près l’un de l’autre, mais cela ne veut pas dire que les deux sont en dispersion moléculaire. Les particules de drospirénone peuvent être entourées par XXXXX ou tout simplement se trouver à proximité.

[263]       M. Cima a reconnu que l’on ne peut pas établir définitivement d’après les cartes de M. Sommer si la drospirénone était en dispersion moléculaire ou si elle se trouvait seulement près XXXXX XXXXXXX. Il a convenu que la capacité de déduire une dispersion moléculaire d’après un emplacement conjoint dépendait des limites de détection. Les expériences RTA de M. Sommer ont été réalisées à une résolution de 3 µm. Bayer indique que les expériences par spectroscopie Raman confocale de Juniper ont été réalisées à une résolution de 1 µm et ont permis de détecter des particules de drospirénone inférieures à 3 µm dans les comprimés Zamine et Mya.

[264]       M. Sommer a admis que dans une vraie dispersion moléculaire, un ingrédient est réparti dans l’autre ingrédient de façon homogène. Bayer fait valoir que les résultats de l’ACP de M. Sommer ne montrent pas que la concentration de drospirénone est homogène dans l’ensemble des comprimés Zamine et Mya examinés. M. Cima a soutenu que l’absence d’homogénéité pourrait être attribuable au processus de mélange intensif, qui est semblable à ce qui se passe dans un mélangeur pour aliments, tout en admettant qu’il s’agissait d’une simple théorie.

[265]       L’interprétation par M. Sommer des résultats de l’ACP doit être abordée avec prudence. Il est devenu évident lors du contre-interrogatoire qu’il ne pouvait pas expliquer les résultats avec confiance. Il a initialement rejeté certaines parties de son rapport, les qualifiant d’erreurs typographiques, lorsque différentes couleurs étaient assignées à une même région. Il a par la suite reconnu que le logiciel avait en fait sélectionné plusieurs couleurs à associer à la même note, avouant qu’il n’était pas un expert en interprétation des ACP.

[266]       M. Cima a également eu de la difficulté à expliquer pourquoi l’ACP assignerait différentes couleurs à la même région, et a fait valoir que cela pourrait être attribuable à l’intensité de l’image. Il a présenté comme théorie que cela pouvait être causé par les variations dans la topologie de l’échantillon, ou par une absence de contact avec le cristal à travers lequel l’image était visualisée, tout en concluant ceci : [traduction] « Honnêtement, je ne sais quoi vous dire... voilà ce que ça fait. »

[267]       L’affirmation de Bayer selon laquelle l’emplacement conjoint de deux substances n’indique pas nécessairement qu’elles sont en dispersion moléculaire m’a convaincu. Cela est illustré de façon convaincante par les paires de substances situées au même endroit dans les cartes de l’ACP, paires qui ne pourraient pas exister ensemble en dispersion moléculaire. L’ACP indique la présence de drospirénone sans XXXXX. Tout au plus, les résultats de l’ACP révèlent que la drospirénone et XXXXX se trouvent habituellement l’un près de l’autre dans les comprimés d’Apotex. Cela n’établit pas que les deux existent en dispersion moléculaire. Je prends note que la reconnaissance candide de M. Cima qu’en raison des limites de détection, la cartographie de M. Sommer ne permet pas d’établir définitivement si la drospirénone est en dispersion moléculaire ou si elle se trouve simplement près de XXXXX XXXXX XX.

(4)               Expériences par spectroscopie Raman confocale d’Apotex

[268]       M. Sommer et M. Cima ont aussi analysé le sous-ensemble d’une zone de chaque comprimé d’Apotex par spectroscopie Raman confocale. Ils ont dit ne pas pouvoir créer de cartes Raman supplémentaires parce qu’il faudrait beaucoup plus de temps pour détecter avec fiabilité la drospirénone et les autres excipients que le temps qu’il a fallu à M. Davies et à M. Luk pour détecter la drospirénone uniquement.

[269]       Les cartes produites faisaient chacune environ 100 micromètres par 100 micromètres, ce qui a donné une surface globale de moins de 50 % de l’ensemble de la surface examinée par Juniper à haute résolution (20 000 pixels comparativement à 53 800). M. Cima a conclu que les cartes découlant de la spectroscopie Raman confocale étaient conformes aux résultats de la microscopie RTA. Toutes les régions contenant de la drospirénone XXXXX XXXXX l’étaient aussi, à l’exception d’une seule région repérée dans la carte Zamine. Selon M. Cima, cette région ne présentait pas une intensité suffisante pour lui permettre d’en arriver à une conclusion définitive concernant XXXXX XXXXX XXXXX XX. Il a donc mentionné qu’à son avis, ses expériences par spectroscopie Raman confocale étaient conformes à la théorie voulant que la drospirénone soit en dispersion moléculaire XXXXX XXX.

[270]       Encore une fois, les expériences par spectroscopie Raman confocale d’Apotex ont démontré, tout au plus, que la drospirénone contenue dans les comprimés Zamine et Mya est généralement XXXXX XXXXX XXX. Les résultats n’étaient toutefois pas entièrement conformes à cet égard. Certaines régions présentaient une forte concentration de drospirénone qui pourrait avoir été XXXXX XXXXX XXXX. En outre, pour les raisons mentionnées précédemment, XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XX ne veut pas nécessairement dire que les deux existent ensemble en dispersion moléculaire.

(5)               Développement des comprimés Zamine et Mya

[271]       Les monographies des comprimés d’Apotex les décrivent comme des compositions de contraceptif oral à utiliser chez les femmes, contenant 3 mg de drospirénone et 0,03 mg d’éthinylestradiol pour le Zamine, et 3 mg de drospirénone et 0,02 mg d’éthinylestradiol pour le Mya. Les comprimés Zamine et Mya contiennent chacun au moins un véhicule pharmaceutique acceptable. La drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya est exposée à l’environnement gastrique lors de la dissolution, c.-à-d. qu’il s’agit de deux formulations à libération immédiate.

[272]       Les soumissions réglementaires de drogue présentées par Apotex pour les comprimés Zamine et Mya ne mentionnent pas que les ingrédients pharmaceutiques actifs sont en dispersion moléculaire. Aucun des documents déposés par Apotex en l’espèce n’indiquent qu’Apotex ou ses fournisseurs, XXXXX XXX XXXX avaient l’intention de fabriquer de la drospirénone en dispersion moléculaire. La présentation abrégée de drogue nouvelle [PADN] soumise à Santé Canada pour le Zamine et le Mya indique qu’ [traduction] « une formulation a été élaborée sur la base de la formulation du produit de référence ». Le produit de référence était les comprimés Yasmin et Yaz de Bayer.

[273]       Au cours de l’interrogatoire préalable, Bayer a demandé à recevoir toute communication entre Apotex et XXXXX XXXXX XX concernant la défense de dispersion moléculaire d’Apotex. Apotex a répondu [traduction] « qu’à l’exception de l’information concernant le processus de XXXXX X pour fabriquer les comprimés Zamine et Mya déjà produits, aucune autre communication écrite n’avait été échangée entre Apotex et XXXXX XXXXX XX concernant la forme sous laquelle se trouvait la drospirénone dans les comprimés Zamine ou Mya ».

[274]       Apotex a confirmé lors de l’interrogatoire préalable que : (i) Apotex n’avait pas participé au développement des comprimés Zamine et Mya; (ii) Apotex n’avait eu aucune influence sur la méthode de fabrication des comprimés Zamine et Mya; (iii) Apotex n’avait pas participé au choix des excipients utilisés dans les comprimés Zamine et Mya. Apotex n’a pas appelé de témoin de XXXXX XXXXX XX pour confirmer la présence d’une dispersion moléculaire dans les comprimés.

[275]       Les comprimés Zamine et Mya XXXXX XXXXX tous les deux. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que XXXXX XXXXX XXXXX XX dans une dispersion moléculaire : les molécules de drospirénone sont dispersées XXXXX XXXXX et n’existent donc pas en tant que particules. Toutefois, selon la PADN pour le Zamine, XXXXX XXXXX XXXXX. Cela a été confirmé par le représentant d’Apotex à l’interrogatoire préalable, lequel a aussi confirmé que la drospirénone dans les comprimés Zamine et Mya était fabriquée de la même façon.

[276]       Bayer soutient que si Apotex ou ses fournisseurs avaient fabriqué une dispersion moléculaire de drospirénone en XXXXX, cela aurait été divulgué dans ses soumissions réglementaires. Par ailleurs, la PADN soumise par Apotex indique que les comprimés Zamine et Mya sont fabriqués à l’aide d’une méthode de dépôt selon laquelle la drospirénone est dissoute dans une solution, puis appliquée sur des particules vectrices inertes. Cette méthode est décrite dans la revendication 31 et la divulgation du brevet 426.

[277]       Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que des autorités comme la Food and Drug Administration des États-Unis et Santé Canada pourraient être préoccupées par la stabilité des dispersions moléculaires et ainsi exiger aux entreprises de prouver la stabilité de ces formulations. M. Cima a aussi reconnu qu’une personne versée dans l’art aurait des réserves quant à la stabilité physique des dispersions moléculaires, car elles ne sont pas en équilibre et ont tendance à cristalliser, ce qui entraîne une diminution de leur taux de solubilité et de dissolution.

[278]       Apotex fait valoir qu’aucune conclusion négative ne peut être tirée de l’absence de document portant sur le développement des comprimés Zamine et Mya et confirmant que les ingrédients pharmaceutiques actifs devaient être fournis en dispersion moléculaire. Elle mentionne que son refus de produire des documents ou de répondre à ces questions à l’interrogatoire préalable a été confirmé par la protonotaire Milczynski dans sa décision du 9 juin 2015. Apotex souligne également que sa liste de témoins proposés comprenait initialement un représentant de XXX XXX, mais qu’un exposé conjoint des faits éliminait la nécessité d’appeler ce témoin. Bayer n’a pas insisté pour qu’un représentant de XXXXX XX vienne témoigner en l’espèce.

[279]       Apotex maintient que les éléments de preuve présentés devant la Cour concernant la manière dont ses comprimés Zamine et Mya sont faits appuient sa position voulant que la drospirénone soit présente en dispersion moléculaire et non sous forme particulaire. Dans son témoignage, M. Cima a déclaré que la principale caractéristique de traitement du procédé de formulation est la création d’une solution où la drospirénone, XXXXX XXXXX XXX sont dissouts dans du dichlorométhane et du méthanol. Cette solution est ensuite versée dans les excipients restants du comprimé ou vaporisée sur ceux‑ci (p. ex. lactose, amidon, etc.), puis mélangée. L’évaporation des solvants de dichlorométhane et de méthanol volatils fait en sorte que la drospirénone XXXXX XXXXX XXXXX XXX. Selon M. Cima, cela est conforme à la manière dont les dispersions moléculaires sont généralement faites; c.-à-d. la dissolution d’un médicament dans un polymère.

[280]       Bayer affirme qu’elle ne demande pas à la Cour de tirer une conclusion défavorable officielle contre Apotex. Néanmoins, elle allègue que l’absence d’élément de corroboration que l’on pourrait s’attendre à trouver sur le développement du Zamine et du Mya nuit à la crédibilité générale de la défense d’Apotex.

[281]       À mon avis, l’absence de preuve documentaire pour faire valoir que les fournisseurs d’Apotex, XXXXX XXXXX XX, avaient l’intention de fabriquer de la drospirénone en dispersion moléculaire est un facteur que je dois prendre en considération pour évaluer la crédibilité de la défense d’Apotex. La PADN pour les comprimés Zamine et Mya ne fait pas mention de dispersions moléculaires et ne décrit XXXXX que dans une reliure. Les formulations ont été élaborées sur la base des formulations du produit de référence, soit les comprimés de Bayer. Les éléments de preuve disponible concernant le développement des comprimés Zamine et Mya renforcent ma conclusion selon laquelle ceux-ci sont formulés de la même manière que les comprimés de Bayer, où la drospirénone se trouve sous forme particulaire.

F.                  Conclusion

[282]       Je conclus que Bayer s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les comprimés Zamine et Mya d’Apotex contrefont la revendication 31 et les revendications dépendantes 48 et 49 du brevet 426. Les deux comprimés contiennent de la drospirénone se trouvant à au moins 90 % sous forme particulaire, les quantités d’ingrédients pharmaceutiques actifs correspondent aux paramètres énoncés dans les revendications en litige et correspondent au profil de dissolution décrit à la revendication 31 du brevet. Les comprimés Zamine et Mya sont aussi exposés à l’environnement gastrique lors de la dissolution. Ils satisfont donc à tous les éléments essentiels des revendications 31, 48 et 49.

XI.             Contrefaçon – Cobalt

A.                Question préliminaire – « Aveu » de Cobalt

[283]       Bayer soutient que Cobalt a admis formellement, dans sa défense modifiée et sa demande reconventionnelle, que ses comprimés Zarah étaient composés de particules de drospirénone. Plus particulièrement, Bayer allègue que Cobalt a clairement admis au paragraphe 14 (maintenant le paragraphe 11) de son acte de procédure que le procédé de fabrication du Zarah donnait des comprimés contenant des particules de drospirénone :

[traduction]

Le produit de Cobalt est fabriqué en dissolvant de la drospirénone dans une solution, puis en vaporisant cette solution sur des particules vectrices inertes. Les particules de drospirénone qui se cristallisent lorsque la solution est vaporisée sur le produit de Cobalt peuvent se trouver dans la plage de microns conformément à la mesure normalisée du tamisage [...]

[Non souligné dans l’original.]

[284]       Cobalt a tenté sans succès de modifier son acte de procédure afin de supprimer ce paragraphe en totalité et de le remplacer par une déclaration selon laquelle son produit ne contient pas de particules de drospirénone.

[285]       Dans une décision datée du 12 août 2014, la protonotaire Milczynski a rejeté la demande de modification du paragraphe 14 de Cobalt au motif que cela constituerait un [traduction] « retrait important d’un aveu » et un [traduction] « changement radical » par rapport à la position originale de Cobalt selon laquelle son produit contient des particules de drospirénone. Elle a noté qu’une partie pouvait être autorisée à retirer un aveu, mais devait fournir une certaine explication pour demander un tel retrait, p. ex. parce que l’acte de procédure initiale était erroné, parce que la déclaration a été insérée par inadvertance, précipitation, ignorance des faits ou parce que des faits nouveaux ont été découverts après l’interrogatoire préalable (citant l’arrêt Andersen Consulting c. Canada (1997), [1997] ACF no 1433, [1998] 1 CF 605 (CAF)). Elle a également noté que Cobalt n’avait pas expliqué pourquoi, ou sur quel fondement, elle voulait retirer son aveu et que c’est pour cette raison qu’elle avait rejeté la demande.

[286]       Cobalt a interjeté appel de la décision de la protonotaire Milczynski et a déposé une nouvelle requête en vue de modifier son acte de procédure, avec de nouveaux éléments de preuve à l’appui. Cependant, Cobalt a par la suite abandonné son appel et sa requête. Bayer soutient que l’on devrait ainsi interdire à Cobalt, en l’espèce, de présenter des éléments de preuve visant à contredire l’aveu qu’elle a tenté sans succès de retirer. Cobalt nie que la déclaration contenue au paragraphe 11 de son acte de procédure constitue un aveu contraignant des faits.

[287]       Dans Black’s Law Dictionnary, 10e édition, sous l’entrée « admission » (aveu), l’auteur indique qu’un aveu s’entend d’une [traduction] « déclaration dans laquelle quelqu’un admet que quelque chose est vrai ». Le droit établit une distinction entre les aveux « formels » et les aveux « informels ».

[288]       Dans Sopinka et al., The Law of Evidence in Canada, 3e édition (Markham: LexisNexis, 2009) à la page 1263 [Sopinka], les auteurs mentionnent qu’un aveu formel est fait dans le but de ne pas avoir à présenter de preuve au procès et devrait régler les questions faisant l’objet de l’aveu. Un aveu formel est de plus défini comme une concession faite par une partie selon laquelle un certain fait ou une certaine question n’est pas contesté. Les auteurs mentionnent à l’article 19.2 qu’un aveu formel peut être fait par une déclaration dans l’acte de procédure, qui ne peut être retirée, sauf avec l’autorisation de la Cour ou le consentement de la partie en faveur de laquelle l’aveu a été fait. Les auteurs indiquent également qu’aucune autorisation ne devrait être accordée, sauf dans les cas suivants : (i) l’aveu a été fait sans autorisation, (ii) il existe une question litigieuse et (iii) la partie opposée ne subira aucun préjudice. Un aveu sur une question de droit, contrairement à un aveu sur une question de fait, peut être retiré en tout temps. Les auteurs ajoutent que lorsqu’un aveu formel est fait, tous les autres éléments de preuve sont écartés comme étant non pertinents.

[289]       Un aveu informel, par contre, peut être présenté en preuve à titre d’exception à la règle du ouï-dire et ne lie pas une partie s’il peut être réfuté par d’autres éléments de preuve (Sopinka, à l’article 19.1). Autrement dit, les aveux informels sont un élément de preuve auquel on peut trouver une explication convaincante à l’instruction au cours de laquelle ils sont mis en preuve (Vancouver Art Metal Works Ltd. v. The Queen, 2001 CFPI 265, au paragraphe 10; Amfac Foods Inc v Irving Pulp & Paper Ltd, [1984] ACF no 105, au paragraphe 24, 25 ACWS (2d) 105, conf. par [1986] ACF no 659, 12 CPR [Amfac]).

[290]       Cobalt affirme qu’une déclaration faite dans un acte de procédure doit être une concession délibérée sans équivoque à la partie adverse et elle conteste le fait que son prétendu « aveu » puisse être caractérisé comme tel (citant la décision Apotex Inc c. Wellcome Foundation Limited, 2009 CF 117, au paragraphe 34 (Proth); inf. pour d’autres motifs 2009 CF 949).

[291]       Selon Cobalt, la déclaration au paragraphe 11 de sa défense modifiée et de sa demande reconventionnelle est faite dans le but d’énoncer le contraire : que le produit de Cobalt ne contrefait pas le brevet 426 parce qu’il ne contient pas de particules micronisées. Cobalt maintient que Bayer n’a pas accepté l’aveu ou traité la déclaration comme un aveu formel. Elle mentionne que Bayer a effectué des tests exhaustifs afin de prouver que le comprimé de Cobalt comprend réellement des particules telles que Bauer les définit, et que la déclaration ne peut donc pas être considérée comme sans équivoque. Cobalt affirme que, tout au plus, la déclaration est une reconnaissance de l’un des résultats possibles de la vaporisation d’une solution de drospirénone sur des particules vectrices et de leur séchage.

[292]       Cobalt allègue également que la déclaration en cause n’est pas un aveu sur une question de fait parce qu’elle vise une question d’interprétation de brevet, soit la définition du terme « particule », qui est une question de droit selon la Cour (citant Amfac, au paragraphe 24). Cobalt soutient que Bayer a déjà traité la déclaration de Cobalt comme une question d’interprétation de brevet et non comme un « aveu sur une question de fait ». Bayer admet que l’une des questions en l’espèce porte sur la signification de l’expression « particules de drospirénone », sur laquelle les parties ne s’entendent pas. Cependant, je remarque que Cobalt n’a pas fait valoir devant la protonotaire Milczynski que sa déclaration ne pouvait être considérée comme un aveu parce qu’elle visait une question d’interprétation de brevet.

[293]       La Cour peut tirer une conclusion de fait qui diffère de ce que le demandeur allègue et de ce que le défendeur a admis si l’aveu concerne une question de fait qui devrait passer en jugement dans l’intérêt de la justice (Morin c. R, 2002 CFPI 1312, au paragraphe 109, [2002] ACF no 1805 (1re instance), conf. par 2005 CAF 52, citant la décision Andersen Consulting c. Canada (1997), [1998] 1 CF 605, [1997] ACF no 1433 (CAF)). Toutefois, étant donné que Cobalt a décidé d’abandonner son appel de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski, son aveu selon lequel son produit contient au moins quelques particules de drospirénone doit être considéré comme étant final. Toute tentative par Cobalt de miner cette ordonnance en présentant des éléments de preuve qui contredisent cet aveu constituerait une contestation indirecte.

[294]        À titre subsidiaire, Cobalt allègue que la déclaration dans son acte de procédure n’est pas un aveu que toute la drospirénone dans son produit se trouve sous forme de particules, mais simplement une reconnaissance du fait qu’une partie de la drospirénone peut se trouver sous forme particulaire.

[295]       Comme nous le verrons ci-dessous, Cobalt ne conteste pas que ses comprimés Zarah contiennent au moins quelques particules de drospirénone. Le litige concerne la quantité de drospirénone sous forme de particules, la nature de ces particules et la question de savoir si Cobalt a contrefait les revendications en litige. Par conséquent, même si Cobalt ne peut présenter d’élément de preuve contredisant son aveu, elle peut présenter sa défense contre l’allégation de contrefaçon de Bayer, notamment que Bayer n’a pas démontré que 2 des 3 mg de drospirénone dans le produit de Cobalt sont des particules.

B.                 Témoignage – Témoins experts

[296]       Bayer a présenté le témoignage des témoins experts suivants :

a)      M. Shen Luk. Les qualifications de M. Luk ont été décrites précédemment. Son mandat était de décider si les comprimés Zarah contiennent entre 2 mg et 4 mg de particules de drospirénone et si au moins 70 % de la drospirénone se dissolvent en 30 minutes conformément au protocole de dissolution normalisé décrit à la revendication 31. M. Luk n’a fourni aucune opinion sur les résultats de ses tests, qui ont été interprétés par M. Davies.

b)      M. Martyn Christopher Davies. Ses qualifications ont été décrites précédemment. On a demandé à M. Davies de fournir son opinion sur la question de savoir si les comprimés Zarah relèvent de la portée des revendications 31, 48 et 49. Il a également donné son opinion sur les détails de la formulation des comprimés Zarah.

[297]       Cobalt a présenté le témoignage des témoins experts suivants :

a)      M. Graham Buckton, de Hampshire, au Royaume-Uni. Il est professeur émérite en pharmaceutique à la University College London School of Pharmacy. Il fait également des consultations dans les domaines du développement et de la formulation de produits pour des entreprises industrielles. M. Buckton est un expert en formulation pharmaceutique et en science des matériaux pharmaceutiques, notamment un spécialiste de l’utilisation de techniques de caractérisation des matériaux. Il a fourni des éléments de preuve sur le processus de fabrication du produit de Cobalt, l’interprétation du brevet et la question de savoir si le produit de Cobalt contrefait le brevet.

b)      Mme Mary Miller, de Duluth, en Géorgie. Elle est directrice exécutive chez MVA Scientific Consultants [MVA], un laboratoire de consultation analytique et de test situé à Duluth, en Géorgie. Elle est experte en analyse de petites particules et de produits à l’aide de méthodes spectroscopiques. MVA a réalisé des expériences par spectroscopie Raman confocale sur le produit de Cobalt sous la supervision de Mme Miller.

c)      M. Simon Webster, de Leeds, au Royaume-Uni. M. Webster est le fondateur et directeur général d’Artos Innovation Limited, qui met au point des technologies d’analyse et de diagnostic aux développeurs et aux fournisseurs, et d’Iguana Innovation Limited, qui offre des services commerciaux et de soutien technique aux investisseurs. Il est un expert de la spectroscopie Raman, notamment de l’utilisation de la spectroscopie Raman pour caractériser et illustrer des produits pharmaceutiques et leur composition. Son mandat était de répondre aux opinions exprimées par M. Luk et M. Davies concernant les tests effectués par Juniper sur le produit de Cobalt, et de comparer les travaux décrits dans le rapport de Mme Miller avec les tests réalisés par Juniper.

C.                 Témoignage – Tests expérimentaux

(1)               Expériences menées par Bayer

[298]       Comme dans les procédures mettant en cause Apotex, Bayer a retenu les services de Juniper pour réaliser une spectroscopie Raman confocale et un test de dissolution sur les comprimés Zarah de Cobalt. Juniper n’a pas effectué de spectroscopie FT Raman sur les comprimés Zarah parce que Cobalt n’a jamais allégué que ceux-ci contenaient de la drospirénone en dispersion moléculaire.

(2)               Expériences menées par Cobalt

[299]       MVA a réalisé des expériences par spectroscopie Raman confocale afin d’établir si les comprimés Zarah contenaient des particules de drospirénone.

D.                Observations générales concernant les éléments de preuve

[300]       Je crois que les témoins experts qui ont été appelés à témoigner pour les deux parties concernant l’allégation de contrefaçon de Bayer contre Cobalt sont généralement crédibles. La seule exception est M. Buckton, dont le témoignage me semble incompatible avec celui de tous les autres témoins experts et avec son propre témoignage dans un litige antérieur.

E.                 Observations supplémentaires concernant l’interprétation des revendications

[301]       Bayer et Cobalt ne s’entendent pas sur la signification de l’expression « particules de drospirénone » à la revendication 31. Bayer soutient que la signification a déjà été réglée par la Cour et la Cour d’appel fédérale et que dans les deux cas, il a été conclu que l’expression « particules de drospirénone » incluait toutes les particules de drospirénone qui se dissolvent rapidement de la manière décrite dans la revendication.

[302]       Dans son témoignage, M. Buckton a déclaré que, par suite du processus de compression subi par le produit Zarah, la drospirénone vaporisée et d’autres matériaux se sont déplacés et se sont liés. Selon M. Buckton, un comprimé est formé par l’application d’une force énorme à un mélange d’ingrédients pharmaceutiques actifs et d’excipients qui sont contenus dans la matrice d’une machine de fabrication de comprimés. Au départ, cette force fait en sorte que les particules se regroupent, se déplacent les unes à côté des autres et se fragmentent en petites parties jusqu’à ce que plus aucun mouvement ne soit possible et qu’un comprimé soit créé : [traduction] « [d]urant le processus de fabrication, les corps fragiles se fracturent instantanément, se déplacent et se lient de nouveau, tandis que les matériaux plastiques s’écoulent, s’entremêlent et se lient aux autres particules ».

[303]       M. Buckton a qualifié le contenu d’un comprimé de [traduction] « masse agglomérée » (c.-à-d. composée de matériaux agglomérés, mais pas de particules distinctes). Après le processus de fracturation et d’écoulement, les matériaux placés dans la matrice de la machine de fabrication de comprimés n’en sortent pas inchangés :

[traduction]

[...] Sans aucun doute, la particule de XXXX, qui suinte et s’écoule sous pression, ne sera plus la particule de XXXX du départ. La particule de XXXX, qui est fracturée et recomposée, ne sera plus la particule de lactose du départ. De même, les particules de médicament, si elles se sont fracturées ou se sont écoulées – les médicaments peuvent être fragiles ou plastiques, différentes drogues étant fragiles ou plastiques et certaines pouvant être les deux – ne seront plus le même matériau du départ. Il y a aura donc un mouvement et une modification des matériaux à mesure qu’ils s’écoulent, se brisent et se lient de nouveau pour former de nouvelles choses dans le processus de fabrication de comprimés.

[304]       Cobalt est d’avis que, selon la preuve de M. Buckton, même si XXXXX XXXX de Cobalt produisait des particules distinctes, le procédé de fabrication de comprimés fera en sorte que ces particules de drospirénone se lient de nouveau pour former une région de drospirénone sur la surface des particules vectrices en raison de l’énorme force appliquée. Cobalt maintient que, à la suite du procédé de fabrication, le contenu de son produit ne relève plus de la portée des revendications en litige.

[305]       Selon M. Buckton, la drospirénone XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX forme un [traduction] « composite » ou une [traduction] « construction » avec le vecteur. M. Buckton a admis que les termes « composite » et « construction » n’ont aucune signification scientifique spéciale; ils veulent simplement dire que deux choses ont été liées ensemble, soit la drospirénone et le vecteur en l’espèce. M. Buckton n’a pas contesté le fait que la drospirénone XXXXX XX puisse exister sous une forme particulaire, mais il a néanmoins maintenu que ces particules ne seraient pas visées par la revendication 31.

[306]       Bayer soutient que l’interprétation de M. Buckton est [traduction] « contraire aux conclusions judiciaires antérieures, contraire aux opinions des autres experts en l’espèce, contraire à son propre témoignage au Royaume-Uni et contraire à la science en général ». M. Buckton a précédemment fourni une preuve d’expert dans un dossier portant sur l’équivalent du brevet 426 au Royaume-Uni. Dans cette instance, il a reconnu que XXXXX XX était reconnu pour [traduction] « accroître le taux de dissolution, puisqu’au moment de sécher le solvant pour l’enlever, une grande quantité de très petites particules d’IPA [ingrédients pharmaceutiques actifs] serait « XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX » particules ».

[307]       Je retiens l’assertion de Bayer selon laquelle le témoignage de M. Buckton est différent. Je préfère le témoignage de M. Parr, M. Webster et M. Davies, lesquels ont tous défini le terme « particules » comme étant une matière solide non dissoute.

F.                  Analyse

(1)               Procédé de fabrication de Cobalt

[308]       Bayer soutient que le procédé de fabrication de Cobalt produit intrinsèquement des particules de drospirénone. Selon la PADN de Cobalt, le procédé de fabrication des comprimés Zarah peut être divisé en XXXXX :

XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXX

XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XX

XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX

XXXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXX

XXXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXX

XXXX   XXXXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX

XXXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXX

XXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XX

XXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX X

XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX

XXXX   XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX

[309]       M. Davies a fait remarquer que la formulation de Cobalt ne XXXXX XXXX pas, et que la drospirénone dans le comprimé Zarah ne peut donc pas exister en dispersion moléculaire. M. Cima a convenu que si la drospirénone XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXXXX XXXXX XXXXX XXXXX XXXX, le résultat doit donc être des particules de drospirénone. Pour reprendre les termes de M. Cima, [traduction] « il ne peut en résulter autre chose ». Tandis que M. Cima a exprimé cette opinion dans le contexte de l’allégation de contrefaçon de Bayer contre Apotex, l’avocat de Cobalt a reconnu que les renseignements scientifiques fournis par les témoins experts en général pouvaient être pris en considération dans les deux cas.

[310]       M. Buckton a avoué que XXXXX XXX utilisé pour fabriquer les comprimés Zarah était le même que celui décrit dans le brevet 426. Même si ses éléments de preuve n’étaient pas complètement cohérents sur ce point, il a également reconnu que des particules de drospirénone pouvaient découler de XXXXX XXXXX.

(2)               Expériences par spectroscopie Raman confocale de Bayer

[311]       Pour le compte de Bayer, Juniper a obtenu des sections transversales de deux comprimés Zarah et les a soumises à une spectroscopie Raman confocale. Des cartes des zones examinées ont ensuite été préparées et indiquaient où la drospirénone se situait dans la zone balayée. Dix plus petites zones ont été sélectionnées dans chaque carte afin d’obtenir des cartes Raman de plus grande résolution pour chaque comprimé Zarah.

[312]       Dans son témoignage, M. Davies a déclaré que le résultat des tests par spectroscopie Raman confocale de Juniper confirmait la présence de particules distinctes de drospirénone dans les comprimés Zarah. Il a conclu que les cartes Raman révélaient la présence de particules de drospirénone isolées dans les comprimés Zarah.

[313]       Les cartes Raman de plus grande résolution ont également révélé des particules distinctes de drospirénone et des regroupements de particules dans les comprimés Zarah. D’après les expériences par spectroscopie Raman confocale, M. Davies a conclu que les comprimés Zarah contenaient 3 mg de particules de drospirénone. Il n’a trouvé aucune preuve de la présence de drospirénone sous forme non particulaire et a donc conclu que l’ensemble des 3 mg de drospirénone dans les comprimés Zarah se trouvait sous forme particulaire.

[314]       M. Webster a toutefois donné une mise en garde : Juniper n’avait échantillonné qu’une très petite partie du comprimé. Il a décrit cela comme une contrainte méthodologique plutôt qu’une critique des résultats des tests de Juniper.

[315]       M. Davies a répliqué que le processus utilisé par Cobalt pour fabriquer ses comprimés Zarah donnait lieu à une répartition homogène de particules de drospirénone dans tout le comprimé, et que les échantillons analysés par Juniper étaient donc représentatifs des particules de drospirénone contenues dans l’ensemble du comprimé. M. Luk a expliqué qu’étant donné l’aveu de Cobalt selon lequel son comprimé contenait 3 mg de drospirénone et l’absence d’une dispersion moléculaire, cette quantité de drospirénone devait être entièrement sous forme particulaire.

(3)               Expériences par spectroscopie Raman confocale de Cobalt

[316]       MVA a réalisé des expériences par spectroscopie Raman confocale sur deux comprimés Zarah. L’un des comprimés n’a pas été traité avant le balayage, et une carte d’intensité Raman a été produite de la surface extérieure du comprimé. L’autre comprimé a été coupé en sections transversales. Une zone de 1 mm par 1 mm a été balayée afin d’obtenir une carte Raman à haute résolution. La carte Raman de la section transversale du comprimé avait une résolution plus faible que celle de la surface du comprimé.

[317]       Pour chaque comprimé, des cartes d’intensité Raman ont été produites afin d’illustrer la répartition des principaux ingrédients contenus dans les comprimés Zarah : de la drospirénone, XXXXX XXXXX. Une carte de superposition Raman a ensuite été produite pour chaque comprimé à partir des cartes d’intensité de drospirénone, XXXXX XXXXX.

[318]       M. Webster a observé que la drospirénone dans les cartes Raman de MVA semblait être répartie plus largement que dans les cartes de Juniper, ce qui, à son avis, indiquait que Juniper pourrait ne pas avoir détecté une certaine quantité de drospirénone sous forme non particulaire. Il a attribué cette omission à la longue période d’exposition et à la courte longueur d’onde du laser utilisé par MVA. M. Webster a relevé d’autres facteurs qui, selon lui, pourraient avoir eu une incidence sur les sensibilités relatives des tests effectués par MVA et Juniper, mais n’a pas offert de conclusions définitives.

[319]       Mme Miller a qualifié la répartition de la drospirénone, XXXXX XXXX dans les comprimés Zarah de [traduction] « intimement mélangée ». Elle a indiqué que les spectres recueillis à partir de points dans les cartes d’intensité Raman qui semblaient correspondre à un seul ingrédient montraient en fait la présence des trois ingrédients mélangés ensemble.

[320]       Bayer a reconnu que les cartes d’intensité Raman de Juniper avaient tendance à montrer une plus grande occurrence de particules distinctes de drospirénone lorsqu’on les comparait au signal plus continu de drospirénone dans les cartes de MVA. Cependant, Bayer a soutenu que cela était sans doute attribuable à la haute résolution de l’analyse Raman de Juniper. M. Luk a fait valoir que la drospirénone dans les cartes d’intensité Raman de MVA pourrait avoir été détectée à partir de l’extérieur du plan confocal, c.-à-d. à l’extérieur de la région à examiner. La « répartition continue de drospirénone » apparente détectée dans les cartes d’intensité Raman de MVA pourrait donc être le résultat de la détection de drospirénone dans plusieurs plans du volume d’échantillons.

[321]       Je préfère le témoignage de M. Luk et de M. Davies. Je retiens leur analyse du procédé de fabrication de Cobalt et leur conclusion selon laquelle cela produit nécessairement de la drospirénone sous forme particulaire. Je retiens également les résultats des tests de Juniper, qui ont confirmé que toute la drospirénone dans les comprimés de Cobalt se trouvait sous forme particulaire. Enfin, je conclus que l’assertion selon laquelle le « mélange intime » qui serait illustré dans les résultats des tests de MVA est en réalité impossible, car le procédé de fabrication de Cobalt n’entraînerait pas la présence de XXXXX XXXX au même endroit. À mon avis, une théorie plus plausible est que la faible résolution des images de MVA et la possibilité que la drospirénone ait pu être détectée à partir de l’extérieur du plan confocal ont fait en sorte que les résultats et les conclusions des témoins de Cobalt ne sont pas fiables.

[322]       Cobalt n’a pas soutenu que ses comprimés ne correspondent pas au profil de dissolution décrit à la revendication 31 du brevet 426 et elle ne l’a pas allégué non plus dans son acte de procédure. Aucun des experts de Cobalt n’a effectué de test de dissolution. M. Buckton a convenu que le produit de Cobalt correspondrait probablement au profil de dissolution, affirmant qu’il serait [traduction] « surpris si le produit de Cobalt ne satisfaisait pas à ce critère de dissolution ».

G.                Conclusion

[323]       Je conclus que Bayer s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les comprimés Zarah de Cobalt contrefont la revendication 31 et les revendications dépendantes 48 et 49 du brevet 426. Les deux comprimés contiennent de la drospirénone se trouvant à au moins 90 % sous forme particulaire, les quantités d’ingrédients pharmaceutiques actifs correspondent aux paramètres énoncés dans les revendications en litige et correspondent au profil de dissolution décrit à la revendication 31 du brevet. Le comprimé Zarah est aussi exposé à l’environnement gastrique lors de la dissolution. Il satisfait donc à tous les éléments essentiels des revendications 31, 48 et 49.

XII.          Réparation

[324]       Bayer souhaite obtenir les réparations suivantes dans ses déclarations contre Apotex et Cobalt : des déclarations concernant la validité; des déclarations concernant la contrefaçon; une injonction, une remise ou une destruction sous serment; des dommages-intérêts ou une restitution des profits, au choix; des intérêts avant et après jugement, composés; des débours et d’autres mesures de redressement.

[325]       Bayer a droit à une déclaration portant que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ne sont pas invalides pour des motifs d’évidence, d’antériorité, de portée excessive, d’insuffisance ou d’ambiguïté du mémoire descriptif et d’inutilité.

[326]       Bayer a droit à une déclaration selon laquelle que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ont été contrefaites, soit directement soit par incitation à la contrefaçon, par la vente, l’importation, la mise en vente et la fabrication par Apotex de ses comprimés de 3 mg de drospirénone et de 0,03 mg d’éthinylestradiol vendus sous les noms de « Zamine 21 » et de « Zamine 28 », et de ses comprimés de 3 mg de drospirénone et de 0,02 mg d’éthinylestradiol vendus sous le nom de « Mya ».

[327]       Bayer a droit à une déclaration portant que les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ont été contrefaites, soit directement, soit par incitation à la contrefaçon, par la vente, l’importation, la mise en vente et la fabrication par Cobalt de ses comprimés de 3 mg de drospirénone et de 0,03 mg d’éthinylestradiol vendus sous le nom de « Zarah 21 » et de « Zarah 28 ».

[328]       Bayer a droit à une ordonnance enjoignant Apotex et Cobalt (et tout franchisé, dirigeant, administrateur, employé, agent, permissionnaire, ayant-droit, cessionnaire et toute société affiliée et filiale et autre personne sur qui elles exercent un contrôle légal) de ne pas fabriquer, utiliser, offrir à la vente et/ou vendre à d’autres parties, pour utilisation à titre de contraceptif oral, des comprimés qui contrefont les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 ou d’autrement contrefaire ou inciter à contrefaire les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426.

[329]       Bayer a droit à une ordonnance enjoignant Apotex et Cobalt à lui remettre, ou à détruire sous serment, tous les articles en leur possession ou sous leur contrôle, dont l’utilisation irait à l’encontre de l’injonction décrite ci-dessus ou qui relèvent de la portée des revendications 31, 48 et 49 du brevet 426.

[330]       L’ordonnance de disjonction rendue par la protonotaire Milczynski dans l’action intentée contre Apotex, datée du 11 février 2014, prévoyait que la question du droit de Bayer, le cas échéant, à une restitution des profits serait abordée durant la phase relative à la responsabilité des procédures dans le dossier T-1468-13. La même directive a été donnée concernant les procédures dans le dossier T-1368-14 dans une ordonnance datée du 15 janvier 2015.

[331]       L’ordonnance de disjonction rendue par la protonotaire Milczynski dans l’action intentée contre Cobalt, datée du 23 janvier 2014 (T-1379-13), prévoyait que la question du droit de Bayer à une restitution des profits et à un choix entre des dommages-intérêts ou les profits de Cobalt serait abordée durant la [traduction] « phase relative à la quantification de la contrefaçon ».

[332]       Aucune des parties n’a abordé la question du droit de Bayer, si elle avait gain de cause, de choisir entre des dommages-intérêts et une restitution des profits. J’accorde donc aux parties trente (30) jours à compter de la date du présent jugement et des présents motifs pour présenter des observations écrites d’au plus dix (10) pages concernant cette question.

[333]       Le droit de Bayer à des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sera abordé lorsqu’une décision aura été rendue quant aux dommages-intérêts et/ou à la restitution des profits.

XIII.       Dépens

[334]       Avant la publication des présents motifs, les parties ont eu pour directive de présenter des observations sur le règlement et/ou le montant des dépens relatifs aux parties de la présente instance portant sur la contrefaçon. À leur honneur, les parties ont réussi à s’entendre sur de nombreux aspects d’un cadre proposé pour les dépens dans le cas où les revendications du brevet 426 en litige seraient jugées valides et contrefaites. Cette entente est reprise dans le jugement qui suit.

[335]       Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 sont valides et ont été contrefaites par les comprimés d’Apotex et de Cobalt, il est inutile de régler le désaccord des parties quant au droit à des dépens si les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 étaient jugées valides, mais pas contrefaites, ou encore, invalides mais contrefaites. Les sujets de discorde restants sont les suivants :

a)      Frais de déplacement, hébergement et dépenses connexes de l’avocat pour se rendre aux réunions avec les témoins des faits et les réunions avec les clients;

b)      Dépenses liées à l’interrogatoire préalable et aux témoins des faits au procès;

c)      Dépens liés aux services d’un interprète pour l’interrogatoire préalable et le procès;

d)     Dépens liés à la traduction des documents pour l’interrogatoire préalable et le procès;

e)      Ajustements des dépens de la partie ayant eu gain de cause selon la conduite de cette partie durant l’instance.

[336]       Bayer est la seule partie ayant eu gain de cause dans la présente instance. La question des ajustements qui devraient être apportés aux dépens de la partie ayant eu gain de cause en fonction de la conduite de celle-ci s’applique donc uniquement à Bayer.

[337]       Apotex soutient que les dépens accordés à Bayer devraient être réduits afin de tenir compte de ce qui suit :

a)      Le premier jour du procès, Bayer a renoncé à s’appuyer sur les nombreuses revendications du brevet 426, particulièrement les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 30 et 52;

b)      Dans son argument final, Bayer a renoncé à s’appuyer sur l’analyse en classification automatique par K moyennes en ce qui concerne son allégation de contrefaçon contre Apotex.

[338]       Cobalt fait valoir que les dépens accordés à Bayer devraient être réduits afin de tenir compte du fait qu’elle s’est appuyée sur les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 30 et 52 du brevet 426. De plus, Cobalt soutient que Bayer devrait n’avoir droit qu’à un seul mémoire de frais pour ce qui est de la question de la validité après le 3 septembre 2015, date à laquelle Cobalt a indiqué à la Cour qu’elle serait liée par la décision rendue à cet égard dans les instances mettant en cause Apotex.

[339]       Bayer demande une augmentation de ses dépens au motif qu’Apotex et Cobalt ont prolongé l’instance en menant des interrogatoires préalables sur des questions qu’elles n’ont pas abordées au procès et en demandant la divulgation de documents non pertinents. Bayer soutient également qu’Apotex a renoncé à de nombreuses défenses au procès, a signifié ses avis de tests expérimentaux après le délai applicable, a effectué des tests expérimentaux tardivement et a signifié ses rapports d’experts moins de deux semaines avant le début du procès. Bayer fait valoir que Cobalt n’a pas admis les faits qu’elle aurait dû admettre, qu’elle a déposé des requêtes inappropriées en vue de modifier ses actes de procédure et qu’elle a présenté des défenses qui n’avaient pas été divulguées dans ses actes de procédure. Bayer conteste aussi le moment où Cobalt a signifié ses avis de tests expérimentaux et ses rapports d’expert.

[340]       Je suis d’accord avec Apotex et Cobalt que les dépens accordés à Bayer devraient être réduits pour tenir compte du fait que Bayer a renoncé à s’appuyer sur les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 30 et 52 du brevet 426 ainsi que sur l’analyse en classification automatique par K moyennes pour ce qui est de son allégation de contrefaçon contre Apotex. Bien que cette approche soit imparfaite, par souci de simplicité et d’efficacité, je réduirai les dépens accordés à Bayer en refusant ses demandes de dépens concernant les questions énumérées aux alinéas 335a) à d) ci-dessus et en refusant ses demandes d’augmentation des dépens en raison de la façon dont Apotex et Cobalt se sont comportées durant l’instance.

[341]       Je suis d’accord avec Cobalt que Bayer devrait n’avoir droit qu’à un seul mémoire de frais pour ce qui est de la question de la validité après le 3 septembre 2015.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      Les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426 sont valides et ont été contrefaites par Apotex et Cobalt;

2.      Il est interdit à Apotex et à Cobalt (et à tout franchisé, dirigeant, administrateur, employé, agent, permissionnaire, ayant-droit, cessionnaire, à toute société affiliée et filiale et à toute autre personne sur qui elles exercent un contrôle) de fabriquer, d’utiliser, d’offrir en vente ou de vendre à d’autres parties, pour utilisation à titre de contraceptif oral, des comprimés qui contrefont les revendications 31, 48 et 49 du brevet 426;

3.      Apotex et Cobalt doivent remettre à Bayer, ou détruire sous serment, tous les articles en leur possession ou sous leur contrôle, dont l’utilisation irait à l’encontre de l’injonction décrite au paragraphe 2 ci-dessus ou qui relèvent de la portée des revendications 31, 48 et 49 du brevet 426;

4.      Les parties peuvent, dans les trente (30) jours suivant la date du présent jugement, présenter des observations écrites d’au plus dix (10) pages concernant le droit de Bayer de choisir entre des dommages-intérêts et une restitution des profits;

5.      Le droit de Bayer à des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sera abordé lorsqu’une décision aura été rendue quant aux dommages-intérêts et/ou à la restitution des profits;

6.      Bayer a droit aux dépens suivants de la part d’Apotex et de Cobalt :

a.       Bayer peut réclamer des honoraires d’avocat raisonnables selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales, y compris des frais pour un « premier avocat » (à 100 % du tarif) et des frais pour un « second avocat » (à 50 % du tarif, s’il est présent), pour ce qui suit :

                                                                                      i.      préparation de l’acte de procédure;

                                                                                    ii.      divulgation de documents et interrogatoire préalable;

                                                                                  iii.      réunion avec les témoins experts, à condition que le temps de déplacement de l’avocat (peu importe qu’il s’agisse du premier ou du second) soit réduit de 50 %;

                                                                                  iv.      préparation des rapports d’experts et des rapports de réponse pour les experts qui ont comparu au procès;

                                                                                    v.      préparation des témoins qui ont comparu au procès;

                                                                                  vi.      présence aux tests inter partes;

                                                                                vii.      préparation et présence aux conférences préparatoires à l’audience;

                                                                              viii.      services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs (article 25 du tarif).

b.      Bayer peut réclamer des honoraires d’avocat selon le milieu de l’échelon de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales pour un « premier avocat » en vue de la préparation des requêtes et de la présence lors de celles‑ci.

c.       Bayer peut réclamer des honoraires d’avocat selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales, y compris des frais pour un « premier avocat » (à 100 % du tarif) et des frais pour un « second avocat » (à 50 % du tarif, s’il est présent), en vue de la préparation de l’instruction ou de l’audience et de la présence lors de celle-ci, et en vue de la préparation d’un plaidoyer écrit (articles 13 et 15 du tarif).

d.      Bayer peut réclamer les dépenses suivantes :

                                                                                      i.      frais de déplacement, hébergement et dépenses connexes raisonnables pour un maximum de deux avocats en lien avec les tests inter partes et la réunion avec les témoins experts (les billets d’avion en classe affaires sont remboursés pour les voyages en Europe);

                                                                                    ii.      photocopies, à un taux de 10 cents la page;

                                                                                  iii.      services de sténographie (interrogatoire préalable et procès);

                                                                                  iv.      frais et dépenses raisonnables pour les témoins experts (y compris les frais de déplacement pour aller témoigner), à un tarif horaire inférieur ou égal au tarif horaire demandé par l’avocat principal. Aucuns frais ne peuvent être réclamés pour les assistants, les auxiliaires juridiques, les étudiants ou les experts qui n’ont pas témoigné,

e.       Bayer peut réclamer un seul mémoire de frais pour la question de la validité après le 3 septembre 2015.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

T-1379-13, T-1468-13 ET T-1368-14

 

DOSSIER :

T-1379-13

 

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT c. COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

ET DOSSIERS :

T-1468-13, T-1368-14

 

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT c. APOTEX INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 11 au 14, du 18 au 22 et du 25 au 28 janvier

Du 1er au 5, du 8 au 11 et du 17 au 19 février

 

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS ET JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS EN DATE DU :

7 septembre 2016

COMPARUTIONS :

M. Peter Wilcox

M. Jason Markwell

M. Ariel Neuer

Mme Stephanie Anderson

Mme Monique Ashamalla

Mme Stefanie Di Giandomenico

 

Pour les demanderesses

 

M. Douglas Deeth

Mme Heather Watts

Mme Junyi Chen

 

Pour la défenderesse

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

M. Harry Radomski

M. Ben Hackett

M. Daniel Cappe

Mme Belle Van

Mme Michel Shneer

Mme Kirby Goldstein

M. Rick Tuzi

 

Pour la défenderesse

APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Deeth Williams Wall LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse

APOTEX INC.

 

 

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