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Date : 20160810


Dossier : IMM-335-16

Référence : 2016 CF 913

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 10 août 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

MD MOBASSHIRUL ISLAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision de l’agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada de la Section de l’immigration à Singapour datée du 16 novembre 2015, qui a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés et a établi que le demandeur était interdit de territoire pour fausse déclaration en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

II.                Contexte

[2]               Le demandeur, Md Mobasshirul Islam, est un citoyen du Bangladesh. Il travaillait pour son employeur, Prime Bank Limited, depuis août 2004, et a occupé divers postes d’analyste de système d’information. Avant cela, soit de 2001 à août 2004, le demandeur travaillait pour Mantrust Software & Media Ltd, où il occupait le poste d’analyste de système d’information.

[3]               En se fondant sur cette expérience de travail, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié, sous le code 2171 de la Classification nationale des professions : Analystes et consultants/consultantes en informatique. Le demandeur a présenté sa demande sans représentant.

[4]               Dans la demande qu’il a présentée à titre de travailleur qualifié, le demandeur a fourni des documents à l’appui de son expérience de travail et de son emploi dans le domaine « Analystes et consultants/consultantes en informatique », dont les documents suivants :

  Certificat d’emploi au sein de Prime Bank Limited – 28 avril 2014.

  Lettres de recommandation professionnelle de Prime Bank Limited – 2014.

  Lettre de nomination – Prime Bank Limited – 2004.

  Lettre de confirmation – Prime Bank Limited – 2005.

  Lettre d’affectation – Prime Bank Limited – 2004.

  Lettres relatives à des promotions au sein de Prime Bank Limited – 2007, 2009, 2011.

  Lettre d’augmentation de salaire de 2006 de Prime Bank Limited – 2006.

  Lettres d’établissement du salaire de Prime Bank Limited – 2009.

  Certificat d’atelier sur les réseaux de paiement.

    • Cours de la MasterCard Academy portant sur la migration de la technologie Europay, MasterCard et Visa (EMV)

o   Certificat d’achèvement de la Visa Business School pour l’atelier sur l’EMV

    • MasterCard Worldwide : colloque de formation technique sur M/Chip (EMV)

         Lettre d’acceptation – FIS – Acceptation par Prime Bank Limited, signature par le demandeur.

         Lettres d’emploi de Mantrust Software & Multimedia Systems Ltd – 2001 et 2004.

[5]               La demande a été reçue le 3 juillet 2014, et une évaluation initiale de l’admissibilité a été réalisée par un agent de traitement des demandes au bureau de réception centralisée. L’agent a examiné le dossier du demandeur au titre du volet professionnel de travailleur qualifié admissible en vertu des instructions ministérielles, et a déterminé, en se fondant sur les documents fournis, que les fonctions exercées par le demandeur correspondaient à l’énoncé principal et aux fonctions principales du code 2171 de la Classification nationale des professions, et que le demandeur semblait posséder une expérience de travail rémunéré à temps plein continu d’au moins un an (ou l’équivalent en temps partiel) acquise au cours des dix dernières années. L’agent a initialement évalué que le demandeur semblait obtenir les 67 points minimum requis dans la grille de sélection; la demande a alors été transférée au Haut-commissariat de Singapour en vue d’une évaluation plus approfondie et d’une décision.

[6]               En avril 2015, le demandeur a présenté deux demandes pour obtenir une mise à jour sur le traitement de ses demandes.

[7]               Après une période de près d’un an au cours de laquelle il n’avait reçu aucune mise à jour, le demandeur a rempli une demande d’accès à l’information en mai 2015.

[8]               Le 8 septembre 2015, le demandeur a reçu par courriel une lettre relative à l’équité procédurale de la part du Haut-commissariat du Canada à Singapour. Dans la lettre, le gestionnaire adjoint du programme d’immigration indiquait que le demandeur pouvait ne pas répondre aux exigences à remplir pour immigrer au Canada, étant donné qu’il avait peut-être eu recours aux services d’un agent non autorisé, Visa Center Inc., sans indiquer cette organisation dans sa demande. En outre, le gestionnaire adjoint du programme d’immigration indiquait qu’il craignait que les références d’emploi fournies par le demandeur de la part de Prime Bank Limited ne soient pas authentiques, et que par conséquent, le demandeur pourrait être jugé interdit de territoire pour fausse déclaration.

[9]               En ce qui a trait à l’authenticité des lettres d’emploi, le gestionnaire adjoint du programme d’immigration craignait que les références d’emploi de Prime Bank Limited avaient en commun trop de similitudes en matière de style et de contenu avec d’autres documents présentés pour d’autres personnes avec l’aide de Visa Center Inc., pour qu’il s’agisse d’une coïncidence.

[10]           Le demandeur a fourni une lettre d’observations en réponse et d’autres documents pour prouver son emploi au sein de Prime Bank Limited. Dans ses observations, le demandeur a indiqué qu’il avait eu recours à l’adresse de Visa Center Inc. en raison de la bonne connaissance de cette adresse par les entreprises de messagerie, et qu’il avait seulement eu recours à l’entreprise pour passer l’examen de l’English Language Testing System et pour la correspondance de l’évaluation des diplômes. Le demandeur a fourni d’autres documents pour prouver son emploi.

[11]           L’agent a examiné les réponses du demandeur, et a déterminé que le demandeur ne dissipait pas ses craintes. L’agent a décidé que cette coïncidence était trop frappante, et qu’il était difficile de croire que le demandeur avait choisi pour ses lettres de recommandation le même style et format que les lettres de recommandation fournies par Visa Centre Inc.

[12]           La demande du demandeur a été rejetée, sans entrevue, le 16 novembre 2015. Le motif du rejet était la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait présenté des références d’emploi frauduleuses de la part de Prime Bank Limited dans sa demande.

[13]           En outre, l’agent a fait remarquer que le demandeur s’est vu donner l’occasion de présenter une réponse, mais que celle-ci ne dissipait pas de façon satisfaisante les craintes soulevées, et qu’en plus le demandeur a fait allusion au fait que la lettre de recommandation originale présentée avec sa demande ne provenait pas de Prime Bank Limited, en fait. L’affirmation du demandeur selon laquelle il n’avait pas eu recours aux services d’un agent non autorisé (Visa Center) [article 91 de la Loi] n’était pas crédible compte tenu des similitudes entre la présentation de son dossier et celle d’autres clients de Visa Center. Par conséquent, la demande à titre de travailleur qualifié a été rejetée, et le demandeur a été jugé interdit de territoire pour fausse déclaration, en vertu de l’alinéa 40(l)a) de la LIPR.

III.             Questions en litige

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision de l’agent était-elle raisonnable?
  2. L’agent a-t-il violé les principes d’équité procédurale en omettant de fournir des détails adéquats dans la lettre relative à l’équité procédurale au sujet des craintes relatives aux documents concernant Visa Centre Inc.?

IV.             Norme de contrôle

[15]           La norme de contrôle de la décision de l’agent est la norme de la décision raisonnable. La norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est la norme de la décision correcte.

V.                Analyse

A.                La décision de l’agent était-elle raisonnable?

[16]           Le défendeur soutient que les craintes de l’agent quant à la possibilité que le demandeur ait eu recours aux services d’un agent non autorisé (Visa Centre Inc.) et que les lettres de recommandation qu’il a présentées ne soient pas authentiques étaient raisonnables. Toutefois, le demandeur affirme qu’il a fourni une vaste documentation pour prouver son emploi à divers postes d’analyste de système d’information depuis 2004 au sein de Prime Bank Limited, et qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de suggérer des similitudes avec la documentation de Visa Centre Inc. rendant la documentation initiale non authentique en se fondant sur l’utilisation d’une adresse postale, ainsi que d’omettre de prendre en considération que la documentation présentée en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale démentait que la documentation initiale était frauduleuse, notamment ce qui suit :

  • Lettres d’établissement du salaire de Prime Bank Limited – 2015.
  • Carte d’identité du demandeur, estampille officielle et carte de visite de Prime Bank Limited.
  • Cartes de visite professionnelles de divers membres du personnel de supervision de Prime Bank Limited, dont Muhammad Mahmud Hassan, vice-président adjoint des technologies de l’information; Md Iqbal Hossain, chef des technologies de l’information; A.S.M. Khairuzzaman, directeur principal des technologies.
  • Lettres de recommandation professionnelle de Prime Bank Limited – 2015.
  • Lettres de certification d’emploi de Prime Bank Limited – 2015.
  • Page du journal de Prime Bank indiquant son nom et son poste.
  • Relevé de salaire et de compte du demandeur.
  • Coupures de journaux du demandeur concernant l’inauguration du programme sur lequel il travaillait (interface JCB de Prime Bank Limited).
  • Photographies du demandeur à la soirée d’ouverture de JCB et dans le centre de données de Prime Bank.
  • Plans de projet des programmes sur lesquels il travaillait à Prime Bank Limited.

[17]           Je suis d’accord avec le demandeur que la décision de fausse déclaration du gestionnaire adjoint du programme d’immigration en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR semble déraisonnable.

B.                 L’agent a-t-il violé les principes d’équité procédurale en omettant de fournir des détails adéquats dans la lettre relative à l’équité procédurale au sujet des craintes relatives aux documents concernant Visa Centre Inc.?

[18]           Le défendeur soutient que la lettre relative à l’équité procédurale de l’agent, indiquant que les lettres de recommandation pourraient ne pas être authentiques étant donné qu’elles s’apparentaient beaucoup, sur le plan du style et du contenu, aux lettres présentées par de nombreux autres clients de Visa Centre Inc., était également équitable et que le demandeur s’est vu offrir une occasion valable de présenter une réponse, ce qu’il a fait.

[19]           Toutefois, le demandeur fait remarquer avec justesse que sur les quatre critères énoncés par l’agent pour formuler sa conclusion de lettres possiblement frauduleuses ou non authentiques, ou d’utilisation inappropriée de Visa Centre Inc. comme agent, seule l’adresse de Visa Centre Inc. représentait vraiment un problème valide.

[20]           L’utilisation de l’adresse de Visa Centre Inc. a fait l’objet d’explications et de clarifications de la part du demandeur, et comme il avait été le cas dans Chawla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 434, aux paragraphes 16 à 19, le demandeur en l’espèce ne s’est pas vu offrir une occasion valable de présenter une réponse aux craintes formulées quant à sa crédibilité. Cette omission de la part de l’agent correspond à une iniquité procédurale.

[21]           Les décisions sur lesquelles le défendeur s’est appuyé, soit Karahroudi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 522 et Maghraoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 883 [Maghraoui], étaient toutes deux des affaires de sécurité nationale et se distinguaient par leurs faits. En fait, dans la décision Maghraoui, au paragraphe 22, le juge de Montigny énonce clairement que « la préoccupation sera toujours celle de s’assurer que le demandeur a la possibilité de participer pleinement au processus décisionnel, en prenant connaissance des informations qui lui sont défavorables et en ayant l’occasion de présenter son point de vue ».


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est accueillie, et la demande est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

2.                  L’affaire ne soulève aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-335-16

INTITULÉ :

MD MOBASSHIRUL ISLAM C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 AOÛT 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

DATE DES MOTIFS :

Le 10 AOÛT 2016

COMPARUTIONS :

Cheryl Robinson

Pour le demandeur

Tamrat Gebeyehu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group Professional Corporation

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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