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Date : 20160728


Dossier : T-662-16

Référence : 2016 CF 881

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

RECOURS COLLECTIF ENVISAGÉ

ENTRE :

VOLTAGE PICTURES, LLC,

COBBLER NEVADA, LLC,

PTG NEVADA, LLC,

CLEAR SKIES NEVADA, LLC,

GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L.

DU LUXEMBOURG,

GLACIER FILMS 1, LLC, ET

FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC

demanderesses

et

JOHN DOE NO 1, REPRÉSENTANT DÉFENDEUR PROPOSÉ, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF

défendeur

et

ROGERS COMMUNICATIONS INC.

défenderesse non-partie

(requête en divulgation des demanderesses seulement)

et

SAMUELSON-GLUSHKO CANADIAN INTERNET POLICY AND PUBLIC

INTEREST CLINIC

intervenante

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]            Les demanderesses ont déposé une déclaration en vue d’un éventuel recours collectif, demandant entre autres un jugement déclaratoire et une injonction contre le défendeur, dont l’identité leur est actuellement inconnue. Il est allégué que le défendeur (et d’autres comme lui) a communiqué illégalement des dossiers sur Internet et a ainsi enfreint les droits d’auteur que les demanderesses détenaient à l’égard de plusieurs films.

[2]            Les demanderesses souhaitent faire autoriser cette action comme soi-disant recours collectif « inversé » et, à cette fin, elles ont présenté une requête en ordonnance obligeant Rogers Communications Inc. (Rogers) à divulguer toutes les coordonnées et tous les renseignements personnels d’un client de Rogers (l’abonné) associé à une certaine adresse de protocole Internet à divers moments et à diverses dates, tel qu’il est énoncé à l’Annexe A de leur requête. Elles demandent une telle ordonnance « conformément » aux articles 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42. Les demanderesses veulent également obtenir, dans le cadre d’une ordonnance obligeant Rogers à divulguer l’identité de l’abonné, une autre ordonnance stipulant qu’elles n’ont aucun droit à payer à Rogers pour l’exécution de l’ordonnance de divulgation.

[3]            Rogers ne prend aucune position quant à la question de savoir si les demanderesses ont respecté les exigences applicables pour obtenir une ordonnance de divulgation. Elle s’oppose toutefois à la requête des demanderesses de lui refuser une indemnité et des dépens raisonnables pour exécuter l’ordonnance l’obligeant à divulguer les coordonnées et les renseignements personnels de l’abonné.

[4]            Pour sa part, l’intervenante indique que la Cour doit examiner attentivement la preuve afin de déterminer s’il y a lieu d’ordonner une divulgation. Son rôle dans la requête en divulgation des demanderesses se limitait à fournir des observations à la Cour quant au type et à la quantité de données d’identification à fournir par Rogers, aux limites pouvant être imposées relativement à l’utilisation de ces données et à la forme d’avis qu’il pourrait être nécessaire de remettre au défendeur au moment de signifier l’avis de requête.

[5]            Pour les motifs qui suivent, je conclus que Rogers doit divulguer aux demanderesses uniquement le nom et l’adresse de l’abonné, tels qu’ils figurent dans ses dossiers. Rogers ne devrait pas être tenue de divulguer d’autres renseignements personnels de l’abonné qu’elle est susceptible de détenir dans ses dossiers, comme son adresse électronique ou son numéro de téléphone. Je conclus également que Rogers a le droit à une indemnité pour une telle divulgation aux demanderesses et devrait se voir accorder des dépens à l’égard de cette requête, d’un montant de 500 $ (taxes et débours compris).

I.                   Questions en litige

[6]            Cette requête soulève trois questions principales :

1.                  Devrait-on ordonner à Rogers de divulguer toutes les coordonnées et tous les renseignements personnels de l’abonné?

2.                  Dans l’affirmative, quels renseignements sur l’abonné devraient être divulgués aux demanderesses?

3.                  Rogers a-t-elle le droit à une indemnité pour faire une telle divulgation aux demanderesses, y compris à des dépens à l’égard de cette requête?

II.                Analyse

A.                Devrait-on ordonner à Rogers de divulguer toutes les coordonnées et tous les renseignements personnels de l’abonné?

[7]            Les demanderesses veulent obtenir une ordonnance de divulgation « conformément » aux articles 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur. Ces articles stipulent ce qui suit :

Dispositions concernant les fournisseurs de services réseau et d’outils de repérage

Avis de prétendue violation

41.25 (1) Le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur peut envoyer un avis de prétendue violation à la personne qui fournit, selon le cas :

a) dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, les moyens de télécommunication par lesquels l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation est connecté à Internet ou à tout autre réseau numérique;

b) en vue du stockage visé au paragraphe 31.1(4), la mémoire numérique qui est utilisée pour l’emplacement électronique en cause;

c) un outil de repérage au sens du paragraphe 41.27(5).

Forme de l’avis

(2) L’avis de prétendue violation est établi par écrit, en la forme éventuellement prévue par règlement, et, en outre :

a) précise les nom et adresse du demandeur et contient tout autre renseignement prévu par règlement qui permet la communication avec lui;

b) identifie l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur auquel la prétendue violation se rapporte;

c) déclare les intérêts ou droits du demandeur à l’égard de l’œuvre ou de l’autre objet visé;

d) précise les données de localisation de l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation;

e) précise la prétendue violation;

f) précise la date et l’heure de la commission de la prétendue violation;

g) contient, le cas échéant, tout autre renseignement prévu par règlement.

Obligations

41.26 (1) La personne visée aux alinéas 41.25(1)a) ou b) qui reçoit un avis conforme au paragraphe 41.25(2) a l’obligation d’accomplir les actes ci-après, moyennant paiement des droits qu’elle peut exiger :

a) transmettre dès que possible par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation qui sont précisées dans l’avis et informer dès que possible le demandeur de cette transmission ou, le cas échéant, des raisons pour lesquelles elle n’a pas pu l’effectuer;

b) conserver, pour une période de six mois à compter de la date de réception de l’avis de prétendue violation, un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique et, dans le cas où, avant la fin de cette période, une procédure est engagée par le titulaire du droit d’auteur à l’égard de la prétendue violation et qu’elle en a reçu avis, conserver le registre pour une période d’un an suivant la date de la réception de l’avis de prétendue violation.

Droits

(2) Le ministre peut, par règlement, fixer le montant maximal des droits qui peuvent être exigés pour les actes prévus au paragraphe (1). À défaut de règlement à cet effet, le montant de ces droits est nul.

Dommages-intérêts

(3) Le seul recours dont dispose le demandeur contre la personne qui n’exécute pas les obligations que lui impose le paragraphe (1) est le recouvrement des dommages-intérêts préétablis dont le montant est, selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence, d’au moins 5 000 $ et d’au plus 10 000 $.

Règlement

(4) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, changer les montants minimal et maximal des dommages-intérêts préétablis visés au paragraphe (3).

[8]            Les demanderesses soutiennent que ces deux dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, communément appelées régime « d’avis et avis », servent de base à une ordonnance de divulgation en l’espèce et, en outre, doivent être interprétées de manière à refuser à Rogers toute indemnité pour l’exécution d’une telle ordonnance, car, comme les parties le reconnaissent, aucun montant n’a été fixé par règlement conformément au paragraphe 41.26(2). Les observations des demanderesses à cet égard n’ont aucun bien-fondé. Leur requête en divulgation « conformément » aux articles 41.25 et 41.26 est erronée. Nulle part dans ces dispositions est-il indiqué explicitement qu’une demande ou une requête visant à obtenir une ordonnance concernant les renseignements qui doivent être consignés et conservés conformément à l’alinéa 41.26(1)b) peut ou doit être présentée. En outre, nulle part dans ces dispositions est-il stipulé explicitement qu’il est interdit ou impossible de verser un montant ou une indemnité pour l’exécution d’une ordonnance de divulgation rendue à l’égard de ces renseignements.

[9]            Il est vrai, comme les demanderesses le soulignent, que la demande de soumissions envoyée aux fournisseurs de services Internet (FSI) comme Rogers en 2013, avant l’entrée en vigueur de ces dispositions en janvier 2015, mentionnait que l’identité d’un abonné [traduction] « pouvait être divulguée au titulaire du droit d’auteur par l’entremise d’une ordonnance ». Cependant, nulle part dans ces dispositions législatives est-il fait mention de la divulgation de l’identité d’un abonné par un FSI, que ce soit par ordonnance judiciaire ou autrement. À cet égard, il est juste de noter que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 RCS 157, où le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit, au nom de la majorité :

[39]      Tout d’abord, je pense qu’il est utile d’insister sur la présomption que le législateur n’a pas l’intention de modifier le droit existant ni de s’écarter des principes, politiques ou pratiques établis.  Dans Goodyear Tire & Rubber Co. of Canada c. T. Eaton Co., [1956] R.C.S. 610, p. 614, par exemple, le juge Fauteux (plus tard Juge en chef) écrit : [traduction] « le législateur n’est pas censé s’écarter du régime juridique général sans exprimer de façon incontestablement claire son intention de le faire, sinon la loi reste inchangée ».  Dans Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, p. 1077, le juge Lamer (plus tard Juge en chef) écrit que « le législateur n’est pas censé, à défaut de disposition claire au contraire, avoir l’intention de modifier les règles de droit commun pré‑existantes ».

[10]        Par ailleurs, les commentaires suivants du juge Stone de la Cour d’appel fédérale dans Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 RCF 439, [1998] A.C.F. no 874 [Glaxo Wellcome], servent également à contrecarrer l’interprétation trop large que font les demanderesses des dispositions du régime « d’avis et avis » :

[36]      Dans l’arrêt Rawluk c. Rawluk, [1990] 1 R.C.S. 70, à la page 90, le juge Cory a souligné que, selon un principe général, le législateur “est présumé ne pas s’écarter du droit existant [traduction ] “sans exprimer de façon incontestablement claire son intention de le faire”“. Toutefois, la jurisprudence montre que cette présomption peut être réfutée s’il est clair que le législateur avait l’intention de modifier la common law existante ou les droits en equity en réglementant d’une façon exhaustive la question en litige: Driedger, précité, aux pages 307 et 309

[11]        Le régime « d’avis et avis » ne fournit aucun mécanisme détaillé ou complet permettant aux titulaires d’un droit d’auteur comme les demanderesses d’exercer leurs droits contre les présumés contrevenants. Au mieux, il fournit un mécanisme permettant aux titulaires d’un droit d’auteur d’envoyer un avis de prétendue violation par l’intermédiaire d’un FSI à un présumé contrevenant, sachant que des dossiers seront disponibles à une date ultérieure pour trouver l’identité de ce contrevenant au besoin. Un FSI comme Rogers est seulement tenu de faire deux choses conformément au paragraphe 41.26 : (1) transmettre par voie électronique une copie de l’avis de prétendue violation du titulaire du droit d’auteur à l’adresse de protocole Internet pertinente; (2) conserver un registre permettant d’identifier l’abonné pendant des périodes précises selon que le titulaire du droit d’auteur a intenté ou non une procédure relativement à la prétendue violation. Le fait qu’aucun règlement n’ait été pris pour fixer le montant maximal qu’un FSI peut facturer pour réaliser ces obligations ne dit pas si aucun droit ni aucune indemnité ne peuvent être payés pour l’exécution d’une ordonnance de divulgation, mais décrit plutôt la politique actuelle, dans le cadre du régime « d’avis et avis », selon laquelle les coûts découlant de ces obligations doivent, du moins pour l’instant, être assumés par le FSI.

[12]        Contrairement aux arguments des demanderesses, l’intention du Parlement lorsqu’il a adopté les articles 41.25 et 41.26 n’était pas, de façon incontestablement claire, d’abroger le droit et les principes établis concernant les soi-disant ordonnances de divulgation de type Norwich découlant de la décision Norwich Pharmacal Co. v. Customs & Excise Commissioners (1973), [1974] A.C. 133 (Chambre des Lords du R.-U.), ni de s’en écarter. La disponibilité de ces ordonnances à la Cour fédérale a été reconnue pour la première fois par la Cour d’appel fédérale dans Glaxo Wellcome, et dans l’affaire BMG Canada Inc c. Doe, 2005 CAF 193, [2005] 4 RCF 81 [BMG], la Cour d’appel a reconnu ce qui suit :

[41]      On ne doit pas permettre que [la technologie moderne comme l’Internet] oblitère les droits en matière de biens personnels que la société considère importants. Bien que les questions se rapportant au respect de la vie privée doivent également être prises en compte, il me semble qu’elles doivent céder le pas aux préoccupations publiques quant à la protection des droits de propriété intellectuelle dans des situations où la violation menace de diminuer ces droits.

[42]      Par conséquent, selon moi, dans les cas où les demandeurs démontrent la légitimité de leur prétention selon laquelle des personnes inconnues violent leur droit d’auteur, ils ont le droit d’exiger que l’identité de ces personnes leur soit révélée afin d’être en mesure d’intenter une action. Toutefois, les cours de justice doivent faire preuve de prudence lorsqu’elles ordonnent une telle divulgation pour s’assurer que l’on empiète le moins possible sur le droit à la vie privée.

[13]        Les principes émanant de BMG devant être pris en considération lorsque l’on rend une ordonnance de type Norwich peuvent être résumés ainsi :

1.             La prétention de la partie qui demande une ordonnance de type Norwich doit être légitime;

2.             La partie contre laquelle une telle ordonnance sera rendue doit posséder des renseignements sur une question litigieuse soulevée dans l’action;

3.             Une ordonnance de la Cour est le seul moyen raisonnable permettant d’obtenir les renseignements;

4.             L’équité exige que les renseignements soient fournis avant l’interrogatoire préalable ou le procès ou, dans les circonstances de la présente affaire, avant l’autorisation du recours collectif envisagé;

5.             L’ordonnance ne doit pas occasionner de retards, d’inconvénients ou de frais déraisonnables à la partie à l’égard de laquelle l’ordonnance sera rendue, ni aux autres parties.

[14]        Je suis convaincu que les demanderesses ont présenté une preuve suffisante, notamment dans l’affidavit de Daniel Macek, pour démontrer la légitimité de leur prétention selon laquelle des personnes inconnues violent leur droit d’auteur à l’égard des films. En conséquence, elles ont le droit d’obtenir l’identité de l’abonné afin de poursuivre leur recours collectif envisagé. Ce droit découle de la jurisprudence établie, notamment celle précitée; il ne découle pas des dispositions du régime « d’avis et avis » de la Loi sur le droit d’auteur et n’est fondé d’aucune façon sur celles-ci.

[15]        Je suis également convaincu que les autres principes émanant de l’arrêt BMG exigent qu’une ordonnance soit rendue pour obliger Rogers à divulguer des renseignements sur l’abonné.

B.                 Quels renseignements sur l’abonné devraient être divulgués aux demanderesses?

[16]        Pour examiner cette question, je précise (comme l’a fait la Cour d’appel dans BMG) qu’il faut « faire preuve de prudence » lorsque l’on ordonne la divulgation de renseignements sur un abonné « pour s’assurer que l’on empiète le moins possible sur le droit à la vie privée ». Je note également l’approche utilisée par la Cour pour divulguer les renseignements dans l’affaire Voltage Pictures LLC c. John Doe, 2014 CF 161 [Voltage], où la divulgation de l’adresse électronique du client du FSI n’a pas été ordonnée, ainsi que l’argument de l’intervenante selon lequel Rogers ne devrait divulguer aux demanderesses que le nom et l’adresse de l’abonné qui sont associés à l’adresse de protocole Internet allégué être liée à la violation prétendue par les demanderesses.

[17]        À mon avis, les demanderesses ont le droit d’obtenir auprès de Rogers uniquement le nom et l’adresse de l’abonné, tels qu’ils figurent dans les dossiers de Rogers. La divulgation de ces renseignements par Rogers doit demeurer confidentielle et les renseignements ne doivent pas être divulgués à d’autres parties sans une autre ordonnance de la Cour. Ils ne peuvent être utilisés que par les demanderesses dans le cadre de leur recours collectif envisagé. Par ailleurs, les demanderesses n’ont pas le droit de divulguer ces renseignements au grand public en faisant ou en publiant une déclaration aux médias concernant les renseignements obtenus auprès de Rogers.

C.                 Rogers a-t-elle le droit à une indemnité pour divulguer des renseignements sur l’abonné aux demanderesses, y compris à des dépens à l’égard de cette requête?

[18]        Selon le dossier, Rogers était prêt à divulguer les renseignements sur l’abonné si les demanderesses fournissaient un projet d’ordonnance et un paiement préalable d’un montant de 100 $ de l’heure, plus TVH, pour assumer les coûts associés à la compilation de ces renseignements. Les demanderesses ont refusé de le faire, car, selon elles, les dispositions du régime « d’avis et avis » de la Loi sur le droit d’auteur empêchaient Rogers d’imposer ou de percevoir de tels droits. Pour les motifs énoncés précédemment, cet avis est erroné.

[19]        En tous les cas, les demanderesses prétendent que même si Rogers était autorisé à exiger des droits pour la divulgation des renseignements sur l’abonné, ces droits devraient être, au mieux, minimes et ne devraient pas dépasser 50 cents par abonné, car Roger avait déjà recueilli et compilé la plupart des renseignements pour se conformer au paragraphe 41.26(1) de la Loi sur le droit d’auteur. En outre, les demanderesses soutiennent que les droits de 100 $ l’heure sont déraisonnables et vont à l’encontre de certains éléments de preuve au dossier qui laissent entendre que les droits n’étaient que de 5 $ ou 10 $ par abonné il y a quelques années. Pour sa part, Rogers a présenté une preuve sur la façon dont les droits de 100 $ l’heure ont été fixés et sur leur caractère raisonnable.

[20]        La jurisprudence donne à penser qu’il faudrait que l’on tienne compte des débours encourus par Rogers pour réunir les renseignements sur son abonné et pour se conformer à une ordonnance de divulgation (voir BMG, au paragraphe 35 et Voltage, aux paragraphes 46 et 138). Dans Voltage, par exemple, il a été ordonné que « tous les frais juridiques et administratifs et les débours raisonnables engagés » par le FSI pour se conformer à l’ordonnance de divulgation soient payés par la demanderesse avant la divulgation des renseignements sur le client.

[21]        L’argument des demanderesses concernant le caractère déraisonnable et le montant du tarif horaire de Rogers n’est pas persuasif. Les droits sont ce qu’ils sont, et si les demanderesses veulent de l’information sur l’abonné, elles doivent payer le tarif horaire. Le dossier donne à penser que Roger aura besoin d’au plus une heure pour assembler, vérifier et transmettre les renseignements sur l’abonné aux demanderesses; le coût total serait donc d’approximativement 113 $.

[22]        De plus, Rogers a le droit à des dépens à l’égard de cette requête, que j’octroie et je fixe à 500 $ (taxes et débours compris). Ces dépens seront payables sans délai et, dans tous les cas, dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance.

III.             Conclusion

[23]        Les demanderesses ont remis à la Cour un projet d’ordonnance ainsi qu’une proposition de lettre à envoyer à John Doe le jour où cette requête a été instruite par téléconférence. Les parties n’ont pas accepté toutes les conditions de cette proposition au moment de l’audience, et l’intervenante a elle aussi soumis un projet d’ordonnance.

[24]        Par conséquent, la Cour ordonne aux parties de s’entendre sur les conditions énoncées dans la lettre à envoyer à John Doe dans les 10 jours suivant la date de la présente ordonnance et de fournir à la Cour une copie finale prête à signer afin qu’elle l’approuve avant l’envoi. Si les parties sont incapables de s’entendre, la Cour examinera et achèvera la lettre en se fondant sur la version provisoire préalablement fournie par les demanderesses.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE, pour les motifs énoncés, ce qui suit :

1.                  La défenderesse non-partie, Rogers Communications Inc., doit divulguer aux demanderesses, dans les dix jours suivant la date de la présente ordonnance, le nom et l’adresse de l’abonné de Rogers (l’abonné) associé à l’adresse IP 174.112.37.227 aux dates et heures suivantes (UTC) :

a.                  2016-03-24, 05:25:15

b.                  2016-01-14, 08:14:55

c.                  2016-02-18, 03:45:27

d.                 2016-03-10, 02:23:04

e.                  2016-01-26, 01:06:07

2.                  Les demanderesses doivent payer à Rogers Communications Inc. un tarif horaire de 100 $, plus TVH, pour le temps passé par Rogers Communications Inc. à assembler et à transmettre les renseignements sur l’abonné aux demanderesses, ces droits devant être payés en entièreté avant la divulgation des renseignements aux demanderesses.

3.                  Les demanderesses doivent inclure une copie de la présente ordonnance dans toute correspondance envoyée avec l’avis de requête à l’abonné.

4.                  L’abonné peut demander une copie complète des motifs de cette ordonnance aux demanderesses, auquel cas celles-ci doivent lui fournir une copie, sans frais.

5.                  La correspondance envoyée par les demanderesses à l’abonné avec l’avis de requête doit clairement indiquer, en caractères gras, que :

a.                  les demanderesses veulent que l’abonné agisse comme représentant défendeur dans un recours collectif qu’elles souhaitent faire approuver en présentant une demande en vertu de la partie 5.1 – Recours collectif des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106;

b.                  aucune Cour n’a encore tiré de conclusion de fait ou de droit voulant que l’abonné soit forcé d’agir comme représentant défendeur dans un recours collectif;

c.                  aucune Cour n’a encore tiré de conclusion de fait ou de droit autorisant l’action des demanderesses à titre de recours collectif;

d.                 aucune Cour n’a encore tiré de conclusion de fait ou de droit voulant que l’abonné soit la partie responsable de la prétendue violation alléguée par les demanderesses;

e.                  aucune Cour n’a encore tiré de conclusion de fait ou de droit voulant que l’abonné ait commis une violation ou soit responsable de quelque façon que ce soit de payer des dommages-intérêts.

6.                  La Cour ordonne aux parties de s’entendre sur les conditions énoncées dans la lettre à envoyer à John Doe dans les 10 jours suivant la date de la présente ordonnance et de fournir à la Cour une copie finale prête à signer de la correspondance afin qu’elle l’approuve avant l’envoi.

7.                  Les renseignements divulgués par Rogers Communications Inc. ne doivent être utilisés que par les demanderesses en lien avec les demandes faites dans la présente instance.

8.                  En l’absence d’ordonnance ultérieure de la Cour, les renseignements obtenus de Rogers Communications Inc. doivent demeurer confidentiels et ne doivent pas être divulgués à d’autres parties ni au grand public dans le cadre d’une déclaration aux médias ou autrement, jusqu’à ce que l’identité de l’abonné soit versée au dossier public de l’instance.

9.                  Toute modification ou tout ajout ultérieur à cette ordonnance relève du pouvoir discrétionnaire du juge chargé de la gestion de l’instance.

10.              Les demanderesses doivent payer à Rogers Communications Inc. des dépens à l’égard de cette requête, d’un montant forfaitaire de 500 $ (taxes et débours compris). Ces dépens seront payables sans délai et, dans tous les cas, dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-662-16

INTITULÉ :

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. DU LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, ET FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC c. JOHN DOE NO 1, REPRÉSENTANT DÉFENDEUR PROPOSÉ AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF c. ROGERS COMMUNICATIONS INC. c. SAMUELSON-GLUSHKO CANADIAN INTERNET POLICY AND PUBLIC INTEREST CLINIC

REQUÊTE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 28 JUIN 2016 À TORONTO (ONTARIO) ET À OTTAWA (ONTARIO).

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juillet 2016

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Kenneth R. Clark

Patrick Copeland

Pour les demanderesses

Non représenté

Pour le défendeur

Andrew Bernstein

James Gotowiec

Pour la défenderesse non-partie

(requête en divulgation des demanderesses seulement)

David Fewer

Pour l’intervenante


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

Non représenté

Pour le défendeur

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse non-partie

(requête en divulgation des demanderesses seulement)

Samuelson-Glushko Canadian Internet

Policy and Public Interest Clinic

Université d’Ottawa, Faculté de droit

Section de common law

Ottawa (Ontario)

Pour l’intervenante proposée

 

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