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Date : 20160324


Dossier : T-1380-13

Référence : 2016 CF 347

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 24 mars 2016

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

WENGER S.A., GROUP III INTERNATIONAL LTD., ET HOLIDAY GROUP INC.

demanderesses

et

TRAVELWAY GROUP INTERNATIONAL INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Les demanderesses, Wenger S.A. [Wenger], Group III International Ltd. [Group III] et Holiday Group Inc. [Holiday], ont déposé une demande devant la Cour sollicitant 1) une déclaration selon laquelle Travelway Group International Inc. [Travelway] a contrefait les marques de commerce de Wenger [marques de Wenger]; 2) une injonction permanente interdisant à Travelway de contrefaire les marques de Wenger; 3) une ordonnance de radiation des numéros d’enregistrement LMC 740 206 et LMC 740 200 du registre des marques de commerce; 4) une ordonnance exigeant que Travelway détruise ou remette aux demanderesses tous les produits portant une marque similaire aux marques de Wenger, en sa possession ou sous son contrôle; 5) une ordonnance de paiement de dommages-intérêts majorés, punitifs et exemplaires et 6) des dépens selon le plus haut niveau de l’échelle.

[2]               Selon leurs observations, les demanderesses sollicitent l’aide de la Cour et la protection de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 [la Loi] afin de protéger le logo de la croix Wenger, détaillé ci-après, et la marque contre ce qu’elles soutiennent être les actes de contrefaçon, trompeurs et inéquitables de Travelway. Essentiellement, elles soutiennent que depuis 2008, et particulièrement depuis 2012, Travelway s’est engagée dans un mécanisme délibéré et planifié visant à détourner injustement le logo de la croix de Wenger et à s’en emparer.

[3]               Travelway soutient au contraire que ses marques de commerce sont enregistrées depuis 2009 et que les demanderesses ne se sont pas opposées à leur emploi pendant au moins les deux années qui ont suivi leur apparition. Elle soutient essentiellement qu’elle emploie de façon légitime ses marques de commerce en vertu des enregistrements qu’elle a obtenus et que les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau de démontrer qu’il existe une probabilité de confusion.

[4]               Pour les motifs établis ci-dessous, la demande sera rejetée.

II.                Faits et procédures

A.                Les parties

(1)               Les demanderesses

[5]               Holiday est le plus important fournisseur de bagages et de sacs souples au Canada, employant plus de 150 personnes et distribuant ses produits dans plus de 4 000 points de vente au Canada. Group International conçoit, fabrique et distribue des bagages et des sacs souples depuis près de trente ans et est chargée de la gestion des licences pour les marques de Wenger dans le monde entier pour les valises et les sacs.

[6]               Wenger est une société suisse qui a obtenu il y a plus de 100 ans un contrat de l’armée suisse pour produire des couteaux multifonctions pour ses soldats. Ces couteaux sont devenus célèbres sous l’appellation « couteaux suisses » et plus particulièrement sous l’appellation « authentique couteau suisse ».

[7]               Au moins dès le début des années 1970, Wenger a adopté un logo formé d’une croix dans un quadrilatère arrondi et entouré d’une bordure incrustée [le logo de la croix Wenger]. Le logo de la croix Wenger est habituellement formé d’une croix blanche ou métallique sur un fond noir ou rouge.

[8]               Wenger détient un certain nombre de marques de commerce au Canada, dont trois sont enregistrées pour des bagages et différents types de sacs et emploient le logo de la croix Wenger [les marques de bagages à la croix Wenger]. Ces trois marques sont celles qui sont en cause en l’espèce et sont les suivantes.

[9]               Il n’est pas contesté que les demanderesses ont utilisé les marques de bagages à la croix Wenger de façon continue à travers le Canada, sur et en association avec les bagages et les sacs, depuis 2003. Ces marques ont été enregistrées à des dates différentes entre 2007 et 2012.

[10]           De plus, Wenger possède et emploie différentes marques non enregistrées au Canada, y compris les mots servant de marque « SWISSGEAR » et « Fabricant de l’authentique couteau suisse ».

(2)               La défenderesse

[11]           Travelway a été fondée à la fin des années 1970. La société fabrique principalement des bagages et des articles de voyage, sous sa propre marque et sous licence pour d’autres entreprises.

[12]           En 2008, Travelway s’est engagée dans ce qu’elle a présenté comme une alliance stratégique avec la société suisse World Connect AG [World Connect] grâce à laquelle elle a convenu d’assister World Connect dans la conception de produits pour sa marque « Swiss Travel Products », qui est une marque de commerce enregistrée au Canada sous l’appellation World Connect. La société a conçu deux nouveaux logos : le premier est appelé « S en croix » alors que le second est appelé « S en croix dans un triangle ».

[13]           Le logo « S en croix » présente un carré arrondi portant la lettre « S » placée au centre d’une croix. Il n’y a pas de contour.

[14]           Le logo « S en croix dans un triangle » représente le logo « S en croix » en blanc sur un fond grisé avec une bordure plus foncée, en forme de triangle arrondi.

[15]           Travelway utilise ces logos depuis 2009. En décembre 2008, ses demandes de marques de commerce ont été publiées dans le Journal des marques de commerce, et elles ont été enregistrées en avril et en mai 2009 (LMC 740 206 et LMC 740 200). Ces marques de commerce n’ont pas été contestées.

B.                 Les faits pertinents

[16]           En février 2012, Travelway aurait modifié les logos apparaissant sur ses bagages et ses sacs. Parmi les principaux changements, le caractère « S » proéminent a été modifié pour le rendre moins visible, ce que nous appellerons le logo « S disparaissant », ou éliminé, ce que nous appellerons le logo « S manquant ».

[17]           Les demanderesses n’ont pas contesté l’enregistrement des marques de commerce, mais cette modification des logos de Travelway les a amenées à solliciter la protection de la Cour.

III.             Les questions en litige

[18]           Conformément aux observations des parties, cette affaire soulève les questions suivantes :

1.      Holiday a-t-elle qualité de partie en l’espèce?

2.      Existe-t-il une probabilité de confusion chez les consommateurs entre les articles de bagage de Travelway et de Wenger, suffisante pour déterminer que Travelway a contrefait les marques de bagages à la croix Wenger, en contravention de l’article 20 de la Loi?

3.      Travelway a-t-elle fait passer ses produits pour ceux des demanderesses, en contravention de l’article 7 de la Loi?

4.      Les deux marques de commerce de Travelway sont-elles valides et exécutoires?

5.      Quelles sont les réparations appropriées?

IV.             Observations des parties

A.                Observations des demanderesses

[19]           Les demanderesses soutiennent que 1) Holiday a qualité de partie en l’espèce; 2) Travelway a contrefait les marques de bagages à la croix Wenger en utilisant des marques créant la confusion, en contravention de l’article 20 de la Loi; 3) Travelway a fait passer ses produits pour ceux des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7c) de la Loi et 4) l’enregistrement des marques de commerce de Travelway est invalide, en vertu de l’article 18 de la Loi.

[20]           Les demanderesses croient que les réparations appropriées sont une injonction permanente interdisant à Travelway d’utiliser ses marques de commerce enregistrées et non enregistrées, une déclaration d’invalidité des marques de commerce enregistrées, la radiation des marques de commerce enregistrées et des dommages-intérêts.

[21]           À l’appui de leur demande, les demanderesses ont déposé les affidavits de M. Raymond Durocher, président de Holiday, de Mme Ruth Corbin de CorbinPartners Inc., et de Mme Keri Blackburn, ainsi que les pièces qui les accompagnent.

(1)               Holiday a qualité de partie à la présente instance.

[22]           Les demanderesses affirment que Holiday est une « personne intéressée » au sens de l’article 53.2 de la Loi (reproduit en annexe), puisque la définition donnée à l’article 2 n’est pas limitée aux titulaires ou aux propriétaires d’une marque de commerce, mais bien au contraire, elle est intentionnellement plus large, et inclut Holiday parce qu’elle peut être atteinte ou a des motifs valables d’appréhender qu’elle le soit. Les demanderesses s’appuient sur l’affidavit de M. Durocher, sur la clause 3 du contrat de distribution et sur le fait que Holiday paie pour employer les marques de Wenger pour démontrer qu’elle a investi et qu’elle a un intérêt notable en étant les yeux et les oreilles de Wenger au Canada. Essentiellement, les demanderesses soutiennent que le distributeur, Holiday, participe à la réputation et à l’achalandage, a un intérêt, participe et satisfait au critère établi dans la jurisprudence applicable, notamment la décision Natural Waters of Viti c. C.E.O. International Holdings Inc., 190 FTR 300, au paragraphe 19 [Natural Waters], et l’arrêt Osiris Inc. v. International Edge Inc., 2009 OJ no 3916, au paragraphe 28 [Osiris]. Les demanderesses établissent une distinction d’avec cette jurisprudence, dans laquelle la partie était constituée par des agents de vente et n’était pas impliquée, tandis que Holiday n’est pas simplement agente de vente et est concernée.

(2)               Il y a confusion parce que Travelway contrefait les marques de bagages à la croix Wenger.

[23]           Wenger soutient que Travelway contrefait ses marques de commerce parce que tant ses marques enregistrées que ses marques non enregistrées présentent un degré élevé de ressemblance avec les marques de bagages à la croix Wenger employant le logo à la croix, satisfaisant ainsi le critère de confusion.

a)                  Critère légal de confusion

[24]           Les demanderesses soutiennent que le critère de confusion en vertu de la Loi est établi. Le critère applicable pour savoir si une marque porte à confusion avec une autre est « la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom [de la marque] [...] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir [des marques antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques ». Il n’est pas nécessaire de prouver la confusion réelle; une probabilité de confusion suffit (arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 RCS 824 [Veuve Clicquot], au paragraphe 20).

[25]           Le paragraphe 6(5) de la Loi (reproduit en annexe) énumère les facteurs qui doivent être considérés dans l’analyse de la confusion entre une marque de commerce et une autre. L’analyse commence habituellement par une évaluation du degré de ressemblance. Si les marques de commerce ne se ressemblent pas, il est peu probable que les autres facteurs amènent à conclure à la probabilité de confusion. Les autres facteurs deviennent importants une fois que le seuil de similitude a été établi (arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc, [2011] 2 RCS 387 [Masterpiece], au paragraphe 49).

b)                  Application du critère

[26]           Les demanderesses soutiennent que les marques de Travelway confondent effectivement le « consommateur ordinaire plutôt pressé » en raison i) du degré de ressemblance entre les marques de commerce de Travelway et de Wenger, ii) du caractère distinctif inhérent des marques de commerce de Wenger et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; iii) de la période pendant laquelle les marques de commerce ont été connues; iv) du genre de produits et v) de la nature du commerce.

(i)                 Le degré de ressemblance entre les marques de commerce de Travelway et de Wenger

[27]           La ressemblance est définie comme étant le rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques. L’expression « degré de ressemblance », au paragraphe 6(5) de la Loi sous-entend que ce n’est pas seulement dans les cas où les marques de commerce en cause sont identiques qu’il y a probabilité de confusion : des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion (arrêt Masterpiece, au paragraphe 62).

[28]           Les demanderesses soutiennent que la Cour doit procéder à une analyse de la ressemblance pour chacune des marques. La caractéristique dominante de chacune des marques de bagages à la croix Wenger en litige est le logo de la croix, qui est commun à toutes les marques. Par conséquent, il faut uniquement procéder à l’analyse par rapport au logo de la croix.

[29]           Les demanderesses soutiennent que chacune des marques de commerce de Travelway présente un degré élevé de ressemblance avec chacune des marques de bagages à la croix de Wenger employant le logo de la croix. Le degré de ressemblance est de plus en plus marqué, de la marque au « S en croix » jusqu’à celle au « S manquant » qui apparaît sur les languettes de fermetures éclair de Travelway.

[30]           Les demanderesses soutiennent que la marque au « S manquant » ressemble étroitement, dans l’esprit du consommateur, au logo à la croix de Wenger. Dans les deux cas, la croix, qui est de style et de proportions similaires, est la caractéristique dominante.

[31]           La marque « S en croix dans un triangle » de Travelway ressemble encore plus étroitement au logo de la croix, puisque la croix a la même forme que dans la marque « S en croix », et que la croix est placée sur un fond aux bords arrondis en forme de bouclier avec une bordure, tout comme le logo de la croix de Wenger.

[32]           Le logo avec « S disparaissant » est employé sur les bagages et les sacs depuis 2012. Sa croix est plus étroite et plus longue que celle employée dans les marques enregistrées, et sa forme se rapproche davantage de celle du logo de la croix de Wenger, bien que la forme du fond triangulaire soit moins marquée; la bordure est métallique et du même ton que la croix et le « S » est difficile, voire impossible à voir.

[33]           Quant au logo avec « S manquant », il est employé sur les languettes des fermetures éclair des bagages et des sacs depuis 2012 également. Les demanderesses prétendent qu’il est effectivement identique au logo à la croix de Wenger. Les deux sont constitués d’une croix sans autres caractéristiques distinctives sur une plaque de fond aux coins arrondis d’une couleur contrastante.

(ii)               Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[34]           Le caractère distinctif inhérent au sens de l’alinéa 6(5)a) de la Loi concerne à la fois le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu’elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’aiguille le consommateur vers une multitude de sources. Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinct acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d’une source en particulier (Pink Panther Beauty Corp c. United Artists Corp, [1998] ACF no 441, aux paragraphes 23 et 24).

[35]           Les demanderesses soutiennent que les marques de bagage à la croix de Wenger ont acquis un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché des bagages et des sacs de voyage au Canada depuis 2003. Holiday a vendu plus de cinq millions d’articles de bagage Wenger depuis 2003 et le logo à la croix de Wenger est devenu bien connu et reconnu à travers le Canada. Holiday investit des sommes substantielles chaque année dans la commercialisation et la promotion de ses articles de bagage Wenger, et les consommateurs savent par conséquent que les marques de bagage à la croix Wenger identifient de façon unique les bagages et les sacs de voyage provenant de Wenger et poursuivant la tradition des authentiques couteaux suisses.

[36]           Selon les demanderesses, les marques de Travelway ne sont pas distinctes, mais très similaires ou presque identiques au logo à la croix de Wenger et ne distinguent pas les articles de bagage de Travelway de ceux de Wenger.

(iii)             La période pendant laquelle les marques de commerce ont été connues

[37]           Les demanderesses soutiennent que le logo à la croix a été utilisé par Wenger pour la première fois dans les années 1970 et a été utilisé pour la première fois au Canada sur les bagages et les sacs de voyage en 2003. Durant les années précédant l’arrivée sur le marché canadien des articles de bagage de Travelway, Holiday a vendu un nombre incalculable d’articles de bagage Wenger portant le logo de la croix.

(iv)             La nature des produits

[38]           Les demanderesses soutiennent que les renseignements d’enregistrement montrent que les parties utilisent leurs logos respectifs en association avec des produits identiques, notamment des bagages, des sacs à dos, des mallettes, des sacs pour ordinateur, des étiquettes de bagage, des parapluies et autres produits similaires. En raison de la contrefaçon par Travelway des marques de commerce de Wenger, ce ne sont pas seulement les catégories générales de produits qui sont identiques; les produits eux-mêmes sont presque identiques dans l’esprit du consommateur ordinaire. Selon les demanderesses, les articles de bagage de Travelway reproduisent les caractéristiques de fonctionnalité et de conception de plusieurs articles de bagage de Wenger.

(v)               La nature du commerce

[39]           Les demanderesses soutiennent que Wenger et Travelway pratiquent un commerce identique en utilisant les mêmes canaux de distribution pour leurs produits de bagage et ont les mêmes points d’achat pour les consommateurs, au détail et sur internet. Les articles de bagage Wenger et Travelway se trouvent dans les mêmes magasins de détail (par exemple, Costco et Bentley); ils sont côte à côte sur les étalages, et ils apparaissent dans les résultats de mêmes recherches sur internet et sur les mêmes pages de commerce électronique.

c)                  Preuve de confusion réelle

[40]           Les demanderesses ont présenté des éléments de preuve de confusion sous la forme d’affidavits déposés par M. Raymond Durocher, président de Holiday, et Mme Ruth Corbin, qui ont tous les deux été contre-interrogés. M. Durocher a témoigné pour mentionner trois (3) cas démontrant la confusion sur le marché entre les articles de bagage de Travelway et de Wenger, notamment des erreurs dans deux circulaires de Canadian Tire, en juin 2012 et en janvier 2014, et dans une circulaire de Walmart en août 2013.

[41]           Mme Corbin a témoigné au sujet de l’étude client mystère réalisée par CorbinPartners pour évaluer la probabilité que les vendeurs de bagages confondent les produits de Wenger avec ceux de Travelway. L’étude de Mme Corbin a permis de conclure que 51 % des vendeurs de bagages confondaient les produits de Travelway et de Wenger, et que les circulaires étaient une source potentielle de [traduction] « confusion transmise », puisqu’elles risquent de semer la confusion chez tous les consommateurs qu’elles touchent.

[42]           Dans son affidavit, Mme Corbin affirme que l’étude démontre une probabilité relativement élevée que les vendeurs confondent les deux marques, selon les indications d’image de marque des produits de voyage suisses. Elle considère cette preuve significative puisque 1) les vendeurs de bagages possèdent des connaissances spécialisées et on s’attendrait à un niveau de confusion plus faible parmi eux que parmi les clients ordinaires et 2) la confusion parmi les vendeurs a le potentiel d’être transmise à des centaines de consommateurs chaque jour.

d)                 Conclusion sur la confusion et la contrefaçon

[43]           Les demanderesses rappellent à la Cour que les témoignages d’experts ou les études, bien qu’utiles, ne sont pas nécessaires, et qu’il appartient à la Cour d’évaluer la probabilité de confusion, c’est-à-dire si le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit les bagages de Travelway pourrait probablement penser qu’ils proviennent de la même source que les bagages de Wenger.

[44]           Elles affirment cependant qu’il n’y a pas seulement d’éléments de preuve d’une probabilité de confusion, mais aussi de multiples cas de confusion réelle. Dans le jugement Canada Post Corp. c. Paxton Developments Inc. (2000), 198 FTR 72, notre Cour s’est appuyée sur les résultats d’un sondage indiquant que 9 % des personnes interrogées étaient en proie à la confusion comme preuve suffisante d’une confusion réelle chez un nombre significatif de consommateurs.

[45]           Elles soutiennent que Wenger a le droit à un emploi exclusif des marques de bagage à la croix Wenger en vertu des articles 19 et 20 de la Loi (reproduits en annexe) et que Travelway a violé ce droit par son emploi de marques portant à confusion.

(3)               Travelway a fait passer ses produits pour ceux des demanderesses, en contravention de l’article 7 de la Loi.

a)                  Critère légal de commercialisation trompeuse

[46]           Les demanderesses affirment qu’il est bien reconnu en droit des marques de commerce que [traduction] « personne n’a le droit de faire passer ses produits pour ceux de quelqu’un d’autre » (AG Spalding Brothers v AW Gamage Ltd (1915), [1914-15] All ER Rep 147, au paragraphe 149 (HL)). La common law et l’article 7 de la Loi (reproduit en annexe) interdisent à quiconque de faire passer ses produits pour ceux d’une autre personne.

[47]           Les demanderesses soutiennent avoir établi les trois éléments nécessaires pour s’acquitter de la charge de démontrer la commercialisation trompeuse : i) un achalandage ou une réputation relativement aux produits des demanderesses dans l’esprit des consommateurs; ii) Travelway a fait une représentation au public et iii) les demanderesses ont subi ou sont susceptibles de subir des dommages engendrés par la représentation trompeuse de Travelway (arrêt Ciba-Geigy Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120 [Ciba-Geigy], au paragraphe 33).

(i)                 L’achalandage ou la réputation relativement aux produits des demanderesses dans l’esprit des consommateurs

[48]           Les demanderesses s’appuient sur l’affidavit de Mme Corbin pour établir que leurs marques et leurs produits ont un achalandage et une réputation substantiels dans l’esprit des consommateurs. Mme Corbin explique que les marques célèbres ou bien connues ont acquis une confiance intrinsèque, un cachet, permettant à leurs propriétaires d’ajouter une bonification au prix et de générer un niveau de ventes plus élevé à partir d’un même investissement en commercialisation qu’une marque moins connue.

[49]           Les marques de bagage à la croix de Wenger sont employées sur les bagages et les sacs de voyage depuis 2003 et sont facilement identifiables. Elles ont de l’achalandage en tant que tel, amplifié par l’association du logo de la croix avec le patrimoine des authentiques couteaux suisses de Wenger.

(ii)               Travelway a fait des représentations au public

[50]           Les demanderesses soutiennent qu’elles n’ont pas à démontrer une inconduite intentionnelle volontaire ou des actes malhonnêtes délibérés de la part de Travelway. La simple adoption et l’emploi par Travelway d’une marque ou d’un nom susceptibles d’être confondus avec ceux de Wenger sont suffisants (Molson Canada v Oland Breweries Ltd, [2001] OJ no 431, aux paragraphes 20 à 24). Cependant, les fausses prétentions quant à une « origine suisse » de Travelway, le logo au « S disparaissant » sur ses sacs de voyage et le logo au « S manquant » sur les languettes de fermetures éclair représentent tous des efforts intentionnels de tromper le public. En faisant délibérément des allégations sur l’origine suisse à propos de ses produits et en utilisant des logos qui ressemblent aux marques de bagage à la croix de Wenger, Travelway présente ses produits de façon trompeuse et le fait en pleine connaissance des marques de Wenger employées sur le même type de produits.

(iii)             Les demanderesses ont subi ou sont susceptibles de subir des dommages engendrés par les représentations trompeuses de Travelway

[51]           Les demanderesses doivent démontrer qu’elles ont subi ou sont susceptibles de subir des dommages engendrés par les représentations trompeuses. Lorsque le défendeur est en concurrence directe avec le plaignant, des dommages peuvent être établis en démontrant une perte de ventes probable à un concurrent. Ce critère peut aussi être satisfait lorsque les représentations trompeuses entraînent une perte de contrôle du plaignant sur l’emploi de son nom ou de sa marque ou crée un obstacle à l’emploi par le plaignant de son propre nom ou de sa marque (Orkin Exterminating Co Inc v Pestco Co of Canada, [1985] OJ no 2536, au paragraphe 37). Les demanderesses croient que les deux formes de dommages sont établies en l’espèce.

[52]           Les demanderesses croient que les dommages à l’achalandage et à la position sur le marché, par la perte directe de ventes, peuvent être inférés de la preuve que le contrefacteur est un concurrent direct sur les mêmes marchés et utilise les mêmes canaux de distribution. La confusion chez les détaillants et le personnel de vente, la confusion transmise aux consommateurs et la confusion propre aux consommateurs entraîneront selon toute probabilité l’achat d’articles de bagage de Travelway au lieu de ceux de Wenger. Les dommages découleront probablement aussi des dommages à l’achalandage des marques de bagage à la croix de Wenger et à cet égard, Mme Corbin a témoigné que la perte de confiance envers une marque et une image était une question de perception et pouvait être permanente.

[53]           Par conséquent, les emplois, par Travelway, intentionnellement variés de ses marques omettant ou obscurcissant le « S » et son emploi de ces marques en associations avec de fausses allégations quant à une « origine suisse » constituent une tentative délibérée d’avoir une incidence sur le contrôle des demanderesses sur les marques de bagage à la croix de Wenger. Un aspect particulièrement notable de la conduite de Travelway est son emploi constant de languettes de fermetures éclair sans la lettre « S » sur le logo de la croix, ce qui est une contrefaçon directe des marques de bagage à la croix de Wenger. La présence ailleurs sur le produit d’une version des marques de commerce enregistrées de Travelway n’absout pas l’emploi sur le même produit d’une autre marque qui est une contrefaçon directe.

[54]           Au vu de l’ensemble des éléments de preuve ci-dessus, les demanderesses croient que Travelway a fait passer ses produits pour les leurs, dans un effort visant à réaliser des gains financiers au détriment considérable des demanderesses.

(4)               L’enregistrement des marques de Travelway est invalide

[55]           Les demanderesses soutiennent que l’enregistrement des marques à la croix de Travelway est invalide en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi (reproduit en annexe) parce qu’elles créent de la confusion et qu’elles ne diffèrent pas des produits de Travelway. Par conséquent, Travelway n’avait pas le droit en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi d’obtenir ses enregistrements. Il en résulte que l’enregistrement ne peut pas servir de défense à la contrefaçon et à la commercialisation trompeuse de Travelway. Les demanderesses soutiennent que les enregistrements des marques à la croix de Travelway peuvent être déclarés invalides du fait que Travelway a abusé des droits d’enregistrement. Travelway a obtenu les enregistrements selon une représentation en vertu de laquelle elle allait utiliser les marques « S en croix » et « S en croix dans un triangle », mais a utilisé des distorsions de ses marques et a ainsi contrefait les marques de bagage à la croix de Wenger.

(5)               Les réparations appropriées

[56]           Les demanderesses sollicitent a) une injonction permanente contre Travelway, b) une déclaration d’invalidité et radiation et c) des dommages-intérêts.

a)                  Injonction permanente

[57]           Les demanderesses sollicitent une injonction permanente contre Travelway, lui interdisant l’emploi, direct, indirect ou par voie de licence, des marques à la croix de Travelway et leur équivalent en common law, en vertu des articles 10, 11 et 53.2 de la Loi.

b)                  Déclaration d’invalidité et radiation

[58]           Les demanderesses sollicitent une déclaration d’invalidité et une ordonnance de radiation pour que les numéros d’enregistrements LMC 740 206 et TMA 740 200 soient biffés du registre des marques de commerce en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi (reproduit en annexe), puisque ces enregistrements sont invalides.

c)                  Dommages-intérêts

[59]           Les demanderesses soutiennent que l’article 53.2 de la Loi autorise un demandeur ayant eu gain de cause à demander des dommages-intérêts en réparation de la contrefaçon d’une marque de commerce. L’indemnisation pour la contrefaçon de marques de commerce est fondée sur deux principes : 1) le rétablissement de la partie lésée à la position qu’elle aurait occupée en l’absence de contrefaçon et 2) l’indemnisation pour l’utilisation faite des biens de la partie lésée (Electric Chain Co of Canada Ltd v Art Metal Works Inc et al, [1933] SCR 581, à la page 590).

[60]           Les demanderesses demandent que si la Cour juge Travelway responsable de contrefaçon, elle ordonne un renvoi, en vertu de l’article 153 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], afin d’évaluer les dommages des demanderesses, les profits de Travelway et l’indemnisation due aux demanderesses.

[61]           Les demanderesses sollicitent aussi des dommages-intérêts, mais souhaitent que cette question soit laissée à l’appréciation de l’arbitre. Les demanderesses croient que des dommages-intérêts punitifs sont appropriés en l’espèce parce que la conduite de Travelway s’inscrivait dans un mécanisme visant à semer la confusion chez les consommateurs, à créer un effet nuisible sur le marché et à détourner des revenus, des ventes et de l’achalandage au profit de Travelway.

B.                 Les observations de Travelway

[62]           Travelway soutient 1) qu’Holiday n’a pas qualité de partie à la présente instance; 2) que les marques de commerce de Travelway sont valides et employées; 3) qu’il n’existe aucune preuve de confusion réelle, probable ou allant de soi; 4) qu’il n’y a pas de contrefaçon; 5) qu’il n’y a pas de commercialisation trompeuse et 6) qu’il n’existe pas d’éléments de preuve de dommages.

[63]           Travelway demande à la Cour de déclarer ses marques valides et applicables et de rejeter la demande des demanderesses.

[64]           À l’appui de ses arguments, Travelway a déposé des affidavits et des pièces de M. Bruce Shadeed, président de Travelway, et de M. Christian Bourque, expert dans le domaine des sondages.

(1)               Holiday n’a pas qualité de partie dans la présente instance

[65]           Travelway soutient que l’article 53.2 de la Loi mentionne que « toute personne intéressée » peut demander à la Cour d’accorder des réparations pour tout acte accompli contrairement à la Loi, mais pour obtenir réparation, une « personne intéressée » doit nécessairement avoir un intérêt dans la marque de commerce ou les signes faisant l’objet de la demande de protection par voie d’une action en contrefaçon ou en commercialisation trompeuse (Osiris Inc. v. International Edge Inc., 2009 CanLII 50224 (ON SC), aux paragraphes 21 à 29). Group III est titulaire des licences de Wenger, mais n’a aucun droit d’accorder des sous-licences pour les marques de Wenger. Elle a la possibilité de conclure une entente de distribution avec un tiers, ce qu’elle a fait avec Holiday, mais n’a pas le droit d’accorder à Holiday des sous-licences pour les marques de Wenger.

[66]           Travelway s’appuie sur l’accord confidentiel (déposé sous scellé) pour prétendre que Holiday n’est pas un titulaire de licences de Group III (article 6.3 de l’accord de distribution). La déclaration des demanderesses, à savoir que Group III, avec le consentement de Wenger, a accordé à Holiday le droit exclusif d’utiliser les marques de Wenger au Canada est fausse et trompeuse. Au contraire, Holiday est le distributeur des produits fabriqués par ou pour Group III, les droits de distribution n’incluent pas le droit aux marques de commerce, et Holiday n’a donc pas qualité de partie en l’espèce.

[67]           Travelway soutient également qu’une marque de commerce appartient au fabricant et non au distributeur; un distributeur n’a pas qualité de partie à une action en commercialisation trompeuse du fait que le distributeur ne partage pas la réputation et l’achalandage du propriétaire d’une marque de commerce (décision Natural Waters, aux paragraphes 11 à 15).

[68]           Travelway soutient que les demanderesses n’ont soumis que le témoignage de M. Durocher et ont choisi de ne pas soumettre de témoignage de cadres de Wenger ou de Group III. Travelway soutient que M. Durocher n’a pas qualité pour parler de l’utilisation des marques des autres demanderesses au Canada, pas plus que de l’incidence des actions alléguées de Travelway sur la réputation et l’achalandage des autres demanderesses.

[69]           En l’espèce, Travelway conteste le fait que M. Durocher ait confirmé en contre-interrogatoire que les représentants de Group III et de Wenger [traduction] « existent bel et bien » et auraient pu fournir des renseignements de première main sur les questions comme l’achalandage et la réputation alléguées des marques de Wenger, de même que sur la confusion alléguée. En vertu du paragraphe 81(2), le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

(2)               Les marques de Travelway sont valides et employées

[70]           En vertu de l’article 19 de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada. L’enregistrement comporte une présomption de validité et la personne qui conteste l’enregistrement a le fardeau de prouver que les marques n’auraient pas dû être enregistrées en premier lieu.

a)                  L’enregistrement des marques de Travelway en 2009

[71]           Les marques de Travelway ont été enregistrées en 2009, sans aucune opposition des demanderesses, qui ne se sont opposées à l’emploi des marques qu’à la fin de novembre 2012, trois ans après leur enregistrement.

b)                  L’utilisation des marques de commerce par Travelway

[72]           Travelway soutient avoir toujours indiqué son nom sur les étiquettes volantes attachées à chaque article de bagage, qu’Holiday reconnaît que la majorité des produits de Travelway sont désignés par des étiquettes, des feuillets de garantie et des étiquettes indiquant le pays d’origine, de même qu’une indication du fabricant de la source, et que les images produites par les demanderesses dans leur procédure et utilisées dans leur sondage sont trompeuses puisque les mentions, les étiquettes et les feuillets de garantie attachés aux produits n’apparaissent pas sur les images.

[73]           En ce qui a trait aux logos « S manquant » et « S disparaissant », Travelway soutient avoir, en septembre 2011 et en mai 2012, mené des expériences avec différentes languettes de fermetures éclair et plaques, toutes portant les marques enregistrées de Travelway. Pour des raisons techniques, le « S » des marques de commerce de Travelway a dû être gravé sur la croix du logo en émail fixé au bagage. Puisque le logo émaillé sur les languettes de fermeture éclair était trop petit, il n’était pas possible d’y appliquer le « S ». À la suite d’une lettre reçue par Walmart en novembre 2012, Travelway a de nouveau modifié le logo en bouton, mais continuait d’être confronté aux mêmes difficultés techniques pour les languettes de fermetures éclair.

[74]           Malgré ces expériences, Travelway affirme que ses marques ont toujours été utilisées tel qu’elles avaient été enregistrées; les changements ne constituaient que des variations sans conséquence. [TRADUCTION] « Le droit des marques de commerce n’exige pas le maintien de l’identité absolue des marques pour éviter l’abandon, et ne recherche pas les différences minuscules dans le but de confondre le propriétaire d’une marque de commerce agissant de bonne foi en réponse aux tendances du marché et d’autres tendances. Il exige uniquement une identité suffisante pour assurer la reconnaissance et éviter la confusion chez les acheteurs peu avertis » (Promafil Canada Ltée v Munsingwear Inc, [1992] FCJ No 611, à la page 11).

[75]           Travelway soutient que les modifications minimales apportées pour des raisons pratiques aux languettes de fermetures éclair ne peuvent pas être assimilées à une refonte de la marque de commerce susceptible de susciter la confusion chez un consommateur peu averti.

(3)               Aucune preuve de confusion réelle, probable ou allant de soi

a)                  Critère légal de confusion

[76]           Travelway est d’accord avec les demanderesses pour dire que le paragraphe 6(5) de la Loi sert de fondement pour évaluer la confusion, tant pour la contrefaçon que pour la commercialisation trompeuse. Travelway est également d’accord avec les demanderesses pour dire que la Cour doit se mettre à la place du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 20], mais elle n’est pas d’accord avec les demanderesses qu’il y a confusion.

b)                  Application du critère

(i)                 La ressemblance entre les marques de commerce de Travelway et de Wenger

[77]           Travelway soutient que ses marques de commerce et celles de Wenger sont différentes. Bien qu’aucune comparaison côte à côte des marques de commerce ne puisse être faite, l’aspect visuel général des marques de Wenger et des marques de Travelway donne une impression complètement différente, surtout lorsque l’on considère le nombre d’autres logos portant des croix enregistrés et utilisés au Canada.

(ii)               Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[78]           Travelway soutient que l’évidence de renommée de ses marques de commerce est absente du dossier des demanderesses, et que le marché canadien est inondé de marques de commerce ayant la même esthétique que les marques de Wenger. Le caractère distinctif des marques de Wenger est nuancé et la protection qui pourrait lui être accordée est par conséquent limitée.

[79]           Travelway soutient que le caractère distinctif des marques de Wenger est faible. Les éléments pour lesquels les demanderesses demandent l’exclusivité sont communément utilisés dans les logos et les marques de commerce. Il existe un certain nombre de produits portant une croix comme élément d’un logo ou d’une marque de commerce, comme Tissot, Victorinox, Swatch, Strellon; la couleur rouge, noire ou chrome comme couleur de fond ou de style pour un logo ou une marque de commerce est aussi très commune comme outil de marketing dans l’industrie des articles de voyage, tout comme le gris est une couleur courante pour les doublures de bagage, et il existe au Canada plusieurs marques de commerce enregistrées utilisant la croix, le mot « Suisse » ou une combinaison de ces éléments pour des produits associés aux sacs et aux accessoires de voyage.

(iii)             La période pendant laquelle les marques de commerce ont été connues

[80]            Travelway admet que les marques de Wenger sont utilisées au Canada depuis plus longtemps que les siennes (depuis 2003 pour les marques de Wenger et depuis 2009 pour les marques de Travelway). Cependant, la Cour doit aussi tenir compte de la période durant laquelle les marques de commerce ont coexisté sur le marché canadien, durant laquelle il n’y a eu aucune opposition à l’emploi des marques de Travelway, c’est-à-dire la période entre 2009 et 2012.

(iv)             La nature des produits

[81]           Travelway reconnaît que la nature des produits est identique.

(v)               La nature du commerce

[82]           Travelway reconnaît que la nature du commerce est identique.

c)                  La preuve établie par le sondage est peu fiable et inutile

[83]           Travelway soutient que quatre éléments doivent être présents pour que la preuve d’expert soit admise en preuve devant un tribunal : a) la pertinence, b) la nécessité d’aider le juge des faits, c) l’absence de toute règle d’exclusion et d) la qualification suffisante de l’expert (arrêt Masterpiece, au paragraphe 75), et que l’affidavit de Mme Corbin ne satisfait pas à ces exigences. Plus précisément, l’affidavit de Mme Corbin i) n’est pas pertinent, ii) n’est pas nécessaire et iii) est fondé sur des renseignements obtenus de façon indirecte.

(i)                 Pertinence

[84]           Travelway signale que les réponses au sondage de Mme Corbin étaient vagues, que l’échantillon de personnes interrogées était incomplet et que le seul critère de sélection pour le personnel de vente était la disponibilité et non la connaissance des bagages. De plus, rien n’indique si les vendeurs interrogés étaient précisément des « vendeurs d’articles de bagage » et rien ne démontre que la population interrogée est représentative des consommateurs canadiens moyens de bagages et d’articles de voyage. Une personne moyenne n’est pas la personne pertinente pour l’évaluation relative à la confusion et l’opinion des personnes qui pourraient ne jamais avoir eu l’intention d’acheter ces produits en particulier n’est pas pertinente (McDonald’s Corp v Coffee Hut Stores Ltd, (1994) 76 FTR 281, aux paragraphes 36 et 37). Travelway soutient qu’en interrogeant le mauvais public, le sondage n’est pas pertinent et ne répond pas aux deux premières exigences préalables en matière de pertinence.

(ii)               Nécessité

[85]           Travelway soutient qu’en évaluant la nécessité, les juges doivent faire appel à leur bon sens pour se demander s’il y aurait probabilité de confusion chez le consommateur ordinaire. Le juge a la possibilité de se mettre à la position de la personne moyenne qui achète les biens et le témoignage d’expert est inutile (arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 92). La preuve par sondages doit donc être utilisée avec prudence, puisqu’elle est susceptible d’apporter une preuve empirique des réactions des consommateurs (arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 93). L’affidavit et le sondage de Mme Corbin n’apportent cependant pas cette preuve empirique; aucune preuve des réactions des consommateurs n’a été fournie. Ce sondage ne porte pas sur la possibilité de confusion chez les consommateurs; l’étude manque d’information et ne satisfait pas le critère de nécessité.

(iii)             Information indirecte

[86]           Travelway soutient que les tribunaux ont écarté les sondages déposés en preuve sous la forme d’affidavits sous serment de représentants de l’entreprise retenue pour effectuer le sondage et non par les personnes qui ont personnellement réalisé les entrevues (Joseph E. Seagram & Sons Ltd v Canada (Registrar of Trade Marks (1990), 38 FTR 96, aux paragraphes 45 à 48). Mme Corbin n’a réalisé aucune des entrevues avec les vendeurs et elle n’a pas non plus conçu, mené ou supervisé l’étude. Le sondage a été réalisé par une entreprise externe, Market Plus Inc., et a été dirigé et analysé par M. Jon Purther, un autre représentant de CorbinPartners Inc. Aucune preuve d’affidavit de personnes ayant une connaissance directe ou indirecte des entrevues réalisées n’a été présentée et Travelway n’a pas pu contre-interroger les témoins appropriés. Travelway soutient qu’en raison des réponses vagues et ouvertes données aux questions posées dans le sondage et du manque d’information sur les raisons pour lesquelles certains vendeurs ont fourni des renseignements erronés aux clients, un tel témoignage aurait été important.

d)                 Absence de confusion réelle

[87]           Travelway soutient qu’il n’y a aucune preuve de confusion réelle entre les marques de commerce de Wenger et de Travelway malgré plusieurs années d’emploi concomitant. M. Durocher a allégué plusieurs cas de confusion, mais aucun n’a été documenté, même après le début des procédures; par conséquent, les allégations de confusion chez certains consommateurs dans le contexte du retour de produits défectueux ou de la publicité ne sont que de simples spéculations. Aucun témoin n’a été appelé pour expliquer les erreurs dans les retours de produits ou l’identification erronée des produits dans les publicités.

[88]           Travelway croit que si une telle confusion avait existé, elle aurait été démontrée par des éléments de preuve adéquats. S’il n’y a pas eu de confusion durant toutes les années durant lesquelles les deux marques ont été utilisées de manière simultanée, la Cour peut tirer une inférence négative relativement au risque de confusion (Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior SA, 2002 CAF 229, au paragraphe 19).

e)                  Absence de confusion allant de soi

[89]           Travelway croit que les marques de Wenger et de Travelway ne sont pas identiques et ne donnent pas la même impression. Certaines des différences les plus remarquables sont la présence de la lettre « S » dans la croix (sauf sur les languettes de fermetures éclair), les proportions relatives et la forme générale de la marque de commerce.

[90]           Travelway soutient que la couleur rouge utilisée pour le fond et la couleur blanche de la croix ne sont pas des éléments pertinents, puisque Wenger n’a pas allégué de combinaisons de couleurs comme caractéristiques de ses marques de commerce enregistrées. Travelway soutient également que le contexte de l’emploi de la marque de commerce est particulièrement pertinent en matière de commercialisation trompeuse (décision Mr Submarine Ltd v Amandista Investments Ltd, 1987 FCJ 1123).

f)                   Conclusion sur la confusion et la contrefaçon

[91]           Travelway soutient que puisque les marques de Wenger et de Travelway ne sont pas identiques, il ne peut y avoir de conclusion de contrefaçon en vertu de l’article 19 de la Loi. De même, puisque les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau de prouver la confusion réelle ou probable, il ne peut y avoir de conclusion de contrefaçon en vertu de l’article 20 de la Loi.

(4)               Absence de commercialisation trompeuse

a)                  Critère légal de commercialisation trompeuse

[92]           Il est constant que l’article 7 de la Loi interdit la commercialisation trompeuse. Travelway ajoute que cette disposition comprend un élément de temps, en plus des éléments de conduite et de confusion (arrêt Ciba-Geigy, précité, au paragraphe 33). Les demanderesses doivent prouver que la confusion était probable au moment où Travelway a commencé à utiliser ses marques.

b)                  Travelway n’a pas fait de représentations au public

[93]           Travelway soutient que la seule référence au terme « Swiss » apparaissant sur ses produits est la marque de commerce « Swiss Travel Products », qu’elle a le droit d’employer, et que les demanderesses n’ont pas de monopole sur une référence ambiguë à l’origine suisse d’un produit quelconque. Les demanderesses elles-mêmes soutiennent la qualité élevée de leurs produits en raison de leur origine suisse, alors que les produits de marque Wenger sont en fait fabriqués en Chine. Les demanderesses ne peuvent pas s’approprier l’exclusivité du mot « Swiss ».

c)                  Aucune preuve de supériorité des produits suisses

[94]           Travelway soutient que les demanderesses n’ont pas démontré la supériorité de l’origine suisse dans l’industrie des bagages, et qu’il n’existe aucune preuve qu’un consommateur aurait des attentes de qualité particulière du fait de l’origine suisse des bagages ou des sacs de voyage. De la même façon, les demanderesses n’ont pas démontré de quelle façon la représentation trompeuse alléguée des biens de Travelway et de ses marques de commerce pourrait avoir donné lieu à des dommages, que les dommages sont un aspect essentiel d’une réclamation en commercialisation trompeuse et qu’ils ne peuvent être présumés.

[95]           Travelway soutient que ses marques de commerce valides et exécutables constituent une défense complète contre une allégation de commercialisation trompeuse (Molson Canada v Oland Breweries Ltd/Brasserie Oland Ltée, [2002] OJ No 2029, au paragraphe 2).

(5)               Absence de dommages

[96]           Travelway soutient que les demanderesses n’ont présenté aucune preuve de dommages résultant de contrefaçon ou de commercialisation trompeuse, et n’ont pas non plus tenté de quantifier ces dommages. Elles n’ont même pas choisi entre les dommages et les profits.

a)                  Renvoi pour dommages

[97]           Travelway ne consent pas à la requête de renvoi en vertu de l’article 153 présentée par les demanderesses. Elle fait valoir que la partie qui demande un renvoi doit établir que cela minimiserait les coûts ou que la complexité de la cause serait augmentée sans nécessité si les questions de responsabilité et de dommages étaient tranchées ensemble au procès (Allstate Ins. Co. of Canada v Grant, [2000] FCJ No 1024). Aucune preuve devant la Cour ne justifie un renvoi. La preuve de dommages est intrinsèquement liée là la responsabilité pour contrefaçon et commercialisation trompeuse. Travelway croit que les demanderesses sollicitent une disjonction des questions en litige et soutient que cette approche n’est pas ouverte dans un processus de demande (Canadian Supplement Trademark Ltd. c. Petrillo, 2010 CF 421).

[98]           Travelway soutient également que même si la Cour concluait que ses marques de commerce sont invalides, des dommages ne peuvent pas être accordés pour la période pendant laquelle l’enregistrement était en vigueur (Remo Imports Ltd c. Jaguar Cars Limited, 2007 CAF 258, aux paragraphes 113 et 114), soit d’avril et mai 2009 à la date de la décision finale sur le fond, ce qui rend inutile un renvoi. Travelway soutient en outre que les demanderesses ont eu amplement l’occasion de plaider leur cause en ce qui a trait aux dommages et qu’elles ne l’ont pas fait.

b)                  Dommages-intérêts punitifs

[99]           Travelway soutient que des dommages-intérêts punitifs sont uniquement accordés en cas de conduite malveillante, opprimante et abusive. Ils sont aussi accordés lorsque les dommages-intérêts compensatoires ne suffisent pas pour réparer le préjudice subi (Gary Gurmukh Sales Ltd. c. Quality Goods Imd Inc., 2014 CF 437, aux paragraphes 123, 131 et 132).

V.                Analyse

A.                La qualité de partie d’Holiday à la présente instance

[100]       La Cour estime qu’Holiday est une « personne intéressée » au sens de l’article 53.2 de la Loi et est d’accord avec les demanderesses pour dire qu’elle pourrait être atteinte ou avoir des motifs raisonnables de croire qu’elle pourrait l’être. La Cour estime que le rôle d’Holiday est plus que celui d’un distributeur ou d’un agent de vente, qu’elle participe à la réputation et à l’achalandage, a un intérêt, participe et satisfait donc aux critères énoncés dans la jurisprudence applicable, c’est-à-dire la décision Natural Waters, au paragraphe 19, et l’arrêt Osiris, au paragraphe 28.

B.                 Existe-t-il une probabilité de confusion chez les consommateurs entre les articles de bagage de Travelway et de Wenger, suffisante pour déterminer que Travelway a contrefait les marques de bagages à la croix Wenger, en contravention de l’article 20 de la Loi?

(1)               Contrefaçon et critère légal de confusion

[101]       La contrefaçon est l’emploi sans autorisation d’une marque de commerce enregistrée sur des biens du type à l’égard duquel la marque a été enregistrée. L’article 19 accorde au titulaire d’une marque de commerce le droit exclusif à l’emploi ce celle-ci; il n’est pas en jeu en l’espèce, puisque les marques de Travelway ne sont pas identiques au logo à la croix de Wenger.

[102]       Comme il est indiqué dans Hughes on Trade Marks, 2e éd. (Toronto : LexisNexis, 2015), à la page 891, le champ de protection accordé par l’article 19 est élargi par l’article 20, lorsque les gestes posés par un autre sont susceptibles de causer de la confusion, et il incombe à la partie alléguant la contrefaçon de prouver la confusion, donc en l’espèce aux demanderesses.

[103]       Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose qu’il y a confusion « lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».

[104]       De plus, le paragraphe 6(5) énonce qu’en décidant s’il y a confusion, il faut tenir compte « de toutes les circonstances de l’espèce », y compris, sans s’y limiter, les cinq circonstances énumérées au paragraphe 6(5). Comme l’a souligné la Cour suprême, cette liste de circonstances n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 21, et arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 [Mattel], au paragraphe 73).

[105]       Par conséquent, la Cour suprême a confirmé que le critère applicable pour savoir si une marque porte à confusion avec une autre est « la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom [de la marque] [...] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir [des marques antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques » (arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 20).

[106]       Dans l’arrêt Mattel, au paragraphe 56, le juge Binnie a fait remarquer qu’il faut tenir compte du fait que le consommateur fait preuve de diligence dans différentes circonstances, sans être ni un «crétin pressé » ni un acheteur prudent et diligent. De plus, cet acheteur sera le type d’acheteur probable des marchandises en question (arrêt Baylor University c. Hudson’S Bay Co. (2000), 8 CPR (4th) 64 (CAF), au paragraphe 27; décision TLG Canada Corp c. Product Source International LLC, 2014 CF 924 [TLG Canada], au paragraphe 51).

[107]       L’analyse de la confusion par la Cour doit donc tenir compte de ces critères et évaluer les circonstances de ce point de vue. Les demanderesses ont insisté sur le fait que la Cour devait éviter d’intellectualiser l’analyse.

(2)               Facteurs de confusion – les marques de commerce de Wenger et de Travelway

a)                  Le degré de ressemblance entre les marques de commerce de Travelway et de Wenger

[108]       La jurisprudence a établi que le degré de ressemblance entre deux marques de commerce est généralement l’élément le plus important dans l’analyse de la confusion (décision TLG Canada, au paragraphe 58; décision McCallum Industries Limited c. HJ Heinz Company Australia Ltd., 2011 CF 1216 [McCallum], au paragraphe 44; décision Société Canadian Tire limitée c. Accessoires d’autos nordiques inc., 2006 CF 1431, au paragraphe 32; UNICAST SA c. South Asian Broadcasting Corporation Inc., 2014 CF 295, au paragraphe 82). Par conséquent, bien qu’il soit le dernier critère énuméré au paragraphe 6(5), il sera examiné en premier. Si le degré de ressemblance est insuffisant pour causer de la confusion, la Cour n’a pas à pousser plus loin son analyse.

[109]       Dans son examen du degré de ressemblance, la Cour doit comparer les marques dans leurs totalités et non les disséquer dans leurs éléments constitutifs ou les placer côte à côte pour comparer et observer les similitudes ou les différences entre ces éléments (décision McCallum, aux paragraphes 33 et 44; décision United States Polo Assn v Polo Ralph Lauren Corp (2000), 9 CPR (4th) 51, au paragraphe 18; Café Cimo Inc c. Abruzzo Italian Imports Inc, 2014 CF 810, au paragraphe 34). Il est important aussi de comparer chacune des marques de Travelway avec le logo à la croix Wenger, puisqu’une seule marque susceptible de créer la confusion aura pour effet d’invalider les enregistrements de Travelway (arrêt Masterpiece, aux paragraphes 42 à 48).

[110]       La Cour estime que les deux marques de commerce enregistrées de Travelway, le « S en croix », qui n’a pas de contour, et le « S en croix dans un triangle », même s’ils contiennent tous les deux une croix, ne donnent pas la même impression et ne ressemblent pas étroitement au logo à la croix de Wenger, et qu’elles sont peu susceptibles de créer de la confusion. Le « S » dans les deux marques, ainsi que la forme triangulaire dans le « S en croix dans un triangle » sont des éléments distinctifs particuliers.

[111]       Les deux autres logos, utilisés par Travelway depuis 2012, donc le « S disparaissant », qui minimise le « S », et le « S manquant », qui l’élimine complètement, présentent une plus grande ressemblance avec le logo à la croix de Wenger, puisque la croix devient l’élément dominant de chacun des logos. La Cour estime ici que le degré de ressemblance justifie une analyse plus poussée, et poursuivra donc son analyse sur la confusion en ce qui a trait aux deux marques de commerce non enregistrées de Travelway.

b)                  Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[112]       Lorsque la marque de commerce renvoie à de nombreuses choses ou ne fait que décrire les marchandises ou leur origine géographique, elle n’est pas considérée comme ayant un caractère distinctif inhérent et recevra une protection moindre (décision TLG Canada, aux paragraphes 59 et 60). Il n’y a cependant pas que le caractère distinctif inhérent; le caractère distinctif peut aussi être acquis par son emploi constant sur le marché, et comme l’a dit le juge Beaudry, « pour démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif, il faut établir que les consommateurs ont associé constamment la marque à une source déterminée » (Tommy Hilfiger Licensing Inc. c. Produits de Qualité I.M.D. Inc, 2005 CF 10, au paragraphe 53).

[113]       De façon compréhensible, les demanderesses n’ont pas soutenu que le logo à la croix de Wenger présentait un caractère distinctif inhérent. Il consiste en une croix blanche sur un arrière-plan noir ou rouge; il est inspiré du drapeau suisse, et n’est ni original ni unique ou inventif.

[114]       La Cour est d’accord avec la défenderesse pour dire que les demanderesses n’ont pas démontré que le logo à la croix de Wenger avait acquis un caractère distinctif par son emploi sur le marché des bagages et des sacs de voyage depuis 2003.

[115]       La Cour a considéré le fait que des millions d’articles de bagage Wenger avaient été vendus depuis 2003 et qu’Holiday avait investi des sommes considérables dans la commercialisation et la promotion de ses marchandises, notamment par l’entremise de publicités dans les médias imprimés. Elle ne peut cependant conclure, comme le prétendent les demanderesses, que le logo à la croix est connu des consommateurs comme un identifiant unique des bagages et des sacs de voyage provenant de Wenger et poursuivant la célèbre tradition des authentiques couteaux suisses. La Cour arrive à une conclusion contraire, puisqu’il existe des tiers qui utilisent une marque de commerce similaire, une croix blanche, dont le moindre n’est pas Victorinox, qui a aussi une tradition rattachée à l’authentique couteau suisse. Il n’existe aucune preuve que les consommateurs associent le logo à la croix de Wenger comme un attribut unique et distinctif de Wenger.

[116]       La Cour doit donc conclure qu’il est peu probable que les consommateurs sachent que le logo à la croix de Wenger provient d’une seule source, c’est-à-dire de Wenger.

c)                  La période pendant laquelle les marques de commerce ont été connues

[117]       La période ne contribue pas seulement à démontrer l’acquisition du caractère distinct, traitée ci-dessus, mais aussi, comme l’a dit le juge Pinard dans la décision McCallum, au paragraphe 41, « [p]lus la période pendant laquelle les marques de commerce ont coexisté sans véritable confusion est longue, plus il est difficile pour le demandeur de démontrer la probabilité de confusion ». Les marques non enregistrées ont cohabité depuis 2012 et, comme je le signalerai ci-dessous, les éléments de preuve de confusion réelle sont bien minces.

d)                 La nature des produits

[118]        Les parties sont d’accord pour dire que la nature de leurs marchandises est identique.

e)                  La nature du commerce

[119]       Les parties sont d’accord pour dire que la nature de leur commerce est identique.

f)                   Autres circonstances de l’espèce

[120]       La Cour se voit obligée de souligner, dans l’examen des autres circonstances, que le logo « S manquant » a été utilisé par Travelway uniquement sur les languettes de fermetures éclair. Les languettes de fermetures éclair sont plutôt petites sur les bagages et les sacs de voyage, et il semble donc peu probable qu’un consommateur moyen un peu pressé se méprenne sur l’origine des marchandises en raison d’un logo, distinct des autres logos utilisés sur lesdites marchandises, et fixé aux languettes de fermetures éclair. Il semble peu probable que le consommateur moyen un peu pressé puisse même remarquer ce genre de détails.

(3)               Preuve de probabilité de confusion

[121]       Les demanderesses ont déposé l’affidavit de Mme Corbin et les résultats d’un sondage par client-mystère comme éléments de preuve de probabilité de confusion. Le critère pour l’admissibilité de la preuve d’expert a été élaboré dans l’arrêt R c. Mohan, 1994 2 RCS 9, aux paragraphes 17 à 28. La Cour suprême a affirmé que, pour être admissible, la preuve d’expert devait reposer sur i) la pertinence; ii) la nécessité d’aider le juge des faits; iii) l’absence de toute règle d’exclusion; et iv) la qualification suffisante de l’expert. Ce critère a été appliqué dans le contexte de la preuve par sondage pour les marques de commerce dans l’arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 75.

[122]       En l’espèce, Travelway doute de la pertinence et de la nécessité de la preuve par sondage, et conteste la forme sous laquelle elle est présentée, à savoir un affidavit de Mme Corbin, qui n’a ni réalisé les entrevues ni conçu le sondage. La Cour se range du côté de la défenderesse et n’accorde aucun poids à ce sondage.

(4)               Preuve de confusion réelle

[123]       Les demanderesses affirment que la confusion réelle a été établie par les erreurs commises dans la publicité au détail, par des éléments de preuve anecdotiques faisant état de différents cas de confusion réelle et par le fait que Travelway ait reçu par erreur des bagages Wenger retournés par des clients.

[124]       En ce qui concerne la publicité au détail, Canadian Tire et Walmart ont commis des erreurs dans trois de leurs circulaires imprimées et la preuve de confusion réelle tient dans l’affirmation selon laquelle ces circulaires sont une source potentielle de [traduction] « confusion transmise » parce qu’elles risquent de semer la confusion chez tous les consommateurs qu’elles touchent (mémoire des demanderesses, au paragraphe 49, faisant référence aux affidavits de M. Durocher et de Mme Corbin). La Cour estime que cela ne constitue pas une preuve de confusion « réelle » chez les consommateurs.

[125]       Les deux autres allégations de confusion réelles sont en fait anecdotiques, n’ont pas été consignées et n’ont pas été présentées par la personne qui a réellement été témoin de la confusion alléguée, de sorte que la Cour ne leur accorde aucun poids.

(5)               Conclusion sur la confusion et la contrefaçon

[126]       En ce qui a trait aux motifs précédents, la Cour estime que, du point de vue du consommateur moyen un peu pressé, les marques de commerce de Travelway comme elles sont employées sur les bagages et les sacs de voyage ne sont pas susceptibles de créer de la confusion chez le consommateur et de l’amener à conclure que ces bagages et ces sacs de voyage sont fabriqués et vendus par la même entité que les bagages et sacs de voyage Wenger.

C.                 Travelway a-t-elle fait passer ses produits pour ceux de Wenger, en contravention de l’article 7 de la Loi?

(1)               Commercialisation trompeuse et critère légal

[127]       La Cour suprême du Canada a réaffirmé, dans l’arrêt Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., [2005] 3 RCS 302, au paragraphe 66, le critère de commercialisation trompeuse :

66   Notre Cour paraît avoir adopté la classification tripartite dans l’arrêt CibaGeigy. Dans cette affaire, notre Cour a accueilli une action pour commercialisation trompeuse relativement à la présentation d’un médicament délivré sur ordonnance. Le juge Gonthier a passé en revue certaines décisions antérieures et a affirmé qu’un demandeur devait établir l’existence de trois éléments pour obtenir gain de cause dans une telle action :

Les trois éléments nécessaires à une action en passing-off sont donc : l’existence d’un achalandage, la déception du public due à la représentation trompeuse et des dommages actuels ou possibles pour le demandeur. [p. 132]

(2)               L’élément d’achalandage ou de réputation

[128]       La Cour suprême du Canada a défini, dans l’arrêt Kirkbi, au paragraphe 67, que « [l]e demandeur doit démontrer l’existence d’un achalandage rattaché au caractère distinctif du produit (Ciba‑Geigy, p. 132‑133; Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd., [1982] 1 R.C.S. 494, p. 504 et 507, le juge Estey) ».

[129]       Les demanderesses affirment que les marques de bagage à la croix de Wenger bénéficient d’une confiance intrinsèque, un cachet qui permet à leurs propriétaires d’ajouter une bonification au prix et de générer un niveau de ventes plus élevé à partir d’un investissement donné dans la commercialisation qu’une marque moins connue, comme le montre principalement le volume de leurs ventes, par le fait qu’elles ont été employées depuis 2003, et par les redevances importantes que Group III et Holiday sont disposées à payer pour leur emploi (au paragraphe 90 de leur mémoire). L’achalandage relativement aux bagages à la croix de Wenger est prétendument amplifié par son association avec l’héritage des authentiques couteaux suisses.

[130]       À mon avis cependant, l’interférence par d’autres parties, notamment Victorinox, atténue l’achalandage des marques de bagage à la croix de Wenger. Le logo à la croix et l’achalandage qui y est possiblement rattaché n’appartiennent pas uniquement à Wenger, et les demanderesses n’ont présenté aucune preuve permettant de mener à une autre conclusion. En outre, il n’y a aucune preuve permettant de conclure que les bagages portant les marques de bagage à la croix de Wenger sont vendus à des prix supérieurs par rapport aux autres bagages et sacs de voyage. S’ils étaient vendus à des prix supérieurs, il n’existe aucune preuve justifiant un tel prix supérieur, puisque le volume de ventes en lui-même semble insuffisant pour confirmer le niveau d’achalandage en l’absence d’une confirmation quelconque du lien de cause à effet entre les ventes et cet achalandage.

(3)               La représentation trompeuse au public

[131]       Dans l’arrêt Kirkbi, au paragraphe 68, la Cour suprême indique que « [l]e deuxième élément est la fausse déclaration ou représentation trompeuse qui sème la confusion dans le public. Une fausse déclaration peut être délibérée et avoir ainsi le même sens que tromperie. Toutefois, la doctrine de la commercialisation trompeuse englobe désormais la fausse déclaration faite par négligence ou avec insouciance par le commerçant (Ciba-Geigy, p. 133; Consumers Distributing Co. c. Seiko Time Canada Ltd., [1984] 1 RCS 583, p. 601, le juge Estey) ». Les demanderesses affirment que la représentation trompeuse de la part de Travelway repose sur ses fausses prétentions d’une « origine suisse » et sur son utilisation des logos avec le « S » absent ou disparaissant.

[132]       Encore une fois, la Cour estime que le consommateur ordinaire un peu pressé ne serait pas susceptible de confondre la source et que ce consommateur ne conclurait pas que les marchandises de Travelway viennent de la source de Wenger. Cette conclusion s’appuie sur le fait que le logo avec « S manquant » apparaît sur les languettes de fermetures éclair et n’est peut-être même pas visible pour le consommateur ordinaire un peu pressé, et qu’au moins un logo d’un tiers s’interpose dans l’esprit du consommateur, celui de Victorinox.

(4)               Dommages réels ou potentiels

[133]       Les demanderesses n’ont présenté aucune preuve de dommages réels, mais ont allégué avoir subi ou être susceptibles de subir des dommages du fait des actions de la défenderesse. Comme la Cour estime que les deux premiers critères n’ont pas été satisfaits par les demanderesses, elle conclut qu’il n’y a aucune probabilité de dommages.

D.                Validité et utilisation des marques de Travelway

[134]       Les marques de Travelway sont enregistrées et valides. Il incombe aux demanderesses de prouver que les marques devraient être radiées et les demanderesses en l’espèce ne se sont pas déchargées de ce fardeau.

E.                 Les réparations appropriées

[135]       La Cour ayant conclu que Travelway n’avait pas contrefait le logo à la croix de Wenger ou fait passer ses produits pour ceux des demanderesses, aucune réparation n’est requise.

VI.             Conclusion

[136]       Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande avec dépens.

« Martine St-Louis »

Juge

 


ANNEXE

6. (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à cette marque et les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les produits liés à cette marque sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

7. Nul ne peut :

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the goods, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

7. No person shall

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) the geographical origin, or

(iii) the mode of the manufacture, production or performance of the goods or services.

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de produits ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces produits ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

10. Where any mark has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any goods or services, no person shall adopt it as a trade-mark in association with such goods or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefor.

11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l’article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l’article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts revisés du Canada de 1952.

11. No person shall use in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark adopted contrary to section 9 or 10 of this Act or section 13 or 14 of the Unfair Competition Act, chapter 274 of the Revised Statutes of Canada, 1952.

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(2) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a dûment déposée dans son pays d’origine, ou pour son pays d’origine, et qu’il a employée en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services en liaison avec lesquels elle est déposée dans ce pays et a été employée, à moins que, à la date de la production de la demande, en conformité avec l’article 30, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(4) Le droit, pour un requérant, d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce enregistrable n’est pas atteint par la production antérieure d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce créant de la confusion, par une autre personne, à moins que la demande d’enregistrement de la marque de commerce créant de la confusion n’ait été pendante à la date de l’annonce de la demande du requérant selon l’article 37.

(5) Le droit, pour un requérant, d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce enregistrable n’est pas atteint par l’emploi antérieur ou la révélation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion, par une autre personne, si cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion a été abandonné à la date de l’annonce de la demande du requérant selon l’article 37.

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

(2) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that the applicant or the applicant’s predecessor in title has duly registered in or for the country of origin of the applicant and has used in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of the goods or services in association with which it is registered in that country and has been used, unless at the date of filing of the application in accordance with section 30 it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

(3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the goods or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

(4) The right of an applicant to secure registration of a registrable trade-mark is not affected by the previous filing of an application for registration of a confusing trade-mark by another person, unless the application for registration of the confusing trade-mark was pending at the date of advertisement of the applicant’s application in accordance with section 37.

(5) The right of an applicant to secure registration of a registrable trade-mark is not affected by the previous use or making known of a confusing trade-mark or trade-name by another person, if the confusing trade-mark or trade-name was abandoned at the date of advertisement of the applicant’s application in accordance with section 37.

18. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

c) la marque de commerce a été abandonnée;

d) sous réserve de l’article 17, l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement.

(2) Nul enregistrement d’une marque de commerce qui était employée au Canada par l’inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d’être devenue distinctive à la date d’enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n’a pas été soumise à l’autorité ou au tribunal compétent avant l’octroi de cet enregistrement.

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

(a) the trade-mark was not registrable at the date of registration;

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced;

(c) the trade-mark has been abandoned; or

(d) subject to section 17, the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

(2) No registration of a trade-mark that had been so used in Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

20. (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

c) soit vend, offre en vente ou distribue des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial alors que :

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

d) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial, en vue de leur vente ou de leur distribution ou en vue de la vente, de la distribution ou de l’annonce de produits ou services en liaison avec ceux-ci, alors que :

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

(1.1) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’employer les éléments ci-après de bonne foi et d’une manière non susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce :

a) son nom personnel comme nom commercial;

b) le nom géographique de son siège d’affaires ou toute description exacte du genre ou de la qualité de ses produits ou services, sauf si elle les emploie à titre de marque de commerce.

(1.2) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’utiliser toute caractéristique utilitaire incorporée dans la marque.

(2) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’employer les indications mentionnées au paragraphe 11.18(3) en liaison avec un vin ou les indications mentionnées au paragraphe 11.18(4) en liaison avec un spiritueux.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those goods or services.

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

(b) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any goods in association with a confusing trade-mark or trade-name, for the purpose of their sale or distribution;

(c) sells, offers for sale or distributes any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, if

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name; or

(d) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, for the purpose of its sale or distribution or for the purpose of the sale, distribution or advertisement of goods or services in association with it, if

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name.

(1.1) The registration of a trade-mark does not prevent a person from making, in a manner that is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark,

(a) any bona fide use of his or her personal name as a trade-name; or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark, of the geographical name of his or her place of business or of any accurate description of the character or quality of his or her goods or services.

(1.2) The registration of a trade-mark does not prevent a person from using any utilitarian feature embodied in the trade-mark.

(2) No registration of a trade-mark prevents a person from making any use of any of the indications mentioned in subsection 11.18(3) in association with a wine or any of the indications mentioned in subsection 11.18(4) in association with a spirit.

53.2 (1) Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction ou autrement des produits, emballages, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de tout équipement employé pour produire ceux-ci.

(2) Sauf s’il estime que l’intérêt de la justice ne l’exige pas, le tribunal, avant d’ordonner la disposition des biens en cause, exige qu’un préavis soit donné aux personnes qui ont un droit ou intérêt sur ceux-ci.

53.2 (1) If a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits, for punitive damages and for the destruction or other disposition of any offending goods, packaging, labels and advertising material and of any equipment used to produce the goods, packaging, labels or advertising material.

(2) Before making an order for destruction or other disposition, the court shall direct that notice be given to any person who has an interest or right in the item to be destroyed or otherwise disposed of, unless the court is of the opinion that the interests of justice do not require that notice be given.

57. (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

(2) Personne n’a le droit d’intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d’interjeter appel.

57. (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

(2) No person is entitled to institute under this section any proceeding calling into question any decision given by the Registrar of which that person had express notice and from which he had a right to appeal.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1380-13

INTITULÉ :

WENGER S.A., GROUP III INTERNATIONAL LTD., ET HOLIDAY GROUP INC. c. TRAVELWAY GROUP INTERNATIONAL INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 novembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

Le 24 mars 2016

COMPARUTIONS :

Brendan van Niejenhuis

Andrea Gonsalves

pour les demanderesses

François Grenier

Alexandra Steele

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stockwoods LLP

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

ROBIC, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

Pour la défenderesse

 

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