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Date : 20160225


Dossier : IMM-2943-15

Référence : 2016 CF 249

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 25 février 2016

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

RAMANAND PITAMBER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

APRÈS une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI), en date du 28 mai 2015, qui rejette l’appel fait par le demandeur à l’égard du refus d’un agent d’immigration de délivrer un visa de résident permanent à sa conjointe, Mme Yoagwattie Bridgmohan (Angela), pour le motif que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR;

ET APRÈS avoir déterminé que cette demande soulève la question à savoir si la SAI a commis une erreur en concluant que le mariage du demandeur et d’Angela était un mariage de mauvaise foi aux termes du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement);

ET APRÈS avoir conclu que la détermination d’un mariage de mauvaise foi est une question mixte de fait et de droit, assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable, dans le cadre de laquelle une cour de révision doit examiner si la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et si le processus de prise de décision est intelligible, justifié et transparent (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190) [Dunsmuir];

ET APRÈS avoir tenu compte que la SAI possède une expertise en la matière et qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des conclusions qu’elle a tirée (MacDonald c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 978, au paragraphe 16);

ET APRÈS avoir pris en considération le dossier certifié du tribunal et les observations orales et écrites des parties, notre Cour est d’avis que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée pour les motifs ci-dessous :

[1]               Originaire du Guyana, le demandeur est devenu résident permanent du Canada en mai 1982 et est maintenant citoyen canadien. Le demandeur a un fils au Canada issu de son premier mariage. Cette union a abouti à une séparation en 2000 après trois (3) ans de mariage.

[2]               Le demandeur et Angela, citoyenne du Guyana, se sont parlé pour la première fois en août 2007, après que l’oncle d’Angela a montré une photo d’elle au demandeur. En avril 2008, le demandeur a voyagé au Guyana, où il a rencontré Angela pour la première fois à l’aéroport. Il l’a marié cinq jours suivant cette rencontre. À compter d’avril 2008, le demandeur et Angela se sont parlé quotidiennement au téléphone, et le demandeur est retourné fréquemment au Guyana pour la voir.

[3]               En 2008, Angela a présenté une demande de visa de résident permanent et le demandeur a demandé de la parrainer. Cependant, en mars 2009, un agent d’immigration a rejeté la demande de parrainage puisqu’il n’était pas convaincu que la relation était authentique et qu’Angela avait l’intention de vivre avec le demandeur de façon permanente au Canada. Au départ, le demandeur a interjeté appel de la décision de l’agent d’immigration, mais il a retiré son appel une fois qu’il a été informé que son union avec Angela n’était pas considérée comme étant un mariage valide étant donné qu’il n’avait pas obtenu un divorce de son premier mariage.

[4]               En octobre 2010, Angela a donné naissance au fils du demandeur, qui est maintenant citoyen canadien.

[5]               En mai 2011, le demandeur a obtenu un divorce de sa première conjointe, après quoi le demandeur et Angela ont annulé leur mariage afin de pouvoir se marier de nouveau en août 2011.

[6]               En septembre 2011, le demandeur a déposé une nouvelle demande pour parrainer Angela. Cette demande a été rejetée par un agent d’immigration le 11 octobre 2012 pour les motifs suivants : 1) le mariage n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR, et 2) la conjointe du demandeur est inadmissible en raison d’une infraction grave aux termes de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR qu’elle a commise en novembre 2005 lorsqu’elle a utilisé un passeport frauduleux pour entrer aux États-Unis.

[7]               Le 28 mai 2015, la SAI a rejeté la demande du demandeur visant à interjeter appel de la conclusion de mariage de mauvaise foi tirée par l’agent d’immigration puisque le demandeur n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le mariage était authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR.

[8]               Le demandeur soutient que la SAI a commis deux (2) erreurs susceptibles de révision : 1) la SAI a appliqué la mauvaise norme de contrôle en tenant compte du paragraphe 4(1) du Règlement lorsqu’elle a déclaré que le mariage visait [traduction] « l’acquisition d’un avantage relatif à l’immigration au Canada »; et 2) la SAI n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents et a tiré des conclusions qui ne sont pas appuyées par les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Le défendeur soutient que la SAI n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans la prise de sa décision.

[9]                Pour la première question, je conclus que la SAI a énoncé correctement le critère appliqué pour déterminer s’il s’agissait d’un mariage de mauvaise foi, à savoir que le mariage n’est pas de mauvaise foi s’il est authentique et ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. Cela ressort des paragraphes 3, 15, 16, 23, 41 et 42 de la décision de la SAI.

[10]           En ce qui a trait à la deuxième question soulevée par le demandeur, la SAI a conclu que le mariage du demandeur et d’Angela n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. Pour déterminer si le mariage était authentique, la SAI a reconnu divers facteurs positifs, y compris l’enfant qu’ils ont ensemble, le rôle joué par le demandeur dans la garde de l’enfant lorsqu’il voyage au Guyana, le soutien qu’il offre à sa conjointe et à son fils, ses voyages fréquents au Guyana, les communications entre le demandeur et sa conjointe ainsi que le fait que le demandeur a désigné sa femme et son fils comme bénéficiaires pour son régime d’assurance. La SAI souligne plus précisément que la naissance d’un enfant serait actuellement un indicateur solide important de l’authenticité du mariage.

[11]           Cependant, la SAI a conclu que les autres facteurs négatifs l’emportent sur les facteurs positifs susmentionnés, notamment : 1) le manque de connaissances d’Angela à l’égard de la vie du demandeur au Canada, plus précisément, de ces antécédents de travail et de la relation qu’il a avec son fils issu de son premier mariage; 2) le fait que le demandeur ne savait pas qu’Angela avait déjà tenté de migrer aux États-Unis en utilisant un faux passeport canadien; 3) l’incapacité du demandeur à se rappeler le moment de leur première entrée en contact et la date de leur mariage; et 4) l’état de confusion d’Angela à l’égard de la date de leur deuxième mariage.

[12]           Plus précisément, la SAI a conclu que la divergence des témoignages liés à la relation du demandeur avec son fils de son premier mariage était un facteur négatif important dans son analyse de l’authenticité.

[13]           La SAI a noté qu’Angela avait un niveau de scolarité faible, ce qui a nui à son témoignage, mais que cela n’a pas eu des conséquences négatives sur sa crédibilité. La SAI a néanmoins conclu que l’inhabilité d’Angela de décrire d’une façon intelligible les circonstances entourant sa tentative infructueuse d’entrer illégalement aux États-Unis en 2005 et, plus précisément, de préciser si elle était entrée à Puerto Rico à pied, ou si elle est arrivée en bateau ou par avion, indique qu’elle n’était pas entièrement honnête au sujet d’un événement qui aurait sans doute été important. Cela appuie la conclusion tirée par la SAI qu’Angela peut s’être mariée pour des raisons autres que le véritable amour.

[14]           Relativement à l’appel anonyme, la SAI a indiqué ne pas lui accorder de poids. Contrairement à ce que soutient le demandeur, la déclaration de la SAI selon laquelle l’appel anonyme cadrait avec sa conclusion définitive ne signifie pas, à mon avis, que la SAI lui a accordé un poids quelconque dans la prise de sa décision.

[15]           Au bout du compte, la SAI a conclu que le demandeur et sa conjointe n’étaient pas crédibles compte tenu de toutes les préoccupations susmentionnées.

[16]           Il est acquis en matière jurisprudentielle que les évaluations de la crédibilité soient fondées sur les faits et que notre Cour fasse preuve d’une grande déférence à cet égard (Nadasapillai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 72, au paragraphe 9; Granata c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1203, au paragraphe 28; Dunsmuir, au paragraphe 53). La SAI est aussi réputée avoir pris en considération tous les éléments de preuve présentés (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 [CAF] [QL]).

[17]           En outre, ce n’est pas le rôle de notre Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de réévaluer et de soupeser les éléments de preuve qui ont été présentés à la SAI, ce qui est demandé par le demandeur (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Abdo, 2007 CAF 64, au paragraphe 13; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61).

[18]           Compte tenu de ce qui précède, je juge qu’il était raisonnable pour la SAI de conclure, en fonction des éléments de preuve qui lui ont été présentés et selon la prépondérance des probabilités, que le mariage n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. De plus, la SAI était libre de conclure qu’Angela n’était pas entièrement honnête concernant les circonstances liées à sa tentative de migration et que son manque important de connaissances des faits essentiels de la vie de son conjoint était un facteur négatif important. À mon avis, son inhabilité de se rappeler les événements importants n’est pas une question ayant trait à son niveau d’éducation. Par conséquent, la décision de la SAI est raisonnable et en est une qui se situe dans une gamme de résultats acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[19]           Pour conclure, il est vrai qu’il semble y avoir de la confusion à l’égard du mariage précis ayant été pris en considération dans l’analyse du principal motif du mariage pour déterminer si l’union visait l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. Par contre, cette confusion n’est pas déterminante étant donné la nature disjonctive du critère énoncé au paragraphe 4(1) du Règlement et le caractère raisonnable de la conclusion de la SAI à l’égard du manque d’authenticité du mariage.

[20]           Les parties n’ont proposé aucune question certifiée au cours de la présente procédure.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question ne sera certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2943-15

 

INTITULÉ :

RAMANAND PITAMBER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 février 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge ROUSSEL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Geraldine MacDonald

 

Pour le demandeur

 

Maria Burgos

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Geraldine MacDonald

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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