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Date : 20160728


Dossier : T-642-15

Référence : 2016 CF 882

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

demanderesse

et

ASSOCIATION CANADIENNE DES MAÎTRES DE POSTE ET ADJOINTS (ACMPA)

 

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La Société canadienne des postes [la « SCP » ou la « demanderesse »] emploie des maîtres de poste et leurs adjoints dans des bureaux de poste ruraux et suburbains à l’échelle du Canada. Ces maîtres de poste et leurs adjoints sont représentés par l’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints [l’« ACMPA » ou la « défenderesse »]. Ils forment le groupe des opérations postales au sein de l’ACMPA. La majorité des employés du groupe des opérations postales sont des femmes; c’est un groupe à prédominance féminine.

[2]               Depuis plus de trente ans, l’ACMPA allègue une disparité salariale entre le groupe des opérations postales [le « groupe plaignant »] et un groupe représenté par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes [le « STTP »] qui, selon les allégations de la défenderesse, est un groupe à prédominance masculine qui effectue sensiblement le même travail pour la SCP que le groupe plaignant.

[3]               Il y a plus de vingt ans, l’ACMPA a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne [la « CCDP »], alléguant une disparité salariale entre le groupe plaignant et le groupe des opérations postales internes et externes au sein du STTP. Après plus de vingt ans, les aspects fondamentaux de la plainte n’ont pas encore été abordés, et plus de 6 000 employés actuels et retraités concernés par la discrimination alléguée n’ont toujours pas reçu réponse à leur plainte.

[4]               En mars 2015, après avoir pris en considération un volumineux rapport d’enquête de la CCDP [le « rapport fondé sur les articles 41 et 49 » ou le « rapport »], la CCDP a renvoyé la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne [le « Tribunal »] sans autre enquête.

[5]               La question des délais était le fil conducteur qui revenait tout au long du rapport de la CCDP. Après avoir conclu que la SCP, plutôt que l’ACMPA, était souvent responsable des délais associés à l’affaire, la CCDP a indiqué que la question des délais constituait un facteur justifiant sa décision de traiter la plainte et de la renvoyer au Tribunal plutôt que de mener une enquête plus approfondie.

[6]               La SCP demande un contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de renvoyer la plainte au Tribunal.

[7]               La demanderesse, la SCP, affirme que la CCDP a agi de manière inéquitable sur le plan procédural en omettant d’examiner ses prétentions concernant des lacunes dans le rapport de la CCDP. La demanderesse affirme de plus que la mauvaise appréciation des éléments de preuve faite par la CCDP et l’importance accordée par cette dernière à de simples affirmations pour alléguer une discrimination rendent la décision déraisonnable. Je ne suis pas de cet avis. La décision de la CCDP était raisonnable en fonction du dossier dont elle disposait, et il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Par conséquent, je rejette la demande pour les motifs qui suivent.

II.                Contexte

A.                La plainte

[8]               La plainte dont il est question remonte à loin et découle d’une plainte déposée en 1982 par l’ACMPA auprès de la CCDP, que les parties ont convenu de résoudre en 1985. Toutefois, la CCDP a refusé d’approuver l’entente de règlement, rouvrant l’enquête en 1989. La CCDP a par la suite conclu en 1991 qu’elle ne prendrait pas d’autres mesures et a rejeté la plainte de 1982.

[9]               En novembre 1992, la défenderesse a déposé une deuxième plainte auprès de la CCDP [la « plainte »] affirmant qu’à partir du 1er septembre 1992, la demanderesse avait fait preuve de discrimination à l’égard de membres du groupe des opérations postales, à prédominance féminine. C’est cette plainte qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

[10]           La demanderesse a demandé à la CCDP de ne pas traiter la plainte, pour les motifs suivants : 1) l’ACMPA n’a pas épuisé tous les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs subsidiaires qui lui étaient normalement accessibles; 2) la plainte est entachée de mauvaise foi. En octobre 1994, la CCDP a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire lui permettant de rejeter la plainte [la « décision de la CCDP de 1994 »], et la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour.

B.                 Contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de 1994

[11]            Le juge Rothstein a rejeté la demande de contrôle judiciaire (Société canadienne des postes c. Commission canadienne des droits de la personne), [1997] ACF no 578, au paragraphe 12, 130 FTR 241 (CF 1re inst.) [Société canadienne des postes CF]), décision qui a été confirmée à l’unanimité par la Cour d’appel fédérale (Canada Post Corporation c. Canada (Human Rights Commission), [1999] ACF no 705, 169 FTR 138 (CA)). Le 25 juin 1999, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision présentée par la demanderesse (Canada Post Corp v Canada (Canadian Human Rights Commission), [1999] SCCA 323).

C.                 Protocole d’entente de 1997

[12]           La plainte est demeurée en suspens dans l’attente d’une décision concernant la demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de 1994 déposée par la demanderesse. Toutefois, les parties ont signé un protocole d’entente en décembre 1997 [le « protocole d’entente de 1997 »] en vue du processus de négociation collective. Le protocole d’entente de 1997 obligeait les parties à : 1) mettre en œuvre un plan conjoint d’évaluation des emplois; 2) négocier les taux de rémunération inclus dans la convention collective, étant entendu que ces taux se devaient d’être équitables et de respecter la Loi canadienne sur les droits de la personne [la « LCDP »] au 20 mars 1997; 3) examiner la question d’un écart salarial avec un spécialiste de la parité salariale et régler tout écart au moyen de la négociation.

D.                Le rapport Petersen

[13]           À la suite du protocole d’entente de 1997, les parties ont consulté un spécialiste de la parité salariale, M. Petersen, afin de déterminer s’il existait un écart salarial entre un sous-groupe du groupe des opérations postales internes et externes (PO-4) et le groupe plaignant. M. Petersen a rendu son rapport le 8 avril 1998 [le « rapport Petersen »].

[14]           Le groupe de comparaison indiqué dans la plainte n’était pas le groupe de comparaison adopté dans le rapport Petersen. Le rapport Petersen s’intéressait plutôt au sous-groupe PO-4 au sein du grand groupe PO. De plus, le rapport Petersen portait uniquement sur la question de savoir s’il existait ou non un écart salarial entre le groupe plaignant et le sous-groupe PO-4. Le rapport Petersen ne portait pas sur la question de savoir si le sous-groupe PO-4 était un groupe à prédominance masculine et ne contenait aucune conclusion à cet égard.

E.                 Efforts pour résoudre la plainte

[15]           Le rapport fondé sur les articles 41 et 49 décrit les nombreux efforts faits en vain pour résoudre la plainte de manière informelle. Ces efforts comprenaient notamment une tentative de médiation officielle et l’embauche subséquente d’un conciliateur. En 2006, la CCDP a pris les mesures suivantes : 1) elle a reporté la plainte afin de permettre aux parties de s’attaquer au règlement du différend entre elles; 2) elle a indiqué que, si les parties ne pouvaient en venir à une entente, la défenderesse pourrait demander à la CCDP d’exercer son pouvoir discrétionnaire de traiter la plainte [la « décision de la CCDP de 2006 »]. Aucune des parties n’a demandé un contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de 2006.

[16]           À la suite de la décision de la CCDP de 2006, les parties ont signé un deuxième protocole d’entente [le « protocole d’entente de 2006 »]. Le protocole d’entente de 2006 reconnaissait que le plan d’évaluation des emplois existant pouvait s’appliquer à tous les postes de l’unité de négociation et qu’il était exempt de partialité fondée sur le sexe ou de discrimination fondée sur des motifs de distinction illicites en vertu de la LCDP. Tout comme le protocole d’entente de 1997, le protocole d’entente de 2006 ne traitait pas de la question d’une partialité fondée sur le sexe ou d’une discrimination fondée sur des motifs de distinction illicites en vertu de la LCDP, pour la période comprise entre le dépôt de la plainte en 1992 et le protocole d’entente de 1997.

[17]           La défenderesse a maintenu la plainte et, en novembre 2009, elle a informé la CCDP qu’une enquête était nécessaire. En exprimant ce point de vue, la défenderesse a également informé la CCDP qu’une autre affaire de parité salariale devant la Cour d’appel fédérale soulevait des questions pertinentes concernant la plainte; cette affaire portait sur un différend en matière de parité salariale avec la SCP, et le groupe de comparaison était le même que celui indiqué dans la plainte (Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, 15 Admin LR (5th) 157 [AFPC CAF]). Pour cette raison, on a demandé à la CCDP de garder le dossier ouvert en attendant une décision concernant AFPC CAF. La CCDP a répondu qu’elle laisserait la défenderesse choisir le moment de la réactivation de la plainte.

[18]           En février 2010, la Cour d’appel fédérale a rendu une décision partagée dans AFPC, la majorité ayant tranché en faveur de la SCP, avec le juge Evans, dissident. Dans une décision unanime rendue dans l’arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, [2011] 3 RCS 572 [AFPC CSC], le 17 novembre 2011, la Cour suprême du Canada a unanimement souscrit aux motifs de dissidence du juge Evans.

F.                  Réactivation de la plainte

[19]           En 2010, la défenderesse a entrepris des démarches pour obtenir de l’information pertinente à la réactivation de la plainte. En réponse, la demanderesse a d’abord indiqué qu’elle avait besoin de plus de temps pour examiner la demande et y répondre. Toutefois, en décembre 2011, la demanderesse a informé la défenderesse qu’elle considérait le dossier clos et qu’elle ne comptait pas répondre officiellement ni fournir l’information demandée. La défenderesse a demandé à la CCDP d’exercer son pouvoir discrétionnaire de traiter la plainte.

[20]           En octobre 2012, la CCDP a écrit à la demanderesse pour l’informer des points suivants : 1) la défenderesse s’était de nouveau adressée à la CCDP pour réactiver la plainte; 2) l’affaire serait de nouveau soumise à la CCDP pour qu’elle décide s’il fallait aller de l’avant avec la plainte en vertu de l’article 41 de la LCDP; 3) la CCDP a invité la SCP à donner sa position sur les questions à trancher; 4) la CCDP a joint des renseignements sur les facteurs qu’elle examinerait pour rendre sa décision. La CCDP a de plus indiqué qu’elle ne traiterait pas de l’essence de la plainte à ce moment, et qu’elle limiterait plutôt son examen aux questions soulevées en vertu du paragraphe 41(1), et plus particulièrement en référence aux alinéas 41(1)a) et 41(1)d).

[21]           La CCDP a reçu les observations des parties et publié le rapport fondé sur les articles 41 et 49, en concluant que la plainte nécessitait une enquête plus approfondie. Le rapport indiquait que la plainte n’était pas frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi et que la CCDP devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de traiter la plainte et de ne pas la soumettre à une autre procédure. Le rapport indiquait de plus qu’il ne serait pas dans l’intérêt public que la CCDP mène une enquête plus approfondie pour les raisons suivantes : 1) il y avait suffisamment de renseignements pour justifier un renvoi au Tribunal; 2) il s’était écoulé beaucoup de temps depuis le dépôt de la plainte; 3) il était dans l’intérêt public que le Tribunal traite des allégations de discrimination systémique touchant plus de 6 000 employés et nécessitant une preuve d’expert; 4) toutes les questions justifiaient une enquête complète, et le Tribunal était l’instance la mieux indiquée pour mener cette enquête, plutôt que la CCDP.

[22]           En fonction des conclusions mentionnées ci-dessus, on recommandait dans le rapport que la CCDP : 1) traite les allégations soulevées par la plainte pour la période comprise entre le dépôt de la plainte et le 20 mars 1997; 2) demande au Tribunal d’instituer une enquête relative à la plainte conformément au paragraphe 49(1) de la LCDP.

[23]           Après avoir reçu les observations des parties à propos du rapport fondé sur les articles 41 et 49, le président par intérim de la CCDP en a adopté les recommandations. En raison de son adoption par la CCDP, ce rapport est devenu les motifs de la CCDP (Canada (Procureur général) c. Davis, 2009 CF 1104, au paragraphe 52, 356 FTR 258 [Davis CF]).

III.             Dispositions législatives pertinentes

[24]           Les extraits pertinents de la LCDP sont reproduits à l’annexe A des présents motifs pour en faciliter la consultation.

IV.             Questions en litige

[25]           La présente demande soulève les questions suivantes :

A.            Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale?

B.            La décision de la CCDP était-elle raisonnable? Cette question nécessite l’examen des sous-questions suivantes :

1.               La décision de traiter la plainte était-elle raisonnable?

2.             Si la décision de traiter la plainte était raisonnable, était-il également raisonnable de renvoyer la plainte directement au Tribunal?

V.                Norme de contrôle

[26]           En ce qui concerne l’interprétation par la CCDP de sa loi constitutive, de même que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, c’est la norme de la décision raisonnable qui sera appliquée. Les questions relatives à l’équité procédurale seront examinées selon la norme de la décision correcte.

[27]           La CCDP n’est pas un organisme décisionnel. Ce rôle est réservé au Tribunal constitué en vertu de la LCDP (Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854, au paragraphe 53, 140 DLR (4th) 193). La CCDP est plutôt chargée de procéder à l’examen préalable des plaintes et de faire enquête sur les plaintes. C’est elle qui détermine si une plainte en particulier devrait être examinée par le Tribunal. Il a été déterminé que son rôle englobait ce qui suit : 1) une fonction administrative et d’examen préalable en ce qui concerne les plaintes liées à des pratiques discriminatoires; 2) l’acceptation, la gestion et le traitement de ces plaintes; 3) lorsqu’un plaignant doit être renvoyé à un tribunal des droits de la personne, une fonction d’examen préalable similaire à celle d’un juge dans une enquête préliminaire. Lorsqu’elle examine une décision de la CCDP, la Cour peut uniquement établir si la décision de la Commission, exerçant ses fonctions « d’examen préalable », était raisonnable (O’Grady c. Bell Canada, 2012 CF 1448, aux paragraphes 37 et 38, 423 FTR 18).

[28]           L’interprétation faite par la CCDP du paragraphe 41(1) de sa loi constitutive, et les décisions de la CCDP rendues en vertu de cette disposition, sont examinées en fonction de la norme de la décision raisonnable, sauf pour les exceptions définies dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; (Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 174, aux paragraphes 28 et 29, 475 NR 232 [NAV Canada]). Aucune exception de ce type ne s’applique en l’espèce.

[29]           La décision de la CCDP de renvoyer une plainte au Tribunal pour qu’une décision soit rendue sur le fond en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP est également une décision discrétionnaire qui commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), [2012] 1 RCS 364, au paragraphe 43 [Halifax], le juge Cromwell, dans un jugement unanime de la Cour suprême du Canada, a écrit que « [l]e tribunal de révision doit, dans sa démarche, manifester le degré de déférence voulu envers le tribunal administratif tant à l’égard de la décision au fond que de la procédure en cours ». Appliquant ce principe, le juge Cromwell a affirmé, au paragraphe 45, que « le tribunal de révision doit se demander si la loi ou la preuve offrait un fondement raisonnable à la décision de la Commission de renvoyer la plainte à une commission d’enquête ». Cela reflète bien la réticence judiciaire à intervenir dans des procédures administratives en cours (Halifax, aux paragraphes 49 à 52).

[30]           Lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée, l’affaire doit être examinée selon la norme de la décision correcte. Des préoccupations relatives à l’équité procédurale peuvent survenir lorsqu’il est allégué que la CCDP a omis d’examiner les observations d’une partie (Musée Canadien des Civilisations c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2014 CF 247, au paragraphe 40, 450 FTR 161 [Musée canadien des civilisations]). Toutefois, dans le contexte du paragraphe 41(1) de la LCDP : « L’équité procédurale requiert que les parties soient informées de l’essentiel de la preuve qui a été obtenue par l’enquêteur et qui sera déposée devant la Commission et que les parties aient la possibilité de réagir à cette preuve et de faire toutes les observations s’y rapportant » (Deschênes c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1126, au paragraphe 10).

VI.             Analyse

A.                Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale?

[31]           En préparant son rapport, la CCDP a entrepris un examen de la plainte en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP avant de faire des recommandations à la CCDP. Durant cet examen, la CCDP a interrogé M. Petersen relativement à l’analyse de l’écart salarial qu’il avait effectuée conformément au protocole d’entente de 1997. Le rapport indique que M. Petersen a fait les déclarations suivantes :

  1. Le protocole d’entente de 1997 montrait que les parties étaient au courant d’un problème en matière de parité salariale jusqu’à cette date.
  2. Le problème en matière de parité salariale a été traité en faisant avancer la plainte; toutefois, le protocole d’entente de 1997 ne contenait rien sur le traitement ou le règlement des allégations de disparité salariale ayant mené à son adoption.
  3. Bien que les parties aient adopté des points de vue divergents à savoir si le rapport Petersen était final, M. Petersen a confirmé que son rapport était final.
  4. Sur la question de la composition hommes-femmes des différents groupes, M. Petersen a expliqué ce qui suit :

[traduction
[I]l était déjà établi/reconnu par les parties que le STTP était à prédominance masculine alors que l’ACMPA était à prédominance féminine. Ainsi, aucune des parties n’affirmait que le groupe plaignant n’était pas à prédominance féminine ou que le groupe de comparaison n’était pas à prédominance masculine; les parties acceptaient le fait que le groupe plaignant était surtout constitué de femmes et que le groupe de comparaison était surtout constitué d’hommes. C’est pourquoi cette étude ne comportait pas d’analyse de la répartition hommes-femmes, et s’intéressait plutôt directement à la question de savoir s’il existait un écart salarial en utilisant le plan d’évaluation des emplois de l’ACMPA afin de mesurer le groupe plaignant et le groupe de comparaison (le groupe P-O4).

[32]           La demanderesse affirme que l’auteur du rapport [traduction] « a, par erreur, compris que M. Petersen voulait dire que les parties acceptaient le fait que le groupe de comparaison PO‑4 était à prédominance masculine ». La demanderesse affirme de plus que l’enquêteur, dans son rapport, a omis de prendre en considération le fait que l’analyse de l’écart salarial effectuée par M. Petersen n’établissait pas un écart salarial avec le groupe PO, le groupe de comparaison indiqué dans la plainte.

[33]           L’avocat de la demanderesse a fourni ses observations à la CCDP, dans lesquelles il affirme que, selon la demanderesse, les déclarations de M. Petersen ont été mal comprises dans le rapport fondé sur les articles 41 et 49, soulignant que [traduction] « [l]’analyse de M. Petersen a été réalisée en utilisant un groupe à prédominance féminine (les plaignants) et un groupe neutre ou à prédominance féminine (le groupe PO-4). Ainsi, l’analyse ne montre aucun indice de partialité fondée sur le sexe ». Par conséquent, on ne pouvait se fonder sur le rapport Petersen pour conclure qu’il existait un écart salarial entre l’ACMPA et le groupe de comparaison PO, conformément aux allégations contenues dans la plainte. La demanderesse a de plus affirmé qu’aucun renseignement ne montrait que les membres du groupe PO, à l’extérieur du sous-groupe PO-4, effectuaient un travail comparable à celui des membres de l’ACMPA.

[34]           La demanderesse affirme que la CCDP était dans l’obligation de traiter les observations qu’elle lui avait présentées lorsqu’elle a adopté le rapport. La demanderesse affirme que le fait que la CCDP ait omis de le faire rend ses motifs déficients et [traduction] « constitue une violation des principes de justice fondamentale ». La demanderesse cite des jugements qui, elle le reconnaît, concernent des situations où la décision de la CCDP s’est traduite par le rejet de la plainte et par la tenue d’une enquête (Egan c. Canada (Procureur général), 2008 CF 649, 341 FTR 1; Dupuis c. Canada (Procureur général), 2010 CF 511, 368 FTR 269; Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada, 2005 CF 1297, 279 FTR 242). Toutefois, la demanderesse affirme que [traduction] « il n’y a aucune raison expliquant pourquoi l’obligation d’examiner les observations présentées concernant des omissions et des erreurs substantielles ne s’appliquerait pas à l’étape du rapport prévu aux articles 41 et 49 », dans le contexte d’un renvoi.

[35]           Je ne saurais être d’accord. Même si la question que soulève la demanderesse en est une d’équité procédurale, le contenu de l’obligation d’équité procédurale est moindre dans le cas d’une décision de renvoi que dans le cas d’une décision de rejet, et la CCDP a satisfait à cette obligation en l’espèce.

[36]           Je commence par l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], dans lequel la juge L’Heureux-Dubé a réaffirmé que le contenu de l’obligation d’équité procédurale varie en fonction du contexte de l’affaire. La juge L’Heureux-Dubé a énuméré cinq facteurs non exhaustifs pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif; 3) l’importance de la décision pour les personnes visées; 4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; 5) « les choix de procédure que l’organisme fait lui-même » (Baker, aux paragraphes 23 à 27). La liste de l’arrêt Baker est non exhaustive et est fondée sur le « principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision » (Baker, au paragraphe 28).

[37]           La jurisprudence sur la CCDP tient compte des facteurs de l’arrêt Baker et établit une distinction entre le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans les situations où la CCDP rejette une plainte et le contenu de cette obligation lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, une plainte est renvoyée à l’étape suivante du processus. Le renvoi par la CCDP d’une plainte au Tribunal ne constitue pas une décision finale relative à la plainte et l’obligation qu’a la CCDP de donner ses motifs est moins onéreuse que lorsque la décision entraîne le rejet d’une plainte (Davis CF, aux paragraphes 56 et 57). 

[38]           Dans Canada (Procureur général) c. Davis, 2010 CAF 134, 403 NR 355, la juge Layden‑Stevenson, dans un jugement unanime de la Cour d’appel fédérale, affirme aux paragraphes 5 à 7 :

[5]        La Cour a affirmé à maintes reprises que la Commission jouit d’une latitude considérable dans l’exécution de sa fonction d’examen lors de la réception d’un rapport d’enquête et que les tribunaux ne doivent pas intervenir à la légère dans les décisions qu’elle prend à cette étape. Voir : Bastide et al. c. Société canadienne des postes, 2006 CAF 318, 365 N.R. 136 (renvois à la jurisprudence omis), autorisation de pourvoi refusée, [2006] C.S.C.R. no 466.

[6]        La Commission doit se conformer aux principes de justice naturelle. Cette obligation signifie que le rapport d’enquête sur lequel elle se fonde doit être neutre et complet et qu’elle doit donner aux parties la possibilité d’y répondre : Sketchley c. Canada (Procureur général), (C.A.F.), [2006] 3 F.C.R. 392, appliquant l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[7]        Bien que nous ne souscrivions pas à l’ensemble des motifs du jugement du juge de première instance, nous estimons qu’il a tiré la conclusion appropriée en se fondant sur la preuve dont il était saisi. Le dossier révèle l’existence d’un véritable débat : la position de chacune des parties est étayée par une preuve crédible qui, en y prêtant foi, permettrait de trancher l’affaire.

[39]           Ainsi, même lorsque la question en est une d’équité procédurale, la Cour accorde une certaine latitude à la CCDP dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable. L’obligation de la CCDP est d’offrir un processus équitable dans le contexte de la décision à rendre.

[40]           La demanderesse s’appuie sur la décision Herbert c. Canada (Procureur général), 2008 CF 969, 169 ACWS (3d) 393 [Herbert], dans laquelle le juge Russel Zinn a conclu que le fait que la CCDP ait omis de prendre en considération les observations d’un plaignant, selon lesquelles le rapport d’enquête contenait des omissions importantes et substantielles, constituait une erreur susceptible de révision. Toutefois, la décision de la CCDP dans Herbert avait trait à l’examen préalable de la plainte, qui, selon le juge Zinn, « a des conséquences très importantes pour un plaignant, car très souvent, il n’aura aucun autre recours contre la prétendue discrimination » (Herbert, aux paragraphes 17, 26 et 30). La présente instance se distingue. En l’espèce, la décision de la CCDP autorise le plaignant à passer à l’étape suivante.

[41]           De plus, le régime législatif appuie la proposition selon laquelle le contenu de l’obligation d’équité procédurale, en ce qui concerne l’obligation pour la CCDP de donner des motifs, diffère selon le contexte. Le paragraphe 42(1) de la LCDP énonce que la CCDP « motive par écrit sa décision » auprès du plaignant dans les cas où elle décide de ne pas traiter la plainte. Des dispositions semblables sont prévues en vertu des paragraphes 17(4) et 18(3) de la LCDP. Toutefois, aucune disposition de ce genre n’est prévue lorsque la CCDP décide de traiter une plainte et de renvoyer l’affaire au Tribunal en vertu du paragraphe 49(1). Ainsi, la CCDP a l’obligation légale explicite de donner ses motifs dans le cas où elle décide de rejeter une plainte, mais elle n’a pas cette obligation lorsqu’elle décide de traiter une plainte ou de renvoyer une plainte au Tribunal pour une enquête.

[42]           Même s’il aurait été préférable que la CCDP tienne compte expressément des observations de la demanderesse, le fait qu’elle ait omis de le faire n’équivaut pas à un manquement à l’équité procédurale dans les circonstances. En l’espèce, la CCDP a offert aux parties la possibilité d’examiner le rapport sur lequel elle s’appuyait et d’y répondre, et a fourni les motifs de sa décision. À cet égard, je suis d’accord avec la défenderesse; la question que soulève la demanderesse n’en est pas une d’équité procédurale, mais concerne plutôt la teneur de la décision de la CCDP, susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 22 [Newfoundland Nurses]). La vraie question que soulève la demanderesse concerne le bien-fondé des motifs de la CCDP. Dans l’analyse du caractère raisonnable d’une décision, le bien-fondé des motifs ne constitue pas un motif indépendant pour annuler une décision (Newfoundland Nurses, au paragraphe 14). La question à laquelle il faut répondre est la suivante : les motifs permettent-ils « à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16)?

[43]           Même si je me trompe, et que le fait d’omettre de tenir explicitement compte des observations de la demanderesse engage une question d’équité procédurale, aucun manquement à l’équité procédurale n’a eu lieu en l’espèce. La CCDP a fourni ses motifs, et « l’enquête[ur] n’est pas ten[u] de tout mentionner » (Bergeron c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, au paragraphe 76, 255 ACWS (3d) 955 [Bergeron]).

[44]           Il est vrai que dans l’arrêt Bergeron, le juge Stratas, dans un jugement unanime de la Cour d’appel fédérale, a conclu au paragraphe 67 que : « [l]e droit n’est pas encore fixé en ce qui concerne la norme de contrôle à appliquer aux questions d’équité procédurale ». Toutefois, l’arrêt Bergeron se distingue du cas en l’espèce pour la même raison que les causes précitées; dans Bergeron, la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour, soit que la norme de la décision correcte s’applique également, survient dans un contexte de rejet d’une plainte et non de renvoi.

[45]           Je conclus que la CCDP s’est acquittée de ses obligations d’équité procédurale en offrant aux parties la possibilité de fournir leurs observations, sur le rapport lui-même, avant sa publication, et en fournissant les motifs de sa décision. Comme la décision de la CCDP était une décision de renvoi rendue en vertu du paragraphe 49(1), sans que soit menée l’enquête prévue au paragraphe 43(1) de la LCDP, cette décision ne constitue pas une décision finale sur le bien‑fondé de la plainte.

B.                 La décision de la CCDP était-elle raisonnable?

[46]           Je me penche ensuite sur le caractère raisonnable de la décision de la CCDP de : 1) traiter la plainte en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP; 2) renvoyer l’affaire directement au Tribunal en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP, sans autre enquête. Il existe souvent un certain chevauchement entre ces deux domaines, puisque la CCDP s’en remet souvent au même fondement factuel pour étayer ses conclusions en lien avec deux décisions distinctes. 

[47]           Je conclus que le droit et la preuve fournissaient un fondement raisonnable à la CCDP lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas évident et manifeste que la réactivation de la plainte était frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP, ou qu’un autre recours devrait être utilisé aux termes de l’alinéa 41(1)a). Je conclus également qu’il était raisonnable pour la CCDP de renvoyer la plainte au Tribunal en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP sans autre enquête.

(1)      La décision de traiter la plainte était-elle raisonnable?

a)                  Le critère du caractère évident et manifeste

[48]           La décision Société canadienne des postes CF est souvent citée comme établissant le critère que doit appliquer la CCDP dans le contexte du paragraphe 41(1) de la LCDP. Le juge Rothstein a conclu ce qui suit au paragraphe 3 :

[3]        La décision que la Commission rend en vertu de l’article 41 intervient normalement dès les premières étapes, avant l’ouverture d’une enquête. Comme la décision de déclarer la plainte irrecevable clôt le dossier sommairement avant que la plainte ne fasse l’objet d’une enquête, la Commission ne devrait déclarer une plainte irrecevable à cette étape que dans les cas les plus évidents. Le traitement des plaintes en temps opportun justifie également cette façon de procéder. Une analyse fouillée de la plainte à cette étape fait, dans une certaine mesure du moins, double emploi avec l’enquête qui doit par la suite être menée. Une analyse qui prend beaucoup de temps retardera le traitement de la plainte lorsque la Commission décide de statuer sur la plainte. S’il n’est pas évident à ses yeux que la plainte relève d’un des motifs d’irrecevabilité énumérés à l’article 41, la Commission devrait promptement statuer sur elle.

[49]           Le critère du caractère évident et manifeste exige que « les allégations de fait qui étaient articulées dans la plainte doivent être présumées vraies » (Keith c. Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, aux paragraphes 50 et 51, 431 NR 121). De la même façon, quand elle applique le critère du caractère manifeste et évident, la CCDP ne s’engage pas dans une appréciation de la preuve (NAV Canada, aux paragraphes 34 à 37).  La norme à respecter pour satisfaire au critère du caractère évident et manifeste est exigeante (Musée canadien des civilisations, au paragraphe 64).

[50]           Comme l’a souligné la juge Kane, « la Commission s’attache à déterminer si elle dispose de suffisamment d’éléments de preuve pour renvoyer la plainte à un examen plus approfondi. Il n’appartient pas à la Commission à l’étape visée aux articles 40 et 41 d’aller au-delà des faits et de déterminer si le bien-fondé de la plainte a été établi. » (Khapar c. Air Canada, 2014 CF 138, au paragraphe 64, 449 FTR 1).

[51]           En l’espèce, la CCDP a conclu de façon raisonnable qu’aucune des exceptions indiquées au paragraphe 41(1) ne s’appliquait dans le cas de la réactivation de la plainte et que, par conséquent, elle ne devait pas être écartée du revers de la main.

b)                  Discrimination alléguée

[52]           La demanderesse ne conteste pas l’idée que les allégations de fait présentées dans la plainte doivent être présumées vraies dans le contexte du paragraphe 41(1). Toutefois, la demanderesse affirme en l’espèce que les allégations concernant 1) l’existence d’un écart salarial entre le groupe plaignant et le groupe de comparaison et 2) le fait que le groupe de comparaison soit à prédominance masculine ne sont rien de plus que de simples affirmations. La demanderesse affirme que la CCDP ne peut s’appuyer sur de simples affirmations pour décider de traiter la plainte.

[53]           Bien que la CCDP puisse rejeter une plainte parce qu’elle ne contient que de simples affirmations ou allégations, la Cour d’appel fédérale a soulevé une mise en garde et indiqué que la CCDP devrait s’abstenir de le faire quand le dossier montre l’existence d’un véritable conflit entre les parties (McIlvenna c. La banque de Nouvelle-Écosse, 2014 CAF 203, aux paragraphes 14 à 16, 466 NR 195). Le rôle de la CCDP lorsqu’elle mène l’analyse prévue au paragraphe 41(1) n’est pas de se préoccuper de différends concernant la preuve, mais de se pencher sur le bien-fondé de la plainte. Lorsque la CCDP s’engage dans un examen d’observations factuelles contradictoires à l’étape de l’analyse prévue à l’article 41, elle agit de manière déraisonnable (NAV Canada, aux paragraphes 38, 74 et 75).

[54]           En l’espèce, la défenderesse a non seulement allégué l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe et prenant la forme d’une disparité salariale, mais elle a aussi présenté des faits substantiels étayant la discrimination alléguée. Ces faits substantiels incluent : 1) la conclusion du rapport Petersen selon laquelle il existait un écart salarial entre le groupe plaignant défendeur et le sous-groupe PO-4; 2) la décision rendue dans AFPC CAF, selon laquelle le groupe PO, le groupe de comparaison nommé dans la plainte, était à prédominance masculine; 3) le « conflit véritable » de longue date entre les parties.

[55]           Le rapport reconnaissait que les parties avaient adopté des positions substantiellement différentes concernant la façon d’interpréter ces faits et la question de savoir s’ils étayaient ou non les allégations de discrimination de la défenderesse. Toutefois, ces faits, acceptés tels quels, établissent de façon raisonnable un lien avec la conduite discriminatoire alléguée pour les besoins de la CCDP. Il ne s’agit pas d’une affaire où le plaignant a simplement affirmé qu’un tel lien existait (Love c. Commissariat à la protection de la vie privée du Canada), 2014 CF 643, au paragraphe 69, 459 FTR 11). Il était raisonnable pour la CCDP de conclure en fonction du dossier dont elle disposait qu’il n’était pas manifeste ni évident qu’il n’y avait pas de fondement raisonnable à la plainte ou que la plainte avait été réglée.

c)                  Plainte frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi

[56]           De la même façon, il était raisonnable pour la CCDP de conclure qu’il n’était pas manifeste ni évident que la requête de la demanderesse concernant la réactivation de la plainte était frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi, au sens de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP.

[57]           Selon la défenderesse, le protocole d’entente de 1997 n’a pas été entièrement mis en œuvre, et le rapport Petersen n’a pas permis de faciliter un règlement des disparités à cet égard. Ni le protocole d’entente de 1997, ni le protocole d’entente de 2006 n’étaient censés s’attaquer rétrospectivement aux problèmes en matière de parité salariale. À ce titre, ils n’abordaient pas la question de la parité salariale entre le 1er septembre 1992 et le 20 mars 1997, date à laquelle le protocole d’entente de 1997 commençait à s’appliquer. 

[58]           La CCDP a également conclu qu’une bonne partie des délais encourus dans le traitement de la plainte était attribuable à la demanderesse, notamment en raison des refus répétés de fournir à la CCDP et à la défenderesse les renseignements pertinents demandés. J’aborderai ces questions plus en détail dans la partie portant sur les délais ci-dessous.

[59]           La CCDP a également pris en considération la décision de la défenderesse d’attendre le jugement de la Cour suprême du Canada dans AFPC CSC avant de demander la réactivation de la plainte, décision que la demanderesse a remise en question devant la CCDP. Dans sa lettre de novembre 2009 adressée à la CCDP, la défenderesse a indiqué qu’il semblait à première vue que la plainte devrait être réactivée. La défenderesse a ensuite exprimé sa préférence d’attendre la décision de la Cour d’appel fédérale dans AFPC, si la CCDP le permettait. En réponse, non seulement la CCDP ne s’est-elle pas opposée à ce nouveau délai dans la réactivation de la plainte, mais elle a laissé entièrement dans les mains de la défenderesse le soin de fixer la date de cette réactivation. Même si la CCDP aurait bien pu adopter une approche plus proactive concernant la possibilité de réactivation, le fait qu’elle ait omis de le faire ne sape pas sa conclusion selon laquelle [traduction] « il n’est pas manifeste et évident que la décision de la plaignante d’attendre la conclusion du litige dans AFPC rendait sa demande de réactivation de la plainte entachée de mauvaise foi, étant donné les importants parallèles entre AFCP et la présente plainte ».

[60]           Enfin, comme il est souligné plus haut, la CCDP a également reconnu le différend en cours entre les parties quant à ce que représentait le rapport Petersen concernant les questions d’écart salarial avec le groupe de comparaison et de prédominance masculine. En résumé, et sans évaluer le bien-fondé des positions respectives des parties, la CCDP a reconnu que le rapport Petersen et les protocoles d’entente de 1997 et de 2006 n’avaient pas réussi à faciliter le règlement de la plainte. C’était là la principale conclusion à retenir dans le contexte du paragraphe 41(1), conclusion que la CCDP a comprise et appréciée. L’évaluation du bien-fondé des positions respectives des parties a été laissée aux soins du Tribunal.

d)                 Mauvaise appréciation des éléments de preuve et des observations de la demanderesse

[61]           La demanderesse avance deux arguments relativement aux conclusions de fond de la CCDP en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP. La demanderesse affirme que la CCDP a commis une erreur en adoptant le rapport sans faire référence aux observations de la demanderesse selon lesquelles le rapport contient une mauvaise interprétation du témoignage de M. Petersen. La demanderesse avance d’ailleurs que [traduction] « il n’y a simplement pas suffisamment de renseignements pour fournir des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu violation de l’article 10 ou 11 de la LCDP ».

(i)                 Est-ce que le rapport contient une mauvaise interprétation du témoignage de M. Petersen?

[62]           Je conclus qu’il n’y avait aucune erreur dans l’interprétation du témoignage de M. Petersen incluse dans le rapport. Toutefois, même si je me trompe en tirant cette conclusion, une telle erreur ne rendait pas la décision déraisonnable.

[63]           L’erreur dont fait mention la demanderesse apparaît dans l’extrait suivant du rapport [l’extrait] :

[traduction
M. Petersen a expliqué qu’il était déjà établi/reconnu par les parties que le STTP était à prédominance masculine alors que l’ACMPA était à prédominance féminine. Ainsi, aucune des parties n’affirmait que le groupe plaignant n’était pas à prédominance féminine ou que le groupe de comparaison n’était pas à prédominance masculine; les parties acceptaient le fait que le groupe plaignant était surtout constitué de femmes et que le groupe de comparaison était surtout constitué d’hommes. C’est pourquoi cette étude ne comportait pas d’analyse de la répartition hommes‑femmes, et s’intéressait plutôt directement à la question de savoir s’il existait un écart salarial en utilisant le plan d’évaluation des emplois de l’ACMPA afin de mesurer le groupe plaignant et le groupe de comparaison (le groupe P-O4).

[64]           S’appuyant sur l’affidavit de M. Petersen, la demanderesse affirme que M. Petersen n’a pas informé la CCDP que les parties avaient accepté le fait que le sous-groupe PO-4 était à prédominance masculine. Or, ce n’est pas ce que dit l’extrait. L’extrait indique que les parties reconnaissaient que le STTP était à prédominance masculine. Même si cette affirmation pourrait sembler ambiguë dans un contexte où il n’est pas clair si la référence au STTP est une référence au sous-groupe PO-4 ou au groupe PO, nommé comme groupe de comparaison dans la plainte, ou au STTP dans son ensemble, elle n’est pas nécessairement contraire aux déclarations par affidavit de M. Petersen. Elle est mise en évidence dans le contre-interrogatoire de M. Petersen où il affirme ce qui suit :

[traduction
28. Q.  Est-il juste de dire qu’à un certain moment au début de 1998, vous avez reçu une indication selon laquelle le STTP était à prédominance masculine?

R. Je ne dirais pas que c’était vrai. Pour autant que je m’en souvienne, la question de la prédominance masculine n’a pas vraiment été soulevée. À l’époque, nous avions le sentiment de faire cela parce que le STTP était à prédominance masculine. C’était le sentiment qui dominait. Il n’y avait pas de chiffres.

[Non souligné dans l’original]

[65]           Ainsi, je conclus que le rapport ne contenait pas une fausse interprétation du témoignage de M. Petersen.

[66]           Même si je devais accepter que la CCDP a interprété de manière erronée les paroles de M. Petersen comme si elles signifiaient que les parties convenaient que les postes PO-4 étaient à prédominance masculine, cette erreur alléguée et cette mauvaise interprétation d’une partie du rapport n’entachent pas l’ensemble de l’analyse contenue dans le rapport et ne rendent pas la décision finale de la CCDP déraisonnable.

[67]           La décision en application du paragraphe 49(1) montre que la CCDP a compris sans l’ombre d’un doute que les parties continuaient à contester les conclusions du rapport Petersen et la question de savoir si le groupe de comparaison de la plainte, le groupe PO, était ou non à prédominance masculine. La CCDP a également compris que les parties avaient convenu de ne pas demander à M. Petersen d’aborder la question de la prédominance d’un sexe dans son analyse de l’écart salarial. En effet, le rapport ne fonde pas sa conclusion sur l’hypothèse erronée que les parties s’entendaient pour dire que le groupe PO de comparaison ou le sous-groupe PO-4 était à prédominance masculine; on prend plutôt en considération, entre autres facteurs, que les parties pouvaient convenir que le groupe de comparaison était à prédominance masculine. En fait, la CCDP a pris bien soin de choisir ses mots en disant [traduction] « les parties pourraient maintenant convenir », compte tenu de l’historique de cette affaire. Enfin, la CCDP n’a pas tenté de rapprocher les différentes positions des parties ou d’examiner le bien-fondé des éléments de preuve et de rendre une décision finale selon laquelle les éléments d’une plainte déposée en application de l’article 10 ou 11 étaient établis. La CCDP s’est plutôt appuyée sur le rapport Petersen, entre autres facteurs, pour décider de ne pas rejeter la plainte à l’étape de l’analyse prévue au paragraphe 41(1) et de renvoyer la plainte au Tribunal en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP.

[68]           Je remarque également que l’erreur alléguée n’est pas reproduite dans la décision de la CCDP. L’omission de la partie du rapport, qui, selon les allégations de la demanderesse, contenait une erreur, prouve, pourrait-on le soutenir, que la CCDP n’a pas considéré la question comme étant nécessaire au résultat de sa décision finale. Cette absence dans la décision de la CCDP signifie que la CCDP a tenu compte des observations de la demanderesse à propos de l’erreur alléguée dans le rapport, et ne s’est pas appuyée sur cet élément; elle s’est plutôt concentrée sur la vraie question : le rapport Petersen n’a pas réussi à obtenir le résultat qu’il était supposé obtenir, soit faciliter un règlement de l’affaire.

[69]           Il ne serait pas approprié d’annuler la décision de la CCDP simplement en raison de certains vices de forme dans la plainte ou dans le rapport Petersen, qui, la CCDP l’a reconnu, font l’objet d’un différend que le Tribunal devra trancher en s’appuyant sur un dossier plus complet (Emmett, au paragraphe 51; Canada (Procureur général) c. Skaalrud, 2014 CF 819, au paragraphe 39, 462 FTR 134 [Skaalrud]).

(ii)               Est-ce que la CCDP a commis une erreur en n’examinant pas de manière explicite les observations de la demanderesse?

[70]           La demanderesse affirme ce qui suit : [traduction] « Étant donné l’importance des observations de la SCP à propos du rapport fondé sur les articles 41 et 49, la SCP avait droit à des motifs détaillés en sus de l’adoption du rapport fondé sur les articles 41 et 49. »

[71]           Les attentes de la demanderesse, selon lesquelles la CCDP aurait dû fournir d’autres motifs faisant référence aux observations de la demanderesse, ne sont pas convaincantes et ne constituent pas à elles seules un motif pour demander un contrôle judiciaire (Newfoundland Nurses, au paragraphe 14). En effet, la demanderesse affirme que la CCDP avait l’obligation d’examiner le bien-fondé du différend entre les parties et de résoudre certains aspects du différend factuel avant de pouvoir adopter le rapport.

[72]           La décision rendue par le juge Campbell dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Casler, 2015 CF 704, au paragraphe 28 [Casler], montre que  la CCDP ne doit pas faire obstacle au processus du Tribunal et assumer en fait un rôle décisionnel en cherchant à résoudre un différend entre les parties. La CCDP s’intéresse à la question de savoir si la preuve est suffisante pour déférer la plainte au Tribunal, sans s’employer à régler un différend sur des conclusions de fait (Casler, au paragraphe 29).

[73]           Le juge Roy exprime le même point de vue au paragraphe 29 de la décision Skaalrud, où il souligne dans le contexte du paragraphe 49(1) que « [l]a Commission a un rôle fort limité, mais elle jouit d’un pouvoir discrétionnaire très vaste. Il faut faire preuve de prudence et revenir à la nature exacte de sa mission. La Commission ne fait que décider, à l’égard d’une plainte, “compte tenu des circonstances relatives à celle‑ci” si “l’instruction est justifiée” ».

[74]           Ce raisonnement s’applique en l’espèce. La demanderesse aura l’occasion, avant que l’affaire ne soit devant le Tribunal, de présenter ses arguments relativement à l’interprétation, à la suffisance et à l’importance de la preuve; ce n’est pas une question qui relève de la CCDP (Emmett, au paragraphe 52).

e)                  Défaut d’épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs

[75]           Une fois encore, la CCDP a entrepris un examen exhaustif de l’historique de la plainte et des positions défendues par les parties. Elle a conclu qu’il n’était pas clair que le processus de règlement des griefs pouvait être utilisé pour traiter une plainte remontant à 1992. Elle souligne en outre qu’elle dispose du pouvoir discrétionnaire de refuser de renvoyer les parties à un processus de négociation collective (Bell Canada c. Syndicat Canadien des Communications, de l’Énergie et du Papier, [1998] ACF no 1609, au paragraphe 51, 167 DLR (4th) 432 (CA)).

[76]           Il est évident que l’historique de la plainte et les difficultés vécues par la CCDP pour obtenir des renseignements clés ont eu un rôle à jouer dans la décision rendue en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la LCDP. La CCDP a noté ce qui suit :

[traduction
Tout au long de l’examen de la plainte, la Commission a été incapable d’obtenir les renseignements clés qui lui auraient permis de pousser l’enquête plus loin : entre 1992 et 2002, la Commission n’a pas été en mesure d’étudier pleinement le bien-fondé de la plainte, en partie parce qu’elle n’a pu obtenir les renseignements nécessaires sur les emplois pour effectuer une analyse de l’écart salarial (plans d’évaluation des emplois, répartition des employés dans les groupes visés et explications sur les écarts salariaux), malgré ses demandes répétées.

[77]           Une fois de plus, la CCDP était au courant des positions diamétralement opposées des parties concernant le rapport Petersen et elle a également reconnu que ce n’était pas son rôle, dans le contexte du paragraphe 41(1), d’examiner ces points de vue divergents. Elle a plutôt simplement reconnu que le rapport Petersen et les protocoles d’entente de 1997 et 2006 n’avaient pas permis le règlement du différend. Elle a pris en considération les circonstances entourant la plainte, notamment le nombre de personnes potentiellement touchées, les délais encourus et les ressources engagées, pour conclure que la CCDP devrait examiner la plainte. Cette décision était raisonnable.

(2)      La décision de renvoyer la plainte au Tribunal était-elle raisonnable?

[78]           Le paragraphe 49(1) est libellé ainsi : « La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances relatives à celle-ci, que l’instruction est justifiée. » Cette disposition donne à la CCDP un vaste pouvoir discrétionnaire (Halifax, au paragraphe 21; Skaalrud, aux paragraphes 23 et 24). En concluant qu’un renvoi au Tribunal était justifié en fonction des renseignements ou des éléments de preuve dont elle disposait, la CCDP a seulement déterminé que le Tribunal devait examiner et évaluer ces éléments de preuve et ces renseignements.

[79]           La loi et la preuve offraient un fondement raisonnable à la décision de la CCDP de renvoyer la plainte au Tribunal en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP (Halifax, au paragraphe 45).

[80]           Une fois encore, la CCDP a reconnu l’incapacité pour les parties de résoudre la plainte depuis plus de deux décennies, y compris avec l’assistance de la CCDP. La décision de la CCDP de renvoyer la plainte au Tribunal constitue une reconnaissance implicite de la futilité de conserver l’affaire au niveau de la CCDP. En effet, les longs délais qui, selon la CCDP, ne sont pas attribuables à la défenderesse, montraient que le règlement de la plainte ne surviendrait pas au niveau de la CCDP. Le différend de longue date entre les parties a fourni un contexte à la décision de renvoi rendue par la CCDP d’un point de vue factuel, juridique et politique. La CCDP a conclu de manière raisonnable qu’il était dans l’intérêt public de renvoyer l’affaire au Tribunal à la lumière des délais encourus.

[81]           Qui plus est, la CCDP a énuméré les faits suivants qui prouvent l’existence d’un réel conflit en matière de parité salariale et font ressortir le caractère raisonnable de la décision de renvoyer l’affaire au Tribunal :

A.       Personne ne semble contester le fait que l’ACMPA est un groupe à prédominance féminine.

B.       La CCDP a précédemment déterminé que le groupe plaignant et le groupe de comparaison font partie du même établissement, et la demanderesse n’a pas demandé une révision de cette décision.

C.       Le rapport Petersen contenait des éléments de preuve appuyant l’idée que le groupe plaignant et le groupe de comparaison effectuaient un travail de valeur égale ou similaire.

D.       Le rapport Petersen indiquait l’existence d’un écart salarial, et [traduction] « les éléments de preuve dont disposent actuellement la Commission laissent croire qu’un écart salarial existait avant la signature du protocole d’entente de 1997 entre le groupe plaignant et le groupe de comparaison ».

E.        En ce qui concerne la question de savoir si le groupe de comparaison est à prédominance masculine :

                                                     i.               Dans AFPC CAF, on peut lire au paragraphe 180 : « Il est acquis aux débats que tant le groupe PO dans son ensemble que chacun des trois sous‑groupes le composant satisfaisaient à la condition suivant laquelle ils devaient être composés majoritairement de membres de sexe masculin ».

                                                   ii.               La CCDP  a reconnu que la question de savoir si le groupe de comparaison (PO) était à prédominance masculine pouvait toujours faire l’objet d’un différend [traduction] « bien que les parties puissent maintenant convenir que M. Petersen ou l’arrêt AFPC ait réglé la question ».

[82]           La demanderesse s’est appuyée sur l’interprétation erronée alléguée qu’a faite la CCDP du rapport Petersen pour affirmer que l’allégation de discrimination déposée en vertu de l’article 10 ou 11 n’était rien de plus qu’une simple affirmation, question qui est abordée plus haut. La demanderesse a de plus affirmé qu’aucun renseignement ne permet de conclure qu’il existe un écart salarial entre le groupe PO et le groupe ACMPA. Je ne puis simplement pas en convenir. Les conclusions présentées plus haut montrent que la CCDP disposait de suffisamment de renseignements pour renvoyer ce différend en matière de parité salariale au Tribunal, en application du paragraphe 49(1) de la LCDP. Les motifs montrent que la CCDP comprenait que les parties continuaient d’être en désaccord, et que l’affaire devait être soumise au Tribunal pour qu’il tranche. Elle n’a pas renvoyé l’affaire devant le Tribunal en fonction de l’hypothèse que les groupes PO et PO-4 étaient à prédominance masculine, ou qu’il existait réellement un écart salarial, mais parce qu’il existait suffisamment de renseignements pour appuyer ces propositions. Cela était raisonnable.

[83]           La demanderesse affirme que [traduction] « la loi ou les faits n’offrent pas de fondement raisonnable à la décision de renvoyer la plainte au Tribunal ». Ce n’est tout simplement pas le cas. La CCDP s’est appuyée de façon raisonnable sur l’arrêt AFPC CAF pour conclure qu’il existait des éléments de preuve montrant que le groupe PO était à prédominance masculine. Selon le rapport Petersen, il existait des éléments de preuve d’un écart salarial entre le sous-groupe PO-4 et l’ACMPA. Le dossier contient des indications du refus constant de la demanderesse de fournir les renseignements pertinents à la CCDP ou à la défenderesse, renseignements qui auraient permis d’examiner plus en détail la question de l’écart salarial, malgré les demandes répétées en ce sens. Le dossier montre également la conclusion unilatérale adoptée par la demanderesse selon laquelle le protocole d’entente de 1997 et le protocole d’entente de 2006, ajoutés au rapport Petersen, avaient permis de régler la question. Il montre aussi que la demanderesse a par la suite refusé de traiter plus les questions en litige. La demanderesse ne peut simplement pas s’appuyer sur cette conclusion unilatérale selon laquelle la plainte a été réglée pour avancer que la décision était déraisonnable. À mon avis, les hésitations de la demanderesse à participer au processus d’établissement des faits renforcent le caractère raisonnable de la décision de la CCDP de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

[84]           La CCDP a également conclu de façon raisonnable qu’il était plus approprié que le Tribunal examine les questions en litige, puisqu’elles nécessitaient l’audition de témoins experts et d’autres éléments de preuve. La CCDP a reconnu que la plainte continuait de soulever des questions complexes qui opposent farouchement les parties et que le Tribunal était le mieux placé pour répondre à ces questions.

[85]           Dans ses observations, la demanderesse affirme qu’au lieu d’un renvoi au Tribunal, [traduction] « la Commission aurait dû, à tout le moins, renvoyer la plainte à l’étape de l’enquête afin de résoudre les questions soulevées par la Société dans ses observations à propos des déclarations de M. Petersen et de l’analyse de l’écart salarial »; l’avocat de la demanderesse a répété cette affirmation dans ses observations orales. Ce point de vue fait fi du dossier, qui montre les échecs répétés en vue de faire avancer la plainte, et laisse croire que le Tribunal n’examinera pas les allégations de la demanderesse. La CCDP a renvoyé l’affaire au Tribunal parce qu’elle était d’avis que le Tribunal était le mieux placé pour mener un complément d’enquête sur les questions factuelles et juridiques soulevées par la demanderesse dans ses observations.

[86]           Une fois que la CCDP avait pris la décision de traiter la plainte en vertu du paragraphe 41(1), il lui restait deux options. Elle pouvait renvoyer la plainte pour un complément d’enquête à l’étape de la CCDP, ou renvoyer l’affaire directement au Tribunal, comme elle l’a fait.

[87]           Même si la demanderesse peut être en désaccord avec l’option retenue par la CCDP en l’espèce, la décision discrétionnaire de la CCDP n’était pas déraisonnable. Les questions en litige sont complexes; il y a eu très peu de progrès concernant le règlement de la plainte au cours des deux dernières décennies, malgré le recours au processus de plainte de la CCDP, le processus de négociation collective et l’embauche d’un conciliateur. Plus de 6 000 personnes sont concernées par la discrimination alléguée. En outre, la CCDP a attribué en grande partie la responsabilité des délais dans l’examen de cette plainte à la demanderesse. La demanderesse a reconnu dans ses observations orales qu’elle avait pu sembler quelque peu intransigeante dans sa recherche d’un règlement significatif à la plainte, position que la demanderesse justifie par sa conclusion selon laquelle la plainte avait été réglée.

[88]           La demanderesse affirme que la jurisprudence établit qu’un renvoi au Tribunal sans enquête est exceptionnel. Pour appuyer sa thèse, la demanderesse s’en remet aux décisions de la Cour dans Association des pilotes d’Air Canada et Skaalrud, soulignant que dans ces deux décisions, il était plus approprié de renvoyer les affaires directement pour instruction, étant donné que des causes identiques soulevant des questions similaires au sujet des politiques du même employeur étaient déjà devant le Tribunal. Après avoir examiné les décisions citées, je ne trouve rien qui appuie le point de vue de la demanderesse, selon lequel la Cour a déjà considéré comme étant exceptionnel le fait que la CCDP exerce son pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 49(1). Au lieu de cela, le juge Roy, dans la décision Skaalrud, au paragraphe 23, souligne qu’il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la CCDP, dans l’exercice de son vaste pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire au Tribunal. De plus, même s’il ne s’agit pas en l’espèce d’une situation où des plaintes identiques sont déjà devant le Tribunal, la CCDP s’est appuyée, dans le cas en l’espèce, sur la conclusion avancée dans AFPC CAF, selon laquelle le groupe PO était à prédominance masculine, pour justifier le renvoi de l’affaire devant le Tribunal. En outre, même si un renvoi sans enquête en vertu du paragraphe 49(1) est exceptionnel, point de vue auquel je ne souscris pas, ce serait l’un de ces cas exceptionnels.

[89]           La demanderesse s’est également appuyée sur la décision de la Cour dans l’affaire Canada (Procureur Général) c. Grover, 2004 CF 704, 252 FTR 244 [Grover], dans laquelle le juge Harrington a conclu qu’un renvoi au Tribunal était déraisonnable. Toutefois, comme l’a souligné le juge Russell dans la décision Société du musée canadien des civilisations c. Alliance de la fonction publique du canada (Section locale 70396), 2006 CF 703, au paragraphe 69, 294 FTR 163, la décision Grover ne porte pas sur une décision rendue en vertu du paragraphe 49(1) de la LCDP, mais a plutôt trait à une décision rendue conformément au paragraphe 44(3) de la LCDP et se distingue donc de la présente affaire sur ce seul motif.

[90]           De plus, alors que la Cour conclut dans la décision Grover qu’il revenait à la CCDP de faire enquête relativement à la plainte avant de décider de la renvoyer au Tribunal ou de la rejeter, cette décision a été rendue dans le contexte de plusieurs plaintes reliées, où la CCDP a omis de se concentrer sur le seul bien-fondé de la plainte, s’en remettant plutôt aux enquêtes précédentes pour renvoyer la plainte au Tribunal. Aucune circonstance de ce type n’existe en l’espèce.

[91]           La jurisprudence, ajoutée aux circonstances factuelles, montre que la décision de la CCDP de ne pas s’engager dans une enquête, alors que les parties maintenaient des points de vue diamétralement opposés qui n’auraient fait que retarder un potentiel règlement de la plainte, était raisonnable. Les arguments de la demanderesse à cet égard ne traduisent rien de plus qu’un désaccord avec la décision. Un désaccord ne constitue pas un motif suffisant pour que la Cour intervienne (Dunsmuir, aux paragraphes 47 à 49).

VII.          Les délais, un fil conducteur tout au long du rapport

[92]           Comme nous l’avons souligné précédemment, les délais constituent un thème du rapport. La demanderesse a affirmé devant la CCDP que le long délai de vingt-trois ans constituait un motif pour rejeter la plainte : [traduction] « il est soutenu qu’en raison du délai important et du préjudice grave que subirait la Société, la plainte de 1992 doit être rejetée ».

[93]           La CCDP n’a pas été convaincue par les arguments de la demanderesse et a plutôt conclu que la question du long délai appuyait l’idée de traiter la plainte et de la renvoyer au Tribunal.

[94]           Concernant l’alinéa 41(1)d), on a conclu dans le rapport que la réactivation de la plainte n’était pas vexatoire en raison du long délai : [traduction] « La plaignante affirme que la défenderesse est responsable d’une bonne partie, voire la majeure partie des délais dans le traitement de la plainte. Un examen de l’historique du dossier semble appuyer la position de la plaignante. » La CCDP a fait état de nombreux incidents survenus entre le dépôt de la plainte et la décision de la CCDP de 2006 : 1) la CCDP aurait demandé les documents pertinents à la demanderesse, mais cette dernière aurait refusé de les lui fournir; 2) la demanderesse a refusé de participer au processus; 3) la demanderesse aurait simplement retardé sa réponse à la CCDP.

[95]           La CCDP a également souligné qu’aucune des deux parties n’a déposé de demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de 2006 dans laquelle elle refusait de traiter la plainte à ce moment, tout en laissant la possibilité à la défenderesse de demander de réactiver l’affaire.

[96]           De plus, la CCDP semble également avoir accepté les observations de la défenderesse selon lesquelles d’autres délais ont été encourus entre 2006 et 2012 en partie en raison des difficultés de la défenderesse à négocier avec la demanderesse, [traduction] « y compris en ce qui a trait à l’échange de renseignements ».

[97]           En fait, le dossier montre que la défenderesse a continué de chercher un règlement de la plainte entre 2006 et 2012, jusqu’à ce qu’elle demande à la CCDP de réactiver la plainte en 2012. Tout au long de cette période, le dossier montre également le peu de volonté de la part de la demanderesse de parler des questions en litige. En décembre 2011, après avoir à maintes reprises informé la défenderesse qu’il lui fallait plus de temps pour examiner les demandes de renseignements et y répondre, la demanderesse a avisé la défenderesse qu’elle considérait que le dossier était clos. Ce faisant, la demanderesse a également indiqué qu’elle ne fournirait pas à la défenderesse les renseignements qu’elle demandait depuis des années ou qu’elle ne répondrait pas officiellement aux demandes de la défenderesse.

[98]           La CCDP pouvait raisonnablement conclure que le délai était largement attribuable à la demanderesse. La demanderesse n’a pas affirmé ni devant la CCDP ni en contrôle judiciaire que la CCDP avait mal interprété les faits. Dans sa réponse au rapport, la demanderesse s’est plutôt fortement objectée à la conclusion de la CCDP selon laquelle [traduction] « le retard dans l’instruction de cette affaire est largement attribuable à la SCP parce qu’elle a refusé de fournir les renseignements nécessaires ». La demanderesse a plutôt souligné son droit de présenter une objection préliminaire et a affirmé que [traduction] « il était totalement approprié pour Postes Canada de refuser de fournir la documentation à la Commission » pendant que l’appel dans Société canadienne des postes CF était en cours.

[99]           Un désaccord relatif à la qualification des événements ne modifie pas l’occurrence de ces événements, et n’empêche pas non plus la CCDP de faire des déductions raisonnables à partir de ces faits et de s’appuyer sur ces déductions pour justifier ses conclusions. En concluant que le délai n’était pas attribuable à la défenderesse, la CCDP était dans une position lui permettant de s’appuyer sur ce délai pour justifier ses conclusions finales.

[100]       En fait, la CCDP s’est également appuyée sur ce délai pour les besoins de l’application de l’alinéa 41(1)a) de la LCDP et pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire au Tribunal pour instruction au lieu de mener une enquête plus approfondie.

[101]       Dans son mémoire déposé à l’appui de la présente demande, la demanderesse a soutenu que la Cour devrait rejeter la demande en raison de délais injustifiés. Dans ses observations orales, l’avocat de la demanderesse a indiqué que la SCP n’invoquait plus les longs délais comme motif indépendant de contrôle judiciaire. L’avocat de la demanderesse a plutôt affirmé que les délais formaient une partie du contexte de la présente affaire.

[102]       La Cour est d’accord; les délais étaient et sont essentiels au contexte de la présente affaire. Le changement de position de la demanderesse concernant le contrôle judiciaire n’enlève rien au fait que les délais constituaient un thème du rapport qui a motivé la décision finale, et la CCDP était libre de s’appuyer sur ces délais pour décider de traiter la plainte et de la renvoyer au Tribunal.

[103]       Je crois qu’il est nécessaire d’aborder brièvement certains des arguments de la demanderesse sur la question des délais, arguments qui ont également été avancés devant la CCDP, même si la demanderesse a renoncé à s’appuyer sur ces arguments pour justifier l’intervention de la Cour.

[104]       La demanderesse a affirmé que le passage du temps minerait sa capacité à défendre l’affaire devant le Tribunal, en raison des souvenirs des témoins clés qui se seraient estompés. Je suis contre cet argument pour deux raisons. D’abord, la CCDP était libre de conclure que les éléments de preuve clés dans cette affaire de parité salariale sont constitués des données brutes plutôt que des témoignages des témoins. Deuxièmement, je suis d’accord avec le raisonnement du juge Campbell dans la décision Casler, aux paragraphes 32 à 36, selon lequel le Tribunal est le mieux placé pour conclure à l’existence d’un préjudice découlant de souvenirs estompés, puisque le Tribunal, et non la CCDP ou la Cour, entend les témoins et décide si les souvenirs sont suffisamment estompés pour conclure à l’existence d’un préjudice.

[105]       Dans ses observations écrites, la demanderesse s’est appuyée sur l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307, pour affirmer que le délai dans la présente affaire déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne. Toutefois, je crois que la CCDP a abordé de façon raisonnable cette question dans le rapport, après avoir accepté les affirmations de la défenderesse, selon lesquelles la majeure partie du délai était imputable à la conduite de la demanderesse et que [traduction] « l’affaire serait plus susceptible d’avoir un effet négatif sur le régime de protection des droits de la personne si la Commission décidait de ne pas traiter la plainte étant donné la complexité des questions en litige, la complexité d’une enquête en matière de parité salariale et les questions entre les parties qui demeurent non résolues ». Même si la demanderesse avait le droit de présenter des objections préliminaires en vertu de l’article 41(1), qui ont contribué à prolonger la présente affaire, cela ne signifie pas que le temps consacré à ces objections peut soutenir un argument en faveur du rejet de la plainte en raison des longs délais.

VIII.       Conclusion

[106]       Même si j’ai conclu que la décision de la CCDP était raisonnable, je ne peux conclure cette affaire sans aborder la question des graves conséquences que le délai dans le traitement de cette cause a sur la considération dont jouit l’administration de la justice. 

[107]       Dans la décision Société canadienne des postes CF, le juge Rothstein a parlé de ce qu’il a décrit comme un « retard extraordinaire », au paragraphe 20. Si on les examine près de vingt ans plus tard, ses mots résonnent comme une mise en accusation de l’efficacité du processus de traitement des plaintes en matière de parité salariale en l’espèce :

[20]      Il ressort de ce différend de longue date que la question de la parité salariale n’a pas encore été résolue et que rien ne laisse présager qu’elle le sera prochainement. Pour une raison ou pour une autre, les parties n’ont pas fait avancer l’affaire plus rapidement. Il serait présomptueux de ma part d’imputer des mobiles ou une faute à l’une ou l’autre d’entre elles sans disposer de plus d’éléments d’information. La Commission s’est cependant permise de contribuer au retard extraordinaire du traitement de cette affaire qui est née il y a une quinzaine d’années et au sujet de laquelle les parties ont convenu, il y a douze ans, qu’un règlement était nécessaire et devait intervenir.

[108]       Le juge Rothstein poursuit et traite de l’importance du règlement des plaintes en temps opportun, en soulignant que la Commission doit gérer les plaintes dont elle est saisie avec efficacité et compétence et que, pour ce faire, elle doit notamment traiter et juger les plaintes dans des délais acceptables (Société canadienne des postes CF, aux paragraphes 22 à 24).

[109]       Malgré que le juge Rothstein ait fait ressortir l’importance d’un règlement en temps opportun, cette plainte n’est toujours pas résolue dix-neuf ans plus tard. Le système a laissé tomber plus de 6 000 personnes qui attendent depuis plus de vingt ans une décision relativement à une plainte alléguant qu’elles ont subi un préjudice financier en raison d’une discrimination systémique fondée sur le sexe. Cette affaire constitue un exemple malheureux montrant que le processus de plaintes en matière de parité salariale ne sert pas les intérêts des membres du groupe plaignant, des parties, du public en général ou de la justice.

[110]       Dans le rapport fondé sur les articles 41 et 49, la CCDP a conclu, dans son analyse des conséquences du délai, que [traduction] « l’affaire serait davantage susceptible d’avoir un effet négatif sur le régime de protection des droits de la personne si la Commission décidait de ne pas traiter la plainte ». Même si la CCDP pouvait raisonnablement tirer cette conclusion, le fait demeure que des dommages ont déjà été causés. Comme l’a souligné le juge Evans dans l’arrêt AFPC CAF, aux paragraphes 166 et 167 :

[traduction
[166]    [l]’article 11 de la Loi vise essentiellement à éliminer les conséquences, sur le plan financier, de la discrimination systémique fondée sur le sexe qui existe sur le marché du travail en raison de la ségrégation professionnelle fondée sur le sexe. Toutefois, avec le recul, il semble maintenant que le législateur fédéral a fait fausse route en soumettant les questions de parité salariale au régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel est axé sur le dépôt de plainte, la confrontation et le respect des droits de la personne.

[167]    Il y a beaucoup à apprendre de l’expérience des régimes provinciaux de parité salariale, qui semblent ne pas avoir été affligés par les mêmes problèmes de procès interminables que ceux du régime fédéral. Dans l’intérêt de tous, il est nécessaire d’élaborer un nouveau modèle pour mettre en application le principe de la parité salariale dans la sphère fédérale. Pour prendre connaissance des critiques adressées au régime actuel et de recommandations en vue d’une réforme, voir le Rapport final du Comité sur l’équité salariale intitulé L’équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental (Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2004).

[111]       Comme l’a fait le juge Rothstein dans la décision Société canadienne des postes CF, je conclus, sans faire de commentaire sur le bien-fondé de la plainte, en implorant les parties et les futurs décideurs de s’assurer que cette affaire peut être traitée le plus rapidement possible.

[112]       Dans leurs observations orales, les parties ont indiqué qu’elles en étaient venues à une entente sur les dépens et qu’il n’était pas nécessaire que la Cour aborde la question.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Patrick Gleeson »

Juge


ANNEXE A

Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6)

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

[...]

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

(2) Le critère permettant d’établir l’équivalence des fonctions exécutées par des salariés dans le même établissement est le dosage de qualifications, d’efforts et de responsabilités nécessaire pour leur exécution, compte tenu des conditions de travail.

(3) Les établissements distincts qu’un employeur aménage ou maintient dans le but principal de justifier une disparité salariale entre hommes et femmes sont réputés, pour l’application du présent article, ne constituer qu’un seul et même établissement.

(4) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du paragraphe (1) la disparité salariale entre hommes et femmes fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 27(2).

(5) Des considérations fondées sur le sexe ne sauraient motiver la disparité salariale.

(6) Il est interdit à l’employeur de procéder à des diminutions salariales pour mettre fin aux actes discriminatoires visés au présent article.

(7) Pour l’application du présent article, « salaire » s’entend de toute forme de rémunération payable à un individu en contrepartie de son travail et, notamment :

a) des traitements, commissions, indemnités de vacances ou de licenciement et des primes;

b) de la juste valeur des prestations en repas, loyers, logement et hébergement;

c) des rétributions en nature;

d) des cotisations de l’employeur aux caisses ou régimes de pension, aux régimes d’assurance contre l’invalidité prolongée et aux régimes d’assurance-maladie de toute nature;

e) des autres avantages reçus directement ou indirectement de l’employeur.

[...]

17. (1) La personne qui entend mettre en oeuvre un programme prévoyant l’adaptation de services, d’installations, de locaux, d’activités ou de matériel aux besoins particuliers des personnes atteintes d’une déficience peut en demander l’approbation à la Commission canadienne des droits de la personne.

[...]

(4) Dans le cas où elle décide de refuser la demande présentée en vertu du paragraphe (1), la Commission envoie à son auteur un avis exposant les motifs du refus.

18. (1) La Commission canadienne des droits de la personne peut, par avis écrit à la personne qui entend adapter les services, les installations, les locaux, les activités ou le matériel conformément à un programme approuvé en vertu du paragraphe 17(2), en annuler l’approbation, en tout ou en partie, si elle estime que, vu les circonstances nouvelles, celui-ci ne convient plus aux besoins particuliers des personnes atteintes d’une déficience.

[...]

(3) Dans le cas où elle annule l’approbation d’un programme en vertu du paragraphe (1), la Commission indique dans l’avis y mentionné les motifs de l’annulation.

[...]

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

[...]

42 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Commission motive par écrit sa décision auprès du plaignant dans les cas où elle décide que la plainte est irrecevable.

(2) La Commission peut refuser d’examiner une plainte de discrimination fondée sur l’alinéa 10a) et dirigée contre un employeur si elle estime que l’objet de la plainte est traité de façon adéquate dans le plan d’équité en matière d’emploi que l’employeur prépare en conformité avec l’article 10 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

43. (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, «l’enquêteur», d’enquêter sur une plainte.

[...]

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

[...]

(4) Après réception du rapport, la Commission:

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu’elle juge indiquée, de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

[...]

47. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut charger un conciliateur d’en arriver à un règlement de la plainte, soit dès le dépôt de celle-ci, soit ultérieurement dans l’un des cas suivants :

a) l’enquête ne mène pas à un règlement;

b) la plainte n’est pas renvoyée ni rejetée en vertu des paragraphes 44(2) ou (3) ou des alinéas 45(2)a) ou 46(2)a);

c) la plainte n’est pas réglée après réception par les parties de l’avis prévu au paragraphe 44(4).

[...]

48. (1) Les parties qui conviennent d’un règlement à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, mais avant le début de l’audience d’un tribunal des droits de la personne, en présentent les conditions à l’approbation de la Commission.

[...]

49. (1) La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances relatives à celle‑ci, que l’instruction est justifiée.

2. The purpose of this Act is to extend the laws in Canada to give effect, within the purview of matters coming within the legislative authority of Parliament, to the principle that all individuals should have an opportunity equal with other individuals to make for themselves the lives that they are able and wish to have and to have their needs accommodated, consistent with their duties and obligations as members of society, without being hindered in or prevented from doing so by discriminatory practices based on race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered.

[...]

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

11. (1) It is a discriminatory practice for an employer to establish or maintain differences in wages between male and female employees employed in the same establishment who are performing work of equal value.

(2) In assessing the value of work performed by employees employed in the same establishment, the criterion to be applied is the composite of the skill, effort and responsibility required in the performance of the work and the conditions under which the work is performed.

(3) Separate establishments established or maintained by an employer solely or principally for the purpose of establishing or maintaining differences in wages between male and female employees shall be deemed for the purposes of this section to be the same establishment.

(4) Notwithstanding subsection (1), it is not a discriminatory practice to pay to male and female employees different wages if the difference is based on a factor prescribed by guidelines, issued by the Canadian Human Rights Commission pursuant to subsection 27(2), to be a reasonable factor that justifies the difference.

(5) For greater certainty, sex does not constitute a reasonable factor justifying a difference in wages.

(6) An employer shall not reduce wages in order to eliminate a discriminatory practice described in this section.

(7) For the purposes of this section, “wages” means any form of remuneration payable for work performed by an individual and includes

(a) salaries, commissions, vacation pay, dismissal wages and bonuses;

(b) reasonable value for board, rent, housing and lodging;

(c) payments in kind;

(d) employer contributions to pension funds or plans, long-term disability plans and all forms of health insurance plans; and

(e) any other advantage received directly or indirectly from the individual’s employer.

[...]

17. (1) A person who proposes to implement a plan for adapting any services, facilities, premises, equipment or operations to meet the

needs of persons arising from a disability may apply to the Canadian Human Rights Commission for approval of the plan.

[...]

(4) When the Commission decides not to grant an application made pursuant to subsection (1), it shall send a written notice of its decision to the applicant setting out the reasons for its decision.

18. (1) If the Canadian Human Rights Commission is satisfied that, by reason of any change in circumstances, a plan approved under subsection 17(2) has ceased to be appropriate for meeting the needs of persons arising from a disability, the Commission may, by written notice to the person who proposes to carry out or maintains the adaptation contemplated by the plan or any part thereof, rescind its approval of the plan to the extent required by the change in circumstances.

[...]

(3) Where the Commission rescinds approval of a plan pursuant to subsection (1), it shall include in the notice referred to therein a statement of its reasons therefor.

[...]

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

(a) the alleged victim of the discriminatory practice to which the complaint relates ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided  for under an Act of Parliament other than this Act;

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

[...]

42 (1) Subject to subsection (2), when the Commission decides not to deal with a complaint, it shall send a written notice of its decision to the complainant setting out the reason for its decision.

(2) Before deciding that a complaint will not be dealt with because a procedure referred to in paragraph 41(a) has not been exhausted, the Commission shall satisfy itself that the failure to exhaust the procedure was attributable to the complainant and not to another.

43. (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an investigator”, to investigate a complaint.

[...]

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

[...]

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

[...]

47. (1) Subject to subsection (2), the Commission may, on the filing of a complaint, or if the complaint has not been

(a) settled in the course of investigation by an investigator,

(b) referred or dismissed under subsection 44(2) or (3) or paragraph 45(2)(a) or 46(2) (a), or

(c) settled after receipt by the parties of the notice referred to in subsection 44(4), appoint a person, in this Part referred to as a “conciliator”, for the purpose of attempting to bring about a settlement of the complaint.

[...]

48. (1) When, at any stage after the filing of a complaint and before the commencement of a hearing before a Human Rights Tribunal in respect thereof, a settlement is agreed on by the parties, the terms of the settlement shall be referred to the Commission for approval or rejection.

[...]

49. (1) At any stage after the filing of a complaint, the Commission may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry into the complaint if the Commission is satisfied that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry is warranted.

 



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-642-15

 

INTITULÉ :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES c. ASSOCIATION CANADIENNE DES MAÎTRES DE POSTE ET ADJOINTS (ACMPA)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Karen Jensen

Pour la demanderesse

 

Sean McGee et Alison McEwan

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour la défenderesse

 

 

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