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Date : 20160531


Dossier : T-1104-15

Référence : 2016 CF 605

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

CONSTELLATION BRANDS QUEBEC INC

demanderesse

et

SMART & BIGGAR et DALLEVIGNE S.P.A

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, Constellation Brands Quebec Inc. [CBQ] interjette appel de deux ordonnances du protonotaire Morneau [le protonotaire], toutes les deux datées du 5 février 2016. Dans la présente affaire, CBQ interjette appel de la décision de constituer la défenderesse Dallevigne S.p.A. [Dallevigne] comme partie à l’instance en vertu des alinéas 104(1)b) et 303(1)a) des Règles des Cours fédérales [les Règles], ou subsidiairement de l’autoriser à intervenir en vertu du paragraphe 109(1) des Règles.

[2]               Dans la deuxième affaire connexe entendue en même temps par le protonotaire et la Cour dans le dossier no T-2125-15, CBQ en appel de l’ordonnance du protonotaire par laquelle il accueillait la requête en suspension des procédures en attendant qu’une décision sur le fond soit rendue dans le dossier T-1104-15, requête qu’avait présentée au titre de l’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les cours fédérales, LRC, 1985, c F-7.

[3]               Pour les motifs qui suivent, la présente requête est rejetée tout comme celle par laquelle Dallevigne en appelait de la suspension, et ce, conformément aux motifs distincts et connexes fournis dans le dossier T-2125-15.

I.                   Historique

[4]               Dans la présente affaire, il est question d’un appel de la décision du registraire des marques de commerce [le registraire] de radier la marque DA VINCI, portant le numéro d’enregistrement LMC303,667 [la marque DA VINCI], du registre des marques de commerce pour non‑emploi au sens de l’article 1 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la LMC].

[5]               La défenderesse, Smart & Biggar, est la représentante de Casa Vinicola Botter Carlo & Co. [Botter]. Elle a demandé l’enregistrement de la marque de commerce DIVICI sous le numéro 1,522,162 [la marque DIVICI]. CBQ a entrepris une procédure d’opposition à la marque DIVICI le 1er juin 2012, invoquant DA VINCI, sa marque déjà enregistrée.

[6]               Le 21 février 2013, CBQ a également entrepris une procédure d’opposition à l’encontre de la demande présentée par Dallevigne à l’égard de la marque CANTINE LEONARDO DA VINCI [la marque CANTINE]. Ces procédures font l’objet de l’instance connexe qui a été suspendue par le protonotaire dans le dossier T-2125-15.

[7]               Le 5 avril 2013, Smart & Biggar a entrepris une procédure fondée sur l’article 45 en envoyant au registraire une demande de radiation de la marque de CBQ pour non-usage en liaison avec les produits visés par l’enregistrement, à savoir « boissons alcoolisées distillées; liqueurs ».

[8]               Le 20 juin 2013, Dallevigne a déposé une contre-déclaration relativement à l’opposition à l’enregistrement de la marque CANTINE de CBQ. Dallevigne prétend que, à ce moment-là, elle ne pouvait pas agir pour faire radier la marque DA VINCI parce que l’Énoncé de pratique régissant la procédure de radiation prévue à  l’article 45 de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [l’OPIC] [l’énoncé de pratique] mentionnait que le registraire n’enverra pas l’avis prévu à l’article 45 s’il a une « raison valable  » de ne pas le faire. Un exemple de raison valable : « l’enregistrement est déjà l’objet d’une procédure prévue à l’article 45 devant le registraire ou en appel devant la Cour fédérale ».

[9]               Le 28 avril 2015, le registraire a accueilli la demande présentée par Smart & Biggar au titre de l’article 45, ce qui a eu pour conséquence la radiation de la marque DA VINCI [la décision rendue en vertu de l’article 45], laquelle fait l’objet du présent appel.

[10]           Le 2 juillet 2015, CBQ en a appelé de la décision rendue par le registraire en vertu de l’article 45. En raison de cet appel, la marque DA VINCI demeure inscrite au registre.

[11]           Le 3 septembre 2015, le registraire a rejeté l’opposition de CBQ et a accordé à Botter l’enregistrement de sa marque DIVICI. CBQ n’a pas interjeté appel de la décision du registraire. Cela a eu une incidence sur la décision de Smart & Biggar de ne pas s’opposer à l’appel interjeté par CBQ relativement à la radiation de sa marque dont il est question en l’espèce.

[12]           Le 14 octobre 2015, la demande d’enregistrement de la marque CANTINE présentée par Dallevigne a été refusée par la Commission des oppositions des marques de commerce [le refus de la COMC] au motif qu’elle créerait de la confusion avec la marque DA VINCI de CBQ, laquelle figurait toujours au registre.

[13]           Dans la même décision, la Commission des oppositions des marques de commerce a rejeté l’argument subsidiaire de CBQ fondé sur l’alinéa 16(3)a) de la LMC selon lequel sa marque avait antérieurement été employée ou révélée au Canada. La Cour est saisie de ces deux questions dans le dossier connexe no T-2125-15. Si la radiation de la marque DA VINCI fondée sur l’article 45 est maintenue, il ne restera que la question relative à l’alinéa 16(3)a) à trancher dans l’affaire connexe.

[14]           Le 17 décembre 2015, Smart & Biggar a avisé qu’elle ne présentera aucune défense dans l’appel interjeté par CBQ à l’encontre de la décision rendue en vertu de l’article 45 par suite de l’issue de l’opposition de DIVICI. Le même jour, Dallevigne a présenté une requête en vue d’être constituée comme partie à l’appel interjeté à l’encontre de la décision rendue en vertu de l’article 45, requête que le protonotaire a accueillie et qui fait l’objet du présent appel.

[15]           Le 21 décembre 2015, Dallevigne a interjeté appel du refus de la COMC d’autoriser l’enregistrement de la marque CANTINE dans le dossier T-2125-15.

[16]           Le 25 janvier 2016, CBQ a rejeté la demande de consentement à la suspension de l’appel du refus de la COMC dans le dossier T-2125-15 que lui a présentée Dallevigne, dans l’éventualité où sa requête en vue d’être constituée comme partie dans la présente instance serait accueillie. En conséquence, le 26 janvier 2016, Dallevigne a demandé la suspension de l’appel dans le dossier T-2125-15 en attendant l’issue de l’appel interjeté en vertu de l’article 45.

[17]           Le 2 février 2016, le protonotaire a entendu la requête présentée par Dallevigne en vue d’être constituée comme défenderesse dans l’appel interjeté par CBQ à l’encontre de la décision rendue en vertu de l’article 45 (T-1104-15), ainsi que la requête en suspension de l’appel du refus de la COMC (T-2125-15) en attendant l’issue de l’appel de la décision rendue en vertu de l’article 45 dans le dossier T-1104-15.

[18]           Le 5 février 2016, le protonotaire a ordonné, notamment, que Dallevigne soit constituée défenderesse dans l’instance T-1104-15 en vertu des alinéas 104(1)b) et 303(1)a), ou, subsidiairement, qu’elle soit autorisée à intervenir en vertu du paragraphe 109(1) des Règles. De plus, Dallevigne s’est vu accorder l’autorisation de contre-interroger Mme Valérie Masse sur l’affidavit qu’elle a déposé auprès du registraire, et d’autres mesures procédurales ont été prises afin de permettre à Dallevigne de participer pleinement à l’appel.

[19]           Le protonotaire a de plus ordonné, en vertu de l’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales dans le dossier T-1104-15, que les procédures dans le dossier T-2125-15 soient suspendues en attendant qu’une décision sur le fond soit rendue.

II.                La décision contestée

[20]           Le protonotaire a conclu que pour être constituée partie au titre de l’alinéa 104(1)b) des Règles, Dallevigne aurait dû être désignée comme défenderesse conformément à l’alinéa 303(1)a), aux termes duquel CBQ devait désigner à titre de défendeur toute personne « directement touchée » par l’ordonnance recherchée dans la demande. Le protonotaire a conclu, en se fondant sur la décision rendue par la Cour d’appel dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy Association c Canada (office national de l’énergie), 2013 CAF 236 [Forest Ethics], que Dallevigne était « directement touchée » par la demande de CBQ au sens de l’alinéa 303(1)a) des Règles, satisfaisant ainsi aux exigences des deux dispositions des Règles.

[21]           Le protonotaire a notamment souligné que le registraire s’était fié au maintien présumé de l’enregistrement de la marque DA VINCI de CBQ pour conclure qu’elle créait de la confusion avec la marque CANTINE de Dallevigne. Il a mentionné que Dallevigne était « directement touchée » par l’issue de l’appel interjeté par CBQ à l’encontre de la décision du registraire de radier la marque DA VINCI parce qu’un gain de cause dans l’appel interjeté par CBQ [traduction] « causerait un préjudice réel et tangible à Dallevigne et aurait une incidence non négligeable sur ses droits juridiques ». Il a aussi retenu l’argument de Dallevigne selon lequel la marque radiée, réputée maintenue au registre par l’effet de l’appel interjeté par CBQ en l’instance, représentait [traduction] « le seul obstacle immédiat de Dallevigne à l’enregistrement et à la protection nationale de ses droits juridiques quant à la marque CANTINE ».

[22]           Comme second motif, le protonotaire a également retenu l’argument de Dallevigne selon lequel sa présence était [traduction] « nécessaire » au sens de l’alinéa 104(1)b). Dallevigne a prétendu que CBQ a déposé de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel relatif à la radiation, et qu’étant donné qu’elle n’a pas interjeté appel de la décision relative à l’opposition à l’enregistrement de la marque DIVICI, CBQ sera en mesure de présenter son appel relatif à la radiation sans contestation possible par voie de contre-interrogatoire, ou d’observations de la part de Smart & Biggar. Le protonotaire a reconnu que la participation de Dallevigne est [traduction] « nécessaire afin d’apporter un point de vue équilibré à la Cour ».

[23]           Comme troisième motif, le protonotaire a conclu que Dallevigne devrait se voir accorder le statut d’intervenante pour les mêmes motifs invoqués quant à sa constitution comme partie, et que Dallevigne satisfaisait aux critères applicables en matière d’intervention décrits par le juge Stratas, siégeant seul, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21 [arrêt Pictou Landing].

[24]           Le protonotaire a fait une distinction, en s’appuyant sur deux fondements, entre sa décision antérieure de refuser l’intervention d’une partie dans des circonstances assez semblables, décision maintenue par le juge Harrington dans la décision Bauer Hockey Corp. c Easton Sports Canada Inc., 2014 CF 853 [décision Bauer CF]. Premièrement, contrairement aux décisions Bauer, où il y a eu des instances distinctes entre Bauer et CCM, la marque DA VINCI n’était pas contestée dans la procédure d’opposition mettant en cause CBQ et Dallevigne. Deuxièmement, le protonotaire a conclu que, en raison de l’énoncé de pratique de l’OPIC, Dallevigne ne disposait d’aucune procédure parallèle pour faire radier la marque DA VINCI.

III.             Le cadre législatif

[25]           Les dispositions pertinentes applicables dans la présente instance figurent à l’annexe A.

IV.             Les questions en litige

[26]           La présente demande soulève la question de savoir si le protonotaire a commis une erreur flagrante,

1.      en constituant Dallevigne comme défenderesse en vertu des alinéas 104(1)b) et 303(1)a) à titre de personne « directement touchée » ou dont la présence est nécessaire

2.      subsidiairement, en autorisant Dallevigne à intervenir en vertu du paragraphe 109(1) des Règles.

V.                La norme de contrôle

[27]           Les parties s’entendent quant à la norme de contrôle qu’un juge des requêtes doit appliquer à la décision discrétionnaire d’un protonotaire. Il s’agit de la norme qui a été établie dans l’arrêt Z.I. Pompey Industrie c ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, et qui a été reformulée de la manière suivante par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Merck & Co. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, au paragraphe 19 :

Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir, sauf dans les deux cas suivants :

a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal

b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation de faits.

VI.             Analyse

A.                La constitution de Dallevigne comme défenderesse

[28]           CBQ prétend que le protonotaire a commis une erreur en se fondant sur l’arrêt Forest Ethics, parce que cette affaire portait sur une constitution de partie dans le cadre d’une demande présentée au titre de l’alinéa 300a), se rapportant à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, par opposition à un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la LMC, lequel est visé par l’alinéa 300d).

[29]           CBQ fait valoir cette distinction parce qu’elle souhaite invoquer la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ordre des architectes de l’Ontario c Association of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218 [Association of Architects]. CBQ a renvoyé aux paragraphes 40 à 42 d’Association of Architects dans lesquels il a été conclu, de la manière exposée ci-dessous, que les droits d’appel sont limités aux parties et aux intervenants :

[40] Normalement, les droits d’appel sont limités aux parties et, parfois, aux intervenants engagés dans les procédures ayant mené à la décision contestée. Les cours d’appel peuvent permettre une intervention dans un appel interjeté par une partie, même si l’intervenant n’a pas participé aux procédures antérieures. Or tel n’est pas notre cas. L’OAO tente en effet d’interjeter appel en son propre nom et non pas d’intervenir dans un appel interjeté par un tiers.

[...]

[42] En l’absence de jurisprudence pertinente, je ne vois rien dans l’esprit du paragraphe 9(1) qui justifierait de s’écarter du principe normal selon lequel une personne qui n’était ni partie ni intervenante aux procédures initiales n’a pas qualité pour exercer un droit d’appel.

[Non souligné dans l’original.]

[30]           La question en litige dans Association of Architects était de savoir quelle était la procédure appropriée, que ce soit par voie d’appel ou de demande, qu’une personne intéressée doit utiliser pour contester l’avis public donné par le registraire à l’égard d’une marque officielle conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii). La décision ne concernait pas l’alinéa 303(1)a) qui ne s’applique qu’à la réunion de défendeurs. En outre, le passage cité laissait une certaine latitude pour les situations qui n’étaient pas « normales ». Je rejette l’argument de CBQ selon lequel l’affaire constitue le fondement permettant de conclure que les principes énoncés dans l’arrêt Forest Ethics ne s’appliquent qu’aux demandes visées par l’alinéa 303(1)a).

[31]           Il ressort clairement du préambule de l’article 300 des Règles que « [l]a présente partie [5] s’applique à [300]a) ...; ... [300]d) ...», donc, que cela comprend l’alinéa 300d). Par conséquent, une personne qui doit être désignée comme défendeur dans un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la LMC est une personne qui est « directement touchée par l’ordonnance recherchée [...] [dans] la demande ». Le mot « demande » est le terme générique qui s’applique à toutes les procédures visées par la partie 5, comme il est mentionné aux articles 300 et 301 des Règles.

[32]           Je suis donc convaincu que le protonotaire n’a pas commis d’erreur en se fondant sur l’arrêt Forest Ethics pour énoncer les principes applicables en ce qui a trait aux demandes de constitution comme partie défenderesse dans un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la LMC. Il s’agit donc de décider si Dallevigne devrait être constituée comme défenderesse au titre de l’article 303 dans l’appel interjeté par CBQ en vertu de l’article 56, du fait qu’elle est une personne « directement touchée » par l’ordonnance, et par conséquent, si elle devrait être constituée comme partie en vertu de l’article 104 des Règles.

[33]           Cela dit toutefois, je suis convaincu que le protonotaire a commis une erreur flagrante en appliquant incorrectement les principes énoncés dans l’arrêt Forest Ethics quant à savoir ce qui constitue une partie « directement touchée » par l’ordonnance recherchée dans l’appel.

[34]           Le juge Stratas, s’exprimant au nom de la Cour dans Forest Ethics, a fourni, aux paragraphes 18 à 21, une explication concernant les mots « directement touchée ». Au paragraphe 18, la Cour mentionne que « [l]’alinéa 303(1)a) limite la catégorie des parties désignées à titre de défenderesses à celles qui, si la décision de l’office fédéral était différente, auraient pu présenter elles-mêmes une demande de contrôle judiciaire [pour un appel interjeté en vertu de l’article 56] ». Si la demande de radiation de Smart & Biggar avait été refusée, je vois mal comment Dallevigne aurait pu interjeter appel de la décision à la Cour fédérale. L’arrêt Association of Architects, s’il devait s’appliquer, limite le recours aux appels prévus à l’article 56 aux parties ou aux intervenants.

[35]           J’estime également que l’énoncé du protonotaire selon lequel l’appel interjeté par CBQ « causerait un préjudice réel et tangible à Dallevigne et aurait une incidence non négligeable sur ses droits juridiques » ne transmet pas le sens de l’expression « personne directement touchée » décrite par le juge Stratas dans Forest Ethics.

[36]           Au paragraphe 20, le juge Stratas « transpose » l’application de l’article 303 des Règles en la question suivante : « la question est de savoir si la réparation recherchée dans la demande de contrôle judiciaire aura une incidence sur les droits de la partie, lui imposera des obligations en droit ou lui causera d’une certaine manière un préjudice direct [non souligné dans l’original] ». Je ne souscris pas à l’argument de Dallevigne selon lequel il suffit qu’un [traduction] « préjudice soit causé d’une certaine manière » à la partie sans mentionner qu’il doit s’agir d’un préjudice « direct ». Selon moi, le terme « direct » est déterminant en ce qui concerne l’interprétation de l’expression.

[37]           Comme je l’ai déjà souligné, le protonotaire a retenu l’argument de Dallevigne selon lequel la marque de commerce radiée, réputée maintenue au registre par l’effet de l’appel interjeté par CBQ en l’instance, représentait « le seul obstacle immédiat de Dallevigne à l’enregistrement et à la protection nationale de ses droits juridiques quant à la marque CANTINE ». Toutefois, selon mon interprétation, une autre instance causant un préjudice direct aux droits des parties ne constitue pas une situation touchant directement une partie ou lui occasionnant un préjudice direct, au sens de l’alinéa 303(1)a).

[38]           Le juge Stratas a fait référence au concept de la partie qui a un « intérêt direct » en citant des exemples tirés de la jurisprudence antérieure. Dans la décision Cami International Poultry Inc. c Canada (Procureur général), 2013 CF 583 [Cami International], la Cour a rejeté la demande des parties d’être désignés à titre de défendeurs parce qu’« [elles] ne seront pas lié[es] par quelque mesure de réparation sollicitée par Cami et que la Cour peut accorder (Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd c Madame Unetelle, [1998] ACF no 411 (QL), au paragraphe 4; Early Recovered Resources c Gulf Log Salvage Co-operative Assn, [2003] ACF no 716 (QL), aux paragraphes 6 et 7) », [non souligné dans l’original]. Dallevigne ne sera pas liée par le présent appel, elle ne cherchera qu’à l’appliquer dans sa procédure d’opposition.

[39]           Cami International a également renvoyé à la décision Nu-Pharm Inc. c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 973 [Nu-Pharm] dans laquelle la Cour a conclu que la procédure peut être annulée parce que la personne qui aurait dû être constituée partie ne s’est pas vu offrir la possibilité de participer aux événements. Dans cette affaire, Merck a été constituée comme partie, parce qu’il a été conclu qu’elle avait un intérêt direct, urgent et légitime dans l’instance, du fait qu’elle était titulaire du brevet et des licences exclusives concernant l’Enalapril. La Cour a également fait allusion à la situation où « la partie absente avait convenu d’être liée en appel par le dossier de première instance » comme exemple de personne directement touchée, en citant la décision Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. and Association de Conseillers Scolaires Francophones du Nouveau-Brunswick c Minority Language School Board No. 50 (intimée) and Association of Parents for Fairness in Education, Grand Falls District 50 Branch (intervenante envisagée) (1984), 54 NBR (2d) 198 (CA), à la page 210.

[40]           Le juge Stratas a également renvoyé à la décision Reddy-Cheminor Inc. c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 1065. Dans cette affaire, AstraZeneca avait démontré que, dans la procédure de contrôle judiciaire introduite par Reddy-Chemicor, une situation avait eu une incidence sur les droits à la protection conférée à AstraZeneca par son brevet, lesquels droits sont prévus dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Il s’agissait encore d’une affaire de droits juridiques ou d’intérêts directement défavorablement touchés par une décision. Il ne s’agissait pas d’un cas où il est question d’une décision dans une affaire visant à garantir la protection de droits juridiques dans une autre affaire.

[41]           Je crois que j’ai déjà vu des exemples semblables en droit de l’emploi où la légalité du processus de dotation d’un employeur était contestée par un employé et que cela touchait directement le droit légitime de l’employé qui avait été choisi pour occuper le poste, de telle sorte que les droits juridiques de ce dernier étaient directement touchés et qu’il devait être constitué comme défendeur.

[42]           Je conclus que le protonotaire n’a pas appliqué les bons principes concernant ce qui constitue une personne qui peut être directement touchée par une demande, et qui doit être constituée comme défendeur au titre de l’article 303 des Règles. Je conclus en outre qu’étant donné que Dallevigne n’est pas une personne directement touchée au sens de l’article 303 des Règles, rien ne justifie de constituer Dallevigne comme partie en vertu de l’article 104 des Règles.

B.                 Partie nécessaire

[43]           Comme je l’ai déjà dit, le protonotaire a estimé que la participation de Dallevigne à l’appel était « nécessaire », d’après le sens donné à ce terme à l’article 104 des Règles, afin d’apporter « un point de vue équilibré à la Cour ». Il a retenu l’argument de Dallevigne portant que CBQ sera en mesure de présenter son appel relatif à la radiation sans contestation possible par voie de contre‑interrogatoire ou d’arguments de la part de Smart & Biggar, étant donné qu’elle a déposé de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel relatif à la radiation,  et qu’elle n’a pas interjeté appel à l’encontre de la décision rendue dans le cadre de l’opposition à l’enregistrement de la marque DIVICI,. Le protonotaire n’a renvoyé à aucune règle de droit à l’appui de ses conclusions.

[44]           La juge Snider, dans l’affaire Laboratoires Servier c Apotex Inc., 2007 CF 1210, [Laboratoires Servier], s’est penchée sur la question de la partie dont la présence est nécessaire. Elle a déclaré ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 (les soulignements sont de la juge) :

[16] La question de la constitution d’une personne comme partie à l’instance a été examinée davantage par la Cour d’appel dans  Bande indienne de Shubenacadie c Canada (Ministre des Pêches et Océans) (2002), 299 N.R. 241, au paragraphe 8 (C.A.F.). Bien que Shubenacadie portait sur un appel d’une décision d’un juge des requêtes rejetant une requête demandant qu’une des parties ne soit plus défenderesse, la Cour a cité avec approbation le passage suivant de Amon c Raphael Tuck & Sons, [1956] 1 B.R. 357, sur ce qui fait qu’une personne est une partie :

Ce n’est pas, bien sûr, uniquement le fait qu’elle a un intérêt à ce que soit trouvée une solution adéquate à quelque question en litige, qu’elle a préparé des arguments pertinents et qu’elle craint que les parties actuelles ne les présentent pas adéquatement...La seule raison qui puisse rendre nécessaire la constitution d’une personne comme partie à une action est la volonté que cette personne soit liée par l’issue de l’instance; la question à trancher doit donc être une question en litige qui ne peut être tranchée adéquatement et complètement sans que cette personne ne soit une partie « nécessaire ». [Non souligné dans l’original.]

[17] Les principes suivants s’appliquent également lorsqu’il faut déterminer si une personne est un défendeur nécessaire :

•      Le fait qu’elle soit en mesure de présenter des éléments de preuve pertinents à la déclaration du demandeur ne suffit pas à en faire une défenderesse nécessaire (Shubenacadie, précité, au paragraphe 7).

•     Le fait qu’une personne puisse être lésée par l’issue ne suffit pas à en faire une défenderesse nécessaire (Shubenacadie, précité, au paragraphe 7).

•     Un simple intérêt commercial au lieu d’un intérêt juridique ne suffit pas à faire d’une personne une partie nécessaire (Ferguson, précitée, aux pages 784-785; Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) (1986), 9 C.P.R. (3d) 193, à la page 201 (C.F. 1ère inst.)).

•     En l’absence d’une disposition législative spécifique (tel que, par exemple, dans Nissho‑Iwai Canada Ltd. c Ministre du Revenu National Douanes et Accise, [1981] 2 C.F. 721 (1re inst.)), lorsque la déclaration du demandeur ne sollicite pas de mesures réparatrices contre une personne et ne fait aucune allégation à son encontre, cette personne ne sera pas considérée comme une partie nécessaire (Shubenacadie, précité, au paragraphe 6; Hall c La Bande indienne Dakota Tipi, [2000] A.C.F. no 207, aux paragraphes 5 et 8 (1re inst.) (QL); Stevens c Canada (Commissaire, Commission d’enquête), [1998] 4 C.F. 125, au paragraphe 21 (C.A)).

[45]           Selon moi, ces principes s’appliquent tout autant à l’interprétation de l’article 104 des Règles en ce qui concerne les demandes. Je conclus que le protonotaire n’a pas appliqué les bons principes juridiques quant à la question de la partie nécessaire. S’il l’avait fait, je conclus que Dallevigne n’aurait pas été jugée partie nécessaire, car aucune action n’est intentée contre elle, et il n’est pas non plus nécessaire qu’elle soit constituée comme partie de telle sorte qu’elle soit liée par l’issue de l’appel. En revanche, tous les facteurs relevés par la juge Snider qui, selon elle, étaient insuffisants pour considérer une partie comme nécessaire, s’appliquent à Dallevigne. Je conclus que le protonotaire a commis une erreur flagrante en concluant que Dallevigne était une partie nécessaire à l’appel.

C.                 Intervention de Dallevigne dans l’appel

[46]           Dans une décision subsidiaire, le protonotaire a accordé à Dallevigne l’autorisation d’intervenir dans l’appel interjeté à l’encontre de la décision du registraire de radier la marque DA VINCI de CBQ. Il semblerait que le protonotaire ait pu estimer que cette conclusion ne servait qu’à étayer sa conclusion principale selon laquelle Dallevigne était une partie nécessaire. Je dis cela parce que l’ordonnance officielle ne fait mention d’aucun autre droit d’intervention, alors que les motifs du protonotaire sur cette question sont très brefs. Plus particulièrement, ils ne comportent pas l’appréciation et la pondération habituelles des facteurs décrits dans la jurisprudence relative aux interventions.

[47]           Selon moi, l’omission du protonotaire de procéder à une appréciation de chacun des facteurs individuels et de les pondérer dans une décision globale pour arriver à sa décision d’accorder à Dallevigne l’autorisation d’intervenir ne laisse à la Cour d’autre choix que de faire une nouvelle appréciation de la preuve. J’estime que c’est un mauvais principe que de ne pas suivre un processus de raisonnement fondé sur l’appréciation et la pondération des facteurs, définis par la  jurisprudence, qui sont utilisés pour décider s’il convient d’accorder l’autorisation d’intervenir. En outre, la Cour n’est pas en mesure, sans faire un tel examen, de déterminer si le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un principe erroné ou sur une mauvaise appréciation des faits.

[48]           De plus, peu de temps après la décision du protonotaire, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’arrêt Sport Maska Inc. c Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44 [arrêt Bauer CAF]. Cette décision exige, dans une certaine mesure, une nouvelle évaluation de l’arrêt Pictou Landing, que le protonotaire a affirmé avoir appliquée pour conclure que Dallevigne devrait se voir accorder l’autorisation d’intervenir.

[49]           Enfin, à titre de justification du caractère succinct de ses motifs relatifs à l’intervention, le protonotaire a mentionné qu’il invoquait les mêmes motifs que ceux étayant sa décision de constituer Dallevigne comme partie pour autoriser Dallevigne à intervenir. Je conviens avec CBQ que cela pose problème, étant donné ma conclusion selon laquelle les mauvais principes ont été appliqués dans la décision de constituer Dallevigne comme défenderesse dans l’appel. Plus précisément, la question de ce qui constitue être « directement touché » aux fins d’une intervention doit être examiné de nouveau à la lumière de l’arrêt Bauer CAF. Par conséquent, compte tenu de toutes les circonstances, je vais faire un nouvel examen de la preuve et des arguments relatifs à la requête en intervention de Dallevigne.

(1)               Les facteurs de l’arrêt Pictou Landing, tels que reformulés dans l’arrêt Bauer CAF

[50]           Les faits dans les décisions Bauer sont semblables à plusieurs égards aux faits dans la présente affaire. Il s’agit donc d’une affaire est très pertinente, non seulement en raison de l’application factuelle des facteurs ayant trait aux interventions, mais également en raison de son rappel des principes juridiques qui s’appliquent aux demandes d’intervention. Cela s’imposait parce qu’il fallait examiner la décision rendue par le juge Stratas, siégeant seul, dans l’arrêt Pictou Landing, qui proposait de modifier les facteurs régissant les interventions relevés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges Inc. c Canada (Procureur général), [1990] 1 CF 74, au paragraphe 12, conf par [1990] 1 CF 90 (CA), [arrêt Rothmans, Benson & Hedges].

[51]           Dans la décision Bauer, Sport Maska Inc., faisant affaire sous le nom de Reebok‑CCM Hockey, avait demandé l’autorisation d’intervenir dans l’appel interjeté par Bauer à l’encontre d’une décision de la Commission des oppositions des marques de radier une de ses marques de commerce du registre. Bauer a demandé à intervenir, parce que la défenderesse, Eastern Sports Canada Inc., avait dit qu’elle ne participerait pas à l’appel.

[52]           Dans l’arrêt Bauer CAF, le juge Nadon, s’exprimant au nom de la Cour, a reformulé dans une certaine mesure les facteurs régissant l’intervention qui avaient été énoncés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges afin de les harmoniser avec les modifications proposées par le juge Stratas dans l’arrêt Pictou Landing.

[53]           CBQ prétend que le protonotaire a commis une erreur en se fondant sur l’arrêt Pictou Landing pour décrire les facteurs d’intervention alors que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Bauer CAF, a mentionné que les facteurs traditionnellement invoqués, et critiqués par le juge Stratas, continueraient de s’appliquer. J’estime qu’il s’agit d’une interprétation très erronée des motifs du juge Nadon.

[54]           En comparant les facteurs utilisés pour voir s’il convient d’intervenir décrits dans l’arrêt Pictou Landing, le juge Nadon a tiré la conclusion suivante au paragraphe 39 de l’arrêt Bauer CAF : « À mon avis, ces différences ne sont pas substantielles. » Il a conclu que les légères différences entre les facteurs énoncés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges et les facteurs énoncés dans l’arrêt Pictou Landing ne justifiaient pas que l’on modifie la liste des facteurs énoncés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges, qui n’est pas censée être exhaustive. Il a souligné que la souplesse est le mot clé lorsqu’il est question de requêtes en intervention parce que chaque intervention est différente; « il y a des faits différents, des questions juridiques différentes et des contextes différents ». J’estime que ces commentaires répondent dans une large mesure à l’argument de CBQ selon lequel le protonotaire a commis une erreur en invoquant l’arrêt Pictou Landing.

[55]           Finalement, le juge Nadon a retenu, pour des considérations majeures, le cinquième facteur énoncé dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges, concernant l’intérêt de la justice. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 42 et 43 :

[42] [...] À mon avis, les facteurs énoncés dans Rothmans, Benson & Hedges sont bien adaptés à cette tâche. Plus particulièrement, le cinquième facteur, « L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée? », permet à la Cour de se pencher sur les circonstances et les faits particuliers de l’affaire qui fait l’objet de la demande d’intervention. À mon avis, les facteurs énoncés dans Pictou Landing sont simplement un exemple de la souplesse que les facteurs de la décision Rothmans, Benson & Hedges accordent à un juge lorsqu’il doit déterminer si, dans une affaire donnée, la requête en intervention doit être accueillie.

[43] Pour conclure sur ce point, je dirais que le concept de « l’intérêt de la justice » est un concept vaste qui ne permet pas seulement à la cour de tenir compte de ses intérêts, mais aussi de ceux des parties au litige.

[56]           Malgré que le protonotaire, en rendant ce que j’estime être une bonne décision, n’ait fait aucune description des facteurs qu’il appliquait pour accorder à Dallevigne le statut d’intervenante, je conclus que les distinctions qu’il a faites quant aux faits de l’affaire Bauer étaient implicitement axées sur des facteurs qui ont trait au meilleur intérêt des  parties au litige.

(2)               Intervenir pour remplacer le défendeur

[57]           Dans l’arrêt Bauer CAF, le juge Nadon a souligné la nature exceptionnelle de ce type de requête, qu’il a décrite, au paragraphe 46, comme n’étant pas « en réalité » une requête en intervention, mais plutôt une requête visant à permettre à l’intervenante d’agir comme défenderesse. Il a adopté le point de vue du juge Mainville, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Siemens Enterprises Communications Inc., 2011 CAF 251 [Siemens], selon lequel la substitution d’une partie dans un litige ne doit en général pas être approuvée et il a renvoyé au paragraphe 4 de l’arrêt Siemens qui est ainsi libellé :

[4] [...] Les règles autorisant les interventions visent à offrir un moyen par lequel les personnes qui ne sont pas parties aux procédures peuvent néanmoins aider la Cour à prendre une décision sur toute question de fait ou de droit se rapportant à l’instance (alinéa 109(2)b) des Règles des Cours fédérales). Ces règles ne doivent pas être utilisées pour remplacer un défendeur par un intervenant et ne se veulent pas un mécanisme permettant à une personne de compenser son omission de protéger sa propre position en temps opportun.

[Non souligné dans l’original.]

[58]           CBQ prétend que le protonotaire a commis une erreur en ne tenant pas compte de la présomption contre la substitution énoncée dans l’arrêt Siemens, et elle souligne que, dans l’arrêt Bauer CAF, il s’agissait d’un facteur qui militait contre l’octroi de l’autorisation d’intervenir. Je dois souscrire à cet argument uniquement parce que le protonotaire ne disposait pas de l’arrêt  Bauer CAF au moment où il a rendu sa décision. Toutefois, la rigueur du principe voulant qu’il ne doive pas y avoir de substitution est atténuée lorsque, comme l’a souligné le juge Nadon au paragraphe 49, « la décision Siemens n’entraîne pas automatiquement le rejet d’une requête en intervention [en vue de prendre la place d’un défendeur] ».

[59]           En effet, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Siemens, a fait mention de nombreux autres motifs justifiant le rejet de la requête en intervention (présentation de la requête à la dernière minute, de nombreux motifs étant examinés en profondeur sans contestation et de nombreuses questions étant traitées dans une autre affaire). Après avoir lu conjointement les deux décisions de la Cour d’appel, je conclus que, bien qu’elle soit importante, la présomption contre le remplacement d’un défendeur par un intervenant ne libère pas la Cour de l’obligation d’examiner tous les facteurs pertinents et de trancher l’affaire en fonction de l’ensemble de preuve, laquelle doit être évaluée au regard de l’intérêt de la justice. C’est l’approche qui a été suivie par le juge Nadon dans l’analyse qu’il a faite dans l’arrêt Bauer CAF.

[60]           En ce qui concerne la question de l’atténuation du principe voulant qu’il ne doit pas y avoir de substitution, je voudrais également ajouter ce qui peut être considéré comme étant un point de vue d’interprétation limité à l’article 45 qui milite en faveur d’une approche un peu plus libérale en ce qui concerne l’ajout de défendeurs à l’étape de l’appel dans ces affaires. Je fais cela parce que si le remplacement d’un défendeur ne crée pas un précédent important fondé sur l’intention visée par la disposition sous-jacente à l’appel, j’estime que l’aversion naturelle envers une telle ordonnance peut être surmontée plus facilement.

[61]           En ce qui concerne l’intention sous-jacente à l’article 45, je suis d’avis que l’on peut prétendre que l’un de ses objets est d’empêcher que ce que je décrirais comme étant des « propriétaires de marques de commerce concurrentielles » soient défavorisés sur le plan économique par une concurrence déloyale qui découle de l’abus d’un monopole que le gouvernement a créé en établissant le régime des marques de commerce enregistrées. Un membre de ce groupe de propriétaires de marques de commerce concurrentielles serait identifié par la possibilité que sa marque, n’importe quand, y compris dans l’avenir, ressemble à la marque contestée, au point de créer de la confusion, en liaison avec les mêmes marchandises.

[62]           Je suis conscient que le registraire a pour but de protéger l’intérêt du public et que l’intérêt du public l’emporte sur l’intérêt des parties : Hartco Enterprises Inc. c Becterm Inc, [1989] 24 FTR 69; Citrus Growers Assn Ltd. c William D. Branson Ltd, [1990] ACF no 43. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’en laissant au registre une marque qui n’est pas employée, le gouvernement crée ainsi une situation d’abus de protection de marque de commerce, ce qui est inéquitable pour les propriétaires de marques de commerce concurrentielles. Dans ces circonstances, il semble donc que, par son intention de favoriser l’équité en matière de concurrence, le législateur a mis en place les moyens de s’assurer que son régime des marques de commerce ne fait pas l’objet d’abus. Cette procédure, qui prend la forme de l’article 45 de la LMC, vise concrètement à soutenir tous les propriétaires de marques de commerce concurrentielles.

[63]           Mais, en réalité, l’objectif du législateur n’est atteint qu’en créant, au moyen d’une loi, une procédure « intéressée » permettant à quiconque estime qu’un abus du registre nuit à ses intérêts de demander une radiation de la marque, en sachant qu’une ordonnance de radiation de nature « in rem » protégera tous les membres du groupe de propriétaires de marques concurrentielles.

[64]           Si l’article 45 vise en partie à tout le moins à garantir l’équité en éliminant les monopoles abusifs des marques de commerce qui sont inéquitables à l’égard des propriétaires de marques concurrentielles, on pourrait donc prétendre que la procédure de la Cour fédérale utilisée dans le cadre des appels interjetés au titre de l’article 45 devrait être appliquée de façon libérale afin de se conformer à l’objet de la disposition en ce qui concerne l’intérêt de la justice. Si ce raisonnement est fondé, il s’ensuivrait que la Cour devrait autoriser un propriétaire de marque de commerce concurrentielle à se substituer à un autre à l’étape de l’appel afin d’atteindre de la meilleure façon possible l’objectif du législateur, surtout si les circonstances pour substituer un défendeur qui ne présente pas de défense ne peuvent pas constituer un précédent à l’extérieur des cadres juridiques et factuels particuliers d’un appel interjeté au titre de l’article 45.

(3)               Application des facteurs énoncés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges

a)                  Obtention d’un avantage tactique

Facteur 1)                    La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

Facteur 3)        S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

[65]           J’examine ensemble le premier et le troisième facteur. J’agis de la sorte parce que CBQ prétend que le protonotaire a commis une erreur en n’envisageant pas que l’intervention de Dallevigne visait à obtenir un « avantage tactique », ce que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Bauer CAF, a jugé comme étant un motif justifiant de rejeter une demande d’intervention au regard des deux facteurs susmentionnés.

[66]           Lorsqu’il a analysé le premier facteur énoncé dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges, le juge Nadon a conclu qu’intervenir ne ferait que conférer à CCM un avantage tactique qui l’aiderait dans l’action en contrefaçon, ce qui n’était pas une raison suffisante pour conclure qu’elle serait « directement touchée » par la décision relative à la radiation. Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne le troisième facteur, le juge Nadon a déclaré que la perte d’un avantage tactique ne voulait pas dire qu’il n’y avait aucun autre moyen raisonnable de soumettre la question à la Cour.

[67]           Le protonotaire n’avait aucune connaissance du concept d’obtention d’un avantage tactique par la voie d’une procédure de radiation, car celui-ci n’a été formulé qu’en Cour d’appel, dans l’arrêt Bauer. Le protonotaire a fait une distinction entre sa propre décision et celle du juge Harrington dans la décision Bauer CF en déclarant que la validité de la marque DA VINCI n’était pas une question en litige dans la procédure d’opposition en cours mettant en cause CBQ et Dallevigne, alors que c’était le cas dans l’action en contrefaçon dont il était question dans la décision Bauer CF.

[68]           En réponse à ce raisonnement, CBQ a prétendu qu’il était toujours loisible à Dallevigne d’intenter des procédures en vertu de l’article 57 de la LMC en vue de faire radier sa marque, plutôt que d’obtenir un avantage tactique grâce à des procédures intentées en vertu de l’article 45.

[69]           Je conclus que les faits particuliers de l’arrêt Bauer CAF sont importants en ce qui concerne l’application du raisonnement du juge Nadon. CCM avait présenté une demande reconventionnelle dans laquelle elle demandait une déclaration portant que la marque de commerce de Bauer était invalide parce que cette dernière ne l’employait pas. Ce faisant, elle a employé un langage très similaire à celui qu’elle a utilisé pour demander au registraire la radiation au titre de l’article 45. Le juge Nadon a confirmé les conclusions du protonotaire et du juge Harrington selon lesquelles CCM aurait dû plaider sa cause dans l’action en contrefaçon. Il a également souscrit à leurs opinions selon lesquelles autoriser CCM à intervenir ne simplifierait pas et n’accélérerait pas nécessairement le règlement du litige relatif à la marque de commerce de Bauer dont il était question dans l’action en contrefaçon.

[70]           Le juge Nadon a conclu que la tentative d’intervention de CCM dans la procédure fondée sur l’article 45 visait à obtenir un avantage tactique dans l’action en contrefaçon entre Bauer et CCM. Toutefois, je n’interprète pas ses motifs comme appuyant le principe selon lequel lorsqu’il existe une instance entre des parties qui n’ont pas mis en cause la validité d’une  marque, l’intervention procure un avantage tactique ou l’intervenant n’est pas touché par les résultats de la procédure de radiation. Dans le même ordre d’idées, je n’estime pas que la possibilité d’intenter des procédures fondées sur l’article 57 en vue de faire radier une marque de commerce pour non-emploi, signifie qu’il existe d’autres voies de recours raisonnables et que, par conséquent, la procédure fondée sur l’article 45 représente un avantage tactique.

[71]           J’estime que les remarques de la Cour d’appel ont trait aux faits dans l’affaire où CCM cherchait à faire valoir les mêmes arguments dans deux instances distinctes et qu’il n’était pas certain qu’autoriser CCM à intervenir simplifierait et accélérerait le règlement du litige relatif à la marque de commerce de Bauer.

[72]           Dans la présente affaire, il n’y a aucune autre procédure que celle dont le registre est saisi, à savoir la demande de radiation de la marque DA VINCI. Si la décision relative à la radiation est maintenue, elle aura une incidence sur le litige entre CBQ et Dallevigne. En outre, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que Dallevigne intente d’autres procédures visant à invalider la marque de commerce, car cela créerait une multiplicité des procédures. Cela est particulièrement vrai dans la mesure où le registraire a conclu en premier lieu que la marque de commerce devrait être radiée du registre pour non-emploi.

[73]           Je conclus qu’il ne s’agit pas d’un cas où Dallevigne obtient un avantage tactique et où des arguments similaires sont avancés dans d’autres procédures. Je conclus également que maintenir la décision du registraire aura l’effet probable de simplifier et d’accélérer la procédure d’opposition.

b)                  Facteur 1 : L’intervenant est-il directement touché par le litige

[74]           La question qu’il reste à régler concernant le premier facteur est de savoir si Dallevigne est directement touchée par l’issue de la procédure d’appel. La question en litige dans la présente affaire est complexe parce qu’en appliquant l’arrêt Pictou Landing, j’ai conclu que Dallevigne ne serait pas directement touchée si elle était constituée comme partie en vertu de l’alinéa 303(1)a).

[75]           Toutefois, je conclus que Dallevigne serait touchée par la présente procédure en raison de son incidence sur l’appel interjeté par Dallevigne à l’encontre du refus de la CMOC qui a jugé que sa marque créait de la confusion avec la marque DA VINCI. La marque ne figurait au registre qu’en raison de l’appel interjeté par CBQ à l’encontre de la décision relative à la radiation. Compte tenu du fait que le seul motif invoqué pour le refus d’enregistrement de la marque CANTINE de Dallevigne était qu’elle créait de la confusion avec la marque DA VINCI de CBQ, si sa radiation est maintenue la question de la confusion avec la marque enregistrée de CBQ disparaît. Cela ne mettrait toutefois pas fin à l’appel, dans la mesure où CBQ interjette également appel de la décision portant qu’aucune confusion n’avait été créée avec sa marque au titre de l’alinéa 16(3)a) de la LMC.

[76]           Dans l’arrêt Pictou Landing, le juge Stratas a conclu, au paragraphe 9, qu’aux fins de l’intervention, la personne qui désire intervenir doit seulement démontrer un « intérêt véritable » quant aux questions précises sur lesquelles repose vraisemblablement l’affaire en cause. Il a conclu que le facteur voulant que la personne soit « directement touchée » satisferait aux exigences pour pouvoir participer pleinement à titre de partie, ce qui, si j’ai bien compris, renvoie à l’alinéa 303(1)a). Il a également souligné que tous les autres tribunaux canadiens établissent des exigences relatives au statut d’intervenant moins strictes, mais tout aussi importantes.

[77]           Le  juge Nadon n’a pas fait de commentaires portant précisément sur la question de l’atténuation du premier facteur du critère énoncé dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges, à savoir que la personne qui désire intervenir doit seulement démontrer un « intérêt véritable » quant aux questions en litige et n’a pas à démontrer qu’elle est « directement touchée » par ces questions. Comme je l’ai déjà souligné, il a conclu que les différences entre les deux décisions n’étaient pas « substantielles ». Toutefois, dans l’arrêt Bauer CAF, lorsqu’il a examiné le premier facteur, il s’est posé la question de savoir si CCM serait « directement touchée » par l’issue de la procédure fondée sur l’article 45, à laquelle il a répondu en déclarant qu’« elle est touchée d’une certaine façon », c’est-à-dire que la radiation de la marque de commerce de Bauer est une conclusion qui sera « utile à CCM dans l’action en contrefaçon de Bauer ».

[78]           Il n’est pas allé plus loin dans son analyse parce qu’il a conclu que CCM visait à obtenir un avantage tactique et qu’il ne s’agissait donc pas d’un facteur militant en faveur de l’intervention.

[79]           Après avoir examiné la décision soigneusement rédigée du juge Nadon, je conclus que la Cour d’appel a hésité à adopter la norme de l’« intérêt véritable » en ce qui concerne l’intervention dans cette affaire, même si elle a reconnu qu’il n’y avait aucune différence importante entre les facteurs énoncés dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges et ceux articulés par le juge Stratas dans l’arrêt Pictou Landing.

[80]           Selon moi, cette hésitation découle du fait que l’arrêt Bauer CAF, comme la présente affaire, n’était pas une véritable situation d’intervention comme celle dont il était question dans l’arrêt Pictou Landing. Il s’agissait en réalité d’une demande visant à ce qu’une partie soit substituée à une autre. Compte tenu de l’arrêt Siemens et des remarques formulées dans l’arrêt Bauer CAF, la Cour d’appel éprouve de la répugnance à autoriser les interventions sous forme de substitution, sauf dans les cas où l’intérêt de la justice au sens large est en cause, ce qui n’est pas le cas dans l’appel interjeté en l’espèce en vertu de l’article 45.

[81]           Dans ces circonstances, en l’absence de directive supplémentaire de la part de la Cour d’appel, je suis limité lorsque j’invoque le premier facteur. Néanmoins, le raisonnement énoncé dans l’arrêt Pictou Landing est clair, à savoir que, dans la même procédure, le critère qui s’applique en ce qui concerne l’ajout d’une partie ne peut pas être utilisé en ce qui concerne l’intervention, car il rendrait l’intervention redondante.

[82]           Répétant quelque peu l’analyse faite par le juge Nadon quant au premier facteur énoncé dans l’arrêt Bauer CAF, je conclus que Dallevigne serait touchée par l’issue de la procédure fondée sur l’article 45, mais de façon encore plus importante que son homologue dans l’affaire Bauer CAF, car l’appel relatif à l’opposition semble véritablement porter sur la décision de radiation si la décision du registraire est un quelconque indicateur. Ainsi, l’objectif d’intervention va au-delà de procurer à Dallevigne un simple avantage tactique dans l’appel relatif à l’opposition.

[83]           Dans l’ensemble, je conclus que, à tout le moins, le premier facteur énoncé dans l’arrêt  Rothmans, Benson & Hedges devrait étayer la demande d’intervention de Dallevigne, si l’intérêt de la justice milite par ailleurs en ce sens.

c)                  Facteur 3 : S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen, raisonnable ou efficace, de soumettre la question à la Cour

[84]           Dans l’arrêt Bauer CAF, la Cour d’appel a conclu qu’il y a un moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour, dans la mesure où les trois paliers décisionnels de la Cour avaient conclu que l’action en contrefaçon en cours dans laquelle la question en litige se soulevait était le ressort privilégié. J’ai déjà formulé des commentaires sur la justesse de la décision du protonotaire lorsqu’il a établi une distinction avec la présente situation factuelle, où il n’y aucune procédure en cours et où la validité de la marque contestée est en litige.

[85]           Le juge Nadon a également souligné dans l’arrêt Bauer CAF que CCM aurait pu demander que le registraire donne à n’importe quel moment à Bauer l’avis prévu à l’article 45 comme autre motif pour lequel Bauer avait un autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour. Il semble toutefois que la Cour ne disposait pas de la preuve présentée au protonotaire relativement à l’énoncé de pratique indiquant que le registraire n’aurait probablement pas délivré l’avis prévu à l’article 45 lorsque l’enregistrement de la marque de commerce faisait déjà l’objet d’une procédure devant le registraire. Dallevigne invoque cette disposition. Elle souligne également qu’au moment où l’étape des plaidoiries terminée dans la procédure d’opposition entreprise par CBQ à l’encontre de sa marque, soit le 20 juin 2013, Smart & Biggar avait déjà entrepris de faire radier la marque de CBQ.

[86]           Après l’arrêt Bauer CAF, il se peut fort bien que l’application de l’énoncé de pratique doive être modifiée afin d’autoriser les requêtes en radiation parallèles visant la même marque. Il semble maintenant que ce soit le seul moyen par lequel un autre propriétaire de marque concurrentielle puisse préserver des droits à l’étape de l’appel afin de parer à l’éventualité où la partie initiale qui a demandé la radiation a gain de cause, mais n’oppose aucune défense en appel. Je suppose également que le registraire voudrait également que la Cour autorise la substitution de propriétaires de marques de commerce concurrentielles lorsqu’un défendeur qui a eu gain de cause sort du portrait pour s’assurer que la meilleure preuve possible soit présentée à la Cour fédérale afin qu’elle confirme sa décision.

[87]           Peu importe l’incidence qu’aura l’arrêt Bauer CAF sur la façon dont on appliquera l’énoncé de pratique, je conclus que Dallevigne ne disposait d’aucun moyen réaliste de présenter une demande fondée sur l’article 45 semblable sous le régime de rejet sommaire mis en application par l’énoncé de pratique. Par conséquent, je conclus que le protonotaire n’a commis aucune erreur en jugeant que l’énoncé de pratique est un facteur important lorsqu’il est question d’autoriser une intervention dans l’intérêt de la justice alors que Dallevigne avait des motifs raisonnables de croire qu’elle ne disposait d’aucun moyen pour protéger ses intérêts en vertu de l’article 45.

d)                 Facteur 2 : Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

[88]           Il a été reconnu dans l’arrêt Bauer CAF que, compte tenu de la jurisprudence, il y a une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public concernant la procédure fondée sur l’article 45. Toutefois, l’intérêt public dont il est question dans la disposition n’équivaut pas à celui qui touche de grandes parties de la population et ne soulève aucune question d’ordre constitutionnelle. Dans l’arrêt Bauer CAF, la Cour a conclu que l’aspect public de la procédure fondée sur l’article 45 était un facteur qui militait en faveur de l’intervention de Bauer, mais que cela ne l’emportait pas sur les autres facteurs.

e)                  Facteur 4 : La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

[89]           Le juge Nadon a aussi reconnu que ce facteur militait manifestement en faveur de Bauer, car il n’y avait aucune autre partie au dossier pour présenter une défense en appel.

f)                   Facteur 5 : L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

[90]           En répondant à cette question, je souligne que les deux parties estiment manifestement que l’absence d’un défendeur dans le présent appel est un facteur important. Dallevigne a revendiqué et défend maintenant très énergiquement son droit d’intervenir afin de protéger une décision carrément favorable à ses intérêts économiques et qu’elle ne veut pas voir compromise parce que quelqu’un n’est pas présent pour contester la décision du registraire.

[91]           En revanche, CBQ a défendu et continue de défendre avec la même vigueur son droit d’interjeter appel à l’encontre de la décision du registraire sans devoir confronter un défendeur qui conteste ses arguments. Toutefois, elle ne peut pas prétendre qu’elle serait lésée par l’intervention de Dallevigne, alors que, normalement, Smart & Biggar aurait contesté l’appel conformément aux pratiques courantes qui s’appliquent aux procédures contradictoires au Canada. À mon avis, l’intérêt de la justice concernant ce facteur est mieux servi si Dallevigne se substitue à un défendeur qui a eu gain de cause et qui est absent que si aucun défendeur ne se présente pour défendre la décision du registraire.

g)                  Facteur 6 : La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

[92]           Dans l’arrêt Bauer CAF, la Cour d’appel a reconnu qu’il serait utile à la Cour qu’un défendeur présente une défense en appel, mais dans les circonstances, elle a jugé que ce facteur ne faisait pas pencher la balance en faveur de l’intervention. L’incidence de ce facteur est atténuée par le caractère sommaire et éminemment factuel de la procédure fondée sur l’article 45 qui, selon la Cour d’appel, rendrait vraisemblablement moins problématique le fait que le défendeur ne soit pas représenté par un avocat compte tenu des expériences que l’on a eues dans le passé dans des situations semblables.

[93]           Néanmoins, je souligne que même si la Cour estime être en mesure de trancher la présente affaire sans l’aide d’un défendeur, cette opinion n’est manifestement pas partagée par les  parties comme en témoigne la force de l’opposition au droit de Dallevigne d’intervenir.

[94]           En outre, il convient de rappeler que le protonotaire a accordé à Dallevigne l’autorisation de contre-interroger Mme Valérie Masse sur l’affidavit qu’elle avait déposé auprès du greffier. Il a également mentionné que, si Dallevigne n’était pas autorisée à intervenir [le contre‑interrogatoire est un droit si on est constitué partie], [traduction] « CBQ sera en mesure de présenter son appel relatif à la radiation sans qu’il puisse y avoir contestation par voie de contre-interrogatoire ou de remarques de la part de Smart & Biggar [non souligné dans l’original] ». Mon ordonnance confirmera le droit de Dallevigne de contre-interroger dans l’intérêt de la justice.

[95]           Bien qu’il se puisse qu’aucun préjudice ne sera causé par le fait que la défenderesse Smart & Biggar n’est représentée par aucun avocat, je ne vois pas comment la Cour pourrait pallier à l’absence d’éléments de preuve qui pourraient être divulgués lors du contre‑interrogatoire portant sur l’affidavit de CBQ. L’absence d’éléments de preuve, dont on disposerait normalement si l’intervention était autorisée, pourrait empêcher la Cour d’entendre l’affaire et la trancher sur le fond si l’intervention n’est pas autorisée.

(4)               Conclusion sur l’intervention

[96]           Je conclus que les motifs invoqués par le protonotaire pour autoriser Dallevigne à intervenir sont étayés par l’analyse faite par la Cour des facteurs régissant l’intervention énoncés dans l’arrêt Bauer CAF, lesquels semblent tous militer en faveur de l’intervention. Compte tenu des facteurs dont le protonotaire a fait mention pour faire une distinction d’avec la décision qu’il a rendue dans Bauer, il semble que ceux-ci s’appliquent en l’espèce dans l’intérêt de la justice. Il s’agit des facteurs suivants :

1.      Dallevigne n’aurait pas été en mesure de se prévaloir de l’article 45 afin d’intenter des procédures visant à radier la marque contestée;

2.      il n’y avait aucun autre moyen raisonnable de contester la marque;

3.      le dossier soumis en appel peut comporter des lacunes en raison de l’absence du droit au contre-interrogatoire qui aurait autrement eu lieu si l’intervention était autorisée;

4.      Dallevigne a un véritable intérêt économique dans l’issue de l’affaire et sa présence aidera la Cour à trancher les questions de fait et de droit liées à l’instance;

5.      Dallevigne n’acquiert aucun avantage tactique en intervenant;

6.      la décision ne créera aucun précédent important.

[97]           Bien que cela ne soit pas essentiel à ma décision, je conclus que l’intervention de Dallevigne est en outre justifiée par l’intention sous-jacente à la procédure fondée sur l’article 45, à savoir, notamment, s’assurer que Dallevigne ne soit victime d’aucun avantage concurrentiel inéquitable occasionné par le maintien au registre d’une marque jugée à première vue invalide, en raison de l’absence de débats contradictoires dans le cadre de l’appel de la décision du registraire de radier la marque de CBQ.

LA COUR ORDONNE QUE :

  1. L’appel interjeté par CBQ visant à faire annuler l’ordonnance du protonotaire constituant Dallevigne comme défenderesse dans l’appel est accueilli, mais il est rejeté en ce qui concerne les motifs subsidiaires invoqués par le protonotaire pour autoriser Dallevigne à intervenir dans l’appel. L’intervention est autorisée mutatis mutandis ainsi que les autres mesures formulées dans les ordonnances rendues par le protonotaire le 5 février 2016;
  2. L’intitulé est modifié afin de radier le nom de Dallevigne comme défenderesse, et afin de l’ajouter comme intervenante;
  3. Dallevigne a droit à ses dépens qui, à défaut d’entente entre les parties, seront taxés conformément à la colonne III du tarif B des Règles.

« Peter Annis »

Juge


ANNEXE A

Loi sur les Cours fédérales

Federal Courts Act

50 (1) La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

 

50 (1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

 

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

 

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

[...]

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

[...]

 

Règles des Cours fédérales

Federal Courts Rules

3 Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3 These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

51 (1) L’ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale.

51 (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Federal Court.

104 (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :

104 (1) At any time, the Court may

a) qu’une personne constituée erronément comme partie ou une partie dont la présence n’est pas nécessaire au règlement des questions en litige soit mise hors de cause;

 

(a) order that a person who is not a proper or necessary party shall cease to be a party; or

 

b) que soit constituée comme partie à l’instance toute personne qui aurait dû l’être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne.

(b) order that a person who ought to have been joined as a party or whose presence before the Court is necessary to ensure that all matters in dispute in the proceeding may be effectually and completely determined be added as a party, but no person shall be added as a plaintiff or applicant without his or her consent, signified in writing or in such other manner as the Court may order.

109 (1) La Cour peut, sur requête, autoriser toute personne à intervenir dans une instance.

109 (1) The Court may, on motion, grant leave to any person to intervene in a proceeding.

300 La présente partie s’applique :

 

300 This Part applies to

 

a) aux demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives, y compris les demandes présentées en vertu des articles 18.1 ou 28 de la Loi, à moins que la Cour n’ordonne, en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi, de les instruire comme des actions;

 

(a) applications for judicial review of administrative action, including applications under section 18.1 or 28 of the Act, unless the Court directs under subsection 18.4(2) of the Act that the application be treated and proceeded with as an action;

 

b) aux instances engagées sous le régime d’une loi fédérale ou d’un texte d’application de celle-ci qui en prévoit ou en autorise l’introduction par voie de demande, de requête, d’avis de requête introductif d’instance, d’assignation introductive d’instance ou de pétition, ou le règlement par procédure sommaire, à l’exception des demandes faites en vertu du paragraphe 33(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime;

 

(b) proceedings required or permitted by or under an Act of Parliament to be brought by application, motion, originating notice of motion, originating summons or petition or to be determined in a summary way, other than applications under subsection 33(1) of the Marine Liability Act;

 

c) aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté;

 

(c) appeals under subsection 14(5) of the Citizenship Act;

 

d) aux appels interjetés en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce;

[...]

(d) appeals under section 56 of the Trade-marks Act;

[...]

301 La demande est introduite par un avis de demande, établi selon la formule 301, qui contient les renseignements suivants :

301 An application shall be commenced by a notice of application in Form 301, setting out

 

a) le nom de la cour à laquelle la demande est adressée;

 

(a) the name of the court to which the application is addressed;

 

b) les noms du demandeur et du défendeur;

 

(b) the names of the applicant and respondent;

 

c) s’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire :

(i) le nom de l’office fédéral visé par la demande,

(ii) le cas échéant, la date et les particularités de l’ordonnance qui fait l’objet de la demande ainsi que la date de la première communication de l’ordonnance au demandeur;

(c) where the application is an application for judicial review,

(i) the tribunal in respect of which the application is made, and

(ii) the date and details of any order in respect of which judicial review is sought and the date on which it was first communicated to the applicant;

d) un énoncé précis de la réparation demandée;

 

(d) a precise statement of the relief sought;

 

e) un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable;

 

(e) a complete and concise statement of the grounds intended to be argued, including a reference to any statutory provision or rule to be relied on; and

 

f) la liste des documents qui seront utilisés en preuve à l’audition de la demande.

 

(f) a list of the documentary evidence to be used at the hearing of the application

 

303 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

 

303 (1) Subject to subsection (2), an applicant shall name as a respondent every person

 

a) toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;

 

(a) directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; [...]

Loi sur les marques de commerce

Trade-marks Act

 

9 (1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

[...]

9 (1) No person shall adopt in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for,

[...]

 

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème :

[...]

(n) any badge, crest, emblem or mark

[...]

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des produits ou services,

à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi;

(iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for goods or services,

in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use;

 

16 (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

16 (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the goods or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

 

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

 

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

 

45 (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l’enregistrement d’une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu’il ne voie une raison valable à l’effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacun des produits ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

45 (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the goods or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l’avis a été donné ou pour celle-ci.

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

 

(3) Lorsqu’il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des produits ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’un de ces produits ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the goods or services specified in the registration or with respect to any of those goods or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.

 

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l’enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l’avis visé au paragraphe (1) a été donné.

 

(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

 

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n’en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel.

 

(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

 

56 (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

56 (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

 

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

 

(2) Personne n’a le droit d’intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d’interjeter appel.

(2) No person is entitled to institute under this section any proceeding calling into question any decision given by the Registrar of which that person had express notice and from which he had a right to appeal.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1104-15

 

INTITULÉ :

CONSTELLATION BRANDS QUEBEC INC. c  SMART & BIGGAR ET DALLEVIGNE S.P.A.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 Mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 31 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Bruno Barrette

Yann Canneva

POUR LA DEMANDERESSE

 

Scott Miller

POUR LA DÉFENDERESSE (Dallevigne S.P.A.)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barrette Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

SMART & BIGGAR

Droit de la propriété intellectuelle et de la technologie

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE (SMART & BIGGAR)

 

MBM Intellectual Property Law LLP

 

POUR LA DÉFENDERESSE (Dallevigne S.P.A.)

 

 

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