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Date : 20160614


Dossier : T-2005-14

Référence : 2016 CF 664

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 14 juin 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

MICHAEL LANDRIAULT

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Centre des pensions de la fonction publique (le « Centre des pensions ») de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC ») refusant la demande du demandeur de participer au programme de rachat d’années de service prévu par la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36 (la « LPFP ») pour les périodes de services fournis dans le cadre de contrats conclus avec Environnement Canada.

Contexte

[2]               Entre le mois de mars 1992 et le mois d’avril 2005, le demandeur a fourni des services à Environnement Canada principalement par l’intermédiaire de treize contrats (désignées dans leur ensemble comme les « contrats »). Il est devenu employé permanent d’Environnement Canada en avril 2005. Les contrats ont été conclus entre Environnement Canada et M.T.L. Analytical (« MTL ») ou entre Environnement Canada et Michael T. Landriault, [traduction] « faisant affaire sous le nom de M.T.L Analytical », « faisant affaire sous le nom de » ou « exploité sous le nom de » MTL pour des services de conseil et des services professionnels en matière de chromatographie pétrolière et de séparation chromatographique. Les contrats qui ont été signés l’ont été par le demandeur à titre de propriétaire ou de président de MTL.

[3]               Le 13 mai 2008, le demandeur a déposé un Formulaire pour service accompagné d’option par lequel il demandait à payer pour les années de service passées fournies par l’intermédiaire des contrats. Il y demandait que les services qu’il avait fournis sous contrats avec Environnement Canada soient reconnus comme étant des services ouvrant droit à pension en vertu de la LPFP (« demande de rachat »). Le 21 juillet 2008, le secteur Pensions de retraite, Regroupement des pensions et Services à la clientèle de TPSGC a écrit au demandeur et l’a avisé qu’en règle générale, les contrats de service [traduction] « ne sont pas visés par la LPFP », mais qu’il est néanmoins possible qu’ils soient reconnus comme ayant été fournis dans le cadre d’un emploi au sein de la fonction publique s’il est établi qu’il y a une relation employeur/employé. Pour évaluer l’existence d’une telle relation, TPSGC a demandé à obtenir de plus amples renseignements de la part du demandeur, dont des copies des treize contrats ainsi qu’une explication décrivant pourquoi le service fourni devrait être considéré comme constituant un emploi dans la fonction publique. La lettre mentionnait également que, pour établir l’existence de la relation d’emploi, TPSGC tient compte de neuf critères, énumérés sous forme de questions au demandeur.

[4]               Le 15 octobre 2008, le demandeur a répondu à la lettre en fournissant des copies des contrats, une copie de sa description d’emploi et des réponses à tous les critères énumérés.

[5]               Le 4 février 2009, TPSGC a écrit à Environnement Canada, joignant à la lettre les renseignements fournis par le demandeur. TPSGC y mentionnait que la caractérisation de la situation d’emploi d’une personne est de la responsabilité du ministère qui emploie cette personne. Il ajoutait de plus qu’une période de contrat de service peut être reconnue comme un emploi au sein de la fonction publique si le ministère contractant est d’avis qu’une telle reconnaissance est appropriée et que cet avis est justifié par une logique démontrant l’existence d’une relation employeur-employé pendant la durée des contrats. Dans cette lettre, TPSGC recommandait également à Environnement Canada d’examiner la documentation fournie et d’indiquer si, à son avis, une relation employeur-employé existait pendant toute la durée ou une partie de la durée des contrats ou si le service en question devrait plutôt être considéré comme un contrat d’emploi. Il y était ajouté que cette évaluation doit être effectuée en utilisant la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du trésor (« SCT »), les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») et les faits entourant la relation entre le demandeur et le ministère. La lettre mentionnait également que l’opinion du ministère était nécessaire pour que TPSGC puisse rendre une décision finale relativement au statut de la pension du demandeur.

[6]               Le 23 avril 2013, soit plus de quatre ans plus tard, Environnement Canada a répondu à la lettre datée du 4 février 2009 (la « position d’EC »). Cette réponse indiquait qu’Environnement Canada avait examiné la documentation disponible relativement aux contrats de service du demandeur et que celui-ci avait offert ses services en tant que tiers entrepreneur par l’intermédiaire de mécanismes tels que des agences de placement ou de sociétés d’experts-conseils. Il y était ajouté que, lorsqu’Environnement Canada engage des tierces parties par voie de contrat, le ministère se dégage de toute responsabilité envers les employés visés par le contrat. En l’absence d’une preuve manifeste du contraire, toute revendication reliée aux avantages sociaux en matière d’emploi est de la responsabilité du tiers entrepreneur.

[7]               Dans une note datée du 5 juillet 2013, la division des politiques et des services consultatifs de TPSGC a avisé les services aux cotisants que, de façon générale, les contrats de service ne sont pas reconnus en vertu de la LPFP puisqu’il ne s’agit pas d’un emploi au sein de la fonction publique. Les personnes employées au sein de la fonction publique sont celles qui sont engagées en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « LEFP ») ou par un pouvoir d’embauche semblable. Toutefois, dans certaines circonstances, lorsqu’une relation employeur-employé existait pendant la période de contrat de service, il est possible que ce service soit admissible aux fins du calcul des prestations de retraite en vertu de la LPFP. Dans le cas qui nous occupe, Environnement Canada était d’avis que cette relation était inexistante. Par conséquent, les services fournis par le demandeur conservaient leur statut de contrats de service. Compte tenu de cette détermination, les périodes de contrat de service n’ont pas pu être comptabilisées en vertu de la LPFP et la demande de rachat du demandeur a été jugée invalide. TPSGC a avisé le demandeur de cette décision par une lettre datée du 8 janvier 2014 (la « décision de TPSGC »).

[8]               Le 27 mars 2014, le demandeur, par l’entremise de son avocat, a demandé dans des lettres envoyées à TPSGC et à Environnement Canada de revoir leur position en fonction de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada (Revenu National), 2013 CAF 85 [Connor Homes], et a fait valoir qu’il était nécessaire que la situation du demandeur soit examinée sous l’angle d’une analyse factuelle de la nature de la relation entre le demandeur et Environnement Canada, mais que cette analyse n’avait pas été effectuée. Il a également ajouté qu’il était inapproprié que la décision de TPSGC se fonde uniquement sur l’opinion d’Environnement Canada. L’avocat du demandeur a profité de ces lettres pour présenter des arguments et joindre des documents au soutien de la demande de rachat.

[9]               Dans une lettre datée du 10 juillet 2014, TPSGC a répondu à la demande de l’avocat du demandeur (le « réexamen de TPSGC »). Il y avisait le demandeur que le Centre des pensions avait réalisé un examen approfondi du dossier, notamment des documents justificatifs fournis par l’avocat. Dans cette lettre, TPSGC affirmait que tous les contrats avaient été conclus entre Environnement Canada et MTL. De plus, comme Environnement Canada avait conclu ces contrats avec une agence ou une entreprise, les services fournis au ministère avaient été rendus par un consultant de cette agence ou entreprise. Le demandeur a été choisi par l’entreprise pour exécuter les dispositions du contrat. Par conséquent, une relation tripartite a été établie. La relation employeur-employé a été établie entre le consultant et son agence ou entreprise, alors que le contrat était conclu entre Environnement Canada et l’agence ou l’entreprise. Il n’est pas possible que deux relations employeurs-employés existent simultanément dans des relations tripartites. Par conséquent, les périodes de travail du demandeur visées par des contrats de service ne pouvaient pas être caractérisées comme constituant un emploi au sein de la fonction publique aux fins du calcul des prestations de retraite. Cette lettre mentionnait également qu’il était vrai que l’opinion d’Environnement Canada avait été sollicitée, mais que la décision finale concernant l’existence d’une relation employeur-employé aux fins du calcul des prestations de retraite incombait au Centre des pensions, qui avait rendu sa décision en tenant compte de toute la preuve fournie.

[10]           Dans une lettre datée du 28 juillet 2014 à TPSGC, l’avocat du demandeur a affirmé qu’à son avis, le réexamen de TPSGC était erroné en faits et en droit et exigeait un nouvel examen de la situation. L’avocat y faisait plusieurs observations et soulevait notamment le fait que MTL n’était pas une vraie entreprise, que le demandeur n’était pas un employé de MTL, que MTL n’était pas constituée en personne morale, qu’elle n’avait pas de compte bancaire distinct, que le numéro de TPS du demandeur était à son nom propre, que MTL n’avait aucun autre employé que le demandeur et qu’elle avait été créée uniquement parce que Environnement Canada avait demandé au demandeur de le faire à des fins fiscales et comptables. L’avocat a également fait valoir dans cette lettre que la relation entre le demandeur et Environnement Canada n’avait pas été adéquatement analysée puisque la décision de TPSGC n’avait pas évalué les critères du contrôle fondamental (Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 RCS 1015 [Pointe-Claire]). L’avocat du demandeur a avisé TPSGC que s’il n’avait pas reçu une réponse dans les trente jours, il entamerait des procédures auprès de la Cour fédérale.

[11]           L’avocate de TPSGC a répondu par courriel le 28 août 2014. Dans son courriel, elle a tout d’abord déclaré que la position de son client demeurait la même, soit celle du réexamen de TPSGC qui avait été annoncée dans la lettre du 10 juillet 2014. Elle a ajouté que la décision finale quant à l’existence d’une relation employeur-employé pendant la période visée était du ressort de Centre des pensions, qui tient compte de l’avis des ministères concernés. Par conséquent, en fonction des faits et des explications fournies dans le réexamen de TPSGC, le contrat d’emploi du demandeur ne pouvait être considéré à titre d’emploi dans la fonction publique aux fins du calcul des prestations de retraite.

[12]           Le 25 septembre 2014, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision de TPSGC et du Centre des pensions rendue le 28 août 2014. Il décrivait cette décision comme étant sous-jacente à la demande de contrôle, tout en affirmant que trois décisions de TPSGC étaient pertinentes, soit celles du 8 janvier 2014, du 10 juillet 2014 et du 28 août 2014. Dans cet avis, il sollicitait une ordonnance annulant la décision du 28 août 2014 et autorisant sa demande de rachat. Subsidiairement, le demandeur souhaitait obtenir une ordonnance enjoignant TPSGC à réviser sa décision en vertu des principes reconnus pour la détermination de l’existence d’une relation employeur-employé.

Questions en litige

[13]           Le demandeur soutient que six questions se posent :

        i.            TPSGC a-t-il appliqué le droit pertinent en rejetant la demande de rachat du demandeur?

      ii.            TPSGC a-t-il respecté ses propres politiques en rejetant la demande de rachat du demandeur?

    iii.            TPSGC a-t-il tenu compte de l’ensemble des faits (et du droit) en rejetant la demande de rachat du demandeur?

    iv.            TPSGC a-t-il agi de façon arbitraire ou incohérente en refusant au demandeur son droit à la justice naturelle?

      v.            TPSGC a-t-il omis de fournir une divulgation adéquate et ainsi privé le demandeur de ses droits à la justice naturelle?

    vi.            Le demandeur était-il dans une relation d’emploi avec Environnement Canada pendant la période allant de mars 1992 à avril 2005?

[14]           Le défendeur fait valoir qu’il y a trois questions en litige :

        i.            La demande de contrôle judiciaire est-elle hors délai?

      ii.            Dans la négative, quelle décision est visée par le contrôle judiciaire?

    iii.            Quelle est la norme de contrôle appropriée?

    iv.            La décision du Centre des pensions refusant au demandeur de considérer les services fournis contractuellement comme ouvrant droit à pension en vertu de la LPFP est-elle raisonnable?

[15]           À mon avis, les questions en litige dans la présente demande peuvent être reformulées ainsi :

1.      La demande de contrôle judiciaire est-elle hors délai?

2.      Dans la négative, quelle décision est visée par le contrôle judiciaire?

3.      La décision de refuser la demande de rachat d’années de service du demandeur était-elle raisonnable?

Norme de contrôle

[16]           La question de fond soulevée dans la présente demande est une question mixte de faits et de droit et doit donc être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable (Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2008 CF 474, aux paragraphes 17 et 18; Cohen c. Canada (Procureur général), 2008 CF 676, aux paragraphes 10 à 20 [Cohen]; Baribeau c. Canada (Procureur général), 2015 CF 615, aux paragraphes 8 et 9 [Baribeau]; Assoc. professionnelle des agents du service extérieur c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 162, au paragraphe 12 [Agents du service extérieur]). Je note également que les questions de droits soulevées en vertu de la loi constitutive d’un tribunal doivent en principe être examinées en fonction de la norme de la décision raisonnable (Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3, au paragraphe 35; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54 [Dunsmuir]).

[17]           En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour s’intéressera particulièrement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, mais aussi à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

Première question : la demande est-elle hors délai?

[18]           Le défendeur fait valoir que la demande est hors délai puisque la lettre du 28 juillet 2014 de l’avocate de TPSGC ne constitue pas une décision. En fait, la lettre n’est rien de plus qu’une [traduction] « réponse de courtoisie » qui ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire (Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 982 [Dhaliwal]). Cette lettre se distingue de la décision de TPSGC et du réexamen de TPSGC, qui sont des exercices distincts d’un pouvoir discrétionnaire constituant des décisions susceptibles de révision par la Cour conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [Loi sur les Cours fédérales]. Puisque le réexamen de TPSGC a été rendu le 10 juillet 2014, le défendeur soutient que la date d’échéance pour déposer une demande de contrôle judiciaire était le 10 août 2014. Comme le demandeur a déposé sa demande le 25 septembre 2014, celle-ci est hors délai.

[19]           Le demandeur fait valoir que la lettre de l’avocat de TPSGC constitue une décision susceptible de révision et que la demande n’est donc pas hors délai. Il renvoie également à la décision Dhaliwal et affirme qu’elle confirme la proposition voulant que si une nouvelle question est introduite par un avocat, la réponse constitue alors une décision susceptible de révision. Le demandeur fait également valoir que dans l’éventualité où la demande aurait été déposée hors délai, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai conformément aux critères établis dans la décision Exeter c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 253, au paragraphe 4 [Exeter]. Le demandeur soutient qu’il satisfait chacun des quatre critères qui y sont établis : il a poursuivi sa demande de façon diligente, le défendeur ne subit aucun préjudice puisque la période de rachat demeure la même, le retard a été engendré par une tentative raisonnable de l’avocat de négocier une entente plutôt que d’entreprendre un recours juridique et la demande a des chances raisonnables d’être accueillie puisque l’affidavit du demandeur démontre qu’il satisfait aux critères relatifs aux relations entre employeur et employé. Il ajoute que le délai de prescription de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales ne s’applique pas en l’espèce, car le Centre des pensions n’est pas un « office fédéral ».

[20]           À mon avis, l’allégation du demandeur selon laquelle le Centre des pensions n’est pas un « office fédéral » est sans fondement. Le terme « office fédéral » est défini largement à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales et comprend tout conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, exerçant ou étant censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, au paragraphe 3, la Cour suprême du Canada a décrit cette définition comme étant « très large ». Cette décision établit que les décideurs fédéraux visés par cette définition vont du premier ministre et des organismes les plus importants jusqu’aux gardes-frontière et aux douaniers locaux, et englobent tous ceux qui se situent entre ces deux extrêmes. De plus, d’autres affaires visant des contrôles judiciaires de décisions du Centre des pensions ont été présentées à la Cour par le passé, conformément à la compétence lui étant dévolue par l’article 18.1 (voir Baribeau et Nash c. Canada (Procureur général), 2013 CF 683).

[21]           Le demandeur fait également valoir que sa lettre du 28 juillet 2014 adressée au TPSGC soulève de nouvelles questions et que, par conséquent, la réponse par courriel de l’avocate du ministère constitue une nouvelle décision susceptible d’être visée par un contrôle judiciaire. Là encore, je ne partage pas son avis. Premièrement, il est clair à la simple lecture du courriel qu’il s’agit simplement d’une réponse de courtoisie confirmant des renseignements déjà donnés, exactement comme dans la décision Hallen c. Canada (Procureur général), 2014 CF 88, aux paragraphes 6 et 18. L’avocate de TPSGC a affirmé qu’il fallait reconnaître dès le départ que la position de son client [traduction] « demeurait la même que celle formulée dans la lettre du 10 juillet 2014 ». Deuxièmement, l’avocate du défendeur mentionne explicitement qu’elle ne possède aucun pouvoir décisionnel, affirmant que [traduction] « la décision finale quant à l’existence d’une relation de nature employeur-employé est [...] du ressort du Centre des pensions ». Pour ces motifs, je conclus que la lettre « n’a pas pour effet de porter atteinte à des droits, d’imposer des obligations juridiques, ni d’entraîner des effets préjudiciables » et que, par conséquent, il ne s’agit pas d’une décision susceptible de révision (Air Canada c. Administration Portuaire De Toronto Et Al, 2011 CAF 347, aux paragraphes 28 à 30).

[22]           Les faits de l’espèce sont semblables à ceux de la décision Cohen, dans laquelle la Cour devait déterminer si la demande avait été déposée hors délai. Tout comme le cas qui nous occupe, le demandeur avait reçu plusieurs lettres et le défendeur contestait la nature décisionnelle de la plus récente. Cependant, la décision Cohen se distingue toutefois de la présente affaire puisque, en l’espèce, l’avocate de TPSGC ne s’est pas « engagée dans le réexamen de l’affaire » comme le faisait la lettre en litige dans la décision Cohen.

[23]           De même, bien que dans sa lettre du 28 juillet 2014, l’avocat du demandeur déclare [traduction] « [s]i je ne reçois pas de réponse de votre bureau dans les trente (30) jours, je me verrai dans l’obligation d’entamer des procédures devant la Cour fédérale », cette déclaration ne peut servir à proroger le délai de la décision faisant l’objet du contrôle. Il est également pertinent d’observer que le délai de trente jours du 28 juillet 2014, qui est la date de la déclaration de l’avocat, dépasse malgré tout le dernier jour pour contester le nouvel examen de TPSGC puisque cette décision a été rendue le 10 juillet 2014. Comme l’a déclaré le juge Pelletier (tel était alors son titre) dans la décision Moresby Explorers Ltd. c. Directeur de la réserve du Parc national de Gwaii Haanas, [2000] A.C.F. no 1944, en faisant référence à la décision Dhaliwal :

Dans le jugement Dumbrava c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995), 101 F.T.R. 230, [1995] A.C.F. no 1238, le juge Noël (maintenant juge de la Cour d’appel) a examiné une série de décisions portant sur l’effet de la correspondance échangée avec l’auteur de la décision après que celle-ci a été prise. Dans ces décisions, le tribunal avait jugé qu’une « réponse faite par courtoisie » ne crée pas une nouvelle décision ouvrant droit à un contrôle judiciaire. Comme le juge McKeown l’a déclaré dans la décision Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 982 (C.F. 1re inst.) : « un procureur ne peut reporter la date d’une décision en envoyant une lettre dans l’intention de susciter une réponse ». Avant qu’il y ait une nouvelle décision susceptible d’un contrôle judiciaire, il doit y avoir un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, tel que le réexamen d’une décision antérieure à la lumière de faits nouveaux.

[24]           Pour ces motifs, à mon avis, la décision réellement contestée par le demandeur est le réexamen de TPSGC; sa demande a donc été déposée hors délai.

[25]           Par conséquent, la question est de déterminer si la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai. Le demandeur a raison d’affirmer que les conditions pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire ont été établies dans la décision Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] ACF no 144, et qu’elles ont récemment été réitérées dans la décision Exeter, au paragraphe 4 :

1)    La partie requérante a-t-elle eu l’intention constante de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire?

2)    La partie intimée a-t-elle subi un préjudice en raison du retard de la partie requérante?

3)    La partie requérante a-t-elle donné une explication raisonnable pour justifier son retard?

4)    La demande de contrôle judiciaire envisagée a-t-elle des chances d’être accueillie?

[26]           Je juge qu’il est approprié dans les circonstances d’exercer mon pouvoir discrétionnaire et de trancher la demande sur le fond. En l’espèce, l’intention de poursuivre une demande de contrôle judiciaire a été constante, le retard n’est pas significatif et le défendeur n’en subit aucun préjudice. D’ailleurs, Environnement Canada a lui-même causé un retard inexpliqué de quatre ans, entre 2009 et 2013, avant de répondre au demandeur. De plus, on ne peut dire que la demande du demandeur n’a aucune chance d’être accueillie. Par conséquent, il y a un fondement suffisant pour exercer mon pouvoir discrétionnaire.

Deuxième question : quelle décision est visée par le contrôle judiciaire?

[27]           Pour les motifs précités, puisque le courriel de l’avocate de TPSGC ne constitue pas une décision susceptible de révision, la décision réellement visée par le contrôle judiciaire est le réexamen de TPSGC. Je tiens également à souligner que l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »), énonce qu’à moins que la Cour n’en ordonne autrement, une demande de contrôle judiciaire doit se limiter à une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée; par contre, cet article ne s’applique pas à une série d’actes continus ou à une situation toujours en cours (Shotclose c. Première Nation Stoney, 2011 CF 750, au paragraphe 64; Festival canadien des films du monde c. Téléfilm Canada, 2005 CF 1730). À mon avis, la décision de TPSGC et le réexamen de TPSGC sont si intimement liés qu’ils doivent être examinés comme constituant une seule décision continue (Truehope Nutritional Support Ltd. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 658, au paragraphe 6). Ces deux décisions font intervenir les mêmes faits, le même organe décisionnel et visent la même question de demande de rachat du demandeur.

Troisième question : La décision de refuser la demande de rachat d’années de service du demandeur était-elle raisonnable?

Position du demandeur

[28]           Le demandeur soutient que le Centre des pensions a commis une erreur de droit en se basant uniquement sur [traduction] « l’opinion » d’Environnement Canada pour rendre la décision TPSGC. TPSGC était tenu d’évaluer la relation existante entre Environnement Canada et le demandeur (Connor Homes, au paragraphe 37).

[29]           Le demandeur fait également valoir que, dans le réexamen de TPSGC, le Centre des pensions a rejeté sa demande au motif qu’il était un employé de MTL et que, par conséquent, il ne pouvait être un employé d’Environnement Canada, alors que cette question n’a pas été soulevée dans la décision de TPSGC. Le Centre des pensions a également erré en rejetant sa demande uniquement en raison de l’existence même de MTL, alors qu’il aurait plutôt dû examiner les caractéristiques de fonctionnement et les vrais motifs sous-tendant la création de MTL. Le demandeur se fonde sur son affidavit du 7 novembre 2014 et fait valoir que MTL n’était pas une [traduction] « vraie » entreprise, qu’elle n’était pas constituée en personne morale, qu’elle n’avait pas de numéro de TPS ni de compte bancaire à son nom et qu’elle ne comptait aucun employé. Il ajoute qu’Environnement Canada a lui-même exigé que le demandeur crée MTL pour pouvoir continuer à travailler pour le ministère. Environnement Canada envoyait en avance les demandes d’offre de service à MTL pour s’assurer qu’il obtienne les contrats. Le demandeur souligne que l’affidavit du 22 janvier 2015 de Denise Smith, conseillère de direction principale à la Division des services consultatifs du Centre des pensions de TPSGC (l’« affidavit de Denise Smith »), ne contredit pas ces éléments.

[30]           Le demandeur fait également valoir qu’en établissant l’existence d’une relation tripartite, le TPSGC a omis de prendre en compte le [traduction] « critère du contrôle fondamental » afin de déterminer l’employeur réel dans une relation tripartite comme l’exige la décision Pointe-Claire de la Cour suprême. Il ajoute que, lors du contre-interrogatoire de Denise Smith sur son affidavit, l’avocat du défendeur s’est opposé aux questions portant sur la notion du contrôle fondamental.

[31]           Le demandeur soutient de plus que TPSGC a omis de respecter ses propres politiques et critères pour établir l’existence d’une relation de type employeur-employé. Il a été avisé par une lettre datée du 21 juillet 2008 que sa demande serait évaluée en fonction de neuf critères précis provenant des lignes directrices du SCT et de l’ARC, mais aucune des décisions ne mentionne que ces critères ont été utilisés.

Position du défendeur

[32]           Le défendeur distingue les critères de droit privé sur lesquels le demandeur se fonde et l’analyse de droit public effectuée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 RCS 614 [Econosult]. Il fait valoir que l’objectif de la LPFP est de fournir des prestations de retraite aux personnes employées par la fonction publique et que cette loi prévoit des définitions pour les termes « fonction publique », « emploi ouvrant droit à pension » et « traitement ». À la lumière de ces définitions, une personne employée dans la fonction publique aux fins de la LPFP est une personne détenant un poste dans un ministère. Par conséquent, en règle générale, les périodes de contrat de service ne peuvent être « comptabilisées » en vertu de la LFPP puisque les entrepreneurs ne sont pas des personnes employées dans la fonction publique, n’étant pas nommés aux termes d’une autorité législative et n’occupant pas de poste au sein de la fonction publique. Ainsi, les critères de droit privé normalement utilisés pour résoudre des conflits concernant la nature de la prestation d’un individu, soit à titre d’employé ou d’entrepreneur indépendant, ne sont pas pertinents.

[33]           Bien que l’arrêt Econosult traite de la signification du terme « employé dans la fonction publique » conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (Abrogée, 2003, ch. 22, art. 285), les tribunaux ont appliqué un raisonnement semblable pour l’interprétation de la notion d’emploi dans la fonction publique dans le contexte de la LPFP, soit qu’une personne ne peut être employée de la fonction publique à moins qu’elle ne reçoive une offre d’emploi officielle (Burley c. Canada (Procureur général), 2008 CF 525 [Burley]; Agents du service extérieur; Cohen).

[34]           En l’espèce, le demandeur n’était pas un employé en application de la LEFP ou d’une autre autorité législative. Il a plutôt choisi d’être consultant pour le gouvernement fédéral en contractant ses services par l’intermédiaire de MTL. Le libellé des contrats précise qu’ils n’ont pas pour effet de créer une relation de type employeur/employé. Le demandeur ne satisfaisait pas les exigences législatives de la LPFP, car il a manifestement offert des services au gouvernement fédéral par l’intermédiaire de contrats dans lesquels il agissait comme un agent, un employé ou un représentant de MTL pendant la période visée. De plus, même si le demandeur avait conclu personnellement un contrat avec le gouvernement fédéral plutôt que par l’intermédiaire de MTL, il aurait tout de même été engagé par voie contractuelle plutôt que sous l’égide d’une loi, comme entrepreneur indépendant plutôt qu’employé.

[35]           Le défendeur soutient également que, dans la mesure où les principes de droit privé s’appliquent pour établir si le demandeur était employé de la fonction publique, la décision de TPSGC a tenu compte de la conclusion d’Environnement Canada en fonction de neuf critères et de son examen des contrats pour conclure qu’il n’y avait aucun fondement au soutien de la demande du demandeur.

[36]           Les conditions des contrats, lorsqu’elles sont évaluées en fonction des critères généralement utilisés par les tribunaux pour déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant, indiquent que la décision du Centre des pensions, selon laquelle le demandeur n’était pas un employé du gouvernement fédéral, est une décision raisonnable.

[37]           Le défendeur fait valoir qu’il n’y a pas qu’un seul critère concluant pouvant être appliqué pour établir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant (671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59). Il faut plutôt tenir compte de tous les facteurs pouvant affecter la nature de la relation, y compris ceux mentionnés dans la lettre datée du 21 juillet 2008.

[38]           Le défendeur ajoute qu’il y a distinction faite d’avec l’arrêt Pointe-Claire puisque la question en litige soulevée dans cette affaire en était une d’interprétation législative afin de déterminer l’employeur dans une relation tripartite selon le régime des conventions collectives au sens du Code canadien du travail. Le critère du contrôle fondamental ne permet pas d’établir avant tout s’il existe une relation tripartite.

[39]           En ce qui concerne la prétention du demandeur que MTL n’est pas une [traduction] « vraie » entreprise, le défendeur réplique que la partie aux contrats était une entité commerciale du nom de MTL Analytical et que le demandeur a exécuté les contrats à titre d’agent et de représentant de cette entreprise. Il ajoute que, quoi qu’il en soit, cette information n’a pas été présentée au Centre des pensions avant qu’il ne rende sa décision.

Dispositions législatives pertinentes

[40]           Pour analyser les questions en litige, il est nécessaire de tenir compte des dispositions législatives pertinentes énumérées ci-dessous.

LEFP

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 (1) The following definitions apply in this Act.

...

...

fonctionnaire Personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission.

employee means a person employed in that part of the public service to which the Commission has exclusive authority to make appointments.

employeur

employer means

a) Le Conseil du Trésor, dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(a) the Treasury Board, in relation to an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act; or

b) l’organisme distinct en cause, dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

(b) in relation to a separate agency to which the Commission has exclusive authority to make appointments, that separate agency.

[41]           La LPFP n’offre pas de définition du terme « employé ». Les dispositions suivantes sont toutefois pertinentes :

3 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

3 (1) In this Part,

...

...

contributeur Personne tenue par l’article 5 de contribuer à la Caisse de retraite de la fonction publique, et, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente :

contributor means a person required by section 5 to contribute to the Public Service Pension Fund, and, unless the context otherwise requires,

a) personne qui a cessé d’être tenue par la présente loi de contribuer au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite de la fonction publique;

(a) a person who has ceased to be required by this Act to contribute to the Superannuation Account or the Public Service Pension Fund, and

b) pour l’application des articles 25, 27 et 28, contributeur selon la partie I de la Loi sur la pension de retraite à qui a été accordée une allocation annuelle sous le régime de cette loi, ou qui est décédé.

(b) for the purposes of sections 25, 27 and 28, a contributor under Part I of the Superannuation Act who has been granted an annual allowance under that Act or has died;

...

...

emploi ouvrant droit à pension Tout emploi à l’égard duquel il existait un fonds ou régime établi de pension de retraite ou de pension, approuvé par le ministre pour l’application de la présente partie, au bénéfice de personnes qui occupent cet emploi.

pensionable employment means any employment in respect of which there was an established superannuation or pension fund or plan, approved by the Minister for the purposes of this Part, for the benefit of persons engaged in that employment;

...

...

fonction publique Les divers postes dans quelque ministère ou secteur du gouvernement exécutif du Canada, ou relevant d’un tel ministère ou secteur, et, pour l’application de la présente partie, du Sénat et de la Chambre des communes, de la bibliothèque du Parlement, du bureau du conseiller sénatorial en éthique, du bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, du Service de protection parlementaire et de tout office, conseil, bureau, commission ou personne morale, ou secteur de l’administration publique fédérale, que mentionne l’annexe I, à l’exception d’un secteur du gouvernement exécutif du Canada ou de la partie d’un ministère exclus par règlement de l’application de la présente définition.

public service means the several positions in or under any department or portion of the executive government of Canada, except those portions of departments or portions of the executive government of Canada prescribed by the regulations and, for the purposes of this Part, of the Senate, House of Commons, Library of Parliament, office of the Senate Ethics Officer, office of the Conflict of Interest and Ethics Commissioner and Parliamentary Protective Service and any board, commission, corporation or portion of the federal public administration specified in Schedule I;

...

...

traitement

salary means

a) La rémunération de base versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste dans la fonction publique, y compris les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités et les gratifications qui sont réputées en faire partie en vertu d’un règlement pris en application de l’alinéa 42(1)e);

(a) as applied to the public service, the basic pay received by the person in respect of whom the expression is being applied for the performance of the regular duties of a position or office exclusive of any amount received as allowances, special remuneration, payment for overtime or other compensation or as a gratuity unless that amount is deemed to be or to have been included in that person’s basic pay pursuant to any regulation made under paragraph 42(1)(e), and

...

...

6 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le service qui suit peut être compté par un contributeur comme service ouvrant droit à pension pour l’application de la présente partie :

6 (1) Subject to this Part, the following service may be counted by a contributor as pensionable service for the purposes of this Part:

...

...

(iii) relativement à un contributeur :

(iii) with reference to any contributor,

...

...

(F) toute période de service dans un emploi ouvrant droit à pension, immédiatement avant de devenir employé dans la fonction publique, s’il choisit, dans le délai d’un an après qu’il est devenu contributeur selon la présente partie, de payer pour ce service,

(F) any period of service in pensionable employment immediately prior to becoming employed in the public service, if he elects, within one year of becoming a contributor under this Part, to pay for that service,

[...]

[...]

[42]           L’article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (« LGFP »), Gestion des ressources humaines, définit « fonction publique » comme suit :

11 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 11.1 à 13.

11 (1) The following definitions apply in this section and sections 11.1 to 13.

...

...

fonction publique L’ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent :

public service means the several positions in or under

a) les ministères figurant à l’annexe I;

(a) the departments named in Schedule I;

b) les autres secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV;

(b) the other portions of the federal public administration named in Schedule IV;

c) les organismes distincts figurant à l’annexe V;

(c) the separate agencies named in Schedule V; and

d) les autres secteurs de l’administration publique fédérale que peut désigner le gouverneur en conseil pour l’application du présent alinéa.

(d) any other portion of the federal public administration that may be designated by the Governor in Council for the purpose of this paragraph.

Analyse

[43]           Sous réserve de quelques exceptions, les personnes employées par la fonction publique doivent contribuer à la Caisse de retraite de la fonction publique (la « Caisse de retraite ») conformément à l’article 5 de la LPFP. En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur n’a pas contribué à la Caisse de retraite pendant la période couverte par les contrats. En effet, le demandeur soutient que les services qu’il a fournis dans le cadre des contrats constituaient de facto une relation d’emploi avec Environnement Canada, ouvrant ainsi droit à pension en vertu de la LPFP.

[44]           Dans l’arrêt Econosult, la Cour suprême du Canada devait déterminer si la Commission des relations de travail dans la fonction publique avait compétence pour conclure que les enseignants travaillant dans des centres de détention dans le cadre d’un contrat conclu entre le gouvernement et Econosult étaient des employés de la fonction publique au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Cour Suprême a renvoyé à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, à la LEFP et à la LGFP dans leur version alors en vigueur et a conclu que ces dispositions, lues de concert avec le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, révèlent un mécanisme qui crée deux régimes de relations de travail distincts pour deux catégories d’employés fédéraux. Dans le contexte du régime de relations de travail décrit dans cette affaire, la Cour suprême déclare : « il n’y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait ». Au paragraphe 27, la Cour adopte le raisonnement de la Cour d’appel fédérale, lorsque le juge Marceau affirme au nom de la Cour d’appel :

Il n’y a tout simplement pas de place dans cette construction juridique pour un fonctionnaire (i.e. un employé de la Reine, membre de la fonction publique) sans poste créé par le Conseil du Trésor, et sans nomination faite par la Commission de la fonction publique.

[45]           Un cas peut-être encore plus semblable au niveau des faits est la décision Cohen. Dans cette affaire, le demandeur souhaitait racheter ses années de service auprès de la Commission de réforme du droit du Canada. Entre 1985 et 1992, le demandeur a travaillé à temps plein pour la Commission dans le cadre d’une série de contrats renouvelables et ininterrompus, mais n’a fait aucun paiement à la Caisse de retraite. Il travaillait à partir des locaux de la Commission, supervisait de nombreux employés et était décrit comme un membre officiel de l’équipe de gestion. Le SCT a toutefois conclu que cette période ne pouvait être comptabilisée aux fins du calcul des prestations de retraite en vertu de la LPFP puisque la preuve démontrait qu’il était un entrepreneur indépendant et non un employé de la Commission. La Cour a noté que, dans cette affaire, le décideur devait trancher en appliquant la preuve au cadre législatif établi aux articles 7 et 8 de la Loi sur la Commission de réforme du droit, mais que la jurisprudence la plus décisive sur cette question était Econosult et les propos précités du juge Marceau.

[46]           La Cour a ultimement conclu que la décision du SCT selon laquelle le demandeur n’était pas admissible à racheter des années de service ouvrant droit à pension aux termes de cette loi était raisonnable. En appel de la décision rendue dans Cohen, la Cour d’appel fédérale (2009 CAF 99) a fait observer que, pour avoir gain de cause, le demandeur doit convaincre la Cour qu’il a obtenu son poste en application du paragraphe 7(1) de la Loi sur la Commission de réforme du droit, c’est-à-dire qu’il a été nommé conformément à la LEFP, ce qu’il n’a pas été en mesure de faire. La Cour d’appel fédérale a également fait remarquer ce qui suit :

L’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 [Econosult], de la Cour suprême du Canada va directement à l’encontre de la position adoptée par l’appelant. On ne peut acquérir de façon informelle le statut de fonctionnaire au sens de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-32. Les parties auraient peut-être pu organiser leurs affaires différemment, mais elles ont choisi une certaine façon de faire et, compte tenu de l’économie de la loi, nous ne pouvons faire fi des choix qu’elles ont faits.

[47]           Dans la décision Burley, la question soulevée devant la Cour était de déterminer si le demandeur était fonctionnaire aux termes de la LPFP alors qu’il suivait une formation linguistique comme recrue du Programme de perfectionnement du service extérieur. La Cour a conclu qu’il n’y avait pas de fondement pour infirmer la décision visée par le contrôle judiciaire qui concluait que le demandeur n’était pas employé de la fonction publique aux termes de la LPFP pendant sa formation linguistique. Par conséquent, il ne devait ni ne pouvait contribuer au compte de pension de retraite pendant cette période et ne pouvait accumuler de droit à pension en vertu de la LPFP pendant la période consacrée à la formation linguistique.

[48]           La juge Dawson a également conclu que, selon la preuve présentée, les décideurs avaient correctement conclu que le demandeur et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avaient convenu que le demandeur aurait un statut ab initio pendant sa formation linguistique et que l’intention expresse des parties était que l’emploi commence après la réussite de la formation. Dans ces circonstances, le demandeur ne pouvait participer au régime de pension en vertu de la LPFP avant d’avoir terminé avec succès la formation linguistique.

[49]           Toutefois, reconnaissant que l’emploi dans la fonction publique n’est pas uniquement régi par les principes du droit des contrats ou le droit du travail, mais aussi régi par la loi, la juge Dawson a conclu qu’il était nécessaire de déterminer si la conclusion des décideurs était conforme aux dispositions de la LPFP.

[50]           Après avoir examiné les définitions de « fonction publique » et de « traitement » en vertu des paragraphes 4(1) et 5(1) de la LPFP, la juge Dawson a déclaré ceci :

[34]      Je déduis de ces dispositions que :

•     la LPFP a pour objet de prévoir le paiement de prestations de retraite à « des personnes employées dans la fonction publique »;

•     la LPFP vise un nombre plus élevé d’employés que la LRTFP;

•     les prestations sont versées aux personnes qui sont obligées de cotiser à l’un des comptes ou des fonds précisés;

•     les cotisations sont versées par des personnes « employées dans la fonction publique »;

•     les cotisations sont liées au traitement d’un cotisant, c’est-à-dire la rémunération de base versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste ou d’une charge.

[35]      La LPFP ne définit pas ce que signifie, au paragraphe 5(1), l’expression « personnes employées dans la fonction publique ».

[36]      Pour déterminer si M. Burley était employé dans la fonction publique pendant qu’il suivait son cours de langue, je me fonde sur l’approche qu’a suivie la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 162 (CanLII), [2003] A.C.F. no 483 (C.A.) (QL).

[37]      Il était question dans cette affaire de personnes se trouvant dans la même situation que M. Burley, et la question soumise à la Cour d’appel consistait à savoir si des personnes ayant terminé avec succès le PPSE, alors qu’elles suivaient un cours de langue, étaient des « fonctionnaires », de façon à être incluses dans l’unité de négociation représentée par l’Association.

[38]      Au paragraphe 10 de ses motifs, la Cour d’appel a caractérisé comme suit la question soumise à la Commission des relations de travail dans la fonction publique : « [...] si une personne qui ne travaillait pas en vertu d’un contrat privé, mais qui étudiait une langue dans le cadre d’un programme gouvernemental et à qui le gouvernement du Canada versait des appointements pour assister aux séances de formation pouvait être considérée comme étant “employée dans la Fonction publique” ». La Cour d’appel a décrété que la détermination de cette question ne mettait pas en cause des principes de common law applicables en droit contractuel. Elle comportait plutôt l’application de lois fédérales pertinentes régissant l’emploi dans la fonction publique.

[39]      La Cour d’appel a ensuite ajouté ceci, au paragraphe 14 :

La Commission devait décider ce qui était nécessaire pour qu’une personne devienne un « fonctionnaire » au sens de l’article 34 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans l’arrêt Econosult, à la page 634, Monsieur le juge Sopinka a cité en l’approuvant un passage de la décision de notre Cour qui avait été portée en appel et dans laquelle Monsieur le juge Marceau avait dit ce qui suit :

Il n’y a tout simplement pas de place dans cette construction juridique pour un fonctionnaire (i.e. un employé de la Reine, membre de la fonction publique) sans poste créé par le Conseil du Trésor, et sans nomination faite par la Commission de la fonction publique.

Pour ce motif, la Cour suprême a conclu qu’« il n’y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson » (page 633). En l’espèce, la demanderesse soutient que les candidats au PPSE, pendant qu’ils recevaient leur formation linguistique, étaient en quelque sorte des fonctionnaires de fait même s’ils n’avaient pas encore été officiellement nommés. Il est vrai que le MAECI avait recruté ces candidats, qu’il les avait sélectionnés et qu’il les avait envoyés recevoir une formation linguistique. Il n’est pas contesté que la Commission de la fonction publique avait délégué au MAECI le pouvoir de nommer ces candidats à des postes d’agent du Service extérieur. Cependant, il n’existe aucun acte de nomination formel avant que ces candidats terminent leur formation linguistique. L’article 22 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qui régit l’embauchage dans la fonction publique prévoit ce qui suit :

22. Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l’acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l’acte même.

[Non souligné dans l’original.]

[51]           La juge Dawson a reconnu que la décision de l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur a été rendue dans le contexte de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais elle a jugé que la nature de l’analyse de la Cour d’appel était applicable pour déterminer si M. Burley était employé dans la fonction publique aux termes de la LPFP alors qu’il suivait une formation linguistique. Elle a conclu que le seul document pouvant former un acte de nomination au sens de l’article 22 de la LPFP est la lettre offrant au demandeur une nomination pour une période indéterminée au sein de la fonction publique. Par conséquent, il n’est devenu fonctionnaire au sens de la LPFP qu’à la date de la lettre. Pour ces motifs, il ne pouvait accumuler de droits à pension aux termes de la LPFP avant la date de cette lettre.

[52]           À mon avis, les faits de Burley et Association professionnelle des agents du service extérieur sont, dans une certaine mesure, distincts de l’espèce puisqu’ils visent à savoir si le temps passé en formation linguistique pour des recrues ab initio constitue un emploi ouvrant droit à pension. Comme l’indique l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur, en établissant une distinction avec Econosult, la Commission n’a pas examiné la question à savoir si une personne engagée par un contrat privé était de fait employée dans la fonction publique. Elle se demandait plutôt si une personne qui étudiait une langue dans le cadre d’un programme gouvernemental et à qui le gouvernement du Canada versait des appointements pour assister aux séances de formation pouvait être considérée comme étant employée dans la fonction publique (au paragraphe 10). Le règlement de cette question n’implique pas des principes de common law et de droit des contrats comme dans l’arrêt Econosult, mais plutôt l’application des lois fédérales pertinentes visant l’embauche par le gouvernement fédéral.

[53]           La décision récente Baribeau comporte des faits très similaires à ceux de l’affaire dont je suis saisie. Dans Baribeau, la demanderesse contestait également le refus du Centre des pensions de reconnaître ses périodes d’emploi à titre d’entrepreneure indépendante pour Environnement Canada comme ouvrant droit à pension en vertu de la LPFP. La Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire.

[54]           Il convient de noter que, dans cette affaire, même si les contrats comprenaient une disposition établissant qu’il s’agissait de contrats de service et que la demanderesse n’était pas engagée comme employée, tout comme en l’espèce, Revenu Québec et l’ARC ont conclu à l’existence d’une relation employeur-employée entre Environnement Canada et la demanderesse à des fins fiscales. La demanderesse faisait également valoir que les dispositions contractuelles prévoyant que le contrat ne créait pas de relation employeur-employée n’étaient pas déterminantes pour la caractérisation du contrat et que le Centre des pensions avait commis une erreur en concluant à une relation tripartite puisqu’elle-même et son entreprise ne formaient qu’une seule et même personne.

[55]           La Cour a reconnu que, même si la décision de l’ARC n’était pas déterminante, il n’était pas raisonnable de la part du Centre des pensions d’en arriver à une conclusion contraire à celle de l’ARC, en utilisant un outil élaboré par l’ARC, sans expliquer le pourquoi de cette contradiction. La juge Gagné a également conclu que le Centre des pensions a commis une erreur en appliquant les critères de la common law plutôt que de tenir compte de ceux du Code civil du Québec. Il s’agit d’une erreur déterminante, car elle a conduit le Centre des pensions à accorder une grande importance à l’intention des parties telle qu’elle est exprimée dans les contrats au détriment de l’appréciation factuelle de la réalité objective des parties, qui joue un rôle crucial en droit civil. La juge Gagné a également déclaré qu’il est erroné de conclure que la demanderesse a agi par l’intermédiaire d’une entité distincte puisqu’une [traduction] « raison sociale n’est pas une personne morale ni une entité distincte de la personne, physique ou morale, qui l’utilise ».

[56]           À mon avis, il faut rappeler que, dans l’arrêt Econosult, la question en litige était de savoir si la Commission des relations de travail dans la fonction publique avait compétence pour conclure que les enseignants travaillant en vertu d’un contrat conclu entre un ministère du gouvernement fédéral et Econosult étaient des employés au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Cour suprême du Canada a finalement conclu que la Commission n’avait pas cette compétence dans ces circonstances. De plus, la Cour suprême a observé que la Cour d’appel fédérale avait distingué cette affaire de celles où le litige réside plutôt à savoir si la personne est un entrepreneur indépendant ou un employé, puisque dans cette affaire, il n’était pas contesté que les enseignants fournis par Econosult étaient des employés et non des entrepreneurs indépendants, la question étant plutôt d’établir s’ils étaient employés par le gouvernement ou par Econosult. En outre, dans le cas des employés du secteur privé ou semi-privé, la relation juridique peut être inférée à partir de situations de fait et aucune formalité particulière n’est requise pour donner naissance à une relation de type employeur-employé. Par contre, « il n’est pas possible de conclure à l’existence du statut de fonctionnaire à partir d’une simple situation de fait, car l’emploi dans la Fonction publique est assujetti à un ensemble complet de règles qu’il faut observer de façon stricte ».

[57]           Il ne faut pas conclure, selon moi, que dans une situation comme celle-ci, où une personne fournit des services en vertu d’un contrat et que son statut d’employé soit de l’entité commerciale ou du gouvernement est en cause, il est possible d’écarter tout à fait les circonstances factuelles entourant l’affaire. Le défendeur suggère qu’en l’espèce, le seul critère pertinent est que le demandeur n’était pas nommé comme employé au sein de la fonction publique. Toutefois, si tel était le cas, le Centre des pensions n’aurait pas eu à consulter Environnement Canada puisque l’absence de nomination aurait été suffisante en elle-même pour rejeter la demande de rachat d’années de service. De plus, comme les contrats ont été conclus avec MTL et qu’une entité commerciale ne peut être nommée à la fonction publique, cela aurait aussi constitué une réponse complète à la demande.

[58]           En fait, il appert que le Centre des pensions n’a pas examiné la situation sous l’angle de l’arrêt Econosult. Dans sa lettre du 21 juillet 2008 au demandeur, le Centre déclare qu’en règle générale, un contrat de service ne peut être comptabilisé comme un emploi au sein de la fonction publique, mais poursuit en affirmant qu’il est toutefois possible que ce service soit reconnu comme ayant été exécuté au sein de la fonction publique et que le statut de fonctionnaire soit accepté s’il est conclu qu’une relation employeur-employé existait pendant la période du contrat d’emploi. Le Centre mentionne explicitement que, pour déterminer l’existence d’une relation employeur-employé, [traduction] « nous évaluerons les critères suivants pour chacune des 13 périodes » :

•        Qui était responsable de la supervision et du contrôle disciplinaire?

•        Qui fournissait les outils, les installations et le matériel nécessaire pour exécuter le travail?

•        Assumiez-vous un risque de perte ou de profit?

•        Le travail que vous avez exécuté faisait-il partie intégrante du travail de l’organisme?

•        Receviez-vous une rémunération pour les jours fériés, pour les journées de maladie, pour les vacances ou pour les blessures survenues dans le cadre du travail?

•        Possédiez-vous l’autorité de sous-traiter le contrat?

•        Votre rémunération était-elle soumise à des retenues à la source pour un régime de retraite, l’assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada, le Régime des rentes du Québec ou l’impôt sur le revenu?

•        Le travail exécuté était-il semblable à celui exécuté par la fonction publique?

[59]           Dans sa lettre du 4 février 2009 à Environnement Canada, le Centre des pensions avise le ministère que la demande de rachat doit être évaluée en fonction de la Politique sur les marchés du SCT et des lignes directrices de l’ARC pour déterminer si une personne répondait à la définition d’employé ou de travailleur autonome pendant la période visée et que [traduction] « [l]es faits entourant la relation entre l’individu et le ministère doivent être pris en considération pour établir la relation existant entre le ministère et la personne ».

[60]           Selon ces renseignements, il est clair que le Centre des pensions était d’avis que les circonstances factuelles entourant la relation du demandeur et d’Environnement Canada étaient pertinentes. En outre, pendant son contre-interrogatoire sur affidavit, Mme Smith a confirmé que le Centre des pensions applique les neuf critères mentionnés au demandeur dans la lettre du 28 juillet 2008. De plus, lorsqu’il lui a été demandé si les neuf critères aidaient le Centre des pensions à déterminer l’existence d’une relation employeur-employé, elle a témoigné qu’elle croyait que oui.

[61]           Dans sa lettre du 15 octobre 2008, le demandeur répond aux neuf critères. Le Centre des pensions a demandé à Environnement Canada de lui donner son opinion sur l’existence d’une relation employeur-employé entre le ministère et le demandeur. Il a recommandé à Environnement Canada d’examiner la documentation fournie par le demandeur et l’historique d’Environnement Canada et d’évaluer la question en utilisant la Politique sur les marchés du SCT et les lignes directrices de l’ARC. De plus, le Centre des pensions a précisément souligné que [traduction] « les faits entourant la relation entre une personne et le ministère doivent être pris en considération afin de déterminer la nature de la relation entre cette personne et le ministère ».

[62]           La réponse du 23 avril 2013 d’Environnement Canada déclare que le ministère a examiné la documentation en sa possession et qu’il a conclu que les services fournis par le demandeur l’ont été à titre de tierce partie contractante par l’intermédiaire de mécanismes tels que des agences de placement ou d’une société d’experts-conseils. Aucune autre explication n’a été fournie. De plus, dans la décision de TPSGC, la réponse d’un paragraphe déclare que la demande a été rejetée au motif qu’Environnement Canada est d’avis qu’il n’y avait pas de relation employeur-employé.

[63]           Je suis d’accord avec le demandeur que, comme TPSGC a précisé certains critères et qu’il a indiqué qu’Environnement Canada devait tenir compte des faits entourant la relation entre le demandeur et le ministère pour établir s’il existait une relation employeur-employé, Environnement devait examiner ces critères dans le contexte de sa relation avec le demandeur et des circonstances y étant reliées. Pendant son contre-interrogatoire sur son affidavit, Mme Smith n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi Environnement Canada n’a pas fait état de ces neuf critères en formulant sa position. Elle ne savait pas non plus si Environnement Canada avait examiné la nature de MTL avant de rendre son opinion ou si le Centre des pensions avait fait enquête sur la nature de MTL avant de prendre sa décision. En outre, on ne retrouve au dossier aucun des renseignements divulgués par Environnement Canada ou par le Centre des pensions en réponse à cette demande – à l’exception du fait que les contrats ont été signés par MTL – qui permettraient à la Cour de déterminer s’il a été tenu compte des critères ou des circonstances factuelles de la relation. Je note également que, pendant le contre-interrogatoire de Mme Smith, l’avocat du défendeur s’est opposé à toute question demandant d’expliquer les éléments sur lesquels la position d’Environnement Canada est fondée.

[64]           Ainsi, la difficulté en l’espèce réside dans le fait qu’il n’y a pas de preuve qu’Environnement Canada a effectué l’analyse jugée nécessaire par le Centre des pensions pour rendre son « opinion », opinion sur laquelle la décision de TPSGC est fondée.

[65]           Le réexamen TPSGC ne remédie pas à cette situation. Bien que le réexamen affirme que les renseignements fournis par l’avocat du demandeur dans la lettre du 27 mars 2014 ont été examinés, il conclut simplement que, parce qu’Environnement a directement contracté avec MTL, une relation tripartite a été créée dans laquelle la relation employeur-employé se trouvait entre le [traduction] « conseiller et l’agence ou l’entreprise, alors que le contrat de travail est établi entre Environnement Canada et l’agence ou l’entreprise ». Le réexamen ne mentionne pas qu’il a cherché et examiné le contenu du dossier sur lequel Environnement Canada a ou aurait dû fonder son opinion ni qu’il a été tenu compte de toute autre circonstance factuelle.

[66]           Le défendeur a raison d’affirmer que les renseignements sur la nature de MTL ont été fournis après le réexamen TPSGC et que le Centre des pensions ne possédait pas cette information lorsqu’il a rendu sa décision. Ces renseignements comprennent les observations du demandeur décrites précédemment selon lesquelles MTL n’était pas une entreprise incorporée et ne possédait pas de compte bancaire. On ne peut donc pas reprocher au Centre des pensions de ne pas avoir tenu compte de cette information. Toutefois, si Environnement Canada avait fourni des motifs au soutien de son opinion, il est probable que le demandeur aurait fourni plus rapidement ces renseignements pour répondre à la position d’Environnement Canada, soit avant que le réexamen TPSGC soit rendu.

[67]           Selon le dossier dont je suis saisie, il n’est pas clairement démontré qu’Environnement Canada a tenu compte des neuf critères factuels décrits comme nécessaires par le Centre des pensions pour évaluer l’existence d’une relation employeur-employé ni que le ministère a tenu compte des faits entourant la relation. De plus, malgré qu’il se soit fondé sur l’opinion d’Environnement Canada, le Centre des pensions n’a fourni aucune justification pour expliquer son appui à la position du ministère. L’insuffisance des motifs n’est pas un motif indépendant de contrôle judiciaire (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62), mais pour satisfaire à la norme de la décision raisonnable, la décision visée par le contrôle judiciaire doit être justifiée, intelligible et transparente (Dunsmuir, au paragraphe 47). À mon avis, pour les motifs précités, la décision de TPSGC et le réexamen de TPSGC ne satisfont pas à la norme de la décision raisonnable.

[68]           De plus, les observations du Centre des pensions présentées dans la lettre du 21 juillet 2008 adressée au demandeur sont claires, absolues, non ambiguës et font référence à la procédure à suivre pour évaluer la demande de rachat du demandeur. Le demandeur ne soutient pas qu’un résultat particulier lui a été promis (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 95 à 97; Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, aux paragraphes 68 et 69), mais les observations du Centre des pensions rendent légitime pour le demandeur de s’attendre à ce que ces critères soient utilisés pour évaluer sa demande. Sans preuve du respect de la procédure, il faut conclure au non-respect du droit à l’équité procédurale.

[69]           Finalement, comme dernier élément, il a été question devant moi et dans les observations écrites de la suffisance de la divulgation de TPSGC en réponse à la demande du demandeur déposée en vertu de l’article 317 des Règles, de même que de l’effet des nombreuses objections de l’avocat du défendeur pendant le contre-interrogatoire de Mme Smith. Le défendeur affirme à juste titre que le demandeur aurait dû et aurait pu faire revenir sur les objections du défendeur aux questions du demandeur pendant les interrogatoires en vertu de l’article 97 des Règles. L’article 318 prévoit de plus une procédure pour contester les oppositions à la transmission de documents, procédure que le demandeur n’a pas utilisée.

[70]           Puisque j’ai déjà conclu que la présente demande doit être accueillie, je ne me pencherai pas sur ces questions. Toutefois, avant que l’affaire soit examinée de nouveau par le Centre des pensions, tous les documents visés par l’article 317 des Règles devront être divulgués conformément aux exigences de cette disposition. Si le demandeur n’est pas satisfait de la réponse, il devra faire valoir son désaccord en faisant intervenir l’article 318 des Règles. Enfin, pendant le nouvel examen, le Centre des pensions devra tenir compte des observations du 28 juillet 2014 du demandeur, accepter toute autre documentation pertinente pour sa demande relativement aux critères recensés comme devant être évalués pour établir l’existence d’une relation employeur-employé et tenir compte des faits pertinents à cette relation.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      La décision est renvoyée au Centre des pensions pour nouvel examen par un autre membre ou un comité différemment constitué.

3.      Avant le nouvel examen, le Centre des pensions et Environnement Canada divulgueront tous les documents visés par l’article 317 des Règles. Ils tiendront également compte des observations du 28 juillet 2014 du demandeur et accepteront toute autre documentation pertinente pour l’application des critères définis par le Centre des pensions et tiendront compte des faits entourant la relation entre le demandeur et Environnement Canada pour déterminer si une relation employeur-employé existait.

4.      Le demandeur a droit à ses dépens.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2005-14

 

INTITULÉ :

MICHAEL LANDRIAULT c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Danesh Rana

 

Pour le demandeur

 

Patrick Bendin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burke-Robertson LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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