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Date : 20160712


Dossier : IMM-5402-15

Référence : 2016 CF 793

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

FAHMIDA RAHMAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 24 novembre 2015 d’un agent d’immigration supérieur (l’agent) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), dans laquelle l’agent a rejeté la demande de visa de résidence temporaire (VRT) de la demanderesse. La présente demande est présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

Contexte

[2]               La demanderesse est citoyenne du Bangladesh. Elle est mariée à Anwar Shahadat Shatil, un citoyen du Bangladesh, qui est titulaire d’un visa de résidence temporaire canadien et d’un permis d’études lui permettant de poursuivre une maîtrise ès sciences en génie biomédical à l’Université du Manitoba. Il est arrivé au Canada en septembre 2014 tandis que la demanderesse, elle, est restée au Bangladesh. La demanderesse a présenté sa première demande de visa de résidence temporaire en mai 2015. Cette demande ainsi que deux demandes ultérieures ont été rejetées. Avec l’aide de son avocat, la demanderesse a déposé sa quatrième demande en novembre 2015, laquelle a également été rejetée. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Décision faisant l’objet du contrôle

[3]               Dans une lettre datée du 24 novembre 2015, la demanderesse a été informée que sa demande de visa de résidence temporaire avait été rejetée au motif que l’agent n’était pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour en tant que résidente temporaire (la lettre de refus). Pour en arriver à cette décision, l’agent a déclaré qu’il avait examiné plusieurs facteurs, y compris les antécédents de voyages de la demanderesse, ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence, sa situation professionnelle actuelle, et, ses biens personnels et sa situation financière.

[4]               Par la suite, d’autres motifs du refus de sa demande de visa de résidence temporaire ont été signifiés à la demanderesse sous la forme de notes inscrites par l’agent de visa dans le système mondial de gestion des cas (« SMGC »). Celles-ci comprenaient une entrée par l’agent en date du 24 novembre 2015 indiquant que la demanderesse était observatrice principale au sein du service météorologique du Bangladesh depuis janvier 2014, qu’elle relevait de l’assistant-météorologue et qu’elle avait un salaire annuel très modeste de 136 000 takas (environ 2 300 $ CAN, soit moins de 2 00 $ CAN par mois). L’entrée précise que les documents financiers pour la demanderesse et son conjoint avaient été vus, un itinéraire de voyage avait été fourni et un document de 108 pages fourni par le représentant de la demanderesse avait été soigneusement examiné. L’agent a fait remarquer que rien n’indiquait que l’époux de la demanderesse s’était rendu au Bangladesh depuis son arrivée au Canada, que le couple n’avait pas d’enfants, et que la demanderesse était jeune et avait commencé à travailler récemment, il y a moins de 2 ans. En outre, il a été noté qu’elle percevait un revenu modeste et qu’elle n’avait pas d’antécédents de voyage. L’entrée indiquait également que, malgré le fait que sa famille directe était au Bangladesh, son lien le plus solide était celui qu’elle avait avec son mari au Canada. Son représentant a parlé de la possibilité d’établissement au Canada, mentionnant également que la double intention était autorisée. L’agent a conclu, en se fondant sur les documents fournis et en dépit de l’analyse du représentant de la demanderesse, qu’il n’était pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve soumise avec la demande démontrait que la demanderesse était bien établie, professionnellement et financièrement, et qu’elle avait tissé suffisamment de liens avec le Bangladesh, de sorte qu’elle se conformerait aux modalités et conditions de son séjour et qu’elle quitterait le Canada au moment où elle serait tenue de le faire. Pour ce motif, la demande a été rejetée.

Questions en litige et norme de contrôle

[5]               Il n’y a qu’une seule question en litige et celle-ci consiste à savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

[6]               La demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent des visas de délivrer ou de refuser de délivrer un visa de résidence temporaire est la norme de la décision raisonnable (Tavakoli Dinani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1063, au paragraphe 18 [Tavakoli]), ce que soutient également le défendeur (Loveridge c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 694, au paragraphe 10; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]). Je suis d’accord. La Cour a déjà conclu que la décision de l’agent des visas de refuser une demande de visa de résidence temporaire fondée sur la conviction que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de leur séjour est une question de fait et de droit. Par conséquent, la décision commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Utenkova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 959, au paragraphe 5).

La décision de l’agent était-elle raisonnable?

Observations de la demanderesse

[7]               La demanderesse soutient que la décision de l’agent devrait être annulée étant donné qu’elle ne tenait pas compte des éléments de preuve pertinents. À l’appui de cette position, la demanderesse fait valoir que l’agent ne peut pas « systématiquement mettre à l’abri » une décision du contrôle judiciaire dans le cas où des éléments de preuve pertinents sont soumis par le demandeur et non discutés (Tavakoli, au paragraphe 25). La demanderesse souligne que la Cour, dans la décision Girn c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 FC 1222, a récemment déclaré que la décision d’un agent des visas de refuser une demande de visa de résidence temporaire était déraisonnable parce que l’agent n’avait pas tenu compte des éléments de preuve qui contredisaient sa conclusion (paragraphe 31). La demanderesse fait également remarquer qu’il est déraisonnable pour un agent des visas de faire peu de cas de la preuve d’un demandeur (Kokareva c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 451, au paragraphe 12 [Kokareva]).

[8]               En ce qui concerne les faits en l’espèce, la demanderesse affirme que les notes du SMGC ne mentionnent pas les lettres de soutien de ses parents et de sœur; son billet de retour payé et l’itinéraire de son vol; la preuve d’un compte bancaire à son nom au Bangladesh; un relevé bancaire à son nom fourni par cette banque; une confirmation des actions enregistrées à son nom au Bangladesh; et, les renseignements pertinents contenus dans la lettre d’emploi rédigée par son supérieur immédiat au sein du service météorologique du Bangladesh. Tous ces éléments, selon elle, démontrent ses liens avec le Bangladesh et son intention d’y retourner.

[9]               La demanderesse prétend également que la décision de l’agent est déraisonnable du fait qu’elle va à l’encontre des éléments de preuve pertinents, sans fondement probatoire, et tire des conclusions arbitraires qui ne sont pas étayées par la preuve ou la jurisprudence pertinente. À l’appui de cette position, la demanderesse prétend que l’agent des visas ne doit pas se fonder sur des hypothèses sans tenir suffisamment compte des facteurs compensatoires. Si un agent des visas le fait, il doit fournir d’autres motifs; si aucun autre motif n’est fourni, le tribunal peut considérer que la décision de l’agent ne répond pas à la norme de la raisonnabilité énoncée dans l’arrêt Dunsmuir (Momi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 162, au paragraphe 23). En particulier, la demanderesse déclare ce qui suit à l’égard de la décision de l’agent :

         La déclaration de l’agent dans le SMGC, à savoir que la [traduction] « demanderesse est jeune et a commencé à travailler récemment (il y a moins de 2 ans) », est incorrecte et vague;

         Les termes « modeste » et « très modeste » employés pour qualifier le revenu de la demanderesse ont été contredits par la lettre fournie par l’employeur de la demanderesse et sont également vagues. Si les références au revenu de la demanderesse sont des mentions de la possibilité pour la demanderesse d’avoir un revenu plus élevé au Canada, alors la décision est déraisonnable (Dhanoa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 729, au paragraphe 18 [Dhanoa]). En outre, les mentions du revenu de la demanderesse sont « stériles » du fait de l’absence d’une analyse du coût de la vie et de l’absence de mention des conditions de vie et de travail de la demanderesse dans son pays d’origine et des conditions similaires au Canada (Dhanoa, au paragraphe 14);

         Si, toutefois, l’agent laisse entendre qu’il y a un problème de crédibilité avec la demanderesse ou son témoignage, alors il n’a pas de justification ou de fondement probatoire pour faire une telle supposition, surtout compte tenu du fait que la demanderesse a volontairement indiqué dans sa demande actuelle que ses précédentes demandes de visa de résidence temporaire avaient été rejetées (Kokareva, au paragraphe 12);

         La question liée au fait que l’époux de la demanderesse ne s’était pas rendu au Bangladesh depuis son arrivée au Canada n’est pas pertinente (Khatoon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 276, au paragraphe 12). De plus, bien que les documents à l’appui fournis par la demanderesse indiquent pourquoi son époux n’a pas pu se rendre au Bangladesh, les notes de l’agent dans le SGMC ne tiennent pas compte de cette preuve;

         Le motif sur lequel repose le refus de la demande de visa de résidence temporaire, à savoir que la demanderesse n’a pas d’enfant au Bangladesh, n’est « guère suffisant pour équivaloir à l’exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire lorsque l’on fait entrer en ligne de compte les autres facteurs » (Onyeka c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 336, au paragraphe 48); et

         L’agent a de manière incorrecte tiré une inférence négative du manque d’antécédents de voyage de la demanderesse. Comme l’a indiqué la Cour au paragraphe 12 de la décision Dhanoa : « L’absence de voyages antérieurs peut, au plus, constituer un facteur neutre ».

Observations du défendeur

[10]           En réponse à l’argument de la demanderesse selon laquelle l’agent n’a pas tenu compte de la preuve, le défendeur fait valoir que l’agent est présumé avoir soupesé et pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire. De plus, l’agent n’était pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement qui a mené à sa décision finale. La cour de révision doit simplement être en mesure de comprendre pourquoi la décision a été prise, en examinant l’ensemble du dossier pour apprécier le caractère raisonnable des motifs (Jian Wang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 201, au paragraphe 19; Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF), au paragraphe 1 [Florea]; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 15 et 16 [Newfoundland Nurses]). En tout état de cause, les notes du SMGC indiquent que l’agent a tenu compte de tous les éléments de preuve.

[11]           Le défendeur soutient également que l’agent a clairement décrit les motifs du refus dans la lettre de refus et les notes du SMGC. Ceux-ci démontrent que l’agent était surtout préoccupé par les liens financiers et professionnels restreints de la demanderesse avec le Bangladesh, et le fort attrait familial qu’exerçait son mari au Canada par rapport à sa famille directe au Bangladesh. Le défendeur affirme que ces préoccupations sont sans ambiguïté et qu’elles sont fondées sur les éléments de preuve soumis par la demanderesse.

[12]           Le défendeur soutient que la conclusion de l’agent ne représentait pas une conclusion défavorable quant à la crédibilité et qu’elle ne portait pas sur des inférences arbitraires. La demanderesse avait le fardeau explicite et légal de convaincre l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de la période de résidence temporaire autorisée au Canada. Il est de plus bien établi que l’agent doit pondérer l’importance de l’intérêt économique et des liens familiaux qu’un demandeur a au Canada et dans son pays d’origine. Le poids à attribuer à ces facteurs est à la discrétion de l’agent et il ne constitue pas un fondement pour un contrôle judiciaire (Wang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1298, aux paragraphes 9 et 10; Chhetri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 872 [Chhetri]).

[13]           Le défendeur affirme que l’agent des visas n’est pas tenu de procéder à une analyse du coût de la vie lorsqu’il examine les raisons financières qu’aurait un demandeur de dépasser la durée de son séjour dans les circonstances où, comme c’est le cas ici, la décision de l’agent comprend une évaluation de facteurs différents (Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 145, aux paragraphes 8 et 9 [Huang]; Sadiq c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 955, aux paragraphes 19-23 [Sadiq]). Il était également raisonnable pour l’agent de considérer que le revenu de moins de 200 $ CAN par mois était très modeste comparativement aux salaires attrayants qui sont offerts au Canada (Calaunan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1494, aux paragraphes 29 et 30).

[14]           Le défendeur soutient aussi qu’il n’était pas sans pertinence pour l’agent de prendre en considération l’absence d’antécédents de voyage de la demanderesse lors de l’évaluation de sa demande de visa de résidence temporaire. La Cour a jugé que l’absence d’antécédents de voyage d’un demandeur est une considération pertinente dans le cadre d’une demande de visa (Dhillon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614, au paragraphe 43 [Dhillon]; Kwasi Obeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 754, aux paragraphes 13, 20 [Obeng]). En l’espèce, la demanderesse n’avait pas d’antécédents de voyage susceptibles d’être invoqués comme facteur positif pour convaincre l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[15]           Le défendeur fait valoir que la demanderesse demande à la Cour de réévaluer la preuve; or, ce n’est pas le rôle de la Cour qui effectue le contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61; Pei c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 391, au paragraphe 14).

Analyse

[16]           La LIPR exige qu’un étranger, préalablement à son entrée au Canada, demande un visa (paragraphe 11(1)), prouve qu’il détient un tel visa et qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (alinéa 20(1)b)). En ce qui concerne les visas de résidence temporaire, le paragraphe7(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) prévoit qu’un étranger ne peut entrer au Canada pour y séjourner temporairement que s’il a préalablement obtenu un visa de résident temporaire. L’article 179 du RIPR énonce les conditions qui doivent être remplies pour qu’un agent puisse délivrer un visa de résidence temporaire. Parmi celles-ci figure l’exigence voulant que l’agent des visas soit convaincu que l’étranger quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Il existe une présomption légale selon laquelle l’étranger qui cherche à entrer au Canada est présumé être un immigrant, et il lui appartient de réfuter cette présomption (Obeng, au paragraphe 20). Par conséquent, en l’espèce, il incombait à la demanderesse de prouver à l’agent qu’elle n’était pas une immigrante et qu’elle quitterait le Canada à la fin de la période de séjour demandée (Chhetri, au paragraphe 9).

[17]           En ce qui concerne l’allégation de la demanderesse selon laquelle l’agent avait fait fi des éléments de preuve pertinents, l’agent est présumé avoir soupesé et pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire, et ce n’est pas le cas ici (Florea, au paragraphe 1; Ahmed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1083, au paragraphe 34). Les notes du SMGC indiquent que l’avocat de la demanderesse a présenté un document de 108 pages, y compris une analyse de 12 pages, qui a été soigneusement examinée par l’agent. Comme on peut le voir dans le dossier certifié du tribunal, le document de 108 pages était accompagné de deux lettres de soutien de la famille, du billet d’avion de retour et de l’itinéraire du vol de la demanderesse, de la lettre de l’employeur de la demanderesse, de la preuve d’un compte bancaire au nom de la demanderesse au Bangladesh, d’un relevé bancaire au nom de la demanderesse émis par cette banque, et, d’une lettre d’attribution d’actions enregistrées au nom de la demanderesse au Bangladesh.

[18]           En outre, la plupart des documents qui, selon la demanderesse, ont été ignorés par l’agent étaient mentionnés dans les notes du SMGC. Les notes inscrites le 24 novembre 2015 par l’agent qui a rejeté la demande font référence à l’itinéraire de voyage de la demanderesse, aux renseignements sur son emploi, à la documentation financière qu’elle et son mari ont fournie et, comme il est indiqué plus haut, aux arguments de son avocat. Des notes préalablement inscrites par un autre agent le 19 novembre 2015 abordent expressément la « preuve au dossier », y compris la lettre de son employeur et les renseignements qu’elle contient; son revenu de 135 780 BDT, qui est mentionné dans la lettre de son employeur; ses économies de 224 306,56 BDT qui sont établies par le certificat confirmant l’existence de son compte bancaire; et, un investissement en actions d’un montant de 500 000 $ BDT, qui est établi par la lettre d’attribution d’actions, ainsi que d’autres renseignements financiers.

[19]           La demanderesse conteste le fait que les notes du SMGC ont été inscrites par deux agents différents et soutient que rien dans les notes du SMGC n’indique que l’agent chargé de prendre une décision relativement à sa demande de visa de résidence temporaire a examiné les notes de l’autre agent des visas. Je note tout d’abord qu’il ressort à l’évidence de la jurisprudence que les notes versées au SMGC font partie des motifs de la décision (Rezaeiazar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 761, aux paragraphes 58 et 59; Veryamani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1268). De plus, en l’absence de preuve contraire, il est raisonnable de conclure que l’agent qui a pris la décision a examiné toutes les notes du SMGC au moment de prendre sa décision relativement à la demande de visa de résidence temporaire de la demanderesse. Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons vu, l’agent qui a pris la décision a, directement et indirectement, fait référence aux pièces justificatives fournies par la demanderesse.

[20]           En ce qui concerne l’argument de la demanderesse selon lequel l’agent a fait fi des renseignements pertinents contenus dans la lettre d’emploi, la lettre est explicitement mentionnée dans les notes précédemment versées au SMGC qui indiquent que la demanderesse était observatrice principale au sein du service météorologique du Bangladesh depuis janvier 2014 et, comme l’a indiqué son employeur, qu’elle est actuellement assujettie à une période d’essai temporaire et sera admissible à occuper un emploi à temps plein le 1er janvier 2016, à la condition qu’elle reparte du Canada. Comme il a été mentionné, la lettre d’emploi accompagne également le document de 108 pages qui a été fourni par l’avocat et qui a été examiné par l’agent qui a signifié le refus.

[21]           S’il est vrai que l’agent n’a pas spécifiquement fait référence aux deux lettres de soutien de famille dans ses notes, les lettres de soutien avaient également été jointes au document de 108 pages, que l’agent a déclaré avoir soigneusement examiné. L’agent a également fait remarquer que la demanderesse avait de la famille directe au Bangladesh, mais a conclu que son lien le plus solide était celui qu’elle avait avec son mari au Canada. Cela indique que l’agent a soupesé les liens familiaux de la demanderesse au Bangladesh et au Canada avant de prendre sa décision. En tout état de cause, l’agent n’était pas tenu de mentionner explicitement chaque élément de preuve examiné (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16).

[22]           En bref, je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il affirme que l’agent a fait fi de la preuve.

[23]           La demanderesse a également soulevé de nombreux arguments pour soutenir sa position selon laquelle l’agent est allé à l’encontre des éléments de preuve, alors que cela n’était pas étayé par la preuve, et a fait des déductions arbitraires.

[24]           À cet égard, je ne partage pas la préoccupation de la demanderesse en ce qui concerne la prétendue imprécision de la déclaration faite par l’agent, à savoir que la [traduction] « demanderesse est jeune et a commencé à travailler récemment (il y a moins de 2 ans) ». L’agent n’a pas besoin de définir les mots « jeune » et « récemment », leur sens étant clair et évident dans le contexte de sa décision.

[25]           Le fait que l’agent a qualifié le salaire de la demanderesse de très modeste est plus problématique. Alors que la lettre de son employeur faisait état d’un salaire [traduction] « compétitif », il semble que l’agent ait conclu que le salaire était modeste après l’avoir converti en dollars canadiens, soit un salaire inférieur à 200 $ par mois. Cela soulève la question de savoir si une importance excessive a été accordée à l’évaluation faite par l’agent de la situation financière de la demanderesse et si cette évaluation a été menée de façon incorrecte en l’absence d’une analyse du coût de la vie. Cependant, la description faite par l’agent du revenu de la demanderesse ne constituait qu’un seul élément relativement à la preuve examinée, preuve qui n’a pas prouvé que la demanderesse était bien établie professionnellement et financièrement. De même, même si la nature « modeste » de son salaire a été examinée par l’agent dans le contexte de la possibilité pour la demanderesse d’avoir un revenu plus élevé au Canada, du fait que ce facteur n’était pas le seul à avoir été pris en compte et qu’aucune importance excessive n’y a été accordée dans le refus de la demande, il ne constitue pas une erreur susceptible de révision (Huang, aux paragraphes 8 et 9; Sadiq, au paragraphe 23).

[26]           Enfin, la demanderesse suggère qu’en faisant référence à son salaire modeste, il se peut que l’agent ait sous-entendu avoir un problème de crédibilité. Toutefois, la demanderesse n’a pas réussi à développer pleinement cet argument et, à mon avis, il est sans fondement.

[27]           La demanderesse affirme à juste titre que l’agent a fait observer que l’époux de la demanderesse ne s’était pas rendu au Bangladesh depuis son arrivée au Canada, sans tenir compte de l’explication que l’époux de la demanderesse a fournie dans le mémoire présenté à l’appui de la demande de la demanderesse, à savoir qu’en raison de ses obligations professionnelles, il lui avait été impossible de se rendre au Bangladesh durant la période des Fêtes de 2015. À mon avis, la pertinence de l’observation de l’agent est discutable; cependant, elle était également accessoire à ses principales conclusions quant aux liens financiers et familiaux de la demanderesse au Bangladesh.

[28]           En ce qui concerne les notes du SMGC qui indiquent que la demanderesse n’a pas d’enfant et aucun antécédent de voyage, la question de savoir si la demanderesse avait des enfants se rapportait directement à l’évaluation faite par l’agent de la solidité des liens familiaux de la demanderesse au Bangladesh.

[29]           L’absence d’antécédents de voyage de la demanderesse constitue également un facteur pertinent dans le cadre d’une demande de visa (Dhillon, au paragraphe 43; Obeng, au paragraphe 13; Huang, au paragraphe 11). Cependant, comme le fait valoir la demanderesse, l’absence de voyages antérieurs constitue, au plus, un facteur neutre (Dhanoa, au paragraphe 12). L’agent a fait référence aux antécédents de voyage de la demanderesse dans les notes du SMGC et dans la lettre de refus. Cette dernière précisait que la demanderesse n’avait pas convaincu l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour en tant que résidente temporaire et, pour parvenir à cette conclusion, l’agent a examiné quatre facteurs, y compris ses antécédents de voyage. Bien que je convienne que l’agent a commis une erreur en considérant que l’absence d’antécédents de voyage de la demanderesse constituait un facteur négatif, compte tenu de la considération également accordée aux liens familiaux, financiers et professionnels de la demanderesse, cette erreur ne suffit pas à rendre la décision déraisonnable.

[30]           L’agent a conclu, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau de convaincre l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. À mon avis, cette décision se situait dans la fourchette des résultats possibles acceptables.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5402-15

 

INTITULÉ :

FAHMIDA RAHMAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 juillet 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Arjun Shankar

 

Pour la demanderesse

 

Matt Huculak

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arjun Shankar

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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