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Date : 20160621


Dossier : IMM-4601-15

Référence : 2016 CF 697

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

GERALD DESMOND WELLS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 21 août 2015 par une agente d’immigration (l’agente) de Citoyenneté et Immigration Canada, dans laquelle l’agente a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur.

I.                   La décision relative à l’ERAR

[2]               L’agente d’ERAR a examiné les deux risques que le demandeur a mis de l’avant dans ses observations relatives à l’ERAR : 1) un risque de préjudice de la part de sa demi-sœur ; 2) un risque de préjudice en raison de l’absence de soins adéquats et de soutien pour le demandeur, qui souffre de problèmes de santé mentale.

[3]               Le demandeur a déclaré que sa demi-sœur a menacé de le tuer s’il retournait à Trinité-et-Tobago, car elle ne veut pas qu’il réclame sa part de l’héritage de son père. L’agente a noté qu’aucune preuve documentaire n’a été présentée pour corroborer cette allégation, le demandeur n’ayant déposé ni des copies des messages textes de menaces envoyés par la demi-sœur, ni des lettres de membres de sa famille, d’amis ou de connaissances.

[4]               Malgré l’absence d’éléments de preuve corroborants, l’agente s’est ensuite penchée sur la question de savoir si le demandeur serait en mesure d’obtenir de l’aide auprès des autorités de Trinité-et-Tobago s’il s’avérait que sa demi-sœur voulait vraiment lui faire du mal. L’agente a examiné la preuve traitant de la situation dans le pays et a conclu que l’État accordait une protection suffisante.

[5]               Par conséquent, l’agente a rejeté ce motif.

[6]               Le demandeur a également soutenu qu’il serait exposé à un risque de préjudice s’il était renvoyé à Trinité-et-Tobago parce qu’il lui serait impossible d’obtenir du soutien et des soins adéquats pour ses problèmes de santé mentale. L’agente a examiné les documents médicaux du demandeur, selon lesquels celui-ci souffrait d’une dépression majeure, d’un trouble de stress post-traumatique, d’un trouble anxieux non spécifié et d’un trouble d’anxiété sociale. L’agente a reconnu que le demandeur réagissait généralement bien aux médicaments qui lui avaient été prescrits pour ses problèmes de santé mentale et qu’il avait bénéficié d’une aide médicale, de counselling et de services externes de thérapie de groupe de façon régulière au Canada.

[7]               Le demandeur a affirmé qu’il n’avait aucun réseau de soutien à Trinité-et-Tobago et qu’il y serait sans-abri, humilié et violenté par la communauté locale de la Trinité. L’agente a examiné les observations écrites du demandeur, ses documents médicaux et une lettre de soutien de sa conjointe de fait. Elle a conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve documentaire objective indiquant que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir des soins adéquats à Trinité-et-Tobago.

[8]               L’agente a examiné deux documents accessibles au public concernant les soins de santé mentale dans le pays. Se fondant sur cette preuve, l’agente a conclu qu’il y avait un système de soins de santé mentale bien établi à Trinité-et-Tobago, et que celui-ci offrait une gamme de soins primaires et secondaires, y compris des médicaments, de la psychothérapie et des programmes de réadaptation. L’agente a conclu que des traitements étaient offerts dans une variété d’établissements médicaux, que ce soit dans des cliniques ou des hôpitaux comme patient externe ou de jour ou dans des établissements de soins en résidence.

[9]               Se fondant sur cette preuve, l’agente a conclu que le demandeur pourrait avoir accès à des soins adéquats pour ses problèmes de santé mentale à Trinité-et-Tobago, et qu’il n’était donc pas sujet à un risque de préjudice pour ce motif s’il y retournait.

II.                Questions en litige et norme de contrôle

[10]           Les parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique. La Cour n’interviendra que si la décision de l’agente n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

[11]           La seule question en litige en l’espèce est de savoir si la décision de l’agente était raisonnable.

[12]           À titre de question préliminaire, le demandeur a cherché à produire un certain nombre d’articles de journaux joints à la déclaration sous serment de May Grace Espiritu (souscrite le 3 décembre 2015). Il se peut que ces articles soient accessibles au public, mais ils n’ont pas été portés à la connaissance de l’agente et ne font pas partie du dossier. Le défendeur s’oppose à la prise en compte de ces renseignements étant donné qu’ils n’ont pas été présentés à l’agente. Je suis d’accord, et les pièces n’ont pas été prises en compte aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire.

III.             Analyse

[13]           Le demandeur s’appuie sur deux décisions concernant les risques liés à la santé mentale : Richmond c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 228 et Level c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 251. Toutefois, les deux cas en question diffèrent de la présente affaire.

[14]           La décision Richmond concernait une demande d’ERAR fondée sur l’absence de traitement pour des problèmes de santé mentale au Guyana. La Cour fédérale a annulé la décision défavorable relative à l’ERAR parce que l’agent n’avait fait référence qu’à des éléments de preuve démontrant que le Guyana déployait de plus grands efforts pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale. L’agent n’avait pas précisé quel traitement le demandeur pourrait obtenir ni à quel établissement de soins de santé il pourrait se rendre.

[15]           En l’espèce toutefois, l’agente a noté que, selon la preuve documentaire, le demandeur aurait accès à un certain nombre d’établissements de soins de santé pouvant offrir des médicaments, de la psychothérapie et de la réadaptation à Trinité-et-Tobago. Dans la décision Richmond, la Cour a noté un élément plus important : il y avait des éléments de preuve documentaire objective de stigmatisation des personnes atteintes de maladies mentales au Guyana que l’agent avait omis de prendre en compte. En l’espèce, aucun élément de preuve de cette nature n’a été présenté à l’agente.

[16]           Dans la décision Level, la décision défavorable relative à l’ERAR a été annulée parce que l’agent avait fait abstraction des preuves de mauvais traitements infligés aux malades mentaux. L’agent n’avait pas tenu compte non plus d’éléments de preuve concernant l’absence de protection de l’État pour les personnes atteintes de maladies mentales.

[17]           Encore une fois, en l’espèce, aucun élément de preuve contradictoire de cette nature n’a été soumis à l’agente. Au contraire, la demande d’ERAR a été rejetée pour manque de preuve. Le demandeur a présenté des éléments de preuve de ses problèmes de santé mentale, mais il n’a pas démontré que la situation à Trinité-et-Tobago était telle que ses problèmes de santé mentale nécessitaient la protection prévue aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27. La preuve n’a pas non plus établi que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir des soins adéquats à Trinité-et-Tobago.

[18]           Par conséquent, dans les circonstances, le rejet par l’agent de la demande d’ERAR était raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4601-15

 

INTITULÉ :

GERALD DESMOND WELLS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS

La juge McDonald

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Raj Napal

 

Pour le demandeur

 

Sally Thomas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nlc Lawyers

Avocats

Brampton (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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