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Date : 20160615


Dossier : IMM-4796-15

Référence : 2016 CF 670

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

PARTHIPAN RASARATNAM

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre), présente en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), une demande de contrôle judiciaire concernant une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), dans laquelle la SAI a conclu que l’avis du ministre qui annule le sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion et met fin à l’appel ne serait pas accueilli.

I.                   Contexte

[2]               Le défendeur Parthipan Rasaratnam est un Tamoul du Sri Lanka âgé de 39 ans qui est résident permanent au Canada depuis près de 23 ans. Il a fréquenté l’école secondaire au Canada lorsqu’il est arrivé au pays en compagnie de sa famille à l’âge de 16 ans, mais il a abandonné l’école en 1995 au cours de sa onzième année. En mars 1995, il a été accusé de tentative de fraude de moins de 5 000 $, première de plusieurs accusations et condamnations criminelles, la dernière datant du 22 novembre 2012. La condamnation du 22 novembre 2012 pour utilisation frauduleuse de données de cartes de crédit découle d’un délit dont le défendeur a été accusé le 31 décembre 2009.

[3]               Qu’il suffise de dire en guise de contexte que le niveau de criminalité du défendeur était tel qu’un constat d’interdiction de territoire a été délivré en application du paragraphe 44(1) de la Loi le 23 janvier 2008, à la suite d’une condamnation criminelle en octobre 2007 faisant suite à un délit « punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans » (alinéa 36(1)a) de la Loi). La délivrance du constat d’interdiction de territoire a précipité la tenue d’une enquête conformément au paragraphe 44(2) de la Loi. À la suite de l’audience devant la Section de l’immigration de la CISR, l’ordonnance d’expulsion a été délivrée le 28 août 2008 à l’endroit du défendeur lequel, le 3 septembre 2008, a interjeté un appel devant la SAI. Dans les motifs modifiés datés du 26 août 2010, la SAI a ordonné la suspension de l’ordonnance jusqu’au 11 août 2015, sous réserve de bon nombre de conditions à l’endroit du défendeur, entre autres celles de ne pas commettre d’infraction criminelle, de signaler par écrit à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) toute accusation au pénal qui pèserait contre lui et de signaler, par écrit et sans délai, toute condamnation au pénal prononcée contre lui à la SAI et à l’ASFC.

[4]               Fin avril 2015, la SAI envoie un avis de réexamen de l’appel et du sursis délivré en application du paragraphe 68(3) de la Loi. Cet avis était accompagné d’un formulaire dans lequel le défendeur était tenu d’indiquer s’il s’était conformé aux conditions du sursis et d’en fournir les explications si ce n’était pas le cas. D’après le dossier du défendeur, il semblerait qu’il n’ait pas reçu l’avis; quoi qu’il en soit, aucun formulaire n’a été rempli.

[5]               Dans une lettre datée du 5 juin 2015, l’ASFC informe le défendeur que le sursis d’exécution de la mesure d’expulsion et l’appel interjeté devant la SAI ont expiré en raison d’une condamnation datée du 22 novembre 2012 pour utilisation frauduleuse de données de cartes de crédit. La lettre de l’ASFC, dont la SAI a reçu copie, fait référence à diverses dispositions de la Loi, notamment au paragraphe 68(4) qui prévoit ceci :

Classement et annulation

68 (4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

Termination and cancellation

68 (4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.

[6]               À la suite de la lettre de l’ASFC, la SAI fait parvenir une lettre datée du 9 juin 2015 pour informer le défendeur que s’il croyait que son appel ne devrait pas être classé, il devrait fournir des renseignements et des arguments par écrit. Le défendeur répond alors à la lettre de la SAI par un envoi daté du 22 septembre 2015 pour informer la SAI que sa condamnation de novembre 2012 a été portée en appel. Peu après, dans une décision laconique en date du 2 octobre 2015, citée intégralement ci-dessous, la SAI conclut que :

[traduction]

Le réexamen du sursis nécessite une audience en bonne et due forme. L’avis d’annulation du sursis et de classement de l’appel délivré par le ministre en vertu du paragraphe 68(4) ne sera pas accueilli. Les accusations du demandeur en date du 31 décembre 2009 précèdent l’ordonnance de sursis, même si la condamnation a été inscrite après cette ordonnance. Je ne vois aucune nouvelle accusation ou condamnation depuis lors.

[7]               Après cette décision, qui fait l’objet du présent contrôle, la SAI fait parvenir un avis au défendeur pour le convoquer à une audience devant un tribunal de la SAI ayant pour but d’examiner le sursis et l’appel. Cependant, cette audience a été reportée par une décision interlocutoire de la SAI datée du 1er février 2016 jusqu’à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit tranchée. Dans cette décision interlocutoire, la SAI remarque que le ministre conteste la compétence de la SAI à examiner le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi en dépit de la décision de la SAI intitulée Oswald c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CanLII 92491, 2015 CarswellNat 8396 (CA IRB). La SAI avait alors déterminé que la common law et notre Cour présentaient suffisamment d’appui pour conclure que l’examen en question doit être fait par la SAI et non pas par le ministre en application du paragraphe 68(4) de la Loi.

II.                Questions en litige

[8]               Le demandeur ne soulève qu’une question : la SAI a-t-elle tort lorsqu’elle décide qu’elle a le pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer le paragraphe 68(4) de la Loi et de ne pas mettre fin au sursis alors que le défendeur a été condamné le 22 novembre 2012 pour utilisation frauduleuse de données de cartes de crédit?

[9]               Cette question, toutefois, en soulève une autre, la détermination de la norme de contrôle qui convient à l’examen de la décision de la SAI par la Cour, question que j’aborderai en premier.

III.             Norme de contrôle

[10]           Selon le défendeur, ce serait la norme de la décision correcte qui doit s’appliquer à l’examen de la décision de la SAI, car celle-ci envisage la compétence de la SAI et l’effet juridique des dispositions de la Loi.

[11]           Cependant, la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers], que les cas portant sur de véritables questions de compétence sont exceptionnels. La décision majoritaire de la Cour suprême, dans l’arrêt Alberta Teachers (le juge Rothstein), offre les orientations suivantes :

[34]      La consigne voulant que la catégorie des véritables questions de compétence appelle une interprétation restrictive revêt une importance particulière lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive. En un sens, tout acte du tribunal qui requiert l’interprétation de sa loi constitutive soulève la question du pouvoir ou de la compétence du tribunal d’accomplir cet acte. Or, depuis Dunsmuir, la Cour s’est écartée de cette définition de la compétence. En effet, au vu de la jurisprudence récente, le temps est peut-être venu de se demander si, aux fins du contrôle judiciaire, la catégorie des véritables questions de compétence existe et si elle est nécessaire pour arrêter la norme de contrôle applicable. Cependant, faute de plaidoirie sur ce point en l’espèce, je me contente d’affirmer que, sauf situation exceptionnelle – et aucune ne s’est présentée depuis Dunsmuir –, il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de « sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire.

[12]           Plus récemment, la Cour suprême a réitéré le caractère exceptionnel des véritables questions de compétence dans l’affaire ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Utilities Commission), 2015 CSC 45, [2015] 3 RCS 219 [ATCO Gas], un cas de tarification où le juge Rothstein, parlant au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

[27]      [...] Dans sa jurisprudence récente, la Cour insiste sur le fait que les véritables questions de compétence, à supposer qu’elles forment bel et bien une catégorie, ce sur quoi la Cour n’a pas encore statué, sont rares et exceptionnelles (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 34). [...]

[28]      Lorsque l’appel porte également sur l’interprétation de sa loi constitutive par la Commission, l’application de la norme de la décision raisonnable est aussi présumée (Alberta Teachers’ Association, par. 30). Cette présomption n’est pas réfutée en l’espèce.

[13]           Dans la question en litige, la SAI se soucie d’une disposition de sa loi constitutive. La SAI est censée bien connaître sa propre loi constitutive. Elle possède en cela de l’expertise et, par conséquent, a droit à la déférence (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 68 et 124 [Dunsmuir]; Alberta Teachers, au paragraphe 39). La décision ne dépasse pas l’expertise de la SAI et ne comporte aucune question de droit qui se trouve au cœur du système juridique (Dunsmuir, au paragraphe 70). Aucun motif valable ne vient ébranler la présomption que la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. Selon les arrêts Alberta Teachers et ATCO Gas, la norme à appliquer en l’espèce, dans l’examen de la décision de la SAI, serait celle du caractère raisonnable, appliqué avec déférence, plutôt que celle de la décision correcte. Ce critère de contrôle s’applique également à l’application par la SAI du paragraphe 68(4) de la Loi puisque la question relève à la fois des faits et du droit (voir Caraan c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 360, [2014] 4 RCF 243, aux paragraphes 20 et 21 [Caraan]).

[14]           Avant de clore le sujet, je souligne que ma décision d’examiner la décision de la SAI en l’espèce selon la norme de la décision raisonnable et avec déférence entre en conflit avec certaines décisions rendues par la Cour, p. ex. Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bui, 2012 CF 457, [2013] 4 RCF 520, paragraphe 36 [Bui] et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Smith, 2012 CF 582, 411 FTR 187, au paragraphe 25 [Smith], dans lesquelles la Cour a adopté la norme de la décision correcte concernant l’interprétation par la SAI du paragraphe 68(4) de la Loi. Il faut dire que les décisions Bui et Smith précèdent les arrêts récents de la Cour suprême dans l’affaire ATCO Gas concernant la norme de contrôle qui convient lorsque la question de compétence est en litige et que le tribunal doit interpréter sa propre loi constitutive.

IV.             Analyse

[15]           Le ministre fait valoir que la SAI n’a ni compétence ni pouvoir discrétionnaire pour déterminer que le paragraphe 68(4) ne s’applique pas dans le cas du défendeur parce que ce paragraphe annule automatiquement le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion et met fin à l’appel, car, en l’espèce, le défendeur a été condamné pour une infraction au sens du paragraphe 36(1). Selon le demandeur, en vertu du paragraphe 68(4), la compétence de la SAI se résume à vérifier que les exigences factuelles du paragraphe sont satisfaites; à cet égard, le demandeur se fonde sur la décision Ferri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1580, [2006] 3 RCF 53 [Ferri], dans laquelle la Cour a déclaré ce qui suit :

[40]      [En vertu du paragraphe 68(4)]…la compétence de la SAI se limite donc à répondre aux questions suivantes :

1.         La personne en question est-elle un étranger ou un résident permanent?

2.         La personne a-t-elle déjà été interdite de territoire pour grande criminalité ou criminalité?

3.         La SAI a-t-elle déjà sursis à une mesure de renvoi en rapport avec cette personne?

4.         La personne a-t-elle été reconnue coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1)?

[41]      Si la réponse à chacune de ces questions est affirmative, comme c’est certes le cas en l’espèce, alors l’article est clair : la SAI perd compétence à l’égard de la personne et le sursis est annulé et l’appel est classé.

[16]           Le ministre ajoute que la Cour fédérale a conclu par le passé que les dispositions du paragraphe 68(4) sont satisfaites dans le cas d’une condamnation postérieure à l’octroi du sursis concernant une accusation antérieure au sursis et, à cet égard, se fonde sur les décisions Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Malarski, 2006 CF 1007, 294 FTR 319, aux paragraphes 3, 11 et 17 [Malarski], Caraan, au paragraphe 48 et Bui, au paragraphe 45.

[17]           Comme dans la décision Malarski, la présente demande recèle essentiellement un litige entre le ministre et la SAI concernant la compétence de la SAI à déterminer si le sursis du défenseur a été annulé et l’appel interjeté à la SAI a été classé par l’application du paragraphe 68(4). Dans la décision Malarski, la SAI avait rejeté l’avis du ministre annulant le sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion. Dans la décision Malarski, la Cour a annulé la décision de la SAI en tenant compte du fait que la SAI n’a pas de compétence pour considérer l’avis d’annulation du ministre comme une requête en réexamen ni pour rendre la décision de rejeter cet avis. Toujours dans la décision Malarski, la Cour a également conclu que la révocation du ministre était sans effet parce que le paragraphe 68(4) de la Loi n’annule pas, dans les faits, le sursis à la suite d’une violation des conditions du sursis. Même si, dans la décision Malarski, la condamnation après l’octroi du sursis est reliée à une accusation antérieure à l’octroi du sursis, il n’y a pas eu violation des conditions du sursis puisque certains chefs d’accusation antérieurs au sursis ont été explicitement exclus des conditions imposées à M. Malarski en matière d’actes criminels.

[18]           On peut distinguer l’espèce de la décision Malarski. Dans cette dernière décision, la SAI a considéré la révocation du ministre comme étant une requête en réexamen du sursis et sa décision a été rejetée pour ce motif. En l’espèce, cependant, la décision de la SAI ne peut lui être reprochée pour ce même motif puisque, de sa propre initiative, la SAI avait déjà engagé le processus de réexamen du sursis et de l’appel au moins un mois avant d’avoir reçu la lettre de révocation du ministre datée du 5 juin 2015; cette lettre n’a donc pas été considérée par la SAI comme une requête en réexamen, mais plutôt comme faisant partie du processus de réexamen que la SAI avait déjà enclenché. Les deux affaires diffèrent encore; dans la décision Malarski, certains chefs d’accusation antérieurs au sursis sont explicitement exclus des conditions imposées en matière d’actes criminels, alors que, en l’espèce, aucune exception n’a été faite concernant les chefs d’accusation antérieurs au sursis.

[19]           On peut aussi distinguer l’espèce de la décision Bui, lors de laquelle la SAI avait refusé d’annuler le sursis après avoir informé les parties qu’elle procéderait au réexamen du sursis et de l’appel sans tenir d’audience et en acceptant les prétentions écrites des parties (voir les paragraphes 7 à 9). En l’espèce, contrairement à la décision Bui, la SAI a convoqué une audience en pleine et due forme, dans la décision visée par le présent contrôle, pour décider si le sursis doit être révoqué en appliquant la loi et si l’appel est classé. Il se peut ou non que la SAI puisse le faire à la suite d’une telle audience. La déclaration de la SAI, tirée de la décision visée par le contrôle et selon laquelle l’avis du ministre est rejeté, vient tout simplement confirmer que c’est bien la SAI et non le ministre qui est l’entité devant être, comme l’indique la décision Ferri, celle qui détermine en fin de compte si les conditions préalables de fait permettent l’application du paragraphe 68(4) de la Loi. Il serait déplacé, à mon avis, que l’entité qui accorde un sursis n’aurait pas la compétence par la suite pour déterminer si les conditions de ce même sursis ont été violées et si l’application de la loi entraîne la révocation.

[20]           On peut finalement distinguer l’espèce de la décision Caraan, car, dans ce cas, l’annulation du sursis par la SAI est postérieure à la demande du ministre visant à annuler le sursis en application du paragraphe 68(4) de la Loi. En l’espèce, non seulement le ministre n’a fait aucune demande en ce sens, mais la SAI doit encore tenir une audience pour déterminer si le sursis à la mesure de renvoi accordé au défendeur doit être annulé par l’application de la loi et si l’appel doit être classé.

[21]           Le ministre affirme que lorsqu’elle aura vérifié les exigences de fait pour enclencher l’application du paragraphe 68(4), la SAI n’aura plus compétence pour rejeter l’avis de révocation du ministre et sera obligée de mettre fin au sursis. Bien que de façon implicite, le ministre reconnaît dans son argumentation que la SAI a compétence à tout le moins pour examiner l’avis d’annulation et pour examiner et déterminer si les exigences de fait du paragraphe 68(4) sont satisfaites, comme le précise la décision Ferri (aux paragraphes 40 et 41). C’est ce qu’il reste encore à faire par la SAI et qui passe par la convocation d’une audience en pleine et due forme. Dans les circonstances en l’espèce, il était raisonnable pour la SAI de convoquer une audience de réexamen pour déterminer par elle-même si les exigences du paragraphe 68(4) sont satisfaites. Il se peut très bien que la SAI, après avoir tenu l’audience de réexamen, conclue, à l’instar du ministre, que les exigences du paragraphe 68(4) ont été satisfaites, que le sursis doit être annulé et l’appel, classé. Cette décision, toutefois, doit être faite par la SAI parce c’est elle et non le ministre qui a délivré le sursis et que la SAI n’a pas mis fin aux procédures d’appel ayant encore cours.

[22]           On doit remarquer, comme le fait le demandeur, que certaines décisions de notre Cour depuis la décision Malarski ont établi qu’une infraction commise avant l’octroi du sursis entraînant une condamnation après l’octroi du sursis constitue une condamnation au sens du paragraphe 68(4). Ces précédents ne sont toutefois pas libres de contestations dans le cas des questions certifiées, qui ont été mentionnées dans les décisions Caraan et Bui, mais qui, malheureusement, n’ont pas été soumises à la Cour fédérale d’appel. Dans la décision Caraan, le juge Scott a certifié la question suivante :

Lors du sursis d’une mesure de renvoi, le paragraphe 68(4) de la Loi s’applique-t-il seulement aux condamnations pour des infractions décrites au paragraphe 36(1) commises après le début du sursis?

[23]           De même, dans la décision Bui, le juge Martineau a certifié la question qui suit :

Est-ce que le paragraphe 68(4) de la LIPR s’applique à un résident permanent reconnu coupable, pendant la durée de son sursis, d’une infraction de grande criminalité lorsque les actes à l’origine de l’infraction ont été commis avant le début du sursis?

[24]           En outre, on se demande ce qui signifie précisément l’expression « reconnu coupable d’une autre infraction » pour l’application du paragraphe 68(4) [sans italique dans l’original]. Fait-on référence à une infraction autre que celle dont l’étranger ou le résident permanent serait accusé durant la période de sursis octroyée par la SAI? Ou parle-t-on d’une infraction dont l’étranger ou le résident permanent aurait été à la fois accusé et condamné après la délivrance de l’ordonnance de sursis? En tous les cas, il n’est pas nécessaire de répondre à ces questions en l’espèce parce que la SAI en l’espèce doit encore déterminer si les exigences de fait précisées au paragraphe 68(4) sont satisfaites, ce qui sera vraisemblablement le cas lors de l’audience de réexamen qui a été reportée.

V.                Conclusion

[25]           La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée. Comme aucune des parties n’a proposé de question à certifier, aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire et il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4796-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. PARTHIPAN RASARATNAM

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Monmi Goswami

 

Pour le demandeur

 

Parthipan Rasaratnam assisté de Robert Lepore (ancien avocat)

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

 

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