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Date : 20160609


Dossier : T-374-15

Référence : 2016 CF 645

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

0769449 B.C. LTD. faisant affaire sous le nom de KIMBERLY TRANSPORT

 

demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse est une société de camionnage et de factage dont le permis d’accès aux biens-fonds délivré par l’administration portuaire Vancouver-Fraser a été révoqué en août 2014 en raison d’une prétendue violation de l’accord relatif au permis signé avec le port. La demanderesse allègue la partialité dans le processus décisionnel qui a entraîné la résiliation de son permis et que par conséquent, cette décision était déraisonnable. La défenderesse fait entre autres valoir que la présente demande est maintenant théorique puisque la compétence de délivrer un permis d’accès aux biens-fonds du port a été transférée par loi à une autre entité administrative.

I.                   Contexte

[2]               La demanderesse, 0769449 B.C. Ltd., exerce ses activités sous le nom de Kimberly Transport [Kimberly]. Kimberly est une entreprise de camionnage offrant plusieurs services dont le siège social est situé à Delta, en Colombie-Britannique. Son président-directeur général est Thomas Johnson. M. Johnson a commencé sa carrière de camionneur en 1995 et est devenu propriétaire indépendant en 1997. Il a ensuite monté l’entreprise Kimberly avec sa femme. Au fil du temps, l’entreprise a accru ses activités et s’est lancée dans le factage au port. En 2005, Kimberly a fait l’acquisition de camions routiers et a commencé à transporter des marchandises en Colombie-Britannique et à destination de l’Alberta et de la Saskatchewan. En 2009, Kimberly possédait un entrepôt de 25 000 pieds carrés et plus de 30 camions, 150 remorques-châssis pour conteneurs, 3 chariots-grues, 15 remorques plateau ainsi que de l’équipement à plate-forme surbaissée.

[3]               En 2005, un conflit de travail est survenu au port. Par suite de ce différend, le port a mis en place un système de permis plus complet, appelé le Système de délivrance de permis aux camions [SDPC], s’adressant aux entreprises de camionnage accédant aux biens-fonds du port. Kimberly a obtenu un permis en vertu du SDPC afin de permettre à ses camions porte‑conteneurs d’avoir accès aux biens-fonds du port. Cet accord a été renouvelé chaque année, jusqu’à la révocation du permis par lettre datée du 22 août 2014.

[4]               Le 1er janvier 2008, les administrations portuaires du Port de Vancouver, de Fraser River et de North Fraser ont fusionné pour former l’administration portuaire Vancouver-Fraser, exerçant ses activités sous le nom de Port Metro Vancouver [PMV]. À ce moment-là, Kimberly gérait ses camions et ses permis par l’intermédiaire du site web de PMV Pacific Gateway Portal. Ce portail permettait aux détenteurs de permis SDPC comme Kimberly de céder des permis à des camions ayant accès aux biens-fonds de PMV et de mettre à jour les numéros de plaques d’immatriculation et les numéros des camions. Le portail permettait également d’ajouter de nouveaux camions dans la flotte du titulaire du permis, sous réserve de l’approbation de PMV.

[5]               Kimberly n’a jamais obtenu de permis pour l’ensemble de sa flotte de camions. La date de renouvellement du SDPC pour les camions de Kimberly étant à la fin octobre, M. Johnson a parfois retardé le paiement des frais de 300 $ par camion, jusqu’à ce que les affaires de Kimberly reprennent. Il affirme que cette façon de faire était régulièrement permise par PMV. Le permis octroyé par PMV à Kimberly pour la période du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012 était valable pour 12 camions, alors que le permis en vigueur du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2013 était approuvé pour 14 camions. Pour la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014, Kimberly a payé les frais relatifs à six camions approuvés le 28 octobre 2013, puis a payé ceux de deux camions supplémentaires le 18 et le 20 novembre 2013, portant à huit le nombre de véhicules approuvés pour cette période.

[6]               Le 4 mars 2013, PMV a avisé Kimberly qu’elle avait été choisie pour faire partie d’un projet pilote obligatoire consistant à installer un appareil de repérage GPS dans les camions ayant accès aux biens-fonds de PMV. Ces appareils ont d’abord été installés dans quatre camions de Kimberly, près des appareils GPS de Kimberly. M. Johnson mentionne que les appareils de PMV étaient pratiquement identiques à ceux de Kimberly.

[7]               À la fin du mois de février 2014, un nouveau conflit de travail a éclaté au port et a perduré pendant plusieurs semaines. Pour résoudre ce conflit, PMV a réformé le SDPC. Après avoir eu connaissance des modifications apportées, Kimberly a décidé de se joindre à la BC Trucking Association [BCTA]. Le 28 mars 2014, PMV a révoqué l’accès au portail pour les utilisateurs externes dont fait partie Kimberly. Le 7 avril 2014, PMV a avisé les titulaires de permis en vertu du SDPC qu’un moratoire entrant immédiatement en vigueur serait imposé aux camions supplémentaires dont l’accès aux biens-fonds de PMV était approuvé. L’avis de moratoire déclarait ce qui suit :

[traduction]

PMV traitera les demandes en cours pour les nouveaux camions des entreprises si ces demandes ont été reçues avant la publication du présent avis, c’est-à-dire avant le 7 avril 2014 à 15 h, et si le demandeur offrant des services complets démontre qu’il s’était déjà engagé avant l’annonce dans des investissements pouvant être prouvés.

[8]               Au moment de l’annonce du moratoire, deux des véhicules de Kimberly étaient dans le système, mais leur renouvellement n’avait pas été fait ou les renseignements relatifs à l’assurance à jour n’avaient pas été soumis. M. Johnson mentionne que le statut de ces camions était en attente, alors que PMV soutient qu’il n’était pas en attente et qu’il avait été rejeté. Au moment du moratoire, Kimberly était en voie d’acquérir un nouveau camion et l’entreprise avait déjà payé des travaux importants sur le moteur. Le contrat lié à ce camion a été conclu le 1er avril et Kimberly a pris possession du camion le 2 avril. Le formulaire lié à la taxe de transfert faisant état du transfert de propriété du camion est par contre daté du 9 avril, soit deux jours après la publication du moratoire. Selon Kimberly, ce moratoire signifiait que les camions existant déjà dans le système seraient traités aux fins d’approbation du permis et que s’il était démontré que des engagements d’investissement pour l’achat d’un camion avaient été faits avant le 7 avril, ce camion serait aussi traité.

[9]               Le 10 avril 2014, M. Johnson a assisté à une rencontre de la BCTA. Il y a rencontré Greg Rogge, représentant de PMV, présidant la rencontre sur les modifications apportées au SDPC. Lors de la rencontre, M. Johnson a exprimé sa frustration à propos des modifications apportées au système et a soulevé la question du moratoire et des camions de Kimberly en attente de renouvellement. M. Johnson soutient que M. Rogge l’a assuré que le renouvellement du permis de Kimberly ne poserait pas problème et qu’il a promis d’examiner personnellement la situation.

[10]           Le 5 mai 2014, M. Johnson a envoyé un courriel à PMV concernant sa conversation avec M. Rogge. Le 7 mai 2014, PMV a toutefois avisé Kimberly que sa demande de renouvellement était rejetée et a indiqué que ces camions étaient considérés comme de nouveaux ajouts puisqu’ils ne faisaient plus partie de la flotte approuvée de Kimberly depuis novembre 2013. M. Johnson a répondu à ce courriel le 7 mai en demandant que les demandes soient traitées puisque les camions n’étaient pas nouveaux, mais le 9 mai 2014, PMV a une nouvelle fois rejeté la demande de renouvellement et a refusé de considérer le nouveau camion comme étant un ajout au motif qu’il avait été acheté le 9 avril.

[11]           M. Johnson allègue qu’il a envoyé plusieurs courriels à PMV par suite du rejet de ses demandes de renouvellement, y compris certains qu’il décrit comme étant [traduction] « quelque peu inconvenants ». Le 14 mai 2014, M. Johnson a reçu un courriel de l’avocat de PMV, Harley Harris, l’avisant qu’il examinerait la question soulevée par les courriels de M. Johnson et que Kimberly devrait désormais s’adresser exclusivement à lui concernant le rejet des demandes de renouvellement. Dans une lettre datée du 27 mai 2014, M. Harris a indiqué à Kimberly que les demandes de renouvellement et la demande d’ajout du nouveau camion ne seraient pas réexaminées.

[12]           Le 20 juin 2014, M. Johnson a demandé à PMV d’envoyer une capture d’écran de tous ses camions approuvés et de leurs numéros d’identification de véhicule (NIV) à Kimberly, puisque les utilisateurs externes n’avaient plus accès au portail pour vérifier l’approbation des camions. PMV a répondu à cette demande dans un courriel daté du 20 juin 2014. M. Johnson affirme qu’il croyait que le courriel indiquait que le statut des neuf camions était approuvé et qu’il n’a pas réalisé à ce moment-là qu’il y avait une autre colonne complètement à droite de la pièce jointe au courriel qui ne pouvait être vue que si l’utilisateur faisait défiler la page.

[13]           Le 25 juin 2014, M. Johnson a reçu un avis de PMV selon lequel ses permis étaient suspendus immédiatement, puisque trois camions non approuvés de Kimberly avaient accédé aux biens-fonds de PMV. M. Johnson soutient ne pas avoir reçu d’avis de cette suspension. Il ajoute que lorsqu’il a tenté de communiquer avec PMV, on lui a demandé de s’adresser à l’avocat de PMV. Kimberly a immédiatement retenu les services d’un avocat, lequel a envoyé une lettre à M. Harris, l’avocat de PMV, le 25 juin 2014. M. Johnson affirme que Kimberly n’a pas contesté les données du GPS de PMV montrant qu’un de ses camions non approuvés avait accédé aux biens-fonds de PMV parce qu’il est possible qu’un employé du personnel de maintenance ait échangé un appareil GPS de PMV avec un des appareils de Kimberly, ces appareils étant d’apparence identique.

[14]           À la suite de la suspension du permis de Kimberly, M. Johnson a communiqué avec Louise Yako, présidente-directrice générale de la BCTA, afin d’essayer de discuter avec PMV de la suspension du permis de Kimberly. PMV a cependant avisé Mme Yako qu’elle ne le rencontrerait pas et que cette dernière ne devrait pas discuter du dossier Kimberly avec quiconque au sein de PMV.

[15]           Le 22 août 2014, PMV a envoyé à Kimberly une lettre par courriel révoquant son permis. Cette lettre, ainsi que les motifs sous-tendant la décision de révoquer le permis de Kimberly font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Au moment de cette lettre, M. Johnson n’avait aucune idée de l’identité de la personne responsable de la décision de révoquer le permis de Kimberly. Par la suite pourtant, après que l’avocat actuel de Kimberly a demandé à la Cour de délivrer une ordonnance de mandamus enjoignant PMV à divulguer l’identité du décideur, PMV a révélé que cette décision avait été rendue par M. Rogge. Une fois l’identité du décideur connue, la Cour a accordé une prorogation de délai à Kimberly pour déposer sa demande de contrôle judiciaire visant la décision de PMV de révoquer les permis.

[16]           Après la décision de révoquer le permis de Kimberly, Kimberly a continué à accéder aux biens-fonds de PMV pour le factage de conteneurs et d’autres chargements nécessitant du matériel de factage spécialisé non liés au SDPC. Un nouveau cadre réglementaire a par ailleurs été adopté après la révocation du permis SDPC de Kimberly régissant l’octroi des permis en vertu d’un SDPC réformé. Conformément à la loi Container Trucking Act, SBC 2014, c 28, et au Container Trucking Regulation BC Reg 248/2014, le commissaire du transport de conteneurs par camion de la Colombie-Britannique, et non PMV, a maintenant la compétence et le pouvoir de délivrer des permis de prestation de services de transport de conteneurs par camion aux biens‑fonds de PMV, PMV ne conservant que la compétence et le pouvoir d’octroyer des accords relatifs à ses biens-fonds aux entreprises ayant obtenu un permis du commissaire selon le nouveau cadre réglementaire. Dans une lettre de son avocat, datée du 3 novembre 2015, PMV a informé Kimberly qu’elle pouvait désormais présenter une demande d’accord d’accès à PMV si elle est en mesure d’obtenir un permis SDPC du commissaire ou lorsqu’elle sera en mesure de le faire.

II.                Questions en litige

[17]           La demanderesse soulève plusieurs questions en litige, notamment les suivantes : Kimberly pouvait-elle légitimement s’attendre à recevoir un avis de PMV l’informant que l’accès aux biens-fonds de PMV ne lui était pas autorisé avant de suspendre ou de révoquer son permis? Était-il raisonnable pour PMV de conclure qu’il existait [traduction] « des circonstances urgentes » justifiant la suspension du permis de Kimberly? M. Rogge était-il un décideur partial qui aurait dû se récuser plutôt que de rendre la décision contestée? Cette décision était-elle raisonnable au vu des dispositions du permis?

[18]           Je suis toutefois d’accord avec la défenderesse que la question principale, et en effet, la question déterminante selon la Cour, est de déterminer si la demande de contrôle judiciaire est maintenant théorique.

III.             Analyse

[19]           La demanderesse reconnaît que PMV n’a plus le pouvoir légal requis pour délivrer des permis en vertu du SDPC et souhaite donc uniquement obtenir une déclaration selon laquelle ses droits à une procédure équitable ont été violés par la résiliation de son permis ou par une décision déraisonnable qui devrait être annulée. La demanderesse affirme que les conséquences pratiques de cette décision sont nombreuses puisque la décision de la Cour de déclarer que le permis a été révoqué de façon inéquitable ou déraisonnable pourrait jouer sur sa capacité à obtenir un permis SDPC de la part du commissaire du transport de conteneurs par camion de la Colombie-Britannique.

[20]           La défenderesse prétend que Kimberly ne peut passer outre un jugement concluant que la présente demande a un caractère théorique en demandant simplement d’obtenir une ordonnance déclaratoire. La défenderesse allègue que des événements intermédiaires, notamment le nouveau cadre réglementaire régissant la délivrance des permis en vertu du SDPC, ont mis fin à la controverse autrefois existante entre les parties et que les questions en litige soulevées par la présente demande de contrôle judiciaire n’atteignent pas un niveau d’importance pour le public tel qu’une décision judiciaire sur le fond dans l’intérêt public soit nécessaire.

[21]           Dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, au paragraphe 15, 57 DLR (4th) 231 [Borowski], la Cour suprême du Canada a établi que la doctrine du caractère théorique « s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire ». Ceci implique une analyse en deux temps : « En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire » (arrêt Borowski, au paragraphe 16).

[22]           En conséquence, dans le cas où « il n’y a plus de litige actuel ni de différend concret », l’affaire peut être jugée théorique (arrêt Borowski, au paragraphe 26). Même si une question peut être théorique, car il n’y a plus de litige actuel ni de différend concret, il est néanmoins nécessaire de déterminer si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre et trancher la question lorsque les circonstances le justifient. Trois grands principes doivent être pris en compte dans cette deuxième étape d’une analyse du caractère théorique : 1) la présence d’un rapport contradictoire; 2) la nécessité de promouvoir l’économie des ressources judiciaires; 3) la nécessité pour le tribunal d’être conscient de sa fonction juridictionnelle dans la structure politique (arrêt Borowski, au paragraphe 40; voir aussi la décision Harvan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1026, au paragraphe 7, 257 ACWS (3d) 923, et la décision Khalifa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 119, au paragraphe 18, 263 ACWS (3d) 30). La Cour doit tenir compte de la mesure dans laquelle chacun de ces principes peut être présent dans une affaire et l’application d’un ou de deux d’entre eux peut prévaloir malgré la présence de l’un ou des deux autres, ou inversement (voir l’arrêt Borowski, au paragraphe 42).

[23]           Dans l’arrêt Borowski, la Cour suprême a déterminé plusieurs cas où la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre une affaire qui pourrait autrement être théorique. Par exemple, si : 1) le rapport contradictoire nécessaire existe encore entre les parties, et ce, même s’il n’y a plus de litige actuel ou de différend concret; 2) la décision de la Cour aura des effets concrets sur les droits des parties (voir l’arrêt Borowski, au paragraphe 35); 3) lorsque la cause est de nature répétitive et de courte durée, de telle sorte que des questions importantes pourraient autrement échapper à l’examen judiciaire (voir l’arrêt Borowski, au paragraphe 36); 4) lorsque des questions d’intérêt public sont en jeu de telle sorte que la résolution relève de l’intérêt public, bien que la présence d’une question d’importance nationale ne suffise pas (arrêt Borowski, aux paragraphes 37 et 39).

[24]           Au vu de l’arrêt Borowski et du nouveau cadre réglementaire adopté pour régir la délivrance de permis en vertu du SDPC réformé, je conclus que cette demande de contrôle judiciaire visant la décision du PMV de révoquer le permis de la demanderesse est devenue théorique. En outre, rien dans le dossier ou dans les observations orales et écrites des parties ne contraint la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur le fond de cette demande et à accueillir la demande d’ordonnance déclaratoire recherchée par Kimberly. Il n’y a plus de litige actuel ni de différend concret découlant de la révocation du permis de Kimberly et il serait inutile d’examiner le fond de la décision de PMV de révoquer le permis ou de la façon par laquelle cette décision a été rendue. Comme la Cour l’a mentionné dans la décision Ficek c. Canada (Procureur général), 2013 CF 430, 228 ACWS (3d) 608 (au paragraphe 12) : « la doctrine du caractère théorique ne peut être écartée du simple fait qu’une ordonnance déclaratoire est sollicitée (voir Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 137, 216 FTR 263) ».

[25]           Il n’est pas opportun en l’espèce pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur le bien-fondé de la présente demande pour plusieurs raisons. Premièrement, au vu des éléments de preuve au dossier et de ceux présentés à l’audience de cette affaire, une décision de la Cour sur le bien-fondé de la présente demande, qu’elle soit déclaratoire ou autre, n’aura aucun effet concret sur les droits des parties parce que PMV n’est plus responsable ni en mesure d’octroyer des permis en vertu du SDPC, ce rôle étant désormais dévolu au commissaire du transport de conteneurs par camion de la Colombie-Britannique. Le transfert de cette compétence de PMV au commissaire pour la délivrance de permis en vertu du SDPC relève de toute évidence du pouvoir législatif. La Cour doit tenir compte de sa fonction juridictionnelle au sein du gouvernement et s’abstenir de se prononcer sur la façon dont une compétence a été exercée par le passé, lorsque cela pourrait avoir une incidence sur l’exercice futur de cette compétence.

[26]           Deuxièmement, en ce qui a trait à l’économie des ressources judiciaires, la défenderesse n’a pas fait de requête (comme elle aurait pu le faire) pour faire rejeter la demande avant l’audience en raison de son caractère théorique. Une demande de contrôle judiciaire peut néanmoins être rejetée en raison de son caractère théorique lors de l’audience sans qu’il soit nécessaire qu’une requête ait préalablement été déposée (voir par exemple la décision Gladue c. Première nation de Duncan, 2015 CF 1194, 259 ACWS (3d) 5). Relativement à l’obligation de la Cour de veiller à ne pas gaspiller des ressources judiciaires peu abondantes en instruisant des affaires par ailleurs théoriques, la majorité des ressources en question ont déjà été utilisées au moment de l’audience de cette affaire.

[27]           Troisièmement, les points mis en litige dans la demande de contrôle judiciaire qui nous occupe ne peuvent être dits de nature telle qu’ils soulèvent des questions importantes qui pourraient autrement échapper à l’examen de notre Cour.

[28]           Enfin, la présente demande ne soulève ni ne concerne aucune question d’une importance publique telle qu’il serait dans l’intérêt public de les trancher. Bien que la prétention de la demanderesse selon laquelle PMV aurait mal utilisé son pouvoir et que le processus décisionnel menant à la révocation de son permis était partial soulève un certain degré d’intérêt public considérant le statut d’administration publique de PMV, ces allégations ne sont pas appuyées par les éléments de preuve présentés à la Cour, de telle sorte qu’elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de statuer sur le bien-fondé de la demande.

IV.             Conclusion

[29]           Par conséquent, comme indiqué ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire visant la décision de PMV de révoquer le permis de la demanderesse est devenue théorique et il n’est pas approprié pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin de trancher les questions de fond soulevées par cette décision.

[30]           Pour ce qui est de l’adjudication des dépens, les parties ont informé la Cour lors de l’audience de cette affaire qu’elles s’étaient entendues sur un montant global approprié et que les dépens devraient suivre la cause, à moins que la demande soit jugée théorique, auquel cas la demanderesse soutient qu’il ne devrait pas y avoir adjudication de dépens, alors que la défenderesse soutient qu’ils devraient être adjugés. Cependant, à mon avis, compte tenu de toutes les circonstances de cette affaire, l’octroi de dépens n’est pas justifié.

 


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Keith M. Boswell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-374-15

 

INTITULÉ :

0769449 B.C. faisant affaire sous le nom de KIMBERLY TRANSPORT c. ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 16 et 17 mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Russell Robertson

 

Pour la demanderesse

 

Harley J. Harris

Daniel H. Coles

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bernard LLP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

Owen Bird Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la défenderesse

 

 

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