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Date : 20160510


Dossier : IMM-5158-15

Référence : 2016 CF 523

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), 10 mai 2016

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

WANG JIAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

[1]               Il s’agit d’un contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) datée du 2 novembre 2015 par laquelle l’appel du demandeur d’une décision d’un agent des visas à l’extérieur du Canada concluant que le demandeur avait omis de se conformer à l’obligation de résidence en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) fut rejeté.

[2]               Le demandeur est un citoyen adulte de la Chine. Il a obtenu le statut de résident permanent au Canada en février 2002. Sa première épouse, une citoyenne canadienne, est décédée. Sa seconde épouse est une citoyenne chinoise vivant au Canada détentrice d’un visa de résidence temporaire. Un agent à l’ambassade du Canada à Beijing a conclu, comme il est énoncé dans une lettre datée du 27 août 2014 que le demandeur a contrevenu à ses obligations de résidence canadienne, et en conséquence a perdu son statut de résident permanent. Il a interjeté appel sans succès à la SAI.

[3]               Les faits constatés par la SAI ne sont pas en litige. Le demandeur, alors qu’il était en Chine, a signé un contrat de travail avec une société de la Colombie‑Britannique, Libra, œuvrant apparemment dans le commerce du riz, comme [traduction] « coordonnateur commercial ou autre poste similaire, à la discrétion de Libra ». Le demandeur est resté en Chine pour s’acquitter de tâches qui ne sont pas clairement décrites par le demandeur dans le dossier. Pendant la période pertinente de cinq ans, le demandeur a passé un maximum de 185 jours au Canada et a accompagné un citoyen canadien pendant 69 jours. De toute évidence, ces périodes sont insuffisantes, à moins que le déposant puisse se prévaloir de l’exception d’être « en affectation » prévue au paragraphe 61(3) du Règlement en vertu de la LIPR qui stipule :

61 (3) Pour l’application des sous-alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi respectivement, les expressions  travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale et travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, à l’égard d’un résident permanent, signifient qu’il est l’employé ou le fournisseur de services à contrat d’une entreprise canadienne ou de l’administration publique, fédérale ou provinciale, et est affecté à temps plein, au titre de son emploi ou du contrat de fourniture :

61 (3) For the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act, the expression employed on a full-time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province means, in relation to a permanent resident, that the permanent resident is an employee of, or under contract to provide services to, a Canadian business or the public service of Canada or of a province, and is assigned on a full-time basis as a term of the employment or contract to

a) soit à un poste à l’extérieur du Canada;

(a) a position outside Canada;

b) soit à une entreprise affiliée se trouvant à l’extérieur du Canada;

(b) an affiliated enterprise outside Canada; or

c) soit à un client de l’entreprise canadienne ou de l’administration publique se trouvant à l’extérieur du Canada.

(c) a client of the Canadian business or the public service outside Canada.

[4]               La décision de la SAI relativement au paragraphe 61(3) est énoncée aux paragraphes 9 à 13 de sa décision :

[9]        Je suis d’avis que le facteur déterminant dans cette affaire consiste à savoir si l’appelant s’était réellement vu affecter à un poste en Chine. Dans l’affaire Jiang, la Cour fédérale a traité de la question de la définition de l’affectation pour les besoins de l’application du paragraphe 61(3) du Règlement. La Cour a établi que :

Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement signifie qu’un individu, qui occupe un poste à l’extérieur du Canada de façon temporaire et garde un lien de rattachement avec une entreprise canadienne ou avec l’administration publique fédérale ou provinciale, est donc susceptible de revenir au Canada.

[10]      Je constate que l’appelant n’a pas été affecté à un poste en Chine au sens du paragraphe 61(3) du Règlement. Bien que le contrat de travail note qu’il a été fait à Richmond, en Colombie-Britannique, le 1er janvier 2012, la preuve documentaire et le témoignage confirment que l’appelant se trouvait en Chine ce jour‑là. Cependant, la conclusion d’un contrat de travail avec une société canadienne concernant un emploi dans un autre pays ne signifie pas qu’une affectation répond, sur le fond, aux exigences du Règlement. Pour déterminer s’il y a eu affectation au sens du Règlement, il faut examiner les éléments de preuve propres à chaque cas et rendre une décision fondée sur les faits.

[11]      L’appelant se trouvait en Chine au moment où il a été embauché par Libra à ce poste. L’appelant n’a pas travaillé pour Libra au Canada et le poste visé par le contrat de travail se trouve en Chine uniquement, sans mention d’un emploi au Canada. La preuve n’appuie pas le fait que l’appelant avait le droit de revenir au Canada afin de travailler pour l’entreprise. Je suis d’avis que le simple fait de conclure un document d’embauche avec une société canadienne n’établit pas, en fait, qu’il y avait affectation. L’appelant vivait en Chine au moment de la conclusion du contrat; l’emploi consistait à travailler en Chine uniquement. De fait, le témoignage du témoin et la preuve documentaire montrent que l’appelant a été embauché à ce poste en raison de ses fortes relations en Chine. Je conclus que le contrat de l’appelant était un contrat d’embauche locale dans un pays étranger.

[12]      J’accepte le témoignage du témoin selon lequel l’appelant aurait maintenant un poste au Canada. Cependant, je suis d’avis que le concept d’affectation est de nature prospective au moment où l’affectation est effectuée. L’existence future d’un poste au Canada ne peut transformer l’embauche locale en affectation. Je conclus que l’appelant n’a pas été affecté à un poste à l’étranger comme l’exige le Règlement.

[13]      D’après le témoignage et les documents figurant au dossier ainsi que dans les pièces, je conclus que l’appelant ne s’est pas conformé à l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi et que le refus de délivrer un titre de voyage est valide en droit. Je conclus qu’il s’agit d’un important manquement à l’obligation de résidence, car l’appelant est loin d’avoir été présent pendant les 730 jours requis.

[5]               L’avocat du demandeur a fait valoir que le fait que la SAI, au paragraphe 9 de sa décision, se fonde sur la décision de la Cour fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration c. Jiang, (2011 CF 349)) était hors de propos. L’avocat a soutenu que Jiang portait sur un protocole d’entente avec Investissement Québec et les conditions de résidence qui y sont énoncées.

[6]               Alors que Jiang portait sur le protocole d’entente, la conclusion, en particulier comme elle est exposée au paragraphe 9 de la décision de la SAI, est d’application plus générale. Cette compréhension plus générale a été énoncée par le juge Noël de notre Cour dans Bi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 293, au paragraphe 21.

[21]      Dans Jiang, la Cour a exprimé l’avis que pour pouvoir prendre en compte le temps passé à l’extérieur du Canada en vue de satisfaire à l’obligation de résidence, il faut que le résident permanent soit affecté de façon temporaire, qu’il garde un lien de rattachement avec son employeur et que, après l’affectation, il revienne travailler pour ce dernier au Canada. Même s’il y a eu, à l’audience, une erreur d’interprétation qui a causé une méprise à propos du rattachement continu du demandeur avec son employeur, il est indubitable que le demandeur n’a pas été affecté de façon temporaire à un travail à l’étranger. Son travail à l’étranger a plutôt débuté au moment où il a été embauché et s’est poursuivi jusqu’à l’expiration de son contrat, près de trois années plus tard. De plus, il n’y a tout simplement aucune preuve que l’employeur avait convenu de garder le demandeur à son service au Canada après cette période. Ce dernier a juste dit à l’audience qu’il voulait maintenant parler à l’employeur pour lui dire qu’il voulait travailler au Canada et savoir s’il était possible d’envoyer à sa place un autre employé à l’étranger (DPI, page 28; Transcription des débats, aux lignes 10 à 15). Je suis donc d’avis que la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir qu’il avait satisfait aux exigences prévues au paragraphe 61(3) du RIPR est raisonnable.

[7]               Le juge Shore de notre Cour a exprimé la même compréhension dans Baraily c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 460, aux paragraphes 24 et 25 :

[24]      Contrairement à ce que les demandeurs font valoir, la Cour est d’avis qu’elle n’a aucune raison de ne pas suivre les décisions Jiang ou Bi, précitées. Comme les demandeurs n’ont pas établi que les faits et les éléments de preuve ne sont pas les mêmes en l’espèce et dans les décisions, que les questions à trancher sont différentes, que les décisions n’ont pas examiné la loi ou la jurisprudence qui auraient donné lieu à un résultat différent ou que les décisions suivies créeraient une injustice, le principe de la courtoisie judiciaire s’applique (Xi, précitée, au paragraphe 51).

[25]      La Cour ne souscrit pas à l’affirmation des demandeurs selon laquelle le paragraphe 61(3) du Règlement permet aux résidents permanents de cumuler des jours en vue de s’acquitter de leur obligation de résidence par le simple fait d’être embauchés à temps plein par une entreprise canadienne à l’extérieur du Canada. Accepter une telle interprétation du paragraphe 61(3) irait à l’encontre de l’objet énoncé à l’alinéa 3(1)e) de la LIPR, soit « de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada ». Il serait difficile de dire que la LIPR a pour objet de promouvoir « l’intégration » des résidents permanents au Canada si elle exempte les immigrants de s’établir au Canada du seul fait qu’ils travaillent pour une société canadienne à l’étranger. De toute évidence, l’intention du législateur, lorsqu’il a imposé l’obligation de résidence quinquennale, était d’empêcher ce genre de situations. Cette intention ressort également du paragraphe 61(2) du Règlement, qui exclut de la définition de l’expression « entreprise canadienne » au sens du paragraphe 61(1) les entreprises dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à son obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada. On pourrait aussi dire que l’interprétation des demandeurs serait incompatible avec l’objet énoncé à l’alinéa 3(1)a) de la LIPR, soit « de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques ».

[8]               La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire est tout à fait cohérente avec toutes ces autorités et tout à fait raisonnable étant donné les faits de l’espèce. Je ne l’annulerai pas.

[9]               Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

POUR CES MOTIFS, LA COUR CONCLUT que :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger T. Hughes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5158-15

INTITULÉ :

WANG JIAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :

Le 10 mai 2016

COMPARUTIONS :

Robert YC Leong

Pour le demandeur

Kim Sutcliffe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lowe & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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