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Date : 20160428


Dossier : T-2490-14

Référence : 2016 CF 479

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

SOLIMAN FAHMY

demandeur

et

LA BANQUE DE MONTRÉAL

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               M. Soliman Fahmy [le demandeur ou M. Fahmy] entretient une querelle avec la Banque de Montréal [BMO ou la défenderesse] depuis près de trois ans. L’un des volets de cette querelle se retrouve devant notre Cour.

[2]               Le recours judiciaire est fondé sur l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (L.C. 2000, ch. 5) [la Loi]. Le paragraphe 14(1) de ladite Loi est rédigé de la façon suivante :

14 (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire ou l’avis l’informant de la fin de l’examen de la plainte au titre du paragraphe 12.2(3), le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l’objet de la plainte — ou qui est mentionnée dans le rapport — et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l’annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels qu’ils sont modifiés ou clarifiés par les sections 1 ou 1.1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7), à l’article 10 ou à la section 1.1.

14 (1) A complainant may, after receiving the Commissioner’s report or being notified under subsection 12.2(3) that the investigation of the complaint has been discontinued, apply to the Court for a hearing in respect of any matter in respect of which the complaint was made, or that is referred to in the Commissioner’s report, and that is referred to in clause 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 or 4.8 of Schedule 1, in clause 4.3, 4.5 or 4.9 of that Schedule as modified or clarified by Division 1 or 1.1, in subsection 5(3) or 8(6) or (7), in section 10 or in Division 1.1.

[3]               Comme il est facile de le voir, ce texte de loi n’est pas d’une approche facile. Quoi qu’il en soit, le demandeur, qui ne bénéficie pas des services d’un avocat, s’est prévalu de ce paragraphe pour présenter son argument relativement à la qualité des divulgations qu’il aurait reçues de ses renseignements personnels de la part de BMO.

I.                   Les faits

[4]               Il semble que le différend entre le demandeur et BMO ait pris naissance samedi le 4 mai 2013. M. Fahmy faisait alors affaire avec BMO à deux de ses succursales. Ce 4 mai 2013, M. Fahmy s’est présenté à la succursale de BMO situé à Dollar des Ormeaux pour y faire un dépôt à terme en dollars américains, de plusieurs milliers de dollars. À l’occasion de ce dépôt, BMO prétend que son mandataire a produit un document intitulé « Maturity Instructions » qui aurait été signé par M. Fahmy. Ledit document porte l’entête « BMO Bank of Montreal, Mortgage Corporation » et indique à sa face même qu’un transfert de plusieurs milliers de dollars a lieu entre un compte libellé en dollars américains et détenu par le demandeur aux fins de créer ce qui est présenté comme étant un dépôt à terme pour une durée de 270 jours. À l’audience, il a été confirmé que la source de fonds pour le dépôt à terme était effectivement un compte détenu par M. Fahmy.

[5]               Il appert aussi qu’a été émis un reçu de dépôt à terme en dollars américains, pour la somme du dépôt à terme et dont la durée commençait le 3 mai 2013 pour se terminer le 28 janvier 2014. Y apparaissait le taux d’intérêt à être payé.

[6]               M. Fahmy, de retour à la maison, a cru que le document qu’il avait signé le 4 mai pouvait être une erreur du fait qu’il dit se rappeler que les comptes dont il était question n’étaient pas que numérotés, mais comprenaient aussi des lettres. Or, il disait ne pas se souvenir que ses comptes à lui puissent avoir des lettres.

[7]               S’est alors enclenchée une série d’évènements qui ont mené BMO à remettre à M. Fahmy dans les jours qui ont suivi la somme déposée le 4 mai 2013 et, plus tard, à la cessation de la relation d’affaires entre le demandeur et BMO. M. Fahmy a rapidement cherché à obtenir copie du document qu’il avait signé le 4 mai. Il a reçu, le 24 mai 2013, un document qui lui a été faxé et que BMO prétend être le seul document signé le 4 mai. Il s’agit du document déjà présenté comme étant « Maturity Instructions ». M. Fahmy était convaincu que sa signature avait été apposée à un document différent, document dont il est incapable de donner le titre; au mieux, un croquis qui fournit peu d’information a été créé par le demandeur. À mon avis, ledit croquis ne fournit aucune information pouvant permettre d’en retracer l’origine ou d’en comprendre le contenu. En fin de compte, nous avons le demandeur qui dit avoir signé un document autre que celui qui est présenté par BMO comme étant celui ayant été signé.

[8]               Par ailleurs, M. Fahmy décrivait ledit document par écrit le 20 mai 2013, dans une lettre qu’il envoyait à l’ombudsman de BMO. Il y écrivait ceci :

. . . le problème qui n’est pas réglé que l’agent m’a fait signé [sic] un document d’autorisation de crédit sur deux comptes sans m’expliquer le contenu du document ni me donner une copie en me disant ce sont mes comptes et ce n’est pas la vérité. . .

Cette description se retrouvait aussi dans la mise en demeure qui a été acheminée à BMO le 2 juillet 2013 par un avocat mandaté par M. Fahmy. La phrase d’intérêt de lisait de la façon suivante :

À cette occasion, M. Mavrigiannakis aurait fait signer à notre client un document qui, selon la compréhension de notre client, serait une autorisation de crédit sur deux comptes de banque.

[9]               Comme on peut le voir, la formulation de l’avocat est pour le moins nuancée, évitant les affirmations et parlant au conditionnel. L’avocat n’a pas fourni non plus de précision sur ce en quoi pourrait consister une autorisation de crédit sur deux comptes de banque dans le cadre d’une transaction où le crédit de M. Fahmy n’était pas cause. En effet, celui-ci faisait un dépôt à la BMO à partir d’un compte qui était détenu à la BMO.

[10]           Entre le 20 mai et le 2 juillet 2013, la BMO a décidé de cesser de faire affaire avec M. Fahmy et, selon une lettre envoyée par M. Fahmy à l’ombudsman de BMO, le 12 juin 2013, il aurait été avisé par téléphone le 11 juin de la décision de cesser d’offrir des services bancaires. Quoi qu’il en soit, la communication du 11 juin a été suivie d’une lettre en date du 18 juin qui visait à confirmer que la relation bancaire devait cesser le 26 juillet 2013. Ainsi, il y était indiqué que « [l]e 26 juillet 2013, nous suspendrons toute activité sur vos comptes bancaires auprès de notre établissement et procéderons également au transfert de vos placements dans l’institution bancaire de votre choix. ». Mais, il y avait un hic. En effet, M. Fahmy avait auprès de la BMO des placements en vertu du Régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Mme Eid, dans sa lettre du 18 juin, avisait donc M. Fahmy que « [s]elon nos dossiers, certains de vos placements REER ont une échéance allant jusqu’au 28 février 2016. Considérant qu’il s’agit de placements enregistrés, le transfert devra être initié à échéance par votre nouvelle institution financière par une demande auprès de la Banque de Montréal. ».

[11]           La mise en demeure du 2 juillet visait à obtenir de la Banque de transmettre dans les 48 heures l’ensemble des documents qui avaient été signés par M. Fahmy entre le 1er et le 10 mai 2013. La deuxième demande en vertu de la mise en demeure visait à ce que les placements à terme soient automatiquement « dégelés et encaissables, avec les intérêts jusqu’à la date où les fonds seront disponibles, sans pénalité aucune. ». Il y eut durant l’été 2013 des échanges entre l’avocat et le contentieux de la BMO pour chercher à expliquer les délais à donner suite à ladite mise en demeure. Ultimement, la réponse donnée le 2 octobre 2013 était que la Banque n’avait aucun autre document que ceux transmis à M. Fahmy en mai 2013. La réponse du 2 octobre ne disait mot sur la situation des dépôts faits au titre d’un REER. D’autre part, il n’y a aucune indication au dossier que l’avocat mandaté par M. Fahmy ait donné suite à la mise en demeure. De fait, M. Fahmy a poursuivi ses démarches, judiciaires et autres, sans l’assistance d’un avocat.

[12]           Je n’ai aucun doute que M. Fahmy a tenté au cours de l’été 2013 de recevoir copie de ce qu’il croyait avoir signé le 4 mai 2013. Il n’y a pas davantage de doute que le document qui porte ostensiblement sa signature et qui est intitulé « Maturity Instructions » ne correspond pas au souvenir qu’il en avait. La demande faite par son avocat le 2 juillet 2013 était claire et sans équivoque.

[13]           La situation m’est apparue comme étant sensiblement moins claire au sujet des placements au titre de REER. Il y a bien sûr la mise en demeure du 2 juillet au sujet de laquelle il ne semble pas y avoir eu de réponse. Le 4 septembre 2013, M. Fahmy écrivait cette fois au président et chef de la direction, Personnel et Commercial au sein du BMO Financial Group pour lui demander clairement « de me faire parvenir une copie officielle de tous mes placements REER. ». Ce qui est moins clair est ce qui est arrivé par la suite. La défenderesse prétend qu’un envoi plutôt considérable a été fait le 17 septembre 2013, en réponse à la demande du 4 septembre. Il s’agissait d’une lettre d’une représentante de la défenderesse qui relatait que l’on transmettait à M. Fahmy copie des documents requis relativement aux placements REER détenus à la BMO. Quatre types de documents étaient annexés, couvrant quelques 20 pages. Ainsi, on y indiquait que les documents suivants étaient envoyés:

●    La liste des sommes actuellement détenues à vos divers investissements REER enregistrés en date du 12 septembre 2013 (document A);

●    Le détail de chacun de vos placements REER actuellement détenus soit les numéros 0029 à 0037 (document B);

●    Le dernier relevé annuel (7 janvier 2012 au 4 janvier 2013) de votre compte REER ainsi que votre précédent (2 juillet 2011 au 6 janvier 2012) (document C);

●    Deux confirmations des opérations à votre compte en date du 11 janvier 2012 et du 27 février 2013(document D).

Alors que la BMO prétend, à la face même de la lettre du 17 septembre 2013, avoir acheminé le tout par messager, M. Fahmy prétend à son tour ne pas avoir reçu cet envoi. Un nouvel envoi a donc été fait le 13 juin 2014, après le dépôt de la plainte au Commissariat à la protection de la vie privée [Commissariat]. Si je comprends bien, cet envoi a été fait à la suggestion de l’enquêteur du Commissariat et il n’était que le même envoi que celui qui aurait été fait le 17 septembre 2013, mais n’aurait pas été reçu par M. Fahmy.

[14]           M. Fahmy répondait à cet envoi du 13 juin par une lettre adressée à la BMO et datée du 27 juin 2014 et il y réitérait ses deux demandes relativement aux documents signés par lui entre le 1er et le 10 mai 2013 et « une copie de toutes les confirmation [sic] des opérations des CPG REER en vertu de la Règlement fédérale [sic] le 1er novembre 2011. ». Or, M. Fahmy se déclarait insatisfait de l’envoi de quelques 20 pages, alors qu’il considérait que seulement la catégorie de documents D correspondait partiellement à ce qu’il demandait.

[15]           L’information relative à ce que recherchait M. Fahmy est difficile à cerner. Est aussi difficile à cerner en quoi son mécontentement relativement à l’information qui lui a été transmise peut faire l’objet d’une demande en vertu de l’article 14 de la Loi.

[16]           Le mécontentement exprimé par M. Fahmy a résulté en une lettre qui lui a été adressée par la BMO le 11 septembre 2014. Y était réitéré le fait que la Banque ne possède pas d’autres documents relativement à la période du 1er au 10 mai 2013 que ceux qui ont déjà été donnés au demandeur et, quant au REER, la réponse indiquait que « [t]ous vos documents relatifs au REER et CPG étaient inclus dans l’envoi du 13 juin 2014. ». La même journée, la Banque envoyait une autre lettre à M. Fahmy l’avisant que « nous mettrons à votre disposition votre dossier bancaire que vous pourrez consulter à notre succursale de Dollars des Ormeaux. ». M. Fahmy a choisi de ne jamais se prévaloir de cette invitation malgré l’offre faite. De fait, il répondait le 22 septembre 2014 en réitérant ces griefs et en notant, tout particulièrement, qu’il considérait la réponse du 11 septembre comme étant en violation du délai prescrit par la Loi.

II.                La plainte

[17]           Comme il aura été noté, la juridiction de la Cour fédérale est tributaire d’un rapport du Commissaire à la protection de la vie privée. Ainsi, ce ne sera qu’une fois que le Commissaire aura complété son rapport qu’il sera possible de se pourvoir devant la Cour fédérale. Le paragraphe 11(1) de la Loi se lit de la manière suivante :

11 (1) Tout intéressé peut déposer auprès du commissaire une plainte contre une organisation qui contrevient à l’une des dispositions de la section 1 ou qui omet de mettre en œuvre une recommandation énoncée dans l’annexe 1.

11 (1) An individual may file with the Commissioner a written complaint against an organization for contravening a provision of Division 1 or for not following a recommendation set out in Schedule 1.

M. Fahmy a porté plainte le 12 novembre 2013.

[18]           Cette plainte indiquait qu’il voulait obtenir les renseignements personnels dans son dossier à la BMO et, de façon plus spécifique, il voulait :

1.   Tous les documents signés à la Banque de Montréal, Succursale DDO

2.   Copie officielle de tous mes CPG REER en détail conformément à la réglementation fédéral [sic] du 1er novembre 2011.

[19]           Le rapport du Commissaire à la protection de la vie privée a été conclu le 31 octobre 2014. Il a fait l’objet d’une correction mineure le 18 novembre 2014. Le Commissaire a considéré qu’il y avait eu trois demandes d’accès formelles, qui doivent être par écrit au terme de la Loi, à la BMO. La première était la mise en demeure du 2 juillet 2013. La seconde était la lettre du 24 juillet 2013 adressée à l’ombudsman de la BMO et elle visait la copie des documents signés par le demandeur entre le 1er et le 10 mai 2013. La troisième était la demande du 4 septembre 2013 qui demandait expressément une copie officielle de tous les placements REER.

[20]           Le Commissaire a conclu de son analyse qu’il y avait violation du principe 4.9, intitulé Accès aux renseignements personnels, parce que la Loi prévoit expressément que l’entreprise fédérale, dont est la BMO au titre de la définition qu’on y trouve à la Loi, doit répondre à une demande relative à des renseignements personnels dans les 30 jours qui suivent sa réception. Si la période de 30 jours est trop courte, il peut y avoir prorogation du délai, mais cette prorogation ne saurait dépasser une autre période de 30 jours. De fait, la prorogation doit être justifiée et il est acquis que la BMO n’a pas cherché à obtenir une prorogation en l’espèce. Finalement, la Loi prévoit que le défaut de répondre dans le délai prescrit entraîne que l’organisation est réputée avoir refusé d’acquiescer à la demande (article 8 de la Loi).

[21]           Le Commissaire a conclu que malgré les efforts raisonnables déployés par la BMO, il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure qu’il y aurait des documents autres que ceux qui ont été répertoriés par la Banque qui auraient été signés entre le 1er et le 10 mai 2013. Cependant, la Loi prévoit spécifiquement que la réponse doit être donnée dans un délai de 30 jours. Le Commissaire conclut que cette obligation n’a pas été respectée vu la mise en demeure du 2 juillet 2013. Comme il a été noté plus tôt, la réponse de la Banque n’est venue que le 2 octobre, bien après les 30 jours requis par la Loi. Pour ce qui a trait aux documents dits REER, le Commissaire se contente de noter que BMO a fait parvenir de nouveau des copies de ces documents. La conclusion finale est plutôt lapidaire et note simplement que « la plainte est fondée et résolue ». Je crois comprendre que la plainte est dite « résolue » parce que le Commissaire note que « nous sommes convaincus que BMO a maintenant répondu aux demandes d’accès du plaignant. ».

III.             Analyse

A.                Les violations alléguées

[22]           Force est de constater que la demande faite en vertu de l’article 14 de la Loi ne constitue pas une révision du rapport fait par le Commissaire. La jurisprudence est constante qu’il s’agit plutôt d’une affaire à être traitée selon une procédure sommaire, mais qui est de la nature d’une action de novo. Ce qui circonscrit le litige est que la Cour ne peut entendre que des questions qui ont fait l’objet de la plainte ou qui y sont mentionnées dans le rapport. Ainsi, M. Fahmy se plaint à nouveau de ne pas avoir reçu accès à l’information personnelle détenue par la BMO à l’égard de deux types d’informations : d’abord, les documents qu’il aurait signés en mai 2013 et, d’autre part, les documents relatifs à ses placements au titre de REER.

[23]           Il ne fait aucun doute non plus que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de M. Fahmy. Il doit faire la preuve de la violation de la Loi.

[24]           La Cour a accepté que M. Fahmy explique l’échange de correspondance qui est plutôt abondant dans le cas de la formule signée, ou non, en mai 2013. Les choses ont été plus difficiles quant aux documents REER parce que le demandeur avait une difficulté certaine à articuler la plainte qu’il voulait faire et en quoi celle-ci pouvait être relative à la Loi. Dit autrement, il peut être possible que le demandeur ait des griefs à faire valoir quant à d’autres dispositions de lois fédérales ayant affaire avec des lois et règlements bancaires. Mais, à l’évidence, ce genre de griefs ne peut pas faire l’objet de la demande en vertu de l’article 14 dans le cas de l’espèce. S’il y a une plainte à faire valoir qui entre à l’intérieur du cadre de la Loi, cette démonstration n’a pas été faite.

[25]           Il n’a pas été simple de chercher à cerner ce dont M. Fahmy se plaignait et ce qu’il recherchait en Cour fédérale. Son avis de demande passe de la révision de l’entêtement de BMO à lui remettre les renseignements personnels à déterminer comment la défenderesse peut prétendre ne pas avoir en sa possession les « certificats de confirmation des opérations » dans « le système informatique de mon dossier à la BMO ». Il désirait aussi recevoir des explications pour ce qu’il considère le document falsifié le 4 mai 2013.

[26]           Après examen de l’affidavit et du mémoire des faits et du droit du demandeur, de l’avoir entendu témoigner devant cette Cour et avoir reçu sa plaidoirie, une image pointe à l’horizon. À l’audience j’ai demandé à M. Fahmy si mon résumé et mon articulation de ce qu’il a présenté à la Cour correspondait à ce qu’il entendait soumettre. Il a alors confirmé que tel est le cas.

[27]           Il y a en l’espèce deux séries d’évènements distincts qui donnent lieu au recours lancé. D’abord, il y a l’incident du 4 mai 2013 au cours duquel M. Fahmy désirait faire un dépôt libellé en dollars américains. Il est convaincu, à ce jour, que le mandataire de la Banque a commis un faux en faisant inscrire la signature, ou quelque chose y ressemblant, sur un document qu’il n’aurait pas signé. Son souvenir est qu’il aurait apposé sa signature sur un autre formulaire dont M. Fahmy fait un croquis. Mais le manque complet de précision de son croquis le rend inutile à nos délibérations.

[28]           C’est de cet incident du samedi le 4 mai que découle l’imbroglio qui se retrouve devant la Cour. Croyant à un faux, M. Fahmy a des soupçons au sujet de sa banque, malgré le fait que son dépôt lui a été remis en entier dans les jours qui ont suivi. De là, le ton monte, M. Fahmy se plaignant auprès de l’ombudsman de la Banque le 20 mai 2013.

[29]           M. Fahmy disait alors que le document signé le 4 mai était « un document d’autorisation de crédit sur deux comptes qui ne sont pas les siens ». Ce qui aurait aiguisé les soupçons du demandeur tôt après le 4 mai aurait été qu’il avait remarqué que les numéros de compte sur le document qu’il aurait signé comportaient des lettres alors que ses numéros de compte auprès de BMO ne seraient composés que de chiffres.

[30]           On comprend mal pourquoi BMO aurait fait signer un document qui serait relatif à de l’autorisation de crédit, comme le prétendait le demandeur dès le 20 mai 2013. Il s’agissait d’un dépôt, et non d’un prêt contracté par M. Fahmy. Les deux affiants de la défenderesse ont de fait témoigné en ce sens (affidavit de Karine Eid, paragraphes 16, 17 et 18; affidavit de Steven Mavrigiannakis, paragraphes 10 et 11). L’interrogatoire écrit mené par le demandeur des deux affiants n’a en aucune manière inquiété les affirmations non équivoques.

[31]           Cette référence à une autorisation de crédit se retrouvait dans la mise en demeure qu’adressait à la défenderesse l’avocat alors mandaté par le demandeur (voir paragraphe 8 ci‑devant).

[32]           La Cour aura noté les bémols mis à la mise en demeure. De fait, à l’audience le demandeur a plutôt caractérisé le document comme étant une forme de transfert d’un compte, qui n’aurait pas été le sien puisqu’il comportait une ou des lettres dans son numéro à un compte de la Banque.

[33]           Quoi qu’il en soit, le fardeau de la preuve au sujet de la falsification du document que BMO prétend a été signé le 4 mai 2013 est sur les épaules de M. Fahmy. Or, le poids de la preuve favorise clairement la défenderesse.

[34]           Ainsi, le document est intitulé « Maturity Instructions » et, à sa face même, n’est que la confirmation que celui qui fait le dépôt ordonne que le principal et l’intérêt en soient versés à l’échéance dans un compte donné; il n’est pas contesté que c’est un compte de M. Fahmy. Le montant apparaissant au document est le bon et le terme du dépôt est celui convenu. Il s’agit du document reçu par le demandeur le 24 mai 2013 par télécopieur. Ce document n’est en aucune manière un qui constitue un risque quelconque pour le demandeur et je ne comprends toujours pas en quoi il aurait pu être une menace de quoi que ce soit.

[35]           Le seul autre document mis en preuve relativement à la transaction conclue le 4 mai est le reçu de dépôt à terme en dollars U.S. qui a été émis. Il n’est pas contesté que le reçu comprend les informations correctes au sujet du dépôt, informations qui correspondent à celles se trouvant au document « Maturity Instructions ». Je note en particulier que ledit reçu prévoit spécifiquement que « [l]a Banque s’engage à verser au titulaire, en dollars américains, le capital du Placement à l’échéance ou, si le titulaire en fait la demande, avant l’échéance. ». Les intérêts sont traités de la même manière.

[36]           La preuve faite par la défenderesse est solide à l’effet que « une autorisation de crédit sur deux comptes » n’était aucunement requise pour un dépôt. D’ailleurs, j’ai du mal à comprendre en quoi consiste une autorisation de crédit sur deux comptes. Comme indiqué plus tôt, le croquis produit par le demandeur de ce qui aurait été ladite autorisation n’est d’aucune utilité pour l’identifier ou la décrire. D’autre part, le « Maturity Instructions », un document pour utilisation interne de la défenderesse, ne constituant aucun risque pour M. Fahmy (affidavit de Steven Mavrigiannakis, paragraphe 7), on ne comprend pas qu’elle pouvait être la motivation de la défenderesse pour faire signer un document autre que ce qui est soumis. Je ne puis concevoir qu’elle aurait pu être la motivation des mandataires de la défenderesse de créer un faux document de cet acabit. J’accepte aussi que l’intérêt pour la défenderesse de faire signer une autorisation de crédit sur deux comptes, qu’elle que soit la signification qu’on puisse donner à ces mots, est non seulement non démontré, mais en plus il est moins que probable que la défenderesse s’y serait attardée pour un dépôt fait par son client. Dit autrement, la preuve de l’existence possible n’a pas été faite; c’est encore moins probable que tel document ait pu être même présenté.

[37]           Cependant, la croyance du demandeur a mené à la détérioration des relations entre les parties. Après s’être plaint à l’ombudsman de BMO le 20 mai, la détérioration a continué, jusqu’à la décision de la défenderesse de mettre un terme à la relation bancaire le 11 juin 2013. Le 18 juin 2013, la décision était formalisée dans un écrit annonçant la suspension des services à compter du 26 juillet 2013. M. Fahmy était invité à transférer ses actifs dans une autre institution financière. Et c’est ici que la deuxième série d’événements prend sa source.

[38]           Dans la lettre du 18 juin 2013, la mandataire de BMO réfère aux placements auprès de la Banque qui relèvent des REER. Ce passage est reproduit au paragraphe 10 des présents motifs.

[39]           M. Fahmy a dit à l’audience avoir craint que ses placements REER puissent lui être « confisqués » par la Banque étant donné la fin de la relation bancaire. Le demandeur n’a pas indiqué sur quelle base il aurait pu avoir une telle croyance, d’autant que cela constituerait de toute évidence une infraction criminelle.

[40]           Le demandeur témoigne de plus qu’il n’a pas cherché à transférer ces placements REER dans une autre institution, sans les encaisser (à cause bien sûr des conséquences fiscales). Qui plus est, la preuve présentée par le demandeur révèle qu’il était assisté d’un comptable en juin 2013. Pourtant, il a été confirmé à l’audience qu’il aura choisi de ne pas lui demander conseil sur cette question. Mais, la lettre du 18 juin est elle-même malhabile en ce qu’elle peut être vue comme requérant que le dépôt doive rester à la Banque de Montréal jusqu’à son échéance. Il est rare que les querelles escaladent sans l’apport des deux parties.

[41]           C’est ainsi que le demandeur acheminait une troisième lettre (les deux autres venant le 20 mai et le 13 juin) à l’ombudsman de BMO le 24 juillet 2013. M. Fahmy y exprimait sa crainte que la cessation de la relation avec la Banque ferait en sorte que ses investissements REER seraient ainsi perdus. La demande faite à l’ombudsman se lisait de la façon suivante :

En raison que la Banque de Montréal me prive d’avoir de copie de document signer à la banque ni les documents qui doivent émettre en cas des placements et que la banque BMO m’a envoyé par fax un document que je n’ai pas signé et en fin la lettre de fermeture des comptes et mettre fin à tous relation bancaire incluant la fermeture de compte REER, je vous prie que tous mes placements REER soient disponibles sans aucune pénalité au complet avec les intérêts pour le transfert à une autre banque et de me fournir une copie de tous les documents signer à la Banque de Montréal entre le 01 et le 10 mai 2013

[Sic]

[42]           Dès le lendemain, l’ombudsman se déclarait sans juridiction. Aucune indication n’était donnée d’un suivi par la défenderesse qui référait plutôt le demandeur à l’ombudsman des services bancaires et d’investissement.

[43]           La mise en demeure du 2 juillet 2013 traitait d’abord et avant tout des documents signés par M. Fahmy au début de mai 2013. Mais, il était aussi question des placements REER venant à échéance en janvier et février 2016. On y réclamait que les placements « soient immédiatement dégelés et encaissables, avec les intérêts jusqu’à la date où les fonds seront disponibles, sans aucune pénalité ». La mise en demeure ne semble pas relever de la Loi. La mise en demeure ne semble pas non plus être concernée par l’angle fiscal si tant est que les sommes étaient remises au demandeur.

[44]           De toute façon, la mise en demeure n’aura pas été traitée avec célérité durant la période estivale, les parties communiquant entre elles pour requérir différents délais. Comme indiqué plus tôt, le 2 octobre 2013, la défenderesse répondait à la demande de recevoir les documents signés entre le 1er et le 10 mai 2013. Aucune mention n’est faite des placements REER. Réponse est donnée quant à la transaction du 4 mai en indiquant qu’« aucun autre document relatif à votre client Monsieur Fahmy que ceux qui lui ont été remis à cette date. ».

[45]           Entre la date de la mise en demeure et la réponse reçue, M. Fahmy a écrit au président du conseil d’administration de BMO le 26 août 2013 et au président et chef de la direction, Personnel et Commercial le 4 septembre 2013. Alors que la missive du 26 août traitait de l’incident de mai dans une large mesure, il y avait tout de même l’expression de crainte à l’égard des placements REER. Tant dans l’écrit du 26 août que dans celui du 4 septembre, beaucoup plus court, le demandeur disait vouloir « avoir copie de mes placements REER » et « une copie officielle de tous les placements REER ».

[46]           Le 12 novembre 2013, le demandeur portait plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée, aux termes de l’article 11 de la Loi. Elle est libellée en termes d’obtenir « les renseignements personnels dans mon dossier à la banque de Montréal qui sont les suivants : 1. Tous les documents signés à la Banque de Montréal, Succursale DDO et 2. Copie officielle de tous mes CPG REER en détail conformément à la réglementation fédéral [sic] du 1er novembre 2011. ».

[47]           Je suis d’avis que le Commissariat avait raison de considérer ces trois demandes de la part du demandeur qui pourraient se qualifier de demandes aux termes de la Loi : la mise en demeure du 2 juillet, la note à l’ombudsman de BMO le 24 juillet et la lettre du 4 septembre. La lettre du 26 août fait double usage avec la mise en demeure du 2 juillet. Le Commissariat a conclu que l’on avait ici violation du principe 4.9 de la Loi qui veut qu’une personne ait accès aux renseignements personnels détenus par une institution fédérale. La réponse aux demandes de mai et juillet 2013 (et de celle du 26 août) sur les documents autour de l’incident du 4 mai 2013 n’est venue que le 2 octobre 2013, à l’extérieur des délais prévus à l’article 8 de la Loi. De là, la violation de la Loi.

[48]           Quant à la demande du 4 septembre 2013, le rapport du Commissariat est plus ambigu. Il note que la défenderesse indique avoir répondu le 17 septembre 2013, mais le demandeur dit ne pas avoir reçu l’envoi. C’est ainsi que les mêmes documents étaient envoyés (de nouveau selon la défenderesse) le 13 juin 2014. Le Commissariat se déclare convaincu que BMO « a maintenant répondu aux demandes d’accès du plaignant ».

[49]           Le demandeur continue d’être insatisfait. Je crains quant à moi que la difficulté procède dans une bonne mesure d’un malentendu sur la portée de la Loi. Ce n’est pas particulièrement surprenant qu’un justiciable comprenne mal quelle est la portée de la Loi. Comme le notait la Cour d’appel fédérale dans Englander c Telus Communications Inc., 2004 CAF 387, [2005] 2 RCF 572 [Englander]:

43        La LPRPDE est aussi un compromis quant à sa forme, comme le montre à l'évidence le récit de sa genèse. L'annexe 1 reproduit textuellement la partie 4 de la norme adoptée par l'ACN en 1995, norme qui était elle-même fondée sur les Lignes directrices adoptées par l'OCDE en 1980 et auxquelles le Canada a signifié son adhésion en 1984. La norme de l'ACN aussi bien que les Lignes directrices de l'OCDE sont des textes issus d'intenses négociations entre les défenseurs d'intérêts concurrents, qu'on a élaborés suivant le principe de l'autoréglementation et auxquels on n'a pas donné, ni voulu donner, un libellé législatif.

. . .

45        L'annexe 1 laisse parfois la Cour dans le brouillard, ou même dans le noir le plus complet. L'article 4.3, par exemple, dispose que l'intéressé doit être informé et donner son consentement, "à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire". Le paragraphe 4.3.4 formule le critère de "la sensibilité des renseignements", mais on apprend plus loin que "tous les renseignements peuvent devenir sensibles suivant le contexte". Puis le paragraphe 4.3.5 pose que "[d]ans l'obtention du consentement, les attentes raisonnables de la personne sont aussi pertinentes".

46        Tout cela pour dire que, même si la partie 1 et l'annexe 1 de la Loi ont pour but de protéger le droit à la vie privée, elles visent aussi à faciliter la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels par le secteur privé. La Cour doit interpréter cette législation en trouvant le juste milieu entre deux intérêts concurrents. Qui plus est, étant donné le caractère non législatif de sa rédaction, l'annexe 1 ne se prête pas à l'interprétation rigoureuse habituellement possible. Cela étant, la meilleure solution pour la Cour est de se confier aux critères de la souplesse, du sens commun et du pragmatisme.

[50]           Non sans difficulté, j’ai fini par comprendre que, quant à ses certificats de placements garantis (CPG) dans le cadre de son REER, M. Fahmy croyait avoir droit de recevoir certains documents pour chacun des placements faits à ce titre. Il croit que la Loi lui donne ce droit parce que le document pourrait receler des renseignements personnels.

[51]           Or, la Loi donne accès aux renseignements personnels détenus par une entreprise fédérale (art. 2 de la Loi), non pas de recevoir copie de tous et chacun des documents sur lesquels on pourra en trouver. C’est pourtant ce que le demandeur continue de rechercher.

[52]           L’obligation créée en vertu de la Loi quant à l’accès aux renseignements personnels est à trois volets :

  • informer de l’existence de renseignements personnels qui la concerne
  • informer de l’usage qui est fait des renseignements personnels
  • informer du fait que les renseignements personnels ont été communiqués à des tiers.

Le principe 4.9 requiert aussi que la personne qui en fait la demande puisse consulter les renseignements. Il sera ainsi possible de faire en sorte que des corrections y soient apportées lorsque l’exactitude et l’intégralité ne sont pas conformes.

[53]           L’objet de la Loi n’est pas celui d’une loi d’accès à l’information. Par exemple, la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A-1, a pour objet l’accès aux documents de l’administration fédérale :

2 (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2 (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

L’objet de la Loi sous étude me semble bien différent. On cherche à protéger la vie privée dans notre ère moderne, tout en reconnaissant le besoin des entreprises (fédérales) de recueillir, utiliser et communiquer des renseignements personnels. Ainsi, la divulgation inappropriée de renseignements personnels peut avoir des effets délétères sur les individus. La Loi vise à fixer des règles pour éviter ces effets :

3 La présente partie a pour objet de fixer, dans une ère où la technologie facilite de plus en plus la circulation et l’échange de renseignements, des règles régissant la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels d’une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l’égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

3 The purpose of this Part is to establish, in an era in which technology increasingly facilitates the circulation and exchange of information, rules to govern the collection, use and disclosure of personal information in a manner that recognizes the right of privacy of individuals with respect to their personal information and the need of organizations to collect, use or disclose personal information for purposes that a reasonable person would consider appropriate in the circumstances.

[54]           Ce n’est donc pas l’accès au document qui est prévu, mais plutôt de connaître l’existence, l’usage fait et s’il y a eu communication à des tiers de ses renseignements personnels. Cela me semble conforme aux prescriptions de la Cour d’appel fédérale. Si souplesse, sens commun et pragmatisme doivent présider, comme le prescrit la Cour d’appel fédérale dans Englander, précité, il faut conclure que les obligations créées par la Loi ne sont pas équivalentes aux obligations en matière d’accès à l’information gouvernementale. La preuve aura plutôt démontré que M. Fahmy croyait être en droit de recevoir tout document pouvant contenir des renseignements personnels. Il transformait ainsi une loi de protection de la vie privée en une forme de loi d’accès à la documentation. Si tant est que de la législation fédérale permettait à M. Fahmy de recevoir des certificats, ou autres écrits, de banques comme il semble l’affirmer dans ses demandes et, de façon très directe et précise dans la plainte du 12 novembre 2013 (Vanderbeke c Banque Royale du Canada, 2006 CF 651), ce pourrait être en vertu d’autre réglementation fédérale. À plusieurs reprises, en relation avec les CPG REER, le demandeur référait à la réglementation fédérale du 1er novembre 2011. Mais ce n’est pas en vertu de la Loi qu’il invoque que copie d’attestations bancaires doit être obtenue.

[55]           La défenderesse prétend avoir fait parvenir à M. Fahmy une liasse de documents le 17 septembre 2013, en réponse à la demande du 4 septembre 2013 « de me faire parvenir une copie officielle de tous mes placements REER ». Puisque le demandeur disait ne pas avoir reçu l’envoi, les mêmes documents étaient envoyés le 13 juin 2014. Le 27 juin 2014, M. Fahmy répondait, insatisfait. Il voulait recevoir des documents particuliers. Cette fois, alors que la plainte du 12 novembre 2013 parlait de « copie officielle de tous mes CPG REER en détails conformément à la réglementation fédéral [sic] du 1er novembre 2011 », il disait vouloir « une copie de toutes les confirmations des opérations des CPG REER en vertu de la réglementation fédérale le 1er novembre 2011. ». Cela me semble confirmer que l’on est à la recherche de documents très particuliers, non de l’existence de renseignements personnels ou de l’usage qui en est fait.

[56]           La défenderesse donnait suite à la lettre du 27 juin 2014 par deux lettres, le 11 septembre 2014. Dans l’une, la défenderesse réitérait avoir répondu à la demande. Dans l’autre, la défenderesse mettait à la disposition de M » Fahmy son dossier bancaire pour consultation.

[57]           J’avais noté plus tôt dans ces motifs de jugement que M. Fahmy, malgré le fait qu’il utilise un comptable, n’avait pas jugé bon de voir si ses placements REER pouvaient être roulés dans une autre institution financière pour s’éviter des conséquences fiscales d’encaisser ses placements. Cette fois, M. Fahmy n’a pas jugé approprié de se prévaloir de l’offre faite de consulter son dossier bancaire.

[58]           Malgré que la mise en demeure ait été formulée en termes de transmettre l’ensemble des documents qui ont été signés entre le 1er et le 10 mai 2013, et que la demande du 24 juillet 2013, auprès de l’ombudsman de BMO, soit pour une « copie de tous les documents signer [sic] à la Banque de Montréal entre le 01 et le 10 mai 2013 », sans aucune mention de la Loi, la Cour accepte que la demande, malgré sa formulation, puisse être comprise comme requérant les renseignements personnels acquis à ces dates. D’ailleurs, la défenderesse n’a pas prétendu le contraire. La réponse fournie hors délai, le 2 octobre 2013, constitue donc une violation, comme l’a conclu le Commissariat dans son Rapport. Cependant, la Cour n’a pas été convaincue qu’un document autre que le « Maturity Instructions » aurait pu avoir été signé par le demandeur. La défenderesse n’aurait eu aucune motivation à contrefaire pareil document interne qui ne fait que confirmer où les fonds reçus en dépôt à terme seront remis à l’échéance. Le demandeur n’a fourni aucune preuve convaincante qu’un autre document aurait été signé. La première version selon laquelle il se serait agi d’un « document d’autorisation de crédit sur deux comptes » n’est pas plausible dans le cas d’un dépôt, sans compter qu’il n’est pas possible de comprendre en quoi consisterait une autorisation de crédit sur deux comptes. Qui plus est, cette version a évolué à l’audience. Il en résulte que la réponse donnée le 2 octobre 2013, et maintenue par la défenderesse en tout temps selon laquelle le seul document signé était le « Maturity Instructions », est une réponse complète quoique tardive.

[59]           Si tant est que la demande du 4 septembre 2013 pour obtenir « une copie officielle de tous mes placements REER » pouvait se qualifier de demande d’accès à des renseignements personnels, ce dont la Cour doute à la lumière du principe 4.9, elle aurait pu faire l’objet d’une réponse à l’intérieur du délai de 30 jours prévu au paragraphe 8(3) de la Loi. Cependant, la défenderesse n’a pu faire la preuve de son envoi du 17 septembre, non plus que de la réception de celui-ci. Il en résulte que la seule preuve au dossier est la réception de cet envoi le, ou vers le, 13 juin 2014, hors du délai.

[60]           Le Rapport du Commissariat au sujet des documents REER est équivoque. Alors qu’il conclut à violation pour la demande relative à la période du 1er mai eu 10 mai 2013, l’ambiguïté persiste sur une conclusion ferme à l’égard de la demande du 24 juillet : on se contente de noter l’envoi de la réponse et de se déclarer convaincu que réponse a été donnée.

[61]           Indépendamment que la demande telle que formulée puisse ne pas être en vertu de la Loi, ce qui n’est pas plaidé, il n’en reste pas moins que la réponse donnée n’a pas été prouvée comme ayant été faite à l’intérieur des délais. L’absence d’affirmation ferme par le Commissariat n’empêche aucunement cette Cour de conclure à violation sur cette base. Le recours en vertu de l’article 14 de la Loi a été déclaré être de novo dans Englander, précité :

48        Par conséquent, suivant l'interprétation retenue dans l'arrêt Forum des maires, l'audience visée au paragraphe 14(1) de la Loi est une procédure de novo analogue à une action, et le rapport du commissaire, s'il est produit en preuve, peut être contesté ou contredit comme n'importe quel autre élément de la preuve documentaire. Autre argument à l'appui de cette conclusion : selon l'article 15 de la Loi, le commissaire a qualité pour comparaître comme "partie" à la procédure. Si l'on usait de retenue judiciaire à l'égard du rapport du commissaire, ce dernier serait avantagé dès le départ comme partie, ce qui compromettrait l'équité de l'audience. La Loi sur les langues officielles comprend une disposition semblable, au paragraphe 77(1).

[62]           Le recours en vertu de l’article 14 de la Loi a été déclaré être de novo dans Englander, précité :

48        Par conséquent, suivant l'interprétation retenue dans l'arrêt Forum des maires, l'audience visée au paragraphe 14(1) de la Loi est une procédure de novo analogue à une action, et le rapport du commissaire, s'il est produit en preuve, peut être contesté ou contredit comme n'importe quel autre élément de la preuve documentaire. Autre argument à l'appui de cette conclusion : selon l'article 15 de la Loi, le commissaire a qualité pour comparaître comme "partie" à la procédure. Si l'on usait de retenue judiciaire à l'égard du rapport du commissaire, ce dernier serait avantagé dès le départ comme partie, ce qui compromettrait l'équité de l'audience. La Loi sur les langues officielles comprend une disposition semblable, au paragraphe 77(1).

[63]           Comme j’ai tenté de le démontrer, le demandeur voit dans le texte du principe 4.9 un droit plus large que ce qu’il est en réalité. À son avis de demande, M. Fahmy a ainsi invoqué une panoplie de dispositions, cherchant en cela à toucher à pratiquement tous les principes répertoriés à la Loi. Parmi les 10 principes, seuls les principes 4.1 (responsabilité), 4.3 (consentement) et 4.8 (transparence) ont échappé à la liste.

[64]           La Loi requiert que la demande en vertu de l’article 14 doive être pour que la « Cour entende toute question qui a fait l’objet de la plainte — ou qui est mentionnée dans le rapport ». Tant la plainte que le rapport étaient concernées par l’accès auquel le demandeur voulait avoir quant à ses renseignements personnels, obligation décrite au principe 4.9. D’étendre le recours à des dispositions qui ne faisaient pas partie de la plainte ou du rapport me semble inapproprié (Nammo c TransUnion of Canada Inc., 2010 CF 1284 aux para 25-26). De toute manière, le demandeur n’aura produit aucune preuve satisfaisante au sujet de ces autres dispositions. En fait, il a cherché à faire un argument relativement au principe 4.3 qui est l’un des principes non invoqués dans l’avis de demande. Je commenterai l’argument fait au sujet du principe 4.3, non pas pour suggérer qu’il aurait pu être recevable même s’il n’a pas été plaidé à l’avis de demande, mais plutôt pour illustrer la confusion quant à la portée de la Loi et des principes.

[65]           Par voie d’argument alternatif, le demandeur a soumis qu’il y aurait eu violation du principe 4.3, advenant que la Cour accepte que le « Maturity Instructions » est bien signé par le demandeur, parce que le demandeur n’avait pas consenti à ce que son placement à terme se retrouve chez BMO Mortgage Corporation.

[66]           Le principe 4.3 traite du consentement qui doit être donné. Tel que je comprends l’argument, le demandeur prétend que son consentement n’a pas été donné pour que les sommes déposées à terme chez BMO soient utilisés chez BMO Mortgage Corporation. D’abord, le « Maturity Instructions » n’est que l’indication que les sommes seront remises à l’échéance au compte du demandeur. Le demandeur soupçonne que les sommes déposées chez BMO seront investies par BMO Mortgage Corporation. Comme vu plus tôt, le reçu de la défenderesse est clair que les sommes sont remises au demandeur par la Banque avec qui la relation contractuelle existe. Mais, plus pertinent au litige, le consentement dont il est question au principe 4.3 n’est aucunement relatif à l’utilisation des sommes déposées. On y parle d’une toute différente utilisation : c’est l’utilisation faite des renseignements personnels :

4.3 Troisième principe — Consentement

4.3 Principle 3 - Consent

Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

The knowledge and consent of the individual are required for the collection, use, or disclosure of personal information, except where inappropriate.

[67]           Le consentement est à la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels. Ce dont le demandeur parle c’est de l’assignation des fonds au sein de la famille bancaire de BMO. On ne parle plus de l’utilisation de renseignements personnels pour protéger la vie privée comme le démontre l’objet de la Loi, à l’article 3. On confond l’utilisation des fonds (je me permets de rappeler que la relation contractuelle est entre BMO et le demandeur) et l’utilisation des renseignements personnels dont l’entreprise fédérale est tenue de protéger l’utilisation pour tenir compte du droit à la vie privée. Comme je l’ai indiqué à l’audience, un demandeur peut utiliser la Loi aux fins qu’il juge utile, la motivation du demandeur n’ayant pas de pertinence. Mais il ne peut transformer la Loi pour satisfaire ses fins, fins que la Loi ne reconnaît pas. Le demandeur doit opérer dans le cadre de ce que la Loi permet, pas ce qu’il souhaiterait que la Loi lui permette de faire.

[68]           La Cour conclut donc que la demande en vertu de l’article 14 ne produit pas de meilleur résultat pour le demandeur que la plainte qu’il a portée en novembre 2013. Il est, à mon avis, malheureux qu’une affaire plutôt banale n’ait dégénéré en trois recours entamés par le demandeur devant cette Cour, celui-ci étant le premier entendu.

B.                 Réparations

[69]           Le demandeur concède qu’il n’a subi aucune perte pécuniaire; il a récupéré son dépôt à terme; il n’a jamais choisi de sortir les certificats de prêt garantis dans le cadre de son REER et ces dépôts sont arrivés à échéance. Toute cette affaire aurait aussi pu être désamorcée beaucoup plus tôt. Il y a eu de part et d’autre des occasions perdues de mettre fin à une escalade malheureuse. En fin de compte, il n’y a pas de gagnant à transformer un malentendu en esclandre.

[70]           Comme les motifs de la décision le démontrent, le demandeur n’a pas réussi dans sa tentative de démontrer qu’il mérite un remède en vertu de l’article 16 de la Loi. En cela, je partage l’opinion du Commissariat que la défenderesse a répondu aux demandes d’accès. L’affaire, à mon avis, est résolue.

[71]           Le demandeur recherchait que la Cour :

●    Révise l’entêtement du refus de la défenderesse de remettre les renseignements personnels

●    Détermine comment les documents CPG REER recherchés ne sont pas au système de gestion de l’information de la défenderesse.

●    Ordonne à la défenderesse d’expliquer comment des documents pour un placement ne soient pas enregistrés au relevé de compte émis par la défenderesse

●    Ordonne la remise des documents réellement signés le 4 mai 2013

●    Sanctionne la défenderesse pour les nombreux manquements allégués, y compris le refus de fournir des explications et d’enquêter la commission d’un faux.

[72]           La Cour décline de donner suite aux demandes ainsi faites qui démontrent d’abondant que le demandeur se réclame de la Loi pour la transformer en un outil différent de l’objet de la Loi.

[73]           Puisque la Loi prévoit spécifiquement que des dommages-intérêts peuvent être accordés, le demandeur témoigne et plaide qu’ils devraient être à la hauteur de 60 000 $, s’y ajoutant des débours de 10 000 $. Aucune preuve quant aux débours n’a été faite et les dommages-intérêts constituent une majoration significative de ceux accordés par notre Cour dans Chitrakar v Bell TV, 2013 CF 1103, sur laquelle le défendeur se fonde. Dans cette affaire, la Cour a considéré l’attitude de l’institution fédérale comme étant offensante, allant jusqu’à négliger de se présenter devant la Cour (para 18). De plus, la violation de la Loi consistait en l’utilisation de renseignements personnels sans le consentement de M. Chitrakar. C’est ainsi que la Cour a jugé opportun d’imposer des dommages et des dommages exemplaires. Cette situation est complètement différente de celle sous étude.

[74]           Dans Girao c Zarek Taylor Grossman, Hanrahan LLP, 2011 FC 1070, mon collègue, le juge Richard G. Mosley, fait un utile résumé de la jurisprudence relative à l’octroi de dommages-intérêts en vertu de la Loi.

[75]           Je note l’importance qui est mise sur le fait que ce sont les violations flagrantes qui devraient être sanctionnées (voir aussi Townsend c Financière Sun Life, 2011 FC 550 au para 32). La gravité de la violation, ou son énormité, seront à considérer. En l’espèce, il s’agit d’une réponse à une demande de renseignements personnels que la défenderesse avait déjà notifiés le demandeur n’existait pas. La violation vient du retard à y répondre. Dans l’autre cas, l’information a peut-être été fournie en temps utile, mais cela n’a pu être établi de façon convaincante : il s’agit donc d’une autre violation pour retard à donner accès.

[76]           Contrairement à la plupart des affaires entendues par cette Cour en vertu de cette Loi, il n’y a aucune divulgation, malveillante ou pas, de renseignements personnels. Au contraire. Ce dont il est ici question, c’est d’un demandeur qui aura cherché à utiliser la Loi pour des fins plus larges que ce qu’est la portée réelle de la Loi. Aucuns dommages-intérêts ne sont dus en l’espèce. Le lien requis entre la violation et des dommages n’aura pas été établi à la lumière de la vraie nature des violations qui ne sont ni très graves, ni attentatoires (Randall c Nubodys Fitness Centres, 2010 CF 681 au para 56).

IV.             Résumé et conclusion

[77]           L’affaire peut se résumer ainsi :

a)      le demandeur n’a pas fait la preuve qu’il y aurait eu quelque contre façon du document du 4 mai 2013;

b)      la Loi ne permet pas au demandeur de requérir une copie de tout document où pourrait se retrouver un renseignement personnel;

c)      la défenderesse n’a pas donné accès aux renseignements personnels en temps utile. Il y a donc eu violation de la Loi, comme d’ailleurs constaté par le Commissariat;

d)     dans les circonstances, il n’y a pas lieu à réparation, y inclus dommages-intérêts;

e)      il n’y a aucune adjudication de dépens.

[78]           On peut espérer que les parties sauront trouver une solution à leur querelle. Dans cet esprit, j’imagine, la défenderesse a indiqué à la Cour qu’elle ne réclame plus de dépens au cas où elle aurait gain de cause. Étant donné la conclusion à laquelle la Cour est arrivée, le demandeur devrait être considérée comme étant débouté puisque le résultat devant cette Cour est celui réalisé essentiellement devant le Commissariat (Waxer c McCarthy, 2009 CF 169 au para 58). La décision de la défenderesse de décliner de demander ses dépens constitue un geste élégant qui devrait favoriser la fin des hostilités. Aucuns dépens ne sont accordés.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande en vertu de l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents est rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2490-14

 

INTITULÉ :

SOLIMAN FAHMY c LA BANQUE DE MONTRÉAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LEs 5 et 6 avril 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Soliman Fahmy

pour le demandeur

 

Mathieu Lévesque

Eugénie Lefebvre

pour lA défendeRESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

pour le demandeur

 

Borden Ladner Gervais

S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Montréal (Québec)

 

pour le défendeur

 

 

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