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Date : 20160427


Dossier : IMM-4347-15

Référence : 2016 CF 472

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

OLANREWAJU SOLOMON AKOMOLAFE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision du 4 septembre 2015 d’un agent des visas (l’agent) du bureau du Haut-commissariat du Canada à Accra, au Ghana, refusant d’octroyer un visa d’étudiant au demandeur.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est citoyen du Nigeria. Il est marié, a deux enfants et a déposé trois demandes de permis d’études canadiens depuis février 2015, sans succès.

[3]               Le demandeur avait 37 ans au moment de sa troisième demande de visa d’étudiant et avait l’intention de suivre un programme global de gestion d’entreprise d’une durée de deux ans au Centennial College à Toronto.

[4]               Les motifs de l’agent au soutien du rejet de la demande sont énoncés dans un formulaire type :

[x] Vous ne m’avez pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre séjour. Pour en arriver à cette décision, j’ai pris en considération plusieurs facteurs, dont :

...

[x] le but de la visite

...

[x] autres motifs :

La source du financement est floue.

[5]           Les notes de l’agent au Système mondial de gestion des cas [SMGC] donnent plus de détails concernant les motifs du refus :

[traduction] Le commanditaire est un tiers (employeur). Il n’y a pas de preuve du financement fourni, seulement une lettre. Le dépôt fixe à court terme fait état d’une somme de 8 millions de naira (environ 52 000 $) mais la source de ces fonds semble provenir de Molamus [sic] General Enterprises et non de Bolbod, son employeur. Par conséquent, la source du financement est floue. Trois voyages en Angleterre d’une période de cinq à six mois chacun pour les vacances. Il semble étrange d’aller en vacances pour une telle durée sans avoir à travailler. Les pages du passeport n’ont pas été fournies pour vérifier les dates d’entrée et de sortie réelles. Selon les renseignements et les documents fournis, il y a un écart de 14 ans dans le cheminement scolaire du demandeur principal et ses explications précisant pourquoi il entreprend de telles études internationales à cette période de sa vie sont vagues (par exemple, les avantages spécifiques qui en résulteraient pour son poste actuel ne sont pas suffisamment développés) et la source de financement des études est floue. Je ne suis pas convaincu que l’intention est authentique et que le demandeur principal ne cherche pas plutôt à entrer au Canada.

[6]               Le demandeur soutient que la décision de l’agent concernant la source du financement est basée sur des conclusions de faits qui ne sont pas soutenues par la preuve, que les inférences de l’agent sont déraisonnables et que l’agent a omis de considérer les éléments de preuve pertinents ou n’en a pas tenu compte. Le demandeur fait aussi valoir que les motifs de l’agent sont insuffisants puisqu’ils n’expliquent pas les raisons pour lesquelles il conclut que l’intention du demandeur n’est pas authentique et qu’il cherche avant tout à entrer au Canada.

[7]               Enfin, le demandeur soutient que l’agent a manqué à son devoir d’équité procédurale en omettant de permettre au demandeur de répondre à ses préoccupations concernant les voyages en Angleterre.

III.             Question en litige et norme de contrôle

[8]               La question à trancher en l’espèce est de savoir si l’agent a commis une erreur susceptible de révision au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

[9]               La norme de contrôle pour l’examen de l’évaluation des faits par un agent dans le cadre d’une demande de visa d’étude et de la croyance que le demandeur ne quittera pas le Canada à la fin de son séjour est celle de la décision raisonnable (Tang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1284, au paragraphe 14, 337 FTR 100 [Li]; Guinto Bondoc c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 842, au paragraphe 6; Obot c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 208, au paragraphe 12). La norme de la décision raisonnable s’applique également à l’évaluation de la suffisance des motifs (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union].

[10]           Les questions d’équité procédurale sont évaluées selon la norme de la décision correcte (Li, au paragraphe 17).

IV.             Analyse

[11]           L’alinéa 216(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés DORS/2002-227 (le Règlement) exige que le demandeur d’un permis d’étude établisse qu’il « quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable ». Il est donc clair que l’appelant porte le fardeau de convaincre l’agent des visas qu’il ne restera pas au Canada après l’expiration de son visa (Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493, au paragraphe 7, 244 FTR 299 [Zhang]; Zuo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 88, au paragraphe 12 [Zuo]).

[12]           Ainsi, lorsque l’agent des visas examine une demande de permis d’étude, il doit décider s’il est probable que le demandeur retourne dans son pays d’origine après ses études ((Zhang, au paragraphe 8; Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), ACF no 110, au paragraphe 16, 103 ACWS (3d) 163; Guo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1353, au paragraphe 11, 110 ACWS (3d) 724). De l’avis de la Cour, « [l]’agent des visas jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour l’appréciation de la preuve et la prise de sa décision. Cependant, sa décision doit être fondée sur des conclusions de fait raisonnables. » (Zhang au paragraphe 7).

[13]           Contrairement à ce que le demandeur fait valoir, en l’espèce, l’agent n’a pas écarté ou mal interprété la preuve démontrant que le demandeur est personnellement capable de financer ses études. À la suite de l’examen du dossier, je conclus qu’il était raisonnable pour l’agent de conclure que la source de financement du demandeur est floue. Une lettre de l’employeur du demandeur indique qu’il soutiendra financièrement la famille du demandeur et les études de ce dernier tout au long du programme de deux ans. Cependant, la lettre est rédigée en des termes vagues et n’indique pas combien d’argent il donnera, s’il en donne, pour les études du demandeur et la famille de celui-ci. De plus, une lettre rédigée par l’avocat du demandeur, accompagnant la demande du demandeur déposée à l’agent, déclare que le demandeur a épargné suffisamment d’argent pour financer ses études et que la compagnie Molarms General Enterprises Ltd (Molarms), est un facteur contribuant à cette épargne en générant mensuellement un minimum de 300 000 naira. Cette lettre, ainsi que l’affidavit de l’épouse du demandeur, indique que l’épouse du demandeur possède une entreprise de pâtisserie, de confection de gâteaux et de décoration qui génère un revenu mensuel de 70 000,00 naira. Au cours de l’audience, l’avocat du demandeur a clarifié que le revenu généré par l’entreprise de l’épouse du demandeur ne fait pas partie des fonds alloués aux études du demandeur.

[14]           Au soutien des déclarations du demandeur selon lesquelles il possède suffisamment d’épargne pour financer ses études, le demandeur a notamment fourni à l’agent une lettre confirmant qu’il possédait 8 millions de naira enregistrés dans un compte à dépôt à terme fixe arrivant à échéance le 14 août 2015, des relevés de son compte de banque personnel, un reçu au montant de 700 000 naira représentant le paiement de deux ans de location, un relevé de banque pour Molarms, une lettre indiquant que le demandeur possède une caisse de retraite au Nigeria et finalement une lettre d’un évaluateur évaluant un bungalow à une valeur marchande de 7 400 180,00 naira.

[15]           Un examen plus détaillé des documents fournis à l’agent révèle ce qui suit :

(1)   Le relevé de compte pour Molarms n’indique d’aucune façon que la compagnie génère des revenus;

(2)   À l’exception des dépôts faits par l’employeur du demandeur, le demandeur a fait certains dépôts en espèce dans son compte de banque personnel. La source de ces fonds demeure floue puisque le demandeur n’a fourni aucune explication ou document pour expliquer la provenance de cet argent.

(3)   Le demandeur n’a pas déposé d’éléments de preuve démontrant que l’entreprise de son épouse génère des revenus mensuels de 70 000,00 naira.

(4)   Il n’y a pas d’indication que les reçus de paiements de loyer ont été faits au demandeur pour le bungalow qu’il possède prétendument. Le demandeur n’a pas non plus fourni la preuve qu’il possède un bungalow ni que ce bungalow est loué sur une base régulière. De plus, les relevés de banque soumis à l’agent ne font état d’aucun dépôt relié à la location de la propriété.

(5)   Enfin, le demandeur n’a déposé aucun élément de preuve démontrant qu’il y a des contributions faites à sa caisse de retraite et qu’il pourrait utiliser ces fonds pendant ses études au Canada.

[16]           Les éléments de preuve fournis par le demandeur ne permettent définitivement pas de savoir si la source du financement provient de l’employeur du demandeur ou de l’épargne personnelle du demandeur. De plus, la source des fonds provenant des comptes personnels et des comptes d’entreprise du demandeur demeure floue. La Cour rappelle qu’un demandeur de visa d’étude a le fardeau de fournir à l’agent des visas tous les renseignements pertinents pour convaincre l’agent qu’il satisfait aux exigences prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) et par le Règlement (Zuo, au paragraphe 11). La présente affaire est distincte de l’affaire Thiruguanasambandamurthy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1518 citée par le demandeur, puisqu’en l’espèce, il y a suffisamment de preuve au dossier soutenant la conclusion de l’agent relativement à l’ambiguïté entourant la source du financement en question.

[17]           Il était également raisonnable de la part de l’agent de s’interroger sur les vacances du demandeur en Angleterre. Le demandeur soutient qu’il n’y avait aucun élément de preuve devant l’agent concernant le fait qu’il aurait voyagé en Angleterre pour la période énoncée par l’agent, mais un examen du dossier démontre le contraire. L’affidavit du demandeur indique qu’il a voyagé en Angleterre à trois occasions, soit du 12 novembre 2008 au 28 novembre 2008, du 16 septembre 2012 au 23 septembre 2012 et du 6 octobre 2013 au 7 novembre 2013. Le plus long de ces voyages a duré environ un mois. Or, ces dates ne correspondent pas aux dates divulguées par le demandeur dans l’annexe à sa demande pour un visa d’étude, qui sont plutôt d’octobre 2008 à avril 2009, de mai 2012 à novembre 2012 et de juillet 2013 à janvier 2014. Le défendeur a souligné pendant l’audience que les préoccupations de l’agent sont au niveau de la crédibilité du demandeur concernant sa capacité de gagner un revenu puisque les notes SMGC de l’agent révèlent ses préoccupations relativement à la capacité du demandeur de soutenir sa famille tout en prenant des vacances de six mois sans travailler. Je suis d’accord avec cette observation.

[18]           Dans le même ordre d’idée, je suis d’avis qu’il ne s’agit pas, contrairement aux observations du demandeur, d’une affaire où le demandeur a un droit de réponse aux préoccupations de l’agent. Cette affaire est distincte de Li, décision sur laquelle se base le demandeur. Dans la décision Li, la Cour a conclu que l’agent avait le devoir de donner au demandeur l’occasion de répondre à ses préoccupations puisque rien dans sa demande, à l’exception d’une référence à un salaire plus élevé au Canada, ne suggérait qu’il avait l’intention de rester au Canada de façon permanente (Li, aux paragraphes 37 à 38). À mon avis, en l’espèce, l’historique de voyage du demandeur n’était pas une préoccupation principale de l’agent, qui a refusé la demande en raison de l’ambiguïté de la source de financement et de l’absence d’intention authentique.

[19]           Selon moi, les motifs de l’agent sont suffisants et la conclusion selon laquelle le demandeur n’a pas l’intention authentique d’étudier au Canada est raisonnable. Comme il est indiqué dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (au paragraphe 14). Bien qu’un écart dans le parcours scolaire ne soit pas un critère en vertu de la Loi, à mon avis, cet égard constitue une considération pertinente pour évaluer l’authenticité de l’intention du demandeur d’étudier au Canada.

[20]           Le demandeur a expliqué dans son [traduction] « affidavit sur le but de la visite » qu’il avait l’intention d’étudier au Centennial College pour améliorer ses [traduction] « compétences analytiques, organisationnelles et de gestion » et [traduction] « [qu’] étudier au Canada m’aidera à obtenir les compétences requises pour évoluer dans un monde des affaires en constant changement ». Il explique également dans son affidavit [traduction] « démontrant les liens avec le pays d’origine » que son intention est de [traduction] « réaliser un rêve de toujours d’étudier à l’étranger pour développer des relations internationales et pour me positionner dans le faisceau des nombreuses occasions disponibles au Nigeria reliées à ma profession. »

[21]           Ces motifs sont effectivement vagues et il était tout à fait possible pour l’agent d’en venir aux conclusions qu’il a tirées. Le demandeur est un adulte mature de 37 ans qui semble bien établi dans son emploi à titre d’analyste principal des affaires et d’assistant personnel du directeur général. Il planifie de retourner dans le même poste après ses études, tout en ayant le projet éventuel de mettre sur pied un cabinet-conseil pour conseiller des entreprises en développement des affaires. Je présume que le demandeur possède déjà les compétences analytiques, organisationnelles et de gestions nécessaires pour mener à bien ses fonctions dans son poste actuel. Il était donc tout à fait loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’a pas suffisamment élaboré sur les avantages spécifiques qu’il retirerait pour son poste actuel, ce qui soulève le doute quant à l’authenticité de ses intentions.

[22]           Bien que l’affidavit du demandeur soutienne qu’il quittera le Canada à la fin de ses études pour retrouver sa famille et ses activités comme membre de sa paroisse, le rôle de la Cour n’est pas de réévaluer la preuve et de substituer ses conclusions à celles des agents des visas (Babu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 690, aux paragraphes 20 et 21). Comme le juge Zinn l’a déclaré dans Babu « il est impossible de faire ressortir des faits ou des facteurs particuliers qui permettent au demandeur d’affirmer que l’évaluation faite par l’agent est déraisonnable; au contraire, la décision de l’agent en vertu de l’alinéa 216(1)b) doit être examinée à la lumière de l’ensemble du dossier » (au paragraphe 20). De plus, comme indiqué précédemment, les agents des visas jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour la prise de décision en vertu de l’alinéa 216(1)b) du Règlement. Pourvu que la décision appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, elle ne sera pas écartée (Dunsmuir, au paragraphe 47). Ultimement, je suis d’avis que la décision de l’agent appartient à ces issues possibles.

[23]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4347-15

INTITULÉ :

OLANREWAJU SOLOMON AKOMOLAFE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mars 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 27 avril 2016

COMPARUTIONS :

Idowu Florence Adedoyin-Thomas

Pour le demandeur

Laoura Christodoulides

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Florence Thomas Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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