Dossiers : T-911-14
T-912-14
Référence : 2016 CF 448
Ottawa (Ontario), le 20 avril 2016
En présence de monsieur le juge Simon Noël
ENTRE : |
LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA ET DAPHNÉ CAMERON |
demanderesses |
et |
LE MINISTRE DES TRANSPORTS DU CANADA |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. SOMMAIRE
[1] Les codemanderesses, Mme Cameron et la Commissaire à l’information, demandent la révision judiciaire de la décision du Directeur d’accès à l’information de Transports Canada de ne pas divulguer le nombre de personnes ainsi que le nombre de citoyens canadiens sur la Liste de personnes précisées. Le Directeur d’accès à l’information invoque l’exception trouvée à l’art. 15(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, ch A-1, [la LAI], afin de justifier son refus de divulguer. Le Directeur d’accès à l’information a correctement qualifié l’information comme étant protégée par l’exception à l’art. 15(1)c), soit qu’elle risque de porter préjudice à la détection, à la prévention, ou à la répression d’activités hostiles ou subversives. Toutefois, je conclus qu’à l’étape suivante, le Directeur d’accès à l’information n’a pas exercé sa discrétion de façon raisonnable. Pour les motifs suivants, j’accueille les demandes de contrôle judiciaire en partie et je retourne les demandes afin qu’elles soient tranchées par un nouveau décideur.
II. FAITS
A. Faits généraux
[2] Le 17 mars 2010, la demanderesse, Mme Cameron, une journaliste au journal La Presse, a logé deux demandes d’accès à l’information auprès de Transports Canada visant l’obtention du nombre de citoyens canadiens et de personnes sur la Liste de personnes précisées [la LPP] pour les années 2006 à 2010 inclusivement en vertu du Programme de protection des passagers de Transports Canada [le PPP].
[3] Le 4 juin 2013, le Directeur d’accès à l’information de Transports Canada [le Directeur ou M. O’Reilly] refuse de communiquer les renseignements demandés. Le Directeur invoque l’article 15(1)c) de la LAI et soumet que rendre cette information publique porterait préjudice à la détection, à la prévention, ou à la répression d’activités hostiles ou subversives.
[4] Suite au refus du Directeur de divulguer l’information, Mme Cameron demande l’assistance de la Commissaire à l’information [la Commissaire]. La Commissaire est la deuxième demanderesse à cette affaire. Chaque demanderesse a déposé un mémoire des faits et du droit.
[5] Le gouvernement du Canada a mis en place le PPP suite aux événements du 11 septembre 2001. Le PPP vise à identifier les personnes qui représentent une menace pour la sécurité aérienne et à prendre des mesures pour contrer cette menace. Le ministre de la Sécurité publique gère la décision d’inscrire le nom de personnes sur la LPP depuis février 2011. Avant février 2011, le ministre des Transports prenait cette décision. La décision d’inscrire un individu sur la LPP se base sur les recommandations d’un groupe consultatif composé notamment de Transports Canada, du Service canadien du renseignement de sécurité [le SCRS] et de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC].
[6] Lorsqu’une personne dont le nom figure sur la LPP se présente à un aéroport pour prendre un vol, elle sera assujettie à des contrôles additionnels. Le ministre des Transports sera informé et sera appelé à déterminer si la personne constitue un danger immédiat. Si la personne constitue un danger immédiat à la sûreté aérienne, le ministre des Transports peut émettre une directive d’urgence afin de répondre à la menace, notamment en empêchant la personne de monter à bord. L’identité des personnes figurant sur la LPP n’est pas divulguée.
B. Perspective factuelle du traitement des demandes d’accès
[7] Le PPP est lancé le 18 juin 2007. Le même jour, le ministre des Transports à l’époque, l’honorable Lawrence Cannon, déclare qu’il y a entre 500 et 2000 noms sur la liste du PPP.
[8] Le 17 mars 2010, Mme Cameron dépose une demande d’accès à l’information auprès de Transports Canada, afin d’obtenir la divulgation du nombre de personnes et du nombre de citoyens canadiens sur la LPP. Suivant la demande, le 9 avril 2010, le Directeur d’accès à l’information de Transports Canada à l’époque, M. Réginald Laurent, consulte les bureaux d’accès à l’information du SCRS et de la GRC afin d’obtenir leurs positions sur la demande de renseignements.
[9] Le SCRS répond et recommande que l’information demandée par Mme Cameron soit exemptée de divulgation par effet de l’article 15(1) de la LAI. Quant à elle, la GRC indique dans sa réponse ne pas être trop inquiète de la divulgation des informations. Son représentant indique que la GRC n’appliquerait pas l’article 15(1) de la LAI dans ces circonstances, mais que la GRC ne s’objecte pas à ce que Transports Canada invoque l’exception.
[10] Après cette réponse, afin d’obtenir des précisions, Mme Nathalie Morin, du Bureau d’accès à l’information de Transports Canada, tente de contacter le Bureau d’accès à l’information de la GRC le 18 mai 2010. Le lendemain, soit le 19 mai 2010, le Bureau d’accès à l’information de la GRC envoie un courriel indiquant que la divulgation des informations ne les inquiète pas beaucoup :
[traduction]
[...] Voilà pourquoi nous ne voyons pas la nécessité de refuser la divulgation des informations. Même la divulgation du nombre total de personnes sur la liste n’est pas nécessairement une préoccupation pour nous. Nous n’appliquerions pas le paragraphe 15(1) de la LAI aux documents que vous avez envoyés, mais nous ne nous objectons pas à ce que vous invoquiez l’exception.
[11] Le 7 juin 2010, M. Laurent envoie une lettre à Mme Cameron indiquant son refus de divulguer l’information demandée sur la base du par. 15(1)c) de la LAI. Le 28 juillet 2010, Mme Cameron dépose une plainte au Commissariat à l’information relativement à la décision du Directeur d’accès à l’information de Transports Canada de ne pas communiquer les renseignements demandés.
[12] La Commissaire enquête et fait part de ses observations à M. Laurent le 8 septembre 2011. La Commissaire informe M. Laurent qu’elle n’est pas convaincue qu’un risque de porter préjudice à la détection, à la prévention, ou à la répression d’activités hostiles ou subversives découlerait de la divulgation de l’information ni que le décideur avait exercé sa discrétion en refusant la demande.
[13] Suite à ces observations, M. Laurent consulte M. Chris Free, un spécialiste en sécurité aéronautique œuvrant chez Transports Canada. M. Free communique avec sa contrepartie responsable du PPP à la GRC afin de clarifier sa position. M. Free informe M. Laurent que les membres de la GRC impliqués dans le PPP considèrent que la divulgation des renseignements demandés porterait atteinte à la sécurité nationale, contrairement à l’opinion du Bureau d’accès à l’information de la GRC.
[14] Le 17 novembre 2011, M. Laurent présente ses observations à la Commissaire conformément à l’art. 35(2)b) de la LAI. Ces observations sont appuyées par des évaluations du SCRS et du Ministère de la Sécurité publique. M. Laurent indique aussi qu’il estime que la GRC s’est contredite.
[15] Ensuite, pendant plus d’un an, la Commissaire enquête et demande des représentations additionnelles de la part de Transports Canada. Le 10 mai 2013, au terme de son enquête, la Commissaire émet ses recommandations.
[16] Le 4 juin 2013, M. Shaun O’Reilly, qui a remplacé M. Réginald Laurent comme Directeur d’accès à l’information de Transports Canada, rejette les recommandations de la Commissaire et communique le refus de divulguer les informations demandées.
[17] Le 4 mars 2014, le rapport de la Commissaire sur les conclusions de son enquête est reçu par Mme Cameron. Par la suite, cette dernière donne son consentement pour l’exercice du présent recours en révision judiciaire de la décision du défendeur en application de l’art. 42 de la LAI. Le 15 avril 2014, la Commissaire dépose auprès de la Cour fédérale deux demandes de contrôles judiciaires. Le 12 août 2014, les demandes sont jointes par ordonnance du juge responsable de la gestion d’instance. Par la suite, la demanderesse Mme Cameron se joint au recours émis par la Commissaire.
III. ARGUMENTS
[18] Les parties ne sont pas d’accord en ce qui a trait à l’applicabilité des principes aux faits ni en ce qui concerne le poids que doit donner la Cour à certains préceptes juridiques. Dans la prochaine section, je divise les arguments des parties en cinq (5) sujets principaux : l’intérêt public et les objectifs de la LAI; les normes de révision applicables; les fardeaux de preuve appropriés; l’exercice de qualification; et l’exercice de la discrétion.
A. Intérêt public et objectifs de la Loi
[19] Les demanderesses demandent à la Cour de statuer que le refus de communiquer les renseignements demandés a été fait de manière contraire aux principes de la LAI et contraire à son statut quasi constitutionnel. Elles soumettent que la LAI a un objectif clair, soit d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le droit du public à leur communication. Les exceptions indispensables à ce droit sont précises, limitées, et les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif. Notamment, le public canadien doit avoir le droit d’obtenir les informations nécessaires sur le PPP et la LPP afin d’évaluer l’efficacité des mesures et déterminer si elles valent les sommes investies dans leurs fonctionnements pour les contribuables.
[20] Le défendeur répond que la décision de ne pas divulguer l’ICR en invoquant l’art. 15(1)c) de la LAI respecte ces principes. La Cour doit accorder une certaine déférence au décideur étant donné l’expertise institutionnelle de l’exécutif en matière de sécurité nationale.
B. Norme de révision applicable et étendue de cette norme
[21] Les demanderesses soumettent que la norme de révision raisonnable doit être tempérée. Elles soutiennent que le pouvoir discrétionnaire du décideur, dans le cadre de la LAI, se situe en fait au bas du continuum et que la Cour a toute compétence et tous pouvoirs pour examiner les exceptions invoquées, de même que l’exercice du pouvoir discrétionnaire.
[22] Le défendeur rétorque qu’une question de risque de préjudice à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives milite en faveur d’une approche large et souple puisque le décideur soupèse les faits spécifiques ainsi que la politique au sens large.
[23] Les demanderesses ne sont pas d’accord avec l’argument du défendeur comme quoi la Cour devrait faire preuve de déférence lorsque le décideur prend une décision relative à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives puisque la LAI exige des exceptions précises et limitées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
C. Fardeau de preuve
[24] Les demanderesses argumentent que le Directeur d’accès à l’information ne s’est pas acquitté de son lourd fardeau de preuve. En effet, à l’étape de la qualification, le Directeur n’a pas démontré un risque vraisemblable de préjudice probable : il n’a pas utilisé une approche spécifique et n’a pas démontré un lien clair et direct entre les éléments de preuve présentés et le préjudice allégué. Les demanderesses soutiennent aussi que le Directeur d’accès à l’information ne s’est pas acquitté de son fardeau lorsqu’il a exercé sa discrétion, s’il l’a même exercée. Si le décideur a effectivement exercé sa discrétion, il l’a fait de manière contraire au cadre d’analyse de l’art. 15, contraire aux objectifs de la LAI ainsi que contraire à la jurisprudence et aux facteurs à considérer.
[25] Le défendeur répond qu’une preuve directe du danger n’est pas requise. De plus, il soutient que la conclusion du décideur comme quoi il existe ou non un risque de préjudice à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives repose en grande partie sur les faits et la politique au sens large. Le défendeur suggère que des éléments de preuve sur des événements passés, présents et anticipés peuvent justifier une conclusion de menace ou de préjudice à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives. Ainsi, étant donné le domaine de la sécurité nationale implicite aux critères de l’art. 15(1)c) de la LAI, le défendeur argumente que la Cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle évalue une décision qui a trait à l’existence d’un risque de préjudice à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives. Il estime donc que la Cour doit appliquer une approche large et souple lorsqu’elle fait face à une décision en matière de sécurité nationale ainsi que lorsque certaines obligations internationales du Canada sont en jeu.
D. Existence d’un préjudice
[26] Les demanderesses proposent que les arguments invoqués par M. O’Reilly sont spéculatifs, hypothétiques et sans fondement. Le décideur n’a pas étayé comment la divulgation de l’ICR pourrait diminuer l’efficacité du PPP ni comment les relations internationales seraient endommagées. Les allégations de préjudice sont de nature générale et sans lien précis avec les exigences de l’art. 15 de la LAI. Le simple fait de soulever des raisons génériques à saveur de sécurité nationale n’est pas suffisant pour restreindre les droits du public d’avoir accès à l’ICR; le préjudice doit être plus qu’une probabilité ou une conjecture.
[27] Les demanderesses affirment que M. Free est un fonctionnaire obstinément opposé à la divulgation depuis son implication. Elles sont aussi d’avis que M. O’Reilly n’est que récemment entré en fonction dans son poste de Directeur d’accès à l’information et n’a presque aucune expérience en matière de sécurité nationale. La preuve indique que le Bureau d’accès à l’information de la GRC ne s’opposait pas à la divulgation de l’ICR avant l’intervention de M. Free au sein du département de la GRC qui s’occupe du PPP et de la LPP. La GRC s’est ensuite ravisée.
[28] Le défendeur ne présente aucune preuve que les relations internationales du Canada avec ses partenaires clés seront affectées par la divulgation de l’ICR. En fait, M. Free n’a pas été en mesure de prouver ses conjectures après s’être engagé à produire un document à cet effet. M. O’Reilly, en contre-interrogatoire, n’a pas non plus été capable d’étayer ses hypothèses comme quoi les relations internationales du Canada souffriraient suivant la divulgation de l’ICR.
[29] Les demanderesses prétendent que le PPP et la LPP sont des éléments redondants du système de sécurité canadien et qu’ainsi, le Canada ne souffrira aucun préjudice si l’ICR est dévoilée. En outre, l’existence de plusieurs autres programmes dissuasifs et complémentaires milite en faveur de la divulgation puisque le préjudice de la divulgation de l’ICR en est encore plus limité. D’ailleurs, étant donné la notoriété publique de certains critères de la LPP, notamment qu’elle ne s’applique pas aux enfants de moins de 18 ans, une organisation terroriste peut facilement la déjouer. Dévoiler l’ICR ne rend donc pas le programme plus vulnérable qu’il ne l’est déjà.
[30] Au contraire, le défendeur soutient que le PPP et la LPP sont des mesures faisant partie d’un système de couches de sécurité visant à assurer la protection du public. Il critique le fait que les demanderesses allèguent essentiellement que le PPP est superflu, inutile ou inefficace, et qu’il ne vaut donc pas la peine de protéger les renseignements qui risqueraient de compromettre l’efficacité du PPP et incidemment, la sécurité aérienne canadienne.
[31] Le défendeur avance que, de nos jours, l’approche visant à garantir la sécurité de l’infrastructure par les gardes de sécurité, les armes et les fortifications (en anglais « guns, guards and gates ») est dépassée étant donné l’étendue de l’infrastructure à risque et la nature de la menace terroriste moderne. L’approche par couches, soit par l’entremêlement de mesures redondantes, assure que si un dispositif est déjoué, un autre permettra d’empêcher un attentat. Il ne faut pas affaiblir une mesure importante telle le PPP simplement parce que d’autres mesures la complémentent. D’ailleurs, le défendeur plaide que la sécurité aérienne moderne est interconnectée à la sécurité aérienne des partenaires internationaux du Canada. Ainsi, affaiblir une couche en divulguant le nombre de personnes et le nombre de Canadiens sur la LPP affecterait la confiance que les autres pays ont envers le Canada. Le Canada pourrait même se voir révoquer l’exemption à l’application de la « No Fly List » américaine.
[32] Finalement, le défendeur fait valoir que l’ICR n’étant pas dévoilée a un effet dissuasif sur la planification et l’exécution d’attentats terroristes puisque ces groupes n’ont pas d’information concrète avec laquelle mesurer le risque. Ainsi, il était raisonnable pour M. O’Reilly de conclure que dévoiler l’ICR répondrait au critère de l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable, permettant ainsi d’invoquer l’exception 15(1)c) de la LAI. Permettre la divulgation d’une information, même datant de plusieurs années, permettrait à des personnes mal intentionnées de faire plusieurs demandes au fil des ans et de dresser un portrait de la capacité défensive du Canada.
E. Exercice de la discrétion
[33] Les demanderesses avancent que le décideur s’est livré à un exercice de qualification et à un exercice de la discrétion automatique, étayant sa décision par des platitudes, des généralités ainsi que des hypothèses non étayées par la preuve. Les demanderesses font valoir que le décideur, M. O’Reilly, dans son poste depuis peu longtemps, s’est aveuglément remis à l’opinion des spécialistes et n’a donc pas véritablement exercé son propre jugement. Il est aussi possible que la décision de ne pas divulguer l’information vise à cacher un embarras quelconque puisque le ministre des Transports à l’époque de la mise en vigueur du PPP, l’honorable Lawrence Cannon, aurait déclaré, selon un article du Globe and Mail, qu’entre 500 et 2000 noms se trouvaient sur la LPP. Cette déclaration peut aussi être considérée une « divulgation accomplie ».
[34] Le défendeur riposte que le temps passé dans la fonction spécifique de Directeur d’accès à l’information n’est pas important et que la preuve démontre que M. O’Reilly est une personne compétente. De plus, il n’y a aucune preuve indiquant qu’un embarras ou de la mauvaise foi sont à la source du refus de divulguer l’ICR. Au contraire, la preuve démontre que la seule préoccupation de M. O’Reilly était l’existence d’un préjudice à la sécurité nationale. Le défendeur est d’avis qu’une décision discrétionnaire est déraisonnable seulement s’il est démontré que la décision n’a pas été prise conformément à la loi, qu’elle a été prise de mauvaise foi, qu’elle est mal fondée, qu’elle a pris en compte des considérations non pertinentes ou qu’elle a été prise en omettant de tenir compte de facteurs pertinents. À la lumière de ces critères, l’exercice de la discrétion de M. O’Reilly était raisonnable. D’ailleurs, étant donné les circonstances, il est approprié que le décideur consulte des spécialistes ainsi que les ministères et services pertinents. En ce qui concerne la déclaration du ministre, le défendeur fait valoir qu’il ne peut tirer des inférences quant à l’intention du ministre.
[35] Les demanderesses suggèrent que le caractère historique des renseignements n’a pas du tout été adressé dans la décision de M. O’Reilly. Ce dernier n’a pas non plus commenté l’intérêt du public canadien à juger l’efficience et l’efficacité du programme en relation à son coût, soit environ 13,8 millions $ par année pour les cinq (5) premières années d’opération et 2,9 millions $ pour les années subséquentes. Par conséquent, les demanderesses avancent que le préjudice invoqué par le défendeur est plutôt de nature politique que lié à des facteurs appréciables à l’exception 15(1)c) de la LAI. Notamment, si la divulgation de l’ICR révèle un petit chiffre, l’utilité du PPP sera remise en cause tandis que si le chiffre est très grand, l’on doutera que le programme soit trop permissif ou que le Canada pullule de terroristes menaçants l’aviation civile. Les demanderesses renchérissent qu’il est inacceptable que le décideur estime qu’il y a assez d’information dans le domaine public au sujet du PPP afin de permettre au public de l’évaluer. Cette considération est arbitraire et est contredite par le simple fait que la demanderesse Cameron ait présenté une demande d’accès à l’information. D’autre part, même les États-Unis rendent les données de leur « No Fly List » accessibles au public.
[36] Le défendeur rétorque que M. O’Reilly, le décideur, a exercé sa discrétion de façon raisonnable. Il soutient que M. O’Reilly a étudié tous les facteurs pertinents, ayant notamment annoté les recommandations de la Commissaire, consulté des spécialistes au sein des ministères et services pertinents, envisagé l’importance de l’information pour le public et pris en compte que l’information demandée date de 2007 à 2010 ainsi que les objectifs de la LAI. Finalement, l’existence de programmes semblables ou d’autres listes, notamment celle de la GRC sur les voyageurs à risque élevé, ne sont aucunement comparable à la LPP tant par rapport aux personnes visées, qu’aux buts ainsi qu’aux critères d’inclusion.
IV. QUESTIONS EN LITIGE
[37] En premier lieu, la Cour doit déterminer si le décideur a raisonnablement qualifié l’information comme appartenant à l’art. 15(1) de la LAI, lui permettant d’invoquer les exceptions à la règle générale voulant que l’information soit divulguée.
[38] Si la réponse à la première question est affirmative, en deuxième lieu, la Cour doit déterminer si l’exercice de la discrétion du représentant du ministre de refuser la divulgation des informations suite aux recommandations de la Commissaire était raisonnable.
V. CADRE JURIDIQUE
[39] Dans cette section, je brosse succinctement un portrait du droit applicable. Premièrement, je décris la procédure générale d’une demande d’accès à l’information. Ensuite, j’expose la législation pertinente. Finalement, j’indique le droit spécifiquement applicable au contrôle judiciaire lorsque le décideur invoque une exception prévue dans la LAI.
A. Processus d’une demande d’information en application de la LAI
[40] Afin de bien situer cette demande de contrôle judiciaire, il est utile de comprendre le cheminement d’une demande d’accès à l’information. La cause Bronskill c Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983, [2011] FCJ No 1199 (QL), [Bronskill], est un bon point de départ pour se familiariser avec le droit de l’accès à l’information. Les paragraphes 4 à 15 et 62 à 85 de cette jurisprudence sont particulièrement pertinents. La Cour suprême a aussi synthétisé la procédure de façon claire aux paragraphes 18 à 20 de la décision Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, 331 DLR (4e) 513, [Commissaire c Défense]. Toutefois, je ne me lancerai pas dans autant de détails aujourd’hui; en voici l’essentiel :
[41] Premièrement, une demande écrite suffisamment détaillée est envoyée à l’institution qui détient l’information. C’est le responsable de l’institution fédérale qui est responsable de répondre. Le responsable doit donner accès aux documents dans un délai raisonnable, peu importe qui fait la demande. Si l’institution refuse de divulguer l’information et que la personne porte plainte, la Commissaire à l’information doit réviser le refus. Il n’existe pas de processus direct pour savoir quelles demandes sont actives et quels documents sont demandés. La Commissaire peut faire des recommandations et exiger un rapport de la part de l’institution concernée [Bronskill, précité, aux par. 6-7].
[42] Deuxièmement, si suite aux recommandations de la Commissaire, l’institution concernée refuse toujours de divulguer l’information, la Commissaire informe la personne de son droit au contrôle judiciaire de la décision de l’institution devant la Cour fédérale. À noter que le droit à la révision judiciaire est envers la décision de l’institution et non envers la décision de la Commissionnaire à l’information de soutenir la demande de l’individu ou non. La Commissaire à l’information peut, de concert avec l’individu, elle-même, ou conjointement, poursuivre la demande de révision judiciaire [Bronskill, précité, aux par. 7-8].
[43] Finalement, la Cour fédérale doit avoir accès à tous les documents pertinents. La Cour fédérale a la responsabilité de protéger et divulguer l’information si nécessaire. Contrairement à la procédure en application de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC (1985), ch C-5, la Cour fédérale n’a pas explicitement le pouvoir de publier des sommaires de l’information concernée [Bronskill, précité, aux par. 11, 26-27].
[44] En l’occurrence, la Cour fédérale révise la dernière décision prise par le Directeur d’accès à l’information de Transports Canada dans son plein ensemble, soit l’exercice de qualification et de discrétion suite aux recommandations de la Commissaire. C’est en évaluant la décision comme un tout que la Cour tranche quant à la raisonnabilité de celle-ci. La Cour doit, de façon inhérente, faire preuve d’une certaine déférence, toutefois, la Cour ne peut accepter une décision ayant des conclusions déraisonnables [3430901 Canada Inc. c Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254, [2002] 1 RCF 421, [Telezone], au par. 100 et Bronskill au par. 9]. En bref, la Cour révise la raisonnabilité tant de la décision relative à la qualification de l’information que l’exercice de la discrétion permettant de dévoiler l’information selon l’article 15 de la LAI malgré une exception autorisant le décideur à ne pas dévoiler l’ICR [Bronskill, précité, aux par. 62-64, 69, 76].
B. Législation pertinente
[45] La législation pertinente à cette affaire se retrouve à l’annexe de cette décision.
C. Principes juridiques spécifiques
(1) Portée publique du droit d’accès à l’information
[46] L’accès à l’information détenue par le gouvernement est essentiel pour assurer une santé réelle à notre système démocratique tel qu’indiqué dans Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, 148 DLR (4e) 385, [Dagg] au par. 61, et Bronskill aux par. 4-5. Dans Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 RCS 23, [Merck Frosst], la Cour suprême résume ce principe en trois points au paragraphe 21 :
[21] La loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale. Elle repose sur trois principes directeurs : premièrement, le public a droit à la communication des documents de l’administration fédérale; deuxièmement, les exceptions indispensables à ce droit doivent être précises et limitées; troisièmement, les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif (par. 2(1)).
[47] Au quotidien, le gouvernement est appelé à prendre des décisions importantes au nom de la collectivité. Pour ce faire, il se base sur de l’information essentielle à la prise de décision préparée par l’appareil gouvernemental. Le public a le droit de connaître cette information dans le but d’assurer un débat entourant les sujets en discussion. Sans cette information, le débat ne peut avoir sainement lieu. La LAI constate ce droit du public à l’article 2. La Cour suprême a donné un statut quasi constitutionnel à la LAI, notamment dans l’affaire Commissaire c Défense, précité, au par. 40 [voir aussi Bronskill, précité, aux par. 4-5].
[48] Toutefois, ce droit d’accès qui se veut large est restreint par certaines exceptions trouvées dans la LAI. Ces exceptions doivent être précises et limitées, le principe étant que la règle générale prône l’accès sauf dans des circonstances bien identifiées et justifiées [Bronskill, précité, aux par. 4-5].
[49] Afin de mettre en œuvre ces principes, les articles 49 et 50 de la LAI reconnaissent à la Cour un vaste pouvoir réparateur suite à l’évaluation du refus de toute autorité gouvernementale de communiquer l’information [voir aussi Bronskill, précité, aux par. 27, 67, 77, 103, 105, 110, 114].
[50] Le paragraphe 67 de Bronskill énonce en bref les différences entre les articles 49 et 50 de la LAI :
[67] L’article 49 confère à la Cour le pouvoir d’ordonner la communication de documents ou de rendre une autre ordonnance si elle l’estime indiqué, à la suite d’une décision de refus de communication fondée sur des dispositions de la Loi autres que celles mentionnées à l’article 50. L’article 50 lui-même confère à la Cour le pouvoir d’intervenir dans les affaires qui mettent en cause l’article 14 (affaires fédéro-provinciales), l’article 15 (sécurité nationale et affaires internationales), l’alinéa 16(1)c) (activités destinées à faire respecter les lois et déroulement d’une enquête), l’alinéa 16(1)d) (sécurité des établissements pénitentiaires) ou l’alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement) de la Loi. Les décisions de refus de communication révisées en vertu de l’article 50 ont tous en commun que le responsable d’une institution fédérale qui rend la décision de refus de communication a le pouvoir discrétionnaire de le faire, et les exceptions sont fondées sur un critère subjectif, et non objectif.
[51] En ce qui concerne le cas présent, comme je détaillerai ci-dessous, le pouvoir réparateur de la Cour est celui conféré par l’article 50 étant donné le type d’exception invoqué.
(2) Procédure générale lorsque l’on invoque une exception dans la LAI
[52] La règle générale de la LAI est que l’information doit être divulguée. Il existe deux types d’exceptions qui justifient de ne pas divulguer l’information demandée : le premier type d’exception est celui de la catégorie de l’information. Le deuxième type d’exception est celui lié au préjudice potentiel lié à la divulgation de l’information demandée. Les paragraphes 13 et 15 de Bronskill énoncent bien cette marche à suivre :
[13] Les exceptions énoncées dans la Loi doivent être examinées sous deux angles par la cour siégeant en révision. Premièrement, les exceptions à la Loi sont fondées soit sur le préjudice, soit sur la catégorie. Les exemptions fondées sur la catégorie sont généralement invoquées lorsque la nature de la documentation sollicitée est intrinsèquement confidentielle. À titre d’exemple, l’exemption prévue à l’article 13 concerne les renseignements obtenus des gouvernements étrangers et est, de par sa nature, une exception fondée sur la catégorie. Les exceptions fondées sur le préjudice exigent que le décideur analyse la question de savoir si la communication des renseignements pourrait aller à l’encontre des intérêts exposés dans l’exception. L’article 15 est une exception fondée sur le préjudice : le responsable d’une institution fédérale doit examiner la question de savoir si la communication de l’information « risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives ».
[…]
[15] La deuxième composante des exceptions prévues à la Loi est de vérifier si l’exception est de nature obligatoire ou discrétionnaire. Dans le cas des exceptions obligatoires, les dispositions de la Loi prévoient que le décideur « est tenu de refuser la communication » des documents lorsque ceuxci sont visés par une exception (voir, entre autres, l’article 19). Dans le cas des exceptions de nature discrétionnaire, le décideur « peut refuser » la communication des documents. L’exception visée par l’article 15 est de nature discrétionnaire, dont les aspects seront examinés en profondeur dans les présents motifs.
[53] Avant de se lancer dans la description des normes applicables et des fardeaux de preuve aux différentes étapes, il importe de clarifier que la qualification et l’exercice de la discrétion sont révisés par la Cour en tenant compte de la totalité des informations ainsi que des rôles joués par les parties. La Cour a devant elle toute la preuve utilisée lors des décisions effectuées par le décideur, incluant la position prise par la Commissaire ainsi que les motifs justifiant selon elle la divulgation de l’ICR [Bronskill, précité, au par. 11].
(3) Qualification
[54] Dans le présent cas, le décideur qualifie l’information comme répondant aux critères d’une exception liée au préjudice potentiel lié à la communication de l’information demandée. Le Directeur d’accès à l’information de Transports Canada considère que divulguer l’ICR irait à l’encontre des articles 15(1) et 15(1)c) de la LAI, soit à l’encontre de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives. Il est soumis que dévoiler l’ICR pourrait faciliter les activités visant la perpétration d’actes de terrorisme, y compris les détournements de moyens de transport contre le Canada ou un État étranger ou sur leur territoire, soit les éléments constitutifs de la définition d’activités hostiles ou subversives trouvées à l’art. 15(2) de la LAI.
[55] La cause Bronskill, au paragraphe 69, résume bien pourquoi la norme de la raisonnabilité s’applique :
[…] l’applicabilité de l’exception subjective prévue à l’article 15 doit être déterminée selon la norme de la décision raisonnable. Premièrement, c’est ce que prévoient l’article 50 et l’article 15 eux-mêmes (« refus [de communication] fondé sur des motifs raisonnables », « risquerait vraisemblablement de porter préjudice […] »). Deuxièmement, la Cour a appliqué la norme de la décision raisonnable lorsqu’elle avait affaire à l’exception prévue à l’article 15 (Do-Ky c Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), (1999) 1999 CanLII 8083 (CAF), 164 FTR 160 (C.A.), au paragraphe 7; Kitson c Canada (Ministre de la Défense nationale), précité; Steinhoff c Canada (Ministre des Communications), précité; X c Canada (Ministre de la Défense nationale), (le juge Strayer), précité; Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), 1992 CanLII 2414 (CF), [1993] 1 CF 427 (CF, 1re inst.)). Troisièmement, la Cour note que la nature des renseignements visés à l’article 15 fait qu’il existe des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » quant à savoir quels renseignements sont préjudiciables aux activités visées à l’article 15. Des personnes raisonnables peuvent raisonnablement avoir des avis différents quant à savoir ce qui est visé à l’article 15 […].
[56] Aux paragraphes 22 à 27 de la décision Attaran c Canada (Affaires étrangères), 2011 CAF 182, 420 NR 315, [Attaran], la Cour d’appel explore la jurisprudence relative à la norme et au fardeau de la preuve dans différentes circonstances. Au paragraphe 24, la Cour d’appel fédérale indique : « […] que le fardeau de la preuve dépend[s] des circonstances portées à sa connaissance » [Attaran, précité, au par. 24].
[57] En l’espèce, Mme Cameron n’a pas eu accès à l’ICR ni à l’audience à huis clos à laquelle le défendeur et la Commissaire ont participé. La trame factuelle de l’affaire en cause diffère de la jurisprudence existante, contrairement à Bronskill [aux par. 125-126], Attaran [aux par. 25-27], et Telezone [aux par. 93-96], la Commissaire à l’information soutient la demande de Mme Cameron et participe à l’instance à titre de codemanderesse. Malgré le fait que Mme Cameron n’ait pas eu accès à la preuve caviardée ou à l’ICR, la Commissaire, elle, a bénéficié de l’entièreté de la preuve, de l’ICR, et a participé tant à l’audience à huis clos qu’à l’audience publique. Le fardeau de preuve aux différentes étapes d’analyse est donc défini en fonction de cette trame factuelle.
[58] Dans ces circonstances, soit lorsque la Commissaire participe à l’audience à huis clos et à l’audience publique, afin de se prévaloir de l’exception trouvée à l’art. 15(1)c) de la LAI, le décideur doit démontrer qu’il était raisonnable de déterminer que l’information en cause risquerait vraisemblablement de causer un préjudice probable à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives. Pour ce faire, les facteurs pertinents sont : il existe une présomption en faveur de la divulgation de l’information; les détails donnés lors de l’exercice de qualification en application de l’art. 15 de la LAI doivent être précis et détaillés; le préjudice allégué ne doit pas être abstrait ou de nature spéculative. Voir Canada Packers Inc. c Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 CF 47 (CAF), 53 DLR (4e) 246, [Canada Packers] et Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), [1993] 1 RCF 427, 12 Admin LR (2e) 81, [Canada c Premier Ministre].
[59] Le décideur doit faire plus que seulement démontrer que le préjudice peut se produire. L’affaire Merck Frosst, au par. 196, élabore sur ce que veut dire en pratique cette expression :
[196] On peut se demander ce que le mot « probable » ajoute au critère. À première vue, le critère du « risque vraisemblable de préjudice probable » semble peutêtre quelque peu obscur parce qu’il ajoute des degrés d’incertitude. Une chose « probable » est plus susceptible de se produire que l’inverse. Un « risque vraisemblable » est quelque chose qui est à tout le moins prévu et qui est peutêtre susceptible de se produire, mais qui n’est pas nécessairement probable. La juxtaposition des deux expressions – « un risque vraisemblable de préjudice probable » – abouti en une norme qui peut ne pas être claire à première vue. Toutefois, je conclus que cette formulation acceptée depuis longtemps vise à cerner un point important, à savoir que même s’il ne lui incombe pas d’établir selon la prépondérance des probabilités que le préjudice se produise effectivement si les documents sont communiqués, le tiers doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire. Dans cette optique, je ne vois aucune raison de reformuler le critère. [Soulignement dans la version originale]
[60] La Cour discute par la suite du lien de causalité entre la divulgation et le préjudice :
[197] […] En ce qui concerne le lien de causalité entre la divulgation et le préjudice, la Cour a affirmé qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un lien de causalité, comme en droit de la responsabilité délictuelle ou extracontractuelle, mais qu’il faut qu’il y ait « entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué un lien clair et direct » (Lavigne, par. 58; voir également Canada Packers, p. 58-59).
[61] Si la Cour conclut, à la première étape, soit lors de l’analyse de la qualification, que l’exception liée au préjudice potentiel lors de la divulgation est justifiée selon la preuve au dossier, il y a alors lieu de passer à la deuxième étape aux fins de l’article 15(1) de la LAI, soit à l’analyse de l’exercice de la discrétion, car le décideur peut envisager de dévoiler l’information selon les faits en jeux.
(4) Exercice de la discrétion
[62] Tel qu’indiqué aux paragraphes précédents, puisque la Commissaire a accès à toute l’information pertinente et a participé à toutes les instances, le fardeau incombe en premier lieu à la Commissaire d’établir que l’exercice de la discrétion du décideur a été effectué de manière déraisonnable. Si la Commissaire réussit à remplir son fardeau, en deuxième lieu, le fardeau est renversé et le décideur doit établir qu’il a effectivement exercé sa discrétion de manière raisonnable. Toutefois, cette norme doit tenir compte des objectifs de la LAI et le décideur doit exercer sa discrétion en tenant compte de ceux-ci [Attaran, précité, aux par. 19-27, 30, 36 et Bronskill aux par. 194, 204].
[63] L’on obtient un portrait clair des critères liés à l’exercice de la discrétion dans le cadre de l’accès à l’information ou de la protection des renseignements personnels en consultant les causes suivantes : Canada Packers, précité, aux par. 46-48, 66; Attaran, précité, au par. 14; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 291 DLR (4e) 577, [Dunsmuir], au par. 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, [Khosa], au par. 59; Canada (Procureur général) c Abraham, 2012 CAF 266, [2012] FCJ No 1324 (QL), [Abraham], aux par. 41-44; Untel c Ontario (Finances), 2014 CSC 36, [2014] 2 RCS 3, [Untel], au par. 52; Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, 319 DLR (4e) 385, [Ontario Criminal Lawyers], au par. 71; Dagg, précité, aux par. 110-111; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 174 DLR (4e) 193, [Baker], au par. 53; et Telezone, précité, aux par. 112-116.
[64] Ainsi, je retire de ce corpus les éléments essentiels suivants : lors de l’évaluation de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion du décideur aux fins d’un contrôle judiciaire d’une décision prise sous l’égide de la LAI, la Cour doit prendre en compte les motifs de justification invoqués par le décideur, la transparence, et l’intelligibilité du cheminement décisionnel à l’égard des faits en preuve. En plus, lorsque la Commissaire est une partie à l’instance, la Cour se doit de prendre en compte ses arguments, ses suggestions et d’analyser de quelle façon le décideur en discute et les prend en considération. Lorsqu’il décide, le décideur doit démontrer qu’il connaît bien les demandes d’accès, qu’il comprend les arguments en faveur d’une divulgation et qu’il considère soigneusement ces arguments tout en tenant compte des objectifs de la LAI.
[65] De surcroit, la Cour doit prendre en compte tous les intérêts en jeu, y compris celui de l’intérêt public à connaître l’information détenue par l’organisme fédéral :
[…] elle doit ensuite se demander si, compte tenu de tous les intérêts pertinents, y compris l’intérêt public à ce qu’il ait divulgation, il devrait y avoir divulgation.
[Ontario Criminal Lawyers, précité, aux par. 66, 211]
[66] Ceci étant dit, je tiens à réitérer que le décideur ne peut simplement indiquer qu’il a considéré tous les facteurs pertinents; il doit concrètement démontrer comment il les a pris en compte. À ce sujet, la Cour d’appel dans Attaran, au par. 36, exprime bien cette importante distinction :
[36] […], tout comme l’absence d’éléments de preuve précis concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire n’est pas déterminante, l’existence d’une déclaration dans un document portant qu’un pouvoir discrétionnaire a été exercé ne sera pas nécessairement déterminante. Conclure qu’une telle déclaration est déterminante pour l’enquête consisterait à accorder plus d’importance à la forme qu’au fond et à encourager l’énoncé de déclarations passe-partout dans le document du décideur. Dans chaque affaire portant sur l’aspect discrétionnaire de l’article 15 de la Loi, la cour de révision doit examiner l’ensemble de la preuve pour décider si elle est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le décideur a compris qu’il avait un pouvoir discrétionnaire de communiquer des documents et qu’il a ensuite exercé ce pouvoir discrétionnaire. La cour de révision peut alors être tenue d’inférer du contenu du document que le décideur a reconnu l’existence du pouvoir discrétionnaire et a ensuite cherché à établir un équilibre entre les intérêts opposés à l’avantage de la communication et contre celle-ci, comme la Cour en a discuté dans l’arrêt Telezone, au paragraphe 116.
[67] En de telles circonstances, le décideur doit exhiber une préoccupation non seulement pour la non-divulgation, mais aussi pour la divulgation, en tenant compte, de façon complète et transparente, les arguments favorisant la divulgation. Il doit soupeser ces arguments en fonction des objectifs de la LAI. Ceci nécessite un effort intellectuel sérieux qui permet à l’observateur de constater que les arguments favorisant la divulgation ont vraiment été considérés.
VI. ANALYSE
A. Introduction
[68] Afin de répondre aux questions du présent dossier, il est important de bien situer le Programme de la protection des passagers [le PPP] et la Liste des personnes précisées [la LPP] qui en ressort dans le cadre factuel de la sécurité aéronautique canadienne.
[69] Par la suite, nous procéderons en deux étapes. En premier lieu, nous analyserons la qualification de l’information effectuée par le décideur en ce qui a trait au préjudice probable à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives. Étant donné notre accord avec la qualification de l’information en tant qu’information liée à l’art. 15(1)c) de la LAI, nous procéderons, en deuxième lieu, à l’analyse de l’exercice de la discrétion que le décideur a suivi pour conclure que l’information confidentielle recherchée [l’ICR] ne devait pas être divulguée.
[70] Pour ce faire, j’ai à l’esprit l’information caviardée, l’ICR, les soumissions entendues à huis clos, les dossiers publics des parties et leurs soumissions présentées lors de l’audience publique. Je considère tant la décision du Directeur d’accès à l’information du Ministère des Transports du 4 juin 2013 que l’entièreté de la preuve, soit celle émanant depuis la demande initiale d’accès le 7 juin 2010. Je tiens aussi compte des interrogatoires sur les affidavits et la preuve déposée par la Commissaire.
[71] Il n’y a pas lieu à des motifs confidentiels puisque les faits caviardés parlent d’eux-mêmes. Les présents motifs explicitent bien les raisons de la présente décision tout en préservant la preuve caviardée et l’ICR.
[72] Passons maintenant à l’analyse du PPP et de la LPP, éléments essentiels pour bien comprendre les demandes d’accès, la présente procédure ainsi que son résultat.
B. Le PPP et la LPP
[73] À titre de rappel, le PPP existe depuis le 18 juin 2007. C’est à ce moment que la première LPP fut constituée et mise en vigueur. Selon la preuve, la LPP est constamment révisée et est modifiée périodiquement. Jusqu’en février 2011, le ministre des Transports était responsable de sa confection et depuis ce temps, le ministre de la Sécurité publique a pris la relève. Pour la période à l’étude, soit de 2007 à 2010, un groupe consultatif du Ministère des Transports formé d’un représentant sénior du Service canadien des renseignements de sécurité [le SCRS], de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] et de représentants du Ministère ainsi que d’autres ministères et agences gouvernementales intéressés confectionnent la liste en ayant recours aux informations du SCRS et de la GRC. Le groupe recommande au ministre des Transports les personnes précisées à inscrire sur la liste.
[74] Les personnes précisées, aux fins de la LPP, sont des gens identifiés par le groupe consultatif comme étant des menaces immédiates à la sécurité aérienne. Les facteurs à considérer pour identifier ces personnes sont : toute personne qui est ou a été impliquée dans un groupe terroriste et qui peut être raisonnablement soupçonnée de mettre en danger la sécurité d’un avion, d’un aéroport, du public, des passagers ou de l’équipage des vols domestiques ou internationaux. Cette liste cible une catégorie de personnes précises reliées à la déstabilisation de la sécurité aérienne tant pour les vols quittant le Canada, à destination canadienne ou autres, que ceux qui arrivent dans un aéroport canadien.
[75] Une personne sur la LPP n’obtiendra pas sa carte d’embarquement à moins qu’elle soit autorisée par une personne pouvant accorder cette permission. En conséquence, les transporteurs aériens, ayant confidentiellement accès à cette liste, doivent vérifier à même leur propre liste de passagers si certains d’entre eux se retrouvent sur la LPP. Une personne sur la LPP ne peut savoir qu’elle est sur la liste à moins qu’elle utilise le transport aérien. Elle peut contester son inscription selon les procédures définies.
[76] Le PPP est l’une des mesures de contrôle utilisées pour assurer la protection des passagers voyageant du ou vers le Canada par avion. Parmi les autres précautions, on y retrouve, mais non de façon exhaustive, la vérification de chacun des passagers, l’association des passagers à bord de l’avion à une valise en consignation, etc. La LPP est une mesure de contrôle qui, selon la preuve, a effet avant d’obtenir la carte d’embarquement et, par la suite, avant d’embarquer à bord de l’avion. Ce facteur de double temporalité ne se compare pas aux autres outils de contrôle utilisés. Il s’agit d’un ajout aux mesures qui ne peut être remplacé par les autres moyens actuellement en vigueur.
C. Autres listes
[77] Il existe d’autres listes de passagers qui, selon la preuve présentée, ne se comparent pas à la LPP. Nous avons exploré ci-haut les critères pouvant amener une personne à se retrouver sur la LPP et constaté que la LPP vise un groupe bien ciblé. Certaines autres listes utilisent en partie ces critères, mais, dans tous les cas, en appliquent aussi d’autres non couverts par la LLP.
(1) La « No Fly List » américaine
[78] La « No Fly List » américaine constitue sa liste avec de l’information provenant de plusieurs organismes et appliquent des critères beaucoup plus généraux. L’on y retrouve, selon la preuve, plus de 16,000 noms et, sur ce nombre, on y retrouve moins de 500 citoyens américains (données de l’année 2011). Cette « No Fly List » américaine s’applique à toutes les envolées quittant le Canada en direction d’un aéroport américain ou encore qui, lors du transport, circulent en partie au-dessus du territoire américain en destination autre que le Canada. Les envolées quittant un aéroport canadien en direction d’un autre aéroport canadien, mais circulant en partie au-dessus du territoire américain ont reçu une exemption des autorités américaines en mars 2012.
(2) La liste de l’ONU
[79] Une autre liste est celle de l’Organisation des Nations-Unies [la Liste de l’ONU], créée par le Conseil de sécurité par adoption de la Résolution 1267 en 1999. La Résolution 1267 vise encourager les membres de l’ONU à adopter des mesures à l’encontre de personnes et de groupes terroristes. On retrouve sur la Liste de l’ONU environ 222 personnes associées à Al-Qaida ou autres groupes terroristes et environ 66 groupes désignés. Chaque pays membre de l’ONU est responsable de la mise en vigueur de la liste. Bien qu’elle cible des personnes associées à des groupes terroristes, la liste de l’ONU n’utilise pas les mêmes critères que la LPP pour y inclure des noms.
(3) Les listes des transporteurs aériens
[80] Il y a aussi d’autres listes confectionnées par les transporteurs aériens qui identifient les personnes que les transporteurs associent à la sécurité aérienne par leur comportement à bord de l’avion ou par leurs antécédents. Ces listes, appartenant à chaque transporteur, ne peuvent pas être partagées avec d’autres transporteurs. Ces listes, comme on le voit, ne s’apparentent pas à la LPP.
(4) La liste de la GRC
[81] Il y a une dernière liste confectionnée par la GRC qui contient environ 90 noms de personnes à risque qui auraient l’intention de voyager à l’étranger afin de participer au combat pour le compte de groupes terroristes. Les personnes sur cette liste ont un objectif différent de celles inscrites sur la LPP.
D. Conclusions sur la LPP
[82] Tenant compte de la preuve soumise, on ne peut que constater que la LPP n’est pas comparable aux autres listes mentionnées ci-haut. La LPP a une vocation spécifique qui n’est pas reflétée dans les autres listes.
[83] Dans un rapport préparé en 2009, le Commissaire à la vie privée a étudié le PPP de façon détaillée, ayant accès à toute l’information, y incluant l’ICR et les noms sur la liste. Évidemment, sa préoccupation première était la protection de la vie privée des personnes concernées. Le Commissaire a qualifié le PPP de programme secret traitant de données personnelles obtenues et utilisées sans le consentement des personnes impliquées. Le rapport nous apprend que le PPP, à ce moment, était centralisé au bureau central du Ministère des Transports et environ 20 personnes y travaillaient. En 2007, l’on estimait que le coût pour mettre sur pied le programme serait de 13.8 $ millions pour les cinq (5) premières années et que, par la suite, il en coûterait un peu moins de trois millions annuellement.
[84] Tenant compte de ce qui est mentionné ci-haut et de la preuve déposée par les parties, force est de constater que le PPP, tel que conçu et mis en vigueur, fonctionne bien et semble rencontrer les objectifs de sécurité aérienne pour lesquels il fut créé. La preuve soumise ne permet pas au soussigné de constater si la liste est mal confectionnée, mal gérée ou encore souffre d’irrégularités; de toute façon, il ne s’agit pas de l’objectif de la présente procédure. Le PPP a comme objectif de protéger les passagers et l’histoire démontre que, depuis sa mise en vigueur en 2007, il atteint pleinement ses objectifs.
[85] Avant de me lancer dans l’analyse de la qualification, je tiens à noter que l’expression « sécurité nationale » n’est pas explicitement utilisée dans la LAI. Toutefois, il est évident que le concept de sécurité nationale est implicite à l’exception 15(1) de la LAI puisque les définitions d’« activités hostiles ou subversives » trouvées à l’art. 15(2) reprennent le même vocabulaire que celui trouvé dans ce domaine. La Cour suprême a notamment longuement discuté de la terminologie liée à la sécurité nationale dans Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3, [Suresh], aux par. 80 à 99. Les liens entre la sécurité nationale et les « activités hostiles ou subversives » sont évidents. Somme toute, je suis d’avis qu’il est parfaitement acceptable d’invoquer des concepts et de la jurisprudence du domaine de la sécurité nationale s’il est nécessaire et approprié de le faire selon les circonstances en cause.
E. La qualification de l’information effectuée par le décideur
[86] Est-ce que publier le nombre de personnes et de citoyens canadiens sur la LPP de 2007 à 2010 risquerait vraisemblablement de créer un préjudice probable à la sécurité nationale en facilitant la perpétration d’actes de terrorisme, notamment des détournements d’aéronefs contre le Canada ou un État étranger?
[87] Ceci est la grande question que nous sommes appelés à répondre en première étape; il s’agit donc d’analyser la qualification de l’information effectuée par le décideur. La question à laquelle doit répondre la Cour est : « Est-ce que le décideur a, de façon raisonnable, motivé sa décision lorsqu’il a conclu que 15(1) et 15(1)c) de la LAI s’appliquaient en l’espèce? » Le juge Rothstein alors qu’il était à la Cour fédérale, dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre) indique aux par. 119 à 123 :
Les descriptions de préjudice possible, même détaillées, ne suffisent pas en elles-mêmes. À tout le moins, il faut qu’il y ait un lien clair et direct entre la divulgation de tel ou tel renseignement et le préjudice invoqué. La partie intéressée doit expliquer à la Cour comment ou pourquoi le préjudice invoqué résulterait de la communication de tel ou tel renseignement. Si le comment ou le pourquoi de ce préjudice est évident, l’explication ne doit pas être bien longue. Mais si une déduction est nécessaire ou si le lien n’est pas clair, l’explication doit être plus longue. Plus les preuves et témoignages sont spécifiques et concluants, plus forte est la défense de la confidentialité. Plus les preuves et témoignages sont généraux, plus il serait difficile pour la Cour de conclure au lien entre la divulgation de documents donnés et le préjudice invoqué.
En outre, les allégations de préjudice résultant de la communication doivent être examinées à la lumière de tous les faits et circonstances de la cause. Ce qui s’entend notamment de la question de savoir dans quelle mesure les renseignements dont une partie tient à protéger la confidentialité ou des renseignements similaires sont déjà du domaine public. Certes, le fait que les mêmes renseignements ou des renseignements similaires soient déjà du domaine public ne règle pas nécessairement la question de savoir s’il y a un risque vraisemblable de risque résultant de la divulgation des renseignements dont la confidentialité est en cause, mais cette circonstance fait qu’il est plus difficile de se décharger du fardeau de la preuve justifiant la confidentialité.
[Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), [1993] 1 RCF 427, 1992 CanLII 2414 (CF), aux par. 119-123]
[88] Dans ce même jugement, le juge Rothstein énumère aussi une série de facteurs forts utiles à considérer lorsqu’une Cour évalue la qualification effectuée par un décideur :
La jurisprudence canadienne portant interprétation de la Loi sur l’accès à l’information a défini des principes directeurs qui peuvent servir à déterminer si la communication risquerait vraisemblablement de causer un préjudice probable dans un cas donné; elle a aussi défini la marche à suivre en la matière. Voici les règles qui s’en dégagent, et la liste n’en est pas exhaustive :
1. Les exceptions au droit d’accès doivent être justifiées par un risque vraisemblable de préjudice probable; voir Canada Packers, supra, à la page 60.
2. On doit tenir compte de l’avis mûrement réfléchi du Commissaire à l’information; voir Rubin c Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1989] 1 CF 265 (CA), à la page 272.
3. Il faut présumer que les renseignements demandés seront utilisés, lorsqu’il s’agit d’examiner si la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un risque probable; voir Air Atonabee Ltd. c Canada (Ministre du Transport) (1989), 27 CPR (3d) 180 (CF 1re inst.), à la page 210.
4. Il convient d’examiner si les renseignements dont la communication est refusée peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a normalement accès, ou peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef; voir Air Atonabee, supra, à la page 202.
5. La couverture par la presse d’un renseignement confidentiel est un facteur à prendre en considération dans l’examen du risque de préjudice probable résultant de la divulgation; voir Canada Packers, supra, à la page 63; Ottawa Football Club c Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [1989] 2 CF 480 (1re inst.), à la page 488.
6. Est admissible la preuve relative à l’intervalle séparant la date du renseignement confidentiel et celle de sa divulgation; voir Ottawa Football Club, supra, à la page 488.
7. La preuve des conséquences susceptibles de découler de la divulgation, qui donne une description générale de ces conséquences, ne satisfait pas à la norme de preuve applicable à l’exemption de communication; voir Ottawa Football Club, supra, à la page 488; Air Atonabee, supra, à la page 211.
8. Chaque document distinct doit être considéré à part et dans le contexte de tous les documents demandés car la teneur totale d’une communication doit influer énormément sur les conséquences vraisemblables de sa divulgation; voir Canada Packers, supra, à la page 64.
9. L’article 25 de la Loi prévoit la possibilité de séparer dans un document les renseignements qui peuvent être divulgués de ceux qui sont protégés par une exception. Le prélèvement doit être raisonnable. Il ne servirait à rien de divulguer quelques lignes hors de contexte; voir Bande indienne de Montana c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), [1988] 5 WWR 151 (CF 1re inst.), à la page 166.
10. Le refus de communication doit être justifié au moyen de témoignages par affidavit expliquant clairement la raison de l’exemption de chaque document; voir Ternette c Canada (Solliciteur général), [1992] 2 CF 75 (1re inst.), aux pages 109 et 110 et Merck Frosst Canada Inc. c Canada (Ministère de la Santé et du Bien-être social, Division de la protection) (1988), 20 CPR (3d) 177 (CF 1re inst.), à la page 179.
[Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre, [1993] 1 RCF 427, 1992 CanLII 2414 (CF); au par. 34]
[89] Suite à ce bref exposé de facteurs potentiellement utiles, appliquons les facteurs pertinents à la trame factuelle en cause.
[90] Le défendeur soutient que M. O’Reilly, le décideur, a correctement conclu que dévoiler l’ICR risquerait de causer un préjudice à la prévention ou suppression d’activités hostiles ou subversives en conformité avec l’alinéa 15(1)c) de la LAI.
[91] Comme vu précédemment, afin d’effectivement rendre une telle décision, le décideur doit démontrer, dans ses motifs, que la divulgation de l’ICR risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives. Le préjudice à établir doit en être un qui est probable selon les faits et ne doit pas être hypothétique ou spéculatif. Il demeure toutefois que le préjudice ne doit pas obligatoirement se matérialiser par la divulgation car avoir à faire une telle preuve est impossible.
[92] Nous avons déjà décrit le PPP, son objectif et ses particularités. Le PPP est une des mesures de contrôle qui assure la protection des passagers voyageant du ou vers le Canada par avion. De plus, la LPP est unique en son genre et fait partie des plusieurs mesures de contrôle essentielles afin d’assurer la sécurité des passagers, des équipages et des aéronefs.
[93] La LPP contient le nom des personnes qui ont, par leur passé, été liées à des groupes terroristes, qui pourraient être soupçonnées de mettre en danger la sécurité des personnes voyageant par avion, qui auraient été condamnées de crimes contre la sécurité aérienne ou encore qui auraient commis des crimes mettant en péril la vie des gens et qui pourraient mettre en péril la sécurité aérienne. Ces critères sont spécifiques et visent principalement les personnes impliquées avec des groupes terroristes et à leurs liens possibles au transport aérien. Il s’agit donc d’une catégorie bien définie. Ce fait est reconnu par le décideur, M. O’Reilly, dans sa lettre de juin 2013 lorsqu’il écrit :
[traduction]
Depuis la mise en œuvre de ces lignes directrices, les personnes précisées ont toujours été des individus, des terroristes et des membres de groupes terroristes qui ont effectué des actes de terrorisme contre l’aviation ou ont déjà pris part à ces actes, ont la capacité de commettre ces actes, ou ont l’intention d’en commettre.
[94] Les demanderesses soutiennent que le préjudice allégué est moins vraisemblable puisque la GRC s’est d’abord prononcée comme indifférente à l’invocation de l’article 15(1)c) de la LAI par le décideur chez Transports Canada puis s’est ravisée suite aux communications avec M. Free. Je ne suis pas d’avis que le changement d’opinion de la GRC est pertinent puisqu’il ne s’agit que d’une donnée parmi tant d’autres à la disposition du décideur.
[95] Il est aussi important de noter que la LLP, telle que constituée, n’est pas comparable aux autres listes de voyageurs prohibés de voyager par avion. Comme j’ai déjà relaté, la « No Fly List » américaine et celle de l’ONU n’utilisent pas les mêmes critères de sélection que la LPP. Cette dernière a donc, dans le cadre du PPP, une vocation unique et particulière qui ne peut être remplacée par les autres listes prohibant certaines personnes à voyager par avion.
[96] Aux fins de la présente analyse et dans le but de bien comprendre la décision du décideur, je prends en considération l’échange de communications entre le Bureau de la Commissaire et Transports Canada. Il est évident que la justification principale du décideur pour refuser la divulgation de l’ICR est la perte de l’effet dissuasif de la LPP. Selon le décideur, cette perte répond à l’exigence de l’existence d’un préjudice nécessaire afin de qualifier l’information sous l’égide de l’article 15(1)c). Que ce soit dans la lettre du 17 novembre 2011 ou encore dans celle de juin 2013, le décideur, M. O’Reilly, explique de façon détaillée que révéler l’ICR donnerait à un observateur averti de l’information qu’il pourrait utiliser pour ses propres fins. Dans le contexte mondial moderne où la menace d’attentats violents est appréciable, l’information et sa collecte sont très importantes. Il est reconnu que certains groupes utilisent l’information, l’analysent et déterminent en conséquence leurs actions à venir, au moins en partie, sur cette base.
[97] Je suis bien conscient que le Canada est une cible reconnue d’attentats terroristes contre l’aviation civile, tel que le passé le démontre : Air India (vol 182); l’explosion à l’aéroport de Narita au Japon; le complot terroriste de 2006 visant 2 avions venant de Londres vers Montréal et Toronto; l’Underwear Bomber et le vol de Noël 2009 passant en partie au-dessus de l’espace aérien canadien; et l’interception d’un individu en 2013 en possession d’explosifs à l’aéroport Pierre Elliott Trudeau. En plus, la preuve établit que le Canada demeure une cible d’intérêt pour les groupes terroristes, entre autres Al-Qaida. Ces groupes développent de nouveaux moyens sophistiqués pour détourner les mesures de contrôle.
[98] La LPP est une mesure de contrôle parmi plusieurs, qui ne peut être remplacée par une autre. Comme vu précédemment, la LPP joue un rôle particulier dans le cadre de l’ensemble des mesures de contrôle. Elle est la seule mesure de sécurité canadienne qui s’applique aux vols provenant de l’étranger à destination du Canada. Pour les aéroports à l’étranger qui n’appliquent pas les mêmes mesures de contrôle pré-embarquement que le Canada, la LPP est la seule mesure canadienne obligatoire qui touche les voyageurs provenant de l’étranger.
[99] On a tenté de prétendre que le fait que les États-Unis dévoilent le nombre de noms sur leur liste ainsi que le pourcentage de citoyens américains sur celle-ci justifie la divulgation de l’ICR canadienne. Je ne suis pas d’accord. Le PPP est un programme distinct de celui des États-Unis et il n’a pas été conceptualisé pour répondre aux mêmes objectifs. On ne peut pas comparer ces deux listes. Quant à la liste de l’ONU, elle aussi n’a pas les mêmes objectifs : elle ne vise qu’une catégorie de personnes reliées à Al-Qaida ou à des groupes semblables. Encore là, on ne peut la comparer à la LPP, qui elle trouve sa vocation particulière dans l’ensemble des mesures de contrôle en vigueur au Canada. Pour ce qui est de la liste de la GRC, elle ne cible pas le même type de personnes. En effet, la liste de la GRC concerne les personnes qui pourraient quitter le Canada pour se joindre au combat terroriste à l’étranger. On ne peut comparer ces listes à la LPP non plus. Il va de même pour les listes des différents transporteurs qui visent les personnes que les transporteurs ne veulent pas à bord pour des raisons propres à chacun d’eux.
[100] L’article 15(1)c) de la LAI vise spécifiquement à protéger l’information qui serait utile pour ceux qui voudraient commettre des activités hostiles ou subversives telles que des actes de terrorisme, ce qui inclut les détournements de moyens de transport contre le Canada, contre un État étranger ou sur leur territoire.
[101] Dans sa lettre de juin 2013, aux pages 2 et 3, le décideur explique de façon raisonnable que publiciser l’ICR donnerait de l’information fort utile à l’observateur averti :
Sans dissuasion, les terroristes auraient l’impression que les Canadiens et les avions à destination du Canada sont des proies faciles, ce qui accroîtrait la probabilité d’attaques.
[102] Une telle affirmation n’est pas de la spéculation ou une hypothèse : divulguer l’ICR, soit le nombre de personnes total et le nombre de Canadiens sur la LPP, permettrait à l’observateur averti d’obtenir de nouvelles données qu’il évaluera pour avancer ses fins. Pour cet observateur, dans l’état actuel du dossier, il s’agit d’informations pertinentes et utiles. Sur cette base, je conclus que dévoiler l’ICR créerait un risque vraisemblable de préjudice probable; le comment et le pourquoi du préjudice est évident. Dans l’intérêt des Canadiens et en particulier de ceux et celles qui voyagent par voie aérienne, il n’y a pas lieu de créer ce risque probable.
[103] Pour en arriver à cette conclusion, j’ai aussi pris en considération les arguments de la Commissaire concernant l’exception trouvée à l’article 15(1)c). Je ne peux les retenir pour les raisons mentionnées ci-haut. Toutefois, j’ajoute que ma conclusion quant à la qualification est faite sur la base des données particulières à l’affaire en instance. Si les données changent à l’avenir, il se pourrait que le présent constat change aussi.
[104] Je tiens à préciser qu’un tel aboutissement à l’étape de la qualification n’est pas déterminant en ce qui a trait à l’étape suivante, soit l’analyse de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion effectué par le décideur. Effectivement, la cause Bronskill au par. 211 indique : « […] L’octroi du pouvoir discrétionnaire par la Loi est la concrétisation d’une intention législative claire à savoir que certains renseignements peuvent très bien être communiqués, en dépit d’un préjudice allégué. »
F. L’exercice de la discrétion effectué par le décideur
[105] À titre de rappel, l’article 15 de la LAI permet au décideur de dévoiler l’ICR ou non selon l’évaluation qu’il effectue. Tel qu’exploré plus haut dans la section « Principes juridiques spécifiques » [voir par. 63-64], suite à l’analyse d’un corpus de jurisprudence, j’ai indiqué que la Cour doit prendre en compte les motifs de justification invoqués par le décideur; la transparence; et l’intelligibilité du cheminement décisionnel à l’égard des faits en preuve. En plus, lorsque la Commissaire est une partie à l’instance, la Cour se doit de prendre en compte les arguments et les suggestions de la Commissaire ainsi que d’analyser de quelle façon le décideur en discute et les prend en considération. Lorsqu’il décide, le décideur doit démontrer qu’il connaît bien les demandes d’accès, qu’il comprend les arguments en faveur d’une divulgation et qu’il considère soigneusement ces arguments tout en tenant compte des objectifs de la LAI.
[106] Il est aussi loisible pour le juge d’ajouter des facteurs si le dossier le requiert. Bien que traitant de la qualification, les facteurs mis de l’avant par le juge Rothstein (voir par. 88 ci-haut) peuvent aussi être d’une certaine utilité lorsque l’on analyse la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion.
[107] Par rapport au dossier devant la Cour aujourd’hui, les principes pertinents en ce qui a trait à l’analyse de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion peuvent être synthétisés en trois questions essentielles :
1. Les motifs à l’appui de l’exercice de la discrétion sont-ils suffisants?
2. Les motifs répondent-ils aux arguments soulevés par la Commissaire et la demanderesse Cameron, notamment l’intérêt public?
- La décision, dans son ensemble, est-elle compréhensible et justifiable selon ses conclusions?
[108] À l’étape de l’analyse de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion, la Commissaire, ayant connaissance entière du dossier, a le fardeau d’établir la déraisonnabilité de la décision du décideur. Pleinement informée, la Commissaire peut avancer tous les arguments qu’elle estime appropriés. La Commissaire et la demanderesse Cameron soulèvent les points suivants concernant l’exercice de la discrétion :
1. Le passage du temps et le caractère historique des renseignements demandés;
2. L’intérêt du public à connaître l’ICR;
3. Le décideur se fie à l’opinion d’autres personnes;
4. La déclaration du ministre des Transports Lawrence Cannon en juin 2007;
- Les relations internationales.
(1) Le passage du temps et le caractère historique des renseignements
[109] Le passage du temps et le caractère historique des renseignements sont des facteurs pertinents tant lors de l’évaluation du préjudice que lors de l’exercice de la discrétion, tel qu’indiqué dans Bronskill au par. 218 :
[218] Bien que le passage du temps soit pris en compte dans l’évaluation du préjudice résultant de la communication (Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), précitée), il doit également être pris en compte au regard de la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire devrait être exercé. Le juge en chef Lutfy y a fait allusion dans une opinion incidente dans l’affaire Kitson, précitée, au paragraphe 40, lorsqu’il a qualifié le refus de la Cour d’accueillir la demande d’accès à l’information : « Il se peut que le résultat eût été différent si la demande avait été faite quelque temps après que les FC eurent quitté l’Afghanistan. Toutefois, cette décision n’est pas de celles qui peuvent être rendues aujourd’hui ». Par conséquent, en présence d’un préjudice, toutefois à l’extrémité inférieure du spectre, le passage du temps peut être un facteur important. Cela est le cas parce que, au fil de l’évolution du temps, les fondements du « risque vraisemblable de préjudice probable », à l’exception de la protection des sources humaines, des intérêts opérationnels actuels et de questions comparables, évoluent également. Le juge Strayer a également fait des observations sur le passage du temps dans l’affaire X c Canada (Ministre de la Défense nationale), précitée, au paragraphe 8 :
Je peux dire seulement que, à mon avis, il est tout à fait déraisonnable de conclure que les renseignements figurant dans ces documents, qui portent tous les dates de 1941 ou de 1942 et qui se rapportent à une époque où le Canada était engagé dans une guerre mondiale, pourraient révéler quelque chose qui a trait à la conduite des affaires internationales du Canada et à sa défense nationale cinquante ans plus tard en temps de paix.
[110] Le juge Rothstein mentionne aussi le passage du temps dans sa décision Canada c Premier ministre, précité, aux par. 34 et 88 des présents motifs. Toutefois, je note que le paragraphe 219 de Bronskill indique que le passage du temps s’ajuste en fonction des circonstances factuelles et qu’il reste un facteur parmi tant d’autres :
[219] Le passage du temps est un facteur, entre autres. Il se peut fort bien que le passage du temps en ce qui a trait à l’identité des sources humaines soit différent, puisque le conseil a reconnu publiquement qu’il existe un [traduction] « échéancier concernant les sources confidentielles ». Par conséquent, en fait, tel qu’il est allégué par le défendeur, il n’y a pas de [traduction] « nombre magique » pour le passage du temps, et l’article 15 ne fournit aucune directive directe quant à savoir en quoi consiste un passage du temps suffisant. Cela souligne l’importance d’une analyse bien pesée et complète du risque vraisemblable de préjudice probable aux termes de cet article, ainsi que du pouvoir discrétionnaire résiduel de divulguer.
[111] Appliqué à la cause présente, je constate que le passage du temps et le caractère historique des renseignements demandés sont presque absents de commentaires dans la décision rédigée par M. O’Reilly en juin 2013, sauf pour maintenir que ce genre d’information a toujours été protégé par le défendeur [voir page 3 de la lettre du décideur du 4 juin 2013]. Bref, aucun motif précis ne discute de cet argument. Il est difficile d’y percevoir une explication compréhensible dans de telles circonstances.
[112] Quant à l’argument que ce genre d’information a toujours été protégé, ceci ne répond en rien à l’argument que le temps passe et que ce genre d’information n’a plus l’importance qu’il avait initialement. Je note que la première demande d’accès à l’information date du 17 mars 2010, que la première décision suite au dépôt de la plainte à la Commissaire date du 17 novembre 2011 et que la deuxième décision date du 4 juin 2013. La première information demandée est celle de 2007, soit six ans avant la décision de juin 2013.
[113] Le passage du temps est important lors d’une telle demande. Dans le présent cas, le décideur n’en a essentiellement pas tenu compte. S’il en a traité, les références et l’analyse minimale à ce facteur sont complètement inadéquates. Lors de la révision à venir, le passage du temps sera encore plus marqué.
(2) L’intérêt du public à connaître l’ICR
[114] L’intérêt du public canadien à connaître l’information demandée est aussi presque passé sous silence dans la lettre du décideur de juin 2013. Dans l’échange de communications, le décideur indique que beaucoup d’information concernant le PPP a déjà été dévoilée au public et que le public dispose « d’assez d’information ».
[115] Cette réponse ne justifie pas le refus de divulguer l’ICR et ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt du public à connaître cette information.
[116] À ce sujet, la demanderesse Cameron, dans sa plainte de juillet 2010, explique comment l’intérêt du public à connaître l’ICR justifie sa demande : « Je suis d’avis que les contribuables Canadiens qui paient pour ce programme ainsi que les lecteurs de la Presse ont droit de savoir combien de personnes figurent sur cette liste […] ».
[117] Le décideur est silencieux quant à la pertinence alléguée de l’ICR face aux arguments invoqués par la demanderesse. Il me semble qu’au minimum, le décideur aurait dû expliquer pourquoi cet intérêt du public n’était pas valable et approprié dans les circonstances.
(3) Le décideur se fie à l’opinion d’autres personnes
[118] La demanderesse Cameron plaide qu’il était inapproprié que le décideur, M. O’Reilly, se soit fié aux opinions de M. Christopher Free et de M. John Davies. Je ne suis pas d’accord. M. Free est un fonctionnaire spécialisé en sécurité aéronautique œuvrant chez Transports Canada et M. Davies œuvre au Ministère de la Sécurité publique. En de telles circonstances, un décideur se doit d’avoir recours aux connaissances du personnel au sein des ministères concernés afin de rendre les décisions appropriées. Dans le présent cas, le décideur a bénéficié des opinions de personnes connaissantes; cela ne rend pas sa décision caduque. Je note toutefois que le décideur ne doit pas aveuglément suivre tous conseils qu’on lui prodigue. Effectivement, la Cour suprême, dans Telezone aux paragraphes 35-36, confirme qu’il est acceptable pour le décideur d’avoir recours à l’expérience de spécialistes afin de guider son exercice décisionnel sans toutefois que le décideur abdique ses responsabilités. Il peut consulter mais demeure maître de sa décision :
[35] Si on examine maintenant l’expertise du décideur, je reconnais que, comme les autres responsables des institutions traitant des demandes de communication, le ministre de l’Industrie peut avoir recours à l’expérience des membres d’un service ministériel spécialisé qui, dans le cadre de leurs fonctions, ont régulièrement à interpréter et à appliquer la Loi sur l’accès à l’information. De plus, le ministre et ses conseillers sont bien placés pour évaluer si, pour permettre au gouvernement de fonctionner efficacement afin de promouvoir l’intérêt public, il est nécessaire pour assurer le fonctionnement efficace interne du gouvernement de préserver un certain degré de confidentialité dans les communications entre les fonctionnaires ainsi qu’entre les fonctionnaires et le ministre dans l’élaboration des politiques.
[36] Toutefois, il faut trouver un équilibre entre cette expertise et le principal objectif de la Loi, savoir conférer au public un droit d’avoir accès aux documents de l’administration fédérale, bien que ce droit soit limité par d’autres considérations, et créer des mécanismes indépendants de révision permettant d’atteindre cet objectif. La clé pour interpréter la portée du droit d’accès et des exceptions consiste à établir un juste équilibre avec les principes opposés consacrés par la loi qui les sous-tendent, une fonction qu’un organisme indépendant du pouvoir exécutif est plus apte à remplir que l’institution opposant son refus à une demande de communication. Comme l’avocat du Commissaire à l’information l’a exprimé avec concision au cours des débats, si la Cour devait limiter l’obligation qui lui est imposée par l’article 41 à la révision des demandes de communication refusées par le ministre en se fondant sur les interprétations et les applications de la Loi faites par le Ministère, cela équivaudrait à confier la garde du poulailler au renard.
[119] À cet effet, une simple lecture de la lettre du 4 juin 2013 démontre que M. O’Reilly possède un certain savoir, une maitrise de l’information ainsi que la capacité de prendre cette décision de façon autonome.
(4) La déclaration du ministre des Transports Lawrence Cannon
[120] Le 18 juin 2007, soit le jour de la mise en vigueur du PPP, le ministre des Transports de l’époque, l’honorable Lawrence Cannon, est cité dans un article du Globe and Mail déclarant qu’entre 500 et 2000 personnes satisfont aux critères d’inscription à la LPP. La Commissaire suggère qu’il est possible que cette déclaration soit une « divulgation accomplie » ou encore que la décision de M. O’Reilly de ne pas divulguer l’ICR vise à protéger un embarras quelconque [voir Bronskill, précité, au par. 131].
[121] La déclaration du ministre des Transports peut être problématique et le décideur n’en a que très peu discuté, sauf pour la minimiser en mentionnant qu’il s’agit de chiffres approximatifs, vieux de six ans et qu’il se livrerait à des conjectures s’il tirait des inférences quant à l’intention du ministre.
Vous avez affirmé que le ministère des Transports a divulgué en 2007 le nombre approximatif de personnes sur la liste. Cette information est basée sur un article du journal Globe and Mail. Nous nous livrerions à des conjectures si nous formulions une réponse à l’égard de l’exactitude du rapport, des circonstances qui ont mené à la citation dans le journal Globe and Mail, ou encore du contexte global dans lequel la présumée déclaration a été faite. De plus, la présumée divulgation à laquelle vous faites référence date de six ans et, depuis l’entrée en vigueur de la liste en 2007, le ministère des Transports a toujours protégé les renseignements sollicités contre la divulgation au public.
[122] À vrai dire, ceci m’apparait être une renonciation totale à l’obligation du décideur de clarifier la situation en de telles circonstances. Le ministre est cité dans les journaux par un article de la Presse canadienne le jour même de la mise en vigueur du PPP, explicitant qu’il y avait entre 500 et 2000 personnes sur la liste. Il s’agit d’une déclaration d’un ministre des Transports, la personne ultimement responsable du programme qui, présumément, parlait en connaissance de cause. Le décideur refuse de clarifier cette déclaration, prétendant qu’il s’agit d’une déclaration non vérifiable vieille de six ans. La déclaration concerne exactement un élément de l’ICR, soit le nombre de personnes sur la liste, et le décideur estime qu’il n’est pas approprié d’en parler. Ceci n’est pas acceptable; il s’agit d’un manque flagrant de transparence et de raisonnabilité à l’exercice de la discrétion en de telles circonstances.
(5) Les relations internationales
[123] À la lumière de la preuve soumise, je suis perplexe quant à l’argument que nos relations internationales seront affectées si l’ICR est dévoilée. J’en discute à ce stade-ci puisque l’argument est utilisé de façon générale afin de justifier le refus de divulguer l’information. L’on ne l’utilise pas pour démontrer qu’une autre exception s’applique.
[124] Le défendeur soutient que les relations internationales entre le Canada et ses partenaires clés seront endommagées par la divulgation de l’ICR à l’étape de la qualification afin d’établir l’existence d’un préjudice. Je suis d’avis que cet argument est en fait surtout pertinent à l’étape d’analyse de la discrétion étant donné les circonstances factuelles. Les demanderesses allèguent que la preuve, particulièrement les contre-interrogatoires de M. O’Reilly et M. Free, n’établit pas ce préjudice allégué.
[125] L’explication donnée par le défendeur pour soutenir ce point et démontrer l’exercice adéquat de la discrétion m’apparait défectueuse et inappropriée. Je m’explique : à la page 6 de la décision du 4 juin 2013, il est indiqué que dévoiler l’ICR pourrait signaler à nos alliés américains et autres une diminution de l’efficacité du PPP et ainsi avoir des conséquences négatives sur nos relations avec ces alliés. Il est aussi mentionné que le Canada est exempté de l’« US Secure Flight Program » et de la « No Fly List » américaine lorsque des envolées d’un aéroport canadien se dirigent vers un autre aéroport canadien, mais circulent en partie au-dessus du territoire américain.
[126] La Commissaire soutient que le défendeur n’a pas démontré que tel est véritablement le cas selon la preuve. Les interrogatoires de M. O’Reilly et de M. Free le démontrent puisque les deux n’ont pu démontrer une préoccupation concrète, américaine ou autre, à ce sujet. Au contraire, leurs réponses semblent indiquer qu’ils extrapolaient ou spéculaient à ce sujet.
[127] Durant son contre-interrogatoire, M. O’Reilly a souscrit à un engagement de produire une lettre du gouvernement des États-Unis établissant que les États-Unis s’inquiètent de la divulgation de l’ICR en question.
[128] Toutefois, le 18 novembre 2014, la procureure du décideur répond qu’aucune réponse à l’engagement n’a été trouvée :
« La présente fait suite à l’interrogatoire de Shawn O’Reilly du 10 octobre 2014, lors duquel l’engagement suivant a été pris par l’affiant : « Undertaking no. 1 : To provide the letter from the United States government re : concerns of releasing the information on the no-fly ».
Notre cliente a procédé à une recherche diligente de ses dossiers et n’a pas pu retrouver de lettre du gouvernement des États-Unis.
Conséquemment, M. O’Reilly croit qu’il s’est trompé lorsqu’il a indiqué : « I recall from another file that there was communication with the US on this question. » »
[129] Quant à lui, M. Free a indiqué dans son affidavit :
[traduction] « La divulgation du nombre de personnes ou du nombre de citoyens canadiens sur la Liste de personnes précisées XXXXREDACTEDXXXXX aurait des conséquences négatives sur les relations avec nos alliés clés, surtout ceux aux États-Unis. »
[130] Or, lors de son contre-interrogatoire, M. Free ne peut confirmer sa déclaration :
[traduction]
« Q. Cela est votre opinion? Vous ne disposez pas de faits concrets? Vous ne disposez pas des fondements requis pour faire cette déclaration? Comme vous l’avez déclaré, les partenaires internationaux n’expriment jamais de préoccupations à l’égard de la divulgation des renseignements.
R. Je crois avoir répondu non. Je ne suis pas au courant de ces discussions. »
« Q. Si le Canada divulguait l’information sur la liste d’interdiction de vol, vous n’êtes pas au courant d’un partenaire international qui exprimerait ses inquiétudes à cet égard?
R. Non. Je ne m’attends pas non plus à ce que mon poste me donne accès à ce type d’information.
[131] De son côté, M. O’Reilly tente de décrire le préjudice que subiraient les relations internationales de la façon suivante :
[traduction]
« Q. Veuillez me fournir une explication, puisque vous faites mention dans votre affidavit des répercussions négatives de la divulgation de l’information sur les partenaires internationaux. Quelle serait la réaction des États-Unis si le nombre de personnes sur la liste était divulgué?
R. Je ne sais pas quelle serait la réaction des États-Unis. Mais je sais, d’après les partenariats que j’ai déjà établis avec d’autres, qu’il est important que les parties maintiennent un certain niveau de discrétion. Voilà pourquoi je m’attendrais à ce que les États‑Unis aient en quelque sorte une réaction négative. »
[132] Je répète que les Américains ont dévoilé l’information concernant leur liste. Toutefois, il est important de prendre en compte que, selon les contre-interrogatoires des témoins, l’ICR n’est pas connue des autorités américaines. La qualité de la preuve sur ce point est médiocre, je ne peux donc qu’y donner peu de poids.
[133] Tous les transporteurs aériens américains dont les envolées quittent en direction d’un aéroport canadien, ou encore d’un aéroport canadien, reçoivent la LPP canadienne afin de l’appliquer. Ainsi, la preuve révèle que le nombre de personnes sur la liste est connu des transporteurs américains. Les parties n’ont présenté aucune preuve établissant que les autorités américaines ne sont pas au courant de ce que les transporteurs américains connaissent. Lorsque je relis ce que le décideur écrit à ce sujet, aux pages 6 et 7 de sa décision de juin 2013, je constate qu’il n’a pas véritablement traité du sujet sauf en le commentant de façon alarmiste. Le décideur n’y apporte point les nuances appropriées. Je considère que ceci n’est pas l’exemple d’une démonstration adéquate de la raisonnabilité de l’exercice de sa discrétion exigée en de telles circonstances.
[134] Au contraire, le traitement donné à ce sujet est un autre facteur qui donne une impression que l’exercice de la discrétion n’a pas été exercé de façon raisonnable.
G. Conclusions sur l’exercice de la discrétion
[135] Pour les motifs mentionnés ci-haut, je ne crois pas que l’exercice de la discrétion ait été effectué de façon raisonnable. Certains arguments mis de l’avant par le décideur ne sont supportés par aucune, ou presque aucune preuve, ou encore presque aucun motif. De plus, lorsque le décideur a motivé sa décision, il ne répondait pas aux arguments soulevés par les demanderesses. À titre d’exemple, l’argument concernant la déclaration du ministre a été abordé, mais de façon incomplète et sans vraiment répondre aux arguments des demanderesses à ce sujet.
[136] L’argument invoquant des dommages possibles aux relations internationales entre le Canada et ses alliés semble avoir été conçu de façon à impressionner le lecteur. En plus, les motifs invoqués par le décideur se basent sur la prémisse que l’ICR n’est pas connue des autorités américaines, ce qui n’a pas été établi de façon convaincante par la preuve, bien au contraire. Les motifs mis de l’avant à ce sujet ne sont pas appuyés par la preuve et ne survivent pas à son examen.
[137] Il y a donc trois raisons qui rendent l’exercice de la discrétion déraisonnable : tel que déterminé, il a très peu de motifs traitant du passage du temps, un refus de traiter de façon sérieuse la déclaration du ministre des Transports, et enfin un total manque de preuve pour appuyer l’argument que les relations internationales avec les États-Unis et autres seraient négativement affectées.
[138] Pour ces raisons, je retourne le dossier à un autre décideur afin qu’il exerce la discrétion nécessaire et en arrive à une conclusion de façon informée. N’ayant pas le pouvoir d’exiger une nouvelle décision dans une période définie, j’exprime le souhait que ce soit fait à court terme (90 jours). Ces demandes furent faites en 2010, il y a presque six (6) ans. La demanderesse Cameron a droit aux dépens étant donné le résultat. La Commissaire à l’information n’a pas demandé de dépens.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :
- Les demandes de contrôle judiciaire sont accordées en partie puisque l’exception invoquée afin de ne pas communiquer l’information recherchée, soit l’article 15(1)c) de la LAI, est justifiée;
- Toutefois, l’exercice de la discrétion prévue à l’article 15(1) est déclarée déraisonnable et le dossier est retourné à un autre décideur afin qu’il exerce à nouveau la discrétion prévue selon les directives émises par la présente;
3. Le tout avec dépens en faveur de la demanderesse Cameron, contre le défendeur.
« Simon Noël »
Juge
ANNEXE – LÉGISLATION PERTINENTE
Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), ch A-1 |
Access to Information Act, RSC, 1985, c A-1 |
Affaires internationales et défense |
International affairs and defence |
15(1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives, notamment : |
15(1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the conduct of international affairs, the defence of Canada or any state allied or associated with Canada or the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information: |
[…] |
[…] |
c) des renseignements concernant les caractéristiques, les capacités, le rendement, le potentiel, le déploiement, les fonctions ou le rôle des établissements de défense, des forces, unités ou personnels militaires ou des personnes ou organisations chargées de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives; |
(c) relating to the characteristics, capabilities, performance, potential, deployment, functions or role of any defence establishment, of any military force, unit or personnel or of any organization or person responsible for the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities; |
[…] |
[…] |
Définitions |
Definitions |
(2) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article. |
(2) In this section, |
défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada Sont assimilés à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada les efforts déployés par le Canada et des États étrangers pour détecter, prévenir ou réprimer les activités entreprises par des États étrangers en vue d’une attaque réelle ou éventuelle ou de la perpétration d’autres actes d’agression contre le Canada ou des États alliés ou associés avec le Canada. (defence of Canada or any state allied or associated with Canada) |
defence of Canada or any state allied or associated with Canada includes the efforts of Canada and of foreign states toward the detection, prevention or suppression of activities of any foreign state directed toward actual or potential attack or other acts of aggression against Canada or any state allied or associated with Canada; (défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada) |
activités hostiles ou subversives |
subversive or hostile activities means |
a) L’espionnage dirigé contre le Canada ou des États alliés ou associés avec le Canada; |
a) espionage against Canada or any state allied or associated with Canada, |
b) le sabotage; |
b) sabotage, |
c) les activités visant la perpétration d’actes de terrorisme, y compris les détournements de moyens de transport, contre le Canada ou un État étranger ou sur leur territoire; |
c) activities directed toward the commission of terrorist acts, including hijacking, in or against Canada or foreign states, |
d) les activités visant un changement de gouvernement au Canada ou sur le territoire d’États étrangers par l’emploi de moyens criminels, dont la force ou la violence, ou par l’incitation à l’emploi de ces moyens; |
d) activities directed toward accomplishing government change within Canada or foreign states by the use of or the encouragement of the use of force, violence or any criminal means, |
e) les activités visant à recueillir des éléments d’information aux fins du renseignement relatif au Canada ou aux États qui sont alliés ou associés avec lui; |
e) activities directed toward gathering information used for intelligence purposes that relates to Canada or any state allied or associated with Canada, and |
f) les activités destinées à menacer, à l’étranger, la sécurité des citoyens ou des fonctionnaires fédéraux canadiens ou à mettre en danger des biens fédéraux situés à l’étranger. (subversive or hostile activities) |
f) activities directed toward threatening the safety of Canadians, employees of the Government of Canada or property of the Government of Canada outside Canada. (activités hostiles ou subversives) |
Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé |
Order of Court where no authorization to refuse disclosure found |
49 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué. |
49 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of a provision of this Act not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate. |
Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré |
Order of Court where reasonable grounds of injury not found |
50 Dans les cas où le refus de communication totale ou partielle du document s’appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le refus n’était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué. |
50 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of section 14 or 15 or paragraph 16(1)(c) or (d) or 18(d), the Court shall, if it determines that the head of the institution did not have reasonable grounds on which to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : |
T-911-14 ET T-912-14 |
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INTITULÉ : |
LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA ET AL c LE MINISTRE DES TRANSPORTS DU CANADA |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
OTTAWA (ONTARIO) |
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DATE DE L’AUDIENCE À HUIS CLOS : |
LE 20 JANVIER 2016 |
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DATE DE L’AUDIENCE PUBLIQUE : |
LE 21 JANVIER 2016 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE SIMON NOËL |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 20 AVRIL 2016 |
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COMPARUTIONS :
Me Sylvain Lussier et Me Diane Therrien |
POUR LA DEMANDERESSE LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA |
Me Christian Leblanc |
POUR LA DEMANDERESSE DAPHNÉ CAMERON |
Me Sara Gauthier et Me Marieke Bouchard |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DES TRANSPORTS DU CANADA |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Osler, Hoskin & Harcourt LLP Montréal (Québec) |
POUR LA DEMANDERESSE LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA |
Commissariat à l’information Gatineau (Québec) |
POUR LA DEMANDERESSE LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA |
Fasken Martineau DuMoulin Montréal (Québec)
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POUR LA DEMANDERESSE DAPHNÉ CAMERON
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DES TRANSPORTS DU CANADA |