Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160426


Dossier : IMM-4567-15

Référence : 2016 CF 470

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

NANA OHEMAA PINAMANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI), dans laquelle la SAI a accepté la décision d’un agent des visas (l’agent) visant à refuser le visa de résident permanent à la fille de la demanderesse, Priscilla Abigail Kotey. L’agent a jugé que Mme Kotey n’est pas membre du regroupement familial puisqu’elle ne satisfait pas à la définition d’un « enfant à charge » en vertu de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

[2]               La demanderesse est une résidente permanente du Canada. En 2000, elle a demandé à parrainer la demande de résidence permanente de ses trois enfants. Deux de ces demandes ont été acceptées, mais, le 11 mai 2005, la demande de Mme Kotey a été refusée.

[3]               L’appel de cette décision a été accueilli le 21 juin 2006. Le 13 janvier 2009, cependant, la demande de parrainage de Mme Kotey a été refusée une autre fois pour des motifs qui ne sont pas importants pour le présent contrôle judiciaire. Ce qui importe, c’est que la demanderesse allègue qu’elle n’a pas été informée de ce rejet et qu’elle en a eu seulement connaissance en 2011.

[4]               La demanderesse a par la suite présenté une nouvelle demande pour parrainer Mme Kotey le 18 novembre 2011. À ce moment, Mme Kotey, née le 16 février 1986, était âgée de 25 ans. Elle a fréquenté l’école de 1992 à 1994, puis de 1995 à 2001. Elle a ensuite fréquenté une école de secrétariat en 2012 pendant le traitement de sa demande. Lorsqu’on lui a demandé de fournir plus de renseignements, Mme Kotey a expliqué que, pendant la période de 2001 à 2012, elle n’était pas à l’école puisqu’elle s’occupait de son enfant. Un acte de naissance a été fourni divulguant que sa fille, Princess Emmanuela Pinamang, est née le 14 février 2003.

[5]               Le 6 février 2014, l’agent a rejeté la demande puisque Mme Kotey ne satisfaisait pas à la définition d’un « enfant à charge » étant donné qu’elle n’était pas inscrite sans cesse à un établissement d’enseignement postsecondaire depuis qu’elle avait atteint l’âge de 22 ans. La demanderesse a interjeté appel de la décision de la SAI peu après.

[6]               La SAI a convenu que la fille de la demanderesse ne satisfaisait pas à la définition d’un « enfant à charge » en vertu du Règlement. La SAI a d’abord souligné que Mme Kotey n’était pas une étudiante à temps plein entre les années scolaires 2001-2002 et 2010-2011. La SAI a ensuite examiné la définition d’un « enfant à charge » dans le Règlement en vigueur au moment du rejet de 2014 :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[...]

Un enfant à charge est un enfant qui [...], par rapport à l’un de ses parents :

[...]

(ii) [...] est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle [...]

[7]               La SAI a souligné que la fille de la demanderesse est née le 16 février 1986 et qu’elle a donc atteint l’âge de 22 ans le 16 février 2008. Par conséquent, elle devait prouver qu’elle était inscrite de façon continue à un établissement d’enseignement depuis 2008. Puisque l’avocat de la demanderesse a admis que Mme Kotey n’était pas une étudiante à temps plein pendant la période de 2001 à 2011, un fait confirmé par les observations de la fille de la demanderesse, il était impossible de conclure que Mme Kotey était inscrite de façon continue à des études à temps plein pendant la période de 2008 à 2011. Par conséquent, la SAI a rejeté l’appel.

II.                Analyse

[8]               La norme de contrôle qui s’applique pour déterminer si une personne appartient à la catégorie du regroupement familial est la celle de la décision raisonnable (Fang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 733, au paragraphe 18). Dans un examen du caractère raisonnable, la Cour doit adopter une approche fondée sur la retenue et ne pas imposer sa propre analyse. Tant que la décision est une solution rationnelle, justifiable, transparente et intelligible, elle ne devrait pas être modifiée (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[9]               La demanderesse soutient que Mme Kotey était en congé de maternité de 2001 à 2011 et que la SAI a commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas une étudiante à temps plein pendant cette période. La demanderesse fait valoir que, pour conclure ainsi, la SAI a déraisonnablement omis de faire preuve de souplesse à l’égard du concept d’inscription continue. Pour en arriver à cette conclusion, la demanderesse s’est appuyée sur divers cas de la SAI, lesquels ne lient pas la Cour. Elle a aussi fait référence à deux décisions de la Cour fédérale, notamment Dimonekene c. Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 675, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Dimonekene, 2008 CAF 102, inf., et Gill c. Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 365.

[10]           En bref, la demanderesse avance qu’il était déraisonnable de conclure que Mme Kotey n’était pas visée par la définition du Règlement lorsque les dossiers démontrent qu’elle a fréquenté l’école, qu’elle a quitté l’école pour un congé de maternité, après quoi elle est retournée aux études : elle avait clairement l’intention de poursuivre ces études.

[11]           De plus, la demanderesse soutient que Mme Kotey n’aurait pas été en mesure d’être inscrite sans cesse à un établissement d’enseignement, selon la stricte définition de la SAI, puisque, d’après le droit ghanéen, un parent qui prive son enfant de bien-être est punissable par déclaration sommaire de culpabilité. En d’autres mots, elle n’avait pas le choix de prendre un congé. Si on interprète d’une autre façon la notion d’inscription sans cesse, cela nécessiterait l’adoption d’une approche rigide, ce qui va à l’encontre de la jurisprudence.

[12]           Je ne peux pas être d’accord avec les observations de la demanderesse sur ces points. Au contraire, je trouve que l’interprétation de la loi et de la jurisprudence par la SAI est à la fois sensée et entièrement raisonnable. Premièrement, la demanderesse n’a pas pu présenter des précédents dans lesquels on avait prouvé une inscription en continu pendant une période aussi longue que celle en l’espèce.

[13]           Deuxièmement, l’argument visant le « congé de maternité » n’explique pas pourquoi Mme Kotey a quitté l’école en 2001, alors que son enfant est seulement né en 2003. Aucune explication suffisante ou crédible n’a été donnée à cet écart. En d’autres mots, même si l’on devait considérer la période de 2003 à 2011 comme étant un congé de maternité, ce qui, selon moi, n’a aucun fondement en droit, cela ne justifie pas l’interruption des études avant la naissance de son enfant.

[14]           Enfin, l’écart d’une décennie entre les dates d’inscription à des institutions d’enseignement fait en sorte que l’exception établie par la définition de « enfant à charge » ne peut pas s’appliquer à la fille de la demanderesse puisqu’on ne peut pas dire que Mme Kotey est étudiante depuis avant l’âge de 22 ans et qu’elle « suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle ».

[15]           La demanderesse soutient que les circonstances de pauvreté de sa fille devraient servir à justifier la longue interruption dans ses études. Toutefois, même si ces arguments et toute autre observation semblable d’ordre humanitaire semblaient convaincants, la SAI a tout de même conclu raisonnablement, conformément à l’article 65 de la Loi, qu’elle n’avait pas la compétence pour prendre en considération des facteurs d’ordre humanitaire puisque la fille de la demanderesse ne satisfait pas à la définition d’un membre du regroupement familial :

65. Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

[16]            Enfin, la demanderesse affirme n’avoir jamais reçu d’avis du rejet de sa demande en 2009 (soit sa première demande de parrainage), ce qui est une violation des principes de justice naturelle, et elle rajoute que le défaut de la SAI d’aborder cette violation était une erreur, susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[17]           Le défendeur souligne à juste titre, cependant, que la décision de la SAI visée en l’espèce est un appel à la décision rendue en 2014, non celle rendue en 2009. Par conséquent, la SAI peut seulement examiner convenablement les objections fondées sur la décision ultérieure.

III.             Conclusion

[18]           Même si l’avocat de la demanderesse lui a fourni une représentation habile et a fait tout son possible pour présenter d’emblée le meilleur dossier possible pour sa cliente à ce stade avancé de l’instance, il n’y a aucun fondement pouvant justifier la contestation de la décision de la SAI. Il s’agit d’une interprétation et d’une application raisonnable du droit en fonction des faits présentés.

IV.             Jugement

[19]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est formulée pour être certifiée, et aucuns dépens ne sont accordés.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.       Aucune question n’est formulée pour être certifiée, et aucuns dépens ne sont accordés.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4567-15

 

INTITULÉ :

NANA OHEMAA PINAMANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

William Fuhgeh

Pour la demanderesse

Sanam Goudarzi

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William Fuhgeh

Avocat

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.