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Date : 20160406


Dossier : T-1381-07

Référence : 2016 CF 381

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2016

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

THE WINNING COMBINATION INC.

demanderesse

et

CANADA (MINISTRE DE LA SANTÉ) ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F-7, à l’encontre d’une série de décisions connexes de la part de Santé Canada et de ses organismes relativement au produit RESOLVE de The Winning Combination Inc. [TWC]. La première décision, en date du 19 juillet 2007 [première décision], rejetait la demande de licence de mise en marché [DLMM] visant le produit de TWC en raison de préoccupations liées à l’innocuité et à l’efficacité. La deuxième décision, en date du 21 août 2007 [deuxième décision], rejetait la DLMM de TWC au motif que RESOLVE était un médicament et non pas un produit de santé naturel [PSN]. TWC demande également le contrôle judiciaire de toutes les décisions ultérieures de Santé Canada et de ses organismes en ce qui concerne la DLMM visant RESOLVE, lesquelles ont été rendues au cours du processus de réexamen qui s’est déroulé du 7 avril 2008 au 30 janvier 2012 [décisions ultérieures].

II.                CONTEXTE

[2]               TWC commercialise des PSN, dont RESOLVE, une aide au sevrage tabagique qui contient une matière active confidentielle [matière active]. RESOLVE a été commercialisé par la demanderesse jusqu’en juillet 2007.

[3]               Le défendeur, Santé Canada, ainsi que certains de ses organismes, est chargé d’administrer, de commercialiser et d’approuver la vente de certains produits visés par la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, ch. F-27 [Loi] et ses règlements, y compris par le Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003-196 [Règlement sur les PSN].

[4]               Le Règlement sur les PSN est entré en vigueur en 2004. Cette même année, Applied Food and Specialities Inc., la société qui a vendu RESOLVE à TWC, a déposé une DLMM visant RESOLVE (à l’époque appelé NicCessTM Cesteminol 350TM) auprès de la Direction des produits de santé naturels (DPSN), une division de Santé Canada relevant de la Direction générale des produits de santé et des aliments. En se fondant sur le Dictionary of Natural Products [DNP], la DPSN a initialement conclu, le 2 décembre 2004, que RESOLVE répondait à la définition d’un PSN, comme il est énoncé dans le Règlement sur les PSN.

[5]               En 2006, Applied Food and Specialties Inc. a vendu et cédé à TWC tous ses droits de propriété à l’égard de RESOLVE; un avis écrit de cet échange a été fourni à la DPSN le 12 avril 2006. TWC a ainsi adopté le statut de demanderesse en lien avec la DLMM visant RESOLVE.

[6]               RESOLVE est arrivé sur le marché canadien en 2006. Plus tard cette année-là en décembre, Pfizer, un concurrent de la demanderesse, a présenté à Santé Canada des allégations concernant la non-conformité de RESOLVE avec les normes de commercialisation et de publicité en vigueur ainsi que des préoccupations pour la santé associées au produit, qui faisait toujours l’objet d’une DLMM. À la suite de cette plainte, Santé Canada a entrepris une nouvelle évaluation de RESOLVE.

[7]               Des documents réglementaires, appelés évaluations du danger pour la santé [EDS], ont été produits par le Bureau des essais cliniques et des sciences de la santé afin de permettre à l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments [Inspectorat] de mener des activités de conformité et d’application de la loi. En général, ces évaluations ont pour but de recenser le niveau de risque découlant d’un problème cerné et d’éclairer des mesures visant à atténuer les risques potentiels pour la santé associés au produit, le cas échéant. À compter du 1er avril 2011, ces documents étaient connus sous le nom d’« évaluations des risques pour la santé humaine ».

[8]               Le Dr Robin Marles, directeur du Bureau des essais cliniques et des sciences de la santé, a supervisé le processus d’évaluation du danger pour la santé. En raison des préoccupations pour la santé recensées lors de la première EDS [EDS no 1], l’Inspectorat a demandé à TWC, dans une lettre d’avertissement envoyée le 4 mai 2007, de retirer RESOLVE du marché. Selon les éléments de preuve de l’EDS no 1, Santé Canada a conclu que RESOLVE contenait une substance prétendument obtenue à partir de la passiflore et que sa consommation était susceptible d’entraîner des conséquences indésirables pour la santé, du moins temporairement.

[9]               Cette première évaluation a été suivie de cinq autres, publiées entre le 23 avril 2007 et le 17 juillet 2007. TWC a fourni des renseignements en réponse à ces EDS, y compris des observations selon lesquelles RESOLVE ne contenait aucun extrait de passiflore ou de sapin baumier, ce que la DPSN affirme avoir pris en compte, tout comme l’ensemble des éléments de preuve de TWC. L’Inspectorat a envoyé une deuxième lettre d’avertissement à TWC le 20 juin 2007.

[10]           Le 28 juin 2007, TWC et les fonctionnaires de Santé Canada ont assisté à une réunion au cours de laquelle le Dr Marles a confirmé que RESOLVE ne contenait pas de passiflore résiduelle. L’Inspectorat a soutenu néanmoins que le rappel du produit était nécessaire. Le 27 juillet 2007, Santé Canada a publié un avis de santé publique concernant RESOLVE.

[11]           En ce qui concerne l’interaction et les interrelations entre les activités de conformité menées par l’Inspectorat et les activités d’évaluation des DLMM menées par la DPSN, les défendeurs soutiennent que ces activités ne sont pas entièrement distinctes et indépendantes. Les défendeurs affirment que les activités de conformité et d’application de la loi menées par l’Inspectorat sont forcément éclairées par les activités de classification des produits et d’évaluation du danger pour la santé menées par les bureaux de la DPSN à qui il incombe d’évaluer les demandes de licence de mise en marché et les risques.

III.             DÉCISIONS FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

A.                La première décision

[12]           La demande de licence de mise en marché de TWC a été rejetée par la DPSN par voie d’un avis de rejet (première décision) daté du 19 juillet 2007. Après que RESOLVE a été désigné comme un danger pour la santé de type II au titre de la sixième évaluation du danger pour la santé [EDS no 6] datant du 17 juillet 2007, une troisième lettre d’avertissement comportant un avis d’arrêt de vente et de rappel a également été envoyée le jour même par l’Inspectorat. Un danger pour la santé de type II signifie que la consommation d’un produit ou l’exposition à celui‑ci peut entraîner des conséquences indésirables modérées pour la santé sur une base temporaire.

[13]           La DPSN a refusé la demande de licence de mise en marché soumise par la demanderesse en vertu des alinéas 7a) et d) du Règlement sur les PSN et au motif que TWC n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour étayer l’innocuité et l’efficacité de RESOLVE lorsqu’il est consommé selon les conditions d’usage recommandées.

[14]           Après la publication de la première décision, la demanderesse a déposé une demande de réexamen le 26 juillet 2007, en vertu du paragraphe 9(2) du Règlement sur les PSN, suivie de ses documents justificatifs le 30 août 2007.

[15]           La demanderesse a également déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de la première décision le 27 juillet 2007.

B.                 La deuxième décision

[16]           Santé Canada a indiqué, par voie d’un avis de rejet (deuxième décision) datant du 21 août 2007, qu’au terme d’un nouvel examen, le motif principal du rejet de la DLMM de TWC avait été rajusté : RESOLVE n’était pas un PSN, mais plutôt un médicament, de sorte qu’il est visé par le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, ch. 870 [Règlement sur les aliments et drogues]. Cette nouvelle classification de RESOLVE a eu une incidence importante sur la conformité, en ce sens qu’elle interdisait concrètement la vente de RESOLVE à titre de médicament non homologué devant être retiré du marché, peu importe son niveau d’innocuité et d’efficacité. Afin d’obtenir une autorisation de mise en marché, TWC devrait déposer une présentation de nouvelle drogue en vue d’un avis de conformité.

C.                 Les décisions ultérieures

[17]           Tout au long du processus de demande de réexamen, et à l’appui de sa DLMM, la demanderesse a continué de déposer des documents entre le mois d’août 2007 et le 30 janvier 2012. Pendant cette période, Santé Canada a maintenu sa position selon laquelle RESOLVE n’était pas un PSN et que son efficacité n’avait pas été établie, pour finalement retirer ses oppositions à l’égard de l’innocuité.

(1)               Réexamen de premier palier

[18]           La DPSN a rendu sa décision de réexamen de premier palier le 7 avril 2008 et s’est penchée sur les éléments de preuve supplémentaires que lui avait fournis TWC au sujet de l’innocuité et de l’efficacité de RESOLVE. La DPSN a fini par maintenir sa décision initiale selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la matière active est un PSN. Elle a également fait savoir qu’aucune conclusion concernant l’innocuité et l’efficacité de RESOLVE ne pouvait être tirée qu’après avoir examiné une demande d’autorisation de mise sur le marché conformément à la partie C du Règlement sur les aliments et drogues. En ce qui concerne les données présentées par TWC pour démontrer que la matière active est présente dans la nature, la DPSN n’était pas convaincue que les résultats étaient fiables.

[19]           Le 18 septembre 2008, la DPSN a avisé TWC que le refus de sa DLMM en raison de préoccupations liées à l’innocuité et à l’efficacité avait d’abord été renversé en ce qui concerne l’innocuité, mais confirmé par la suite en raison de l’insuffisance des éléments de preuve permettant de démontrer que RESOLVE était efficace selon les conditions d’usage prévues. TWC s’est également vu offrir la possibilité de poursuivre le réexamen, ce qu’elle a fait le 1er octobre 2008.

(2)               Réexamen de deuxième palier

[20]           Dans une lettre envoyée le 22 juillet 2009, la DPSN a délivré un avis définitif concernant la deuxième demande de réexamen de la classification et de l’efficacité du produit en vertu du paragraphe 10(2) du Règlement sur les PSN. La lettre confirmait la décision initiale de la DPSN et faisait référence à une étude soumise par TWC, la jugeant insuffisante pour établir RESOLVE comme un PSN. Par conséquent, la question de l’efficacité de RESOLVE comme produit de santé naturel avait uniquement un intérêt théorique. La finalité de cette lettre a été confirmée dans une lettre ultérieure, datée du 19 octobre 2009, dans laquelle la DPSN a indiqué que si TWC souhaitait poursuivre le processus d’obtention d’une licence de produit pour RESOLVE, elle pouvait le faire en vertu du Règlement sur les aliments et drogues.

[21]           Le 20 septembre 2011, la DPSN a fait parvenir une autre lettre à TWC lui indiquant que même si elle avait reçu une demande de réexamen datée du 15 août 2011, elle maintenait sa décision de refuser d’octroyer une licence de produit et qu’aucun autre examen de la DLMM n’aurait lieu.

[22]           Le 30 janvier 2012, la DPSN a fait parvenir une lettre en réponse aux nouveaux renseignements présentés par TWC. Dans cette lettre, la DPSN reconnaissait que les renseignements avaient été examinés, mais elle confirmait que la matière active n’était pas un PSN et qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de démontrer l’efficacité de RESOLVE. Sa décision de rejeter la demande était définitive, et cette lettre constituait sa dernière correspondance relativement au processus de réexamen.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[23]           TWC a soulevé toute une gamme de questions que je vais résumer d’une manière générale et traiter en détail plus loin;

1)      l’interprétation législative du Règlement sur les PSN en ce qui concerne l’efficacité;

2)      si l’équité procédurale a été accordée à TWC;

3)      Santé Canada a-t-il omis de se conformer aux lois, règlements, politiques et procédures normales d’exploitation applicables au cours du processus d’examen et de réexamen de la DLMM?

4)      Santé Canada a-t-il fait preuve de mauvaise foi, de parti pris, de manque d’indépendance, de manque d’impartialité, de discrimination ou de conflit d’intérêts dans sa prise de décision?

5)      si Santé Canada était dessaisi après la première décision;

6)      la pertinence juridique et l’effet du processus de réexamen;

7)      si l’une des décisions répondait à la norme du caractère raisonnable.

V.                NORME DE CONTRÔLE

[24]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse de la norme de contrôle dans tous les cas. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente des principes de common law concernant le contrôle judiciaire que la cour de révision procédera à l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, paragraphe 48 [Agraira].

[25]           Toutes les questions d’équité procédurale (mauvaise foi, parti pris, manque d’indépendance et d’impartialité, discrimination ou conflit d’intérêts) seront examinées selon la norme de la décision correcte et en conformité avec les critères et la jurisprudence applicables à ces questions.

[26]           TWC soutient que la norme de la décision correcte devrait s’appliquer à l’interprétation du Règlement sur les PSN en l’espèce. À titre subsidiaire, si la norme du caractère raisonnable devait s’appliquer, TWC prétend que, dans l’éventualité où les outils ordinaires d’interprétation législative conduisent à une interprétation raisonnable unique qui diffère de celle adoptée par le ministre, son interprétation sera forcément déraisonnable, et aucun degré de déférence ne justifiera son acceptation : McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67.

[27]           Les défendeurs soutiennent que lorsque les connaissances scientifiques constituent un élément factuel de la décision, le caractère raisonnable s’appliquera : Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2012 CAF 322, paragraphe 41. Les tribunaux ont accordé une déférence particulière à Santé Canada au moment du dépôt des présentations de drogue nouvelle, étant donné que le processus d’approbation constitue un domaine complexe et technique de l’administration publique : Corporation de soins de santé Hospira c. Canada (Procureur général), 2010 CF 213, paragraphe 33.

[28]           La jurisprudence indique clairement que le caractère raisonnable est la bonne norme à appliquer, tant pour l’interprétation par le ministre du Règlement sur les PSN que pour les décisions concernant la DLMM de TWC : Technologies pharmaceutiques canadien international (C.P.T.) Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 708. La troisième question à trancher sera donc examinée selon la norme du caractère raisonnable.

[29]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si les décisions sont déraisonnables en ce sens qu’elles n’appartiennent pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[30]           Les dispositions suivantes du Règlement sur les PSN sont pertinentes en l’espèce :

Définitions

Interpretation

« produit de santé naturel » Substance mentionnée à l’annexe 1, combinaison de substances dont tous les ingrédients médicinaux sont des substances mentionnées à l’annexe 1, remède homéopathique ou remède traditionnel, qui est fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir :

“natural health product” means a substance set out in Schedule 1 or a combination of substances in which all the medicinal ingredients are substances set out in Schedule 1, a homeopathic medicine or a traditional medicine, that is manufactured, sold or represented for use in

(a) au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes chez l’être humain;

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state or its symptoms in humans;

(b) à la restauration ou à la correction des fonctions organiques chez l’être humain;

(b) restoring or correcting organic functions in humans; Or

(c) à la modification des fonctions organiques chez l’être humain telle que la modification de ces fonctions de manière à maintenir ou promouvoir la santé. La présente définition exclut les substances mentionnées à l’annexe 2, toute combinaison de substances qui contient une substance mentionnée à l’annexe 2 et tout remède homéopathique ou remède traditionnel qui est une substance mentionnée à l’annexe 2 ou qui contient l’une de ces substances.

(c) modifying organic functions in humans, such as modifying those functions in a manner that maintains or promotes health. However, a natural health product does not include a substance set out in Schedule 2, any combination of substances that includes a substance set out in Schedule 2 or a homeopathic medicine or a traditional medicine that is or includes a substance set out in Schedule 2.

Demande

Licence Application

5. La demande de licence de mise en marché est présentée au ministre et comporte les renseignements et documents suivants :

5. An application for a product licence shall be submitted to the Minister and shall contain the following information and documents:

(a) le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et, le cas échéant, le numéro de télécopieur et l’adresse électronique du demandeur.

(a) the name, address and telephone number, and if applicable, the facsimile number and electronic mail address of the applicant;

(b) si l’adresse visée à l’alinéa (a) est un lieu situe à l’extérieur du Canada, le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et, le case échéant, le numéro de télécopieur et l’adresse électronique du représentant du demandeur au Canada à qui les avis peuvent être expédies;

(b) if the address submitted under paragraph (a) is not a Canadian address, the name, address and telephone number, and if applicable, the facsimile number and electronic mail address of the applicant’s representative in Canada to whom notices may be sent;

(c) pour chacun des ingrédients médicinaux contenus dans le produit :

(c) for each medicinal ingredient of the natural health product,

(i) son nom propre et son nom usuel,

(i) its proper name and its common name,

(ii) sa quantité par unité posologique,

(ii) its quantity per dosage unit,

(iii) son activité si l’une des étiquettes du produit comporte une déclaration à l’égard de celle-ci,

(iii) its potency, if a representation relating to its potency is to be shown on any label of the natural health product,

(iv) une description de sa matière d’origine,

(iv) a description of its source material, and

(v) une mention indiquant s’il s’agit d’un ingrédient fabriqué synthétiquement;

(v) a statement indicating whether it is synthetically manufactured;

(d) une liste qualitative des ingrédients non médicinaux qu’on se propose d’incorporer au produit de santé naturel ainsi que, pour chacun de ces ingrédients, une mention indiquant à quelle fins l’ingrédient serait incorpore au produit;

(d) a qualitative list of the non-medicinal ingredients that are proposed for the natural health product and for each ingredient listed, a statement that indicates the purpose of the ingredient;

(e) chacune des marques nominatives sous lesquelles le produit est destiné à être vendu;

(e) each brand name under which the natural health product is proposed to be sold;

(f) les conditions d’utilisation recommandées du produit;

(f) the recommended conditions of use for the natural health product;

(g) les renseignements montrant l’innocuité et l’efficacité du produit lorsqu’il est utilisé selon les conditions d’utilisation recommandées;

(g) information that supports the safety and efficacy of the natural health product when it is used in accordance with the recommended conditions of use;

(h) le texte à utiliser sur chacune des étiquettes du produit;

(h) the text of each label that is proposed to be used in conjunction with the natural health product;

(i) un exemplaire des spécifications auxquelles le produit devra se conformer;

(i) a copy of the specifications to which the natural health product will comply; and

(j) l’une des attestations suivantes :

(j) one of the following attestations, namely,

(i) dans le cas d’un produit de santé naturel importé, une attestation du demandeur établissant que le produit de santé naturel sera fabriqué, emballé, étiqueté, importé, distribué et entreposé conformément aux exigences prévues à la partie 3 ou à des exigences équivalentes,

(i) if the natural health product is imported, an attestation by the applicant that the natural health product will be manufactured, packaged, labelled imported, distributed and stored in accordance with the requirements set out in Part 3 or in accordance with requirements that are equivalent to those set out in Part 3, or

(ii) dans le cas d’un produit de santé naturel qui n’est pas importé, une attestation du demandeur établissant que le produit de santé naturel sera fabriqué, emballé, étiqueté, distribué et entreposé conformément aux exigences prévue à la partie 3.

(ii) if the natural health product is not imported, an attestation by the applicant that the natural health product will be manufactured, packaged, labelled, distributed and stored in accordance with requirements set out in Part 3.

Délivrance et Modification

Issuance and Amendment

7. Le ministre délivre ou modifie la licence de mise en marché si les conditions suivantes sont réunies :

7. The Minister shall issue or amend a product licence if

(a) le demandeur présente au ministre une demande conforme à l’article 5 ou au paragraphe 11(2), selon le cas;

(a) the applicant submits an application to the Minister that is in accordance with section 5 or subsection 11(2), as the case may be;

(b) le demandeur fournit au ministre les renseignements complémentaires ou les échantillons demandes en vertu de l’article 15;

(b) the applicant submits to the Minister all additional information or samples requested under section 15;

(c) le demandeur ne fait pas de déclaration fausse ou trompeuse dans sa demande;

(c) the applicant does not make a false or misleading statement in the application; and

(d) la délivrance ou la modification de la licence ne risque pas de cause un préjudice à la santé de l’acheteur ou du consommateur.

(d) the issuance or amendment of the licence, as the case may be, is not likely to result in injury to the health of a purchaser or consumer.

VII.          ARGUMENTS

A.                Demanderesse

(1)               Équité procédurale

[31]           TWC fait valoir que cette demande de licence est empreinte d’un manquement à l’équité procédurale depuis le mois de janvier 2007 et que l’examen de la DLMM visant RESOLVE n’a pas été effectué de manière équitable et impartiale. TWC s’est vu refuser les éléments de base de l’équité procédurale en ce qui concerne les première et deuxième décisions, y compris l’avis et la possibilité d’être entendue. La DPSN a dévié de sa procédure courante ainsi que des attentes légitimes de TWC. Les décisions de la DPSN font preuve de partialité, de préjugé, d’esprit étroit et de mauvaise foi.

[32]           TWC renvoie à une série de mesures injustes sur le plan procédural et d’omissions de la part de la DPSN faites en lien avec la DLMM visant RESOLVE qui rendent les décisions administratives en question nulles ab initio :

        l’envoi de la lettre d’avertissement du 4 mai 2007 même après s’être demandée s’il était logique de le faire et sans donner à TWC un préavis ou la possibilité d’y réagir;

        la création d’une « cible mobile » en déposant de nouvelles allégations et en invoquant de nouveaux motifs pour prendre des mesures de conformité ou pour rejeter la DLMM chaque fois que TWC répondait aux allégations;

        l’admission de M. Gustafson, inspecteur de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments, en date du 28 juin 2007, selon laquelle TWC n’allait obtenir aucune licence, quels que soient les renseignements qu’elle fournissait;

        l’intrusion non autorisée du Dr Marles dans la gestion efficace du processus de DLMM, malgré le conflit d’intérêts émanant du fait qu’il était l’auteur des EDS et malgré les mesures de conformité sévères qui en ont résulté;

        la mise de côté du rapport d’examen initial sur l’innocuité et l’efficacité du 19 juin 2007, qui étayait l’innocuité du produit et qui aurait dû clore toute question concernant l’innocuité;

        la délivrance des deux avis de rejet (les première et deuxième décisions) sans aucun avis de demande d’information préalable et donc, aucune volonté de prendre en compte tout élément de preuve supplémentaire qui aurait pu être obtenu quant à l’innocuité, à l’efficacité ou à la classification;

        la publication de l’EDS no 6 sur la base de trois allégations nouvelles et non fondées sur l’innocuité, sans donner à TWC un préavis ou la possibilité d’y réagir;

        la mise de côté d’un rapport de toxicologie confirmant l’innocuité du produit, sans aucune preuve de toxicologie à l’effet contraire, et l’utilisation erronée du même rapport pour alléguer un nouveau problème d’innocuité;

        l’utilisation des déclarations d’effets indésirables comme l’une des raisons pour justifier l’EDS no 6, tout comme la décision de rejeter le produit alors qu’elle était très ténue et fondée sur une hypothèse erronée en ce qui concerne la passiflore, sans donner à TWC la possibilité d’y réagir;

        le fait de désinformer le sous-ministre délégué, d’autres hauts fonctionnaires de Santé Canada, l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments et TWC concernant l’état de la DLMM et, plus particulièrement, le fait de ne pas les informer que le rapport d’examen initial sur l’innocuité et l’efficacité avait étayé l’innocuité du produit;

        le fait de fonder la première décision sur l’EDS no 6 plutôt que sur un rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité dûment rempli conformément à la procédure courante, puis de délivrer l’avis de rejet avant la conclusion du rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité;

        le fait de poursuivre, avec un excès de zèle, la question de la classification, même après avoir rendu la première décision, et le fait de rendre la deuxième décision sans informer TWC que la classification posait désormais un problème;

        le fait de rendre la deuxième décision, même si la matière active était toujours considérée, à ce moment-là, comme une substance naturelle par la DPSN et le DNP.

        le fait de prendre l’initiative sans précédent d’exercer des pressions sur les responsables du DNP afin qu’ils radient la matière active de la liste des substances naturelles;

        le fait de délivrer un avis public alors qu’aucun risque « imminent » de dommage « grave ou irréversible » n’existait, et ce, après que TWC a déjà accepté de rappeler le produit.

(2)               Classification

[33]           En plus des considérations d’équité procédurale, TWC fait valoir que la deuxième décision devrait être annulée pour plusieurs motifs, comme l’étoffement, le principe du dessaisissement, l’épuisement des pouvoirs discrétionnaires, la préclusion et l’absence de pouvoir délégué.

[34]           TWC soutient que la deuxième décision était une tentative de justifier encore davantage le refus de licence précédent en prévision des dommages-intérêts que TWC était susceptible de réclamer.

[35]           TWC insiste que la conclusion tirée de la deuxième décision en ce qui concerne la classification ne découlait pas d’essais ou d’éléments de preuve scientifiques. La deuxième décision rendue par la DPSN résulte entièrement d’une erreur présumée dans le DNP sans que les responsables du DNP ou TWC en soient mis au courant. TWC soutient qu’elle a comblé l’absence d’éléments de preuve que la DPSN avait présumée en fournissant des éléments de preuve accablants, y compris des rapports et des essais scientifiques de deux laboratoires différents ainsi qu’un article publié évalué par les pairs. La DPSN a néanmoins continué de critiquer les éléments de preuve présentés par TWC, a déposé et conservé ses propres rapports et a refusé, à plusieurs reprises, d’annuler l’avis de rejet de classification de la deuxième décision tout au long du processus de réexamen.

[36]           La DLMM a été conclue sous la seule réserve du droit de TWC de demander un réexamen. Par conséquent, TWC déclare que le ministre était dessaisi par rapport à la DPSN, car le Règlement sur les PSN ne prévoit aucun droit unilatéral du ministre de réexaminer une décision. Le ministre n’avait pas compétence pour rendre un nouveau rejet de la DLMM pour des motifs de classification (comme cela a été fait dans la deuxième décision) ou pour tout autre motif : Canadian Association of Film Distributors and Exporters c. Society for Reproduction Rights of Authors, Composers and Publishers in Canada (SODRAC) inc., 2014 CAF 235, paragraphes 58 et 68 à 75; Chum Ltd c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 142; Baudisch c. Canada (Civil Aviation Tribunal), [1997] 129 FTR 241.

[37]           À titre subsidiaire, même si le principe de dessaisissement ne s’applique pas, il convient de noter qu’en date du 21 août 2007, la matière active était toujours inscrite au DNP en tant que substance naturelle. Le DNP a été adopté par la DPSN comme étant la norme définitive de classification des PSN, et on fait donc valoir que le ministre était lié par la classification du DNP tel qu’elle existait le 19 juillet 2007 et le 21 août 2007, et au moment des décisions de classification antérieures de la DPSN. Le ministre était empêché, ou n’était pas en droit, de renverser ces décisions ou de rendre la deuxième décision. En revanche, l’abandon de la norme du DNP était discriminatoire et constituait un écart important par rapport à la procédure acceptée et aux attentes légitimes de TWC.

(3)               Innocuité

[38]           RESOLVE avait été désigné comme un PSN à trois reprises avant le refus de sa DLMM dans le contexte de la première décision. Même si la classification de la matière active a été mise en doute avant le 19 juillet 2007, la première décision a été rendue uniquement sur la base de l’innocuité et de l’efficacité.

[39]           Même s’il est clair, et Santé Canada l’a admis, que les préoccupations liées à l’innocuité n’auraient pas dû être invoquées dans le refus de la DLMM au départ, TWC fait valoir qu’elle n’a eu aucune possibilité de répondre aux préoccupations d’innocuité alléguées dans la première décision avant que cette décision ait été rendue.

[40]           Après que la première décision a été rendue, TWC déclare qu’elle a fourni des réponses précises à chacune des trois allégations de Santé Canada concernant l’innocuité, et que la décision a ensuite été renversée.

(4)               Efficacité

[41]           TWC déclare que la norme exigée par la DPSN par rapport à l’efficacité dépassait toute interprétation raisonnable du Règlement sur les PSN, lequel n’exige aucune preuve de fond sur l’efficacité. Les pratiques de Santé Canada ne peuvent pas créer des normes ou des critères supplémentaires ou plus sévères.

[42]           L’article 7 du Règlement sur les PSN, lequel prescrit que le ministre octroie une licence si les exigences des alinéas a) à d) sont remplies, établit un essai de validation de l’innocuité. Par conséquent, l’alinéa 5g), qui exige simplement des « renseignements montrant l’innocuité et l’efficacité », ne doit être interprété comme étant de nature administrative, car il ne traite que des matières qui devraient être incluses dans la DLMM. Cette interprétation est compatible avec les arrêts portant sur l’interprétation des lois, y compris la « présomption de cohérence » : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, paragraphes 26 et 27, 30; R c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, paragraphes 28 à 30; Gordon v. Taylor, 2014 ABQB 11, paragraphes 9 à 11. En outre, le « cadre de prise de décision » de Santé Canada reconnaît que, parfois, aucune preuve d’un « avantage » n’est nécessaire dans le cas de produits sûrs, même les médicaments délivrés sur ordonnance.

[43]           Même si l’alinéa 5g) peut être interprété comme étant un critère de fond préliminaire, il doit être moins sévère que la norme de preuve exigée en matière d’innocuité en vertu de l’alinéa 7d) : les renseignements relatifs à l’efficacité n’ont pas à prouver que le produit est « probablement » efficace, et aucune norme minimale de preuve scientifique n’est nécessaire.

[44]           La DLMM de TWC indiquait tout simplement que le produit « peut » aider à cesser de fumer (et non pas qu’il « aidera » à cesser de fumer). Par conséquent, tout essai de validation de l’efficacité doit être très modeste, et toute information qui ne permet pas d’établir la probabilité qu’un produit puisse aider à cesser de fumer devrait être considérée comme suffisante. En outre, même si les renseignements fournis n’appuient pas les déclarations faites au sujet du produit, la DLMM n’est pas automatiquement rejetée. Certaines mesures, comme la réalisation d’études de marché ou la modification des étiquettes de produits, peuvent être imposées comme des conditions pour l’octroi de la licence.

[45]           TWC fait valoir qu’en ce qui concerne l’interprétation raisonnable du Règlement sur les PSN et de la preuve, Santé Canada n’avait aucune raison de rejeter la DLMM pour des motifs liés à l’efficacité. Même si le Règlement sur les PSN est interprété comme exigeant un essai de validation de l’efficacité, TWC était seulement tenue de produire l’information qui appuyait la déclaration modeste, dans la DLMM, selon laquelle RESOLVE « peut » aider à cesser de fumer.

[46]           La DLMM a respecté l’alinéa 5g) en incluant l’information qui appuie l’efficacité, y compris une étude clinique de phase 1 menée sur des sujets humains ainsi que des études universitaires réalisées in vitro et sur des animaux, une analyse statistique d’une étude clinique de phase II réalisée sur des sujets humains, des renseignements sur des brevets américains ainsi que divers documents, articles et témoignages. Santé Canada l’a reconnu en acceptant la DLMM et en la jugeant complète.

[47]           TWC soutient en outre que les renseignements fournis par TWC dans la DLMM et tout au long des processus de réexamen étaient plus que suffisants pour prouver même la probabilité que RESOLVE puisse aider à cesser de fumer. Par conséquent, elle a certainement satisfait à une norme inférieure à celle-là. La DPSN l’a néanmoins critiquée en fonction de normes scientifiques et techniques, en imposant une norme qui allait au-delà de la simple exigence d’une « information à l’appui » en vertu du Règlement sur les PSN au profit d’une « preuve concluante » de l’efficacité.

(5)               Le processus de réexamen en général

[48]           TWC déclare que le processus de réexamen, en l’espèce, ne constituait pas une autre voie de recours appropriée et n’a pas réussi à combler les lacunes fondamentales des première et deuxième décisions, comme le fait de savoir si l’équité procédurale avait été accordée et si la deuxième décision avait été rendue après que le ministre a été dessaisi.

[49]           TWC affirme que les décisions ultérieures du processus de réexamen sont sans importance sur le plan juridique et ne doivent pas être prises en considération par la Cour. À titre subsidiaire, elle fait valoir que si le processus de réexamen est pertinent, alors il n’a pas été équitable ou impartial, souffrant du même manquement à l’équité procédurale que les première et deuxième décisions.

[50]           Étant donné que l’examen de la DLMM n’a pas été mené par un tribunal indépendant à l’extérieur de Santé Canada, comme l’a demandé TWC à plusieurs reprises, il ne pourrait y avoir aucune attente raisonnable à ce que le réexamen se produise de façon équitable ou remédie aux vices de forme présents en l’espèce. Alors que les responsables du DNP étaient prêts à accepter des éléments de preuve de la part des experts de TWC comme preuve suffisante que la matière active est présente dans la nature, la DPSN a assujetti TWC à une norme de certitude scientifique sans précédent. Quelle que soit la preuve offerte par TWC, elle n’allait pas être jugée suffisante aux fins du réexamen.

B.                 Défendeurs

(1)               Équité procédurale

[51]           Les défendeurs estiment que TWC a bénéficié de l’équité procédurale au-delà de ce qui est requis par la loi. Il n’était pas nécessaire pour Santé Canada de fournir un avis ou une occasion d’être entendu avant la délivrance de l’avis public, le 27 juillet 2007, mais elle l’a fait. En outre, TWC a eu la chance de présenter des documents supplémentaires dans les dix jours suivant la réunion du 28 juin 2007. Les décisions touchant l’équité procédurale doivent être soupesées au regard du fait que Santé Canada se penchait sur ce qui ne pouvait être considéré que comme un risque d’innocuité grave et immédiat, selon les renseignements dont disposait la DPSN à l’époque. Après la deuxième décision concernant la classification de RESOLVE, TWC a profité de nombreuses occasions de présenter sans cesse de nouveaux éléments de preuve pour démontrer que sa matière active est un PSN. Ces éléments de preuve ont été acceptés et examinés jusqu’en octobre 2011.

[52]           Les défendeurs déclarent que, parce TWC était régulièrement sollicitée par Santé Canada au sujet de son produit tout au long du processus de prise de décision réglementaire, seule une obligation d’équité procédurale minime s’impose quant à la décision de classification de la deuxième décision. De plus, en ce qui concerne les questions de santé publique et d’innocuité, les garanties procédurales seront rajustées en fonction du degré de risque et d’urgence, ce qui permet au décideur de bénéficier d’une latitude considérable sur le plan de l’évaluation : Miel Labonté Inc c. Canada (Procureur Général), 2006 CF 195.

[53]           La DPSN était en possession de renseignements provenant d’une source fiable concernant les risques pour l’innocuité. Il était raisonnable pour la DPSN de croire ces renseignements et de prendre les mesures d’application de la loi qui s’imposaient, y compris des avis publics et des ordonnances d’arrêt de vente et de rappel.

(a)                Réexamen

[54]           Santé Canada a accepté de nouveaux renseignements de la part de TWC, dont sept volumes de documents ainsi que d’autres éléments de correspondance justificatifs lors du processus de réexamen. Non seulement la DPSN a suivi toutes les règles prescrites aux articles 7 à 10 du Règlement sur les PSN, mais encore elle est allée au-delà de la portée normale du réexamen en accordant à TWC un deuxième réexamen. Lorsque la preuve présentée par TWC a été jugée insuffisante, la première décision a été confirmée. TWC a présenté une demande de réexamen supplémentaire. Nonobstant la pratique générale déclarée de Santé Canada, qui est de mettre fin aux processus de réexamen lorsqu’une demande de contrôle judiciaire est déposée (comme c’était le cas le 27 juillet 2007), de manière à offrir à TWC la possibilité d’aborder les questions en suspens, la DPSN a poursuivi le processus de réexamen.

(b)               Impartialité

[55]           Le Dr Marles était, à toutes les époques pertinentes, le conseiller scientifique principal auprès de la DPSN. TWC accuse le personnel de la DPSN, y compris le Dr Marles, de partialité, de préjugé, d’esprit fermé et de mauvaise foi. TWC n’a présenté aucune explication logique pour indiquer pourquoi le Dr Marles aurait de l’animosité envers TWC ou RESOLVE, et il n’existe aucune preuve démontrant que le docteur avait un intérêt dans un produit concurrent ou était, à tout moment, retranché dans une position quelconque concernant RESOLVE.

[56]           Les défendeurs affirment que la classification de la matière active en tant que médicament plutôt que PSN ne constituait pas, comme le prétend TWC, une tentative d’étoffer la première décision. Il existe des précédents où les responsables du DNP ont été joints et ont tiré leur propre conclusion selon laquelle la matière active n’est pas un produit naturel. Contrairement à ce que laisse entendre TWC, les responsables du DNP n’ont pas réinscrit la matière active en tant que substance naturelle.

[57]           Les défendeurs estiment que leurs décisions de rejeter la DLMM et les demandes de réexamen ultérieures étaient raisonnables et qu’elles se fondaient sur des éléments de preuve scientifiques valables en ce qui concerne la classification, l’innocuité et l’efficacité de la matière active. TWC s’est vu donner une occasion exceptionnelle de fournir de nouveaux éléments de preuve au cours du processus de réexamen, que la DPSN a examinés, même après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire, mais elle n’a pas réussi à démontrer que son produit était « naturel ».

(2)               Classification

[58]           Des experts internes et externes de la DPSN ont conclu qu’il n’y a aucune preuve dans les documents scientifiques évalués par les pairs démontrant que la matière active est présente dans la nature. Lorsqu’un produit contient une matière active qui n’est pas présente dans la nature, il n’entre pas dans la définition d’un PSN. En pareil cas, la loi interdit à la DPSN d’octroyer une licence en vertu du Règlement sur les PSN. Même si un article de 2005 peut avoir allégué la présence de la matière active dans les mangues [article sur les mangues], le DNP, que la DPSN considère comme une base de données officielle de produits de santé naturels, n’a jamais été mis à jour de façon à inclure la matière active à la suite de la publication de l’article. Les défendeurs font valoir qu’il était tout à fait raisonnable pour la DPSN de rendre la deuxième décision afin de tenir compte de l’effet du Règlement sur les PSN, étant donné que la matière active est une substance synthétique qui n’est pas présente dans la nature.

(3)               Innocuité et efficacité

[59]           Les défendeurs affirment que la DPSN, en tant qu’organisme de réglementation fédéral dans le domaine de la santé, a pris des mesures raisonnables sur le plan de la conformité et de l’application de la loi selon les renseignements qu’elle avait reçus au sujet de l’innocuité et de l’efficacité. Les renseignements de la DPSN concernant un risque d’innocuité provenaient d’une source fiable et comprenaient des renseignements tirés d’un article évalué par les pairs ainsi que des EDS elles-mêmes. Il était donc raisonnable et nécessaire que la DPSN prenne des mesures exécutoires comme des avis publics et des ordonnances d’arrêt de vente et de rappel afin de limiter le risque pour les consommateurs.

[60]           Les défendeurs ne sont pas d’accord avec l’argument de TWC selon lequel une exigence de fond relativement à l’efficacité n’est pas obligatoire aux termes du Règlement sur les PSN. L’alinéa 7a) intègre les exigences de l’article 5, dont l’alinéa g), qui requièrent des « renseignements montrant l’innocuité et l’efficacité ». Les défendeurs soutiennent qu’il ne s’agit pas seulement d’une exigence administrative, mais également d’une exigence de fond. Un examen de fond de la DLMM visant RESOLVE a été mené en vertu du Règlement pour ce qui est des différentes exigences prescrites par l’article 7, qui comprend des renseignements montrant l’efficacité. La DLMM a été examinée à la lumière des préoccupations liées à l’efficacité qui ont été recensées dans l’EDS, et il a été déterminé qu’elle ne respectait pas le seuil pour l’octroi d’une licence en vertu de l’article 8.

VIII.       ANALYSE

A.                Introduction

[61]           En plus des accusations générales d’avoir agi de manière déraisonnable, TWC accuse Santé Canada, dans la présente demande, de grave inconduite, y compris de mauvaise foi, de manquement à l’équité procédurale, de partialité, d’apparence de partialité, d’agissement sans pouvoir, d’étoffement, d’étayage des éléments de preuve et d’agissement avec un esprit fermé contrairement aux politiques courantes et au-delà de la légitimité de l’autorité déléguée.

[62]           L’historique de ce litige est long et amer, et le dossier est volumineux. Le différend est rendu particulièrement alambiqué par les interactions entre l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments, qui est chargée de la conformité et de l’application de la loi, et la DPSN (désormais appelée la Direction des produits de santé naturels et sans ordonnance), les deux ayant été sollicités après la prise en charge, par TWC, de la DLMM qu’Applied Food and Specialties Inc. avait entamée en octobre 2004, et après le dépôt, par Pfizer, d’une plainte concernant la vente et la commercialisation du produit RESOLVE de TWC en décembre 2006. Dès cet instant, TWC était obligée de traiter avec Santé Canada pour ce qui est de l’octroi d’une licence et de la conformité, et c’est dans l’interaction entre ces deux processus distincts, mais inévitablement liés, que le différend se situe.

[63]           Afin de s’y retrouver dans le labyrinthe des interactions qui s’est développé entre la première DLMM en 2004 et la décision de réexamen défavorable et définitive de la DPSN du 30 janvier 2012, il serait judicieux de garder à l’esprit que la DPSN a rendu deux (2) décisions importantes relativement à la DLMM de TWC.

[64]           La première décision a été rendue le 19 juillet 2007, lorsque la DPSN a rejeté la DLMM de TWC purement et simplement pour des raisons d’innocuité et d’efficacité, et non à cause de préoccupations liées à la classification. Cette décision a été soulignée par la décision prise le jour même par l’Inspectorat afin d’émettre une directive « d’arrêt de vente, d’arrêt de publicité et de rappel » et de publier une EDS révisée qui classifie RESOLVE comme un danger pour la santé de type II.

[65]           La deuxième décision de la DPSN, qui a été rendue le 21 août 2007, a rejeté la même DLMM au motif que RESOLVE, n’étant pas un PSN, était visé par le Règlement sur les aliments et drogues et non par le Règlement sur les PSN. En fait, cette deuxième décision a rendu la première décision théorique, mais la DPSN a continué, par la suite, d’examiner et de solliciter des demandes de réexamen de la part de TWC qui remettait en question les deux décisions (l’une étant fondée sur les questions d’innocuité et d’efficacité, et l’autre, sur la classification), ce qui indique, du moins ostensiblement, que la DPSN était disposée à changer d’avis sur les deux motifs de refus.

[66]           TWC déclare que, dans les faits, la DPSN avait pris la décision il y a longtemps de rejeter toute DLMM de TWC, et qu’en passant par le processus de réexamen, la DPSN visait à constituer un dossier pour soutenir et consolider les deux décisions de refus qu’elle avait déjà prises par erreur et au mépris total de l’équité procédurale.

[67]           Les deux décisions importantes que j’ai mentionnées ne peuvent pas être dissociées, car TWC affirme que la décision de classification du 21 août 2007 (la deuxième décision) était un stratagème injustifié et cynique de la part de la DPSN pour couper l’herbe sous le pied de TWC après que celle-ci a demandé un réexamen de la décision du 19 juillet 2007 (première décision) concernant l’innocuité et l’efficacité, une décision qui, selon TWC, n’avait aucun fondement en droit ou en fait.

[68]           Par conséquent, nous avons affaire à des allégations de partialité individuelle et institutionnelle et de mauvaise foi, en plus des motifs plus habituels d’erreur susceptible de révision, fondés sur le caractère déraisonnable et le manquement à l’équité procédurale.

B.                 Questions de la preuve

[69]           TWC a soulevé un nombre considérable d’oppositions à l’égard des éléments de preuve par affidavit déposés par les défendeurs, ainsi que de certains paragraphes figurant dans leur mémoire des faits et du droit. Ces oppositions ont été présentées sous forme de requêtes officielles que la Cour a entendues en même temps que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente.

[70]           En général, les oppositions de TWC à l’égard des éléments de preuve par affidavit déposés par les défendeurs (les affidavits de Marles et d’Arnason), ainsi que celles à l’égard du rapport du Dr Foster joint à l’affidavit du Dr Marles du 30 janvier 2012, sont les suivantes :

a)      les affidavits déposés au nom des défendeurs, ou certaines parties qui y figurent, comportent des faits qui dépassent les connaissances personnelles des déposants, du ouï‑dire irrecevable, des opinions, des observations, des conclusions et des renseignements non pertinents;

b)      les affidavits déposés au nom des défendeurs, ou certaines parties qui y figurent, comportent des motifs supplémentaires inadmissibles pour refuser l’octroi d’une licence de PSN à TWC qui tentent de s’ajouter aux motifs de refus faisant l’objet de la présente demande;

c)      les affidavits déposés au nom des intimés, ou certaines parties qui y figurent, comportent des opinions et des conclusions inadmissibles d’experts qui manquent d’indépendance et d’impartialité;

d)     les affidavits incriminés qui ont été déposés au nom des défendeurs, ou certaines parties qui y figurent, sont directement liés à des questions controversées à débattre dans la présente demande;

e)      la demanderesse sera injustement lésée par l’inclusion des affidavits incriminés, ou de certaines parties qui y figurent.

[71]           En ce qui concerne les oppositions à l’égard du mémoire des faits et du droit des défendeurs, TWC s’oppose aux paragraphes 40, 85 et 108 pour les motifs suivants :

a)      le mémoire des faits et du droit figurant dans le dossier de requête des défendeurs comporte à tort des déclarations et des éléments de preuve présumés ne figurant dans aucun affidavit déposé auprès de la Cour;

b)      le mémoire des faits et du droit figurant dans le dossier de requête des défendeurs comporte une opposition à l’égard des éléments de preuve qui n’est pas admissible en raison de l’incapacité des défendeurs de déposer, au plus tard le 31 août 2015, des documents de requête faisant opposition aux éléments de preuve, conformément aux directives de la Cour;

c)      la demanderesse sera injustement lésée par l’inclusion des éléments de preuve allégués et incriminés ainsi que de l’avis d’opposition délivré après l’expiration des délais.

[72]           Il est impossible de statuer sur la teneur détaillée de ces oppositions aux éléments de preuve de façon séparée et distincte du contexte intégral et du fond de la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, je me pencherai sur les oppositions aux preuves qui se présentent sur le fond.

C.                 Classification

[73]           L’avis de rejet du 21 août 2007 (deuxième décision) indiquait que la DLMM de TWC avait été rejetée au motif que la matière active de RESOLVE n’était pas une substance naturelle.

[74]           L’avis de rejet précédent du 19 juillet 2007 (première décision) était fondé sur des questions d’efficacité et d’innocuité, ce qui signifie que, par voie de conséquence, la DPSN ne considérait pas la classification comme un problème à ce moment-là. En effet, puisque la matière active était inscrite de manière définitive au DNP en tant que substance naturelle, la DPSN avait déjà pris trois décisions de classification (soit le 2 décembre 2004, le 25 janvier 2007 et le 18 juin 2007), en vertu desquelles elle acceptait que la matière active de RESOLVE était un produit naturel, étant donné son inscription au DNP. Que s’est-il donc passé pour que la Direction change d’avis et décide de refuser la DLMM au motif distinct de la classification dans la deuxième décision? La motivation et la séquence des événements en l’espèce sont nébuleuses.

[75]           En fait la question de la classification avait été soulevée au sein de Santé Canada avant la première décision fondée sur l’efficacité et l’innocuité. Avant l’avis de rejet du 19 juillet 2007, Paul Gustafson, l’enquêteur de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments qui traitait la plainte de Pfizer, a envoyé un courriel au Dr Marles dans lequel il contestait la classification précédente de la matière active de RESOLVE comme une substance naturelle. Le 10 juillet 2007, le Dr Marles a répondu à M. Gustafson pour lui confirmer que la matière active était un PSN selon l’inscription définitive au DNP. C’est la raison pour laquelle la première décision est fondée uniquement sur l’innocuité et l’efficacité. Et même après la première décision, le Dr Marles a précisé dans un courriel du 25 juillet 2007 que [traduction] « tout le monde sait à l’interne que c’est un PSN ».

[76]           L’avis du Dr Marles n’a toutefois pas dissuadé M. Gustafson. Les éléments de preuve laissent entendre qu’il a étudié les articles scientifiques que les responsables du DNP avaient invoqués pour inscrire la matière active au DNP en tant que PSN. M. Gustafson a par la suite envoyé un courriel au Dr Marles, le 16 août 2007, et a de nouveau soulevé la question. Cette fois, le Dr Marles était convaincu que la classification pouvait et devait être remise en question et il a pris des mesures fermes pour veiller à ce qu’elle le soit.

[77]           C’était le Dr Marles qui avait fait des démarches pour obtenir l’avis de rejet du 21 août 2007 (la deuxième décision), lequel indiquait que la DLMM de TWC avait été rejetée au motif distinct de la classification. La prise de la deuxième décision et le rejet de la DLMM pour ce nouveau motif était une surprise totale pour TWC parce que la classification n’avait jamais été soulevée auparavant et qu’il n’y avait aucune raison de croire que cela pouvait poser un problème. La première décision indique clairement que l’innocuité et l’efficacité étaient les seules préoccupations.

[78]           Il y a certains faits révélateurs entourant la prise de la deuxième décision qui soulèvent des questions juridiques graves :

a)      le Dr Marles ou un membre de la DPSN ou de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments ne disposait d’aucun élément de preuve indiquant que la matière active de RESOLVE n’était pas un PSN. Au moment de l’avis de rejet, elle était toujours inscrite comme PSN au DNP, que Santé Canada considère comme définitif;

b)      tout ce que le Dr Marles pouvait savoir à l’époque était que les articles cités et invoqués par les responsables du DNP pouvaient être remis en question, et même si ces articles, de l’avis du Dr Marles, n’appuient pas l’inscription au DNP, cela ne signifiait pas que la matière active n’était pas un PSN. Ainsi, sans avoir présenté aucune preuve à l’appui ni même consulté les responsables du DNP sur la question, le Dr Marles s’est arrogé le droit de prendre une décision cruciale et de grande envergure.

c)      Le Dr Marles a pris cette décision cruciale et de grande envergure qui a eu pour effet d’exclure RESOLVE du Règlement sur les PSN et de l’assujettir au Règlement sur les aliments et drogues sans aviser TWC qu’il y avait un problème de classification à résoudre et sans lui donner la possibilité de régler le problème auprès de la DPSN ou des responsables du DNP.

[79]           À mon avis, cette preuve soutient à elle seule les allégations d’un grave manquement à l’équité procédurale et du caractère déraisonnable de l’avis de rejet du 21 août 2007. Toutefois, il y a aussi des éléments de preuve qui laissent entendre que quelque chose de plus grave s’est produit au cours de ce processus.

[80]           Après avoir rendu et orchestré la décision sous-tendant l’avis de rejet du 21 août 2007, le Dr Marles a communiqué avec les responsables du DNP, et le 27 août 2007, il leur a présenté des observations selon lesquelles la matière active, en l’espèce, devrait être radiée de sa liste des substances naturelles. Il a souligné qu’un article invoqué par les responsables du DNP pour justifier l’inscription sur cette liste ne confirmait pas, en fait, que la matière active était une substance naturelle. TWC n’a pas été informée de ces observations et n’a eu aucune occasion d’aborder cette question importante.

[81]           Le 11 septembre 2007, les responsables du DNP ont fait savoir qu’ils supprimeraient la matière active de la liste. Cela donne lieu à d’autres préoccupations qui ont émergé au cours du processus de réexamen et sur lesquelles je reviendrai plus tard. Cependant, dans son affidavit du 2 juillet 2013, assermenté au nom de TWC, Shazad Bukhari, chef de l’exploitation chez TWC [Bukhari au 2 juillet 2013], déclare que les responsables du DNP ont ensuite accepté de réinscrire la matière active en tant que substance naturelle après avoir examiné les avis d’experts de scientifiques retenus par TWC. Dans son mémoire écrit des faits et du droit, la DPSN déclare qu’une telle réinscription n’a pas eu lieu. Cela reste une simple affirmation dans l’argumentation qui n’est étayée par aucune preuve. Il s’agit de l’une des questions de preuve soulevées par TWC, et la Cour a été invitée à radier l’article 108 du mémoire écrit de la Direction. La Direction affirme qu’une inscription au DNP, ou son absence, est quelque chose que je peux tenir pour fait notoire. Cependant, même si je suis d’accord avec TWC que la DPSN ne peut pas invoquer des affirmations dans des arguments juridiques pour lesquels il n’y a aucun fondement probatoire, je ne pense pas que ce désaccord entre les parties aborde réellement la question dont je suis saisi. Tout ce que la Cour sait, à ce stade, c’est que la matière active a été radiée du DNP, mais les responsables du DNP ont précisé que la matière en question y sera réinscrite. L’état actuel de la réflexion parmi les responsables du DNP, sur cette question, n’est pas évident. Il ressort clairement du dossier que la radiation de la matière active par les responsables du DNP s’est produite à l’instigation du Dr Marles, qui a présenté des observations aux responsables du DNP après que l’avis de rejet du 21 août 2007 a été délivré et à un moment où la matière active était toujours inscrite au DNP, et que ni le Dr Marles ni les responsables du DNP n’avaient aucune preuve laissant entendre qu’il ne s’agissait pas d’une substance naturelle. Bien que les éléments de preuve ultérieurs présentés par TWC au cours du processus de réexamen laissent supposer qu’il y a une preuve suffisante pour démontrer que la matière active dans RESOLVE est une substance naturelle, TWC n’a jamais eu la possibilité de présenter des observations sur ce point avant la délivrance de l’avis de rejet du 21 août 2007. Comme je l’expliquerai plus tard, le processus de réexamen ne répare pas l’iniquité procédurale dont TWC a souffert à la suite de la deuxième décision.

[82]           Il n’y a aucune raison pour laquelle le Dr Marles devait orchestrer précipitamment la deuxième décision sans l’intervention de TWC. Le 21 août 2007, la licence visée par la DLMM avait déjà été refusée en vertu de la première décision, RESOLVE avait été rappelé, et un avis de santé publique avait été diffusé. L’avis de rejet du 21 août 2007, produit à l’instigation du Dr Marles, était fondé sur ses propres conclusions non étayées selon lesquelles la matière active ne devrait pas être inscrite en tant que substance naturelle. Le Dr Marles a également fait en sorte que cette décision capitale, du point de vue des intérêts de TWC, soit prise sans aucune intervention de TWC et sans que celle-ci sache même qu’il s’agissait d’une possibilité. Après avoir pris une décision déraisonnable et inéquitable sur le plan procédural, le Dr Marles s’est alors efforcé – et encore une fois, sans aviser TWC – d’obtenir le soutien des responsables du DNP dans une tentative de rendre légitime une décision inacceptable qu’il avait déjà prise. D’autres tentatives ont également été faites pour se servir du processus de réexamen afin de rendre légitime une décision juridiquement erronée, mais l’erreur susceptible de révision avait déjà été commise.

D.                Réexamen de la classification

[83]           Santé Canada est d’avis qu’il a accordé une équité procédurale plus que suffisante à TWC en ce qui concerne RESOLVE, à la fois avant la décision relative à l’octroi d’une licence et tout au long des trois décisions de réexamen.

[84]           Comme il est indiqué ci-dessus, les faits indiquent clairement que Santé Canada n’a accordé à TWC aucune équité procédurale en ce qui concerne le motif de classification pour le rejet et la deuxième décision. Cette décision a été précipitamment provoquée par le Dr Marles sans aucun préavis ou avertissement à TWC pour lui faire savoir que la classification suscitait des préoccupations de la part de Santé Canada, et à la suite des décisions internes précédentes prises par Santé Canada qui donnent à penser que la classification ne suscitait aucune préoccupation et que la DPSN avait accepté la matière active de RESOLVE comme un PSN. Je ne vois pas comment cela peut être décrit comme une équité procédurale « suffisante », comme Santé Canada l’affirme maintenant.

[85]           Si Santé Canada veut dire que le processus de réexamen entrepris relativement à la classification a, en quelque sorte, remédié au manque d’équité procédurale qui sous-tend la deuxième décision, alors je pense que Santé Canada se trompe, tant sur les motifs juridiques que factuels.

[86]           L’article 9 du Règlement sur les PSN permet aux demandeurs de licence visée par une DLMM de contester le refus de licence par voie de réexamen et, en l’espèce, TWC a demandé au ministre de réexaminer non seulement la première décision fondée sur les préoccupations liées à l’innocuité et l’efficacité, mais également la deuxième décision fondée sur la classification.

[87]           Il est important de garder à l’esprit qu’un processus de réexamen ne peut remédier aux décisions administratives prises en l’absence d’une équité procédurale. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland Telephone Co c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] RCS 623 [Newfoundland Telephone], une décision « qui a refusé aux parties une audience équitable ne peut être simplement annulable et être validée ensuite par la décision subséquente du tribunal » (au paragraphe 40). Les décisions administratives prises sans équité procédurale sont nulles ab initio. Voir aussi Agraira, précité, aux paragraphes 93 à 96.

[88]           La Cour n’a alors pas besoin, à proprement parler, d’examiner le processus de réexamen concernant l’avis de rejet du 21 août 2007, notamment en ce qui a trait à son incidence sur le manque d’équité procédurale sous-tendant cette décision. Cependant, le processus de réexamen a une certaine pertinence pour la présente demande de contrôle judiciaire, car il jette un peu de lumière sur l’étoffement, l’étroitesse d’esprit et la partialité qui, selon TWC, ont caractérisé toute l’approche de la DPSN à l’égard du traitement de la DLMM et, en effet, les mesures de mise en conformité de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments.

[89]           La DPSN, en prenant en compte et en suivant les directives du Dr Marles, a fondé l’avis de rejet du 21 août 2007 sur un manque d’éléments de preuve permettant de démontrer que la matière active de RESOLVE était un PSN. Par conséquent, TWC s’est mise à fournir des éléments de preuve tangibles démontrant qu’il s’agissait d’un PSN.

[90]           Mon examen de la preuve sur cet aspect du processus de réexamen m’amène à la conclusion que la DPSN était déraisonnable dans ses décisions de réexamen et, encore une fois, injuste sur le plan procédural dans ses relations avec TWC.

[91]           Pour commencer, en violation de la politique et des garanties données par la DPSN à TWC, le processus de réexamen a grandement fait appel aux personnes responsables de la deuxième décision, tout particulièrement le Dr Marles, qui a défendu ses propres décisions antérieures à un moment où la DPSN savait qu’elle faisait face à une poursuite judiciaire ainsi qu’à d’éventuelles conséquences graves pour ses décisions défavorables relativement aux DLMM. En outre, c’était le Dr Marles qui avait mené l’EDS n6 et conseillé à l’Inspectorat de délivrer l’avis public et de procéder au rappel qui avait empêché TWC de commercialiser RESOLVE en premier lieu.

[92]           TWC avait demandé l’intervention d’experts indépendants dans le processus de réexamen, y compris une possibilité pour son propre groupe d’experts de rencontrer les experts chargés du réexamen. La DPSN avait d’abord refusé de faire intervenir des experts extérieurs, tout en assurant que le réexamen ne ferait appel à aucune personne ayant participé à l’évaluation initiale de la DLMM, à la publication des EDS ou à la délivrance de l’avis de rejet du 19 juillet 2007 (voir Bukhari – décembre 2007, aux paragraphes 18, 19, 93 et 97 à 102 et pièces 40 à 43; Sitar – novembre 2011, aux paragraphes 21 et 29; contre-interrogatoire de Marles, aux pages 248 à 250 et pièce 35; contre-interrogatoire de Bukhari, au paragraphe 116). Il est vrai que la DPSN n’a pas fait appel aux services du Dr John Arnason ou du Dr Brian Foster pour effectuer une analyse critique de la preuve d’experts de TWC provenant de deux laboratoires. Cependant, l’indépendance et les compétences du Dr Foster nécessaires pour accomplir la tâche sont quelque peu incertaines, car il occupe un emploi au sein de Santé Canada dans le secteur des substances thérapeutiques et semble n’avoir eu aucune expérience sur le plan des PSN. Le Dr Arnason, quant à lui, semble être qualifié pour la tâche. Cela dit, il est un biologiste et non un chimiste analytique. Il est professeur de biologie à l’Université d’Ottawa et directeur associé du Programme des sciences biopharmaceutiques. Il dispose d’un laboratoire de phytochimie à l’Université d’Ottawa, a formé plus de 50 étudiants diplômés dans le domaine et a publié plus de 250 articles revus par des pairs. En outre, il est un ancien président de la Société phytochimique de l’Amérique du Nord et membre fondateur de la Société de recherche sur les produits de santé naturels du Canada. Son parcours est impressionnant, mais la preuve démontre aussi que le Dr Arnason entretient des rapports étroits avec le Dr Marles, le Dr Foster, Santé Canada et le gouvernement fédéral. Il a reçu des subventions et des fonds importants de Santé Canada et de ses organismes associés. Fait important pour la présente demande, la Cour ne peut faire fi du fait que le Dr Arnason a supervisé les études postdoctorales du Dr Marles et qu’il a été coauteur d’un nombre important d’articles avec le Dr Foster et le Dr Marles. Cela est extrêmement problématique dans le cas d’une demande où la conduite du Dr Marles fait l’objet d’un examen minutieux et où la nécessité d’une preuve vraiment objective est cruciale. Dans une affaire comme celle-ci, il n’est pas judicieux de demander le soutien de ses collègues et ses associés. Cela est particulièrement vrai lorsque, comme je vais l’aborder, avant même que Santé Canada retienne les services du Dr Arnason, le Dr Marles avait déclaré que tout expert que Santé Canada pouvait retenir n’accepterait pas la preuve d’expert de TWC. Il est inévitable, à mon avis, de tirer la conclusion selon laquelle le Dr Marles pouvait faire une telle affirmation, car il savait d’une part quels experts seraient appelés à intervenir et, d’autre part, qu’il obtiendrait leur soutien.

[93]           TWC affirme qu’il existe un lien entre le Dr Marles et le Dr Arnason qui, à mon avis, ne remettrait normalement pas en question l’objectivité du Dr Arnason. Cependant, selon des témoins de TWC (et je constate que ces éléments de preuve n’ont pas ont été remis en question ou contestés nulle part), le Dr Marles lui-même a reconnu que la DPSN devrait effectuer ses propres essais de laboratoire si elle comptait réfuter la preuve d’experts de TWC, et cela n’a pas été fait. De plus, le Dr Marles a indiqué que les experts retenus par la DPSN rejetteraient l’opinion d’experts de TWC (voir le contre-interrogatoire de Bukhari, aux paragraphes 116 et 117; Marles – avril 2008, pièce P; l’affidavit supplémentaire de Shazad Bukhari – 30 juillet 2008 [Bukhari – juillet 2008], aux paragraphes 3 à 8, et pièce B). Le fait que le Dr Marles savait à qui s’adresser pour obtenir les avis d’experts dont il avait besoin pour appuyer ses propres conclusions et décisions passées soulève de graves préoccupations.

[94]           Ces préoccupations sont encore plus gênantes lorsque les rapports du Dr Arnason et du Dr Foster sont passés en revue. Pour commencer, il n’y a aucun essai de laboratoire indépendant qui appuie leurs conclusions et réfute les essais rigoureux qui étayent la preuve d’experts de TWC. En s’écartant des obligations d’être justes, objectifs et non partisans, les deux experts de la DPSN se livrent au genre de spéculations et de critiques sournoises qui sont mal vues dans la jurisprudence. Voir White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23,*-+ aux paragraphes 2, 10 et 46; R c. Mohan, [1994] 2 RCS 9, au paragraphe 24. Les normes sont affirmées – puis modifiées – et des erreurs stratégiques sont commises. Par exemple, dans son rapport du 7 octobre 2008, le Dr Arnason déclare qu’il a effectué des recherches dans les documents de l’American Chemical Society, qui dit-il [traduction] « a l’une des bases de données les plus fiables » et qu’il n’a pas réussi à trouver des articles confirmant la présence naturelle de la matière active de RESOLVE. Cependant, TWC a effectué ses propres recherches dans la base de données de l’American Chemical Society et a trouvé des renseignements dans l’article sur les mangues confirmant que la matière active est une substance naturelle (voir Bukhari – juillet 2013 et pièces A (extraits) et B à F). Nous avons donc un article confirmant que la matière active est une substance naturelle, article publié dans la prestigieuse revue que le Dr Arnason cite lui-même. L’article répond aux normes de publication qui, selon l’expert de la DPSN, sont requises, mais la DPSN n’a pas changé d’avis relativement à la classification.

[95]           Au-delà de ces questions de preuve, le traitement par la DPSN du processus de réexamen pose, encore une fois, de nombreux problèmes en matière d’équité procédurale. Par exemple, il suffit de jeter un coup d’œil à la décision de réexamen définitive du 30 janvier 2012, dans laquelle la DPSN présente un nouvel affidavit du Dr Marles, un rapport du Dr Foster et un nouvel affidavit du Dr Arnason – tous présentant de nouvelles allégations et de nouveaux arguments invoqués par la DPSN, mais non transmis à TWC – tout en disant à TWC qu’elle ne tiendrait compte d’aucune autre correspondance, ce qui écartait toute possibilité de réagir aux nouveaux éléments de preuve invoqués pour étayer la décision.

[96]           Bref, les décisions de réexamen concernant la classification ne sont d’aucune pertinence par rapport aux erreurs susceptibles de révision que j’ai constatées dans l’avis de rejet du 21 août 2007. Cependant, les décisions elles-mêmes comportent également des erreurs susceptibles de révision. Elles comportent des erreurs de fait et de processus qui les rendent déraisonnables, elles manquent d’équité procédurale et je pense qu’à ce stade, je dois conclure qu’elles fournissent la preuve d’une crainte raisonnable de partialité conformément au critère Baker : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, paragraphes 45 à 47. Le Dr Marles a orchestré l’avis de rejet du 21 août 2007 et a continué à influencer le processus de réexamen jusqu’à un degré inacceptable, un processus dans lequel sa propre décision antérieure était censée être examinée de façon objective et indépendante.

E.                 Innocuité

[97]           La première décision était fondée sur des préoccupations liées à l’innocuité et à l’efficacité. Comme dans le cas du processus de classification susmentionné, le dossier montre des erreurs d’équité procédurale graves et une ingérence indue de la part du Dr Marles dans le processus de DLMM, ce qui, encore une fois, appuie un constat de crainte raisonnable de partialité.

[98]           Plus précisément, TWC n’a reçu aucun avis de l’EDS no 6 qui comportait de nouveaux motifs invoqués pour désigner RESOLVE comme un danger pour la santé de type II, et TWC n’a eu l’occasion d’y réagir qu’après le rejet de la DLMM survenu le 19 juillet 2007.

[99]           Nous constatons aussi, encore une fois, que le Dr Marles domine le processus de DLMM et s’y interfère par des moyens qui laissent entendre que son principal objectif était de faire en sorte que TWC ne se verrait accorder aucune licence en vertu de la DLMM. Par exemple, le 17 juillet 2007, le Dr Marles a envoyé un courriel à plusieurs membres du personnel de la DPSN, y compris à M. Zeshawn Awan, l’agent d’évaluation du Bureau de l’examen et de l’évaluation des produits [BEEP] qui avait produit le rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité de RESOLVE. Ce rapport de M. Awan, daté du 19 juin 2007, confirmait que l’innocuité était étayée et recommandait un avis de demande d’information [ADI] de routine pour se pencher sur l’efficacité. À ce stade, comme le Dr Marles l’a admis en preuve dans la présente demande, une licence aurait probablement été octroyée pour RESOLVE si TWC avait fourni plus de renseignements pour répondre à l’exigence en matière d’efficacité (voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 164 et 165). Selon la procédure normale, la DLMM serait alors transmise au responsable d’unité et au gestionnaire du BEEP pour approbation, puis au directeur de la DPSN pour une décision définitive. Cette procédure normale n’a pas été suivie (voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 122 à 127, 133 et 135).

[100]       La décision de M. Awan selon laquelle RESOLVE était sûr contredisait les EDS que le Dr Marles produisait pour étayer la présence d’un danger pour la santé de type II. C’est à ce stade que l’enquête sur la plainte de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments est devenue inextricablement liée au processus de DLMM à la suite de l’intervention du Dr Marles.

[101]       Le Dr Marles a informé le BEEP de l’EDS qu’il avait produite pour l’Inspectorat. Je ne vois aucun problème lorsque le Dr Marles fait part au BEEP de ses préoccupations en matière d’innocuité afin qu’elles puissent être examinées lors du processus de DLMM, pourvu que l’intégrité des deux processus soit maintenue. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce.

[102]       Une réunion cruciale a eu lieu le 28 juin 2007, à laquelle les fonctionnaires de l’Inspectorat ont rencontré TWC pour se pencher sur l’EDS qui avait été produite lors du processus d’inspection. Santé Canada fait valoir, dans la présente demande de contrôle judiciaire, que la réunion du 28 juin 2007 a accordé à TWC toute l’équité procédurale nécessaire pour traiter des préoccupations en matière d’innocuité soulevées dans la DLMM :

[traduction]

Beaucoup a été dit contre le Dr Marles par la demanderesse dans son mémoire. La réunion du 28 juin 2007, entre TWC et la DPSN et la [sic] a permis [sic] à TWC de déposer des documents supplémentaires avant que la décision d’octroi de licence définitive prouve le contraire de façon concluante.

[103]       Cette affirmation n’est pas corroborée par le dossier. Comme le souligne TWC dans la présente demande, voici ce que le dossier révèle en fait :

•   TWC avait demandé la tenue de cette réunion pour répondre aux préoccupations en matière d’innocuité alléguées dans les EDS et les lettres d’avertissement de l’Inspectorat;

•   Le Dr Marles a assisté à la réunion parce qu’il avait produit des EDS au nom de l’Inspectorat;

•   TWC s’est vu présenter, pour la première fois, l’EDS no 5 datée du 27 juin 2007;

•   TWC a demandé l’occasion de répondre aux allégations relatives à l’innocuité qui figuraient dans l’EDS no 5. Aucune mention n’a été faite des problèmes d’efficacité;

•   même si l’EDS no 5 faisait référence aux déclarations d’effets indésirables, cela n’a pas été invoqué, à ce moment-là, comme motif pour désigner RESOLVE comme un danger pour la santé de type II;

•   TWC a demandé des détails concernant ces déclarations afin qu’elle puisse avoir l’occasion d’y réagir, et elle a été informée que ces détails lui seraient fournis;

•   cette réunion n’a pas été convoquée dans le but de discuter de la soumission de la DLMM et aucun représentant du BEEP n’y était présent;

•   le BEEP n’avait ni délivré un avis de demande d’information relativement à la DLMM visant RESOLVE ni demandé de l’information de la part de TWC concernant l’innocuité ou l’efficacité. TWC n’a été informée d’aucune lacune en matière d’innocuité ou d’efficacité dans la soumission de sa DLMM;

•   TWC n’a pas été informée que cette réunion tenait lieu d’un avis de demande d’information se rapportant à sa DLMM;

•   TWC n’a donné aucune autorisation pour que ses réponses en attente à l’EDS no 5 soient utilisées aux fins de l’évaluation de la DLMM. Si la mention de la DLMM avait été faite lors de la réunion, TWC aurait précisé que toute question touchant la DLMM devait être traitée, en temps normal, par son consultant Dicentra.

(Bukhari – décembre 2007, aux paragraphes 47 à 49 et 51 à 56, contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 51 à 57, 170 à 187, 204 et 205, 209 et 210; contre-interrogatoire de Bukhari, aux paragraphes 65 à 67 et 69 à 76, souligné dans l’original.)

[104]       À la suite de la réunion du 28 juin 2007, TWC a produit et présenté un recueil de documents répondant aux quatre préoccupations en matière d’innocuité alléguées dans l’EDS no 5, mais elle ne pouvait répondre qu’aux déclarations d’effets indésirables de façon préliminaire, car elle ne disposait pas des renseignements détaillés qu’on lui avait promis. En fait, le 5 juillet 2007, TWC a été informée que si elle souhaitait obtenir des détails sur les déclarations d’effets indésirables, elle devait présenter une demande officielle d’accès à l’information. Cela signifie que TWC n’a pas eu l’occasion de répondre pleinement aux déclarations d’effets indésirables avant le rejet de la DLMM survenu le 19 juillet 2007. Ce fait est important parce qu’il signifie que TWC n’a su qu’après la première décision que ces déclarations étaient fondées sur la fausse hypothèse selon laquelle RESOLVE contenait de la passiflore (voir Marles – janvier 2008, extraits de la pièce D; contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 180 à 182, 186, 187, 210 et 211 et 227; Bukhari – décembre 2007, aux paragraphes 51 à 55, 59 à 61, 91 et 93; contre-interrogatoire de Marles, pièce 23).

[105]       TWC souligne dans la présente demande – et les défendeurs n’ont pas réfuté ces éléments de preuve – qu’à compter du 15 juillet 2007, l’état de la DLMM était comme suit :

•   toutes les préoccupations en matière d’innocuité invoquées dans les EDS nos 1 à 5 (du 25 janvier 2007 au 27 juin 2007) avaient été traitées par TWC;

•   aucune préoccupation en matière d’efficacité n’a été soulevée dans un contexte ou un autre;

•   TWC n’a reçu aucun avis de demande d’information ni aucune autre forme d’avis indiquant qu’il y avait des préoccupations ou des lacunes dans sa DLMM relativement à l’innocuité ou à l’efficacité;

•   le directeur de la DPSN avait informé le sous-ministre adjoint qu’à compter du 28 juin 2007, il n’y avait aucune information qui justifierait le refus d’une licence pour RESOLVE;

•   le seul rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité qui existait à ce moment-là était celui du 19 juin 2007 que M. Awan avait produit et qui indiquait que l’innocuité était étayée et qu’un avis de demande d’information de routine devait être délivré en ce qui a trait à l’efficacité.

[106]       En outre, le 12 juillet 2007, TWC a fourni à l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments le rapport du Dr Mike Dutton confirmant que RESOLVE était un produit sûr.

[107]       Dans ce contexte, le Dr Marles a produit l’EDS no 6, datée du 17 juillet 2007, qui rendait les EDS nos 1 à 5 non pertinentes et invoquait trois nouveaux motifs pour désigner RESOLVE comme un danger pour la santé de type II. Cela signifie que TWC n’avait aucune possibilité de répondre à l’EDS no 6 avant que la DPSN ne rende la première décision. Cela ne se serait pas produit si l’intégrité des processus d’octroi de licences et d’inspection avait été maintenue, et c’est à ce point-là que l’intervention du Dr Marles dans le processus de DLMM devient cruciale.

[108]       Avant d’examiner les détails de l’intervention du Dr Marles dans le processus de DLMM, les éléments suivants doivent être pris en compte en ce qui concerne les trois nouveaux motifs qu’il a invoqués dans l’EDS n6 pour désigner RESOLVE comme un danger pour la santé de type II :

a)      Le Dr Marles a complètement fait fi de l’avis d’expert du Dr Dutton selon lequel RESOLVE est un produit sûr selon sa dose quotidienne. Le Dr Dutton est un toxicologue expert. Le Dr Marles n’est pas un toxicologue et a admis en preuve, dans la présente demande, qu’il n’a consulté aucun toxicologue. Voir Bukhari – décembre 2007, au paragraphe 75; contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 11 et 223 à 227. En d’autres termes, le Dr Marles a tout simplement décidé de substituer son propre avis sur l’innocuité de la posologie quotidienne à la preuve d’expert.

b)      L’EDS no 6 s’est également appuyée sur les déclarations d’effets indésirables – auxquels TWC n’a pas été en mesure de répondre pleinement – et ces déclarations étaient fondées sur la fausse hypothèse que RESOLVE contenait de la passiflore. Le Dr Marles était au courant de cette erreur, mais ne l’a pas corrigée;

c)      L’EDS no 6 a également invoqué un risque présumé d’anémie hémolytique mentionné dans le rapport d’expert du Dr Dutton. Toutefois, le rapport du Dr Dutton, comme le Dr Marles aurait dû le savoir, indique clairement que RESOLVE est un produit sûr, de sorte que les remarques du Dr Marles dans son rapport sur l’anémie hémolytique sont tout simplement une mauvaise interprétation des propos du Dr Dutton.

[109]       Ce sont des erreurs graves pour une personne de la stature du Dr Marles et elles créent l’impression que, après que TWC a répondu à toutes les questions d’innocuité soulevées dans les évaluations nos 1 à 5, le Dr Marles a renoncé à son objectivité et s’accrochait tout simplement à n’importe quoi pour justifier une décision qu’il avait déjà prise pour faire désigner RESOLVE comme un danger pour la santé de type II. L’aspect bizarre de cette conclusion est qu’il y a des éléments de preuve devant moi, dans la présente demande, indiquant que M. Gustafson a confié à un représentant de TWC présent à la réunion du 28 juin 2007 susmentionnée que TWC n’obtiendrait pas la licence visée par la DLMM pour RESOLVE [traduction] « quels que soient » les renseignements que TWC fournirait (voir Bukhari – décembre 2007, au paragraphe 50, contre-interrogatoire de Bukhari, au paragraphe 83).

[110]       Les défendeurs s’opposent à ces éléments de preuve dans leur mémoire écrit des faits et du droit :

40. TWC allègue faussement que M. Gustafson a informé l’un de ses représentants présents à la réunion du 28 juin que [traduction] « TWC n’allait obtenir aucune licence quels que soient les renseignements fournis ». M. Gustafson n’a jamais fait une telle déclaration. TWC n’a déposé aucune preuve directe provenant de la personne qui aurait prétendument entendu M. Gustafson faire une telle déclaration. Ces fausses allégations sont très préjudiciables et doivent être radiées du dossier comme du pur ouï-dire.

[111]       Étrangement, il aurait été très facile de réfuter la preuve contestée à l’aide d’un affidavit de la part de M. Gustafson lui-même. Mais les défendeurs n’ont déposé aucune preuve réfutant ces allégations et n’ont donné aucun motif de ne pas le faire. Le déni demeure une simple affirmation dans un mémoire des faits et du droit présenté à la Cour, ce qui ne constitue en aucun cas une preuve, en particulier sur un point comme celui-ci. Santé Canada doit être conscient qu’il s’agit d’une preuve extrêmement incriminante contre les défendeurs. Il renforce la position de TWC selon laquelle elle faisait face à un esprit fermé et partial et que l’ensemble du processus de réexamen ultérieur était une imposture.

[112]       Plus étrange encore est le fait que le 24 juillet 2015, le protonotaire Aalto a ordonné que l’une ou l’autre des parties souhaitant soulever des oppositions au sujet des éléments de preuve devait déposer un avis de requête à cet effet au plus tard le 31 août 2015. TWC a déposé et signifié sa requête le 28 août 2015. Les défendeurs n’ont déposé aucune requête. Les dossiers de requête devaient être déposés au plus tard le 30 septembre 2015 tandis que les dossiers des défendeurs devaient être présentés au plus tard le 30 octobre 2015. Conformément à la directive du protonotaire Aalto, TWC a déposé son dossier de requête concernant les oppositions au sujet des éléments de preuve le 30 septembre 2015. Par conséquent, les défendeurs devaient déposer leur dossier de réponse au plus tard le 30 octobre 2015. À la fermeture des bureaux, le vendredi 23 octobre 2015, TWC a reçu le mémoire des faits et du droit de la part des défendeurs aux fins du contrôle judiciaire, le seul document fourni à TWC dans le dossier des défendeurs. Lors de l’examen initial, il a été noté que certains paragraphes, en particulier les paragraphes 40, 85, 106, 107 et 108, comportaient des allégations de fait qui ne figurent pas dans l’affidavit ou dans d’autres éléments de preuve déposés auprès de la Cour. Qui plus est, les paragraphes comportaient une opposition au sujet de la preuve de TWC, malgré la directive du protonotaire voulant que les parties doivent déposer des requêtes pour soulever des oppositions au sujet de la preuve, le 31 août 2015 ou avant cette date.

[113]       Voilà une question importante qui, selon le témoignage de TWC, pèse lourdement contre les défendeurs. Elle confirme le point de vue de TWC selon lequel elle faisait face à une partialité, à un esprit fermé et à un étoffement. Il aurait été très facile de réfuter cette preuve à l’aide d’une preuve directe de M. Gustafson et, de toute évidence, les défendeurs auraient dû l’examiner conformément à la directive du protonotaire Aalto. Pourtant, les défendeurs n’ont rien fait de tel et n’ont offert aucune explication à la Cour quant à la raison.

[114]       Je suis d’accord avec les défendeurs que rien de tout cela ne les empêche de signaler à la Cour que les éléments de preuve de TWC reposent sur du ouï-dire. Il est clair, cependant, que je peux tenir compte des éléments de preuve par ouï-dire en suivant l’approche fondée sur des principes clairement établis dans la jurisprudence. Voir R c. Smith, [1992] 2 RCS 915; R c. Khan, [1990] 2 RCS 531, aux paragraphes 35 à 36, 42, 48, 49 et 61; Eli Lilly Canada c. Apotex Inc, 2015 CF 875, au paragraphe 195; Ottawa Athletic Club inc. c. Athletic Club Group inc., 2014 CF 672, aux paragraphes 117 à 119. Le ouï-dire exclut les éléments de preuve qui ne peuvent être vérifiés, mais le fait que M. Bukhari a entendu que M. Gustafson avait fait ces commentaires était bel et bien vérifiable, et Santé Canada aurait facilement pu réfuter la valeur de vérité de la preuve en demandant à M. Gustafson de fournir des preuves directes sur ce point. Qui plus est, les défendeurs auraient facilement pu s’opposer de la manière indiquée par le protonotaire Aalto.

[115]       Le fait de souligner que cette preuve par ouï-dire ne permet pas aux défendeurs de faire valoir, dans leur mémoire écrit, que [traduction] « M. Gustafson n’a jamais fait une telle déclaration » ou que [traduction] « ces fausses allégations sont très préjudiciables et doivent être radiées du dossier comme du ouï-dire pur » parce qu’il n’y a aucune preuve devant moi indiquant que la preuve par ouï-dire est fausse ou que M. Gustafson n’a jamais fait une telle déclaration. Par conséquent, ces simples affirmations de la part des défendeurs dans leur mémoire sont radiées, mais je suis d’avis que je fais affaire avec des éléments de preuve par ouï‑dire sur cette question.

[116]       En adoptant une approche raisonnée à l’égard de ces éléments de preuve, je pense que je dois prêter une attention particulière au fait que les défendeurs n’ont fait aucune tentative de déposer une preuve réfutant une question de fait cruciale et n’ont pas expliqué à la Cour pourquoi ils ne l’ont pas fait. Qui plus est, ils ne se sont pas opposés à la preuve de la manière indiquée par le protonotaire Aalto. Je pense que je dois tirer, à partir de ces faits, une conclusion défavorable selon laquelle ces éléments de preuve ne peuvent être réfutés par les défendeurs. Ayant eu l’occasion et la directive du protonotaire Aalto de s’opposer à ces éléments de preuve, ils ont préféré la laisser au dossier aux fins de l’audience de contrôle judiciaire. Les oppositions au ouï-dire auraient dû être soulevées conformément aux directives de la Cour. Cependant, même si je devais exclure cet élément de preuve, j’en arriverais encore aux mêmes conclusions sur la crainte raisonnable de partialité.

[117]       C’est dans ce contexte – c’est-à-dire les problèmes liés au processus de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments et ceux liés au rôle du Dr Marles dans ledit processus – que nous devons examiner l’intervention dominante du Dr Marles dans le processus de DLMM et la première décision.

[118]       Le point de départ est que, avant cette intervention, M. Awan, agent d’évaluation au sein du BEEP, avait non seulement confirmé que RESOLVE répondait à la définition réglementaire d’un PSN, mais aussi produit, le 19 juin 2007, le rapport d’examen initial sur l’innocuité et l’efficacité concernant RESOLVE, confirmant qu’il n’y avait aucune préoccupation en matière d’innocuité et recommandant un avis de demande d’information de routine au sujet de l’efficacité. Voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 122 à 127, 133 à 135 ainsi que 164 et 165 et certains extraits de la pièce 14.

[119]       C’était à ce moment que le Dr Marles est intervenu et a informé le BEEP des EDS qu’il avait produites pour l’Inspectorat, qui avaient ensuite été utilisées par la DPSN pour tirer ses conclusions selon lesquelles RESOLVE soulevait des préoccupations en matière d’innocuité. Toutefois, la DPSN n’a pas mené sa propre enquête sur cette question. Elle a tout simplement cru sur parole ce que le Dr Marles avait dit et lui a permis, en fait, d’ordonner que le rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité de M. Awan soit écarté et remplacé par un rapport qui correspondait à ses propres EDS.

[120]       Il en vaut la peine de répéter qu’à ce stade, TWC n’a pas été en mesure de répondre aux trois nouveaux motifs invoqués dans l’EDS no 6 datant du 17 juillet 2007. Le Dr Marles affirme que la BEEP a utilisé cette évaluation – que TWC n’avait pas consultée – ainsi que le recueil de documents qu’a présenté TWC, le 3 juillet 2007, en réponse à l’EDS no 5, qui n’était plus pertinent dans le cas de l’évaluation de sa DLMM. Voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 185 à 187 et 199.

[121]       Comme je l’ai déjà affirmé, je ne vois aucun problème dans le fait que le Dr Marles dise à la DPSN que l’Inspectorat avait soulevé des préoccupations en matière d’innocuité, mais si la DPSN adopte tout simplement ces préoccupations et permet à ses propres processus d’être absorbés, il faut se rendre compte qu’elle hérite de toutes les erreurs susceptibles de révision que j’ai mentionnées et qui ont été commises en raison du rôle du Dr Marles dans le processus de l’Inspectorat. Nous pouvons voir l’étendue du rôle du Dr Marles dans le processus de DLMM en se référant au courriel du 17 juillet 2007 qu’il a envoyé aux membres du personnel de la DPSN, y compris à M. Awan, dans lequel il déclare que l’avis de rejet sera prêt pour la signature [traduction] « demain matin » et que M. Awan devait veiller à ce que l’avis de rejet [traduction] « reprenne dûment » les motifs exposés dans l’EDS no 6, laquelle TWC n’avait pu consulter. Le BEEP a tout simplement suivi les instructions du Dr Marles et a rédigé le rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité ainsi que l’avis de rejet du 19 juillet 2007. Il a négligé en outre de suivre le processus normal consistant à délivrer d’abord un avis de demande d’information. Un courriel du 18 juillet 2007 confirme que l’avis de rejet était prêt à cette date‑là.

[122]       Les éléments de preuve qui m’ont été présentés en l’occurrence révèlent que le Dr Marles est vraiment celui qui a pris la décision de faire fi du processus d’avis de rejet et de passer directement à un avis de rejet. Il l’a fait en étant pleinement conscient des problèmes que posait l’EDS no 6 susmentionnée – dont il était l’auteur – et du fait que TWC n’avait pas eu la possibilité de réagir à cette évaluation. En d’autres termes, je pense que nous avons en l’espèce la confirmation des propos déclarés de M. Gustafson selon lesquels une décision avait déjà été prise, à savoir que TWC n’allait pas obtenir de licence en lien avec la DLMM, et nous voyons le Dr Marles intervenir dans le processus de DLMM pour s’assurer qu’il aboutisse ainsi. M. Awan et ses collègues ont dû produire en toute hâte le rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité et l’avis de rejet du 19 juillet 2007 afin de tenir compte des préoccupations liées à l’innocuité figurant dans l’EDS no 6 et d’appuyer une décision que le Dr Marles avait déjà prise par erreur.

[123]       Le Dr Marles a admis que ce qui s’est produit était contraire à la politique courante, car il affirme que la DLMM et les EDS sont des processus distincts. Voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 122 à 127, 133 et 135.

[124]       Un autre courriel daté du 18 juillet 2007, qui a été envoyé à toutes les personnes concernées (y compris au directeur par intérim de la DPSN), montre le Dr Marles indiquant les étapes à suivre. Il demande au gestionnaire du BEEP d’approuver le rapport d’examen sur l’innocuité et l’efficacité et au directeur par intérim d’approuver l’avis de rejet, ce qui constitue des formalités requises. Le directeur par intérim a approuvé l’avis de rejet le 19 juillet 2007, et l’avis de rejet a été signifié à TWC, tout comme l’EDS no 6 et un nouvel avis d’arrêt de vente et de rappel. Voir le contre-interrogatoire de Marles, aux paragraphes 238 à 240 et la pièce 30; Bukhari – décembre 2007, aux paragraphes 63 à 65 et les pièces 25 et 26.

[125]       Cela signifie que, dans le cas de l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé des aliments, TWC n’avait reçu aucun préavis relatif aux trois nouvelles préoccupations en matière d’innocuité qui ont servi à justifier l’EDS no 6, alors que dans le cas de DPSN, TWC n’avait reçu aucun préavis relatif à une préoccupation en matière d’innocuité ou d’efficacité soulevée par le BEEP.

[126]       Pourtant, la DPSN prétend toujours que TWC a bénéficié de l’équité procédurale au-delà des exigences de la loi et que le Dr Marles s’est comporté de manière adéquate tout au long du processus. Toutefois, à part ces affirmations générales, les défendeurs n’ont pas abordé les points factuels détaillés soulevés par TWC en ce qui concerne le processus de DLMM et le processus de l’Inspectorat, ce qui, à mon avis, fait ressortir un manquement à l’équité procédurale, des décisions déraisonnables et, à tout le moins, une crainte raisonnable de partialité. Cependant, les défendeurs affirment que :

[traduction]

TWC n’a avancé aucune explication logique indiquant pourquoi le Dr Marles serait hostile à TWC ou au produit RESOLVE. Le Dr Marles a mené une longue et remarquable carrière à Santé Canada, il n’y a aucune preuve de [sic] ni aucune plainte antérieure de partialité ou de mauvaise foi de la part de tout autre demandeur de licence ou intervenant du secteur.

[127]       Ce genre d’affirmation est sans pertinence et inutile. Elle ne traite pas des éléments de preuve détaillés susmentionnés ni des autres points figurant dans la demande de contrôle judiciaire de TWC. TWC n’a pas à établir la mens rea afin de prouver un manquement à l’équité procédurale, un caractère déraisonnable ou une crainte raisonnable de partialité. Étrangement, les défendeurs ont fait très peu pour expliquer ou justifier les points factuels détaillés qui appuient la demande de TWC.

[128]       Les défendeurs déclarent également ce qui suit :

[traduction]

La décision du rejet et la décision de classification étaient fondées sur des communications transparentes entre Santé Canada et TWC. À chaque étape du processus, TWC a été informé des motifs pour lesquels sa DLMM faisait l’objet d’un refus et elle s’est vu accorder des droits de participation pour être entendue.

[129]       Pourtant, la preuve est claire que TWC n’a jamais eu la possibilité de réagir aux trois nouveaux motifs relatifs à l’innocuité allégués dans l’EDS no 6 qui étaient à la source de la décision de conformité; TWC n’a pas reçu non plus un préavis selon lequel il y a avait des préoccupations en matière d’innocuité ou d’efficacité en lien avec la DLMM et l’avis de rejet du 19 juillet 2007. En ce qui concerne la classification, TWC n’a reçu aucun préavis relatif aux préoccupations en matière de classification dans l’avis de rejet du 19 juillet 2007 ni aucun préavis relatif aux préoccupations en matière de classification avant la délivrance de l’avis de rejet du 21 août 2007. Les simples affirmations des défendeurs interrogées dans la présente demande ne prouvent pas le contraire.

F.                  Réexamen de la question d’innocuité

[130]       Comme dans le cas de la deuxième décision, empreinte d’un manque d’équité procédurale et de partialité, le processus de réexamen ne permet pas de remédier à la première décision. Voir l’arrêt Newfoundland Telephone, précité, aux paragraphes 38 à 41. La décision est nulle ab initio. Les défendeurs n’ont pas reconnu les lacunes des deux décisions. En conséquence, et encore une fois, le processus de réexamen de la question de l’innocuité a peu de pertinence pour ma décision. En tout état de cause, Santé Canada a reconnu par la suite que RESOLVE ne donne lieu à aucune préoccupation en matière de santé ou d’innocuité.

G.                Efficacité

[131]       Dans la première décision, TWC se voyait également refuser une licence pour des motifs d’efficacité. Comme dans le cas de l’innocuité, le traitement de la question de l’efficacité donne lieu à des préoccupations au sujet de l’équité procédurale, de l’apparence de partialité et du caractère raisonnable de la première décision. Étant donné que l’innocuité et l’efficacité ont toutes deux été évoquées dans l’avis de rejet du 19 juillet 2007 pour refuser la licence, il est difficile de séparer les erreurs susceptibles de révision liées à l’efficacité de celles liées à l’innocuité.

[132]       La preuve indique clairement que TWC n’a reçu aucun préavis de la DPSN au sujet des préoccupations en matière d’efficacité ou d’innocuité au titre du processus de DLMM. Le premier avis a été l’avis de rejet du 19 juillet 2007 (première décision) lui-même. Il faut aussi se rappeler que TWC n’a pas reçu l’avis de demande d’information de routine recommandé dans le rapport d’examen initial sur l’innocuité et l’efficacité et que, sous la direction du Dr Marles, la DPSN est passée directement à l’avis de rejet du 19 juillet 2007. Il n’y avait donc aucune possibilité pour TWC de répondre aux préoccupations en matière d’efficacité avant que la délivrance de l’avis de rejet. Il ressort également de la preuve devant moi qu’il s’agissait d’un écart par rapport aux procédures courantes. Il y a aussi la question troublante de l’aveu de M. Gustafson fait à la réunion du 28 juin 2007, selon lequel TWC ne se verrait accorder aucune licence. Cependant, même sans cet aveu, je pense que TWC a établi le manquement à l’équité procédurale et une crainte raisonnable de partialité à l’égard des questions d’efficacité. Cette constatation est renforcée par ce qui s’est produit lors du processus de réexamen, alors qu’il est devenu clair que Santé Canada exigeait une « preuve concluante » de l’efficacité sous la forme d’études cliniques humaines dont la validité ne peut être contestée. Comme TWC le souligne, cette norme très élevée a été rejetée par la Cour comme une exigence obligatoire minimale pour les présentations de drogue nouvelle. Voir Wellesley Therapeutics Inc. c. Canada (Santé), 2010 CF 573, aux paragraphes 40 à 45, 61 et 62, 66 à 69, 72; Epicept Corporation c. Canada (Santé), 2010 CF 956, aux paragraphes 13 et 14, 41 à 46, 67 à 72. Il est donc difficile de voir pourquoi Santé Canada insisterait sur une telle norme pour RESOLVE dans le contexte du régime plus détendu prévu par le Règlement sur les PSN. Plus important encore, les défendeurs ne m’ont présenté aucune preuve selon laquelle Santé Canada a déjà imposé cette norme dans une autre DLMM. Cela donne lieu à des questions touchant l’équité procédurale, la crainte de partialité, les erreurs juridiques sur le plan de l’interprétation et le caractère raisonnable. Ces questions sont considérablement compliquées en l’espèce par un manque de clarté dans la réglementation et par l’absence de jurisprudence concernant la norme d’efficacité applicable en vertu de cette réglementation.

[133]       En ce qui concerne l’efficacité, le Règlement sur les PSN prévoient ce qui suit :

5. La demande de licence de mise en marché est présentée au ministre et comporte les renseignements et documents suivants :

5. An application for a product licence shall be submitted to the Minister and shall contain the following information and documents:

(g) les renseignements montrant l’innocuité et l’efficacité du produit lorsqu’il est utilisé selon les conditions d’utilisation recommandées;

(g) information that supports the safety and efficacy of the natural health product when it is used in accordance with the recommended conditions of use;

[134]       L’article 7 du Règlement sur les PSN prévoit ensuite ce qui suit :

Délivrance et Modification

Issuance and Amendment

7. Le ministre délivre ou modifie la licence de mise en marché si les conditions suivantes sont réunies :

7. The Minister shall issue or amend a product licence if

(a) le demandeur présente au ministre une demande conforme à l’article 5 ou au paragraphe 11(2), selon le cas;

(a) the applicant submits an application to the Minister that is in accordance with section 5 or subsection 11(2), as the case may be;

(b) le demandeur fournit au ministre les renseignements complémentaires ou les échantillons demandes en vertu de l’article 15;

(b) the applicant submits to the Minister all additional information or samples requested under section 15;

(c) le demandeur ne fait pas de déclaration fausse ou trompeuse dans sa demande;

(c) the applicant does not make a false or misleading statement in the application; and

(d) la délivrance ou la modification de la licence ne risque pas de cause un préjudice à la santé de l’acheteur ou du consommateur.

(d) the issuance or amendment of the licence, as the case may be, is not likely to result in injury to the health of a purchaser or consumer.

[135]       TWC a présenté des observations détaillées sur la façon dont ces deux articles doivent être interprétés :

[traduction]

128. Comme il a été indiqué précédemment, TWC fait valoir en premier lieu que le Règlement ne prévoit aucun critère de fond pour l’efficacité. L’exigence en vertu de l’alinéa 5g) concernant « les renseignements montrant » l’efficacité est seulement d’ordre administratif. À titre subsidiaire, même si le Règlement peut être interprété comme créant une sorte de critère de fond préliminaire, ce critère devrait être moins sévère que le critère « probable » expressément prévu à l’alinéa 7d) au regard de l’innocuité.

129. L’alinéa 5g) ne demande aucun élément de preuve, mais plutôt des renseignements justificatifs. Ainsi, ces renseignements peuvent prendre de nombreuses formes et n’ont pas à atteindre le niveau de la preuve. Contrairement aux règlements sur les drogues nouvelles, le Règlement sur les PSN ne précise pas la nécessité d’une preuve clinique. Il faut aussi garder à l’esprit que l’information qui appuie l’efficacité doit être évaluée par rapport aux revendications de produit figurant dans la DLMM. En l’espèce, la seule revendication figurant dans la DLMM est que le produit « peut » aider à cesser de fumer. Par conséquent, TWC n’était tenue que de produire l’information qui appuyait cette revendication modeste, même si cette information était loin de prouver la probabilité qu’il peut aider à cesser de fumer.

130. En l’espèce, la DLMM était conforme à l’alinéa 5g) du fait qu’elle contenait de l’information étayant l’efficacité. Santé Canada l’a reconnu en acceptant la DLMM et en octroyant un numéro de présentation. Aux termes de la politique de Santé Canada, cette DLMM a été jugée complète, sinon elle aurait été rejetée dès le début ou en 2006 en vertu de la nouvelle politique sur les arriérés de présentations. L’information sur l’efficacité dans la DLMM comprenait une étude clinique humaine de phase I ainsi que des études in vitro et animales, toutes menées par l’Université Purdue, une analyse statistique d’une étude clinique humaine de phase II, des renseignements sur des brevets américains ainsi que divers documents, articles et témoignages.

131. TWC fait valoir que cette information était plus que suffisante pour prouver même la probabilité que RESOLVE puisse aider à cesser de fumer. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’elle a satisfait à une norme inférieure, quelle que soit cette norme. La suffisance de cette information sur l’efficacité est confirmée par la preuve, notamment par les déclarations faites par un ancien directeur de la DPSN lors de séances tenues auprès du secteur.

[Notes de bas de page omises]

[136]       Par ailleurs, Santé Canada fait valoir qu’une exigence de fond concernant l’efficacité peut être tirée du Règlement sur les PSN :

[traduction]

 86.      Contrairement à ce que soutient la demanderesse, le Règlement impose effectivement une exigence de fond concernant l’efficacité, notamment à l’alinéa 5g) et à l’article 7. L’article 7 énonce les exigences relatives à l’octroi d’une licence. L’alinéa 7a) intègre les exigences de l’article 5 dans leur intégralité, y compris l’exigence de l’alinéa 5g) au sujet des « renseignements montrant l’innocuité et l’efficacité ». Il ne s’agit pas d’une simple exigence administrative, mais plutôt d’une exigence de fond. Tous les renseignements requis par l’article 5 relativement à une DLMM doivent être examinés et pris en compte pour déterminer si une licence doit être octroyée ou non. Tel est le sens clair et évident de l’alinéa 5g) et de l’article 7. En l’espèce, le bureau d’examen a réalisé un examen de fond des arguments de la DLMM visant RESOLVE, notamment en ce qui a trait aux diverses exigences prescrites par l’article 7, y compris les renseignements qui étayent l’efficacité. Les renseignements figurant dans les arguments de la DLMM ont été examinés à la lumière des préoccupations concernant l’efficacité soulevées dans l’EDS, et il a déterminé que la demande était en deçà du seuil requis pour l’octroi d’une licence en vertu de l’article 7.

87. Le bureau d’examen a réalisé un examen des arguments de la DLMM visant RESOLVE par rapport aux diverses exigences prescrites par l’article 7, y compris les renseignements qui étayent l’efficacité. Les renseignements figurant dans les arguments de la DLMM ont été examinés à la lumière des préoccupations concernant l’efficacité soulevées dans l’EDS, et il a été déterminé que la demande était en deçà du seuil requis pour l’octroi d’une licence en vertu de l’article 7[.]

[137]       Je pense qu’il faut reconnaître que la norme adéquate en matière d’efficacité en vertu du régime des DLMM n’a pas encore été déterminée péremptoirement. Il n’y a aucune indication dans le Règlement sur les PSN lui-même et aucune jurisprudence sur ce point en guise d’appui. Cependant, à mon avis, la norme ne peut pas être la norme excessivement élevée que Santé Canada a finalement décidé d’imposer en l’espèce. D’ailleurs, en faisant valoir que l’alinéa 5g) incorpore une exigence de fond concernant l’efficacité, Santé Canada n’a pas fourni de preuve ou d’autorité à l’appui de la norme qui a été appliquée en l’espèce en vertu de la première décision, ou encore, à l’appui de la norme de la « preuve concluante » qu’elle a finalement formulée; elle n’a pas non plus fourni de preuve à l’appui de la norme qui a été adoptée dans d’autres DLMM. Cette absence de norme établie, jumelée à l’application d’un critère strict à la DLMM de TWC, prête foi à l’argument selon lequel Santé Canada ne faisait qu’appliquer une norme qui permettrait de rejeter la DLMM de TWC.

[138]       TWC soutient que, puisque l’article 7 énonce expressément un critère de fond relativement à l’innocuité, l’alinéa 5g) ne doit pas être interprété comme créant un critère de fond. TWC affirme ainsi que l’alinéa 5g) exige qu’un demandeur fournisse uniquement des documents étayant l’efficacité, ce que TWC a fait en l’espèce. En d’autres termes, TWC prétend qu’elle a présenté une demande complète en l’espèce, ce qui signifie que le ministre, en vertu du libellé de l’article 7 (« doit »), était obligé d’octroyer la licence à condition que le produit ne nuise pas, conformément à l’alinéa g), à la santé de l’acheteur ou du consommateur.

[139]       À première vue, le sens ordinaire de ces deux règlements laisse entendre qu’il s’agit là de la bonne façon de les considérer simultanément, sauf qu’elle laisse toujours ouverte la question de savoir ce qui est, même dans un sens administratif, nécessaire pour étayer l’efficacité aux termes de l’alinéa 5g), tout comme la question de savoir quel est le pouvoir discrétionnaire dont dispose la DPSN en vertu de l’alinéa 5g) pour évaluer les renseignements fournis.

[140]       Il me semble que l’utilisation du terme « renseignements » exige qu’un demandeur fournisse des documents à la fois utiles et acceptables qui « montrent » l’efficacité et que, à défaut de le faire – soit parce qu’aucun renseignement n’a été fourni ou parce que les renseignements fournis ne sont pas suffisants pour appuyer un certain degré d’efficacité – alors, même du point de vue administratif, une demande ne serait pas complète et la DPSN devrait, en temps normal, informer un demandeur de la lacune et prévoir un délai raisonnable pour qu’il puisse y réagir.

[141]       En l’espèce, TWC n’a jamais été informée en aucune façon que ses renseignements sur l’efficacité étaient insuffisants avant que la première décision n’ait été rendue, et on ne lui a certainement jamais dit pourquoi ses renseignements sur l’efficacité étaient insuffisants ou ce qui serait nécessaire pour remédier à la situation. À cet égard, l’aspect de l’avis de rejet du 19 juillet 2007 portant sur l’efficacité était injuste sur le plan procédural et, lorsqu’il est mis en contexte avec tous les éléments de preuve présentés en l’espèce, il donne également lieu à une crainte raisonnable de partialité. Aucune norme n’a été portée à la connaissance de TWC au moment des faits, et aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi « les renseignements » de TWC ne « montraient » pas l’efficacité.

[142]       Il me semble alors qu’en vertu de l’alinéa 5g), un demandeur est tenu de fournir « les renseignements » qui, raisonnablement parlant, appuient un certain degré d’efficacité à l’égard des revendications de produit figurant dans la DLMM et selon lesquelles, en l’espèce, RESOLVE « peut » aider à cesser de fumer. Santé Canada n’a présenté aucun argument pour expliquer pourquoi les renseignements présentés par TWC dans sa DLMM ne satisfaisaient pas à ce critère. Santé Canada, comme l’a révélé le processus de réexamen, a plutôt adopté un critère très strict qui semble être supérieur à celui qui est exigé en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Aucune raison légitime n’a été avancée par Santé Canada quant à la nécessité d’un critère aussi strict dans le contexte des PSN, et il n’y a aucune preuve que Santé Canada a déjà appliqué un tel critère à une DLMM autre que la demande de TWC relativement à RESOLVE. À mon avis, le critère appliqué par Santé Canada était à la fois erroné sur le plan de l’interprétation de la loi et déraisonnable lorsque mis en contexte avec la manière dont l’efficacité a été traitée. Au terme de mon propre examen des renseignements présentés par TWC dans sa DLMM, j’en arrive à la conclusion que ce sont des « renseignements » fiables, objectifs et légitimes qui « montrent » que RESOLVE « peut » aider à briser la dépendance au tabac. Après une simple lecture du Règlement sur les PSN dans son contexte global, il me semble que TWC a clairement satisfait à l’exigence relative à l’efficacité et que la décision de rejeter la DLMM pour ce motif était à la fois contraire aux prescriptions de la loi et déraisonnable.

H.                Réexamen de la question d’efficacité

[143]       Comme dans le cas de la classification et de l’innocuité, le processus de réexamen concernant l’efficacité ne pouvait remédier à la première décision qui, à cause d’un manque d’équité procédurale et d’une crainte raisonnable de partialité, était nulle ab initio. Voir l’arrêt Newfoundland Telephone, précité, aux paragraphes 38 à 41.

I.                   Autres questions

[144]       TWC a soulevé plusieurs autres questions dans ses observations que je ne rejette pas. Cependant, je ne pense pas qu’une analyse exhaustive soit nécessaire pour traiter cette demande. Le fait de tirer une conclusion pour TWC sur le principe du dessaisissement, par exemple, ne changerait pas le résultat ou les mesures de redressement qui semblent convenir à cette demande. Selon mon examen et mes conclusions jusqu’à maintenant, il est clair que la demande doit être accueillie en raison du manque d’équité procédurale, de la crainte raisonnable de partialité et du caractère déraisonnable.

J.                   Requêtes relatives à la preuve

[145]       Comme je l’ai déjà mentionné, les deux parties ont soulevé des oppositions à l’égard de certains éléments de preuve déposés dans la présente demande. J’ai parlé de ce que je considère comme certains des éléments de preuve les plus importants dans mes motifs. Dans l’ensemble, je pense que les faits qui établissent le manquement à l’équité procédurale, la mauvaise interprétation de la loi, le caractère déraisonnable et la crainte raisonnable de partialité sont manifestes, et les défendeurs, tout en faisant des affirmations générales, n’ont pas vraiment traité en détail les éléments de preuve qui démontrent les erreurs susceptibles de révision qui se sont produites en l’espèce.

[146]       Par requête formelle, TWC demande que les paragraphes 40, 85 et 108 du mémoire des faits et du droit des défendeurs soient radiés. Pour les motifs donnés par TWC, je suis d’accord que, dans l’ensemble, ces paragraphes doivent être radiés. Toutefois, comme il est indiqué dans mes motifs, j’ai pris note des éléments de ouï-dire de la preuve de M. Bukhari sur la question des déclarations faites par M. Gustafson lors de la réunion du 28 juin 2007. Comme il est indiqué précédemment, ce que je trouve le plus troublant est le fait que les défendeurs n’ont déposé aucun démenti de la part de M. Gustafson et n’ont fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle un tel démenti n’aurait pas pu être déposé. En même temps, ils n’ont pas contesté cette preuve comme l’exigeait la Cour et l’ont donc laissée au dossier.

[147]       En ce qui concerne le paragraphe 85, je pense que la première phrase peut être étayée par le dossier, mais les phrases qui renvoient au DNP doivent être radiées pour manque de preuve à l’appui. J’ai indiqué dans mes motifs ce qui, selon moi, peut être constaté au sujet du DNP à partir des dossiers de la cour.

[148]       Le paragraphe 108 doit être radié dans son intégralité pour les motifs invoqués par TWC.

[149]       En ce qui concerne la preuve par affidavit du Dr Marles, force est d’admettre qu’il était, selon moi, le principal responsable des décisions qui sont au cœur de la présente demande. J’ai déjà indiqué dans mes motifs que l’intégrité du processus de DLMM et celle du processus d’application de la loi et de mise en conformité a été compromise par le rôle que le Dr Marles a décidé de tenir, un rôle, en toute honnêteté, que lui ont permis de tenir ceux qui auraient dû superviser le processus et prendre les décisions. Les processus de DLMM normaux ont été abandonnés, et ceux qui avaient le pouvoir et la responsabilité de prendre la décision ont tout simplement suivi les directives du Dr Marles, dont l’esprit dirigeant semble avoir perdu tout sens de l’objectivité et de l’équité procédurale lorsqu’il tentait de consolider ses propres conclusions erronées. Par exemple, le Dr Marles a concédé qu’il n’avait aucune preuve indiquant que la matière active de RESOLVE n’était pas un PSN. Il ne s’appuyait que sur son propre avis selon lequel les articles invoqués par le DNP pour appuyer l’inscription au DNP ne la justifiaient pas en fait. Pourtant, le Dr Marles a activement cherché à radier la matière active du DNP sans aviser TWC que le classement posait un problème et sans donner à TWC l’occasion de fournir au docteur ou aux responsables du DNP une preuve d’expert démontrant que la matière active est présente, en fait, dans la nature. À mon avis, une personne raisonnable qui connaît les faits de l’espèce conclurait que le Dr Marles n’a pas agi de manière juste ou objective et que son objectif était de faire obstacle à la DLMM de TWC. Je dois conclure qu’il existe une crainte raisonnable de partialité en l’espèce.

[150]       Étant donné qu’il était le principal responsable des décisions faisant l’objet du contrôle et qu’il a demandé aux autres intervenants de faire ce qui devait être fait de sorte à délaisser les pratiques courantes, le Dr Marles a probablement plus de connaissance directe que quiconque du comment et du pourquoi des décisions qui ont été prises. Cependant, et comme TWC le souligne, le fait qu’il peut tenir le rôle prédominant en dressant le portrait global du point de vue de Santé Canada est lui-même un indicateur de la mesure dans laquelle les propres pratiques et procédures du ministère relativement à la DLMM de TWC ont été outrepassées et délaissées par les actions d’un seul homme, rendant ainsi impossibles l’équité procédurale et la prise de décision raisonnable.

[151]       Cette situation conduit aussi à des problèmes quant à la preuve du Dr Marles dans la présente demande. Il assume le rôle du décideur réel qui défend ses propres actions. Cela signifie qu’il est le seul témoin des faits présenté par Santé Canada, un témoin des faits qui défend néanmoins ses propres décisions. Il défend sa propre personne. Santé Canada demeure fermement sous l’influence du Dr Marles et elle est apparemment peu disposée à fournir à la Cour des éléments de preuve factuels fiables auprès d’autres intervenants du système. Par conséquent, bien qu’il soit présenté comme un témoin des faits, il y a beaucoup d’éléments dans sa preuve, comme TWC le souligne encore une fois, qui doivent être considérés comme un témoignage d’opinion irrecevable, des arguments irrecevables, des conclusions ou des motifs supplémentaires irrecevables et de l’étoffement.

[152]       J’accepte les arguments de TWC selon lesquels les parties suivantes des affidavits du Dr Marles et du Dr Arnason devraient être radiées :

A. Affidavit de Robin Marles, 22 janvier 2008

Motifs de la radiation

Paragraphe 14

Argument et interprétation de la loi

Paragraphe 15

Ouï-dire et argument

Paragraphe 16 (phrases 2 et 3)

Ouï-dire, opinion, argument et avis d’expert abusif

Paragraphe 17 (phrases 1 et 2)

Ouï-dire, opinion et argument

Paragraphe 30 (phrases 2 et 3)

Ouï-dire

Paragraphe 33 (phrases 1 et 2)

Argument et ouï-dire

Paragraphe 34 (phrases 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 12)

Ouï-dire, opinion, argument, avis d’expert abusif et étoffement

Paragraphe 35 (phrase 3)

Ouï-dire et argument

Paragraphe 38

Ouï-dire et argument

Paragraphes 39 et 40

Ouï-dire, argument et opinion

Paragraphe 43

Ouï-dire, argument et opinion

Paragraphe 44

Ouï-dire, argument et opinion

Paragraphes 47 à 50

Ouï-dire et argument

Paragraphes 51 à 53

Ouï-dire

Paragraphe 54

Ouï-dire et argument

Paragraphe 56

Ouï-dire et argument

Paragraphes 58 à 63

Ouï-dire et argument

Paragraphes 64 à 68

Opinion, argument, interprétation de la loi, avis d’expert abusif et étoffement

Paragraphes 69 à 71

Ouï-dire et étoffement

Paragraphe 72

Ouï-dire, argument, interprétation de la loi et étoffement

Paragraphe 73 (phrases 1 et 2)

Ouï-dire, argument et étoffement

Paragraphe 74 (utilisation du terme anglais « erroneously », qui signifie « à tort »)

Ouï-dire, argument, opinion et étoffement

Paragraphes 75 à 77

Ouï-dire, argument, opinion et étoffement

Paragraphe 78

Opinion, argument, ouï-dire, avis d’expert abusif et étoffement

Paragraphe 79

Ouï-dire, argument et opinion

Paragraphe 80

Ouï-dire et étoffement

Pièces C, H, I, J, K, N et O

Ouï-dire et étoffement

 

B. Affidavit de Robin Marles, 10 avril 2009

Motifs de la radiation

Pièce P

Ouï-dire (irrecevable pour prouver la véracité du contenu), avis d’expert abusif et étoffement

 

C. Affidavit de Robin Marles, 7 octobre 2008

Motifs de la radiation

Pièce Q

Ouï-dire (irrecevable pour prouver la véracité du contenu) et avis d’expert abusif

 

D. Affidavit de John Arnason, 7 octobre 2008

Motifs de la radiation

L’affidavit au complet et pièce B

Étoffement, ouï-dire et avis d’expert abusif

 

E. Affidavit de Robin Marles, 30 janvier 2012

Motifs de la radiation

Paragraphes 4 et 5

Argument

Paragraphe 6

Argument, ouï-dire, opinion et avis d’expert abusif

Paragraphes 7, 8 et 9

Ouï-dire, opinion et argument

Paragraphe 10

Argument, opinion et étoffement

Paragraphes 11 et 12

Argument, ouï-dire et étoffement

Paragraphes 13 à 15

Ouï-dire, argument et opinion

Paragraphe 16 et 17

Ouï-dire, étoffement, avis d’expert abusif et argument

Paragraphes 18 à 20

Ouï-dire et argument

Paragraphe 21

Ouï-dire, argument, avis d’expert abusif et étoffement

Paragraphes 22 et 23

Ouï-dire, argument et opinion

Pièces C et D

Ouï-dire

Pièces E et F

Ouï-dire, avis d’expert abusif et étoffement

 

F. Affidavit de John Arnason, 27 janvier 2012

Motifs de la radiation

Paragraphes 3 à 6

Étoffement et avis d’expert abusif

[153]       Comme je l’indique dans mes motifs, les faits essentiels concernant le manquement à l’équité procédurale, la mauvaise interprétation de la loi, le caractère déraisonnable et la crainte raisonnable de partialité sont clairement établis en l’espèce.

K.                Recours

[154]       Les recours sont problématiques en l’espèce. Les recours habituels en contrôle judiciaire consistent à annuler la décision en cause et de renvoyer l’affaire pour réexamen par un tribunal différemment constitué qui sera attentif aux motifs et qui évitera de commettre des erreurs semblables dans son processus décisionnel. Il n’est pas clair si une telle approche est encore possible en l’espèce.

[155]       Une grande partie de ce que j’ai déjà dit à propos de l’erreur susceptible de révision mettait l’accent sur la conduite du Dr Marles, mais celui-ci était censé être rien de plus qu’un conseiller scientifique dans un système complet qui possédait des procédures ainsi que des mécanismes de freins et de contrepoids reconnus. Ce système n’a pas fonctionné comme il aurait dû, en l’espèce, et rien ne prouve que cela se produira probablement si la présente affaire est renvoyée pour réexamen. Comme le dossier le montre, le réexamen par lequel TWC est passée était loin d’être impartial ou équitable. Certains renseignements n’ont pas été communiqués délibérément à TWC, des cibles ont été décalées, des normes ont été modifiées et, en dépit des promesses, des membres du personnel à l’origine des problèmes sont intervenus, empêchant ainsi toute véritable évaluation indépendante. TWC n’a pas été en mesure de commercialiser RESOLVE pendant huit ans alors que ce différend se prolongeait, sans aucune raison justifiable que je puisse trouver. Le simple fait de renvoyer la question pour réexamen à un système qui s’est montré tellement dysfonctionnel pourrait ni plus ni moins replonger TWC dans le bourbier et déclencher encore plus de litiges.

[156]       Pour ces motifs, TWC fait valoir que si un réexamen est ordonné, il doit être réalisé soit par un comité externe dont la rémunération et la procédure devront être convenues et fixées par la Cour, soit par des personnes au sein de Santé Canada qui ne seront aucunement liées au présent différend. TWC demande également des directives détaillées de la Cour concernant les faits et l’information ainsi que la loi qui régira le processus de réexamen.

[157]       À mon avis, les suggestions de TWC à cet égard sont extrêmement laborieuses et susceptibles de conduire à une intervention accrue de la Cour au fur et à mesure que des contestations résultent de l’interprétation exacte des directives de la Cour. En outre, il est loin d’être évident que des personnes totalement indépendantes et possédant les compétences nécessaires peuvent être trouvées au sein de Santé Canada ou qu’un groupe indépendant puisse se voir accorder le pouvoir nécessaire en vertu de la législation applicable. La Cour ne peut pas usurper l’autorité législative du ministre pour administrer la Loi et le Règlement sur les PSN. J’estime donc que cette approche ressemble à un autre bourbier.

[158]       Par ailleurs, les éléments de preuve qui m’ont été présentés dans la présente demande laissent entendre qu’il y a vraiment très peu à gagner du fait d’ordonner un processus de réexamen complet. Les deux parties font face à un conflit prolongé et amer, et je ne vois pas l’utilité d’ordonner un réexamen lorsque la preuve a clairement établi ce qui suit :

a)      Il n’y a plus aucune préoccupation liée à l’innocuité du produit RESOLVE. Santé Canada accepte le fait que le produit est sûr selon les conditions d’usage prévues et nous avons le rapport d’expert objectif du Dr Dutton qui le confirme.

b)      J’ai établi ce que j’estime être le critère d’efficacité adéquat en vertu du Règlement sur les PSN et je suis convaincu que les renseignements fournis par TWC pour étayer l’efficacité répondent à ce critère. Si Santé Canada n’est pas d’accord avec moi, il peut interjeter appel de la présente décision, et la Cour d’appel fédérale corrigera toute erreur de ma part et donnera des instructions en conséquence. Si Santé Canada accepte ma décision sur l’efficacité, alors il n’y a aucun différend entre les parties au sujet de l’efficacité.

c)      En ce qui concerne la classification, les éléments de preuve qui m’ont été présentés indiquent que la matière active est un PSN. Ces éléments de preuve se trouvent dans l’article sur les mangues de 2005 qui est paru dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, dont une copie a été fournie à Santé Canada dans l’affidavit de M. Bukhari. Santé Canada n’a pas remis en question la confirmation du contenu de cet article et ne s’y est pas opposé. C’est la revue qui, selon le Dr Arnason, le propre expert de Santé Canada, fournit la crédibilité nécessaire dans les circonstances. Par conséquent, je ne peux pas voir comment Santé Canada puisse être en désaccord avec son propre expert et ne pas accepter l’article sur les mangues qui établit la matière active comme un PSN.

[159]       En termes juridiques, j’affirme que, selon la preuve dont je dispose, je ne vois rien qui pourrait justifier le refus d’une licence visée par la DLMM pour RESOLVE, et que les conditions de mandamus sont remplies. Aux termes de l’article 7 du Règlement sur les PSN, le ministre « délivre... la licence de mise en marché » si les conditions prévues aux alinéas a) à d) sont réunies. À mon avis, ces conditions sont réunies en l’espèce et l’ont été pendant un certain temps; pourtant, le ministre a refusé d’octroyer la licence. Selon la preuve dont je dispose, il serait inutile de renvoyer cette question pour un réexamen plus approfondi et, étant donné la nature prolongée et amère de ce différend, je ne vois aucune raison de perdre davantage de ressources publiques et privées.

[160]       Le fait de s’assurer que les PSN sont sûrs et efficaces ne constitue en rien une ingérence dans les pouvoirs législatifs et discrétionnaires conférés au ministre en vertu de la législation. Si les conditions changent dans l’avenir et que le ministre obtient de nouveaux éléments de preuve qui remettent en question la classification, l’innocuité ou l’efficacité du produit, le ministre est libre de prendre toutes les mesures nécessaires et admissibles aux termes du régime législatif.

L.                 Dépens

[161]       TWC a demandé une plus grande attribution des dépens et elle estime que les dépens procureur-client sont justifiés :

36. En ce qui concerne les dépens, TWC fait respectueusement valoir qu’elle n’aurait jamais dû être obligée à passer par le processus de réexamen en premier lieu. Elle soutient également qu’elle n’aurait pas dû être tenue non plus de poursuivre la présente demande de contrôle judiciaire. Selon elle, les défauts fondamentaux, y compris le manque d’équité procédurale et le functus officio, auraient dû être évidents pour le ministre dès le début. Par conséquent, le ministre aurait dû immédiatement annuler les deux avis de rejet, puis octroyer la licence ou ordonner une nouvelle évaluation de la DLMM en donnant toutes les garanties nécessaires pour s’assurer que TWC bénéficie d’un examen complet et équitable de sa demande de licence et que des normes et des critères adéquats sont adoptés en conformité avec le Règlement. À la place, TWC a été soumise à des procédures judiciaires et à des réexamens pluriannuels caractérisés par des objectifs en constante évolution et des dépenses très élevées, y compris des honoraires d’expertise. Pour ces motifs, TWC demande respectueusement le remboursement de tous ses frais pour les deux procédures au moyen d’une indemnisation complète.

[162]       Les défendeurs ont naturellement un point de vue différent :

33. L’adjudication des dépens est régie par les articles 400 des Règles et le tarif B, conformément aux Règles des Cours fédérales. La Cour suprême du Canada reconnaît que l’indemnisation complète ou les dépens procureur-client ne sont accordés qu’en de très rares occasions, notamment lorsqu’une partie a fait preuve d’une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante. La Cour d’appel fédérale a constaté qu’en raison de la nature exceptionnelle des dépens procureur-client, le juge qui préside doit généralement fournir une explication quant à la raison pour laquelle ils sont accordés. Le dossier ne démontre pas que les circonstances de l’espèce justifient une telle adjudication exceptionnelle.

[Note de bas de page omise]

[163]       Pour ma part, je considère que TWC a été soumise à un processus d’octroi de licence dysfonctionnel au cours duquel les garanties normales et équitables sur le plan de la procédure ont été abandonnées et le Dr Marles a été autorisé à poursuivre un plan d’action visant à refuser à TWC l’octroi d’une licence visée par la DLMM pour des motifs fallacieux. Les préoccupations liées à l’innocuité de RESOLVE ont été apaisées en septembre 2008 lorsque Santé Canada a finalement accepté le fait que l’innocuité n’était pas un problème. Santé Canada a reçu un article publié en 2005 (l’article sur les mangues) qui constituait une preuve fiable démontrant que la matière active de RESOLVE est présente dans la nature et il n’a pas cherché à contester la validité de cette preuve dans la procédure actuelle. En ce qui concerne l’efficacité, Santé Canada n’a fourni aucune preuve qui donnerait à penser que la norme élevée invoquée pour refuser une licence à TWC n’a déjà été utilisée avant ou depuis, ou que Santé Canada estime vraiment qu’une telle norme est requise pour un PSN. Avec un peu d’objectivité et de supervision, les préoccupations soulevées relativement à la demande de licence d’origine de TWC ont été résolues, ou auraient pu être facilement résolues, il y a plusieurs années. Santé Canada a plutôt permis au Dr Marles, qui était en bonne partie responsable des problèmes d’origine et qui, comme je l’ai constaté, a démontré un esprit fermé et une crainte raisonnable de partialité lors de ses interventions dans le processus de la DLMM, tout en utilisant des fonds publics pour défendre sa propre conduite (en se faisant le principal témoin des faits en l’espèce), une conduite qui, à mon avis, aurait dû être évaluée objectivement par Santé Canada elle-même. Cela s’est également traduit par des ennuis et des dépenses considérables pour TWC dans ses tentatives de saisir la Cour de cette conduite. Santé Canada aurait dû mettre en doute et rectifier cette conduite au lieu de gaspiller des ressources publiques et privées dans une tentative vaine et erronée de consolider davantage une conduite inappropriée de la part des fonctionnaires chargés de traiter avec TWC.

[164]       Comme le soulignent les défendeurs, les dépens procureur-client ne sont accordés que dans des circonstances exceptionnelles. La jurisprudence nous dit que ces dépens ne devraient être accordés que si une partie ou les parties ont démontré une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante. Dans ce contexte, une conduite répréhensible renvoie à des actes méritant la censure ou la réprimande; une conduite scandaleuse renvoie à des actes provoquant l’indignation du public en général, et une conduite outrageante renvoie à une conduite qui est profondément choquante, inacceptable, immorale et offensante : Louis Vuitton Malletier S.A. c. Singga Enterprises (Canada) Inc., 2011 CF 776, au paragraphe 56; Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., 2004 CSC 9, au paragraphe 26; Microsoft Corp c. 9038-3746 Québec Inc., 2007 CF 659, au paragraphe 16.

[165]       D’après ce qui est maintenant devant la Cour, il est possible d’affirmer que Santé Canada a eu une conduite qui peut être qualifiée de répréhensible. Les éléments de preuve présentés ont fait état d’incidents et d’actions de la part de Santé Canada qui ont non seulement privé, à plusieurs reprises, TWC d’une équité procédurale, mais aussi conduit à un différend prolongé et compliqué au cours duquel TWC n’a pu commercialiser son produit et a dû engager des coûts importants alors qu’elle poursuivait un réexamen et un contrôle judiciaire.

[166]       Santé Canada s’est écarté de ses processus établis, a fait preuve de partialité et de préjugé et a empêché TWC de comprendre pleinement la norme que devait respecter son PSN. Tant le processus de la DLMM que le processus des EDS ont été menés sans accorder à TWC la possibilité d’y participer pleinement et équitablement, ou de présenter ses arguments en faveur de RESOLVE. Cela a empêché qu’une décision raisonnable ne puisse jamais être rendue. Tout cela aurait dû être évident pour Santé Canada, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la présente demande de contrôle judiciaire

[167]       En l’espèce, la conduite des défendeurs mérite la réprimande ainsi que l’adjudication des dépens procureur-client à leur encontre. Cependant, je traite uniquement de la demande de contrôle judiciaire. Je suis d’accord avec TWC sur le fait qu’elle n’aurait jamais dû être obligée de poursuivre la présente demande de contrôle judiciaire et qu’elle devrait se faire rembourser les coûts connexes à raison d’une indemnisation complète.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      les deux avis de rejet (la première décision du 19 juillet 2007 et la deuxième décision du 21 août 2007) ainsi que toutes les décisions de réexamen (décisions ultérieures) sont par la présente annulés;

2.      une ordonnance de mandamus doit être prise, et le ministre doit octroyer à TWC la licence visée par la DLMM pour RESOLVE dans les 30 jours suivant la date de ladite ordonnance;

3.      rien dans ce qui précède n’interdit au ministre de prendre des mesures à l’avenir qui sont admissibles conformément à la Loi et au Règlement en vigueur si le ministre, en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en agissant raisonnablement et conformément à l’équité procédurale, en arrive à la conclusion que RESOLVE a cessé d’être admissible à titre de PSN;

4.      TWC a droit aux dépens avocat-client de la demande calculés à raison d’une indemnisation complète.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1381-07

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

THE WINNING COMBINATION INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 17 et 18 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

John Myers

Rod C. Roy

Pour la demanderesse

 

Eric Peterson

Abigail Browne

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Taylor McCaffrey LLP

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour les défendeurs

 

 

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