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Date : 20160418


Dossier : IMM-2995-15

Référence : 2016 CF 425

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2016

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

CARLOS MARTINEZ ATHIE

demandeur

et

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Monsieur Carlos Martinez Athie demande le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration [SAI] a renversé la décision de la Section de l’immigration [SI] et conclu que le demandeur est interdit de territoire pour criminalité organisée, en application de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [LIPR].

II.                Faits

Historique

[2]               Le demandeur est un citoyen mexicain qui était âgé de 38 ans au moment de son audition devant la SAI. Alors qu’il était âgé de 11 ans, sa famille a émigré aux États-Unis et s’est installée à Glendale, en banlieue de Los Angeles. Contrairement à son père, le demandeur n’a jamais obtenu le statut de résident permanent aux États-Unis, mais il y est demeuré jusqu’à ce qu’il soit expulsé vers le Mexique à l’âge de 27 ans.

[3]               Alors qu’il était à Glendale, le demandeur a fréquenté la Thomas Jefferson Elementary School pour ses 5e et 6e années et il a amorcé sa 7e année à la Roosevelt Junior High School. Il affirme qu’il a alors fait l’objet d’intimidation de la part de ses collègues de classe en raison de sa citoyenneté mexicaine et de son fort accent espagnol. Le demandeur a changé d’école en cours d’année et a commencé à fréquenter la Windsor Middle School, située dans la municipalité voisine de Pasadena. Il devait prendre l’autobus pour s’y rendre et affirme avoir continué à subir de l’intimidation pendant le transport.

[4]               À son arrivée à Windsor, il a rencontré un jeune homme prénommé Poncho, lequel est rapidement devenu un bon ami. Poncho aurait convaincu le demandeur que s’il se faisait tatouer, il donnerait l’impression d’être un dur et que, de ce fait, il règlerait son problème d’intimidation. C’est dans ce contexte qu’à l’âge de 14 ans, le demandeur se serait fait faire 16 tatouages en l’espace de deux mois. Il affirme avoir simplement copié les tatouages de Poncho sans connaître leur signification. Quatre des seize tatouages du demandeur illustrent les lettres « TVR », lesquelles réfèrent au gang de rue de la région de Glendale connu sous le nom « Toonerville » ou « Toonerville Rifa », alors que d’autres sont liés plus généralement à la culture des gangs de rue. Le demandeur confirme qu’en raison de ses tatouages, les élèves de Windsor ont cessé de l’intimider.

[5]               Le demandeur insiste qu’il ne connaissait pas la signification de ses tatouages au moment où il s’est fait tatouer.

[6]               Au secondaire, le demandeur a fréquenté la Hoover High School. Il affirme que Hoover était une école infestée de gangs et que c’est alors qu’il a compris ce que signifiaient les lettres TVR qu’il s’était tatouées sur le corps. Il s’est fait battre à quelques reprises lorsque des membres de la bande rivale Westside Locos ont aperçu ses tatouages. Il ajoute que ces derniers l’appelaient « leva », ce qui signifie « wannabe » en espagnol.

[7]               Le demandeur n’est demeuré que quelques mois à Hoover, après quoi il a abandonné ses études. C’est toutefois au cours de ces quelques mois que le père du demandeur aurait remarqué les tatouages de son fils pour la première fois. Il aurait d’abord remarqué une croix sur sa main et quelques semaines plus tard, il aurait remarqué les tatouages sur le dos du demandeur alors qu’il dormait. Pour le punir de son mauvais comportement à Hoover et de s’être fait tatouer, le père du demandeur aurait décidé de l’envoyer au Mexique pour un an.

[8]               Au Mexique, le demandeur a travaillé à la ferme de son oncle et il est retourné à Glendale vers mars 1994.

[9]               Le soir du 2 décembre 1994, le demandeur, qui ne détenait pas de permis de conduire, a pris la voiture de son père pour aller chercher son jeune frère. Le demandeur affirme que pour se rendre à la station-service pour faire le plein, il devait passer dans une ruelle où se trouvaient des membres du gang de rue Westside Locos. Le demandeur aurait tenté de reculer sa voiture vers la voiture derrière la sienne, pour ensuite avancer rapidement afin de disperser le groupe. Il aurait continué à rouler sur quelques rues sans faire les arrêts obligatoires pour finalement être intercepté par la police.

[10]           Le demandeur a été accusé d’assaut « with a deadly weapon other than a firearm » et détenu dans un centre de détention juvénile pendant 19 jours. Le 21 décembre 1994, le tribunal l’a condamné à une peine de 6 mois au camp « Challenger » – un camp de discipline pour jeunes contrevenants. Le demandeur ne serait resté au camp Challenger que trois ou quatre mois. Il est retourné à Glendale à sa sortie, mais ne s’y sentant pas en sécurité, il a quitté pour Philadelphie, où sa mère et ses frères habitaient déjà.

[11]           En 2005, le demandeur a été expulsé des États-Unis vers le Mexique.

[12]           Il est arrivé au Canada le 3 décembre 2008 muni d’un visa de visiteur et a revendiqué le statut de réfugié quelques mois plus tard. Le demandeur allègue craindre pour sa vie au Mexique, après avoir été témoin d’un meurtre commis par un narcotrafiquant membre des  Zetas, dans la boîte de nuit où il œuvrait comme gérant.

Entrevue avec une représentante de l’Agence des services frontaliers du Canada

[13]           Le demandeur a été convoqué pour une entrevue avec l’agente Cynthia Giguère de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]. Lors de cette entrevue, l’agente Giguère avait en mains un rapport préparé par une collègue de l’ASFC et intitulé « Rapport d’évaluation des tatouages » du demandeur.

[14]           Au début de l’entrevue, l’agente a informé le demandeur qu’elle le questionnerait notamment sur ses démêlés avec la justice américaine. Le tableau qui suit illustre toute l’information qui se trouve au dossier certifié du tribunal. Quant aux évènements survenus à Glenville alors que le demandeur était mineur, donc pouvant être en lien avec les Toonerville, seuls les évènements du 23 février 1992 et du 2 décembre 1994, indiqués en gras ci-dessous, étaient connus de l’agente au moment de l’entrevue initiale.

[15]           L’agente a questionné le demandeur sur l’incident du 2 décembre 1994. Il a d’abord répondu ne pas en avoir souvenir puis, après quelques minutes, il a confirmé que « cet événement était relatif à un moment où il a été arrêté par la police pour avoir continué de rouler en voiture sans s’arrêter pendant plusieurs rues malgré les arrêts obligatoires ». D’après le rapport d’entrevue préparé par l’agente, le demandeur aurait affirmé qu’un membre du gang Westside Locos l’a reconnu dans la ruelle comme étant quelqu’un qui se tenait avec le gang Toonerville.

[16]           Le demandeur a affirmé que suite à son arrestation du 2 décembre 1994, ses parents l’ont volontairement envoyé au « bootcamp » pendant trois ou quatre mois.

[17]           L’agente l’a questionné davantage sur son implication avec le gang Toonerville. Le demandeur a avoué qu’à Glendale, il se tenait avec des membres du Toonerville et qu’en conséquence, il a eu des problèmes avec la police. L’agente note que le demandeur a tenté de cacher la signification de ses tatouages. Il n’a pas directement avoué avoir été membre de Toonerville, mais voici un échange tiré du rapport d’entrevue, entre l’agente (A) et le demandeur (S), qui a mené à l’arrestation du demandeur à la fin de l’entrevue :

A: What are the letters that you have on your chest?

S: These are my initials, CMA.

A: The letters don’t look like CMA at all, it seems to be TVR?

S: It could be…

A: Yes, it’s TVR.

S: Yes.

A: What does it mean?

S: Toonerville Rifa.

A: The other tattoo on your arm, it’s not JVR it’s TVR too?

S: Yes.

A: So, it seems that you have been a little bit more implicated in the Toonerville gang then [sic] just hanging out with members of this gang.

S: Yes, but I wasn’t implicated in their criminal activities.

A: I supposed that because of the tough neighbourhood in which you grew up you didn’t really have the choice to be part of the gang if you wanted to be protected by them?

S: Yes. I was young. I did stupid things. I’m ashamed of my tattoos now. It’s a shame for all my family.

A: Ok, I don’t want to talk anymore now because I have to arrest you. I’m arresting you because I have reasonable grounds to believe that you are inadmissible in Canada according to the article 37 of the [IRPA] related to the fact that you are a member or you have been a member of a criminal organization.

[18]           Directement après l’entrevue, l’agente a rédigé son rapport à l’aide de ses notes manuscrites. Le même jour, elle a rédigé un rapport aux termes du paragraphe 44(1) de la LIPR, constatant que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. Un déféré pour enquête a alors été émis par l’ASFC.

[19]           Avant l’audience portant sur l’interdiction de territoire du demandeur, l’agente Giguère a ajouté certaines informations à son rapport d’entrevue qu’elle qualifie de petits détails par rapport aux adresses antérieures du demandeur et à ses emplois antérieurs. Elle a également rédigé un « Rapport complémentaire d’évaluation des tatouages » afin de compléter la liste et l’analyse des tatouages du demandeur, ainsi que les commentaires du demandeur à leur égard, faits en cours d’entrevue.

Audience devant la SI

[20]           L’audience devant la SI a durée plusieurs jours et plusieurs témoins ont été entendus: le demandeur, son épouse, son père et les deux agentes de l’ASFC. À cette liste s’ajoutent deux témoins experts: le détective Rafael Quintero de l’agence de police de Glendale a témoigné pour le défendeur et M. Alex Alonso, un sociologue spécialisé dans les gangs de rue de Los Angeles a témoigné pour le demandeur.

[21]           Dans son témoignage devant la SI, le demandeur a nié plusieurs faits rapportés par l’agente Giguère. Par exemple, il a nié avoir avoué qu’il se tenait avec des membres de Toonerville, que ce gang avait en quelque sorte remplacé sa famille ou qu’il aurait dit « Yes, I was young. I did stupid things ». Selon lui, l’agente Giguère a inventé plusieurs des faits énoncés dans son rapport d’entrevue. Le demandeur affirme qu’on ne peut se fier ni aux notes manuscrites de l’agente, ni à son rapport final.

[22]           Par ailleurs, le défendeur a mis en preuve une carte d’information policière qui rapporte que le demandeur aurait dit au policier ne plus être actif au sein du gang Toonerville (« he said he was no longer active »). Le demandeur nie les propos rapportés et affirme avoir simplement dit qu’il n’était pas membre du gang Toonerville.

[23]           Quant à l’incident du 2 décembre 1994 et à la sentence qui lui a été imposée, le demandeur a été confronté à la contradiction entre la version qu’il a donnée lors de son entrevue avec l’agente Giguère et la preuve déposée devant la SI. Il a affirmé qu’il croyait que la cour avait consulté son père avant de rendre l’ordonnance. Le père du demandeur a confirmé que la cour lui en a parlé et qu’il était d’accord, mais que la décision était celle de la cour.

[24]           Le 5 avril 2011, la SI a conclu que le demandeur n’était pas interdit de territoire pour criminalité organisée. Elle note que le seul facteur qui suggérerait que le demandeur a été membre de Toonerville est la présence de tatouages sur son corps. Outre ce facteur, la preuve n’établit pas, selon elle, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur a participé aux activités du gang. À noter que la SI n’a pas admis en preuve le relevé des démêlés du demandeur avec la justice américaine, sauf en ce qui a trait à son séjour au camp Challenger.

Audience devant la SAI

[25]           Le défendeur a interjeté appel de cette décision et une nouvelle audience a été fixée devant la SAI. Lors d’une conférence préparatoire, les parties ont convenu qu’aucune nouvelle preuve ne serait faite devant la SAI et que les procureurs ne feraient que des représentations verbales.

[26]           En début d’audience, la procureure du défendeur a indiqué qu’elle avait mis ses représentations par écrit et en a offert une copie à la SAI et à la procureure du demandeur. Cette dernière s’est objectée mais la SAI l’a rassurée en lui garantissant que cela n’aurait aucun impact sur la façon avec laquelle elle traiterait les représentations des deux parties.

III.             Décision contestée

[27]           La SAI a cassé la décision de la SI. Une importante partie de la décision de la SAI traite des tatouages du demandeur, mais la décision porte également sur l’historique des démêlés du demandeur avec la justice américaine, sur l’information contenue dans les cartes d’information policière déposées en preuve et sur le fait que le demandeur aurait caché la signification de ses tatouages à son épouse et ce, jusqu’à ce que ceux-ci lui causent des ennuis avec les autorités canadiennes.

[28]           D’entrée de jeu, la SAI note que le témoignage du détective Quintero n’aurait pas dû être écarté par la SI du simple fait qu’il a affirmé que lorsqu’un individu fait l’objet d’une arrestation policière, il a automatiquement un dossier criminel. Il faisait plutôt référence aux bases de données utilisées par les policiers, lesquelles comprennent généralement les accusations abandonnées et celles faisant l’objet d’acquittements. La SAI préfère quant à elle le témoignage du détective Quintero qui a plus d’expérience directe du gang Toonerville que M. Alonso, qui a  seulement une connaissance générale des gangs hispaniques de la région de Los Angeles.

[29]           La SAI conclut également que la SI a erré en rejetant la preuve relative aux démêlés du demandeur avec la justice américaine. Il s’agit pour elle d’une preuve des plus pertinentes dans l’examen de la situation d’un demandeur d’asile soupçonné d’être membre ou d’avoir été membre d’un gang de rue.

[30]           Quant aux circonstances entourant la décision du demandeur de se faire tatouer et quant à la nature même de ces tatouages, la SAI note qu’il y a plusieurs contradictions entre les témoignages du demandeur et de son père devant la SI, le rapport d’entrevue de l’ASFC et certains autres éléments de preuve au dossier. Elle conclut au manque général de crédibilité du demandeur et de son père. Ses principales conclusions se résument ainsi :

       Le demandeur a modifié son témoignage sur l’identité de l’artisan qui aurait confectionné ses tatouages. Il a d’abord dit qu’ils étaient l’œuvre du père de son ami Alex, un tatoueur professionnel. Toutefois, après avoir consulté le rapport de l’ASFC à l’effet que ce sont des tatouages amateurs, le demandeur a plutôt affirmé que plusieurs de ses tatouages avaient été faits par Poncho. Face à cette contradiction, la SAI conclut que les tatouages du demandeur ont été faits par des membres de Toonerville;

       Il y a des divergences entre le témoignage du demandeur et celui de son père quant au moment où ce dernier aurait remarqué les tatouages pour la première fois. Le demandeur affirme que lorsque son père a remarqué ses tatouages pendant son sommeil, il était tellement en colère qu’il a dû fuir chez un oncle. Son père affirme plutôt qu’il a eu une discussion avec son fils lorsqu’il a découvert le tatouage sur sa main, et ce n’est qu’un mois plus tard que l’oncle serait intervenu;

       La SAI n’a pas cru que le père n’aurait appris l’existence des tatouages de son fils qu’un an et demi après les faits;

       Le demandeur n’a pas été en mesure d’expliquer de façon crédible comment il croyait que les lettres TVR qu’il se tatouait sur le corps et qu’il croyait à l’époque signifier « trolley train », le protégerait contre l’intimidation de ses collègues de classe. La SAI n’a pas cru que le demandeur ne connaissait pas la signification de ses tatouages au moment de leur confection;

       La SAI n’a pas cru la raison pour laquelle le demandeur affirme s’être fait tatouer. Selon le témoignage du détective Quintero, un non membre des Toonerville ne se ferait pas tatouer à l’effigie de ce gang sans risquer de se faire battre ou de se faire tuer;

       Le demandeur et son père ont affirmé devant la SI que Glendale était une belle ville et qu’ils habitaient dans un quartier riche et tranquille. Toutefois lors de son entrevue avec l’ASFC, le demandeur a plutôt dit qu’il y avait plusieurs gangs de rue dans son quartier et à Hoover. Détective Quintero a également confirmé que la rue sur laquelle la famille du demandeur habitait était comprise dans le territoire des Toonerville;

       Le demandeur a nié plusieurs faits rapportés par l’agente Giguère, mais la SAI a conclu que l’information contenue dans ce rapport était fiable et précise;

       La SAI a constaté qu’il était déraisonnable pour la SI d’avoir écarté le rapport d’entrevue à cause des notes écrites de l’agente Giguère que le défendeur n’avait d’ailleurs aucune obligation de produire;

       Se fondant sur Ishaku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 44 [Ishaku] où cette Cour conclut que le premier récit d’un individu est généralement le plus fiable et authentique, la SAI a accordé un poids considérable aux déclarations du demandeur lors de l’entrevue avec l’agente Giguère;

       La SAI a analysé les démêlés du demandeur avec la justice américaine et elle n’a pas cru que lors de l’événement du 2 décembre 1994, le demandeur se soit retrouvé accidentellement sur le territoire des Westside Locos. À cette époque, le demandeur connaissait bien les territoires des différents gangs de rue de Glendale et des environs;

       La SAI conclut que le demandeur n’a probablement pas été envoyé au Mexique seulement en raison de ses tatouages, mais plutôt en raison de son comportement délinquant et de ses démêlés avec la justice;

       La SAI n’a pas cru que le demandeur a été détenu au camp Challenger uniquement en raison de l’incident du 2 décembre 1994, compte tenu du fait que ce camp a été décrit comme une solution de dernier recours dans le traitement des jeunes contrevenants;

       La SAI a accordé du poids au témoignage du détective Quintero sur la raison d’être des cartes d’information policière et elle n’a pas cru le demandeur lorsqu’il nie avoir dit au policier qu’il n’était plus actif dans les Toonerville;

       Finalement, la SAI conclut que si le demandeur s’est véritablement fait tatouer pour se protéger du harcèlement à l’école, il n’est pas raisonnable qu’il n’ait pas expliqué leur signification à son épouse avant qu’il n’encourt des difficultés avec les autorités canadiennes.

[31]           La SAI conclut donc que dans l’ensemble, la SI a erré en fait et en droit et que le défendeur a rencontré son fardeau de démontrer qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur a été membre d’une organisation criminelle, soit les Toonerville, à compter de 1991.

IV.             Questions en litige et normes de contrôle

[32]           Cette demande de contrôle judiciaire soulève les questions en litige suivantes :

A.                La SAI a-t-elle respecté son obligation d’équité procédurale en n’accordant pas  au demandeur l’occasion de se faire entendre?

B.                 La SAI a-t-elle respecté les principes d’équité procédurale en acceptant la plaidoirie  écrite de la procureure du défendeur, alors que les parties avaient convenu de ne faire que des représentations verbales?

C.                 La SAI a-t-elle erré en concluant qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était « membre » du gang de rue Toonerville?

[33]           Il est bien connu que les deux premières questions soulevées par cette demande doivent être révisées en appliquant la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 50 [Dunsmuir]; Canada c Khosa (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12 au para 43).

[34]           Quant à la troisième question, le demandeur soutient que la détermination du critère d’appartenance à une organisation criminelle est une question de droit qui devrait également être révisée par cette Cour en application de la norme de la décision correcte (Mendoza c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 934 au para 13 [Mendoza]).

[35]           D’abord, l’affaire Mendoza a précédé l’arrêt Dunsmuir, qui, au para 54, nous enseigne que l’interprétation par un tribunal administratif de sa loi habilitante doit être révisée selon la norme de la décision raisonnable. Ceci a été confirmé dans l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61 au para 34. Par ailleurs, dans Mendoza, la Cour a appliqué la norme de la décision correcte à la détermination du critère de l’appartenance à un groupe criminel organisé. Cependant, elle a appliqué la norme de la décision raisonnable à la question mixte de faits et de droit à savoir si la SAI avait commis une erreur en concluant qu’il y avait une preuve suffisante de cette appartenance; c’est cette question qui nous intéresse en l’espèce.

[36]           Je suis donc d’avis que la norme de contrôle qui s’applique à la conclusion selon laquelle une personne est membre d’une organisation visée par l’alinéa 37(1)a) de la LIPR est celle de la décision raisonnable (Lennon Sr c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 1122 aux paras 13-14 ; Talavera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 768 au para 7 [Talavera]; He c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 391 au para 24).

V.                Analyse

A.        La SAI a-t-elle respecté son obligation d’équité procédurale en n’accordant pas  au demandeur l’occasion de se faire entendre ?

[37]           Le demandeur soutient que la SAI aurait dû lui donner la chance de témoigner devant elle ou de répondre à ses préoccupations concernant sa crédibilité et celle de son père. Le demandeur s’appuie sur la décision de cette Cour dans Castellon Viera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1086 au para 32 [Castellon Viera] pour affirmer qu’en ne le faisant pas, la SAI a manqué à son devoir d’équité procédurale.

[38]           Toutefois, les faits dans Castellon Viera se distinguent de ceux devant moi puisque dans cette affaire, les parties avaient convenu que l’appel ne porterait que sur des questions de droit. En dépit de cette entente, la SAI a réévalué la crédibilité du demandeur et c’est dans ce contexte que la Cour a conclu qu’elle avait enfreint les principes d’équité procédurale. Dans le présent dossier, l’avis d’appel du défendeur soulevait à la fois des questions de droit et des questions de fait, particulièrement le fait que la SI avait accordé un poids inapproprié aux témoignages du demandeur et de son père. Le demandeur savait que sa crédibilité serait mise en doute devant la SAI et il n’a pas été pris par surprise.

[39]           Ceci dit, la SAI n’avait pas l’obligation de confronter le demandeur à ses propres contradictions. Je reprends ici les propos de mon collègue le juge Noël dans D’Amico c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 470:

[51]      … On doit présumer que lors des témoignages successifs, les mêmes réponses factuelles seront données. Un demandeur, à qui revient l’obligation de vérité dans ses réponses, n’a pas à se voir confronter à ses propres contradictions [références omises].

[53]      Les principes de justice naturelle, applicables en procédures d’appel comme celle-ci, n’exigent pas que le demandeur soit confronté à ses contradictions découlant de deux témoignages donnés sous serment dans le cours de la même procédure en lien avec toute la preuve documentaire soumise par les parties. …

[40]           Les parties avaient convenu de ne pas présenter de nouvelle preuve. Le demandeur a donc accepté que la SAI réévalue l’ensemble du dossier, incluant son témoignage. Il était donc loisible à la SAI de tenir compte des témoignages successifs du demandeur et des contradictions qui en ressortent, ainsi que de la preuve documentaire au dossier. Et elle l’a fait dans le respect des principes d’équité procédurale.


B.        La SAI a-t-elle respecté les principes d’équité procédurale en acceptant la plaidoirie  écrite de la procureure du défendeur, alors que les parties avaient convenu de ne faire que des représentations verbales ?

[41]           Le demandeur soutient qu’en acceptant la plaidoirie écrite de l’avocate du défendeur, la SAI a fait fi de l’entente entre les parties, ce qui constitue un second bris aux principes d’équité procédurale (Castellon Viera, ci-dessus aux paras 29-30).

[42]           Je ne partage pas l’opinion du demandeur puisqu’en tout début d’audience, la SAI a reconnu la position des parties et a circonscrit le débat devant elle:

… I did listen to the CD of the preliminary conference that was done by my former colleague … I’ve also noted that following the preliminary conference there was an understanding between you two that you would be doing … oral submissions only and … you are not presenting or redoing the … hearing of the ID.

[43]           Lorsque l’avocate du défendeur a indiqué qu’elle comptait suivre sa plaidoirie écrite et qu’elle a offert d’en remettre une copie à la SAI et à l’avocat du demandeur, ce dernier s’est objecté. La SAI a accepté une copie de la plaidoirie écrite en rassurant les parties qu’elle les considérerait au même titre que des représentations verbales:

... [Me Cohen’s written submissions] will be used as a guide by myself, but it’s the same thing as if after the hearing I re-listen to the CD of the submissions. It’s exactly the same thing. So I don’t mind in which form you give me the submissions. I will consider them and if [Me] Cohen wants to give them to me … in writing, and you yourself as well I’ll accept them, but whether I hear them orally or I read them I writing, for me it … makes no difference, okay? So I just want that to be clear.

[44]           Dans la mesure où les représentations verbales du défendeur ont repris pour l’essentiel la plaidoirie écrite de son avocate et dans la mesure où la SAI a tenu compte indistinctement des représentations des deux parties, je ne vois pas en quoi la SAI aurait fait défaut de respecter un quelconque principe d’équité procédurale.

C.        La SAI a-t-elle erré en concluant qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était « membre » du gang de rue Toonerville ?

[45]           Le demandeur soulève plusieurs erreurs commises pas la SAI: (i) elle n’a pas analysé la connaissance que possédait le demandeur des activités criminelles des Toonerville au moment de se faire tatouer; (ii) elle a conclu à son appartenance aux Toonerville sur la seule base de son témoignage et de ses tatouages; (iii) sa décision repose sur une preuve non crédible et non fiable; (iv) elle a écarté des éléments de preuve importants, dont le témoignage de M. Alonso, et; (v) elle n’a pas évalué les éléments de preuve relatifs à la coercition.

[46]           Pour conclure qu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que les faits reprochés au demandeur sont survenus, qu’ils surviennent ou qu’ils peuvent survenir, au sens de l’article 33 de la LIPR, il faut plus qu’un simple soupçon, mais moins qu’une preuve selon la prépondérance des probabilités. Il doit y avoir un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 RCS 100 au para 114; Talavera, ci-dessus au para 11).

[47]           Ceci dit, je ne peux conclure comme le demandeur m’invite à le faire, que la SAI n’a pas tenu compte du témoignage du demandeur à l’effet qu’il ignorait la signification de ses tatouages, tout comme les activités criminelles des Toonerville, au moment de se faire tatouer. La SAI a plutôt conclu qu’elle ne croyait pas le demandeur. Elle tire cette conclusion après avoir analysé les tatouages du demandeur et les circonstances entourant sa décision de se faire tatouer, sur 31 pages de sa décision. Ceci dit, même si le demandeur ne connaissait pas la signification de ses tatouages au moment de se faire tatouer, il a reconnu que dès qu’il a commencé à fréquenter l’école secondaire Hoover, il a appris leur signification. Il avait également, dès cette époque, une « connaissance directe des activités criminelles d’autres membres de la bande, qui agissaient au nom de la bande » (Amaya c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 549 au para 27).

[48]           Je ne crois pas non plus que la SAI se soit basée uniquement sur les tatouages du demandeur pour conclure à son appartenance aux Toonerville. D’abord, la SAI doit être présumée avoir considéré l’ensemble de la preuve au dossier (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF) (QL); Herrera Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1490 au para 11). Par ailleurs, sa décision démontre qu’elle a pris en compte l’ensemble de la preuve. La SAI discute abondamment des tatouages du demandeur, de son témoignage et de celui de son père, du témoignage de l’agente Giguère et de ceux des deux témoins experts. Elle analyse le rapport d’entrevue de l’agente Giguère et ses notes écrites, les cartes d’information policière et le relevé des démêlés du demandeur avec la justice américaine. Elle considère finalement le fait que le demandeur a caché la signification de ses tatouages à sa femme et ce, jusqu'à ce que l’ASFC le questionne à leur sujet. Contrairement à ce qu’allègue le demandeur, la SAI a analysé cette preuve de manière cumulative.

[49]           Il était loisible à la SAI de considérer le rapport d’entrevue de l’agente Giguère comme étant crédible et fiable. Les notes d’entrevue de l’agente ont une importante valeur probante et cette dernière n’avait aucun intérêt à inscrire de fausses informations (Muthui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 105, aux paras 49-50). Il est également vrai que le premier récit que fait une personne est généralement le plus fidèle (Ishaku, ci-dessus au para 53). Il était raisonnable pour la SAI de conclure que l’information dans ce rapport est précise et cohérente avec la preuve documentaire, en dépit du fait que le demandeur a subséquemment nié avoir fait la plupart des déclarations qui y sont consignées. La SAI note à bon droit que le demandeur a nié l’information qui lui est la plus préjudiciable. La SAI pouvait également conclure que le fait que les notes manuscrites de l’agente Giguère n’étaient pas reprises verbatim dans son rapport d’entrevue n’était pas un motif suffisant pour écarter simplement cette preuve.

[50]           La SAI a également tenu compte du fait qu’en contre-interrogatoire, l’agente Giguère a admis que contrairement à ce qu’indique son rapport, le demandeur n’a jamais reconnu être membre des Toonerville. Elle pouvait toutefois conclure que ce fait n’est pas déterminant quant à la question à savoir s’il y a des « motifs raisonnables de croire » que le demandeur avait été membre des Toonerville. Dans ce contexte, le terme « membre » doit être interprété d’une manière large et libérale (Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [2001] 2 CF 297 (CAF) au para 25 [Chiau]; Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85 aux paras 27, 29 [Poshteh]) et il y avait, devant la SAI, d’autres éléments de preuve qui étayaient sa conclusion.

[51]           Par exemple, la SAI a accordé un poids considérable au témoignage du détective Quintero. Contrairement à ce que plaide le demandeur, la SAI a expliqué pourquoi elle a accordé plus de poids au témoignage du détective Quintero qu’à celui de M. Alonso. La SAI a clairement expliqué que le détective Quintero avait une vaste expérience du gang Toonerville alors que M. Alonso en avait peu et qu’il ne connaissait pas le gang Westside Locos, un des gangs rivaux des Toonerville.

[52]           La SAI a également retenu le témoignage du détective Quintero sur le contenu et l’objectif des cartes d’information policière. Une de ces cartes indique que le demandeur a dit ne plus être actif au sein des Toonerville laissant comprendre clairement qu’il avait été actif à une certaine époque. La SAI « a considéré que la preuve provenant des sources de la police était crédible et digne de foi … ce qu’elle pouvait parfaitement faire » (Sittampalam c Canada (Citoyenneté Immigration), 2006 CAF 326 au para 53 [Sittampalam]).

[53]           Quant au témoignage du demandeur concernant l’incident du 2 décembre 1994, la SAI n’a pas cru que le demandeur a simplement pris le mauvais chemin et qu’il s’est retrouvé dans la ruelle des Westside Locos par accident. Cette conclusion est raisonnable à la lumière de la version que le demandeur a donnée à l’agente Giguère, à l’effet qu’il est passé par le territoire des Westside Locos ce soir-là. De plus, il a admis qu’une fois à Hoover, il connaissait bien les divers gangs de Glendale.

[54]           La SAI a tenu compte des démêlés du demandeur avec la justice américaine, en tant que mineur et en tant qu’adulte. Il lui était loisible de tenir compte d’accusations qui ont été abandonnées ou n’ont pas mené à des verdicts de culpabilité afin de déterminer si le défendeur a rencontré son fardeau de preuve (Magtibay c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 397 aux paras 12, 17). Évidemment, une accusation qui a été abandonnée ou qui n’a pas fait l’objet d’un verdict de culpabilité ne pourrait soutenir à elle seule une conclusion d’appartenance à une organisation criminelle (Sittampalam, ci-dessus au para 50). Cependant, dans le présent dossier, la SAI a tenu compte de l’ensemble de la preuve et c’est l’effet cumulatif de tous ces éléments qui sous-tend sa conclusion (Thaneswaran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 189 au para 46).

[55]           Finalement, je rejette l’argument du demandeur à l’effet que la SAI aurait dû examiner la question de la coercition et conclure qu’il a été contraint de se faire tatouer pour que cesse l’intimidation dont il était alors victime. Cet argument n’a été soulevé ni devant la SI, ni devant la SAI et je vois difficilement comment le demandeur pouvait s’attendre à ce qu’elle soit examinée. J’ajouterais à ceci que l’analyse de l’appartenance du demandeur aux Toonerville ne  s’arrête pas au moment où il s’est fait tatouer, mais qu’elle couvre toute la période à laquelle le demandeur habitait à Glendale. Le demandeur n’a présenté aucune preuve à l’effet qu’une fois au secondaire, il était contraint de se tenir avec des membres des Toonerville.

VI.             Question à certifier

[56]           Le demandeur me demande de certifier la même question d’importance générale que celle certifiée par le juge Martineau dans Castelly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 788 au para 42 [Castelly], à savoir :

Pour les fins de l’application de l’alinéa 37(1)a) de la [LIPR], quelle est la définition générale de « membre » et quels critères doit-on appliquer pour déterminer si une personne est ou a été « membre » d’une « organisation » visée à cette disposition ?

[57]           Le défendeur s’y oppose et me réfère aux décisions de la Cour d’appel fédérale dans Chiau, ci-dessus aux paras 25 et 57, et Poshteh, ci-dessus aux paras 27 à 29, dans lesquelles la Cour refuse de dicter des critères précis et exhaustifs, se contentant de dire que cette expression doit s’interpréter largement, de façon libérale et sans restriction.

[58]           Je note d’abord que les décisions auxquelles le défendeur me réfère n’ont pas empêché le juge Martineau de certifier la même question dans Castelly. Et puisque cette décision n’a pas fait l’objet d’un appel, il me semble que la situation décrite par le juge Martineau est toujours d’actualité :

[42]      Je note que la Loi ne définit pas le mot « membre » et que les tribunaux n'ont pas établi une définition précise de ce terme, ni de liste de critères « d'appartenance » à une organisation visée à l'alinéa 37(1)a)  de la Loi. Or, ces dernières années du moins, la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale n'est pas univoque sur la question des critères qui sont pertinents aux fins de déterminer si une personne est membre d'une organisation criminelle. Par exemple, le tribunal doit-il se référer aux critères particuliers repris récemment dans la décision Sinnaiah (et cités avec approbation dans l'arrêt Amaya) ou est-il suffisant que celui-ci s'en tienne aux énoncés plus généraux que l'on peut retrouver dans l'arrêt Chiau, qui est antérieur? Que faut-il entendre par « liens institutionnels », et ce dernier élément, est-il pertinent aux fins de l'application de l'alinéa 37(1)a) de la Loi (ce dont je doute fortement pour les raisons que j'ai déjà exprimées plus haut)? Le cas échéant, ce dernier critère devrait-il être appliqué alternativement ou subsidiairement à l'élément « connaissance personnelle » des activités criminelles du groupe?

[59]           J’ajouterais à cette réflexion le fait qu’en dépit du fait que le débat devant moi n’ait pas porté sur cette question, j’éprouve un certain malaise avec le fait que l’essentiel, sinon l’entièreté des faits qui sont reprochés au demandeur se soient déroulés alors qu’il était mineur. Il n’y a aucune preuve que le demandeur ait participé à quelque criminalité organisée à l’âge adulte et puisque le gang des Toonerville est un gang localisé à Glendale, on ne peut présumer qu’il ait conservé quelque contact que ce soit avec eux lorsqu’il a quitté pour la Pennsylvanie à l’âge de 17 ans. Il me semble que dans une société démocratique comme le Canada, où le sort réservé aux jeunes contrevenants est fort différent de celui que l’on réserve à la criminalité adulte, il pourrait être approprié de tenir compte de l’âge d’un demandeur d’asile au moment de son appartenance à un groupe criminalisé et des circonstances particulières de cette appartenance – par exemple lorsque la preuve ne démontre pas que le demandeur a poursuivi cette appartenance à l’âge adulte, avant de conclure à son interdiction de territoire pour criminalité organisée.

[60]           En d’autres termes, je suis d’avis que les faits de la présente cause se prêtent davantage à une analyse de cette question que l’affaire Castelly, où la demanderesse était adulte au moment des faits justifiant son interdiction pour criminalité organisée et où ces faits étaient contemporains à la décision d’interdiction de territoire. Je suis également d’avis que cette question pourrait fort bien être déterminante d’un appel en l’instance.

VII.          Conclusion

[61]           Pour tous ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée, mais la question suivante est certifiée :

Pour les fins de l’application de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR, quelle est la définition générale de « membre » et quels critères doit-on appliquer pour déterminer si une personne est ou a été « membre » d’une « organisation » visée à cette disposition ?


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;

2.      La question suivante est certifiée :

Pour les fins de l’application de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, quelle est la définition générale de « membre » et quels critères doit-on appliquer pour déterminer si une personne est ou a été « membre » d’une « organisation » visée à cette disposition ?

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2995-15

INTITULÉ :

CARLOS MARTINEZ ATHIE c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 décembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS:

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AVRIL 2016

COMPARUTIONS :

Suzanne Taffot J.

Pour le demandeur

Michel Pépin

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waice Ferdoussi

Avocats

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour lE DÉFENDEUR

 

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