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Date : 20160411


Dossier : IMM-2924-15

Référence : 2016 CF 404

[TRADUCTION FRANÇAISE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

SANJAY KUMAR VERMA, ANKUSH VERMA, MAMTA VERMA,

CHEHELEENA VERMA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 3 juin 2015, confirmant la conclusion de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger en vertu, respectivement, des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (« la LIPR »).

Contexte

[2]               Les demandeurs sont membres d’une famille de quatre citoyens de l’Inde. Le demandeur, Sanjay Verma, est hindou. La demanderesse, Mamta Verma, est sikhe. Ils se sont mariés en 2003. Ankush Verma, 22 ans, et Cheheleena Verma, 19 ans, sont le fils et la fille de Mamta Verma; leur père biologique est son ex­mari, prénommé Subhas.

[3]               Les demandeurs prétendent que lorsque la demanderesse était mariée à Subhas, ce dernier était violent et que lorsqu’ils ont divorcé, en 2002, elle a obtenu la garde exclusive des enfants. Lorsque Subhas a découvert que Mamta et Sanjay Verma s’étaient mariés, il les a menacés. La famille a déménagé à environ 60 kilomètres de leur résidence de Delhi et n’a eu aucun autre contact avec Subhas jusqu’en 2013, lorsqu’il a retrouvé la famille et qu’il a communiqué avec elle. Les demandeurs indiquent notamment avoir rencontré Subhas à l’extérieur de l’école de leur fille alors qu’il était accompagné de six grands hommes sikhs, que les demandeurs ont qualifiés de [traduction] « sikhs fanatiques ». Les demandeurs se sont rendus à l’école et ont confronté Subhas, qui disait vouloir reprendre Cheheleena afin qu’elle épouse un sikh. Il a ajouté que comme elle étudiait dans une bonne école, elle ferait un bon salaire plus tard et qu’il a droit à cet argent parce qu’il est son père. Le demandeur a appelé la police, qui a assisté à la scène, mais a dit ne pas vouloir intervenir dans une affaire privée touchant la religion. Après le départ de la police, Subhas a menacé de tuer la demanderesse, mais les demandeurs n’ont pas signalé cette menace au service de police. Les demandeurs prétendent qu’après cet incident, ils ont reçu des menaces par téléphone et qu’en 2014, Subhas s’est rendu à leur résidence avec trois hommes sikhs. La police a été appelée sur les lieux et a assisté à la scène, mais n’a pas ouvert de dossier.

[4]               Les demandeurs ont alors décidé de prendre des vacances au Canada et ont fait une demande de visa le 19 juin 2014. Le 22 juin 2014, Subhas a informé les demandeurs qu’il avait déposé une plainte auprès d’une gurudwara sikhe au sujet de leur mariage interconfessionnel et qu’il croyait que le demandeur avait insulté la communauté et les croyances sikhes. Le demandeur prétend avoir rencontré, le lendemain, des sikhs mécontents de cette prétendue insulte. Le 23 juin 2014, les demandeurs se sont déplacés en attente de leurs visas canadiens, qui ont été délivrés le 24 juin 2014. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 28 juin 2014. En août 2014, un voisin les a informés qu’on était entré par effraction dans leur résidence et qu’on avait fait sur les murs des graffitis qui étaient de toute évidence l’œuvre de sikhs fanatiques. En apprenant cela, les demandeurs ont présenté une demande d’asile.

[5]               La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs le 2 décembre 2014. La crédibilité de leur demande a été le facteur déterminant de la décision rendue. La SPR a trouvé que les demandeurs n’avaient pas suffisamment expliqué pourquoi le nom du demandeur figure sur l’acte de naissance des enfants et a conclu qu’il est plus probable qu’improbable qu’il soit leur père biologique. Elle a ajouté que les demandeurs n’ont pas su établir que Subhas est le père d’Ankush et de Cheheleena, ni qu’il existe, ni qu’il cible les demandeurs. La SPR a accordé peu de poids au rapport de la psychothérapeute Natalie Riback, daté du 18 novembre 2014 (« rapport Riback »), parce qu’elle s’est basée sur l’information fournie par la demanderesse pour rédiger son rapport. La SPR n’a pas cru aux événements allégués par les demandeurs ni qu’ils sont ciblés comme ils le prétendent. Par ailleurs, la SPR a conclu que même si Subhas persécutait les demandeurs, ceux­ci avaient une possibilité de refuge intérieur (« PRI »). La demande des demandeurs a été de nouveau rejetée le 3 juin 2015 dans le cadre de l’appel interjeté devant la SAR.

Décision faisant l’objet du contrôle

[6]               Les demandeurs ont présenté une demande à la SAR en vertu du paragraphe 29(1) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012­257 (« Règles ») dans le but de soumettre l’évaluation psychiatrique préparée par Dre Monica Choi et datée du 6 mars 2015 (« rapport Choi ») comme une preuve de l’angoisse et de la détérioration de la santé mentale de la demanderesse, exacerbées par le rejet de sa demande d’asile. Parce qu’il était pertinent à l’évaluation de la PRI et qu’il satisfaisait les exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR, la SAR a admis ce rapport comme une nouvelle preuve. Les demandeurs ont également demandé à soumettre un rapport d’ADN (le « rapport d’ADN ») et un rapport du SIFS (le « rapport sur les actes de naissance »), une organisation indienne de sciences judiciaires, au sujet de la modification du nom du père d’un enfant sur son acte de naissance indien, les deux rapports ayant pour but de réfuter les conclusions de la SPR quant à leur crédibilité. La SAR a déterminé que parce que la PRI était un facteur déterminant de l’appel, il était inutile de déterminer si cette nouvelle preuve était admissible, car elle n’était pas pertinente pour la PRI.

[7]               En ce qui a trait à la PRI, la SAR a fait référence à l’analyse en deux volets exposée dans la décision Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.) (Rasaratnam). En évaluant si la PRI suggérée présentait un risque grave de persécution, la SAR a conclu que la preuve n’indiquait pas que Subhas était le type de personne à pouvoir retrouver les demandeurs parmi des millions de personnes dans un grand centre éloigné de sa résidence. De plus, aucune preuve convaincante n’a été soumise pour établir qu’il avait utilisé des moyens technologiques avancés pour rechercher les demandeurs, ni qu’il avait accès à des ressources policières, ni qu’il avait l’aptitude d’influencer les activités de la police.

[8]               La SAR a également conclu qu’aucune preuve convaincante n’indiquait que Subhas était associé à des sikhs intégristes. Aussi, bien que Subhas ait pu retrouver la famille après son déménagement, en 2003, celle­ci habitait à seulement 60 kilomètres de leur résidence d’origine et Subhas n’avait pas communiqué avec elle pendant 10 ans; il ne l’a fait que lorsque des membres de la famille des demandeurs lui ont fourni leur nouvelle adresse.

[9]               En tenant compte des directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe (« directives concernant la persécution fondée sur le sexe »), la SAR a fait remarquer, entre autres, qu’étant donné que la demanderesse est mariée, le demandeur l’accompagnerait à l’endroit suggéré comme PRI et continuerait de lui porter assistance et soutien.

[10]           La SAR a également étudié et considéré le rapport Riback, qui indique que la demanderesse souffre d’un trouble de stress post­traumatique (TSPT), d’anxiété généralisée et d’un grave trouble dépressif. La SAR a noté que ce rapport est basé sur un seul entretien de 60 à 90 minutes et sur les déclarations de la demanderesse, et qu’il ne fait référence à aucun test clinique. La SAR a conclu que puisque l’opinion de la psychothérapeute n’est expliquée par aucun fondement clinique, celle­ci relève de spéculations basées sur ce que la demanderesse a relaté à la psychothérapeute. La SAR a également accordé peu de poids au rapport Choi pour plusieurs raisons : l’évaluation s’est terminée tôt à la demande de la demanderesse et constitue, par conséquent, une impression clinique éveillée sans un examen complet de sa situation; le diagnostic établi est le même que celui qu’indique le rapport Riback, aussi basé sur les déclarations de la demanderesse; et les problèmes qui ont amené la demanderesse à obtenir de l’aide médicale n’étaient pas nécessairement le résultat direct des problèmes qu’elle a rencontrés en Inde. De plus, les demandeurs n’ont fourni aucune preuve convaincante indiquant que la demanderesse serait incapable de recevoir le traitement recommandé aux endroits suggérés comme PRI. La SAR a conclu qu’aucune preuve irréfutable d’ordre psychologique ou psychiatrique n’indique que les deux demanderesses seraient incapables de retourner en Inde dans une région leur offrant une PRI.

[11]           En ce qui a trait à la protection par l’État, la SAR a conclu que malgré les prétentions des demandeurs selon lesquelles le service de police n’était pas disposé à leur porter assistance, la preuve indique qu’il a agi de façon appropriée. Lors du premier incident, les policiers ont parlé aux demandeurs ainsi qu’à Subhas, ont recueilli des renseignements et ont informé la demanderesse que si d’autres problèmes survenaient, elle devrait se présenter au poste de police pour ouvrir un premier rapport d’information. Lors du deuxième incident, la police s’est rendue à la résidence de la famille. Même si les demandeurs étaient insatisfaits de l’intervention policière, ils n’ont pas communiqué avec un supérieur du service de police afin de porter plainte. La SAR a conclu que la réticence subjective des demandeurs à solliciter la protection de l’État ne réfute pas la supposition que cette protection était disponible. Elle a également conclu qu’ils manquaient de crédibilité dans leurs allégations, selon lesquelles le service de police était indifférent et incapable de les protéger contre Subhas. La SAR a noté que la preuve objective quant à la protection de l’État indien est mitigée et qu’il revenait aux demandeurs de démontrer que les endroits suggérés comme PRI étaient inadéquats, ce qu’ils n’ont pas fait.

Questions en litige

[12]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

1.      La SAR a­t­elle commis une erreur en omettant d’analyser les nouvelles preuves qui réfutent les conclusions tirées par la SPR sur la crédibilité?

2.      La SAR a­t­elle commis une erreur en rejetant les rapports de la psychothérapeute?

3.      La SAR a­t­elle commis une erreur dans son analyse de la PRI?

[13]           À mon avis, ces questions peuvent être abordées comme suit :

1.      La SAR a­t­elle commis une erreur en omettant de traiter les nouvelles preuves relatives à la paternité?

2.      La SAR a­t­elle commis une erreur dans son analyse de la PRI?

Norme de contrôle

[14]           Je suis d’accord avec les parties, qui soutiennent que le caractère raisonnable constitue la norme de contrôle applicable. Étant donné que l’évaluation d’une PRI par la SAR est principalement une enquête factuelle, elle appelle la retenue (Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 53 [Dunsmuir]). Il est également bien admis que la détermination de l’existence d’une PRI repose sur la norme de contrôle de la décision raisonnable (Momodu c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2015 CF 1365, au paragraphe 6 [Momodu]).

Première question en litige : La SAR a­t­elle commis une erreur en omettant de traiter les nouvelles preuves relatives à la paternité?

[15]           Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en omettant d’analyser les nouvelles preuves qui réfutent les conclusions tirées par la SPR sur la crédibilité. Ces preuves sont le rapport d’ADN qui confirme que le demandeur n’est pas le père biologique d’Ankush et de Cheheleena, ainsi que le rapport sur les actes de naissance qui traite de la modification du nom du père sur un acte de naissance en Inde, lequel explique pourquoi les actes de naissance d’Ankush et de Cheheleena portent le nom du demandeur en tant que père. Les demandeurs soutiennent qu’une erreur a été commise parce que l’analyse de la PRI effectuée par la SPR était entachée de ses conclusions défavorables sur la crédibilité (Khachatourian c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2015 CF 182, aux paragraphes 35 et 36 [Khachatourian]).

[16]           Je note d’abord que, comme l’indique la décision Blancas Calderon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 263, au paragraphe 10, lorsque l’existence d’une PRI a été déterminée, elle constitue un facteur décisif de la demande d’asile :

10        La question de savoir s’il existe une PRI est décisive. Comme cela a été énoncé dans la décision Irshad, précitée, au paragraphe 21, le concept de PRI fait partie intégrante de la définition de réfugié au sens de la Convention. Pour être considéré [sic] comme un réfugié au sens de la Convention, une personne doit être un réfugié d’un pays et non d’une région d’un pays. Par conséquent, lorsqu’il est conclu à l’existence d’une PRI, un revendicateur n’est pas un réfugié ou une personne à protéger (Sarker c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2005 CF 353, [2005] A.C.F. no 435).

[17]           En l’espèce, la SPR a indiqué que ses conclusions sur la crédibilité ont été décisives, mais elle a aussi explicitement indiqué qu’elle a par ailleurs tenu compte de l’existence d’une PRI pour les demandeurs. La SAR a conclu que la PRI était le facteur déterminant dans l’appel interjeté devant elle et a indiqué que les nouvelles preuves – le rapport d’ADN et le rapport sur les actes de naissance – n’avaient eu aucune influence sur ses conclusions en la matière et que, pour cette raison, il n’était pas nécessaire de déterminer l’admissibilité de ces preuves.

[18]           Selon moi, cette conclusion est raisonnable. L’analyse de la PRI effectuée par la SPR et la SAR supposait que Subhas existe et qu’il est le père d’Ankush et de Cheheleena. De plus, les demandeurs ont tort de se fonder sur la décision Khachatourian, car dans cette affaire, la Cour a conclu que lorsqu’une conclusion centrale sur la crédibilité est erronée, la SAR doit tenir compte de l’influence qu’elle a pu exercer sur les autres conclusions. Or, dans cette cause, les conclusions ne touchaient que la crédibilité; aucune analyse distincte n’a été effectuée, comme c’est le cas en l’espèce. De plus, après avoir examiné les motifs de la SAR, je conclus que son analyse de la PRI n’a pas été influencée par les conclusions sur la crédibilité qui ont trait à la paternité.

[19]           Par conséquent, je conclus qu’en ces circonstances, la SAR n’a commis aucune erreur en ne déterminant pas l’admissibilité du rapport d’ADN et du rapport sur les actes de naissance.

Deuxième question en litige : Était­il raisonnable pour la SAR de déterminer que les demandeurs avaient une PRI?

Position des demandeurs

[20]           Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en rejetant les rapports Riback et Choi, car le ouï­dire que constituent les déclarations de la demanderesse n’est pas un motif raisonnable pour rejeter la preuve médicale (Lainez c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2012 CF 914, au paragraphe 42 [Lainez]). De plus, bien que la SAR ait noté que l’évaluation de Dre Choi est incomplète, elle n’a pas noté que cela s’explique par le fait que la demanderesse était en détresse et qu’elle a dit être incapable de poursuivre. La conclusion de la SAR selon laquelle la santé mentale de la demanderesse n’est peut­être pas le résultat direct de ce qu’elle a vécu en Inde est déraisonnable, étant donné les conclusions du rapport Choi. Enfin, les demandeurs soutiennent que le fait que le rapport Choi rende le même diagnostic que le rapport Riback n’est pas une raison de le discréditer, mais plutôt un signe de la force de la preuve, corroborée par deux professionnels de la santé mentale.

[21]           Les demandeurs soutiennent que les erreurs commises par la SAR lors de l’évaluation des rapports sont liées à l’analyse de la PRI, car les rapports ont démontré la santé mentale fragile de la demanderesse et, par conséquent, qu’il serait déraisonnable de la relocaliser dans une autre ville indienne (Okafor c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2011 CF 1002 [Okafor]).

[22]           Les demandeurs soutiennent également que la question de genre est essentielle dans leur demande, étant donné que la demanderesse risque d’avoir des problèmes avec son ex­mari et que sa fille risque un mariage forcé. La SAR n’aurait pas appliqué de façon significative les directives concernant la persécution fondée sur le sexe. La SAR aurait également omis de tenir compte de la preuve objective qui démontre la prévalence de la violence sexospécifique et le manque de protection de l’État en Inde, ce qui est conforme à l’expérience subjective des demandeurs.

[23]           De plus, la SAR aurait omis de mentionner une preuve cruciale, à savoir l’affidavit d’un avocat indien indiquant sous serment que le père de Subhas faisait partie d’un groupe d’extrémistes sikhs appelé Babbar Khals. La SAR aurait conclu qu’aucune preuve convaincante n’indique que Subhas est associé à des sikhs intégristes, mais cet affidavit établit un risque grave que les demandeurs soient persécutés à l’endroit suggéré comme PRI, étant donné que Subhas a des connaissances au sein de groupes criminels de grande influence en Inde.

Position du défendeur

[24]           Le défendeur soutient que la SAR était libre de confirmer l’évaluation du rapport Riback qu’avait faite la SPR. Cette dernière se posait plusieurs questions sur la crédibilité, dont une seule était reliée à la paternité. Une fois qu’une conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée, le décideur est libre d’accorder une faible valeur probante aux documents qui reflètent les déclarations faites par le demandeur (Giron c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 1377, aux paragraphes 11 et 12). Pour les mêmes raisons, la SAR était libre d’accorder peu de poids au rapport Choi, basé sur les déclarations de la demanderesse plutôt que sur des évaluations indépendantes. Quoi qu’il en soit, la SAR a conclu que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils n’auraient pas pu obtenir le traitement psychologique recommandé aux endroits suggérés comme PRI.

[25]           Le défendeur soutient également que lorsque la SAR a suggéré une PRI, il revenait aux demandeurs de prouver qu’elle était déraisonnable, ce qu’ils n’ont pas fait. Les demandeurs soutiennent que la SAR a ignoré l’affidavit de l’avocat indien, mais la SPR y a accordé peu de poids et la SAR, après avoir étudié l’affaire, a conclu que rien ne prouve que Subhas est associé à des sikhs intégristes. La SAR a aussi raisonnablement tenu compte des directives concernant la persécution fondée sur le sexe, car elle a pris en considération le contexte social et culturel des demandeurs, basé sur l’existence d’un soutien familial et de la protection de l’État, comme l’a démontré ce qu’ont vécu les demandeurs avec le service de police. La SAR a reconnu la preuve mitigée quant à la protection de l’État, mais a déterminé que dans le cas particulier de ces demandeurs, la présomption de protection de l’État n’a pas été réfutée. Une réticence subjective à approcher les autorités ne constitue pas une preuve claire et convaincante de l’inaptitude de l’État à protéger (Ruszo c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2013 CF 1004, aux paragraphes 49 à 51).

Analyse

[26]           L’analyse en deux volets, bien admise dans la jurisprudence pour évaluer une PRI, a été mentionnée par la SAR dans sa décision. Comme l’indique la décision Rasaratnam :

[…] la Commission se devait d’être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant ne risquait pas sérieusement d’être persécuté [à l’endroit de la PRI] et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation [à l’endroit de la PRI] était telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour l’appelant d’y chercher refuge.

Voir également la décision Momodu, au paragraphe 6, et la décision Abdalghader c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 581, au paragraphe 3 (Abdalghader).

[27]           Les arguments des demandeurs quant aux rapports Riback et Choi touchent le deuxième volet de l’analyse, à savoir si la PRI est raisonnable dans les circonstances (Rasaratnam, au paragraphe 6). Bien que la décision Rasaratnam ne tienne compte que des conditions du pays pour déterminer le caractère raisonnable de la PRI proposée, comme le font remarquer les demandeurs, la Cour a également déterminé que la preuve psychologique peut être capitale lorsqu’il s’agit de déterminer si la PRI suggérée est raisonnable (Cartagena c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 289, au paragraphe 11 [Cartagena] et Okafor, au paragraphe 13).

[28]           Cependant, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la SAR a bel et bien tenu compte du rapport Riback. Elle n’a pas contesté l’impression clinique de son auteure, mais y a accordé peu de poids parce que l’impression de la psychothérapeute est basée sur un seul entretien de 60 à 90 minutes, parce que ses conclusions sont tirées des déclarations de la demanderesse et ne font aucune référence à d’autres essais cliniques, et parce que son opinion ne repose sur aucun fondement médical. La SAR a conclu que sans fondement clinique, son opinion relève d’une spéculation basée sur les déclarations de la demanderesse. À cet égard, je note que le rapport Riback indique que la demanderesse a été traumatisée par les menaces et la violence de son ex­mari et qu’elle serait incapable de surmonter les événements passés et le traumatisme qu’ils ont engendré tant qu’elle risquait d’être renvoyée en Inde. L’auteure du rapport indique qu’elle croit qu’un retour en Inde mettrait la santé physique de la demanderesse en grand danger et que ses symptômes psychologiques et physiques de stress seraient probablement accrus de façon considérable, ce qui entraînerait la détérioration de sa santé psychologique et émotionnelle. Elle ajoute que la famille entière serait probablement en danger et risquerait un traumatisme important si elle retournait en Inde, et qu’il est donc dans l’intérêt des demandeurs de rester au Canada. Si la demanderesse restait au Canada, un plan de soins médicaux et thérapeutiques pourrait être mis en œuvre.

[29]           Le rapport Riback n’indique pas sur quoi l’auteure se base pour dire que les demandeurs courraient tous un danger physique et un traumatisme s’ils retournaient en Inde. Il n’évalue pas non plus les répercussions d’un retour dans une ville éloignée de la ville d’origine de la demanderesse, notamment les PRI suggérées. De plus, comme la SAR l’a fait remarquer, contrairement à ce qu’indique la décision Lainez, le rapport Riback ne donne aucun détail sur des tests ayant permis de tirer ces conclusions au sujet de la demanderesse. Il indique seulement que l’impression clinique de l’auteure est basée sur son expérience, sa formation et sa capacité à évaluer les symptômes du traumatisme, de l’anxiété et de la dépression. Il ne contient également aucune preuve que la demanderesse a donné suite à la suggestion de l’auteure de participer à des séances de psychothérapie.

[30]           Le rapport Choi a été rédigé par une psychiatre après le rapport Riback. Son auteure reconnaît le rapport Riback et est d’accord avec l’impression clinique qu’il présente.

[31]           Il importe de remarquer que Dre Choi y fait référence à ses discussions avec la demanderesse et sa fille, Cheheleena, qui croit que la détresse de sa mère a été exacerbée par l’adaptation à un nouveau pays et par sa sécurité financière restreinte. Cette dernière croit également que le stress engendré par le rejet de la demande d’asile de sa famille et que la possibilité d’un renvoi en Inde ont contribué à la détresse générale de sa mère. Dre Choi conclut que la demanderesse ressent toujours une peur profonde et un état dépressif qui ont été précipités par les événements traumatisants que son ex­mari lui a fait vivre en Inde. Son anxiété et sa dépression ont été exacerbées par la nécessité de s’adapter à la vie au Canada et encore plus par le récent rejet de sa demande d’asile, qui entraîne la possibilité d’un renvoi en Inde. Dre Choi a indiqué que la représentation de la demanderesse est conforme au diagnostic de TSPT et d’épisode isolé d’un trouble dépressif grave et chronique, et elle a suggéré l’essai de deux médicaments. Fait significatif, elle n’a toutefois rien indiqué au sujet de l’effet qu’un retour en Inde pourrait avoir sur la santé mentale de la demanderesse. De plus, le rapport ne donne aucune preuve que la demanderesse a pris les médicaments suggérés, bien qu’il indique que Dre Choi la reverrait pour faire un suivi deux semaines plus tard, ni qu’elle serait incapable d’obtenir ces médicaments en Inde.

[32]           Comme la SAR l’a fait remarquer, l’évaluation de Dre Choi s’est terminée tôt et a été fondée sur les déclarations de la demanderesse sans avoir recours à de plus amples examens cliniques indépendants. La SAR a également indiqué que les problèmes qui ont amené la demanderesse à obtenir de l’aide médicale ne sont pas nécessairement un résultat direct des problèmes qu’elle a rencontrés en Inde. Pour ces raisons, la SAR n’a pas accordé beaucoup de poids au rapport Choi.

[33]           Dans la décision Cartagena, le juge Mosley a conclu que la SPR a pris acte de la santé mentale fragile du demandeur, mais qu’elle a confirmé sa conclusion qu’il disposait d’une PRI viable malgré l’avis psychologique déposé en preuve. Il a ajouté que la SPR n’a pas évalué à fond le caractère raisonnable des endroits proposés comme PRI viable en fonction de la situation du demandeur et de la fragilité de son état d’esprit. Il a indiqué qu’un jeune homme peu instruit qui a peu de chances de se trouver un emploi se trouve dans une catégorie de personnes exposées à un risque élevé, et que le fait qu’il n’a pas de famille et que son état psychologique est fragile aggrave ce risque. Il a donc conclu que la décision de la SPR était déraisonnable. De la même façon, dans la décision Okafor, le juge Beaudry a conclu que la demanderesse souffrait de stress physique et émotionnel et qu’elle était une mère monoparentale sans instruction ni soutien familial. Il a ajouté que l’analyse exposée par la SPR pour conclure qu’il existait une PRI était déraisonnable parce qu’elle n’avait pas tenu compte de la situation personnelle spécifique de la demanderesse. Lors de l’évaluation du deuxième volet du critère, une PRI doit être raisonnable pour le demandeur en cause dans le contexte du pays en question.

[34]           La Cour retient également qu’il est déraisonnable d’accorder peu de poids à un rapport psychologique du seul fait que le psychologue n’avait pas une connaissance directe des événements dont il faisait état et que la SPR commet une erreur lorsqu’elle rejette la preuve psychologique d’un expert sans motif (Lainez, au paragraphe 42). Dans un autre cas de jurisprudence, le juge a déterminé que la preuve des tiers qui n’ont pas les moyens de vérifier de façon indépendante les faits au sujet desquels ils témoignent se verra probablement accorder peu de poids, qu’elle soit crédible ou non (Ferguson c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 1067, au paragraphe 26). Ce principe a été appliqué à l’évaluation que les décideurs ont faite des rapports présentés par des conseillers (Forde c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2012 CF 147, aux paragraphes 30 et 31) et des lettres d’appui reçues de psychiatres et d’autres professionnels de la santé mentale (Nguyen c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2015 CF 59, aux paragraphes 8 et 9).

[35]           À mon avis, la jurisprudence laisse entendre que la SAR avait le droit d’évaluer la preuve psychologique en fonction de la source des faits sur lesquels elle reposait, mais qu’elle ne pouvait pas rejeter les rapports seulement parce qu’ils reposaient uniquement sur la preuve présentée par la demanderesse. Cependant, ce n’est pas ce que la SAR a fait en l’espèce. La SAR a plutôt tenu compte de l’ensemble de la preuve, notamment les rapports Riback et Choi, pour déterminer qu’une PRI viable existait pour les demandeurs. Si elle n’a pas accordé beaucoup de poids aux rapports Riback et Choi, ce n’est pas seulement parce qu’ils sont basés sur les déclarations de la demanderesse, mais aussi parce qu’elle a conclu que les analyses n’ont pas été accompagnées d’examens cliniques ni fondées sur de tels examens. Les demandeurs ne sont pas d’accord avec la SAR lorsqu’elle dit que les problèmes qui ont amené la demanderesse à obtenir de l’aide médicale ne sont pas nécessairement un résultat direct des problèmes qu’elle a rencontrés en Inde, mais le rapport Choi mentionne spécifiquement un nombre de facteurs qui ont été attribués à la détresse générale de la demanderesse. De plus, la SAR a conclu que les demandeurs n’ont pas établi que la demanderesse n’aurait pas accès à son traitement aux endroits suggérés comme PRI. Par conséquent, je suis d’avis que la SAR n’a pas évalué la preuve psychologique de façon déraisonnable en l’espèce, surtout en tenant compte que rien ne prouve que la demanderesse a donné suite au traitement et aux médicaments que les auteures de ces rapports ont suggérés.

[36]           De plus, comme l’indiquent les décisions Momodu et Abdalghader, il incombe aux demandeurs de prouver qu’il n’existe aucune PRI ou que la PRI suggérée est inadéquate. En l’absence de preuve indiquant que la demanderesse serait incapable d’obtenir le traitement et les médicaments recommandés à l’endroit suggéré comme PRI, cet aspect de la décision rendue par la SAR figure parmi les issues possibles et acceptables (voir par exemple la décision Alves Dias c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2012 CF 722, au paragraphe 22, et la décision Hernandez Gonzalez c. Canada [Citoyenneté et Immigration], 2008 CF 1259, au paragraphe 12 [Gonzalez]).

[37]           Les arguments des demandeurs quant à l’association de Subhas avec des sikhs intégristes ainsi que l’évaluation que la SAR a faite des directives concernant la persécution fondée sur le sexe ont trait au premier volet de l’analyse de la PRI, à savoir si un renvoi à l’un des endroits suggérés comme PRI soumettrait les demandeurs, et particulièrement la demanderesse et sa fille, à un grave risque de persécution (Rasaratnam, au paragraphe 13). À mon avis, les conclusions de la SAR sur ce point sont également raisonnables.

[38]           Les demandeurs se basent sur l’affidavit de l’avocat indien pour associer Subhas aux sikhs intégristes et soutiennent que la SAR a omis de mentionner cette preuve cruciale. Cependant, la SAR, dans son examen de la cause, a spécifiquement noté l’affidavit et indiqué qu’il prouve les antécédents de Subhas. La SAR n’a décrit qu’un extrait de l’affidavit dans ses motifs, mais ce que son auteur y dit est important, à savoir que Sh. Singh Gogna était le père de Sh. Subhash Gogna et que le père [traduction] « […] était associé à un groupe de sikhs extrémistes appelé Babbar Khals, qu’il a été tué par la police lors d’événements violents de 1984 […], qu’il a été condamné [sic] et qu’il avait de mauvais rapports avec les personnes qui posaient des questions. Il était alcoolique, sans emploi, agressif et bon à rien. […] Il avait des relations avec d’autres femmes. » À mon avis, on peut au mieux tirer de cet affidavit que le père de Subhas était associé avec Babbar Khals, bien que l’auteur de l’affidavit n’ait pas indiqué d’où lui venait cette certitude ni expliqué la nature de ce groupe et pourquoi il le connaît. Les demandeurs n’ont pas expliqué non plus le lien qu’ils font entre Subhas et la prétendue association de son père avec Babbar Khals.

[39]           La SAR a aussi spécifiquement abordé la déclaration des demandeurs selon laquelle Subhas aurait des connaissances parmi les sikhs intégristes. Elle a indiqué avoir fait l’examen du recueil et écouté l’enregistrement sonore de l’audience. Elle a également noté que dans le formulaire Fondement de la demande d’asile, les demandeurs ont indiqué qu’ils ne croient pas que Subhas a adhéré à la religion sikhe. La SAR a ajouté que les documents fournis par les demandeurs décrivent les connaissances de Subhas comme des personnes vêtues de l’habit traditionnel sikh, mais qu’aucune preuve convaincante n’indique que Subhas est associé à des sikhs intégristes.

[40]           Les demandeurs indiquent que dans son affidavit, le demandeur a déclaré qu’après l’incident survenu à l’école de sa fille, un policier présent lui a dit qu’un des hommes qui accompagnaient Subhas avait une carte l’identifiant comme un membre du comité qui dirige toutes les gurudwaras sikhes de l’Inde. Le demandeur a déclaré que ce comité est reconnu comme un groupe fanatique de la religion sikhe. Il a ajouté que Subhas l’avait appelé pour l’informer qu’il avait porté plainte au comité au sujet de la famille et qu’il croyait que Cheheleena devait se convertir à la religion sikhe et épouser un sikh. Enfin, il a dit qu’après que sa famille se soit enfuie au Canada, quelqu’un est entré par effraction dans leur maison et l’a vandalisée en faisant sur les murs des graffitis « qui étaient de toute évidence l’œuvre de sikhs fanatiques », bien que personne n’ait expliqué pourquoi cela est une évidence.

[41]           À mon avis, même si cela était admis comme une preuve de l’association de Subhas avec des sikhs « fanatiques », les demandeurs n’ont pas expliqué en quoi la prétendue association de Subhas avec des sikhs intégristes donne lieu à un grave risque de persécution aux endroits suggérés comme PRI, et le recueil ne contient aucune preuve à cet égard. La SAR a également fait remarquer que les demandeurs ont réussi à vivre pendant 10 ans dans une collectivité située à seulement 60 kilomètres de Delhi et que Subhas les a retrouvés seulement lorsque la famille de la demanderesse lui a fourni de l’information. De plus, dans l’affidavit de l’avocat, Subhas est décrit comme quelqu’un qui ne serait probablement pas en mesure de retrouver les demandeurs parmi des millions de personnes dans un grand centre éloigné de sa résidence. À mon avis, la conclusion de la SAR n’est pas déraisonnable.

[42]           Quant aux directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la SAR aurait pu en faire une évaluation plus minutieuse, mais elle dit avoir tenu compte de tous les facteurs pertinents, notamment le contexte social et culturel ayant donné lieu aux allégations des demandeurs, et avoir examiné les conditions relatives au pays dans l’esprit de ces directives.

[43]           Bien que les demandeurs ne soient pas d’accord avec le commentaire de la SAR selon lequel la demanderesse serait accompagnée du demandeur à l’endroit suggéré comme PRI parce qu’elle est mariée, la SAR a fait ce commentaire en s’inspirant des directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Ces dernières stipulent expressément que les décideurs doivent tenir compte de la capacité de la femme, en raison de son sexe, de se rendre en toute sécurité à l’endroit suggéré comme PRI et d’y rester sans difficultés excessives. De plus, il n’est pas déraisonnable pour la SAR de conclure que la demanderesse bénéficiera du soutien de son mari. Le soutien familial (ou l’absence de soutien) a été considéré comme un facteur dans certaines analyses de la PRI (Gonzalez, au paragraphe 12, et Okafor, au paragraphe 14). De plus, bien que les demandeurs soutiennent que la violence sexospécifique revêt une importance cruciale en l’espèce, je note que la preuve fournie par les demandeurs indique que la réticence des policiers à intervenir n’était pas fondée sur le sexe, mais bien sur la religion. Dans son affidavit, le demandeur a déclaré que les policiers lui avaient dit, après l’incident survenu dans la cour d’école, qu’ils ne voulaient pas être mêlés à une confrontation religieuse et que, puisque Subhas disait être le père de Cheheleena, les policiers ont perçu qu’il s’agissait d’une affaire privée touchant la religion. De même, après l’entrée par effraction dans la maison de la famille, le voisin a déclaré qu’il ne voulait pas en parler à la police parce qu’il était musulman et qu’il ne voulait pas être mêlé à une affaire de nature religieuse.

[44]           Quoi qu’il en soit, dans son analyse de la protection par l’État, la SAR a reconnu que la preuve objective est mitigée dans le recueil. Cette preuve contient des renseignements sur la violence sexospécifique. Il est bien admis que le décideur est présumé avoir tenu compte de toute la preuve contenue dans le recueil (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre­Neuve­et­Labrador [Conseil du Trésor], 2011 CSC 62, au paragraphe 16), même si cette présomption peut être réfutée par une omission de considérer expressément un élément de preuve qui contredit directement la décision rendue. À mon avis, ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. La SAR était consciente de la nature mitigée de la preuve et a soupesé le témoignage des demandeurs sur leurs rencontres avec la police en tenant compte de la preuve objective mitigée. Par exemple, elle a noté que bien que la demanderesse soutienne que les policiers ne semblaient pas vouloir l’aider, elle a indiqué pendant son témoignage qu’ils s’étaient présentés à l’école lorsqu’ils ont été appelés et qu’ils avaient agi de façon appropriée. Ils ont parlé à la demanderesse et à son mari, ont recueilli des renseignements et ont informé madame que si d’autres problèmes survenaient, elle devrait se présenter au poste de police pour ouvrir un premier rapport d’information. Elle ne l’a pas fait. Après le second incident, survenu au domicile de la demanderesse, la police s’est présentée de nouveau. Bien que le demandeur ait déclaré sous serment que sa famille n’était pas satisfaite de l’intervention policière, il a également dit qu’il n’avait pas porté plainte à un supérieur parce qu’il croyait que le service de police était trop occupé.

[45]           La SAR a conclu que la réticence subjective des demandeurs à solliciter la protection de la police ne réfute pas la supposition que cette protection était disponible, et que les demandeurs n’ont fourni aucune preuve claire et convaincante que s’ils avaient porté plainte contre Subhas, ils n’auraient pas bénéficié de la protection de l’État. Je suis d’avis que la conclusion de la SAR est raisonnable et que pour arriver à une conclusion différente, il faudrait soupeser de nouveau la preuve soumise à la SAR, ce qui n’est pas le rôle de la Cour (McLean c. Colombie­Britannique [Securities Commission], 2013 CSC 67, aux paragraphes 19 à 33, et Dunsmuir, au paragraphe 47).

[46]           Étant donné qu’il incombe aux demandeurs de démontrer que les endroits suggérés comme PRI ne sont pas convenables, je suis d’avis qu’il est possible et acceptable que la SAR ait conclu que les demandeurs n’ont pas fait cette démonstration. Pour ces motifs, la demande est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Les parties n’ont proposé aucune question d’importance générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2924-15

 

INTITULÉ :

SANJAY KUMAR VERMA ET AL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE :

Le 11 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Aurina Chatterji

 

Pour les demandeurs

 

Meva Motwani

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger Professional Law Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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