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Date : 20160411


Dossier : T-294-15

Référence : 2016 CF 400

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 11 avril 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

FRANCIS ABOAGYE

demandeur

et

ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le présent avis de requête datant du 26 février 2015 et ayant été déposé la même date par le demandeur, un plaideur se représentant lui-même, est fondé sur les motifs suivants :

[traduction]

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant ce qui suit : un rapport de police de sept pages qui n’avait jamais été porté à l’attention du demandeur concernant la décision de la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] rendue le 12 décembre 2013. La Commission avait rejeté la plainte assortie du numéro de dossier 20121378 déposée par le demandeur contre Énergie atomique du Canada limitée [EACL], parce que la preuve ne démontrait pas que le plaignant avait été traité de façon défavorable et discriminatoire et qu’il avait été congédié en raison de sa race, de son origine ethnique ou nationale ou de sa couleur.

La décision avait été annoncée au demandeur le 16 décembre 2013.

Le demandeur présente une demande concernant les éléments suivants :

1. Le contrôle judiciaire du rapport de police de sept pages envoyé à la Commission par le service de police de Port Hope pour influencer la décision de la Commission

2. Le contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne

Les motifs de la demande sont les suivants :

1. Manquement au principe de l’équité procédurale :

[…]

[2]               La présente demande découle du fait que le demandeur croit qu’un rapport de police de sept pages [le rapport de sept pages] non divulgué avait été envoyé à la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission], qui l’avait utilisé à son détriment pour rendre la décision faisant l’objet du présent examen en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la Loi). Par conséquent, la présente demande met l’accent sur l’argument du demandeur selon lequel la Commission a eu un manquement quant à son obligation d’équité en omettant de l’informer du rapport de sept pages avant de rendre sa décision.

[3]               Pour expliquer le contexte de l’argument, les éléments marquants de la plainte relative aux droits de la personne du demandeur ainsi que l’opinion de l’enquêteuse et la recommandation qu’elle a faite à la Commission à ce sujet sont décrits dans le rapport d’enquête comme suit :

[traduction]

Toutes les parties conviennent que le plaignant avait été embauché par la défenderesse et qu’il avait commencé à travailler le 29 mai 2012 à titre de spécialiste des relations industrielles. En tant que nouvel employé, il était assujetti à une période probatoire de 120 jours ouvrables. Il a été congédié avec motif le 12 décembre 2012.

La question en litige dans le cadre de cette plainte est de savoir si la défenderesse a traité le plaignant de manière différente, à son détriment, et si elle l’a congédié en raison de sa race, de son origine ethnique ou nationale ou de sa couleur. Le plaignant se considère comme une personne noire d’origine africaine.

L’enquête relative à cette plainte comprend : l’examen de la position du plaignant et de la défenderesse et des documents à l’appui; l’examen de la documentation pertinente, y compris l’évaluation de rendement du plaignant, les communications écrites entre le plaignant et la défenderesse, la politique sur le harcèlement en milieu de travail et le code de conduite d’EACL, les descriptions de travail, les offres d’emploi du plaignant, les rapports de police, la copie des entrevues sommaires avec les témoins pertinents concernant le rapport d’enquête interne de la défenderesse [...].

Mis à part les problèmes de rendement, les éléments de preuve démontrent que le plaignant avait été congédié en raison de la dégradation des relations de travail à la suite de l’obtention des résultats de l’enquête interne de la défenderesse. L’enquête démontre que le plaignant avait présenté de façon erronée des renseignements qui auraient été pertinents dans le cadre du processus de sélection et de l’obtention de sa cote de sécurité.

En vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est recommandé que la Commission rejette la plainte parce que la preuve ne démontre pas que le plaignant avait été traité de façon défavorable et discriminatoire et qu’il avait été congédié en raison de sa race, de son origine ethnique ou nationale ou de sa couleur.

[Non souligné dans l’original.]

(Rapport d’enquête, 5 septembre 2013, aux paragraphes 8, 1, 7, 134 et 140)

II.                Au sujet de la procédure : compétence et examen de la présente demande

[4]               La réponse de la défenderesse concernant la demande va comme suit :

[traduction]

Énoncé des points en litige :

La présente demande ne comporte qu’une seule question en litige, soit à savoir si la demande peut être examinée étant donné qu’elle n’a pas été présentée au cours de la période de 30 jours suivant la décision de la Commission et qu’une demande de prorogation de délai avait déjà été refusée au demandeur [demande T-899-14 présentée antérieurement].

Si la Cour décide d’examiner le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire du demandeur, EACL est d’avis que la demande est sans fondement et qu’aucun élément de preuve ne permet de confirmer les allégations du demandeur.

Observations de la défenderesse

La règle de la préclusion fondée sur le principe de la chose jugée s’applique à la demande du demandeur, laquelle constitue subsidiairement un abus de procédure.

 (Observations écrites de la défenderesse en date du 22 juillet 2015, dossier de la défenderesse, pages 373 et 374)

[5]               L’analyse des trois questions détermine le bien-fondé de l’argument de la défenderesse.

A.                Pertinence de la demande T-899-14 dans le cadre de la présente demande

[6]               Selon l’avis de demande T-899-14 rempli le 9 avril 2014, l’avocat qui représentait alors le demandeur avait demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission qui aurait été rendue le 12 décembre 2013 et communiquée au demandeur le 2 janvier 2014. Comme la demande n’a pas été déposée au cours de la période de 30 jours suivant la date à laquelle la décision avait été communiquée au demandeur, une requête visant à obtenir une prorogation de délai pour le dépôt de la demande a été présentée au motif que [traduction] « le demandeur était sans emploi et qu’il n’avait pas les moyens de retenir les services d’un avocat. Le demandeur souffrait également d’un trouble dépressif découlant de son congédiement injuste. » (Dossier de la défenderesse pour la présente demande, pages 18 à 21)

[7]               Sur ordonnance datée du 8 juillet 2014, la requête visant à obtenir une prorogation de délai avait été rejetée sur le fond par le juge Mosley. (Dossier de la défenderesse, pages 279 à 281) La requête présentée par le demandeur aux fins de réexamen avait aussi été rejetée étant donné qu’il n’existait aucun motif justifiant un tel examen aux termes de l’article 397 des Règles des Cours fédérales. (Dossier de la défenderesse pour la présente demande, pages 354 à 356)

[8]               Comme il a été mentionné, la défenderesse s’était fondée sur l’ordonnance du juge Mosley pour affirmer que la Cour n’avait pas compétence pour examiner la présente demande. Toutefois, il est important de souligner que, lorsque le demandeur avait présenté la demande en l’espèce, la défenderesse n’avait pas présenté de requête en radiation. Le processus relatif à la demande s’était donc déroulé sans entrave.

B.                 Modification de l’intitulé de la cause

[9]               En fait, la défenderesse avait apporté son aide dans le cadre de la présente demande. Telle qu’elle avait été présentée, cette demande désignait comme défendeur [traduction] « David Langtry, commissaire en chef de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) ». Le 20 mars 2015, la défenderesse avait présenté un avis de requête pour solliciter une ordonnance visant à modifier l’intitulé de la cause afin de remplacer le défendeur indiqué dans la demande par Énergie atomique du Canada limitée, ainsi qu’une ordonnance précisant que tous les délais prescrits par les Règles des Cours fédérales devraient être calculés à partir de la date d’entrée en vigueur de ces modifications, comme si une nouvelle demande de contrôle judiciaire avait été présentée le 20 mars 2015. Les ordonnances avaient été accordées par la protonotaire Tabib le 21 avril 2015, et un avis de demande modifié avait été présenté le 27 avril 2015.

C.                Requête relative à la prorogation de délai : demande d’audience

[10]           L’étape suivante du processus menant vers une audience de contrôle judiciaire était la présentation d’une requête par le demandeur le 21 septembre 2015 visant à obtenir une prorogation de délai en vue de présenter une demande d’audience. À cette étape du processus, la défenderesse avait présenté les arguments suivants :

[traduction]

EACL affirme que la présente demande de contrôle judiciaire est chose jugée et que, par conséquent, elle n’a aucun fondement. EACL déclare que la décision du juge Mosley de rejeter la première demande de prorogation de délai du demandeur est définitive et sans appel aux fins de la demande présentée devant la Cour. Ainsi, la tentative du demandeur de porter encore une fois devant les tribunaux des questions pour lesquelles le juge Mosley a déjà rendu une décision constitue une préclusion fondée sur la cause d’action, et la règle de la préclusion fondée sur le principe de la chose jugée s’applique donc à la demande.

Le demandeur a engagé divers litiges contre EACL en fonction des mêmes faits et éléments de preuve présentés à la Commission. Tous ces litiges engagés de façon continue par le demandeur contre EACL constituent un abus de procédure et, dans les circonstances particulières en l’espèce, le fait que ces mêmes litiges aient été soumis devant plusieurs instances constitue un préjudice pour EACL.

(Observations écrites de la défenderesse dans le cadre de la requête, paragraphes 36 et 37)

[11]           Le 1er décembre 2015, la protonotaire Milczynski avait rendu l’ordonnance suivante :

[traduction]

VU LA REQUÊTE écrite présentée au nom du demandeur et datée du 21 septembre 2015, conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, visant à obtenir une prorogation de délai pour demander une audience, nunc pro tunc, concernant la demande de contrôle judiciaire;

APRÈS avoir reçu les documents de la requête et examiné le dossier de requête du demandeur et celui de la défenderesse daté du 1er octobre 2015, dans lequel elle s’oppose à la requête;

ET ÉTANT d’avis que la dispense demandée devrait être accordée étant donné que le demandeur se représente lui-même et qu’il a justifié le retard;

ET APRÈS avoir noté que, d’une part, les dossiers de demande en l’espèce ont été remplis, y compris celui de la défenderesse ayant été rempli le 22 juillet 2015, et que, d’autre part, le demandeur a préparé la demande d’audience en date du 21 septembre 2015, dont une copie a été envoyée à la défenderesse, ne comportant toutefois aucun renseignement indiquant si les droits de dépôt appropriés liés à la requête ont été remis au greffe :

LA COUR ORDONNE qu’une prorogation de dix (10) jours soit accordée au demandeur à compter de la date de la présente ordonnance afin qu’il puisse présenter la demande d’audience, sous réserve d’une preuve de signification et de paiement des droits liés au dépôt au greffe.

[Non souligné dans l’original.]

[12]           La défenderesse n’avait pas interjeté appel de l’ordonnance rendue par la protonotaire Milczynski.

D.                Conclusion

[13]           Les arguments de la défenderesse relatifs au principe de la chose jugée et à l’abus de procédure en ce qui concerne l’audience de la demande avaient été examinés par la protonotaire Milczynski et rejetés nunc pro tunc. Par conséquent, je conclus que, compte tenu de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski, la Cour a accepté la demande du demandeur avec effet rétroactif à la date de la présentation de la demande. De plus, je rejette les arguments relatifs au principe de la chose jugée et à l’abus de procédure en ce qui concerne la compétence qui ont été avancés lors de l’audience de la présente demande.

III.             Au sujet du bien-fondé : argument relatif à l’équité

[14]           L’existence et le contenu du rapport de sept pages ainsi que la question à savoir si ce rapport avait été présenté à la Commission lorsqu’elle a rendu la décision visée par l’examen sont des questions centrales découlant de la demande qui doivent être tranchées.

A.                Au sujet de l’existence du rapport de sept pages

[15]           Lors de l’audience de la présente demande, le demandeur a demandé de vive voix que la Commission produise le rapport de sept pages. À la suite de la demande de la Cour, l’avocat de la Commission s’est présenté volontairement devant la Cour afin de produire le rapport. Après une enquête, l’avocat de la Commission a présenté une preuve par affidavit et des déclarations concernant la documentation pertinente se trouvant en possession de la Commission. La chronologie des événements relatifs à la documentation se trouve ci-dessous.

[16]           Le 16 novembre 2012, le demandeur avait déposé une plainte pour motif de discrimination auprès de la Commission.

[17]           Le 30 janvier 2013, la direction de l’accès à l’information du service de police de Port Hope (Port Hope) avait répondu à une demande de divulgation présentée par le demandeur aux termes de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, ch. M.56, en ce qui concerne les rapports de police en lien avec sa plainte. Port Hope lui avait fourni deux rapports complémentaires et un rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012. Un paragraphe du rapport général d’incident avait été censuré dans la version envoyée au demandeur. (Affidavit de Milena Gonzalez daté du 8 mars 2016 [affidavit Gonzalez] : pièce A, pages 0007 et 0008) Comme il est décrit ci-dessous, c’est ce paragraphe censuré que le demandeur tentait finalement d’obtenir.

[18]           Le 28 février 2013, le rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012 comportant le paragraphe censuré avait été déposé devant la Commission dans le cadre des arguments du demandeur. (Gonzalez : pièce A, page 0007)

[19]           Le 20 septembre 2013, la Commission avait divulgué le rapport d’enquête au demandeur et à la défenderesse. Ce rapport avait été signé et daté le 5 septembre 2013 dans le cadre de la demande présentée par le demandeur en vertu de la Loi. (Affidavit Gonzalez : paragraphe 5)

[20]           Le 26 septembre 2013, la Commission avait reçu une lettre de Port Hope par télécopieur datée du 26 septembre 2013 contenant des réponses aux questions de l’enquêteuse de la Commission. Le 27 septembre 2013, la Commission avait reçu une autre lettre de Port Hope par télécopieur datée du 27 septembre 2013 comprenant une version non censurée du rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012. (Affidavit Gonzalez : paragraphes 6 et 7)

[21]           Le 12 décembre 2013, la Commission avait rendu sa décision de ne pas traiter la plainte relative aux droits de la personne du demandeur. (Affidavit Gonzalez : paragraphe 8)

[22]           Le 12 juin 2014, le demandeur avait présenté la demande suivante à la Commission en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 :

[traduction]

La présente est une demande visant à obtenir tous les renseignements se trouvant dans mon dossier (20121378). Cela comprend tous les renseignements fournis par moi-même, l’enquêteuse de la Commission canadienne des droits de la personne, Énergie atomique du Canada limitée, la police et toute autre ou personne ou entité que j’ignore.

Dans une réponse provisoire transmise le 28 juillet 2014 et une réponse finale transmise le 15 septembre 2014, la Commission lui avait fourni tous les documents (dossier d’accès), sauf certaines pages. Les pages non divulguées en vertu de l’alinéa 13(1)d) de la Loi sur l’accès à l’information étaient celles qui avaient été transmises à la Commission par Port Hope, désignée comme étant les [traduction] « pages 122 à 123 » et les [traduction] « pages 118 à 120 ». Le 23 septembre 2014, le demandeur avait déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information du Canada concernant l’omission de la Commission de divulguer le dossier en entier. Le 20 janvier 2015, une réponse avait confirmé que le demandeur avait réduit la portée de sa plainte aux pages 117 à 123 et que, comme ces pages avaient été obtenues de manière confidentielle auprès de Port Hope, elles avaient été exclues de façon appropriée. (Pièces A, K et L de l’affidavit du demandeur daté du 27 avril 2015)

[23]           En ce qui concerne la présente demande datée du 26 février 2015, en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, le demandeur avait demandé à obtenir le dossier auprès de la Commission lorsqu’elle avait rendu sa décision au sujet de sa plainte (dossier du tribunal), y compris le contenu non divulgué des pages 117 à 123 du dossier d’accès. (Observations de la Commission, paragraphes 8 et 9)

[24]           L’avocat de la Commission a décrit le contenu des pages 117 à 123 du dossier du tribunal comme suit :

[traduction]

Les sept pages comprenaient un rapport de police de deux pages, des feuilles d’envoi par télécopieur et de la correspondance. Ces pages avaient été transmises de façon confidentielle par une autorité municipale. Les pages 117 à 120 (une feuille d’envoi par télécopieur, une lettre d’accompagnement et un rapport de police de deux pages du service de police de Port Hope) du dossier d’accès avaient été reçues par la Commission le 27 septembre 2013. Les pages 121 à 123 du dossier d’accès (une feuille d’envoi par télécopieur et une lettre) avaient été reçues par la Commission le 26 septembre 2013.

La Commission n’avait aucun rapport de police de sept pages en sa possession. (Affidavit de Milena Gonzalez daté du 8 mars 2016, paragraphe 11)

La Commission avait répondu à la demande de M. Aboagye en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales dans une lettre datée du 19 mars 2015, puis l’avocat de la Commission s’était objecté à la demande en vertu de l’article 318 des Règles des Cours fédérales et avait fourni les documents que la Commission avait en sa possession lorsqu’elle a pris sa décision. Concernant la demande relative aux sept pages (soit les pages 117 à 123 du dossier d’accès), l’avocat de la Commission a indiqué ce qui suit :

[traduction]

[...] Ce document appartient à un tiers et a été envoyé à la Commission de façon confidentielle. La Commission doit s’assurer de divulguer les documents uniquement d’une manière qui est autorisée ou exigée par la loi. Par conséquent, une version censurée du document demandé, qui avait été fourni à la Commission par le service de police de Port Hope et dont la divulgation avait été autorisée, est jointe aux présentes [...].

Une copie de l’un des documents dont un paragraphe avait été censuré avait été fournie au demandeur avec les autres documents ayant été présentés devant la Commission. Ces deux pages correspondent aux pages 119 et 120 du dossier d’accès, sans le paragraphe censuré. Le rapport de police de Port Hope porte sur un incident ayant été signalé et consigné le 13 septembre 2012.

(Observations de la Commission, paragraphes 12 à 15)

[25]           L’avocat de la Commission confirme le fait suivant :

[traduction]

Le rapport de police aux pages 119 et 120 du dossier d’accès est une autre copie du document ayant déjà été présenté par le plaignant et qui était en possession de l’enquêteuse lorsque le rapport d’enquête avait été rédigé le 5 septembre 2015. La version qui se trouve aux pages 119 et 120 du dossier d’accès est légèrement différente, car le dernier paragraphe est non censuré dans la version divulguée de façon confidentielle à la Commission le 26 septembre 2015.

(Observations de la Commission, paragraphe 22)

Le demandeur n’avait aucun élément de preuve permettant de réfuter ou de contredire les renseignements avancés par la Commission à cet égard.

[26]           Par conséquent, je conclus que le seul document qui constitue le rapport de sept pages est la version non censurée du rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012 dont la version censurée avait été fournie au demandeur par Port Hope le 30 janvier 2013.

B.                 Preuve présentée à l’enquêteuse et à la Commission

[27]           Concernant les éléments de preuve présentés à l’enquêteuse, l’avocat de la Commission indique que les documents visés par les pages 117 à 123 du dossier d’accès avaient été reçus par la Commission les 26 et 27 septembre 2013. Par conséquent, ils ne pouvaient pas avoir été présentés à l’enquêteuse étant donné que le rapport d’enquête avait été achevé le 5 septembre 2013. (Observations de la Commission, paragraphe 19)

[28]           Toutefois, le demandeur affirme que des éléments de preuve démontrent que la version non censurée du rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012 avait été présentée à l’enquêteuse en août 2013, qu’elle avait été examinée et qu’elle constituait un élément du rapport d’enquête envoyé et examiné par la Commission, et qu’une ordonnance pour la production de cet élément de preuve pertinent est requise. Cet argument est fondé sur les passages de deux lettres : la lettre datée du 27 septembre 2013 envoyée par M. Robert Grandy, coordonnateur de l’information et de la protection de la vie privée de Port Hope, à M. Chamberlin de la Commission (affidavit Gonzalez : pièce C), et la lettre datée du 18 mars 2015 envoyée par M. Grandy à M. Jonathan Bujeau de la Commission (affidavit Gonzalez : pièce E).

[29]           Le passage pertinent de la lettre datée du 27 septembre 2013 est le suivant :

[traduction]

Vous trouverez donc ci-joint une version non censurée du rapport général d’incident, comme il a été demandé dans la lettre datée du 14 août 2013 de Mme Holt [l’enquêteuse]. Je vous demande toutefois de NE PAS remettre cette version non censurée à M. Aboagye. [Non souligné dans l’original.]

Le passage pertinent de la lettre datée du 18 mars 2015 est le suivant :

[traduction]

Dans ma lettre datée du 27 septembre 2013 destinée à M. John Chamberlin de la Commission, j’ai demandé que la copie originale non censurée du rapport général d’incident NE soit PAS transmise à M. Aboagye, car ce document avait été envoyé à Mme Holt (à sa demande) de façon confidentielle pour sa propre utilisation uniquement en août 2013. [Non souligné dans l’original.]

[30]           Le demandeur affirme que la partie soulignée dans la lettre datée du 18 mars 2015 démontre que l’enquêteuse avait utilisé la copie non censurée du rapport général d’incident dans le cadre du rapport d’enquête présenté à la Commission. Je suis d’avis que l’argument n’est pas fondé sur une interprétation raisonnable de la preuve. Il est clair que l’enquêteuse avait demandé le document en question le 14 août 2013 et que celui-ci lui avait été envoyé le 27 septembre 2013. Par conséquent, les termes [traduction] « pour sa propre utilisation seulement en août 2013 » doivent être interprétés de façon juste, soit que l’enquêteuse voulait tenir compte du document à la fin août et que celui-ci lui avait été envoyé à cette fin, mais trop tard, soit après la rédaction du rapport d’enquête. Pour ces motifs, je rejette l’argument du demandeur.

[31]           Par conséquent, la version non censurée du rapport général d’incident daté du 13 septembre 2012 qui avait été transmise à l’enquêteuse, et dont la version censurée avait été fournie au demandeur par Port Hope le 30 janvier 2013, était l’unique « rapport de police » que l’enquêteuse avait en sa possession.

[32]           Concernant les éléments de preuve ayant été présentés à la Commission au moment où la décision faisant l’objet de l’examen avait été rendue, l’avocat de la Commission fait les observations suivantes :

[traduction]

Conformément au dossier de la Cour, les documents visés par le certificat de la Commission en vertu de l’alinéa 318(1)a) des Règles des Cours fédérales comprenaient les suivants :

le rapport d’enquête daté du 5 septembre 2013 avec les annexes;

le sommaire modifié du formulaire de plainte daté du 13 mars 2013;

le sommaire du formulaire de plainte daté du 16 novembre 2012;

le formulaire de plainte;

les observations du plaignant concernant le rapport d’enquête, non datées, avec une pièce jointe;

les observations de la défenderesse datées du 18 octobre 2013 avec une pièce jointe;

la réponse du plaignant aux observations de la défenderesse, non datée, avec pièces jointes;

la réponse de la défenderesse à l’observation du plaignant, datée du 12 novembre 2013.

Le certificat de la Commission en vertu de l’article 318 des Règles précise qu’il s’agit des documents qui étaient en sa possession lorsqu’elle a rendu sa décision le 4 décembre 2013 concernant la plainte 20121378 (c’est-à-dire la plainte de M. Aboagye).

(Observations de la Commission, paragraphes 16 et 17)

[33]           Selon la preuve, je suis d’avis que la version non censurée du rapport général d’incident du 13 septembre 2012 n’avait pas été présentée devant la Commission. Pour ces motifs, je conclus qu’il n’y a eu aucun manquement à l’obligation d’équité envers le demandeur.

C.                Accès du demandeur à la version non censurée du rapport général d’incident du 13 septembre 2012

[34]           Comme la version non censurée du rapport général d’incident du 13 septembre 2012 n’avait pas été présentée devant la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision, je suis d’avis que cette question n’est pas pertinente dans le cadre de la présente demande. Pour ces motifs, je rejette la demande du demandeur concernant la production du document.

IV.             Dépens

[35]           La défenderesse demande une ordonnance quant aux dépens. À mon avis, comme le seul argument catégorique relatif à la compétence en réponse à la présente demande n’a pas été retenu, l’octroi des dépens demandé n’est pas nécessaire.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande pour les motifs fournis.

L’avocat de la Commission a gracieusement fourni une version non censurée de la page 119 du dossier d’accès, sous scellé, afin de permettre la détermination de sa valeur probante si cette page s’avérait pertinente dans le cadre de la présente demande.

Étant donné que le document n’est pas pertinent, j’ordonne que ce document, toujours sous scellé, soit rendu à l’avocat de la Commission.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-294-15

 

INTITULÉ :

FRANCIS ABOAGYE c. ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO) [EN PERSONNE] ET VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) [PAR VIDÉOCONFÉRENCE]

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 16 ET 17 FÉVRIER 2016 (TORONTO) ET LE 17 MARS 2016 (VANCOUVER)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

LE 11 AVRIL 2016

COMPARUTIONS :

Francis Aboagye

Pour le demandeur

(EN SON PROPRE NOM)

Samantha Seabrook

Pour la défenderesse

(ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE)

Daniel Poulin

POUR LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hicks Morley Hamilton Steward & Storie

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

(ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE)

Daniel Poulin

Conseiller juridique

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

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