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Date : 20160405


Dossier : T-191-16

Référence : 2016 CF 378

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

STRYKER CORPORATION ET STRYKER CANADA LP

demanderesses

et

UMANO MEDICAL INC. ET UMANO MEDICAL WORLD INC.

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La présente requête des défenderesses vise à radier certaines parties de la déclaration des demanderesses en vertu de l’article 221 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106 (les Règles). À titre subsidiaire, les défenderesses demandent des précisions complémentaires et plus pertinentes en vertu de l’article 181. La requête vise également une ordonnance enjoignant les demanderesses à fournir, conformément à l’article 206, une copie de chaque document mentionné dans la déclaration bien que l’avocat des défenderesses n’ait pas abordé cette demande de vive voix à l’audience, mais a tout simplement renvoyé la Cour à leurs observations écrites.

II.                Contexte

[2]               Les demanderesses, Stryker Corporation et Stryker Canada LP (collectivement, les demanderesses) conçoivent, fabriquent et vendent des technologies médicales, y compris des mécanismes de soutien à barrières latérales. Le 16 avril 2013, le brevet canadien no 2 619 678 (le brevet 678) a été délivré à Stryker Corporation pour une invention intitulée « Système de barrière latérale mobile à utiliser avec un système de soutien de patient ».

[3]               Les demanderesses affirment qu’en 2012, elles ont conclu des accords de fabrication avec Umano Medical Inc. et Umano World Medical Inc. (collectivement, les défenderesses) tandis que les défenderesses ont été constituées sous les noms Groupe Bertec Inc. et Gestion Bertec Inc. En vertu de ces accords, les défenderesses étaient tenues de fabriquer certains lits d’hôpitaux pour les demanderesses, en utilisant la technologie et les spécifications de celles-ci, tout en protégeant les droits exclusifs de Stryker Corporation à sa propriété intellectuelle. Les demanderesses soutiennent qu’en dépit de ces accords, les défenderesses ont commencé à concurrencer les demanderesses par la fabrication, la vente, le marketing, la distribution ou autrement le transfert de produits de lits et de lits d’hôpitaux pour les clients des demanderesses et d’autres au moins dès 2014. Elles affirment, en outre, que Groupe Bertec Inc. et Gestion Bertec Inc. ont été établies par trois de leurs anciens employés et par un employé de Flextronics International Ltd. Cette dernière est une société avec laquelle les demanderesses avaient établi un partenariat de fabrication dans le cadre duquel Flextronics fabriquerait certains produits de lits d’hôpitaux pour Stryker Medical, une division de Stryker Corporation.

[4]               Le 1er février 2016, les demanderesses ont intenté une action en contrefaçon de brevet contre les défenderesses. Les demanderesses affirment que les sociétés Umano Snow Bed et Umano Cocoon Bed des défenderesses (collectivement, les Umano Bed) enfreignent la revendication 10 du brevet 678 et que la Umano Snow Bed enfreint la revendication 19 du brevet 678.

[5]               Le 1er mars 2016, les défenderesses ont déposé la présente requête. Les demanderesses s’y opposent vigoureusement et demandent des dépens, quel que soit le résultat de la requête, sur une base avocat-client, d’un montant de 10 000 $ pour avoir été irrévocablement lésées par les défenderesses en révélant dans leur dossier de requête l’offre de règlement sans préjudice de détails précis des demanderesses. Les demanderesses affirment que cette infraction de communications confidentielles porte atteinte à la position qu’elles ont adoptée dès le début de la présente instance, à savoir qu’aucun renseignement détaillé n’est requis au-delà de ceux qui sont prévus dans la déclaration initiale.

[6]               Enfin, les deux parties demandent que cette instance se poursuive comme une instance à gestion spéciale en vertu des articles 383 et 385 des Règles.

III.             Analyse et décision

A.                Requête en radiation

[7]               Les défenderesses demandent que les paragraphes 23, 24, 29, 30, 33 et 34 de la déclaration soient radiés. Ces paragraphes se lisent comme suit : [traduction]

23. Les lits Umano Snow Bed et Umano Cocoon Bed des défenderesses compromettent chacun un appareil à barrière latérale mobile à utiliser avec un appareil de soutien de patient, comprenant ce qui suit :

a) une barrière latérale ayant deux ou plusieurs pivots supérieurs dont le lien est espacé longitudinalement;

b) une transverse ayant deux ou plusieurs pivots inférieurs dont le lien est espacé longitudinalement, la traverse étant jumelée à un châssis intermédiaire ou un support de plate-forme de l’appareil de soutien de patient;

c) un mécanisme de guidage relié fonctionnellement à la traverse et aux deux ou plusieurs pivots inférieurs;

d) deux ou plusieurs bras de soutien, une première extrémité de chaque bras de soutien reliée de façon pivotante à l’un des deux ou plusieurs pivots supérieurs de la barrière latérale, une seconde extrémité de chaque bras de soutien reliée de façon pivotante à l’un des deux ou plusieurs pivots inférieurs;

e) dans lequel la barrière latérale est mobile entre une position déployée et une position repliée par un mouvement de rotation dans un plan sensiblement vertical et sensiblement parallèle à la longueur longitudinale de l’appareil de soutien de patient et dans lequel le mécanisme de guidage fournit un moyen de déplacement latéral de la barrière latérale en direction et à partir de l’appareil de soutien du patient pendant le déplacement rotationnel de la barrière latérale;

le tout comme indiqué dans la revendication 10 du brevet 678;

24. Le lit Umano Snow Bed comprend, en outre, un dispositif de barrière latérale mobile à utiliser avec un appareil de soutien du patient comprenant le dispositif décrit dans la revendication 10 et dans lequel :

a) chacun des pivots inférieurs comprend un axe de pivotement, le dispositif comprenant, en outre, un mécanisme d’amortissement, le mécanisme d’amortissement jumelé aux arbres de pivotement des pivots inférieurs,

le tout comme indiqué dans la revendication 19 du brevet 678.

[…]

29. En outre, les activités des défenderesses concernant les Umano Bed comprennent la publicité, le marketing, la promotion, et la communication d’instructions et d’autres services de soutien liés à l’installation et l’utilisation de ces lits de sorte que les défenderesses amènent ou incitent, et amèneront et inciteront, autrui à enfreindre les revendications 10 et 19 du brevet 678. Ces activités de contrefaçon d’autrui n’auraient pas eu lieu et ne se produirait pas, sauf pour les activités des défenderesses telles que décrites dans les présentes en ce qui concerne la fabrication, l’utilisation, la vente et l’offre de vente de lits d’hôpitaux, y compris les lits Umano Bed, jumelés à la publicité, au marketing, à la promotion, aux instructions et autres services de soutien des défenderesses relativement à l’installation et l’utilisation de ces lits; sauf pour les défenderesses qui exercent une influence sur autrui pour entreprendre ces activités de contrefaçon au Canada.

30. Stryker ignore l’étendue des activités des défenderesses. Les détails exhaustifs de toutes les activités des défenderesses qui sont connus des défenderesses ne sont pas connus de Stryker. Cependant, Stryker présente une demande à l’égard de toutes ces activités.

[…]

33. Stryker demande également, aux termes du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets, une compensation raisonnable pour les dommages qu’elle a subis en raison des activités des défenderesses après que la demande du brevet 678 est devenue accessible au public, et avant l’octroi du brevet 678 le 16 avril 2013, ce qui aurait constitué une infraction au brevet 678 si ce dernier avait été accordé le 22 février 2007.

34. Stryker demande également des dommages-intérêts alourdis, exemplaires et punitifs en raison de l’infraction volontaire et délibérée du brevet 678 et la conduite abusive des défenderesses visant à obtenir le savoir-faire grâce à un lien de confiance avec Stryker et au moins un ancien employé de celle-ci, puis en utilisant ce savoir-faire pour accélérer la production et la vente d’un appareil et d’un lit à barrière latérale contrefaits.

[8]               Le but de la procédure écrite est de veiller à ce que la partie opposée sache ce qui lui est reproché (Apotex Inc c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd, 2005 CF 1310, paragraphe 35 [Apotex]).

[9]               Il est bien établi que le seuil de la radiation d’une déclaration est élevé (Eli Lilly Canada Inc c. Nu-Pharm Inc, 2011 CF 255, au paragraphe 11, 385 FTR 208 [Eli Lilly]). Le critère bien connu de la radiation des actes de procédure est de savoir s’il est « évident et manifeste » que l’intégralité ou une partie des actes de procédure ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, même si les faits allégués sont vrais (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, 74 DLR (4th) 321 [Hunt]; R. c. Imperial Tobacco Canada Ltd, 2011 CSC 42, au paragraphe 22, [2011] 3 RCS 45 [Imperial Tobacco]). Ainsi, une requête en radiation ne réussira pas « dès lors qu’on peut trouver, à la lecture de la déclaration, une cause d’action, si ténue soit-elle » (Pharmaceutical Partners of Canada Inc. c. Faulding (Canada) Inc (2002), 117 ACWS (3d) 221, paragraphe 13, 21 CPR (4th) 166 [Partenaires Pharmaceutiques du Canada]). Autrement dit, la partie qui demande la radiation doit établir, hors de tout doute, qu’il est indubitable que l’affaire n’a aucune chance de succès à l’instruction (Partenaires Pharmaceutiques du Canada, au paragraphe 13).

[10]           Les défenderesses soutiennent que du moment que les paragraphes 23 et 24 sont de simples récitatifs des revendications 10 et 19 du brevet 678, ils ne sont pas suffisamment plaidés parce qu’ils ne fournissent aucun fondement factuel à l’allégation de la contrefaçon et doivent donc être radiés de la déclaration.

[11]           Les défenderesses se fondent sur les arrêts Bertelsen Inc. c. Automated Tank Manufacturing Inc, 2011 CF 1219 [Bertelsen] et Heli Tech Services (Canada) Ltd c. Weyerhaeuser Company Limited, 2011 CAF 193 [Heli Tech] pour faire valoir que le simple fait de réciter une revendication de brevet est inadéquat et insuffisant pour bien plaider les faits sur lesquels une action en contrefaçon peut être fondée (voir les arrêts Bertelsen, aux paragraphes 16 et 17; Heli Tech, aux paragraphes 29 et 30). Pourtant, le principe général selon lequel une partie ne peut utiliser la formulation des revendications de brevet pour décrire les actes du contrefacteur présumé d’un brevet ne constitue pas une règle absolue. Chaque cas doit être apprécié selon les faits qui lui sont propres, selon la preuve présentée et compte tenu du libellé exact du brevet et de la déclaration (General Electric Co c. Wind Power Inc, 2003 CFPI 537, au paragraphe 18, 122 ACWS (3d) 1014 [General Electric]). Comme cela est indiqué dans l’arrêt General Electric, il y a des cas dans lesquels le libellé de la déclaration est tel qu’il peut servir de modèle pour décrire exactement les actes du défendeur qui constituent une atteinte au droit du demandeur (au paragraphe 19).

[12]           À mon avis, les cas invoqués par les défenderesses se distinguent des faits de cette affaire puisque l’allégation de contrefaçon de brevet des demanderesses est limitée au copiage présumé d’un appareil physique, à savoir les parties comprenant une barrière latérale. Ce n’est pas un cas où la contrefaçon de brevet est liée à un processus compliqué ou une méthode compliquée comme dans l’affaire Bertelsen ou Heli Tech. Il me semble que la situation en cause n’est pas trop complexe de même qu’elle est semblable à une décision rendue par le juge Snider dans l’arrêt Tyhy c. Schulte Industries Ltd, 2004 CF 1421 [Tyhy], où la Cour a refusé de radier un acte de procédure au motif que les allégations traduisaient la formulation de la revendication :

[6] […] La présumée contrefaçon vise un dispositif pour lequel les demanderesses sont titulaires du brevet 162. Au paragraphe 10 de la déclaration, les demanderesses décrivent sept des attributs du dispositif « Schulte Flex Arm ». Ces sept présumés attributs sont des caractéristiques physiques. Il me semble que la défenderesse devrait pouvoir réviser cette liste et déterminer si son dispositif « Schulte Flex Arm » accomplit ou non les fonctions décrites dans cette liste. C’est l’essence même de la demande. À mon sens, il est indifférent que les termes employés pour décrire les attributs de ce mécanisme reprennent textuellement ceux que l’on trouve dans la déclaration.

[13]           De même, en l’espèce, les défenderesses sont informées des caractéristiques physiques des barrières latérales des lits Umano Bed qui enfreignent le brevet 678 des demanderesses. Étant donné que la réclamation pour contrefaçon est liée exactement aux caractéristiques physiques de deux revendications du brevet 678, il me semble tout à fait évident que les défenderesses soient en mesure d’examiner les revendications des demanderesses et de déterminer si les barrières latérales partagent les mêmes caractéristiques physiques que celles qui figurent dans la déclaration.

[14]           Compte tenu de ce qui précède, je ne vois aucune raison pour laquelle ces paragraphes doivent être radiés, les faits pertinents ayant été suffisamment plaidés par les demanderesses d’une manière qui permet aux défenderesses de connaître la preuve qu’elles doivent réfuter.

[15]           En ce qui concerne les paragraphes 29 et 30 de la déclaration, je ne vois aucune raison de conclure que l’allégation d’incitation n’a aucune chance raisonnable d’être retenue. Une conclusion d’incitation requiert l’application d’un critère à trois volets : Premièrement, l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct. Deuxièmement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu. Troisièmement, l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon (Corlac Inc. c. Weatherford Canada Inc., 2011 CAF 228, au paragraphe 162).

[16]           Les demanderesses affirment que les défenderesses fabriquent et vendent des lits dotés de la barrière latérale de contrefaçon et qu’elles incitent autrui à enfreindre le brevet 678 en fabriquant, en utilisant et en vendant les lits, en les offrant à la vente, y compris la publicité, le marketing, la promotion, et en fournissant des instructions ou tout autre service de soutien liés à l’installation des lits de contrefaçon. À mon avis, les faits de l’espèce se distinguent de l’affaire Bayer Inc. c. Pharmaceutical Partners of Canada Inc., 2015 CF 388 [Bayer], citée par les défenderesses, où l’allégation d’incitation a été radiée en vertu de l’alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), car elle était fondée sur de simples conjectures. En l’espèce, les demanderesses soutiennent que les défenderesses portent en fait atteinte aux revendications 10 et 19 du brevet 678 en fabriquant des lits dotés de la barrière latérale de contrefaçon. Je ne vois aucune nécessité de répondre à la question de savoir si une requête faite conformément à l’alinéa 6(5)b) a une incidence sur la présente procédure puisque, en tout état de cause, je suis d’avis que les demanderesses ont suffisamment plaidé les faits importants pour répondre au critère à trois volets puisque la Cour a constaté dans le passé que l’incitation peut se produire lorsqu’une personne procède activement à la promotion et la vente d’un produit, lorsque celui-ci n’a aucun autre usage commercial notoire, en vue d’une utilisation par autrui qui constitue une contrefaçon (Abbvie Corporation c. Janssen Inc, 2014 CF 55, au paragraphe 106; Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2015 CF 322, au paragraphe 391).

[17]           Les défenderesses soutiennent que le paragraphe 30 de la déclaration doit être radié parce qu’il comporte une allégation imprécise et ne répond à rien en affirmant tout simplement que les questions devraient être connues des défenderesses. Je ne vois aucune raison de radier le paragraphe 30 puisque la déclaration, lue dans son ensemble, appuie suffisamment une allégation d’incitation. En outre, il me semble clair que les « [traduction] activités de fabrication, d’utilisation, de vente et d’offre de vente de lits d’hôpitaux » des défenderesses et « [traduction] la publicité, le marketing, la promotion, les instructions et tout autre service de soutien » sont des questions dont les défenderesses sont au courant.

[18]           Les défenderesses soutiennent également que le paragraphe 33 de la déclaration devrait être radié puisqu’il fait valoir une indemnisation et des dommages-intérêts pour leurs activités depuis, au moins, le 16 avril 2013. Elles soutiennent que cette allégation contredit l’affirmation des demanderesses au paragraphe 21 de la déclaration, qui stipule qu’elles ont débuté leurs activités de contrefaçon, au moins, aussi tôt que dans le courant de 2014. Elles font valoir que les demanderesses n’ont tout simplement aucune preuve d’activités de contrefaçon avant 2014. La difficulté que je vois dans les arguments des défenderesses sur ce point, c’est que ce n’est pas le rôle de la Cour d’évaluer la suffisance de la preuve d’une requête en radiation, mais de déterminer si la demande a des chances raisonnables de succès (Imperial Tobacco, aux paragraphes 23 et 25). Comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Imperial Tobacco précité :

[22] […] Il incombe au demandeur de plaider clairement les faits sur lesquels il fonde sa demande. Un demandeur ne peut compter sur la possibilité que de nouveaux faits apparaissent au fur et à mesure que l’instruction progresse. Il peut arriver que le demandeur ne soit pas en mesure de prouver les faits plaidés au moment de la requête. Il peut seulement espérer qu’il sera en mesure de les prouver. Il doit cependant les plaider. Les faits allégués sont le fondement solide en fonction duquel doit être évaluée la possibilité que la demande soit accueillie. S’ils ne sont pas allégués, l’exercice ne peut pas être exécuté adéquatement.

[19]           Je suis d’accord avec les demanderesses sur le fait que les allégations liées à la date de début des activités de contrefaçon présumées ne sont pas incompatibles puisque le libellé des paragraphes 21 et 33 laisse ouverte la possibilité que les activités de contrefaçon aient commencé avant 2014. Il me semble logique que la date précise à laquelle les infractions alléguées ont commencé, le cas échéant, est une question qui doit être déterminée au cours des étapes ultérieures de la présente procédure.

[20]           En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts alourdis, exemplaires ou punitifs au paragraphe 34 de la déclaration, les défenderesses soutiennent que ces réclamations ne devraient être faites que dans des cas exceptionnels, en faisant preuve de modération, et devraient être étayées par suffisamment de faits importants. Ce n’est pas le cas en l’espèce, les demanderesses n’ayant pas établi des faits précis en ce qui concerne une conduite délibérée touchant la contrefaçon présumée (Bauer Hockey Corp c. Sport Maska Inc (Reebok-CCM Hockey), 2014 CAF 158, au paragraphe 26 [Bauer]).

[21]           Comme il est bien établi, des dommages-intérêts alourdis, exemplaires ou punitifs ne doivent être accordés que lorsqu’il ressort des éléments de preuve qu’il y a eu « conduite abusive, malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite » (Bauer, précité, paragraphe 26; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, au paragraphe 184). Même si je suis d’accord avec les défenderesses sur le fait que la Cour a reconnu que les allégations d’infractions délibérées et volontaires sont en soi insuffisantes pour justifier une demande de dommages-intérêts punitifs, je constate que les faits de cette affaire sont analogues à ceux de Bauer où la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une demande de dommages-intérêts punitifs peut être faite lorsque des allégations d’infractions délibérées et volontaires sont suffisamment étayées par des faits importants dans la déclaration (voir Bauer, aux paragraphes 33 à 35). Comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Hunt, précité, « [i]l n’appartient pas à notre Cour, suite à une requête en radiation de certaines parties d’une déclaration de rendre une décision dans un sens ou dans l’autre quant aux chances de succès du demandeur ». Par conséquent, la demande des demanderesses de faire radier cette partie des actes de procédure des défenderesses est refusée.

[22]           Encore une fois, lorsqu’elle est lue dans son ensemble, la déclaration fournit suffisamment de faits importants pour justifier une demande de dommages-intérêts punitifs, y compris l’histoire et la relation antérieure des parties en matière de fabrication, l’utilisation de cette relation par les défenderesses pour copier les dessins brevetés des demanderesses et l’embauche d’au moins un ancien employé des demanderesses et inventeur du brevet 678, afin d’aider à la fabrication des produits de contrefaçon.

[23]           Par conséquent, cette partie de la requête des défenderesses visant à radier les paragraphes 23, 24, 29, 30, 33 et 34 de la déclaration est refusée.

B.                 Demande de précisions

[24]           À titre subsidiaire, les défenderesses demandent des précisions supplémentaires concernant les paragraphes 23, 24, 25, 26, 29, 30, 32, 33 et 34 de la déclaration alléguant qu’elles ne sont pas en mesure de plaider contre les allégations faites dans ces paragraphes, telles qu’elles sont actuellement formulées.

[25]           L’article 181 exige qu’une partie inclue des précisions sur les allégations figurant dans ses actes de procédure et permet à la Cour d’ordonner que des précisions supplémentaires sur les allégations soient incluses dans l’acte de procédure. Il est bien établi que, si une partie demande des précisions, elle doit établir que les précisions demandées sont nécessaires pour lui permettre de plaider sa cause en réponse aux actes de procédure contestés, pas seulement de se préparer à l’instruction, et qu’elles ne sont pas connues de la partie (Throttle Control Tech Inc. c. Precision Drilling Corporation, 2010 CF 1085, au paragraphe 7 [Throttle Control]; Cooper Canada Ltd c. Amer Sports International Inc. (1996), 4 FTR 146, au paragraphe 7, 38 ACWS (2d) 4; Imperial Manufacturing Group Inc. c. Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100, au paragraphe 7 [Imperial Manufacturing]). De plus, il n’est pas acceptable qu’une partie demande des précisions dans le seul but de faire une recherche à l’aveuglette visant à déterminer s’il existe un fondement factuel permettant de présenter une éventuelle défense (Imperial Manufacturing, précité, paragraphe 7; Quality Goods IMD Inc. c. RSM International Active Wear Inc., 101 FTR 318, au paragraphe 2, 58 ACWS (3d) 390).

[26]           En examinant les demandes de précisions complémentaires et plus pertinentes des défenderesses, je ne vais pas examiner, comme les demanderesses me demandent de faire, les précisions qu’elles ont fournies aux défenderesses dans le but de régler la question des précisions, car je suis convaincu que ces précisions ont été fournies sans préjudice, que si elles n’étaient pas acceptées, elles seraient retirées et qu’elles constituent, par conséquent, le règlement privilégié.

[27]           En général, pour établir que les précisions demandées sont nécessaires pour plaider et qu’elle ne les connaît pas, l’affidavit d’une partie à l’appui d’une demande de précisions doit comporter des renseignements détaillés quant à l’information nécessaire pour plaider sa cause et pourquoi la partie, sans cette information, serait incapable de mandater un avocat pour répondre à la déclaration (Abercrombie & Fitch Co c. Giant Tiger Stores Limited, 2009 CF 492, au paragraphe 11, [Abercrombie]; 38867227 Canada Inc. c. Eagle Pack Pet Foods Inc., 2006 CF 1095, au paragraphe 7 [Eagle Pack Pet Foods]).

[28]           En l’espèce, les défenderesses ont déposé l’affidavit de Gabriel Mercier (l’affidavit de Mercier) à l’appui de la demande de précisions. À la suite de la lecture de cet affidavit, je ne suis pas convaincu que les défenderesses ont un réel besoin de précisions puisque l’affidavit de Mercier ne comporte aucune explication factuelle précise du motif pour lequel l’information demandée est nécessaire pour répondre aux actes de procédure contestés, ni que l’information demandée n’est pas connue des défenderesses (Throttle Control, aux paragraphes 7 et 8; Reliance Comfort Limited Partnership c. Commissaire de la concurrence, 2013 CAF 129, au paragraphe 9 [Reliance Comfort Limited Partnership]).

[29]           Les défenderesses soutiennent qu’elles ont besoin de précisions concernant la structure du lit qui, selon Stryker, est le mécanisme de guidage afin de plaider contre le paragraphe 23 de la déclaration. Les défenderesses soutiennent également qu’elles ont besoin de connaître les caractéristiques des lits Umano Bed qui auraient porté atteinte à la revendication 19 du brevet 678 afin de plaider contre le paragraphe 24 de la déclaration.

[30]           La seule explication que l’affidavit de Mercier donne pour dire pourquoi les défenderesses ne peuvent pas plaider contre les paragraphes 23 et 24 de la déclaration sans obtenir des précisions est que la formulation de ces paragraphes ne comporte que des récitatifs de certaines parties des caractéristiques du brevet des demanderesses et ne fournissent aucun fondement factuel pour intenter une action en contrefaçon. Je ne peux tout simplement pas être d’accord avec les arguments des défenderesses sur ce point. Comme il est indiqué ci-dessus, il était tout à fait loisible aux demanderesses d’employer la formulation des revendications du brevet aux paragraphes 23 et 24 de la déclaration. En outre, si les défenderesses avaient vraiment copié le modèle et que l’inventeur du brevet 678 est désormais l’un de leurs employés, il me semble évident et manifeste qu’elles connaissent bien les précisions demandées relativement à ces paragraphes. Les défenderesses ne m’ont pas convaincu qu’elles ont besoin de précisions afin de plaider contre les paragraphes 23 et 24 de la déclaration.

[31]           Elles demandent également d’autres précisions concernant les paragraphes 25 et 34 de la déclaration, car ils touchent la demande de dommages-intérêts punitifs des demanderesses. Le paragraphe 25 se lit comme suit : [traduction]

25. Les défenderesses ont intentionnellement copié le modèle breveté de Stryker. Une relation de fabrication antérieure entre Stryker et tant Flextronics que Bertec (désormais Umano), qui a duré plus de quatre ans, a facilité la capacité d’Umano de copier des modèles brevetés de Stryker.

[32]           En ce qui concerne le paragraphe 25, les défenderesses font valoir qu’elles ne peuvent pas plaider contre ce paragraphe, car l’allégation est limitée à une infraction délibérée et volontaire, et qu’elles ont, par conséquent, besoin des précisions suivantes : i) Quels sont les détails et les circonstances du copiage intentionnel présumé par Umano du modèle breveté de Stryker? ii) Comment la relation de fabrication antérieure a-t-elle facilité la capacité d’Umano de copier prétendument les modèles brevetés de Stryker?

[33]           En ce qui concerne le paragraphe 34, les défenderesses soutiennent qu’elles ont besoin des précisions suivantes afin de plaider contre les allégations énoncées dans ce paragraphe : i) Quelle est précisément la nature volontaire et délibérée de l’infraction alléguée? ii) Quels sont les faits précis de la conduite abusive alléguée des défenderesses?

[34]           Encore une fois, comme il est expliqué ci-dessus, je suis convaincu que la déclaration, lue dans son ensemble, fournit suffisamment de faits importants pour justifier la demande de dommages-intérêts punitifs des demanderesses. En particulier, je suis d’accord avec les demanderesses sur le fait que leur acte de procédure, en ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs, offre plus de précisions que celui de l’affaire Bauer, précitée, que la Cour d’appel fédérale a permis de se poursuivre sans modification.

[35]           Dans le même sens, je suis également convaincu que les faits importants tels qu’invoqués par les demanderesses sont suffisamment précisés pour permettre aux défenderesses de répondre. Cela me paraît être un cas où la partie qui demande des précisions est tenue d’expliquer par affidavit pourquoi elle ne connaît pas l’information demandée (Throttle Control, 2010 CF 1085, au paragraphe 8). Encore une fois, comme l’affidavit de Mercier est muet quant à l’information demandée que les défenderesses ne connaissent pas, je ne peux que supposer que l’information qui ne figure pas dans la déclaration et qui est nécessaire pour plaider leur cause est connue des défenderesses (Eagle Pack Pet Foods Inc., aux paragraphes 14 et 15; voir également Throttle Control, au paragraphe 7).

[36]           Les défenderesses demandent également plus de précisions pour plaider contre le paragraphe 26 de la déclaration, qui se lit comme suit : [traduction]

26. En outre, les défenderesses exploitaient leurs relations antérieures établies auprès de Stryker, en sollicitant et en embauchant sciemment, au moins, un ancien employé de Stryker ainsi que l’inventeur du brevet 678, pour aider à la fabrication des lits Umano Bed contrefaits des défenderesses.

[37]           Plus précisément, elles demandent des précisions (i) sur l’employé visé; (ii) sur les faits précis touchant les relations antérieures présumées et la façon dont l’embauche d’au moins un ancien employé de Stryker ainsi que l’inventeur du brevet 678 a aidé à la fabrication des lits Umano Bed. Les défenderesses contestent également l’emploi par les demanderesses de l’adverbe « au moins », soutenant que celui-ci ne peut pas être employé, car il est vague et repose sur de simples spéculations et inférences.

[38]           En ce qui concerne l’emploi par les demanderesses de l’adverbe « au moins », la Cour est d’avis que les actes de procédure à vaste portée ne donnent pas à un défendeur le droit à des précisions complémentaires et plus pertinentes lorsque les actes de procédure à vaste portée touchent une question qu’il connaît (voir Reliance Comfort Limited Partnership, 2013 CAF 129, aux paragraphes 8 et 9). Une fois de plus, l’affidavit de Mercier ne fournit aucune explication quant à la raison pour laquelle ces précisions sont nécessaires pour permettre aux défenderesses de plaider leur cause en réponse aux actes de procédure contestés. Les défenderesses sont clairement dans une meilleure position pour savoir lesquels de leurs employés ont été précédemment employés par Stryker et comment, le cas échéant, ces anciens employés ou l’inventeur du brevet 678 ont tenu un rôle dans le cadre de la fabrication des lits Umano Bed.

[39]           L’affidavit de Mercier indique également que les défenderesses ont besoin des précisions suivantes afin de plaider contre le paragraphe 29 : [traduction] i) des faits et des événements précis équivalant « à la publicité, au marketing, à la promotion, à la communication d’instructions et à la prestation de tout autre service de soutien à l’installation »; ii) les faits et les actes précis décrivant l’influence exercée, selon les défenderesses, sur des tiers pour les inciter prétendument à la contrefaçon; iii) d’autres détails concernant la « fabrication, l’utilisation, la vente et l’offre de vente » d’autres lits d’hôpitaux; iv) une liste décrivant en détail les lits d’hôpitaux visés par cette allégation, y compris, mais sans s’y limiter, les numéros des modèles ou toute autre information dans le but de déterminer les lits d’hôpitaux précis visés par cette allégation.

[40]           Je note que l’affidavit de Mercier n’explique pas pourquoi cette information est nécessaire pour plaider contre les allégations énoncées au paragraphe 29 de la déclaration. De plus, il n’indique pas que l’information demandée n’est pas connue des défenderesses. Cela est insuffisant pour accueillir une demande de précisions.

[41]           En ce qui concerne le paragraphe 30 de la déclaration, on ne sait pas quel genre de renseignements les défenderesses demandent. L’affidavit de Mercier indique simplement que [traduction] «  les allégations concernant l’infraction alléguée au brevet 678 sont insuffisantes. Par conséquent, ce n’est pas une réponse de dire simplement que les questions sont connues des défenderesses ». Encore une fois, les défenderesses ne plaident aucunement leur cause pour démontrer qu’elles ne connaissent pas les faits allégués dans ce paragraphe et l’affidavit de Mercier est également muet sur ce point.

[42]           L’affidavit de Mercier fait valoir que les défenderesses exigent que les demanderesses précisent l’expression [traduction] « autres avantages connexes » figurant au paragraphe 32 de la déclaration. Le paragraphe 32 se lit comme suit : [traduction]

32. Ces bénéfices ont été et seront réalisés par les défenderesses en ce qui concerne la fabrication et la vente des lits Umano Bed susmentionnés, et d’autres avantages connexes. Par conséquent, Stryker réclame des dommages-intérêts ou une comptabilisation des bénéfices que Stryker peut, après une enquête en bonne et due forme, choisir de recouvrer pour infraction, et pour amener et inciter à une infraction, au brevet 678.

[43]           Pourtant, l’affidavit de Mercier ne fournit aucune explication quant à la raison pour laquelle les défenderesses demandent plus de précisions sur ce point. Une fois de plus, je suis porté à croire que les défenderesses connaissent cette information.

[44]           Enfin, en ce qui concerne le paragraphe 33 de la déclaration, je constate que l’affidavit de Mercier n’explique pas pourquoi des précisions sont nécessaires ou quel genre de précisions sont nécessaires sur ce plan. Comme il est indiqué ci-dessus, je ne constate aucune incohérence dans la déclaration quant à la date précise à laquelle les infractions alléguées ont commencé. C’est une question qui devrait être réglée lors des phases ultérieures de la présente procédure.

[45]           Dans l’ensemble, il me paraît clair que les défenderesses connaissent suffisamment d’information pour savoir ce qui leur est reproché et sont maintenant simplement à la recherche de précisions pour renforcer leur défense. La demande de précisions des défenderesses est inadéquate à ce stade de la procédure puisque l’objet de la demande ne vise pas à permettre aux contrevenants de faire « une “recherche à l’aveuglette” pour découvrir des moyens de défense qu’ils ne connaissaient pas » (Abercrombie, précité, au paragraphe 12). En outre, je suis d’accord avec les demanderesses que les défenderesses semblent viser un interrogatoire préalable et ont confondu l’objet des précisions avec des interrogatoires préalables. Avant d’ordonner à un témoin de répondre à une question dans le cadre d’un interrogatoire préalable, « la Cour doit se demander si les renseignements demandés sont pertinents et importants quant aux questions de droit et de fait en cause dans l’instance » (Imperial Manufacturing, au paragraphe 33). Ce n’est pas le cas d’une demande de précisions où le souci primordial est de savoir si les précisions sont nécessaires pour permettre au défendeur de plaider sa cause (Imperial Manufacturing, au paragraphe 32). Par conséquent, la demande de précisions des défenderesses est rejetée dans son intégralité.

C.                Demande en vertu de l’article 206

[46]           L’article 206 stipule qu’une copie de tous les documents visés dans un acte de procédure doit être signifiée en même temps que celui-ci. Les défenderesses souhaitent présenter des documents qui, selon elles, sont visés aux paragraphes 3, 8 et 15 de la déclaration des demanderesses.

[47]           Les paragraphes 3, 8 et 15 de la déclaration se lisent comme suit : [traduction]

3. Stryker Corporation commercialise et vend ses technologies médicales, y compris des lits d’hôpitaux et des mécanismes de soutien à barrières latérales à utiliser avec des appareils de soutien aux patients (par exemple, des civières et des lits d’hôpitaux), au Canada par le biais de son distributeur canadien exclusif Stryker Corporation LP. Stryker Canada LP a son principal lieu d’affaires au 45, promenade Innovation, Hamilton (Ontario), Canada L9H 7L8.

8. Bertec a été établie pour poursuivre les activités de fabrication au Canada et fournir à Stryker certains produits de lits d’hôpitaux.

15. Stryker Canada LP est autorisée à vendre, entre autres, des dispositifs de barrières latérales mobiles à utiliser avec un appareil de soutien du patient lié au brevet 678. Stryker Canada LP est une personne agissant au nom de Stryker Corporation en ce qui concerne le brevet 687, comme il est indiqué dans l’article 55 de la Loi sur les brevets, RCS 1985, ch. P-4, dans sa version modifiée (la Loi sur les brevets).

[48]           Plus précisément, les défenderesses demandent que les demanderesses présentent tous les contrats, licences et autres documents établis entre Stryker Corporation et Stryker Canada LP en tant que son distributeur exclusif, et visés au paragraphe 3. Les défenderesses demandent également que tous les contrats d’approvisionnement et autres documents visés au paragraphe 8 soient présentés. Enfin, les défenderesses demandent que toutes les licences et tous les autres documents visés au paragraphe 15 soient présentés. Étant donné que ces paragraphes renvoient à des documents, les défenderesses font valoir qu’ils devraient être présentés (John Labatt Ltd c. Molson Breweries, société en nom collectif (2003) 69 FTR 235, au paragraphe 6, 44 ACWS (3d) 464 [John Labatt]).

[49]           Les demanderesses contestent la demande des défenderesses en faisant valoir que les documents demandés ne sont pas pertinents à la question principale que doit trancher la Cour. Les demanderesses soutiennent également que les paragraphes 3, 8 et 15 ne renvoient pas précisément à des documents.

[50]           La Cour a établi que le but de l’article 206 est de forcer une partie à signifier un document visé dans ses actes de procédure. L’article 206 n’est pas censé être utilisé pour obtenir un interrogatoire préalable (John Labatt, au paragraphe 19). En outre, [traduction] « le fait qu’il peut y avoir des documents qui se rapportent à l’objet ou aux questions soulevées dans les actes de procédure ne [...] les transforme pas en documents mentionnés dans un acte de procédure » tel que prévu à l’article 206. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les paragraphes 3, 8 et 15 ne renvoient pas à des documents au sens de l’article 206. Les défenderesses auront l’occasion, lors de l’interrogatoire préalable, d’interroger les demanderesses sur tous les documents qui peuvent être pertinents aux faits allégués dans ces trois paragraphes, y compris les accords de licence ou d’approvisionnement – et d’en obtenir des copies. Par conséquent, la demande des défenderesses relativement à la présentation de documents conformément à l’article 206 est rejetée.

D.                Dépens

[51]           L’article 400 des Règles confère à la Cour « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer ». En d’autres termes, les dépens sont laissés à l’entière discrétion de la Cour (Balfour c. Nation des Cris de Norway House, 2006 CF 616, au paragraphe 19, 296 FTR 65 [Balfour]).

[52]           En l’espèce, il n’y a pas de doute qu’en étant du côté perdant de leur requête, les dépens doivent être attribués à l’encontre des défenderesses. La question est de savoir si les dépens doivent être attribués sur une base avocat-client au montant de 10 000 $ comme il est demandé par les demanderesses.

[53]           Il a maintenant été bien établi que les dépens avocat-client ne sont accordés qu’en de très rares occasions, par exemple lorsqu’une partie a eu une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante ou dans le cas d’une question d’intérêt public (Young c. Young, [1993] 4 RCS 3, au paragraphe 134, 108 DLR (4th) 193; Friends of the Oldman River Society c. Canada (ministre des Transports), [1992] 1 RCS 3, au paragraphe 80, 48 FTR 160; Mackin c. Nouveau-Brunswick (ministre des Finances); Rice c. Nouveau-Brunswick, 2002 CSC 13, au paragraphe 86, [2002] 1 RCS 405; Balfour, au paragraphe 18).

[54]           Les demanderesses soutiennent que les défenderesses, en révélant, dans leur dossier de requête, les détails confidentiels du règlement qu’elles ont offert pour acheter la paix, ont procédé à une divulgation non autorisée de renseignements confidentiels, ce qui a miné leur position sur cette question. Elles soutiennent que cette divulgation avait pour but de nuire au processus judiciaire.

[55]           Il y a un abus de confiance quand il est établi que l’information transmise était confidentielle, communiquée à titre confidentiel et utilisée à mauvais escient par la partie à laquelle elle a été communiquée (International Corona Resources Ltd c. LAC Minerals Ltd, [1989] 2 RCS 574, au paragraphe 10). En l’espèce, les défenderesses affirment qu’elles ont divulgué les détails confidentiels du règlement afin de démontrer qu’elles respectaient la pratique de la Cour selon laquelle une demande de précisions doit être précédée d’une demande de renseignements officieuse.

[56]           Cependant, je ne vois pas comment une telle divulgation était nécessaire afin de faire savoir à la Cour que cette approche préliminaire avait été suivie en l’espèce. Par conséquent, je constate qu’en divulguant les renseignements confidentiels du règlement offert par les demanderesses, les défenderesses ont commis un abus de confiance, car cette information était confidentielle, communiquée à titre confidentiel et utilisée à mauvais escient par les défenderesses.

[57]           Ce manquement justifie-t-il l’octroi de dépens sur une base avocat-client dans les circonstances de l’espèce? Je ne suis pas de cet avis. Bien qu’un manquement de cette nature est d’une extrême gravité, il n’a pas, en l’espèce, porté atteinte à la position des demanderesses sur le fond de l’affaire, sans parler de la demande de précisions, ou porté atteinte à l’intégrité du processus alternatif de résolution des différends, comme ce fut le cas dans l’arrêt Andersen Consulting c. Canada, [1999] CAF no 1455, 91 ACWS (3d) 895), cité par les demanderesses. Cependant, ce genre de comportement doit être découragé, car il est de nature à nuire au processus judiciaire. Par conséquent, les dépens de la requête doivent être payés immédiatement par les défenderesses et doivent être calculés selon l’unité la plus élevée de la colonne IV du tarif B.

E.                       Gestion de l’instance

[58]           Dans des lettres envoyées à l’administrateur judiciaire en date du 3 mars 2016, les deux parties ont demandé que cette instance se poursuive en tant qu’instance à gestion spéciale. Les défenderesses demandent, en outre, que le caractère bilingue de la présente instance soit pris en compte dans le cadre de la désignation du juge responsable de la gestion de l’instance.

[59]           Cette demande est accueillie.

[60]           En attendant, les défenderesses doivent déposer et signifier leur défense dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. la présente requête soit rejetée;
  2. la défense soit déposée et signifiée dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance;
  3. les dépens de cette requête, qui doivent être calculés selon l’unité la plus élevée de la colonne IV du Tarif B, soient attribués aux demanderesses et soient payables immédiatement;
  4. cette procédure soit poursuivie comme une instance à gestion spéciale.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-191-16

INTITULÉ :

STRYKER CORPORATION ET STRYKER CANADA LP c. UMANO MEDICAL INC. ET UMANO MEDICAL WORLD INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mars 2016

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Le juge LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 5 avril 2016

COMPARUTIONS :

Christopher C. Van Barr

William Boyer

Pour les demanderesses

Kang Lee

Pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour les demanderesses

Fasken Martineau

Avocats

Montréal (Québec)

Pour les défenderesses

 

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