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Date : 20160407


Dossier : T-646-15

Référence : 2016 CF 387

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ASSOCIATION CANADIENNE DE NORMALISATION

demanderesse

et

P.S. KNIGHT CO. LTD. ET GORDON KNIGHT

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

[1]               Dans mon jugement et mes motifs précédents datés du 8 mars 2016 dans la présente affaire, publiés sous 2016 FC 294, j’ai demandé aux parties de présenter des observations supplémentaires concernant les dépens. Voici mon jugement et mes motifs supplémentaires sur cette question en suspens.

[2]               Le 8 mars 2016, dans la décision Canadian Standards Association v. P.S. Knight Co. Ltd., 2016 FC 294, j’ai déterminé que : 1) l’Association canadienne de normalisation [CSA] détient le droit d’auteur sur la version 2015 du code de la CSA, et que ce code est protégé par un droit d’auteur valide; 2) la défenderesse, P.S. Knight Co. Ltd. [P.S. Knight] a commis une violation du droit d’auteur de la version 2015 du code de la CSA; 3) la CSA a droit à une injonction interdisant la reproduction, la publication et la vente de toute œuvre contrefaite de P.S. Knight, ainsi qu’à la remise des œuvres contrefaites; 4) la CSA a droit à des dommages-intérêts préétablis d’un montant de 5 000 $, avec intérêts antérieurs et postérieurs au jugement; 5) les dépens devraient être adjugés à la CSA.

[3]               Les parties devaient soumettre leurs positions par écrit à la Cour sur la question des dépens d’ici au 22 mars 2016.

[4]               La demanderesse, la CSA, a déposé ses observations à temps; les défendeurs, P.S. Knight et Gordon Knight, ont déposé leurs observations écrites en retard le 1er avril 2016.

[5]               La Cour ne prend pas à la légère le défaut des défendeurs de respecter la date limite ordonnée par la Cour pour soumettre leurs positions par écrit concernant les dépens. Néanmoins, les observations des défendeurs seront prises en compte.

[6]               La demanderesse sollicite l’adjudication d’une somme globale d’un montant de 120 000 $ au titre des honoraires et débours. La demanderesse s’est acquittée d’honoraires s’élevant à plus de 238 000 $, dont 100 000 $ pour engager des poursuites relatives à l’injonction quia timet de CSA, laquelle a été suspendue avec l’accord des parties en attendant une tentative de médiation, qui a été infructueuse, et a donné lieu à une audience accélérée et à mon jugement du 8 mars 2016.

[7]               La demanderesse sollicite 80 000 $ en honoraires, soit environ le tiers du total des honoraires engagés. Elle demande aussi des débours au montant de 40 000 $, pour un total de 120 000 $ pour les honoraires et les débours.

[8]               La demanderesse a présenté un résumé des factures pour les honoraires facturés ainsi qu’un résumé des débours couvrant : i) les services de photocopie, de reliure et de numérisation (2 000 $); ii) les droits de dépôt, les services de messagerie et de traitement (250 $); iii) les services de recherche juridique (2 000 $); iv) les déplacements et l’hébergement pour les contre-interrogatoires à Calgary (3 500 $); v) les frais de transcription (2 000 $); vi) les honoraires d’expert de David Teece pour la requête en injonction (25 000 $).

[9]               La demanderesse soutient que sa demande relative aux dépens est raisonnable pour les motifs suivants :

  1. La CSA a obtenu gain de cause quant aux questions de fond au sujet de la propriété et de la validité du droit d’auteur visant la version 2015 du code de la CSA et de la violation de ce code par P.S. Knight;
  2. La requête en injonction de la CSA a été contestée jusqu’à la veille de l’audience sur le fond, jusqu’à ce que P.S. Knight accepte bel et bien de se conformer à une injonction en attendant l’audition de la demande, en s’engageant à ne pas vendre les présumées copies contrefaites jusqu’à ce que la Cour ait rendu une décision;
  3. Le code de la CSA est l’une des plus importantes et précieuses publications de la CSA;
  4. P.S. Knight et Gordon Knight ont soumis des théories et des questions complexes, en particulier un important nombre de précédents pour leur défense;
  5. P.S. Knight et Gordon Knight ont admis que leur code Knight avait pour but de nuire à leur concurrent sur le marché, la CSA, et d’amasser des fonds en cas de litige;
  6. La conduite après l’audience de Gordon Knight, qui a laissé entendre que la CSA était une organisation malhonnête ayant comploté avec des acteurs gouvernementaux et que ma décision devrait être facilement infirmée en appel.

[10]           Les défendeurs soutiennent que la demanderesse devrait avoir droit aux dépens selon le milieu de la colonne III du Tarif B, pour les raisons suivantes :

  1. Il n’y a aucune raison, par principe, de déroger à la règle ordinaire selon laquelle une partie qui a eu gain de cause a droit aux dépens selon le milieu de la colonne III du Tarif B;
  2. L’affaire n’était pas complexe;
  3. La demanderesse n’a pas entièrement eu gain de cause :
    1. Gordon Knight n’a pas été tenu responsable;
    2. La présomption de propriété en vertu de l’article 53 a été rejetée;
    3. La question des dommages-intérêts punitifs et exemplaires a été rejetée;
    4. L’annexe B des observations quant aux dépens de la demanderesse comporte simplement des factures, sans aucune précision;
    5. Les défendeurs devraient obtenir des dépens pour la demande d’injonction abandonnée de la demanderesse, conformément à l’article 402 des Règles des Cours fédérales;
    6. Les revenus découlant du code de la CSA ne représentent que de 1,7 % à 2,1 % des revenus totaux de la CSA;
    7. La conduite après l’audience de Gordon Knight n’est pas pertinente en l’espèce.

[11]           Bien que le cas en l’espèce ne cadre pas exactement avec la décision rendue dans la décision Air Canada v. Toronto Port Authority, 2010 FC 1335, je conclus que l’octroi d’un montant forfaitaire supérieur aux dépens standard taxés selon le milieu de la colonne III du Tarif B est justifié.

[12]           En examinant les éléments de preuve et les motifs de mon jugement, je ne doute aucunement du fait que la demande en injonction de la demanderesse était fondée et rendue nécessaire par les menaces des défendeurs de violer le droit d’auteur de la version 2015 du code de la CSA. Le fait que les défendeurs se soient engagés à ne pas vendre de copies contrefaites jusqu’à ce que la Cour ait tranché sur le bien-fondé de l’instance a été déterminant dans la mise en suspens de la demande en injonction, laquelle n’a pas été abandonnée, comme l’ont laissé entendre les défendeurs.

[13]           De plus, je suis d’avis que les arguments de défense particuliers et inhabituels avancés par les défendeurs au sujet de la propriété et de la validité du droit d’auteur de la version 2015 du code de la CSA ont inutilement compliqué la présente affaire.

[14]           Je suis toutefois d’accord avec les défendeurs sur le fait que la conduite après l’audience de Gordon Knight, aussi méprisante et dérisoire fût-elle, ne constitue pas un facteur à considérer dans la détermination des dépens adjugés à la demanderesse.

[15]           J’ai également tenu compte des arguments des défendeurs concernant le fait que la demanderesse n’a que partiellement obtenu gain de cause en l’espèce. Toutefois, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve soumis et du fait que la demanderesse a largement eu gain de cause concernant le bien-fondé réel en l’espèce, je suis d’accord avec la position de la demanderesse voulant qu’avoir obtenu gain de cause milite fortement en faveur de la demanderesse.

[16]           L’affaire est complexe, et l’octroi d’une somme globale est préférable en raison de sa simplicité ainsi que du temps et des efforts qu’il permet d’économiser, et il dédommagera adéquatement la demanderesse (Philip Morris Products S.A. c. Marlboro Canada limitée, 2015 CAF 9, au paragraphe 4).

[17]           Par conséquent, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire d’accorder les dépens selon un pourcentage d’un tiers (1/3) des honoraires et débours réels de la demanderesse au montant de 96 336 $ (soit le tiers d’un montant de 289 009 $).

[18]           Finalement, même si la conduite des défendeurs a certainement été douteuse et qu’elle a montré peu d’égard, voire aucun égard, à l’endroit du droit d’auteur de la version 2015 du code de la CSA, je ne peux conclure, dans le contexte limité de la présente espèce, qu’il s’agit d’une conduite à ce point répréhensible, scandaleuse et outrageante pour justifier l’octroi des dépens avocat-client. La conduite en question est en fait l’objet d’une procédure concomitante devant la Cour de l’Ontario, et il reviendra à une autre instance de trancher.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  Les dépens de la demande doivent être versés par la défenderesse, P.S. Knight CO. Ltd., à la demanderesse au montant de 96 336 $.

2.                  Aucuns dépens ne seront adjugés à l’encontre ou en faveur du défendeur, Gordon Knight.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-646-15

 

INTITULÉ :

ASSOCIATION CANADIENNE DE NORMALISATION c. P.S. KNIGHT CO. LTD. ET GORDON KNIGHT

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 FÉVRIER 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

M. Kevin Sartorio

M. David Potter

Pour la demanderesse

M. Jeffrey Radnoff

Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

RADNOFF LAW OFFICES

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

 

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