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Date : 20160318


Dossiers : T-1423-14

T-1424-14

Référence : 2016 CF 332

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

Dossier : T-1423-14

ENTRE :

FRANK BERTUCCI

demandeur

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

défenderesse

Dossier : T-1424-14

ET ENTRE :

GIUSEPPE BERTUCCI

demandeur

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit de deux demandes présentées en vertu de l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (la « Loi ») relativement au rapport de conclusions rédigé le 1er mai 2014 par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPPC) alléguant que les deux plaintes déposées à l’encontre de la Banque royale du Canada (RBC) n’étaient pas fondées. La RBC est une banque à charte canadienne qui offre des services financiers à des particuliers.

[2]               Dans les présents motifs du jugement, on renvoie aux dossiers des parties sous le numéro de page (DDEM 1423 et 1424, ) dans le cas du dossier du demandeur ou (DDÉF 1423 et 1424) dans le cas du dossier de la défenderesse; quant aux documents prétendument confidentiels, s’il y a lieu, on y réfère sous le numéro d’onglet ou le numéro de page indiqué dans les documents portant la mention « Renseignements à l’usage exclusif de l’avocat » (Renseignements UEA) que la défenderesse a soumis sous scellé à la Cour (UEA 1423 et 1424].

[3]               Les deux demandeurs, M. Frank Bertucci (dossier T-1423-14) et M. Giuseppe Bertucci (dossier T-1424-14) [collectivement, les demandeurs], demandent la divulgation de tous les renseignements personnels que la RBC détient à leur sujet, y compris l’information se rapportant à la décision de fermer leurs comptes bancaires. M. Frank Bertucci demande également des dommages-intérêts de 20 000 $ et des dommages-intérêts punitifs de 5 000 $, tandis que M. Giuseppe Bertucci demande des dommages-intérêts de 10 000 $ et des dommages-intérêts punitifs de 5 000 $.

[4]               Les faits pertinents ne sont pas contestés.

[5]               M. Frank (Francescantonio) Bertucci est un homme d’affaires semi-retraité de Montréal. Il est réputé pour son travail au sein de Thomson Tremblay, une agence de services de gestion de ressources humaines. Il a été titulaire d’un compte bancaire à la RBC pendant plus de 35 ans. M. Giuseppe Bertucci est le fils de Frank Bertucci. Il occupe actuellement le poste de président de Thomson Tremblay. Il est client de la RBC depuis plus de 20 ans. En septembre 2011, les deux demandeurs étaient également clients d’autres institutions bancaires canadiennes et détenteurs de cartes de crédit émises par d’autres institutions financières. Les deux sociétés de gestion immobilière (3458920 Canada Inc. et 3008576 Canada Inc.) liées aux demandeurs étaient également clientes de la RBC.

[6]               Le 28 septembre 2011, les demandeurs ont été avisés que la RBC mettait un terme à sa relation avec eux. Ils ont reçu un avis écrit le même jour (DDÉF 1423 sous l’onglet 2), avis qui ne contenait aucune explication concernant la fermeture de leurs comptes bancaires. Néanmoins, la RBC déclare qu’elle leur avait fourni verbalement ce jour-là les raisons pour lesquelles elle fermait leurs comptes, précisant qu’elle ne se sentait pas à l’aise de poursuivre sa relation avec eux. La RBC les avait également prévenus qu’elle fermerait les comptes bancaires de leurs deux entreprises. Les comptes bancaires ont été fermés le ou vers le 15 novembre 2011. Les demandeurs se sont adressés à d’autres institutions bancaires.

[7]               Le 2 août 2012, les demandeurs ont demandé à la RBC de leur divulguer toute l’information qu’elle détenait à leur sujet (DDEM 1423 sous l’onglet 5 et DDEM 1424 sous l’onglet 5). Le 2 octobre 2012, la RBC a répondu qu’elle avait présenté verbalement les raisons pour lesquelles elle avait fermé les comptes bancaires le 28 septembre 2011, qu’elle avait le droit de fermer unilatéralement des comptes sans préavis, qu’elle n’avait pas reçu d’information d’une tierce partie et que toute l’information demandée par les demandeurs était de l’information commerciale confidentielle (DDEM 1423 sous l’onglet 6 et DDEM 1424 sous l’onglet 6).

[8]               Le 2 octobre 2012, la RBC a confirmé par courriel qu’elle avait invoqué l’exemption prévue à l’alinéa 9(3)b) de la Loi. Cet alinéa se lit comme suit :

Cas où la communication est interdite

 

When access prohibited

 

9. […]

9. […]

 

Cas où la communication peut être refusée

When access may be refused

(3) Malgré la note afférente à l’article 4.9 de l’annexe 1, l’organisation n’est pas tenue de communiquer à l’intéressé des renseignements personnels dans les cas suivants seulement :

 

(3) Despite the note that accompanies clause 4.9 of Schedule 1, an organization is not required to give access to personal information only if

 

[…]

[…]

 

b) la communication révélerait des renseignements commerciaux confidentiels;

(b) to do so would reveal confidential commercial information;

 

[…]

[…]

 

Toutefois, dans les cas visés aux alinéas b) ou c), si les renseignements commerciaux confidentiels ou les renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire à la vie ou la sécurité d’un autre individu peuvent être retranchés du document en cause, l’organisation est tenue de faire la communication en retranchant ces renseignements.

However, in the circumstances described in paragraph (b) or (c), if giving access to the information would reveal confidential commercial information or could reasonably be expected to threaten the life or security of another individual, as the case may be, and that information is severable from the record containing any other information for which access is requested, the organization shall give the individual access after severing.

 

[9]               Le 21 février 2013, les demandeurs ont déposé une plainte officielle au CPPC, contestant la décision de la RBC de ne pas leur divulguer de renseignements personnels. Le 1er mai 2014, le CPPC a émis ses rapports de conclusions (rapports du CPPC) concernant les plaintes des demandeurs, en concluant que la plainte n’était pas fondée et que la RBC avait eu raison de ne pas divulguer les renseignements personnels (DDEM 1423 et DDEM 1424 sous l’onglet 10). Le CPPC mentionne dans sa correspondance que le représentant du demandeur a soulevé un certain nombre de difficultés, adoptant la position que, même si la note de service interne portant sur la décision de la RBC de mettre un terme à sa relation avec ses clients peut être de nature délicate sur le plan commercial, il convient de faire une distinction entre des discussions internes et les dossiers sur lesquels la banque se fonde pour décider de fermer un compte (c.-à-d. des « données brutes »).

[10]           Le CPPC a passé en revue les conclusions du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada afin d’avoir des indications générales de l’interprétation à donner à l’exemption prévue à l’alinéa 9(3)b) de la Loi, mentionnant que le modèle interne d’évaluation du crédit avait été considéré comme de l’information commerciale confidentielle (les sommaires de cas nos 2002-39 et 2002-63). Le CPPC a également observé que, dans le rapport des conclusions no 2011-010, l’information obtenue à la suite d’une enquête interne menée par la RBC sur une présumée fraude par carte de crédit pouvait être considérée comme de l’information commerciale confidentielle et, par conséquent, être exemptée de l’accès en vertu de l’alinéa 9(3)b). Le CPPC a déclaré que, dans ce cas, l’intérêt commercial en jeu était de « préserver les obligations contractuelles de confidentialité »; il a également mentionné que si une telle information était divulguée, « cela causerait un préjudice irréparable aux intérêts commerciaux de la défenderesse », exposant à des risques les marchands envers lesquelles la défenderesse avait des obligations contractuelles. Enfin, le CPPC a passé en revue l’information que la RBC avait refusé de divulguer au demandeur et il a conclu que la RBC avait le droit de le faire, car une telle divulgation révélerait de l’information [traduction] « qu’elle traitait comme de l’information confidentielle, notamment l’information sur les méthodes internes employées par la banque pour évaluer les risques liés à ses activités d’exploitation ».

[11]           Les demandeurs ont déposé leurs demandes à la Cour le 13 juin 2014. Conformément au paragraphe 17(1) de la Loi, le recours prévu aux articles 14 ou 15 est entendu et jugé sans délai et selon une procédure sommaire, à moins que la Cour ne l’estime contre-indiqué. Une demande présentée en vertu de l’article 14 de la Loi est une nouvelle audience et non un contrôle judiciaire (Englander c. Telus Communications Inc, 2004 CAF 387, aux paragraphes 47 et 48 [Englander]). Les rapports du CPPC ne sont pas traités comme les décisions attaquées, mais plutôt comme éléments de preuve pouvant être contestés ou contredits et pour lesquels aucune déférence n’est exigée (Englander, au paragraphe 48). En conséquence, ce qui est en cause est la conduite de la RBC et le respect de la Loi (Vanderbeke c. Banque royale du Canada, 2006 CF 651, au paragraphe 12).

[12]           Outre les rapports du CPPC, tous les éléments de preuve publics pertinents sont inclus dans les dossiers des parties. Au total, quatre personnes ont été contre-interrogées au cours de la présente procédure :

a)      M. Frank Bertucci;

b)      M. Giuseppe Bertucci;

c)      M. James Dickson, responsable de l’unité de renseignements financiers [URF] et de lutte contre le blanchiment d’argent à la RBC;

d)     Mme Balraj Lochab, gestionnaire principale, Liaison en matière de réglementation et de plaintes, Conformité bancaire canadienne à la RBC.

[13]           Les renseignements personnels en litige dans la présente instance sont assujettis à des ordonnances de confidentialité relativement à ces questions, datées du 10 novembre 2015. Les renseignements UEA, déposés sous scellé en vertu des ordonnances de confidentialité, comprennent des documents qui constituent les deux dossiers de la Cour. La RBC ne conteste pas le fait que les renseignements UEA renferment bel et bien des « renseignements personnels » au sens de la définition donnée au paragraphe 2(1) de la Loi, c’est-à-dire de l’information au sujet des deux demandeurs.

[14]           Même si les renseignements UEA ont été divulgués à l’avocat des demandeurs, mais pas aux demandeurs mêmes, rien dans les ordonnances de confidentialité [traduction] « n’[e]mpêche l’une des parties d’affirmer que tout renseignement désigné comme renseignement  UEA en vertu de la présente ordonnance de confidentialité n’est en fait pas confidentiel » (alinéa 14b) des ordonnances de confidentialité). En outre, [traduction] « [l]es modalités et conditions d’utilisation des renseignements désignés comme renseignements UEA et le maintien de la confidentialité de ces renseignements au cours de l’instruction de l’instance constitueront des questions laissées à la discrétion du juge saisi de cette instance » (paragraphe 16 des ordonnances de confidentialité).

[15]           Le 12 janvier 2016, la Cour a entendu à huis clos, sans la présence des demandeurs, les observations orales des avocats des parties relativement aux allégations des demandeurs et à la conduite de la défenderesse en l’espèce, particulièrement leurs observations concernant les renseignements UEA ne devant pas être divulgués. La Cour a pris la question en délibéré, incluant les objections présentées par l’avocat des demandeurs voulant que certains documents, notamment les livrets d’information UEA, ne constituent pas des documents confidentiels.

[16]           Les présentes requêtes soulèvent la même question, soit celle de savoir si la RBC peut refuser de donner accès aux renseignements personnels non divulgués qu’elle a recueillis au sujet des demandeurs sous prétexte que, dans la présente instance, ces renseignements révéleraient de l’information commerciale confidentielle.

[17]           Se fondant sur l’alinéa 9(3)b) de la Loi, lequel dispose qu’une organisation n’est pas tenue de communiquer à l’intéressé des renseignements personnels si cette communication risque de révéler de l’information commerciale confidentielle, la défenderesse a soutenu que les présentes requêtes constituent une tentative en vue de contourner une règle de droit voulant qu’une banque ne soit pas tenue de justifier sa décision de mettre fin à une relation bancaire. Cependant, les demandeurs s’opposent à ce que la RBC puisse refuser de leur communiquer les renseignements qu’elle détient à leur sujet sous prétexte que ceux-ci sont des renseignements personnels visés par l’exemption prévue à l’alinéa 9(3)b) relativement à l’information commerciale confidentielle.

Observations des demandeurs

[18]           Le paragraphe 2(1) de la Loi définit les renseignements personnels comme étant « des renseignements concernant un individu identifiable ». Le neuvième principe de l’annexe I de la Loi stipule que les exceptions aux exigences en matière d’accès aux renseignements personnels devraient être restreintes et précises. Les demandeurs soutiennent que la RBC ne s’est pas conformée à la Loi. En vertu du principe 4.9, une personne qui en fait la demande doit être informée de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers et pouvoir les consulter. Une personne pourra aussi contester l’exactitude et l’intégralité des renseignements et y faire apporter les corrections appropriées. Les demandeurs soutiennent que la Loi a pour objet de permettre à des individus de comprendre la nature des renseignements qui les concernent et de les faire corriger s’ils le jugent nécessaire.

[19]           En l’espèce, les demandeurs prétendent que la RBC aurait pu divulguer une version censurée de son analyse de l’évaluation des risques. Tout d’abord, le contre-interrogatoire de M. Dickson a révélé que les clients sont en fait informés lorsqu’ils sont considérés comme étant « trop risqués », même si, dans la présente instance, l’information n’a jamais été communiquée aux demandeurs. Ensuite, certains renseignements seraient rédigés de manière à protéger suffisamment toute information commerciale confidentielle. Les demandeurs croient, qu’au contraire, la RBC a appliqué une exemption générale en vertu de l’alinéa 9(3)b) de la Loi, afin de dissimuler l’intégralité de l’information contenue dans les dossiers des demandeurs. Enfin, les demandeurs soutiennent que la RBC n’a pas fourni de preuve suffisante qu’elle avait examiné correctement les renseignements personnels avant de refuser de les divulguer. Le seul élément de preuve a été fourni par Mme Lochab, qui n’avait pas réellement travaillé sur la demande initiale d’accès à l’information.

[20]           Les demandeurs font valoir que la manière dont la défenderesse a traité leur dossier était manifestement erronée. La Loi confère aux individus un droit quasi constitutionnel d’accéder à leurs renseignements personnels et d’en contester l’exactitude, sous réserve d’un nombre limité d’exceptions. La divulgation des renseignements personnels est la règle et la dissimulation de tels renseignements est l’exception. Les demandeurs souhaitent avoir accès aux renseignements personnels concernant la décision de la RBC de mettre un terme à leur relation bancaire, non pas dans le but de rétablir cette relation, mais plutôt de rectifier tout renseignement pouvant être inexact et qui pourrait continuer à avoir des répercussions négatives sur leur vie à l’avenir. À cette fin, l’avocat des demandeurs allègue que, sauf le premier document déposé sous scellé (UEA 1423 et UEA 1424 sous l’onglet 1), presque tous les renseignements UEA (UEA 1423 et UEA 1424 sous les onglets 2 à 6) auraient dû être divulgués. En fait, la défenderesse n’a présenté aucune preuve convaincante au cours de la présente procédure indiquant que ces derniers documents avaient été traités comme des documents confidentiels par le personnel de la RBC.

[21]           Les demandeurs soutiennent également que l’argument de la défenderesse selon lequel les renseignements UEA sont de l’information commerciale confidentielle, parce qu’ils traitent du niveau de tolérance au risque de la RBC, et que sa décision de mettre un terme à sa relation bancaire est aux antipodes de l’objectif visé par la Loi, laquelle est une loi de nature quasi constitutionnelle. Ils maintiennent que cette interprétation de la Loi aurait pour effet de créer un régime à deux paliers où le genre de renseignements personnels divulgués par une institution différerait selon que lesdits renseignements sont demandés avant ou après une décision de mettre fin à une relation. Les demandeurs font valoir que cette interprétation est inacceptable. Ils soulignent aussi que les exceptions à la divulgation de renseignements personnels prévues dans la Loi n’ont pas pour objet de servir de paravent à quiconque souhaite éviter une controverse ou un embarras ce qui, de l’avis des demandeurs, est à l’origine du refus de la RBC de divulguer l’information dans la présente instance.

[22]           Les demandeurs estiment que la Cour devrait ordonner à la RBC de divulguer tous les renseignements personnels qu’elle possède à leur sujet. La Cour devrait faire preuve de souplesse, de pragmatisme et de bon sens au moment de faire la juste part entre les intérêts de la RBC et ceux des demandeurs (Englander, au paragraphe 46). Dans la présente instance, les demandeurs n’ont reçu aucune information concernant les raisons pour lesquelles la RBC a mis un terme à leur relation, même pas un document caviardé ou un résumé de l’information sur laquelle la RBC s’était appuyée. Par conséquent, les demandeurs sollicitent la divulgation des renseignements qui les touchent directement, lesquels ont, semble-t-il, un effet négatif sur la perception que nourrit la RBC à leur égard, et qui pourraient fort bien être erronés. Comme solution de rechange, ils demandent les renseignements recherchés qui peuvent être extraits de « l’information commerciale confidentielle » ou un résumé de ces renseignements. Toutefois, si le fait d’accorder l’accès à l’information risque de révéler de l’information commerciale confidentielle pouvant être extraite des renseignements auxquels les demandeurs souhaitent avoir accès, le paragraphe 9(3) de la Loi dispose que l’organisation doit accorder cet accès après avoir extrait ladite information.

[23]           Enfin, les demandeurs exigent des dommages-intérêts et des dommages-intérêts punitifs en vertu de l’alinéa 16c) de la Loi. Les dommages-intérêts doivent être accordés conformément à l’objet général de la Loi et aux valeurs qui y sont enchâssées et servir à décourager ce genre de conduite à l’avenir (Nammo c. TransUnion of Canada Inc, 2010 CF 1284, aux paragraphes 71 et 76 [Nammo]). Les demandeurs soutiennent qu’ils ont droit à des dommages-intérêts parce que l’obligation de prendre d’autres arrangements bancaires les a humiliés et leur a causé un préjudice grave. Ils continuent à éprouver des difficultés à ouvrir des comptes bancaires et à obtenir du crédit. Quant aux dommages-intérêts punitifs, ils sont raisonnables selon les principes énoncés par le juge Phelan dans la décision Chitrakar c. Bell TV, 2013 CF 1103, aux paragraphes 24 à 28.

Observations de la défenderesse

[24]           La défenderesse soutient que les banques ne sont pas tenues de justifier les motifs pour lesquels elles décident de mettre fin à une relation d’affaires; elles doivent seulement donner un avis raisonnable (voir p. ex., Pourshafiey c. Toronto Dominion Bank, 2012 QCCS 5635, au paragraphe 14). Dans la présente instance, les demandeurs ont eu un délai de sept semaines pour transférer leurs fonds. La défenderesse allègue que les présentes demandes constituent des tentatives en vue de contourner une règle de droit, à savoir qu’une banque n’est pas tenue de justifier les motifs pour lesquels elle met fin à une relation bancaire.

[25]           Selon la défenderesse, les demandeurs ont confirmé en octobre 2012 qu’ils demandaient uniquement les renseignements mentionnés spécifiquement dans leurs lettres d’août 2012, soit : 1) toute l’information sur laquelle la banque s’était fondée pour mettre fin aux relations bancaires; 2) toute la correspondance mentionnant les demandeurs relativement à la décision de mettre fin à leurs relations bancaires; 3) toute l’information concernant les demandeurs que la RBC avait obtenue d’une tierce partie entre le 1er janvier 2011 et le 2 août 2012, et ce, peu importe que cette information ait influé ou non sa décision de mettre fin à leurs relations bancaires. Par conséquent, la RBC n’a pas appliqué une « exemption générale ». Au contraire, les demandeurs ont déjà en leur possession toutes les « données brutes » qu’ils avaient demandées, soit que celles-ci leur ont été fournies par la RBC ou qu’elles leur avaient déjà été transmises (par exemple sous forme de relevés bancaires).

[26]           La défenderesse maintient que toute l’information personnelle en sa possession est exemptée parce qu’elle révélerait de l’information commerciale confidentielle. Pour pouvoir appliquer cette exemption, la RBC doit démontrer la valeur commerciale de l’information et comment celle-ci est expressément ou implicitement confidentielle. La défenderesse souligne que, dans des instances antérieures, le CPPC avait soutenu que les modèles d’évaluation du crédit employés par les banques et les enquêtes internes sur des allégations de fraude par carte de crédit constituaient de l’information commerciale confidentielle protégée en vertu de l’alinéa 9(3)b) de la Loi. Elle ajoute que l’expression « information commerciale confidentielle » n’est pas définie dans la Loi, mais elle observe que le CPPC a soutenu, dans le sommaire du cas no 39, qu’il est utile de considérer cette information comme de l’information comparable à des « secrets commerciaux ».

[27]           À cette fin, le CPPC observe qu’il est utile, au moment de déterminer si de l’information est « confidentielle », de prendre en considération des facteurs couramment employés par les tribunaux pour déterminer ce qui constitue un secret commercial, à savoir :

         à quel point cette information est-elle généralement connue;

         est-elle connue des autres dans le même domaine;

         est-elle connue à l’intérieur de l’organisation;

         est-ce que quelqu’un à l’extérieur de l’organisation pourrait acquérir l’information d’une source indépendante;

         est-ce que l’organisation prend des mesures particulières pour assurer la confidentialité de cette information;

         est-ce que cette information est en quelque sorte unique et originale?

[28]           Le même sommaire de cas expose également un ensemble de facteurs afin de déterminer si une information est une information commerciale ou d’affaires, notamment :

         la valeur économique de l’information;

         la valeur de l’information pour l’organisation;

         la valeur de l’information pour les compétiteurs de l’organisation;

         l’information procure-t-elle un avantage à l’organisation sur les compétiteurs?

         les dépenses en ressources, en temps et en effort autonome consacrées au développement et à la protection de l’information.

[29]           Dans la présente instance, la défenderesse affirme que la divulgation de l’information sur laquelle s’appuie la RBC pour déterminer les risques liés à ses activités d’exploitation que présente un client actuel révélerait ses critères et ses méthodes d’évaluation interne des risques et son niveau de tolérance au risque. Comme le démontre l’affidavit de M. Dickson, la RBC considère hors de tout doute l’information demandée comme de l’information commerciale confidentielle. La défenderesse affirme aussi que l’information que la RBC choisit d’examiner pour déterminer les risques liés à ses activités d’exploitation que présente un client actuel fait partie de l’approche multifactorielle qu’elle emploie pour évaluer de tels risques. Le désir de la RBC d’assurer la confidentialité de cette information est également conforme aux normes de l’industrie et à ses pratiques internes; de plus, l’information représente une valeur économique importante.

[30]           En effet, la défenderesse maintient essentiellement que toute information – dans la mesure où cette information a été considérée comme pertinente par la RBC aux fins de ses processus d’évaluation des risques – révèle quelque chose au sujet de ses processus et que, par conséquent, cette information doit être considérée comme de l’information commerciale confidentielle. Ainsi, c’est à la RBC que revient la décision de déterminer qu’un document est pertinent et que c’est ce document qui doit être pris en compte, plutôt que son contenu. Par conséquent, même un document « public », par exemple un article de presse, constitue de l’information commerciale confidentielle si ce document a été conservé dans le cadre des activités de collecte de renseignements de l’institution. Les renseignements UEA, s’ils étaient divulgués, donneraient aux concurrents de la RBC une idée du poids qu’elle accorde aux divers facteurs de risque inhérents à une relation bancaire et révéleraient les seuils et les points critiques de la RBC.

[31]           Selon la nature des renseignements UEA, on peut aussi présumer que la défenderesse ne souhaite pas être tenue publiquement responsable de ses décisions concernant les comptes des clients qui font l’objet d’allégations graves ou de rumeurs dommageables, car ceux-ci pourraient ternir la réputation de la RBC. L’avocat de la défenderesse n’a pas exprimé cette préoccupation explicitement au cours de l’audience, mais celle-ci semble néanmoins étayer les arguments de la défenderesse. En conséquence, la Cour doit déterminer comment maintenir l’équilibre entre les préoccupations de la défenderesse concernant sa réputation et ses activités commerciales, en tant qu’institution bancaire, et les préoccupations des demandeurs concernant leur réputation.

[32]           La défenderesse maintient qu’elle a examiné correctement les dossiers des demandeurs. La jurisprudence exige une « recherche raisonnable de renseignements » (Johnson c. Bell Canada, 2008 CF 1086, aux paragraphes 42 et 43). Mme Lochab, qui a eu plein accès aux documents de la RBC, a confirmé dans son témoignage que cette norme avait été respectée.

[33]           Enfin, la défenderesse soutient qu’elle n’a aucune raison de verser des dommages-intérêts. Elle soutient que des dommages-intérêts ne devraient être accordés que lorsqu’il y a eu une violation grave et scandaleuse de la Loi (Blum c. Mortgage Architects Inc, 2015 CF 323, au paragraphe 19 [Blum]); pourtant la RBC n’a pas enfreint la Loi. En outre, il n’existe aucune preuve que les demandeurs ont subi un préjudice grave du fait que la RBC a mis fin à leur relation bancaire, ni que les problèmes qu’ils ont éprouvés auprès d’autres banques ont été causés par la RBC. Elle ajoute que les dommages-intérêts punitifs ont pour objet de sanctionner un comportement malveillant et inacceptable (Biron c. RBC Banque Royale, 2012 CF 1095, au paragraphe 39 [Biron]), ce qui n’a pas été démontré dans la présente instance. Les instances citées par les demandeurs se distinguent parce que des dommages-intérêts ont été accordés pour divulgation répréhensible de renseignements à des tierces parties ou que des faits exceptionnels étaient en cause.

Décision

[34]           La Loi est une loi « quasi constitutionnelle » (Nammo, au paragraphe 74) et, en interprétant cette loi, la Cour doit maintenir l’équilibre entre protéger le droit à la protection des renseignements personnels et faciliter la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels (Englander, au paragraphe 46). La Loi joue également un rôle important, lorsqu’il s’agit d’assurer un certain degré d’exactitude en ce qui concerne ces renseignements personnels. Comme l’a affirmé la Cour suprême dans l’arrêt Canada c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, au paragraphe 13 :

Bien des gens ne sont pas au courant de la nature et de la portée des renseignements personnels à leur sujet recueillis et conservés par diverses organisations privées [...] Certains de ces renseignements peuvent être tout à fait inexacts. [...] Le législateur a, pour cette raison, reconnu aux individus, en corollaire à la protection de la vie privée, le droit d’avoir accès, pour en vérifier l’exactitude, aux renseignements les concernant qui sont détenus par d’autres personnes.

[35]           Vu la nature quasi constitutionnelle de la Loi, il convient d’adopter une approche équilibrée et les tribunaux ne peuvent tout simplement pas s’en remettre à la qualification générale donnée par une organisation à l’information qu’elle conserve en vertu de l’alinéa 9(3)b) de la Loi. Dans la présente instance, je conclus que l’exception dont fait l’objet l’information commerciale confidentielle ne s’applique pas aux renseignements personnels contenus dans les renseignements UEA, sauf l’information contenue sous l’onglet 1 et une partie de l’onglet 4. J’estime que les motifs invoqués par la défenderesse pour ne pas divulguer de tels renseignements ne sont pas convaincants et ne sont pas étayés dans l’affidavit qui a été déposé. Les raisons pour refuser l’accès à un document donné doivent être exprimées clairement. Selon l’affidavit qui a été déposé par la défenderesse, la Cour ne peut conclure que les renseignements non divulgués constituent de « l’information commerciale confidentielle », compte tenu des facteurs pertinents qui ont été recensés par le CPPC et la Cour, ni qu’il a été impossible de fournir une version caviardée d’un document contenant de l’information commerciale confidentielle.

[36]           Je rejette les arguments présentés par la défenderesse et j’adopte les arguments écrits présentés par les demandeurs et les observations orales soumises par leur avocat au cours de l’audience à huis clos, lesquelles sont déjà récapitulées ci-dessus. Par conséquent, je ne les répéterai pas, sauf pour apporter les observations supplémentaires ci-après concernant la qualification des documents litigieux qui sont inclus dans les renseignements UEA.

[37]           Afin de fournir des motifs clairs qui permettront aux demandeurs de suivre le raisonnement de la Cour, je conclus qu’une version révisée de la liste de documents inclus dans les renseignements UEA ne constitue pas de l’information confidentielle au sens des ordonnances de confidentialité. Essentiellement, la divergence dans la présente instance porte sur la définition et la portée de ce qui peut être considéré comme de « l’information commerciale confidentielle » aux fins de l’exception prévue à l’alinéa 9(3)b) de la Loi.

[38]           Sans révéler dans le détail le contenu des renseignements UEA qui fait l’objet des ordonnances de confidentialité, on peut néanmoins identifier de manière générale les documents litigieux comme étant :

a)      Un « rapport de diligence raisonnable » (Enhanced Due Diligence Report) préparé par et pour l’URF de la RBC (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 1);

b)      L’information se rapportant à la « plateforme de vente » (Sales Platform) et aux « incidents en matière de risques de lutte contre le blanchiment d’argent » (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 2);

c)      Des feuilles de calcul Excel montrant des opérations bancaires (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 3);

d)     Un courriel interne et ses pièces jointes concernant l’activité sur les comptes (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 4);

e)      Un article de presse (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 5);

f)       Des rapports Syfact du personnel de la RBC (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 6).

[39]           Dans la présente instance, il semble qu’une grande partie des renseignements personnels sur les demandeurs qui sont conservés par la défenderesse sont en fait simplement des « données brutes », c’est-à-dire des renseignements dont la divulgation ne révélerait pas de pratiques ou de techniques confidentielles ou d’analyses d’une nature commerciale, visées par l’exemption prévue à l’alinéa 9(3)b). Cette information ne revêt pas la nature d’un modèle d’évaluation de crédit (conformément aux sommaires de cas nos 2002-39 et 2002-63) et ne peut pas non plus être raisonnablement décrite comme pouvant être assimilée à un « secret commercial ». Au contraire, pour l’essentiel, cette information ne semble pas avoir été analysée ou traitée de manière confidentielle au moment de sa création. En outre, la norme de la Loi visant la justification de la dissimulation d’information en vertu de l’alinéa 9(3)b) est très rigoureuse (voir le sommaire de cas no 2002-39). En conséquence, l’argument de la défenderesse voulant que la divulgation de l’information qu’elle a recueillie puisse révéler les seuils de risque ou le niveau de tolérance de la RBC ne permet pas de justifier la dissimulation de l’information qui n’est pas confidentielle ou qui ne révèle pas – outre le simple fait que cette information a été recueillie ou conservée – une analyse approfondie par la RBC.

[40]           En ce qui concerne l’onglet 1 des renseignements UEA, l’avocat de la défenderesse a reconnu à l’audience que presque la totalité du rapport approfondi de diligence raisonnable, versé sous cet onglet et préparé par l’URF de la RBC, pourrait en fait être classé comme information commerciale confidentielle. Cependant, il a fait valoir que des parties de ce document, à savoir le titre, la date, le nom de l’enquêteur qui avait préparé le rapport et une ligne de la conclusion du rapport, pouvaient être extraites et divulguées. Néanmoins, je conclus qu’une telle division serait inappropriée vu les circonstances, car l’ensemble du document était clairement considéré comme confidentiel au moment de sa production et il porte cette mention.

[41]           L’onglet 2 des renseignements UEA, lequel contient l’information sur la « plateforme de vente » et les « incidents en matière de risques de lutte contre le blanchiment d’argent (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 2), semble relié aux dossiers des demandeurs et rien n’indique qu’il renferme de l’information commerciale confidentielle ou qu’il a fait l’objet d’une analyse.

[42]           À l’onglet 3 des renseignements UEA, les feuilles de calcul Excel renfermeraient (selon la défenderesse) les opérations bancaires qui semblent être les dossiers sur lesquels la banque s’est appuyée pour décider de mettre fin à la relation bancaire (c.-à-d. les « données brutes ») et je ne vois aucune raison pour laquelle de telles « données brutes » devraient être considérées comme de l’information commerciale confidentielle.

[43]           En ce qui concerne l’onglet 4 des renseignements UEA, le courriel interne au sujet de l’activité sur le compte devrait être séparé et une partie de l’information sur le compte qui y est jointe devrait être divulguée. Le courriel même (UEA 1423 et 1424, pages 46 et 47) semble avoir fait l’objet d’une analyse interne par la RBC des dossiers des demandeurs et des risques qu’ils représentaient. En conséquence, cette information serait couverte par l’exemption visant l’information commerciale confidentielle. Toutefois, le document « Renseignements sur le compte de dépôt à vue » (DDA Information) ci-joint (UEA 1423 et 1424, pages 48 à 62), les feuilles de calcul Excel (UEA 1423 et 1424, pages 63 à 68), et l’information sur les comptes contenue sous les numéros UEA 1423 et 1424, pages 69 à 81, semblent tous être des « données brutes » plutôt que de « l’information commerciale confidentielle » et devraient être divulgués. Le rapport approfondi de diligence raisonnable (UEA 1423 et 1424, pages 81 à 91) est une copie du document qui se trouve sous l’onglet 1 et ne devrait pas être divulgué pour les raisons déjà mentionnées. Par ailleurs, l’article de journal (UEA 1423 et 1424, page 92 – qui se trouve également sous l’onglet 5 des renseignements UEA) est un document du domaine public traitant d’allégations graves en lien avec l’un des demandeurs; cet article n’a rien à voir avec l’information commerciale confidentielle et devrait par conséquent être divulgué.

[44]           Syfact est un logiciel de gestion de cas. Les rapports Syfact qui se trouvent sous l’onglet 6 des renseignements UEA sont des documents internes émanant du personnel de la RBC qui signalent des incidents distincts (QC20031457, E200507-0130, E200606-0365, E200905-0727, E200901-1422, E200906-0954, E201007-1012 et E201103-0567). Un certain nombre d’entrées du Syfact montrent que les demandeurs avaient été mis au courant de l’information contenue dans ce logiciel et que l’incident avait été réglé à la suite d’une enquête. Comme cette information n’avait pas été traitée de manière confidentielle au moment de sa création, elle ne peut pas être dissimulée sous le couvert de l’exemption visant l’information commerciale confidentielle. De plus, comme les rapports Syfact incluent des commentaires qui renferment des rumeurs pouvant porter préjudice, les demandeurs ont un grand intérêt quasi constitutionnel à s’assurer qu’une telle information dommageable pour leur réputation soit corrigée.

[45]           Ayant passé en revue les renseignements UEA et pris en considération les observations écrites et orales faites par l’avocat à la lumière du témoignage des parties et des principes juridiques applicables, la Cour a décidé d’accueillir, en partie, les deux demandes. En conséquence, la Cour ordonnera à la défenderesse de fournir aux demandeurs, dans les 45 jours suivant le présent jugement, une copie de toute l’information personnelle non divulguée se rapportant aux demandeurs qu’elle a en sa possession, y compris les renseignements UEA soumis sous scellé par la défenderesse à la Cour, sauf l’information commerciale confidentielle ci-après : a) le rapport approfondi de diligence raisonnable (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 1); et b) le courriel interne concernant l’activité du compte (UEA 1423 et 1424, pages 46 et 47) et le « rapport approfondi de diligence raisonnable » (UEA 1423 et 1424, pages 81 à 91 qui se trouve sous l’onglet 4 des renseignements UEA). Si l’information personnelle dont la Cour a ordonné la divulgation devait contenir les noms de personne ou de l’information personnelle au sujet d’un individu donné, autre que les demandeurs, cette information sera caviardée ou censurée par la défenderesse.

[46]           Je vais maintenant me pencher sur la question des dommages-intérêts.

[47]           La preuve quant aux dommages, le cas échéant, soumise par les demandeurs n’est pas convaincante et ne justifie pas l’adjudication de dommages-intérêts (généraux ou punitifs). J’abonde dans le sens de la défenderesse lorsqu’elle affirme que les demandeurs n’ont subi aucun dommage général. Je suis également d’accord avec la défenderesse lorsqu’elle allègue qu’il ne s’agit pas ici d’une affaire justifiant l’adjudication de dommages-intérêts. La Cour a soutenu que des dommages-intérêts devraient être accordés dans les cas où ils sont nettement justifiés et où ils contribueraient à l’atteinte des objectifs de la LPRPDE (Blum, au paragraphe 60). Il convient aussi d’envisager un effet dissuasif contre les futures violations et la gravité de la violation (Nammo, au paragraphe 76; Girao c. Zerek Taylor Grossman Hanrahan LLP, 2011 CF 1070, aux paragraphes 46 à 48). Dans la présente instance, peu d’éléments de preuve au dossier indiquent que les demandeurs ont éprouvé des problèmes ou des difficultés du fait qu’ils ont dû prendre d’autres arrangements bancaires, si l’on fait exception d’un sentiment d’humiliation. En 2011, ils étaient tous les deux clients d’autres banques et ils auraient pu transférer leurs fonds à d’autres banques. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que les difficultés que les demandeurs ont pu éprouver auprès d’autres institutions financières ont été causées par les actions de la RBC. Les dommages-intérêts punitifs sont également inappropriés dans la présente instance, car les demandeurs n’ont pas démontré que la dissimulation de l’information constituait un « comportement suffisamment malveillant et inacceptable pour justifier l’adjudication de dommages-intérêts punitifs » (Biron, au paragraphe 41). En outre, selon la correspondance contenue dans le dossier, la RBC semble avoir coopéré pleinement avec les demandeurs et le CPPC et n’a pas vraiment bénéficié de la non-divulgation.

[48]           Considérant que les demandes sont accueillies en partie et compte tenu des circonstances de l’affaire, les demandeurs auront droit aux dépens contre la défenderesse.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  Les demandes sont accueillies en partie;

2.                  La Cour ordonne à la défenderesse de fournir aux demandeurs, dans les 45 jours du présent jugement, une copie de toute l’information personnelle non divulguée concernant les demandeurs qu’elle a en sa possession, y compris les documents portant la mention « Renseignements à l’usage exclusif de l’avocat » (renseignements UEA) que la défenderesse a soumis sous scellé à la Cour, sauf l’information commerciale confidentielle ci-après :

a)                  Le rapport approfondi de diligence raisonnable (UEA 1423 et 1424 sous l’onglet 1);

b)                  Le courriel interne concernant l’activité sur le compte (UEA 1423 et 1424, pages 46 et 47) et le rapport approfondi de diligence raisonnable en pièce jointe (UEA 1423 et 1424, page 81 à 91 sous l’onglet 4 des renseignements UEA);

3.                  La défenderesse devra expurger ou censurer le nom de toute personne ou les renseignements personnels concernant toute personne, autre que les demandeurs, mentionné dans tout document dont la Cour ordonne la divulgation aux demandeurs;

4.                  Les demandes de dommages-intérêts généraux et de dommages-intérêts punitifs sont rejetées;

5.                  Les demandeurs auront droit aux dépens contre la défenderesse.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1423-14

 

INTITULÉ :

FRANK BERTUCCI c. BANQUE ROYALE DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1424-14

 

INTITULÉ :

GIUSEPPE BERTUCCI c. BANQUE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE :

Le 18 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Me David Grossman

MEmma Lambert

 

POUR LES DEMANDEURS

MFrédéric Wilson

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Irving Mitchell Kalichman SENCRL

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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