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Date : 20160314


Dossier : IMM-3231-15

Référence : 2016 CF 305

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

DUY THUYEN NGUYEN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) le 23 juin 2015, refusant au demandeur la prolongation du délai pour interjeter appel d’une mesure de renvoi.

[2]               Le demandeur est citoyen du Vietnam. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 14 novembre 2007. Lorsqu’il était au Canada, il a été reconnu coupable de « production d’une substance » en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (L.C., 1996, ch. 19) et de « vol de gaz ou d’électricité » en vertu de l’alinéa 326(1)a) du Code criminel (L.R.C., 1985, ch. C­46). Il a reçu une condamnation avec sursis de 12 mois à purger à son domicile.

[3]               Le 31 mars 2014, la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a jugé que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C., 2001, ch. 27), qui est libellé comme suit :

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

[…]

 

[…]

 

[Soulignements ajoutés]

[Emphasis added]

 

[4]               Les paragraphes 64(1) et 64(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prescrivent qu’une personne interdite de territoire pour grande criminalité ne peut pas interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration.

64 (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

64 (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

 

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise, d’une part, l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins six mois et, d’autre part, les faits visés aux alinéas 36(1)b) et c).

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least six months or that is described in paragraph 36(1)(b) or (c).

 

[…]

[…]

 

[Soulignements ajoutés]

[Emphasis added]

 

[5]               Le demandeur n’a pas déposé un avis d’appel dans le délai de 30 jours prescrit au paragraphe 5(3) des Règles de la section d’appel de l’immigration (DORS/2002­230).

[6]               Le 4 novembre 2014, dans l’affaire Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (2014 CF 1040), la Cour fédérale a décidé que l’interprétation de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés selon laquelle une condamnation avec sursis est considérée comme une « peine d’emprisonnement » était déraisonnable. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. Entre­temps, par l’intermédiaire d’un nouvel avocat, le demandeur a déposé une demande de prolongation du délai pour interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration et a demandé à celle­ci de lui accorder un ajournement en attendant qu’une décision définitive soit rendue relativement à l’appel du ministre dans l’affaire Tran.

[7]               La Section d’appel de l’immigration a refusé de lui accorder l’ajournement et a jugé que les conditions justifiant la prolongation du délai pour interjeter appel de sa décision n’étaient pas remplies. Elle a aussi fait valoir que l’appel proposé était sans fondement, car le terme « emprisonnement » au paragraphe 64(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés comprend une condamnation avec sursis et, par conséquent, le demandeur n’a pas le droit d’interjeter appel en l’espèce.

[8]               Le 14 juillet 2005, le demandeur a déposé la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, et le 3 décembre 2015, l’autorisation a été accordée par un juge de la Cour fédérale. L’affaire a été entendue sur le fond à Toronto le 1er mars 2016.

[9]               Entre­temps, le 30 octobre 2015, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’affaire Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (2015 CAF 237). Elle a accueilli l’appel du ministre. Elle a conclu qu’une condamnation avec sursis imposée aux termes du régime énoncé aux articles 742 à 742.7 du Code criminel peut raisonnablement être interprétée comme une peine d’emprisonnement en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[10]           Le demandeur, qui se représente maintenant lui­même, a expliqué au cours de l’audience relative à la demande de contrôle judiciaire qu’il aime sa famille, qu’il est le père d’un bébé et qu’il éprouve des remords relativement au crime pour lequel il a été condamné. Il souhaite demeurer au Canada parce qu’il doit aider sa femme et son enfant, qui vivent avec lui, ainsi que sa mère et sa grand­mère au Vietnam, qui comptent sur lui pour les aider financièrement.

[11]           J’ai examiné les observations orales et écrites des parties, et j’ai décidé que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. La norme de contrôle de la décision contestée de la Section d’appel de l’immigration à l’égard de la demande de prolongation du délai pour interjeter appel de sa décision est le caractère raisonnable. La décision de la Section d’appel de l’immigration de ne pas accorder un ajournement en attendant le résultat de l’appel devant la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Tran était raisonnable. La décision de refuser la prolongation l’était tout autant, notamment en raison d’une absence de fondement. La Section d’appel de l’immigration a examiné tous les facteurs pertinents. La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Tran est déterminante et a maintenant force exécutoire. Le demandeur semble avoir épuisé tous les moyens prévus par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et cette Cour n’a pas le pouvoir de lui permettre de demeurer au Canada.

[12]           Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soulevée dans la présente affaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3231-15

 

INTITULÉ :

DUY THUYEN NGUYEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER MARS 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 MARS 2016

 

COMPARUTIONS :

Duy Thuyen Nguyen

 

POUR LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

 

Ian Hicks

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duy Thuyen Nguyen

Thorold (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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