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Date : 20160310


Dossier : IMM-2951-15

Référence : 2016 CF 303

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

MIAOCI DENG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR ou la Loi] à l’encontre d’une décision rendue par un commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission ou la Section de l’immigration]. Dans la décision faisant l’objet du présent contrôle datée au 10 juin 2015, la Section de l’immigration a conclu que la demanderesse, Miaoci Deng, est interdite de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 40(1)b) de la Loi et elle a ordonné une mesure de renvoi à son endroit.

[2]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               La demanderesse, une étrangère provenant de la République populaire de Chine, est arrivée au Canada en 2005 pour fréquenter un collège, où elle a rencontré son époux répondant, M. Wei Yao.

[4]               Le 15 octobre 2006, M. Wei Yao a épousé Mme Kerr, une citoyenne canadienne, pour acquérir un statut au Canada. Il a obtenu la résidence permanente au mois d’octobre 2007 et a ensuite divorcé de Mme Kerr au mois d’octobre 2009.

[5]               Le 13 mai 2012, la demanderesse a épousé M. Wei Yao. En février 2013, il a déposé une demande de conjoint au Canada pour la demanderesse. La demande a été mise en attente pour la période de l’enquête sur le premier mariage de M. Wei Yao à Mme Kerr. Selon un rapport publié aux termes de l’article 44 de la Loi au mois de septembre 2013 à l’encontre de la demanderesse, cette dernière était au courant du mariage frauduleux de son époux à Mme Kerr. En mai 2014, un rapport aux termes de l’article 44 a été publié à l’encontre de M. Wei Yao.

[6]               Le 6 novembre 2014, la Section de l’immigration a conclu que M. Wei Yao est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations et une mesure d’exclusion a été prise à son endroit. Il a reconnu les allégations de fausse déclaration devant la Section de l’immigration; cependant, il a fait appel de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI). Aucune décision n’avait été prise pour l’appel au moment de l’audience de la présente demande de contrôle judiciaire. Le jour où la décision sur l’interdiction de territoire a été rendue, un deuxième rapport aux termes de l’article 44 a été publié à l’encontre de la demanderesse stipulant qu’elle est interdite de territoire pour fausses déclarations, conformément à l’alinéa 40(1)b) de la Loi, en raison de l’interdiction de territoire mise en œuvre à l’endroit de son époux répondant.

[7]               Le 10 juin 2015, la demanderesse a été jugée interdite de territoire à la suite de sa propre audience sur l’interdiction de territoire devant la Section de l’immigration et une mesure de renvoi a été ordonnée à son endroit. La Section de l’immigration a conclu que la demanderesse est interdite de territoire, puisqu’il a été statué que son époux répondant « est interdit de territoire » aux termes de l’alinéa 40(1)b) de la Loi, malgré l’appel en suspens devant la SAI.

II.                Cadre législatif

[8]               Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

b) être ou avoir été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations;

 

(b) for being or having been sponsored by a person who is determined to be inadmissible for misrepresentation;

c) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou de protection

(c) on a final determination to vacate a decision to allow their claim for refugee protection or application for protection

[…]

 

[…]

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

 

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

(b) paragraph (1)(b) does not apply unless the Minister is satisfied that the facts of the case justify the inadmissibility.

 

49 (1) La mesure de renvoi non susceptible d’appel prend effet immédiatement; celle susceptible d’appel prend effet à l’expiration du délai d’appel, s’il n’est pas formé, ou quand est rendue la décision qui a pour résultat le maintien définitif de la mesure.

49 (1) A removal order comes into force on the latest of the following dates:

(a) the day the removal order is made, if there is no right to appeal;

(b) the day the appeal period expires, if there is a right to appeal and no appeal is made; and

(c) the day of the final determination of the appeal, if an appeal is made.

 

III.             Questions en litige

[9]               La présente demande soulève les questions en litige suivantes :

1.      La Commission a­t­elle commis une erreur en concluant que l’époux de la demanderesse « est interdit de territoire » aux termes de l’alinéa 40(1)b) de la Loi?

2.      La Commission a­t­elle commis une erreur en concluant que le ministre a respecté l’alinéa 40(2)b) de la Loi alors qu’aucune preuve n’a été présentée indiquant que le ministre a tenu compte de la disposition?

IV.             Norme de contrôle

[10]           Il y a lieu de présumer que l’interprétation par un décideur administratif de sa loi constitutive est examinée en fonction de la norme de la raisonnabilité (Mouvement laïque québécois c. Saguenay [Ville]), 2015 RCS 16, au paragraphe 46). Puisque cette présomption n’a pas été réfutée, la Cour n’interviendra pas si la décision appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

V.                Analyse

A.                La Commission a­t­elle commis une erreur en concluant que la demanderesse est interdite de territoire selon la décision en appel aux termes de laquelle son époux est interdit de territoire?

[11]           La demanderesse soutient que la Section de l’immigration a commis une erreur en concluant qu’elle est interdite de territoire pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)b) de la Loi selon la décision prise par la Section de l’immigration stipulant que son époux est interdit de territoire, car la décision n’était pas finale et faisait l’objet d’un appel. Elle fait valoir que le terme « statué » à l’alinéa 40(1)b) devrait être interprété au sens de « tranché en dernier ressort » pour établir un lien avec la décision finale d’interdiction de territoire prise par la SAI à l’encontre de son époux.

[12]           L’affirmation de la demanderesse est fondée sur une déduction d’injustice et d’impossibilité pratique qui pourrait survenir si une mesure de renvoi est prise à son endroit en raison de l’interdiction de territoire reçue par son époux alors que le statut de ce dernier n’a pas été déterminé de façon définitive par la SAI et pourrait être infirmé par la décision.

[13]           Je ne connais pas les effets pratiques de la décision de la Section de l’immigration, puisqu’il est fort possible que la demanderesse ne sera pas expulsée avant que la SAI rende sa décision dans le cadre de l’appel de l’époux de la demanderesse. Des procédures pourraient être envisagées pour retarder son expulsion, comme une demande d’ERAR ou une requête de sursis du renvoi présentée à la Cour en raison de la situation d’urgence d’une décision attendue de façon imminente de la SAI qui aura une incidence sur le statut de son expulsion. De plus, la Section de l’immigration a souligné que la demanderesse n’a pas demandé un ajournement jusqu’à la prise d’une décision concernant l’appel, soit une autre avenue non négligée permettant d’éviter une expulsion « prématurée ». Ces commentaires ne tranchent pas la question; ils sont plutôt offerts à titre de référence à la retenue à l’égard de l’interprétation de la Section de l’immigration de sa loi constitutive en fonction de la norme de contrôle de la raisonnabilité.

[14]           Plus précisément, je rejette ces arguments, car il est impossible de déroger à l’interprétation législative de la Section de l’immigration du terme « statué » à l’alinéa 40(1)b) en faveur de la signification « tranché en dernier ressort », compte tenu de l’utilisation de cette phrase dans le texte de la Loi. Il est bien établi en droit que « lorsque des termes différents sont employés dans un même texte législatif, il faut considérer qu’ils ont un sens différent » en fonction du raisonnement selon lequel « il faut tenir pour acquis que le législateur a délibérément choisi des termes différents dans le but d’indiquer un sens différent » (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 81; [Non souligné dans l’original]).

[15]           C’est pourquoi je rejette précisément la tentative de la demanderesse de s’appuyer sur les différentes utilisations des termes aux paragraphes 49(1) et 40(2) de la Loi, qui, selon moi, établissent clairement une distinction entre les interprétations du terme « statué » et de la phrase « tranché en dernier ressort ».

[16]           Le terme» statué » est utilisé à l’alinéa 40(1)b), et la phrase « tranché en dernier ressort » est utilisée à l’alinéa 40(1)c). L’alinéa 40(2)a) de la version anglaise le terme « determination » est utilisé à deux reprises et l’expression « final determination » est utilisée à une reprise. Dans la version française on fait une distinction entre cette phrase et ce terme pour désigner une procédure pour laquelle une décision finale a été prise et une procédure dont la décision est en attente.

[17]           L’argument de la demanderesse repose sur l’interprétation contextuelle de l’alinéa 40(2)a) et du paragraphe 49(1), qui ciblent la durée de l’interdiction de territoire pour fausses déclarations et le moment de la mise en œuvre d’une mesure de renvoi.

[18]           La demanderesse a fait valoir, en première instance, que la phrase « tranché en dernier ressort » figurant à l’alinéa 49(1)c) permet de conclure que la décision de la Section de l’immigration et l’interdiction de territoire ne sont pas définitives. Après examen, je conclus que cette logique ne tient pas debout. Tout d’abord, la situation en question à l’article 49 se réfère au moment où une mesure de renvoi « prend effet », et non au moment où la décision d’interdiction de territoire est rendue.

[19]           De plus, la définition à l’article 49 du moment où une mesure de renvoi prend effet appuie la distinction de la signification du terme « statué » et de la phrase « tranché en dernier ressort » pour ce qui est de l’application aux circonstances de la demanderesse et de son époux, selon la possibilité de l’appel de la décision de la Section de l’immigration. Puisque la demanderesse n’a aucun droit d’appel, aux termes de l’alinéa 49(1)a), la mesure de renvoi à son endroit prendra effet « immédiatement » lorsque la décision sera rendue par la Section de l’immigration. Puisque son époux avait le droit de porter appel de sa mesure de renvoi devant la SAI et qu’il s’est prévalu de son droit, aux termes de l’alinéa 49(1)c), sa mesure de renvoi prendra effet « à l’expiration du délai d’appel » devant la SAI.

[20]           L’argument de la demanderesse a un impact plus prononcé lorsqu’un lien est établi entre la formulation à l’alinéa 40(2)a) et celle au paragraphe 49(1). Comme il est mentionné ci­dessus, l’alinéa 40(2)a) aborde la question de la durée de l’interdiction de territoire pour fausses déclarations. Pour aider l’interprétation, j’énonce la disposition à l’aide d’une structure permettant de minimiser la confusion comme suit [Non souligné dans l’original] :

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort,

si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays,

ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following,

in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or,

in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

 

[21]           Selon ma compréhension de l’argument de la demanderesse, les mots soulignés dans la disposition déterminent la durée de l’interdiction de territoire pour la demanderesse et son époux à l’aide du terme « statué ». La phrase « tranché en dernier ressort » n’est pas utilisée. Cependant, la disposition fait référence précisément à la phrase « tranché en dernier ressort » pour ce qui est de la décision à l’extérieur du Canada.

[22]           Je comprends que la demanderesse soutient que pour faire preuve d’uniformité et d’exhaustivité quant au soutien des observations du demandeur, la partie soulignée aurait dû comporter la phrase « tranché en dernier ressort » après le mot « statué » pour établir un parallèle avec les deux dispositions qui déterminent quand la mesure de renvoi sera en vigueur aux termes de l’alinéa 49(1)a) (aucun droit d’appel) ou quand la décision finale sera prise aux termes de l’alinéa 49(1(c) (appel). Cependant, puisque l’alinéa 40(2)a) est censé régir le paragraphe (1), qui comprend les circonstances des fausses déclarations de l’époux de la demanderesse aux termes de l’alinéa 40(1)a) et celles de la demanderesse en fonction des fausses déclarations de son époux aux termes de l’alinéa 40(1)b), l’utilisation du terme « en dernier ressort » pour les situations au Canada s’applique aux décisions de la Section de l’immigration et de la SAI. Par conséquent, le terme « statué » utilisé à l’alinéa 40(1)b) devrait également se référer aux mesures de renvoi tranchées en dernier ressort.

[23]           Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation et pas seulement parce que les dispositions traitent de différents sujets de ceux traités à l’alinéa 40(1)b). À la suite de mon analyse de l’alinéa 40(2)a), il ne fait aucun doute que le terme « en dernier ressort » désigne des circonstances génériques qui reposent sur l’endroit où la décision a été prise, soit au Canada ou à l’étranger. L’objectif essentiel de la disposition est d’établir la date de début de l’interdiction de territoire d’une durée de cinq ans.

[24]           Ainsi, le terme « en dernier ressort » a un sens générique permettant de déterminer le début de la période de l’interdiction de territoire en fonction de différentes conditions. À l’étranger, la nature de la condition pour la détermination est la décision, plus précisément la décision finale. Cependant, au Canada, la condition pour la détermination n’a rien à voir avec la décision; elle repose plutôt sur la nature différente des circonstances associées au moment du renvoi de la personne interdite de territoire. La condition du renvoi s’applique, peu importe la façon dont la mesure de renvoi a été prise (paragraphe 40(1)) ou la façon dont elle a pris effet (paragraphe 49(1)). Par conséquent, le terme « en dernier ressort » à l’alinéa 40(2)a) n’a aucune incidence sur la signification du terme « statué » à l’alinéa 40(1)b).

[25]           Tout doute qui plane sur la signification du terme « statué » à l’alinéa 40(1)b), ce que je ne conclus pas, est assurément dissipé par les récentes modifications apportées au paragraphe 14(1.1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC, 1985, ch. C­29 [Loi sur la citoyenneté]. Ces modifications confirment l’intention du Parlement d’établir une distinction entre les décisions finales et les décisions qui ne sont pas finales.

[26]           Avant que la modification soit apportée, la disposition exigeait explicitement la prise d’une décision « en dernier ressort si une mesure de renvoi devrait être prise » avant que le juge de la citoyenneté prenne une décision au sujet de la demande de citoyenneté :

(1.1) Le juge de la citoyenneté ne peut toutefois statuer sur la demande émanant d’un résident permanent qui fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés tant qu’il n’a pas été décidé en dernier ressort si une mesure de renvoi devrait être prise contre lui.

(1.1) Where an applicant is a permanent resident who is the subject of an admissibility hearing under the Immigration and Refugee Protection Act, the citizenship judge may not make a determination under subsection (1) until there has been a final determination whether, for the purposes of that Act, a removal order shall be made against that applicant.

 

[Je souligne]

[Emphasis added]

Dans sa version modifiée, la disposition stipule actuellement les énoncés suivants :

14 (1.1) Malgré le paragraphe (1), le juge de la citoyenneté ne peut statuer sur la demande :

14 (1.1) Despite subsection (1), the citizenship judge is not authorized to make a determination until

 

[…]

[]

 

b) lorsque celui­ci fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tant qu’il n’a pas été décidé si une mesure de renvoi devrait être prise contre lui.

(b) if the applicant is the subject of an admissibility hearing under the Immigration and Refugee Protection Act, a determination as to whether a removal order is to be made against that applicant.

 

[Je souligne]

[Emphasis added]

[27]           Les modifications ont été prises à la suite de la décision de la Cour fédérale Obi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 573, dans le cadre de laquelle la formulation précédente de « en dernier ressort » a été interprétée pour engober les droits d’appel de la mesure de renvoi de la Section de l’immigration. La demanderesse a fait valoir qu’en raison de la confiance accordée à la disposition, on peut assumer que si le demandeur a un droit d’appel, la décision finale concernant une mesure de renvoi ne peut être obtenue qu’à l’issue d’un appel. Cependant, la Loi sur la citoyenneté a été modifiée le 1er août 2014 pour retirer le mot « finale » de façon à prendre une décision sur la citoyenneté en fonction seulement de la décision de prendre une mesure de renvoi en l’absence d’un appel.

[28]           Il est bien établi que la LIPR peut être interprétée dans un contexte législatif plus vaste, qui comprend les dispositions correspondantes de la Loi sur la citoyenneté : Richi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 212, au paragraphe 13; Pointe­Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 RCS 1015, au paragraphe 61.

[29]           Étant donné qu’à l’article 12 de la Loi d’interprétation, LRC, 1985, ch. I­21, chaque texte est censé apporter une solution de droit, je conclus que le Parlement a de toute évidence établi une distinction entre la décision constatant l’admissibilité et la décision constatant en dernier ressort l’interdiction de territoire. Cela correspond en tout point à l’interprétation du terme « statué » à l’alinéa 40(1)b), et ne nécessite donc pas une décision finale par la SAI.

[30]           Par conséquent, pour tous les motifs susmentionnés, je conclus que la signification du terme « statué », tel qu’il est employé à l’alinéa 40(1)b), invoque la décision prise par la Section de l’immigration relativement à son époux, et ne nécessite pas la décision définitive de son appel. Ainsi, il était raisonnable que la Section de l’immigration, après la conclusion d’interdiction de territoire de l’époux de la demanderesse devant la Section de l’immigration, conclue que la demanderesse était interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)b), et ordonne son renvoi sur ces motifs.

B.                 La Commission a­t­elle commis une erreur en concluant que le ministre a respecté l’alinéa 40(2)b) de la Loi alors qu’aucune preuve n’a été présentée indiquant que le ministre a tenu compte de la disposition?

[31]           L’alinéa 40(2)(b) stipule que la demanderesse doit seulement être déclarée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)(b) « si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction. » L’applicabilité de cette disposition n’a pas été soulevée devant la Section de l’immigration, alors une décision ne sera pas rendue sur cette question. Il n’y a aucun élément de preuve au dossier indiquant que le ministre a exercé quelque pouvoir discrétionnaire qui lui a été conféré par cette disposition.

[32]           La défenderesse soutient qu’il incombait à la Commission de s’assurer que le ministre était convaincu que l’affaire justifiait la conclusion d’interdiction de territoire, et qu’en omettant de le faire, l’affaire devrait être renvoyée pour qu’une décision soit prise à ce sujet. Pour appuyer ce point, la demanderesse affirme qu’il y a des faits convaincants opposés à la conclusion d’interdiction de territoire, puisqu’elle habite au Canada depuis plus d’une décennie et depuis qu’elle a 19 ans, qu’elle a deux enfants nés au Canada, et que son époux interjette appel de la mesure de renvoi à son endroit.

[33]           Je suis d’avis qu’il s’agit d’une disposition difficile à interpréter sans aide supplémentaire, qui n’a pas été apportée par les parties. Il semble y avoir peu de marge pour que le ministre conclue que l’interdiction de territoire de la demanderesse n’est pas justifiée en vertu de l’alinéa 40(1)b), puisque les faits qui justifient son interdiction de territoire découlent de l’application stricte de la loi et dérivent entièrement de l’interdiction de territoire de son époux pour fausses déclarations.

[34]           Je ne vois pas comment des considérations d’ordre humanitaire peuvent transformer une justification de l’interdiction de territoire fondée sur les faits en une sorte d’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. En vertu du paragraphe 67(3), les considérations d’ordre humanitaire peuvent seulement être prises en compte en appel.

[35]           On pourrait évoquer la possibilité que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en raison de considérations d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25.1(1); cependant, il est difficile de la concilier avec le besoin devant être satisfait concernant les faits justifiant l’interdiction de territoire, qui ne sont indiqués nulle part comme étant un facteur de la décision. Cela est également opposé aux dispositions prévoyant la considération dans les décisions dérivées relatives aux fausses déclarations du conjoint pour les conjoints de la catégorie « regroupement familial » à l’extérieur du Canada lorsque les considérations d’ordre humanitaire peuvent être prises en compte par l’entremise des droits d’appel accordé par les paragraphes 63(1) et 64(3) et par l’article 65.

[36]           La disposition a peut­être pour but de fournir une sorte de filet de sécurité rudimentaire lorsqu’un conjoint est renvoyé et que pour une raison ou une autre, aucune décision formelle n’a été prise par la Section de l’immigration concernant l’interdiction de territoire de la personne en raison de la nature dérivée de l’interdiction de territoire. À ce moment­là, il incomberait au ministre d’être convaincu que les exigences pour son interdiction de territoire ont été satisfaites. Autrement, je suis d’accord avec le défendeur qu’en renvoyant l’affaire à la Section de l’immigration, cela semblerait évident que le ministre était convaincu que les faits justifiaient une conclusion d’interdiction de territoire.

[37]           Dans les circonstances où je conclus que rien n’oblige la Section de l’immigration à trancher la question, sauf si elle est soulevée devant celle­ci, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas prendre de décision finale sur une question d’abord soulevée à l’étape d’une demande de contrôle judiciaire.

[38]           Je crois qu’il est préférable d’attendre des circonstances où la question est soulevée devant la Section de l’immigration. Cela permettra aux éléments de preuve pertinents d’être produits ainsi qu’aux deux parties de présenter leurs observations, de telle sorte que la Cour entendant l’affaire aura la chance de connaître les motifs de la Section de l’immigration avant de devoir déterminer le caractère raisonnable de sa décision. Je suis appuyé dans mon exercice du pouvoir discrétionnaire de ne pas traiter la question par l’incapacité des deux avocats de fournir une bonne orientation à la Cour et par le fait qu’il n’a jamais été question que la question soit certifiée aux fins d’appel.

VI.             Conclusion

[39]           Je suis d’avis que la Commission n’a pas commis une erreur en décidant de conclure que la demanderesse était interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)b) de la Loi et d’ordonner une mesure de renvoi à son endroit. La demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée pour être portée en appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2951-15

 

INTITULÉ :

MIAOCI DENG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 FÉVRIER 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 MARS 2016

 

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

Pour la demanderesse

 

Daniel Engel

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Wazana

WazanaLaw

Avocat­procureur

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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