Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160307


Dossier : IMM-3055-15

Référence : 2016 CF 286

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

CHARGER LOGISTICS LTD.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 8 juin 2015 par un agent du Programme des travailleurs étrangers temporaires (l’agent) de Service Canada, décision aux termes de laquelle l’agent a rejeté la demande d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) favorable de la demanderesse.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

I.                   Contexte

[3]               La demanderesse est une société canadienne de logistique et de transport établie à Mississauga (Ontario). La flotte de la société compte 200 camions qui transportent des chargements partout au Canada, aux États­Unis et au Mexique. La présente demande découle du processus de recrutement entrepris dans le but d’embaucher un superviseur des conducteurs de camion en vue de l’expansion des activités dans le corridor États­Unis/Mexique.

[4]               La demanderesse a affiché l’offre d’emploi sur le Guichet­Emplois ainsi que sur les sites Web Indeed et Workopolis. Soixante personnes ont posé leur candidature, mais seulement dix possédaient l’expérience requise et ont été reçues en entrevue. De ces dix candidats, seuls quatre parlaient l’espagnol, ce qui constituait une exigence du poste. Trois de ces quatre candidats n’étaient pas satisfaits du salaire proposé et le dernier candidat n’était pas disposé à déménager pour accepter le poste.

[5]               Le 17 mars 2015, la demanderesse a présenté une demande d’EIMT à l’égard du poste. À la suite de nombreuses communications entre la demanderesse et l’agent, portant notamment sur les efforts déployés par la demanderesse pour annoncer le poste ainsi que sur le salaire offert, l’agent a rendu, le 8 juin 2015, la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

II.                Décision contestée

[6]               Dans sa décision, l’agent a mentionné que Service Canada n’était pas en mesure de produire une EIMT favorable en raison du salaire offert par la demanderesse et du fait que celle­ci n’avait pas déployé suffisamment d’efforts pour recruter des Canadiens pour le poste.

[7]               Dans ses notes au dossier, l’agent a notamment formulé les commentaires suivants :

A.                Le salaire moyen pour le poste, associé par l’agent au code 7222 de la Classification nationale des professions (CNP) – Surveillants/surveillantes du transport routier et du transport en commun, est de 33 $ l’heure dans l’ensemble de la province de l’Ontario et de 30,76 $ l’heure à Toronto (Grand Toronto­Mississauga), où le travailleur étranger temporaire serait embauché.

B.                 Le salaire offert par l’employeur (30,76 $ l’heure) devrait être supérieur au salaire moyen du poste compte tenu de l’exigence supplémentaire relative à la langue, ainsi que des fonctions du poste et des exigences liées aux études, plus importantes que celles requises pour les postes correspondant au code 7222 de la CNP.

C.                 L’employeur est à la recherche d’une personne capable de coordonner la flotte de camions essentiellement sur le marché latino­américain, qui parle l’espagnol couramment et qui possède un diplôme en administration des affaires; étant donné le salaire offert, l’employeur aura de la difficulté à trouver un candidat dans la région. Le salaire moyen offert pour ce poste à l’échelle provinciale est de 33 $ l’heure. Étant donné les aptitudes particulières recherchées, un salaire plus élevé pourrait attirer un candidat qui répondrait aux besoins de l’employeur.

D.                Le 20 août 2015, l’agent a écrit au représentant de la demanderesse après que celle­ci eut précisé que le salaire horaire pour le poste était de 33,33 $ plutôt que 30,76 $. L’agent demandait quelle formule avait été utilisée pour calculer le salaire horaire par rapport au salaire annuel affiché de 64 000 $.

E.                 Dans sa lettre du 20 août 2015, l’agent mentionnait également que l’offre d’emploi publiée par la demanderesse sur le Guichet­Emplois n’était plus active; il lui demandait donc de fournir toute autre offre d’emploi affichée pour le poste.

F.                  Il y a eu une faille dans la publication de l’offre d’emploi sur le Guichet­Emplois. L’offre d’emploi est devenue inactive le 11 avril 2015 et, même si elle s’est vu offrir la possibilité de le faire, la demanderesse n’a fourni aucune autre offre d’emploi active qui aurait été publiée avant le 17 mars 2015, date à laquelle elle a présenté une demande d’EIMT.

G.                L’offre d’emploi publiée sur le site Web Indeed n’était plus active au 25 février 2015. Malgré une explication fournie par la demanderesse le 22 avril 2015, il a pu être vérifié que l’offre d’emploi n’était plus disponible sur le site Indeed. Le 27 avril 2015, à la suite d’une consultation avec son chargé de compte chez Indeed, la demanderesse a fourni une explication sur le fonctionnement du site Web Indeed.

H.                La demanderesse a soutenu que le fait d’embaucher un travailleur étranger temporaire aurait une incidence nette positive sur le secteur puisqu’il permettrait le maintien de l’emploi et la création d’autres emplois. La demanderesse a fourni un plan de transition, mais aucune des activités proposées ne portait sur le transfert des connaissances.

III.             Questions en litige et norme de contrôle

[8]               La demanderesse soumet à la Cour les questions suivantes aux fins d’examen :

A.                L’agent a­t­il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en traitant les exigences d’affichage établies par le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) comme des exigences obligatoires?

B.                 Compte tenu des éléments de preuve qui avaient été présentés à l’agent, sa décision de rejeter la demande d’EIMT de la demanderesse était­elle déraisonnable en ce qui concerne le salaire courant?

[9]               Les faits sont constants et je souscris au fait que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est la norme de la décision raisonnable (Frankie’s Burgers Lougheed Inc c. Canada [Emploi et Développement social], 2015 CF 27 [Frankie’s Burgers]). En somme, la question que doit examiner la Cour porte sur le caractère raisonnable de la décision.

IV.             Observations des parties

A.                Position de la demanderesse

[10]           La demanderesse s’appuie sur la décision Canadian Reformed Church of Cloverdale B.C. c. Canada (Emploi et Développement social), 2015 CF 1075 (Reformed Church), dans laquelle la Cour a conclu que l’agente avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. L’alinéa 203(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002­227 (le Règlement), en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27), confère à un agent le pouvoir de déterminer notamment si « le travail de l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ». Pour le déterminer, sept facteurs [établis au paragraphe 203(3) du Règlement] doivent être pris en compte. La demanderesse fait valoir qu’aucun de ces facteurs ne fait état d’exigences minimales d’affichage.

[11]           La demanderesse soutient que l’agent s’est contenté de déterminer si les exigences minimales d’affichage établies par le PTET avaient été respectées, plutôt que de se fonder sur les éléments de preuve pour déterminer si elle « embauchera ou formera des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables à cet effet » comme il devait le faire aux termes de l’alinéa 203(3)e). Dans son évaluation, l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve démontrant toutes les démarches d’affichage entreprises par la demanderesse pour pourvoir le poste. La demanderesse soutient également que l’agent n’a pas non plus tenu compte de l’élément de preuve démontrant que l’offre d’emploi avait été affichée sur le site Web Indeed de façon continue.

[12]           En ce qui concerne le salaire horaire offert pour le poste, la demanderesse explique que si une personne travaille 160 heures par mois (le nombre mensuel d’heures de travail indiqué dans l’offre d’emploi) et gagne 64 000 $ par an, le salaire horaire est donc de 33,33 $ l’heure, et non de 30,76 $ comme l’avait déterminé l’agent. L’agent a donc commis une erreur relativement à cet élément de la décision en se fondant sur le calcul du salaire courant.

[13]           Enfin, la demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les facteurs établis au paragraphe 203(3) du Règlement. La demanderesse a fait référence à l’élément de preuve indiquant que le travailleur étranger temporaire qu’elle souhaitait embaucher avait déjà travaillé pour elle par le passé, qu’il avait fait un excellent travail et qu’en contribuant au succès des activités de la société, il favoriserait le maintien d’emplois au Canada.

B.                 Position du défendeur

[14]           Le défendeur soutient que la décision Reformed Church est différente puisque dans cette affaire, l’agente s’est appuyée uniquement sur des directives internes pour rejeter la demande d’EIMT, sans tenir compte du libellé du règlement applicable. Le défendeur se fonde sur la décision Frankie’s Burgers, dans laquelle le juge en chef Crampton a fait remarquer que les exigences du PTET visent à s’assurer que les employeurs sont au courant des efforts minimums qu’ils doivent déployer pour obtenir une EIMT favorable et qu’elles favorisent l’uniformité et la prévisibilité des évaluations des agents quant aux facteurs établis dans le Règlement.

[15]           Le défendeur souligne que l’agent a déterminé que la demanderesse avait cessé d’annoncer le poste sur le Guichet­Emplois en avril 2015, soit après qu’elle eut présenté sa demande, mais avant qu’une décision ait été rendue. Selon les exigences minimales en matière d’affichage, une offre d’emploi doit être annoncée de façon continue sur le Guichet­Emplois jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue à l’égard d’une demande d’EIMT. Toutefois, le défendeur soutient que l’agent s’est écarté de ces exigences et a demandé à la demanderesse si l’une de ses autres annonces était toujours affichée.

[16]           Le défendeur soutient également que la conclusion de l’agent, selon laquelle la défenderesse n’offrait pas un salaire conforme au salaire courant, était raisonnable. Le salaire courant pour le poste était de 33 $ l’heure et, selon une semaine de travail de 40 heures, ce salaire équivalait à un salaire annuel de 68 640 $ et non au salaire de 64 000 $ qu’offrait la demanderesse. L’agent a également conclu que le salaire offert par la demanderesse aurait dû être plus élevé que le salaire courant puisqu’elle cherchait un candidat qui parlait l’espagnol couramment, qui possédait un an d’expérience comme répartiteur et qui possédait un diplôme en administration des affaires. Trois candidats canadiens qui avaient les qualifications requises pour le poste n’ont pas été embauchés parce qu’ils demandaient un salaire supérieur à celui offert.

[17]           En réponse à l’argument avancé par la demanderesse selon lequel l’agent avait commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les facteurs énoncés au paragraphe 203(3) du Règlement, le défendeur fait référence aux passages des notes versées par l’agent au dossier qui portent sur chacun de ces facteurs, y compris sur l’observation faite par la demanderesse à l’agent au sujet du travailleur étranger temporaire qu’elle souhaitait embaucher.

V.                Analyse

[18]           Ma décision d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire repose sur l’examen, par l’agent, des efforts d’affichage déployés par la demanderesse. Sur cette question, la demanderesse soutient principalement que l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se concentrant sur les exigences minimales d’affichage établies par le PTET. La demanderesse fait plus précisément référence au passage suivant des notes de l’agent :

[traduction]

Justification d’une EIMT favorable ou défavorable

Détails : L’évaluation de cette demande d’EIMT donne lieu à un avis défavorable (sous réserve de l’approbation du BEA pour l’ensemble de la surveillance) pour les raisons suivantes :

Le demandeur ne satisfait pas aux exigences minimales d’affichage établies par le PTET.

Le demandeur ne satisfait pas aux exigences liées au salaire courant au titre de l’alinéa 203(3)d) du Règlement.

[Non souligné dans l’original.]

[19]           En ce qui concerne les exigences d’affichage, la demanderesse soutient que l’agent avait l’obligation de déterminer si elle avait déployé des efforts raisonnables pour embaucher des Canadiens, conformément au facteur établi à l’alinéa 203(3)e) du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

e) l’employeur embauchera ou formera des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables à cet effet.

[20]           La demanderesse établit une comparaison entre le passage des notes de l’agent qui dit que l’employeur ne satisfait pas aux exigences liées au salaire courant, lequel fait expressément référence à l’alinéa pertinent du Règlement, et le passage qui dit que l’employeur ne satisfait pas aux exigences minimales d’affichage, lequel ne fait référence ni à l’alinéa 203(3)e) du Règlement ni au libellé de celui­ci, mais fait plutôt référence au PTET.

[21]           Bien que je sois d’accord avec la demanderesse sur le fait que l’analyse de l’agent est axée sur les efforts déployés pour afficher le poste, je ne considère pas que, par son analyse, l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Même si les notes de l’agent font référence aux exigences d’affichage établies par le PTET, la lettre datée du 8 juin 2015 indique que la décision est fondée sur le fait que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle avait fait des efforts raisonnables pour embaucher des Canadiens pour pouvoir le poste. Plus important encore, je suis d’accord avec l’argument du défendeur selon lequel la façon dont l’agent a mené son analyse des efforts déployés pour l’affichage du poste démontre qu’il ne s’est pas simplement contenté de suivre les exigences établies par le PTET. Lorsque l’agent a constaté qu’il y avait eu une faille dans l’annonce de la demanderesse sur le Guichet­Emplois, il lui a offert la possibilité de présenter d’autres annonces ayant été affichées de façon continue jusqu’à ce que la décision relative à l’EIMT soit rendue.

[22]           À mon avis, l’approche de l’agent était conforme à celle approuvée récemment par la Cour dans la décision Frankie’s Burgers, dans laquelle le juge en chef Crampton a affirmé ce qui suit au paragraphe 92 :

[92]      Dans la mesure où les Directives n’ont pas force obligatoire pour les agents et où elles sont appliquées d’une manière qui permet d’y passer outre lorsque cela est justifié, il n’est pas déraisonnable pour les agents de les suivre et de les appliquer dans la plupart, voire dans la grande majorité des cas.

[23]           En l’espèce, l’agent a démontré qu’il était disposé à s’écarter des exigences strictes établies par le PTET en tenant compte des autres annonces publiées par la demanderesse ailleurs que sur le Guichet­Emplois. Je conclus donc qu’il n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire dans l’approche qu’il a utilisée pour rendre la décision faisant l’objet du présent contrôle. Néanmoins, je suis d’accord avec la demanderesse sur le fait que la portion de la décision de l’agent qui concerne les efforts déployés pour l’affichage du poste contient une erreur susceptible de révision puisqu’elle ne tient pas compte des éléments de preuve liés aux autres annonces d’une manière qui permettrait à la Cour de conclure que la décision est transparente, intelligible et, par conséquent, raisonnable.

[24]           Je souligne que lors de l’audition de la présente demande, lorsque la demanderesse a avancé cet argument, le défendeur a fait valoir que la demande de contrôle judiciaire ne visait pas à contester la décision de l’agent sur ce motif. Le défendeur a soutenu que la contestation de la demanderesse à l’égard de l’approche utilisée par l’agent pour évaluer les efforts déployés pour l’affichage du poste était entièrement fondée sur l’entrave au pouvoir discrétionnaire plutôt que sur l’omission de tenir compte des éléments de preuve. Toutefois, la défenderesse a souligné que, dans son mémoire en réplique, elle avait avancé cet argument comme suit (gras dans l’original) :

4.         [traduction]

Il est soutenu qu’en tout état de cause, la demanderesse a fourni à l’agent la preuve que son annonce avait été affichée de façon continue sur le site Indeed. Cette preuve est la suivante :

Selon les renseignements inscrits sur la page http://ca.indeed.com/job/supervisor­truck­driver­19a1a1c72676c776 au 24 avril 2015, l’offre d’emploi n’était plus active et portait la mention « Indeed – 6 months ago » (Indeed – il y a six mois).

L’explication suivante a été fournie par le demandeur le lundi 27 avril 2015 à 11 h 29 : « Pour faire suite à notre conversation du vendredi 24 avril 2015, [agent] a demandé un rapport d’Indeed indiquant l’état de l’offre d’emploi pour le poste de superviseur des conducteurs de camion depuis la date d’affichage.

J’ai discuté avec notre chargé de compte chez Indeed et, selon ce que je comprends, leur système ne peut pas produire de tels rapports; Indeed ne peut également voir que la date de création de l’emploi. Le chargé de compte a indiqué que la date de « création de l’emploi » (conformément à l’image ci­jointe, qui vous a également été envoyée par [tierce partie] R. Eastman le vendredi 24 avril) est la date initiale d’affichage de l’offre d’emploi. Dans les cas où une offre d’emploi est annulée ou suspendue puis affichée de nouveau, la date de « création de l’emploi » deviendra automatiquement la date du nouvel affichage. …[Non souligné dans l’original.]

Dossier de la défenderesse, p. 51

5.         L’agent n’a pas tenu compte de cet important élément de preuve pour rendre sa décision de refus. Il est soutenu que le refus de l’agent d’accueillir la demande d’EIMT de la défenderesse n’était pas raisonnable puisqu’elle ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. L’intervention de la Cour est donc justifiée.

Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47

[25]            Je suis d’accord avec la demanderesse sur le fait qu’elle a effectivement soulevé, dans ses observations écrites, la question de la prise en compte par l’agent des éléments de preuve concernant l’offre d’emploi publiée sur le site Indeed. Je suis également d’avis que la décision de l’agent ne démontre pas qu’il a analysé l’élément de preuve fourni par la demanderesse pour étayer son affirmation selon laquelle son annonce sur le site Indeed avait été affichée de façon continue et était demeurée active. L’extrait du mémoire en réplique de la demanderesse, présenté plus haut, cite un passage des notes de l’agent concernant l’état de l’offre d’emploi sur le site Indeed.

[26]           La conversation du 27 avril 2015 avec le représentant de la demanderesse, dont l’agent fait mention dans ses notes, porte sur une image fournie en pièce jointe et sur laquelle est indiquée la date initiale d’affichage de l’offre d’emploi. Cette image comporte les mentions « Status: Open » (État : Ouvert) et « Created: 14­Oct­2014 » (Créé le : 14 octobre 2014). La demanderesse soutient que ces mentions, combinées à l’explication concernant le fonctionnement du site Web Indeed obtenue auprès du chargé du compte de la demanderesse et transmise à l’agent, démontrent que l’offre d’emploi était affichée de façon continue depuis le 14 octobre 2014.

[27]           Le rôle de la Cour n’est pas d’analyser l’élément de preuve ou le conflit apparent entre la déclaration contenue dans les notes de l’agent, selon laquelle l’offre d’emploi n’était pas disponible sur le site Indeed, et l’élément de preuve fourni subséquemment par la demanderesse, lequel établit, de l’avis de cette dernière, que l’offre d’emploi était demeurée active sur le site Indeed. L’erreur susceptible de révision est le fait que l’agent n’a pas analysé cet élément de preuve pour en arriver à sa conclusion sur cette question.

[28]           L’élément de preuve a été fourni par la demanderesse à l’agent le 27 avril 2015 en réponse à une demande présentée par l’agent le 24 avril 2015 visant l’obtention d’un rapport d’Indeed indiquant l’état de l’offre d’emploi depuis sa date d’affichage, ce qui démontre que l’agent n’avait probablement pas encore tiré de conclusion quant à l’état de l’offre d’emploi au moment où il a reçu l’élément de preuve. Bien que les notes de l’agent fassent référence à l’élément de preuve reçu le 27 avril 2015, elles ne contiennent aucune analyse de celui­ci. Plus haut dans ses notes, au moment d’expliquer le rejet de la demande d’EIMT, l’agent fait référence à la faille dans l’affichage de l’offre d’emploi sur le Guichet­Emplois et déclare que la demanderesse n’a fourni aucune autre offre d’emploi active qui aurait été affichée avant le 17 mars 2015, date à laquelle a été rendue la décision relative à l’EIMT. Cependant, cela n’explique pas comment l’agent en est arrivé à cette conclusion compte tenu des éléments de preuve apparemment contradictoires concernant l’offre d’emploi publiée sur le site Indeed.

[29]           À cet égard, je conclus que la décision n’est pas suffisamment transparente et intelligible pour pouvoir être qualifiée de raisonnable. Puisque cette conclusion signifie que la décision doit être annulée et être renvoyée à un autre agent pour nouvel examen, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner les arguments de la demanderesse concernant le taux de rémunération sur lequel s’est appuyé l’agent pour rendre sa décision.

[30]           En ce qui concerne le taux de rémunération, la demanderesse a proposé une question de portée générale aux fins de certification en vue d’un appel, à savoir si un employeur est tenu d’annoncer, pour un poste, un salaire supérieur au salaire courant si les compétences d’un employé potentiel peuvent justifier un salaire supérieur au salaire courant. Cette question vise l’interprétation de l’alinéa 203(3)d) du Règlement, selon lequel il est nécessaire d’évaluer le salaire offert afin de s’assurer qu’il est conforme au salaire courant du poste. La question proposée découle de la défense du défendeur quant au caractère raisonnable de la décision de l’agent fondée sur la conclusion selon laquelle le salaire offert par la demanderesse aurait dû être plus élevé que le salaire courant en raison des compétences particulières recherchées.

[31]           Le défendeur s’oppose à la certification de cette question au motif qu’elle n’est pas d’importance générale. Comme ma décision ne porte pas sur les arguments liés au salaire offert pour le poste, et comme l’a fait valoir la demanderesse dans la présente demande, cette question ne serait pas déterminante dans l’issue d’un appel. Par conséquent, je refuse de certifier cette question et il n’est pas nécessaire pour moi de déterminer si elle peut être considérée comme une question d’importance générale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie et la demande d’EIMT de la demanderesse est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen conformément aux présents motifs. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3055-15

INTITULÉ :

CHARGER LOGISTICS LTD. C. LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 FÉVRIER 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Southcott

DATE DES MOTIFS :

Le 7 mars 2016

COMPARUTIONS :

Jeremiah A. Eastman

Pour la demanderesse

Wendy Wright

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jeremiah A. Eastman

Avocat­procureur

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.