Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160129


Dossier : T-366-11

(Regroupé avec le dossier T-719-14)

Référence : 2016 CF 109

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

CANPLAS INDUSTRIES LTD.

demanderesse

et

AIRTURN PRODUCTS INC. ET

MERIT PRECISION MOULDING LIMITED

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Les défenderesses ont présenté une requête en modification de leur deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée. À l’appui de leur défense fondée sur l’évidence, elles souhaitent ajouter un document d’antériorité de référence concernant un produit fabriqué par Vent Air Inc.

[2]               La demanderesse s’oppose aux modifications, au motif que les défenderesses n’ont pas établi et ne sont pas en mesure d’établir que le produit de Vent Air a été divulgué publiquement avant la date de la revendication du 11 février 2002.

[3]               En l’absence d’éléments de preuve probants, la demanderesse prétend que la référence proposée est hypothétique et ne devrait pas être autorisée. En outre, la demanderesse a présenté une requête en radiation de toutes les mentions au produit de Vent Air dans le rapport d’expert de Richard Figliola et le recueil conjoint de documents.

[4]               La demanderesse ne fait pas valoir que cette modification tardive porterait préjudice à sa capacité de répondre. Il est reconnu que le produit de Vent Air a été dévoilé à la demanderesse fin 2014 et qu’il a été mis à la disposition de la demanderesse et de son témoin expert en mars 2015, aux fins d’inspection. Le témoin expert de la demanderesse s’est ensuite penché sur le fond du document d’antériorité de référence dans son rapport daté du 30 avril 2015. Ce faisant, il a supposé que le produit de Vent Air avait été dévoilé publiquement avant le 11 février 2002.

[5]               Les défenderesses caractérisent la position de la demanderesse de [traduction] « technique ». Elles maintiennent que, en l’absence de préjudice, même les modifications tardives sont généralement autorisées aux fins de « déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties » (voir l’arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 RCF 3, 1993 CanLII 2990 (CAF), au paragraphe 10).

[6]               L’opposition de la demanderesse à la modification proposée est fondée sur l’incapacité des défenderesses à fournir des détails sur le dévoilement public du produit de Vent Air avant la date de la revendication. Il est évident que l’échantillon du produit présenté par les défenderesses aux fins d’inspection a été fabriqué plusieurs années après la date de la revendication. Bien que l’échantillon renvoie bien à trois brevets de conception des États-Unis datant des années 1980, aucun de ces brevets ne vise le grillage qui est l’innovation que revendique la demanderesse. Selon la demanderesse, cet élément de preuve est insuffisant pour prouver la provenance temporelle du produit de Vent Air. La demanderesse soutient que les modifications devraient être refusées lorsqu’il est « évident et manifeste » que l’affirmation ne sera pas retenue. Un acte de procédure reposant uniquement sur des hypothèses et des spéculations sera radié. De la même manière, une modification qui n’est pas étayée par des éléments de preuve devrait être refusée. À l’appui de cet argument, la demanderesse cite l’arrêt Bauer Hockey Corp. c. Sport Maska inc., 2014 CAF 158, [2014] ACF no 646, la décision Caterpillar Tractor Co c. Babcock Allatt Limited, [1983] 1 CF 487, [1983] ACF no 528, la décision Terra Nova Shoes Ltd. c. Nike Inc., 2003 CF 1053, [2003] ACF no 1326, et la décision Nidek Co, Ltd c. Visx Inc, 2009 NR 342 (FCAD).

[7]               Je ne doute pas que, dans des circonstances appropriées, la modification d’un acte de procédure doit être refusée lorsque les faits allégués « ne peuvent manifestement pas être prouvés » (voir Bauer Hockey, précité, au paragraphe 14).

[8]               La même issue serait justifiée si, comme dans Caterpillar Tractor, précité, au paragraphe 11, la demanderesse admettait qu’elle n’a aucune preuve pour étayer l’allégation contestée ou s’il est par ailleurs évident que l’allégation sera rejetée.

[9]               Contrairement à la jurisprudence précitée, en l’espèce, les défenderesses continuent de chercher des éléments de preuve pour établir que le produit de Vent Air constitue en effet une antériorité. Refuser les modifications proposées avant le procès serait exclure pareille possibilité et exclure du dossier les éléments qui pourraient se révéler être des éléments de preuve pertinents.

[10]           Par contre, si les défenderesses ne sont pas en mesure de prouver que le produit de Vent Air est une antériorité, l’allégation et le témoignage d’opinion qu’elle appuie seraient exclus de l’analyse de la validité. La Cour est tout à fait capable de ne pas tenir compte d’une allégation non prouvée et une opinion fondée sur une hypothèse non vérifiée.

[11]           Il me semble que la jurisprudence citée par la demanderesse doit être interprétée à la lumière de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 242, [2014] ACF no 1082. Cet arrêt démontre qu’une démarche globale doit être adoptée. Le critère énoncé aux paragraphes 7 et 18 est particulièrement pertinent dans le contexte de la présente requête :

[17]      Dans la présente affaire, il aurait été dans l’intérêt de la justice que le juge dispose de toutes les antériorités pertinentes pour pouvoir examiner en profondeur la question de l’évidence, surtout que Janssen ne cherchait pas à l’aveuglette « le » document d’antériorité qui aurait étayé sa position. Comme nous l’avons mentionné, les experts des deux camps connaissaient l’existence de l’étude de M. Yawalkar. On a allégué que M. Chizzonite, spécialiste de l’IL‑12 et, a‑t‑on dit, de son utilisation éventuelle dans le traitement de maladies était l’auteur d’un des documents d’antériorité additionnels. Pourtant, AbbVie avait demandé à M. Chizzonite de ne pas parler de l’étude de M. Yawalkar dans son rapport.

[18]      La jurisprudence sur les modifications nous apprend qu’aucun facteur n’est à lui seul déterminant. La liste des facteurs à prendre en compte n’est pas exhaustive. Il faut procéder à un exercice de pondération et, bien qu’aucun facteur ne soit à lui seul prédominant, l’on doit accorder le poids qui convient aux facteurs pertinents dans chaque cas particulier. À notre avis, le juge a mal appliqué le critère énoncé et il n’a pas dûment tenu compte des facteurs pertinents, notamment le caractère particulier de l’affaire, qui porte sur une nouvelle technologie dont les aspects scientifiques et commerciaux complexes touchent au cœur du marché conclu entre l’inventeur et le public. Si le juge avait examiné tous les facteurs pertinents et les avait correctement appliqués à l’affaire qui nous occupe, il aurait autorisé la modification. Encore une fois, l’intérêt de la justice requérait que le juge dispose de l’ensemble des antériorités pertinentes.

[12]           Lorsqu’une modification proposée ne crée aucun préjudice de facto, il sera presque toujours dans l’intérêt de la justice de favoriser son autorisation. En décider autrement serait courir le risque considérable qu’un nouveau procès soit requis, comme ce fut le cas dans Janssen, précité. Il y aurait beaucoup moins de conséquences si la modification était autorisée et exclue d’un examen ultérieur si elle n’est pas prouvée.

[13]           Par conséquent, j’autoriserai les modifications présentées dans l’annexe «  A » de l’avis de requête des défenderesses. La demanderesse reconnaît que sa requête en radiation de certains passages des rapports d’expert des défenderesses et de certains documents du recueil conjoint de documents dépend entièrement de l’issue de la requête en modification des défenderesses. Par conséquent, cette requête est rejetée.

[14]           Les dépens de 2 500 $ afférents aux requêtes seront adjugés en faveur des défenderesses.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en modification des défenderesses soit accueillie.

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que la requête de la demanderesse soit rejetée.

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que les dépens de 2 500 $ afférents à chacune des deux requêtes soient adjugés en faveur des défenderesses.

 « R.L. Barnes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-366-11

 

INTITULÉ :

CANPLAS INDUSTRIES LTD.

c.

AIRTURN PRODUCTS INC. ET

MERIT PRECISION MOULDING LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 janvier 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

STEPHEN P. SHOSHAN ET ANTOINE MALEK

 

Pour la DEMANDERESSE

 

MATTHEW R. NORWOOD

 

Pour les DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Piasetzki Nenniger Kvas LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ridout & Maybee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.