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Date : 20151221

Dossier : T‑456‑15

Référence : 2015 CF 1390

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

BANQUE NATIONALE DU CANADA

demanderesse

et

DONALD BURNS ROGERS,

JANICE MARILYN ROGERS ET

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE « KICK AFT »

défendeurs

et

STEVEN CRATE

tierce partie

DIRECTIVES MODIFIÉES – DÉPENS

(RÈGLE 397(2))

[1]               Par décision datée du 26 octobre 2015, 2015 CF 1207, la requête en jugement sommaire de la Banque Nationale du Canada a été accueillie contre les défendeurs dans l’action en matière personnelle et en matière réelle concernant le navire Kick Aft. La somme de 603 406,26 $ ainsi que des intérêts après jugement ont été accordés.

I.                   Dépens sollicités

[2]               Quant aux dépens, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 52 de cette décision :

Les documents contractuels traitent des dépens, mais cette question relève toutefois du pouvoir discrétionnaire de la Cour. La Banque aura 15 jours à partir d’aujourd’hui soit pour informer la Cour que les dépens ont été acceptés soit pour présenter une requête en vue d’obtenir des directives.

[3]               Les avocats de la Banque ont informé la Cour que les parties ne s’étaient pas entendues sur les dépens, et ils lui ont donc demandé par requête de faire connaître ses directives. La Banque réclame les dépens sur la base d’une indemnisation complète. M. et Mme Rogers proposent pour leur part que les dépens soient adjugés conformément à la colonne III du tarif B.

II.                Arguments de la Banque

[4]               Les documents de financement signés par les Rogers prévoient expressément qu’en cas de défaut, ces derniers doivent indemniser la Banque pour les frais juridiques engagés. Il s’agit d’une disposition restrictive valide et non punitive.

[5]               De plus, les Rogers ont soulevé diverses « fausses pistes » qu’il a fallu régler.

[6]               La Banque soutient aussi que les Rogers devraient être condamnés à la pleine indemnisation des dépens parce qu’ils ont tenté, en vendant leur maison, de se mettre à l’abri de jugement. Elle réclame des honoraires de 151 303,50 $ ainsi que les débours et la taxe de vente harmonisée.

III.             Arguments des Rogers

[7]               Les Rogers soutiennent que, bien que jugement ait été rendu contre eux pour l’intégralité du montant réclamé, ils avaient assurément le droit de se défendre. De plus, ce sont les actions de la tierce partie Steven Crate, qu’ils ont tenté sans succès de faire reconnaître comme un mandataire de la Banque, qui les ont placés dans une situation déplorable.  

[8]               L’adjudication des dépens est de nature discrétionnaire. Il est exceptionnel d’adjuger des dépens avocat‑client, et encore plus la pleine indemnisation des dépens. Les Rogers n’ont pas vendu leur maison (en en achetant une autre) pour se mettre à l’abri du jugement. La vente a précédé l’action en justice et elle a déjà fait l’objet d’observations dans une ordonnance antérieure du protonotaire Aalto.

IV.             Analyse – tarif A

A.                Montant de 2 465,66 $ pour deux évaluations du Kick Aft

[9]               Le tarif A des Règles des Cours fédérales traite des débours nécessaires et le tarif B, des honoraires. Les Rogers contestent le montant de 2 465,66 $ demandé pour deux évaluations du Kick Aft. Ils affirment que ce débours se rapporte à la vente du Kick Aft, qui n’a pas encore eu lieu, et ne devrait pas faire partie des dépens afférents à la requête en jugement sommaire. Je donne à l’officier taxateur des directives concernant l’action dans son ensemble, et non seulement la requête en jugement sommaire. Dans l’ordonnance par laquelle il autorisait la vente, le protonotaire Aalto a expressément enjoint à la Banque d’obtenir deux évaluations indépendantes. Ces évaluations sont un débours nécessaire, qui est accepté. Conformément à l’ordonnance du protonotaire Aalto, les évaluations seront acquittées par prélèvement sur le produit de vente à titre de frais du shérif.

B.                 Prime d’assurance de 5 113,80 $ de la Banque

[10]           Après que les Rogers se sont trouvés en situation de défaut, la Banque a versé une prime de 5 113,80 $ pour assurer le Kick Aft. Il s’agissait d’une décision prudente dans les circonstances, et ce débours est donc autorisé. 

C.                 Droits de dépôt de 394,64 $ de la Banque

[11]           La Banque réclame 394,64 $ en droits de dépôt acquittés. Les avocats des Rogers soulignent que les droits de dépôt sont de 150 $ pour  la présentation d’une déclaration. Les avocats de la Banque ont expliqué que le montant de 394,64 $ incluait les frais de signification. La question n’ayant pas été portée à l’attention des Rogers précédemment, je laisse à l’officier taxateur le soin de la régler.

D.                Frais de photocopie et d’impression

[12]           Les Rogers contestent également les frais de photocopie et d’impression. Encore une fois, les frais de photocopie concernent l’action dans son ensemble, et non seulement la requête en jugement sommaire. Des photocopies sont assurément nécessaires, car la Cour exige le dépôt de nombreux documents en trois exemplaires et s’attend à la remise de recueils de jurisprudence. Je laisse toutefois le soin à l’officier taxateur de régler la question des frais de photocopie et d’impression.

E.                 Autres débours

[13]           Pour ce qui est de tout autre débours non mentionné, il reviendra à l’officier taxateur de prendre une décision à cet égard.

V.                Analyse – tarif B

[14]           Les articles 400 et suivants des Règles des Cours fédérales confèrent un large pouvoir discrétionnaire à la Cour en matière d’adjudication des dépens. Toutes choses étant égales, les dépens suivent habituellement l’issue de la cause. Il n’y aucune raison de ne pas adjuger les dépens à la Banque. Il ne reste qu’à savoir selon quelle base ils doivent l’être. Par défaut, c’est à la colonne III du tarif B qu’il faut recourir.

[15]           En ce qui concerne pour commencer l’allégation selon laquelle les Rogers ont tenté de se mettre à l’abri de tout jugement, j’estime qu’il s’agit d’une pure conjecture. Voir également l’affidavit de M. Rogers souscrit le 19 novembre 2015, à l’égard duquel ce dernier n’a pas été contre‑interrogé.

[16]           On traite souvent dans les contrats, particulièrement les contrats d’adhésion, des intérêts avant et après jugement et des dépens. La Cour conserve néanmoins son pouvoir discrétionnaire en la matière (voir Mount Royal/Walsh Inc. c Jensen Star (Le) (1988), 17 FTR 289 (CF 1re inst.), décision infirmée en partie sur une autre question, [1990] 1 CF 199, 99 NR 42 (CAF)). Par exemple, dans les affaires où un navire est vendu et où le produit de la vente ne suffit pas à désintéresser tous les créanciers, la Cour adjuge souvent des intérêts sur le fonds créé par la vente, selon le taux qu’elle accorde sur les sommes en dépôt (Nordea Bank Norge ASA c Kinguk (Le), 2007 CF 434).

A.                Honoraires d’avocats

[17]           La présente affaire était relativement simple. Comme il a été expliqué à l’audience relative aux directives, les avocats actuels de la Banque ont retenu les services d’un avocat spécialisé en droit maritime pour préparer et présenter la déclaration en matière réelle et en matière personnelle, l’affidavit portant demande de mandat et le mandat de saisie et pour prendre les mesures nécessaires pour la saisie du Kick Aft. C’était là faire preuve de prudence, et le temps consacré à ces tâches par l’avocat spécialisé en droit maritime est tout à fait raisonnable.

[18]           Par la suite, les avocats actuels de la Banque se sont occupés à nouveau du dossier. Bien qu’il s’agisse de plaideurs d’expérience, ils ne connaissaient pas bien la Cour fédérale, et pas du tout les actions en matière réelle. Par conséquent, un long apprentissage a été nécessaire et beaucoup de temps a dû être consacré à des questions de routine. Deux avocats ont été mis à contribution, alors qu’un seul aurait dû suffire.

[19]           Les clauses contractuelles d’indemnisation ne donnent pas « carte blanche » aux parties, en l’espèce pour qu’elles bénéficient d’un cours de droit maritime aux frais des Rogers. C’est la raison même pour laquelle la Cour conserve son pouvoir discrétionnaire (voir Romspen Investment Corp c 6711162 Canada Inc, 2014 ONSC 3480, [2010] OJ n° 273 (QL), le juge D.M. Brown). D’un autre côté, on peut aussi reprocher aux Rogers d’avoir soulevé des questions non pertinentes, par exemple en assimilant une action en matière réelle fondée sur une hypothèque maritime à la situation d’un créancier hypothécaire en possession d’un immeuble.

[20]           Les avocats réclament la pleine indemnisation de leurs honoraires de 151 303,50 $. Ni l’une ni l’autre partie n’a fourni de calculs fondés sur la colonne III du tarif B. Un coup d’œil rapide me semble toutefois indiquer que les avocats réclament au moins dix fois plus que l’extrémité supérieure de la colonne III. Cela ne convient tout simplement pas. J’ai décidé dans les circonstances, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, que le montant des honoraires doit être établi en fonction de l’extrémité supérieure de la colonne III du tarif B. On ne doit pas inclure d’honoraires pour la présence d’un second avocat lors des contre‑interrogatoires sur les affidavits et de l’instruction de la requête en jugement sommaire.

[21]           La Banque a toutefois droit à des honoraires additionnels de 15 000 $ en raison des documents contractuels et du fait qu’elle a dû traiter d’arguments ayant peu ou rien à voir avec une action en matière réelle.

B.                 Demande de pleine indemnisation de la Banque relativement à une requête présentée par les défendeurs

[22]           Une réclamation particulière de la Banque appelle des observations. La Banque demande une pleine indemnisation de 15 733,50 $ relativement à une requête en ajournement du jugement sommaire présentée par les défendeurs. Or, la requête a été accueillie sans frais. La Banque n’a droit à aucun montant au regard de cette requête.

C.                 Regroupement d’honoraires sous diverses rubriques par la Banque

[23]           La Banque a regroupé les honoraires réclamés sous diverses rubriques, qui ne correspondent pas toutefois aux rubriques de la colonne III du tarif B. L’officier taxateur devra se fonder sur la colonne III, rien de plus, rien de moins.

[24]           Étant donné le succès partagé des parties quant aux directives relatives aux dépens, aucuns dépens ne sont adjugés à leur égard.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑456‑15

INTITULÉ :

BANQUE NATIONALE DU CANADA c. DONALD BURNS ROGERS ET AUTRES

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE toronto (ontario) ET MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 DÉCEMBRE 2015

DirectiVES – DÉPENs :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES DIRECTIVES-DÉPENS :

 

LE 16 DÉCEMBRE 2015

MODIFIÉES :

LE 21 DÉCEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Michael S. Myers

Michael Hackl

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher J. Cosgriffe

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Papazian Heisey Myers

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Woolgar Van Wiechen Ketcheson Ducoffe LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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