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Date : 20160302


Dossier : T-812-15

Référence : 2016 CF 275

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 mars 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

R & S INDUSTRIES INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La présente est un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, concernant une décision (la décision) de Mme Jeannie Mah de la Division de la vérification de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Dans la décision, Mme Mah a rejeté un choix issu d’un formulaire T2059 modifié se rapportant aux paragraphes 96(5.1) et 97(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

[2]               La demanderesse, R&S Industries (R&S), soutient que la décision était à la fois injuste et déraisonnable sur le plan procédural. Le défendeur rejette les deux arguments, en soutenant également que la demande devrait être rejetée pour cause de dépôt tardif et de non-respect des critères de la Cour pour une prorogation du délai. Pour les motifs qui suivent, je souscris à la position du défendeur.

II.                Contexte

[3]               La demanderesse est une société de l’Alberta dont l’établissement principal se trouve à Edmonton. La société est dirigée par Roger Stokowski. Le 1er septembre 2005, la demanderessse a transféré ses biens, y compris l’achalandage, à Big Eagle Limited Partnership (BELP) par l’intermédiaire d’un accord d’acquisition et d’investissement (l’accord de transfert). BELP, tout comme R&S, était dirigé par Roger Stokowski à l’époque. La demanderesse affirme qu’il a transféré l’entreprise à une structure de partenariat afin de faire croître cette entreprise et d’attirer de nouveaux investisseurs. L’alinéa 4.1a) de l’accord de transfert énonçait que la demanderesse et BELP devaient :

[traduction]
Choisir conjointement et consigner dans le formulaire prescrit et dans le délai prescrit en vertu du paragraphe 97(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu que les montants choisis devant être considérés comme le produit de disposition de R&S et le coût [pour BELP] de chaque bien (à l’égard duquel le choix est effectué) selon les montants convenus minimums en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, en fonction de quoi le prix d’achat doit être attribué aux biens, pourvu toutefois qu’en ce qui concerne l’achalandage, le montant choisi soit, sauf accord contraire, égal à 2 502 600 $ (dossier de la demanderesse, page 42).

[4]               Le paragraphe 97(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu permet aux parties, dans le cadre d’un transfert vers un partenariat, de reporter les conséquences fiscales de ce transfert à une date ultérieure en choisissant conjointement qu’aux fins de l’impôt sur le revenu, un bien transféré a été vendu à un montant autre que la contrepartie véritable de l’échange. Le montant choisi par les parties, qui est établi en fonction de chaque bien plutôt que de l’ensemble de biens, constitue le montant convenu, et la Loi de l’impôt sur le revenu contient les règles indiquant ce que peut être ce montant. Les contribuables font ce choix en remplissant un formulaire T2059 (Choix relatif à la disposition de biens) à l’intention du présent défendeur.

[5]               L’alinéa 4.1a) de l’accord de transfert cité précédemment énonce que le montant convenu pour chaque bien serait le montant minimum permis par la Loi de l’impôt sur le revenu, excepté pour l’achalandage, qui serait de 2 502 600 $ sauf accord contraire. R&S soutient que ce montant a été choisi puisque les parties de l’accord de transfert ne connaissaient pas avec exactitude l’ampleur des biens et des dettes qui étaient transférés à BELP. Autrement dit, selon R&S, le montant de 2 502 600 $ pour l’achalandage correspondait à une estimation du montant équivalant à la différence entre la contrepartie sans capital-actions et le coût des biens transférés.

[6]               R&S affirme également que l’intention des parties était de rajuster le montant convenu pour l’achalandage s’il avait été déterminé que sa valeur était inexacte au moment de la signature de l’accord de transfert, puisque les renseignements n’étaient pas tous disponibles à ce moment.

[7]               R&S et BELP ont fait un choix conjoint, conformément aux modalités de l’accord de transfert, en remplissant un formulaire T2059 (le formulaire T2059 original). Toutefois, R&S affirme maintenant que le formulaire T2059 original contenait des erreurs. Plus précisément, la contrepartie sans capital-actions attribuée aux biens transférés, à l’exception de l’achalandage, dépassait les montants convenus (soit le montant minimum permis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour chaque bien), ce qui allait à l’encontre de l’intention des parties exprimée à l’alinéa 4.1a).

[8]               Le 19 janvier 2010, le défendeur a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2006 de R&S, soit l’année où le transfert a eu lieu. L’impôt à payer par R&S est passé de 5 120 $ à 490 270 $. R&S soutient que cette hausse était majoritairement fondée sur les montants erronés du formulaire T2059 original, tandis que le défendeur fait valoir que seulement [traduction] « 1 982 126 $ se rapportaient à la correction des conséquences fiscales des montants convenus soumis avec le formulaire de choix T2059 [original] » (dossier du défendeur, page 5). Une nouvelle cotisation subséquente produite par le défendeur et datée du 17 août 2010 permettait à la demanderesse de reporter rétrospectivement 2 027 605 $ en pertes de son année d’imposition 2009 et de réduire son impôt à payer en conséquence.

[9]               Le 12 novembre 2010, R&S a déposé un avis d’opposition à la nouvelle cotisation produite par le défendeur, selon le motif que les montants indiqués dans le formulaire T2059 original comportaient des erreurs (dossier du défendeur, page 57).

[10]           Le 12 mars 2012, Lori Tymchuk, agente des appels au sein de la Division des appels de l’ARC, s’est vu confier la tâche d’examiner l’opposition de la demanderesse (dossier du défendeur, page 6).

[11]           Le 17 janvier 2013, Mme Tymchuk a expliqué qu’elle n’aurait aucun motif de considérer de modifier la cotisation visée par l’appel en l’absence d’une modification dûment déposée en vertu du paragraphe 97(2), soit par le dépôt d’un formulaire T2059 modifié (le nouveau formulaire T2059) [dossier de la demanderesse, page 87].

[12]           R&S a ensuite soumis un nouveau formulaire T2059, conformément au paragraphe 96(5.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui permet de modifier le choix d’un report en vertu du paragraphe 97(2) lorsque, de l’avis du ministre, les circonstances sont telles que cela serait juste et équitable. Selon R&S, le nouveau formulaire T2059 a précisé que a) la contrepartie sans capital-actions pour chaque bien transféré (à l’exception de l’achalandage) équivalait au montant énoncé pour ce bien dans l’accord de transfert et que b) le montant convenu pour le transfert de l’achalandage équivalait au reste de la contrepartie sans capital-actions totale.

[13]           Mme Tymchuk, qui ne possédait pas le pouvoir d’approuver le choix de report modifié, a transmis le choix modifié à Jeannie Mah, chef d’équipe dans la Division de la vérification de l’ARC, qui disposait du pouvoir délégué de rendre une décision discrétionnaire en vertu du paragraphe 96(5.1) de la Loi sur les Cours fédérales conformément au pouvoir de l’ARC relatif au caractère « juste et équitable ». Dans une lettre datée du 10 juin 2013, Mme Mah a informé R&S que [traduction] « compte tenu de la délégation de pouvoir, le choix modifié a été transmis à la Division de la vérification aux fins d’examen et de considération d’approbation » (dossier de la demanderesse, page 89).

[14]           Le 18 juillet 2013, les observations du nouveau formulaire T2059 ont été transmises à Kathy Katzenback, une vérificatrice principale de l’impôt sur le revenu dans la Division de la vérification de l’ARC, aux fins d’examen. Mme Katzenback a par la suite demandé davantage de renseignements à la demanderesse au sujet d’un écart de 572 146 $ entre la contrepartie sans capital-actions totale qu’elle a relevée dans le document joint à l’avis d’opposition (39 931 772 $) et la contrepartie sans capital-actions totale figurant dans le nouveau formulaire T2059 (39 359 626 $) [dossier du défendeur, page 193]. Mme Katzenback a soumis plusieurs autres demandes de preuve écrites à la demanderesse relativement au choix modifié, mais aucun renseignement n’a pu être trouvé ou fourni : la demanderesse soutient qu’elle a eu de la difficulté à documenter l’écart en raison du roulement du personnel survenu à BELP.

[15]           Il appert également dans le dossier qu’à ce moment-là, Roger Stokowski avait perdu toute participation majoritaire au sein de BELP à la suite d’un rachat acrimonieux (dossier du défendeur, page 334).

[16]           Le 4 octobre 2013, R&S a dit au défendeur qu’il modifierait à nouveau le nouveau formulaire T2059 et accepterait le montant supérieur d’achalandage de 572 146 $ ayant été déterminé par Mme Katzenback, selon un montant possible avancé par le personnel de l’ARC. Ce nouveau montant d’achalandage a eu pour effet de faire augmenter le montant de l’achalandage transféré à 3 054 868 $.

[17]           Après son examen des observations du nouveau formulaire T2059, Mme Katzenback a décidé de refuser la modification. Elle a alors soumis son analyse et ses recommandations à Mme Mah.

[18]           Le 31 janvier 2014, Mme Mah a transmis à R&S sa décision de rejeter le dépôt du nouveau formulaire T0259. Dans sa décision, qui est l’objet du présent contrôle judiciaire, Mme Mah a conclu qu’il [traduction] « ne semble pas y avoir de disposition dans l’accord [entre R&S et BELP] qui exigerait les réaffectations fournies », mais plutôt que [traduction] « les réaffectations font en sorte que le montant convenu pour l’achalandage est exagéré et contrevient aux modalités précises de l’accord ». Elle a conclu qu’en vertu du pouvoir qui lui était délégué au paragraphe 220(2.01) de la Loi de l’impôt sur le revenu et des faits présentés, la demande de modification du formulaire T2059 original déposée conformément au paragraphe 97(2) était rejetée (dossier de la demanderesse page 14).

[19]           Mme Mah n’a indiqué nulle part dans sa décision de quelle façon la demanderesse pouvait contester cette dernière. R&S soutient qu’il ne savait pas qu’il s’agissait d’une décision rendue conformément aux dispositions du paragraphe 96(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu relatives au caractère « juste et équitable », soit une décision dont le recours est le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Il affirme également qu’étant donné que l’ARC n’a pas indiqué clairement qu’il s’agissait d’une décision définitive concernant le choix modifié, il ne savait pas que le délai de 30 jours alloué pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales avait commencé à s’écouler à compter de la date de réception de la décision.

[20]           L’avocat de R&S a écrit deux lettres subséquentes à la Division de la vérification demandant de discuter du rejet contenu dans la décision et précisant que la demanderesse croyait qu’elle était parvenue à un accord avec Mme Tymchuk pour l’acceptation du nouveau formulaire T2059.

[21]           Mme Tymchuk a envoyé une lettre de réponse à R&S le 30 mai 2014 indiquant que le chef de l’équipe de vérification de l’ARC, Mme Mah, avait rejeté le nouveau formulaire T2059, et que si R&S considérait cette décision comme problématique, elle pouvait déposer une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales dans les [traduction] « 30 jours suivant la date de réception initiale de la lettre » (dossier de demanderesse, page 246). Mme Tymchuk a ensuite indiqué qu’elle maintiendrait l’opposition [traduction] « en suspens » si R&S souhaitait déposer une demande de contrôle judiciaire. Elle a également précisé qu’elle aurait toutefois besoin, pour ce faire, d’une copie du formulaire 301 (Avis de demande) rempli avant le 20 juin 2014 (dossier de la demanderesse, page 246). Mme Tymchuk a déclaré qu’elle procéderait autrement à l’évaluation de l’opposition de la demanderesse en se fondant sur le formulaire T2059 original.

[22]           Le 8 août 2014, Carla Schur-Ellison, chef d’équipe de la Division des appels de l’ARC, a écrit une autre lettre à la demanderesse portant cette fois l’en-tête suivant : [traduction] « Avis d’opposition : Décision définitive ». La lettre indiquait que puisque le choix modifié avait été rejeté par Mme Mah, l’opposition avait été évaluée en fonction du formulaire T2059 original, et la conclusion suivante avait été formulée :

[traduction]
Comme nous avons vérifié que les rajustements de la vérificatrice correspondent correctement aux conséquences fiscales [...] en fonction des montants choisis décrits à l’Annexe A soumise avec le formulaire de choix T2059 et la demande de modification du choix a été rejetée, notre décision est de confirmer la cotisation (dossier de la demanderesse, page 109).

[23]           Mme Schur-Ellison a aussi indiqué que si la demanderesse était en désaccord avec la décision de confirmer la nouvelle cotisation, il pouvait faire appel de la décision auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Si, toutefois, la demanderesse était en désaccord avec la décision de rejeter le nouveau formulaire T2059, le recours adéquat [traduction] « était le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision [...] dans les 30 jours suivant la date de réception initiale de la décision » (dossier de la demanderesse, page 110).

[24]           Le 6 novembre 2014, R&S envoyé un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt concernant la confirmation de la cotisation de 2010. Dans cet avis, R&S indique que les représentants du défendeur [traduction] « étaient responsables d’un climat de confusion » et qu’il n’a jamais été clair, au fil de la procédure, que l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel avait eu lieu (dossier de la demanderesse, page 116).

[25]           Le 16 avril 2015, le défendeur a déposé une réponse (la réponse) dans l’affaire de l’appel devant la Cour canadienne de l’impôt présenté par la demanderesse. Dans la réponse, le défendeur déclare que la [traduction] « Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour réaliser le contrôle judiciaire de la décision du ministre à cet égard » (dossier de la demanderesse, page 125). Dans ce contrôle judiciaire, R&S soutient que cette réponse représentait la première fois où [traduction] « la nature, le contexte et les raisons de la décision [de rejeter le formulaire de choix T2059 modifié] ont été fournis de façon intégrale » (dossier de la demanderesse, page 311).

[26]           Ce contrôle judiciaire a été déposé le 19 mai 2015.

III.             Décision

[27]           Dans sa décision du 31 janvier 2014, Mme Mah indique qu’elle a examiné le nouveau formulaire T2059, qui [traduction] « modifiait [le formulaire T2059 original] en rajustant la contrepartie sans capital-actions et la contrepartie en capital-actions attribuées à chacun des biens transférés au partenariat ». Mme Mah fait remarquer que bien que les rajustements aient été apportés conformément à l’interprétation de l’avocat à l’égard de l’alinéa 4.1a) de l’accord de transfert, une [traduction] « clause normalisée dans les accords dans le cadre desquels un contribuable transfère un bien à une société ou à un partenariat », les rajustements ont donné lieu à une augmentation de l’achalandage relativement au montant choisi, qui est ainsi passé de 2 502 600 $ à 3 054 868 $ (dossier de la demanderesse, page 13-14).

[28]           Outre la hausse du montant de l’achalandage, Mme Mah a fait état d’un deuxième problème, soit que le nombre de parts du partenariat au sein de BELP ayant été attribuées à la demanderesse dans l’accord, à savoir 20 499 334, différait du nombre de 20 384 909 figurant dans le nouveau formulaire T2059. Elle a constaté que la valeur totale de ces parts initialement transférées était de 102 496 670 $, tandis que la valeur totale du montant correspondant dans le nouveau formulaire T2059 était de 101 924 524 $, soit une baisse de 572 146 $, qui équivaut à l’écart relevé par Mme Katzenback (la différence entre la contrepartie sans capital-actions totale indiquée dans l’avis d’opposition et la contrepartie sans capital-actions totale indiquée dans le nouveau formulaire T2059).

[29]           Mme Mah a conclu qu’il [traduction] « ne semble pas y avoir de disposition dans l’accord qui exigerait les réaffectations fournies [...] En fait, les réaffectations font en sorte que le montant convenu pour l’achalandage est exagéré et contrevient aux modalités précises de l’accord, qui énonce précisément que le montant choisi doit être de 2 502 600 $ ». Par conséquent, Mme Mah a rejeté la demande de modification du formulaire T2059 original.

IV.             Analyse

[30]           Trois questions ont été soulevées par la demanderesse dans le présent contrôle judiciaire :

A.                     Le contrôle judiciaire est-il frappé de prescription?

B.                     Le délégué du défendeur a-t-il omis de donner à la demanderesse une occasion adéquate de formuler des observations avant de rejeter le nouveau formulaire T2059, et par le fait même a-t-il privé la demanderesse de son droit à l’équité procédurale?

C.                     La décision est-elle raisonnable?

[31]           En examinant les actes du défendeur relativement à l’équité procédurale, la Cour devrait appliquer la norme de la décision correcte [Williams c. Canada (Revenu national), 2011 CF 766, au paragraphe 13 et Yachimec c. Canada (Revenu national), 2010 CF 1333, au paragraphe 31]. Dans le cadre d’un examen fondé sur la norme de la décision correcte, « [l]a cour de révision [...] n’acquiesce pas au raisonnement du décideur »; elle doit plutôt entreprendre sa propre analyse de la question (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 50 [Dunsmuir]).

[32]           Pour ce qui est du fond de la décision, les décisions discrétionnaires de l’ARC demandent l’application de la norme de la décision raisonnable (Coombs c. Canada (Revenu national), 2012 CF 1499, au paragraphe 14, Canada (Procureur général) c. Abraham, 2012 CAF 266, au paragraphe 32; Dingman c. Canada (Revenu national), 2009 CF 395, au paragraphe 26). Dans un examen fondé sur la norme de la décision raisonnable, la Cour devrait acquiescer au raisonnement de l’agent et intervenir seulement si l’évaluation de ce dernier est insuffisante sur le plan de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité et ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

A.                Le contrôle judiciaire était-il frappé de prescription?

[33]           Le défendeur a fait valoir de façon préliminaire que ce contrôle judiciaire devrait être rejeté étant donné que la demande n’a pas été déposée dans le délai prescrit, qu’aucune ordonnance de la Cour n’a prorogé le délai de dépôt de la demande, et qu’il n’y a aucune raison justifiant que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande, conformément au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, qui se lit comme suit :

Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

[34]           La demanderesse insiste sur le fait que la décision n’a jamais été dûment communiquée avant le 16 avril 2015, soit la date où la réponse a été déposée dans les procédures de la Cour canadienne de l’impôt, et qu’ainsi le dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire le 19 mai 2015 respectait le délai de 30 jours.

[35]           La Cour d’appel fédérale a établi que l’exigence que la décision soit communiquée signifie que [traduction] « l’instance décisionnelle [doit accomplir] un acte positif quelconque pour communiquer ses décisions aux parties directement touchées » [Atlantic Coast Scallop Fishermen’s Association c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), (1995), 189 NR 220 à 222 (CAF)]. La Cour d’appel fédérale a également établi que « [l]e fait d’attendre les motifs ne constitue pas une excuse acceptable pour le défaut de déposer une demande dans les délais prescrits » [Canada (Procureur général) c. Trust Business Systems, 2007 CAF 89, au paragraphe 27].

[36]           J’estime que la première lettre du défendeur, envoyée le 31 janvier 2014, communiquait à la demanderesse de façon suffisamment éloquente la décision selon laquelle elle devait se conformer aux exigences de dépôt en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Mme Mah a communiqué la décision rendue, fourni les motifs et exprimé le fait que l’exercice se rapportait à une délégation de pouvoir ministériel en vertu du paragraphe 220(2.01) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[37]           L’ARC n’avait absolument aucune obligation d’énoncer le recours possible, soit de déposer une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Dans l’éventualité où cela aurait été une obligation, les deux communications subséquentes de l’ARC, soit celle du 30 mai 2014 de Mme Tymchuk et la lettre du 8 août 2014 de Mme Schur-Ellison de l’ARC, indiquaient tout à fait clairement que l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales s’appliquait et, par conséquent, une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale constituait la tribune appropriée pour contester la décision. Malgré tout, la demanderesse n’a déposé aucune demande de contrôle judiciaire avant le 19 mai 2015, c’est-à-dire plus de 15 mois après que la décision a été initialement communiquée, et bien au-delà de la période de 30 jours prescrite par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

[38]           R&S soutient que la réponse de l’ARC du 16 avril 2015 [traduction] « représentait la première fois que la décision de l’ARC à l’égard du dépôt du formulaire était communiquée à la demanderesse dans un contexte manifeste que l’on pouvait clairement considérer comme l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel faisant en sorte que la demanderesse puisse soumettre la présente demande de manière concrète » (dossier de la demanderesse, page 9).

[39]           Je ne peux pas accepter cette affirmation. La lettre de Mme Mah datée du 31 janvier 2014 indiquait tout à fait clairement son inclination à l’égard de la demande de modification de choix. Ce n’aurait pu être plus évident. Je n’accepte également pas l’argument selon lequel le défendeur a le devoir d’énoncer les conséquences de chaque décision de même que le recours possible devant les tribunaux. La demanderesse n’a pas été en mesure de m’indiquer de la jurisprudence à l’appui. En outre, R&S n’a pas été en mesure d’expliquer en quoi les deux lettres subséquentes de l’ARC, dans lesquelles le mécanisme d’évaluation a été présenté sans équivoque, manquaient de clarté. En effet, dans sa lettre du 30 mai 2014, Mme Tymchuk a offert de maintenir le processus d’opposition en suspens si R&S souhaitait déposer une demande de contrôle judiciaire et elle a fourni la date limite avant laquelle elle devait recevoir la preuve du dépôt d’une telle demande. R&S a toutefois choisi de ne pas répondre à cette offre.

[40]           Le défendeur a avisé R&S de ses droits de recours à la Cour fédérale, encore une fois, dans la lettre du 8 août 2014 de Mme Schur-Ellison; une fois de plus, aucune demande de contrôle judiciaire ne s’en est ensuivie. R&S disposait d’un avocat tout au long de ce processus. S’il avait été question d’une partie non représentée par un avocat dans une situation semblable, le délai de 16 mois aurait pu être plus facile à justifier, mais l’avocat a même témoigné lors du contre-interrogatoire concernant sa connaissance de la différence entre des décisions déléguées et les décisions prises dans le processus d’évaluation et d’appel (dossier du défendeur, pages 331 et 332).

(1)               Devrait-on accorder une prorogation du délai?

[41]           Compte tenu du long retard, je dois maintenant évaluer si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai. Ce pouvoir discrétionnaire est guidé par une série de principes flexibles, plus récemment reformulés sous la forme de quatre questions dans l’arrêt Exeter c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 253 (Exeter), au paragraphe 4 :

1.       La partie requérante a-t-elle eu l’intention constante de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire?

2.       La partie intimée a-t-elle subi un préjudice en raison du retard de la partie requérante?

3.       La partie requérante a-t-elle donné une explication raisonnable pour justifier son retard?

4.       La demande de contrôle judiciaire envisagée a-t-elle des chances d’être accueillie?

[42]           Comme il est indiqué dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2012 CAF 322, ces questions servent à guider cet exercice du pouvoir discrétionnaire, plutôt qu’à lui poser une contrainte d’une quelconque façon. La question à laquelle je dois répondre en fin de compte est si, dans les circonstances présentées, le fait de faire justice à la situation relative aux deux parties exige d’accorder une prorogation du délai (Grewal c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1985) 2 CF 263 (Grewal), p. 272).

[43]           Après réflexion, j’en viens à la conclusion que je n’exercerai pas ce pouvoir discrétionnaire. R&S ne respecte pas les principes de l’arrêt Exeter pour les raisons suivantes.

(a)                Intention constante de poursuivre

[44]           Le délai de 15 mois entre la décision et le dépôt de la demande de contrôle judiciaire a été ponctué de longues périodes de silence. Il est encore plus important de noter que, pendant cette période, la demanderesse n’a jamais pris de mesures lorsqu’on lui a fourni des détails explicites au sujet du recours possible. Elle a choisi de ne pas se prévaloir de l’offre de maintien en suspens de l’opposition que lui a faite l’ARC en mai 2014. Bien que R&S ait soumis quelques demandes de renseignements et soit demeurée en contact à divers moments au cours de la période de 15 mois en question, elle aurait dû soumettre cette demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours suivant la lettre datée du 31 janvier 2014, ou à tout le moins dans les 30 jours suivant la lettre de Mme Tymchuk datée du 30 mai 2014. Le fait de ne pas avoir non plus déposé la demande à la suite de la lettre du 8 août 2014 de Mme Schur-Ellison a constitué la troisième « fausse manœuvre », à mon avis. Il est bien possible, comme le suggère le défendeur, que cette demande ait été déposée seulement en mai 2015 puisque ce serait à ce moment-là que la demanderesse se serait rendu compte qu’elle n’obtiendrait peut-être pas la réparation demandée à la Cour canadienne de l’impôt.

(b)               Préjudice à la partie intimée

[45]           Le défendeur a subi un préjudice en raison du retard. Les décisions de l’ARC, comme bon nombre des autres décisions rendues par des entités gouvernementales, doivent tenir compte du principe du caractère définitif des décisions (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, au paragraphe 87). Ces deux principes seraient remis en cause si j’accordais la prorogation demandée. La demanderesse a soutenu que, puisque le litige devant la Cour canadienne de l’impôt s’est poursuivi tout au long de cette période, le caractère définitif n’était pas perdu. Toutefois, cette interprétation fusionne à tort les deux décisions distinctes, soit celle de rejeter le nouveau formulaire T2059 et celle de rejeter l’opposition, en une action continue.

(c)                Explication raisonnable

[46]           En outre, j’estime que la demanderesse n’a pas respecté le troisième critère, soit de donner une explication raisonnable pour justifier son retard. Dans le présent cas, R&S a été représentée tout au long du processus par d’éminents professionnels des domaines juridique et fiscal. Des erreurs ont été commises au fil du processus, mais ces erreurs sont excusables; la Loi de l’impôt sur le revenu fournit un recours pour réparer ces erreurs ainsi que des possibilités de remettre en question tout effort infructueux de réparation. Ce qui n’était pas raisonnable, toutefois, c’était la longueur du retard. Bien que la prise en compte des lettres de mai et d’août 2014 de l’ARC se serait soldée par le non-respect du délai, il y aurait certainement eu un argument plus puissant à ce moment pour justifier la demande d’une prorogation du délai par la demanderesse, particulièrement compte tenu de l’offre de l’ARC proposant le maintien en suspens de l’opposition, qui a été formulée un peu moins de 12 mois avant que R&S finisse par déposer une demande.

(d)               Bien-fondé de la demande

[47]           Enfin, et plus important encore du point de vue du fond, j’estime que la demande n’est pas fondée. Les occasions susmentionnées de fournir l’information et la documentation nécessaires à l’ARC étaient tout à fait suffisantes, et pouvaient être considérées comme équitables pour R&S. L’ARC a fait preuve de patience à l’égard de la demanderesse, et a même fait son possible pour aider R&S au besoin. L’offre de Mme Tymchuk de maintenir en suspens le processus d’opposition en a notamment témoigné. Cette attitude a également pu être observée lorsque la demanderesse n’arrivait pas à retrouver sa propre documentation de déclarations antérieures soumises à l’ARC, après qu’on lui a demandé d’expliquer ses positions dans la demande de modification (nouveau formulaire T2059). En effet, afin d’aider R&S, l’ARC lui a finalement renvoyé ses propres documents fiscaux qu’il avait soumis antérieurement à l’ARC.

[48]           R&S soutient qu’elle aurait dû être prévenue, avant la décision, que le nouveau formulaire T2059 et l’accord de transfert entraient en conflit. Elle affirme également qu’elle aurait dû avoir la chance de fournir une réponse à la question de l’achalandage. Ce faisant, R&S revendique essentiellement le droit d’examiner l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel avant qu’il ait lieu. Je ne souscris pas à l’idée qu’il y a eu un manque d’équité ou des lacunes dans les avis ou les communications. La demanderesse disposait d’amplement de temps pour donner une réponse, et savait qu’il y avait des questions concernant l’achalandage et les chiffres, même après le choix modifié dont le rapprochement ne concordait pas.

[49]           La jurisprudence comportant des exercices comparables du pouvoir discrétionnaire ministériel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu suggère que le défendeur doit accepter les observations et demeurer communicatif, mais refuser catégoriquement un droit procédural plus lourd de commenter une décision avant qu’elle soit prise. Par exemple, dans l’arrêt Sheery c. Canada (Revenu national), 2011 CF 1208, au paragraphe 18, la Cour a décidé que « [l]a demanderesse a eu amplement la possibilité de communiquer tous les renseignements nécessaires à l’ARC lorsqu’elle a présenté sa demande d’examen. Les règles d’équité procédurale ne lui donnaient pas le droit de faire d’autres commentaires avant que la décision soit rendue ». Dans l’arrêt Costabile c. Canada (Agence du revenu), 2008 CF 943, aux paragraphes 37 et 38, le demandeur a exprimé son désaccord avec le fait qu’il n’avait pas eu l’occasion de discuter du résultat ou de l’examen de l’ordonnance d’équité. Le juge Russell avait rejeté la plainte du demandeur, en établissant que « [l]e demandeur a eu l’occasion de soumettre des renseignements et des documents lorsqu’il a présenté sa demande fondée sur les dispositions d’équité. Selon moi, le ministre n’était pas tenu de demander d’autres renseignements, d’autres documents ou d’autres observations de la part du demandeur en l’espèce. ». Je conclus que la justification de ces décisions s’applique de la même manière dans le contexte du paragraphe 96(5.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[50]           L’approche du défendeur au fil du processus a été tout à fait appropriée et équitable. R&S s’est vu offrir à répétition l’occasion de formuler des observations, et le défendeur était en communication avec lui tout au long du processus décisionnel. La preuve révèle même que Mme Katzenback a tenté plusieurs fois de communiquer avec R&S et son avocat pour discuter des préoccupations qu’elle avait, mais que R&S n’a souvent pas répondu (dossier du défendeur, page 195). Lorsque Mme Katzenback a demandé de la preuve expliquant l’écart entre la contrepartie sans capital-actions indiquée dans le nouveau formulaire T2059 et la contrepartie sans capital-actions figurant dans l’avis d’opposition, R&S n’a pas été en mesure de fournir quelque preuve que ce soit. Le défendeur n’était pas tenu, aux termes des exigences relatives à l’équité procédurale, d’en faire plus que cela.

[51]           En ce qui a trait à l’argument de la demanderesse concernant le caractère raisonnable de la décision du défendeur, je ne relève aucune erreur donnant lieu à révision. Le défendeur a pris en compte l’accord de transfert, comme il s’agissait de l’unique preuve existante concernant l’achalandage, et a tiré une interprétation justifiable et intelligible de ses modalités.

[52]           R&S soutient que le défendeur a commis une erreur déraisonnable en exigeant que, pour accepter le nouveau formulaire T2059, il y ait une preuve écrite d’un accord pour la modification du montant d’achalandage choisi, afin qu’il passe de 2 502 600 $ (conformément à l’accord de transfert) à 3 054 868 $. R&S soutient que l’alinéa 4.1a) de l’accord n’impose pas cette exigence, et que comme les sociétés BELP et R&S étaient toutes deux dirigées par M. Stokowski, il aurait été insensé qu’il rédige un contrat pour démontrer qu’il partageait une intention avec lui-même. À la lumière de cela, le nouveau formulaire T2059 aurait dû être une preuve plus qu’adéquate des intentions de Roger Stokowski.

[53]           R&S soutient également que l’interprétation du contrat par le défendeur est illogique, parce qu’elle contrevient aux règles de l’accord de transfert citées par le défendeur comme non respectées, en raison du raisonnement déficient suivant :

A.                Le défendeur exige que le montant convenu pour l’achalandage soit de 2 502 600 $, puisqu’il n’y avait aucun accord écrit autrement.

B.                 Par conséquent, le défendeur interprète que l’accord de transfert exige que toute hausse de la contrepartie sans capital-actions cumulative, qui serait normalement attribuée à l’achalandage, soit attribuée à d’autres biens non liés à l’achalandage.

C.                 Toutefois, l’interprétation du défendeur exigerait également que la contrepartie sans capital-actions de tout bien soit conforme aux modalités de l’accord de transfert, qui énonçaient que la contrepartie sans capital-actions correspondait au coût de chaque bien en question.

D.                Par conséquent, si la contrepartie sans capital-actions excédentaire était attribuée à d’autres biens non liés à l’achalandage, les modalités de l’accord de transfert et l’alinéa 4.1a) ne seraient pas respectés de toute façon.

[54]           Je ne peux pas accepter ces arguments. L’interprétation par l’ARC de l’accord de transfert et des faits sous-jacents était raisonnable. Autrement dit, on manquait d’éléments de preuve pour corroborer l’allégation de la demanderesse selon laquelle un nouvel accord avait été conclu, et le défendeur a tiré une conclusion raisonnable de l’absence de ces éléments de preuve. En ce qui concerne les observations de R&S sur la logique de la décision en soi, le défendeur soutient que R&S ignore les mots [traduction] « pourvu toutefois », qui constituent un passage crucial dans l’interprétation de l’alinéa 4.1a) de l’accord de transfert (reproduit précédemment), de telle sorte que Mme Katzenback avait l’entière possibilité de conclure que si l’achalandage ne conservait pas la valeur de 2 502 600 $, il fallait avoir l’accord des autres parties. Je suis d’accord que les mots [traduction] « pourvu toutefois » de l’alinéa 4.1a) ont une signification claire et nette.

[55]           Malgré les arguments de caractère illogique de la structure et du résultat de la décision de l’ARC, il ne semble y avoir aucun élément déraisonnable dans les conclusions du défendeur, qui a conclu que 1) l’accord de transfert exige qu’un certain montant soit fixé pour l’achalandage, sauf accord contraire des parties, 2) le nouveau formulaire T2059 n’applique pas ce montant pour l’achalandage et 3) par conséquent, il contrevient à l’accord de transfert et ne devrait pas être accepté. Le défendeur a demandé de la preuve corroborant un accord entre les parties pour justifier le choix modifié, mais aucune preuve n’a été présentée.

[56]           Comme l’a indiqué le juge Evans dans l’arrêt Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 25, soit un autre contrôle judiciaire de l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, « [l]ors d’un contrôle judiciaire suivant la norme de la raisonnabilité, le juge doit examiner le processus décisionnel (y compris les raisons avancées pour justifier la décision) afin de s’assurer qu’il offre une “ justification ” rationnelle de la décision, qu’il est transparent et qu’il est intelligible ». La Cour ne peut se mettre en quête de la « bonne » réponse. J’estime plutôt qu’il s’agit d’une conclusion transparente et intelligible fournie par une instance décisionnelle possédant de l’expertise en la matière et, selon la perspective respectueuse d’un examen fondé sur la norme de la décision raisonnable, il n’y aurait aucune raison de la modifier.

[57]           En résumé, en tenant compte des principes énoncés dans les arrêts Exeter et Grewal, je ne puis conclure que la demanderesse devrait se voir accorder une prorogation de délai.

V.                Conclusion

[58]           À la lumière de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Elle n’a pas été déposée en temps opportun, et je ne vois aucune raison d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour l’admettre, étant donné que R&S n’a pas respecté les critères énoncés dans l’arrêt Exeter.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Les dépens sont attribués au défendeur.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-812-15

 

INTITULÉ :

R & S INDUSTRIES INC. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 MARS 2016

 

COMPARUTIONS :

Darryl Antel

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Donna Tomljanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Moodys Gartner Tax Law LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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