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Date : 20160217


Dossier : T-2553-14

Référence : 2016 CF 213

Ottawa (Ontario), le 17 février 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

JEAN-PHILIPPE VARIN

demandeur

et

TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur attaque une décision de la Sous-ministre adjointe et Directrice générale de la surveillance de Travaux publics et services gouvernementaux Canada [TPSGC ou l’employeur], Barbara Glover [Sous-ministre adjointe], rendue le 18 novembre 2014 en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art 2, et rejetant au dernier palier son grief contestant la révocation de sa cote de fiabilité.

[2]               La cote de fiabilité du fonctionnaire constitue une condition d’emploi essentielle pour occuper un poste à TPSGC ainsi que dans l’administration publique centrale. C’est la Norme sur la sécurité du personnel – mise en œuvre par le Conseil du Trésor du Canada en vertu des alinéas 7(1)e), 11.1(1)b) et 11.1(1)j) de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F-11 – qui s’appliquait à l’époque. La Norme sur la sécurité du personnel prévoit deux types d’enquête de sécurité pour le personnel des ministères concernés par la Loi sur la gestion des finances publiques – l’évaluation de la fiabilité et l’évaluation de la loyauté et de la fiabilité qui se rapporte à la loyauté. L’évaluation de la fiabilité mène à l’octroi d’une cote de fiabilité (soit « de base » ou « approfondie ») et l’évaluation de la loyauté mène à l’octroi d’une cote de sécurité  (soit « confidentiel », « secret » ou « très secret »).

[3]               En l’espèce, la Sous-ministre adjointe a entériné la décision prise le 28 avril 2014 par Karl Shepherd, Agent de sécurité du ministère [ASM] de révoquer la cote de fiabilité du demandeur, ce qui a entraîné son licenciement. De fait, la Sous-ministre adjointe s’est déclarée satisfaite que le processus relatif à l’examen de la cote de fiabilité du demandeur a été suivi et que la décision de révoquer la cote de fiabilité du demandeur repose sur des éléments factuels, pertinents et valides. Le demandeur prétend aujourd’hui que le rejet du grief ne constitue pas une issue acceptable en regard de la preuve au dossier et du droit applicable, tandis que le processus relatif à l’examen de sa cote de fiabilité n’a pas été juste et équitable.

[4]               Les faits pertinents ne sont pas contestés par les parties, bien que celles-ci en tirent des conclusions différentes.

[5]               Depuis mai 2006, le demandeur a occupé divers postes au sein de la fonction publique fédérale.

[6]               Le 10 août 2009, le demandeur a agressé son ex-conjointe de fait [Y] avec un couteau de cuisine et a dû faire face à diverses accusations criminelles (tentative de meurtre, séquestration et menaces de causer la mort ou des lésions corporelles). Le 11 février 2010, un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu par le tribunal. Conformément aux dispositions de l’article 672.47 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, une commission d’examen des troubles mentaux a imposé au demandeur certaines conditions, notamment qu’il devait s’abstenir d’être en présence physique de Y ou de sa famille, et qu’il devait s’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec Y. Le 31 mars 2010, la commission a modifié ces conditions, permettant au demandeur d’être en contact avec Y si c’était à l’initiative de cette dernière. Le 19 avril 2011, la commission a libéré inconditionnellement le demandeur.

[7]               Au moment de l’incident du 10 août 2009, le demandeur détenait une cote de fiabilité et une cote de sécurité « très secret ». En septembre 2009, suivant cet incident, le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada [MAECI] a suspendu temporairement la cote de fiabilité du demandeur. En janvier 2011, le MAECI a réactivé la cote de fiabilité et la cote de sécurité « très secret » du demandeur. Le MAECI a également renouvelé la cote de fiabilité du demandeur le 24 mars 2011. En juillet 2011, le demandeur a participé à une entrevue de sécurité avec le Service canadien du renseignement de sécurité, durant laquelle il a dû répondre à des questions concernant l’incident du 10 août 2009. Le 22 septembre 2011 la cote de sécurité du demandeur a également été renouvelée.

[8]               Le 27 mars 2014, le demandeur s’est vu offert un poste de Juricomptable principal à Gatineau dans la Groupe de la gestion juricomptable de TPSGC. Il devait entrer en fonction le 14 avril 2014, mais l’employeur a décidé de procéder à une réévaluation de sa cote de fiabilité après avoir été informé, le 27 mars 2014 ou peu après, que le demandeur avait pris l’initiative d’adresser un courriel « non désiré » à Y. Cette dernière est une avocate du ministère de la Justice travaillant aux services juridiques de TPSGC à Gatineau, soit dans le même édifice où travaillent les fonctionnaires du Groupe de la gestion juricomptable de TPSGC.

[9]               Le 27 mars 2014, le demandeur a adressé le courriel suivant à Y :

Bonjour Me,

J’espère que tu vas bien. Je voulais connaître ton intérêt à travailler sur des dossiers d’intégrité financière/fraudes/criminalité financière?

Merci

Jean-Philippe

[10]           Y a averti immédiatement son gestionnaire de ce courriel « non désiré ». À la demande de la Sous-ministre adjointe, l’ASM a initié une enquête, en demandant à deux employés de la Direction de la sécurité ministérielle, Mario Jutras et Brent Kereliuk, de commencer une procédure d’établissement des faits de la situation. M. Jutras a rencontré Y pour discuter de l’agression, des accusations criminelles contre le demandeur et des décisions judiciaires pertinentes. M. Jutras et M. Kereliuk ont effectué des démarches pour obtenir le dossier complet de sécurité du demandeur qui était incomplet et ne mentionnait pas l’incident du 10 août 2009, ainsi que les décisions judiciaires impliquant le demandeur. Ayant pris connaissance des résultats de la procédure d’établissement des faits, la Sous-ministre adjointe a alors demandé qu’on procède à une réévaluation de la cote de fiabilité du demandeur. L’ASM a demandé à M. Jutras de faire enquête. Le 11 avril 2014, M. Jutras a rencontré le demandeur pour l’aviser que sa cote de fiabilité était suspendue et devait être réévaluée en raison de l’information défavorable qui avait été obtenue à son sujet.

[11]           Le 14 avril 2014, le demandeur a participé à une première entrevue, menée par M. Jutras et qui a été enregistrée. Le demandeur a choisi de ne pas être représenté par un avocat ou un représentant syndical. M. Jutras a avisé le demandeur qu’il était important d’être honnête et que la véracité de ses réponses était cruciale et servirait à évaluer sa fiabilité (Transcription de l’entrevue du 14 avril 2014, à la page 6).

[12]           Pendant l’entrevue, qui a duré près de trois heures, M. Jutras a questionné le demandeur au sujet des contacts qu’il avait pu avoir avec Y depuis l’incident du 10 août 2009 jusqu’à avril 2014. Plus particulièrement, M. Jutras a demandé au demandeur à plus de cinq reprises s’il avait eu des communications – de n’importe quel type – avec Y après 2012 (ou 2013) et, à chaque fois, le demandeur a répondu par la négative (« Justification for Decision for the Assessment of Reliability for Jean-Philippe Varin » à la page 3). Or, dans les faits, le demandeur ne conteste pas aujourd’hui qu’il a eu plusieurs contacts avec Y, y compris quelques brèves conversations téléphoniques et plusieurs dizaines de courriels. Ils se sont également rencontrés en personne à quelques reprises.

[13]           Durant le dernier tiers de l’entrevue du 14 avril 2014, M. Jutras a confronté le demandeur au fait que l’employeur était en possession de renseignements qui contredisaient sa version des faits et que le demandeur n’avait pas divulgué cette information très pertinente. Le demandeur a fini par admettre qu’il avait pu avoir d’autres contacts depuis 2011 et qu’il avait envoyé un courriel à Y le 27 mars 2014, mais il a expliqué que dans son esprit, ce courriel faisait partie des échanges sporadiques qu’il entretenait avec Y sur des sujets professionnels depuis 2011.

[14]           Suite à cette entrevue, la Sous-ministre adjointe a décidé qu’il n’y avait pas lieu de mettre en place des mesures de sécurité additionnelles pour protéger Y. Toutefois, la Sous-ministre adjointe a décidé qu’une deuxième entrevue devait être tenue dans le cadre de la réévaluation de la cote de fiabilité du demandeur. La deuxième entrevue a eu lieu le 24 avril 2014 et a, encore une fois, été menée par M. Jutras. Au début de cette entrevue, M. Jutras a indiqué que le but de celle-ci était « de clarifier, vérifier et donner l’opportunité [au demandeur] d’expliquer les circonstances entourant les informations recueillies sur le sujet », c’est-à-dire sa cote. M. Jutras a également mis en garde le demandeur que « votre honnêteté et [la] véracité de vos réponses sont cruciales pour cette entrevue et vos réponses serviront à évaluer votre fiabilité ».

[15]           Pendant la seconde entrevue du 27 avril 2014, le demandeur a admis qu’il avait été évasif et qu’il avait omis de mentionner de l’information pertinente lors de la première entrevue sur la fréquence et la nature de ses communications avec Y. Le demandeur a expliqué qu’il avait volontairement omis cette information parce qu’il voulait protéger Y, qu’il ignorait si celle-ci avait partagé tous ses contacts avec son nouveau conjoint et qu’il était gêné des conséquences que cette divulgation aurait pu avoir pour elle (Transcription de l’entrevue du 24 avril 2014, aux pages 7 à 8).

[16]           Après avoir lui-même écouté les enregistrements des entrevues, l’ASM a décidé de révoquer la cote de fiabilité du demandeur et une lettre motivée expliquant les motifs de l’employeur a été transmise au demandeur. Les extraits pertinents se lisent comme suit :

Récemment, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada était tenu de réaliser une évaluation de votre cote de fiabilité, conformément au paragraphe 2.1 de la Norme sur la sécurité du personnel. Dans le cadre de notre examen, veuillez noter que nous avons découvert de l’information préoccupante en matière de sécurité.

L’article 2.1 de la Norme sur la sécurité du personnel précise que, pour en arriver à une décision relative à la vérification de la fiabilité, les fonctionnaires doivent procéder à une évaluation juste et objective qui respecte les droits de la personne. De plus, à moins que l’information fasse l’objet d’une exception en vertu de la Loi sur les renseignements personnels, les personnes visées doivent avoir l’occasion d’expliquer les renseignements défavorables avant qu’une décision ne soit prise. Le 14 et 24 avril, 2014 vous avez eu l’occasion de présenter des explications relativement à l’information préoccupante découverte.

Veuillez prendre note que nous avons examiné soigneusement votre dossier et avons terminé notre évaluation de la sécurité. Par conséquent, conformément à la section 5 de la Norme sur la sécurité du personnel, nous avons pris la décision de révoquer votre cote de fiabilité. Cette décision a été prise en raison de l’information préoccupante en matière de sécurité soulevée initialement en plus de l’information supplémentaire recueillie au cours de l’entrevue de sécurité :

•     Vous avez été évasif lors de vos réponses.

•     Vous avez manqué de transparence lorsque vous avec eu l’opportunité de clarifier certains faits.

•     Vous avez changé la version de certains faits lors de la deuxième entrevue.

En ce qui a trait à votre emploi, cette décision sera transmise à votre gestionnaire et aux responsables applicables du Ministère.

[…]

[Soulignement ajouté]

[17]           Le ou vers le 29 avril 2014, le demandeur a reçu une lettre l’avisant de son licenciement administratif, signée par la Sous-ministre adjointe. Le 7 mai 2014, le demandeur a déposé un grief contestant la décision administrative du défendeur de révoquer sa cote de fiabilité. Le 17 juillet 2014, une agente de relations de travail de l’Institut professionnel de la fonction publique a fait une présentation au dernier palier de la procédure de grief au nom du demandeur. Des soumissions écrites ont également été présentées à la Sous-ministre adjointe.

[18]           Le 18 novembre 2014, la Sous-ministre adjointe a rendu une décision au dernier palier de la procédure de grief, rejetant le grief du demandeur. Ses conclusions sont les suivantes :

Relativement à la décision prise par l’Agent de sécurité du Ministère de révoquer votre cote de fiabilité, il m’a été confirmé que cette décision repose sur une évaluation juste et objective des renseignements obtenus lors des deux entrevues préventives que le groupe de la Sécurité a tenues avec vous. Il m’a également été confirmé que la décision de révoquer votre cote de fiabilité repose sur le fait que vous avez été évasif lors de vos réponses : vous avez manqué de transparence lorsque vous avez eu l’opportunité de clarifier certains faits et que vous avez changé certains faits lors de la deuxième entrevue.

À la lumière de ce qui précède, je suis satisfaite que le processus relatif à l’examen de votre cote de fiabilité a été suivi et que la décision de révoquer votre cote de fiabilité repose sur des éléments factuels, pertinents et valides.

Par conséquent, je ne vois aucune raison pour intervenir en votre faveur et je rejette donc votre grief ainsi que les mesures correctives demandées.

[19]           La norme de contrôle applicable à la révision de la légalité de la décision ministérielle sous étude qui implique la confirmation de la révocation de la cote de sécurité du demandeur est celle de la décision raisonnable (Myers c Canada (Procureur générale), 2007 CF 947 au para 16 [Myers]; Koulatchenko c Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, 2014 CF 206 au para 30 [Koulatchenko]). D’autre part, les questions d’équité procédurale (ou de justice naturelle) sont contrôlées selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47; Koulatchenko au para 30). Il n’est pas contesté en l’espèce qu’un fonctionnaire a le droit de connaître les renseignements sur lesquels repose la décision de révoquer sa cote de fiabilité, et d’expliquer ces renseignements défavorables avant qu’une décision finale ne soit prise (Myers, précité, au para 39). En effet, la révocation d’une cote de fiabilité implique certaines garanties procédurales allant au-delà du degré minimal (Myers, précité, aux para 38 à 39), tandis que lorsqu’il est question de révoquer une cote de sécurité existante, contrairement à l’octroi initial d’une cote, l’obligation d’équité procédurale est accrue (Meyler v Canada (Attorney General), 2015 FC 357 au para 26; Koulatchenko, précité, aux para 88 et 92).

[20]           Le demandeur soutient aujourd’hui qu’il était déraisonnable de conclure que l’incident du 27 mars 2014 peut constituer un motif justifiant la révocation de sa cote de fiabilité étant donné qu’au moment de l’envoi de courriel à Y, il avait été libéré inconditionnellement et que les démarches entreprises dans le cadre de la réévaluation de la cote de fiabilité n’ont révélé aucune information suggérant que le demandeur puisse poser aujourd’hui un risque à la sécurité de Y. En ce qui concerne le manque de transparence et les mensonges répétés du demandeur lors de la première entrevue de sécurité, le demandeur admet, en rétrospective, qu’il a pu faire preuve d’un manque de jugement, mais il soutient qu’un employé ne doit pas être évalué selon le barème de la perfection lors d’une évaluation pour une cote de fiabilité. De plus, le demandeur soumet que l’impact d’une décision concernant la révocation de la cote de fiabilité d’un employé sur la préservation de son emploi devrait être pris en considération lors de l’analyse pour savoir si la décision en question est raisonnable ou non.

[21]           Le demandeur souligne également que l’omission intentionnelle de taire des détails pertinents concernant les contacts et rapports qu’il a pu avoir avec Y depuis 2009 s’explique parce que ces informations portaient sur un sujet profondément personnel et sensible, alors qu’il n’avait pas eu l’opportunité de se préparer à répondre à ces questions. Ce manque de transparence a été corrigé à la deuxième entrevue et le défendeur ne devrait pas se fonder sur le fait qu’il aurait alors changé sa version des faits pour tirer la conclusion qu’il existe un risque que le demandeur serait malhonnête ou manquerait d’intégrité professionnelle dans le contexte de son emploi. Le demandeur fait ainsi valoir que le défendeur n’a pas pris en considération les facteurs positifs dans son dossier – facteurs qui tendaient à démontrer que le demandeur avait été jugé digne de confiance dans le passé et que ses cotes de sécurité et fiabilité avaient été maintenues en 2011. D’ailleurs, le demandeur soutient que M. Jutras, qui a mené les entrevues de sécurité, était d’avis que la décision de révoquer la cote de fiabilité du demandeur n’était pas justifiée (Courriel de M. Jutras à M. Shepherd, daté du 28 avril 2014, Dossier du demandeur).

[22]           Il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce. En effet, je ne crois pas que c’est mon rôle aujourd’hui de me substituer à l’employeur, ni de refaire l’enquête au sujet de la cote de fiabilité du demandeur. Il suffit que le processus suivi ait été juste et équitable, et que le décideur ait tenu compte des explications du demandeur et de l’ensemble des faits pertinents, ce qui est le cas en l’espèce. Les motifs qui ont été fournis par l’employeur à l’appui de la décision contestée sont clairs et intelligibles. Ils s’appuient sur la preuve au dossier. Ils ne m’apparaissent ni arbitraires ou capricieux, ni autrement déraisonnables. Il existe, en l’espèce, un lien logique et rationnel entre les conditions de fiabilité qu’exigent le poste de Juricomptable principal dans la division des enquêtes spéciales de TPSGC et les préoccupations sérieuses que l’employeur pouvait entretenir après les deux entrevues au niveau de la fiabilité du demandeur, qui a manqué d’intégrité ou d’honnêteté lors du processus de réévaluation de sa cote de fiabilité. Même si une autre issue était peut-être possible, l’issue choisie en l’espèce par l’employeur et qui a été retenue au dernier palier de la procédure de grief par la Sous-ministre adjointe, m’apparaît raisonnable compte tenu de la preuve non contredite au dossier et du droit applicable.

[23]           En l’espèce, selon la Politique sur la sécurité du gouvernement, mis en œuvre en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’employeur doit veiller à ce que les personnes ayant accès aux renseignements, aux biens, et aux services gouvernementaux soient dignes de confiance, fiables et loyales. À cette fin, la section 2.7.1 de la Norme sur la sécurité du personnel précise : « Sur la foi des renseignements recueillis, les gestionnaires déterminent si la personne était fiable dans ses emplois antérieurs et si elle est honnête et intègre » [soulignement ajouté]. L’Appendice B de la Norme sur la sécurité du personnel indique également qu’il faut se demander si une personne peut se montrer digne de la confiance qu’on lui accordera et, compte tenu du degré de fiabilité requis et de la nature des fonctions à remplir, déterminer si ces risques sont acceptables ou non. En l’espèce, le travail de Juricomptable principal en est un qui nécessite une très grande autonomie professionnelle, ce qui exige que le défendeur ait une grande confiance dans l’intégrité du titulaire du poste. Or, le demandeur agit comme un enquêteur et est appelé à agir comme témoin expert, de sorte qu’il a besoin de témoigner honnêtement, de ne pas tromper les interlocuteurs, et de ne pas changer les versions d’un témoignage.

[24]           Le demandeur soutient subsidiairement que le défendeur a enfreint les règles d’équité procédurale en ne l’avisant pas préalablement à l’entrevue du 14 avril 2014 des préoccupations de sécurité ayant mené à la réévaluation de sa cote de fiabilité, ce qui lui a causé préjudice et va à l’encontre de ses attentes légitimes et de son droit de fournir des explications. Je conclus que le processus d’évaluation a été juste et objectif dans les circonstances. Je rejette également toute prétention du demandeur à l’effet qu’il y a eu un bris matériel à l’équité procédurale résultant du fait que lors de la première entrevue, M. Jutras n’a pas immédiatement informé le demandeur que l’employeur était préoccupé par le fait que le demandeur avait envoyé un courriel non désiré à Y le 27 mars 2014. De plus, le demandeur a eu toutes les chances possibles durant les deux entrevues avec l’employeur et le processus d’évaluation de sa cote de fiabilité d’expliquer les omissions ou mensonges que lui reprochait l’employeur. Enfin, il n’y a aucune preuve au dossier à l’effet l’ASM et que la Sous-ministre adjointe ont violé l’équité procédurale.

[25]           De toute façon, même s’il y avait eu une violation de l’équité procédurale – ce qui n’est pas le cas en l’espèce – aucune fin utile serait servie en retournant le dossier au décideur (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 1994 CanLII 114 (CSC) aux para 52 à 55). En l’espèce, on ne peut pas changer le fait que le demandeur a été évasif lors de ses réponses en entrevue, qu’il a manqué de transparence lorsqu’il a eu l’opportunité de clarifier certains faits, et qu’il a changé la version de certains faits lors de la deuxième entrevue. En conséquence, il est très probable que la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du demandeur ne pourrait pas être différente si l’affaire était renvoyée à la Sous-ministre adjointe pour réexamen.

[26]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Vu le résultat, le défendeur a droit aux dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2553-14

 

INTITULÉ :

JEAN-PHILIPPE VARIN c TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 janvier 2016

 

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Jean-Michel Corbeil

 

Pour le demandeur

Me Michel Girard

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sack Goldblatt Mitchell s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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