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Date : 20160224


Dossier : IMM-3708-15

Référence : 2016 CF 239

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 24 février 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

MARKO FERGUSON, AUSSI APPELÉ MARKO DELINO FERGUSON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, un citoyen des Bahamas, demande l’asile au Canada en tant qu’homme homosexuel en évoquant la présence d’une crainte subjective et objective que s’il retourne aux Bahamas, ses souffrances aillent au-delà d’une simple possibilité de persécution en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 ch. 27, ou d’un simple risque de persécution en vertu de l’article 97.

[2]               La Section de la protection des réfugiés a rejeté la réclamation du demandeur en raison de l’absence d’un minimum de fondement, car le demandeur n’est pas crédible. Le passage clé justifiant le rejet figure au paragraphe 14 de la décision :

[TRADUCTION]

Néanmoins, à la lumière du manque de crédibilité du demandeur et de son comportement ne cadrant pas avec une crainte fondée de persécution, le tribunal est laissé dans le doute quant à l’orientation sexuelle du demandeur. Certains documents appuient cette préférence sexuelle envers les hommes [Note de bas de page : Pièces 4 et 5]; cela dit, le demandeur aurait réussi à vivre pendant 37 ans en inventant des histoires de petites amies imaginaires. Selon le tribunal, le demandeur est capable d’inventer des histoires qui serviront ses propres intérêts. Ainsi, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le tribunal est d’avis que le demandeur n’a pas établi qu’il aurait besoin d’une protection de l’État s’il retournait aux Bahamas.

[3]               L’orientation sexuelle du demandeur constitue le motif sur lequel la demande est fondée et, tel qu’il est indiqué dans le paragraphe précité, il s’agit du motif qui, selon la Section de la protection des réfugiés, n’a pas été établi. Le problème manifeste de la conclusion relève de la reconnaissance du fait que des preuves non contestées ont été présentées pour établir qu’il est un homme homosexuel. L’avocate du demandeur réitère ce fait même grâce à l’argument suivant appuyé par les preuves contenues dans les pièces 4 et 5 (dossier du tribunal, pages 100 à 157), qui sont indiquées en bas de page par la Section de la protection des réfugiés, dans le passage précité :

16. [TRADUCTION] Le demandeur a soumis différents documents qui ont aidé à confirmer son orientation sexuelle. Ces documents comprenaient :

• Trois lettres provenant d’organismes communautaires bien établis qui confirment la participation du demandeur au sein de la communauté GLBTQ de Toronto (le centre communautaire du 519, rue Church, la mosquée el-Tawhid Juma Circle Toronto Unity Mosque et la Black Coalition for AIDS Prevention).

• Une preuve de bénévolat auprès du centre communautaire pour la fierté Community Centre for Pride du 519, rue Church.

• Des lettres de trois amis confirmant son orientation sexuelle

• Des profils de sites de rencontre démontrant que le demandeur cherche à rencontrer des hommes.

• Des documents imprimés présentant différentes conversations en ligne entre le demandeur et des hommes qu’il a fréquentés par le passé, entre le demandeur et un ami lui disant qu’il n’appuyait pas son homosexualité et entre le demandeur et un ami transsexuel, dans lequel le demandeur décrivait ses émotions après avoir pris part à son premier défilé de la fierté, à Toronto.

(Affidavit du demandeur, pièce B, pages 41 à 88)

17. La commissaire ne soulève aucune préoccupation concernant l’authenticité de ces éléments de preuve. Elle n’a posé aucune question au demandeur sur ces éléments de preuve durant l’audience. Elle ne soulève aucune préoccupation concernant son témoignage, en réponse à l’examen du conseil, sur les éléments de preuve. En effet, à un moment donné, elle se fie même à l’élément de preuve suivant : elle conclut que cet historique de rencontres en ligne démontre que le demandeur a de bonnes compétences en informatique et qu’il était donc en mesure de trouver des renseignements sur le processus d’asile des États-Unis.

(Motifs, paragraphe 8)

18. La commissaire reconnaît cet élément de preuve et note que « certains documents appuient sa préférence sexuelle pour des hommes. » Elle procède ensuite au rejet de tous ces documents unilatéralement, sans en tenir compte de quelque façon que ce soit. Ce rejet équivaut à faire abstraction de ces documents.

19. La commissaire n’est pas en droit d’examiner une demande sans tenir compte des éléments de preuve du demandeur. Les éléments de preuve provenaient de différentes sources et de différentes périodes, étaient cohérents et relataient le fondement de la demande. Ce facteur, à lui seul, constitue un motif suffisant pour infirmer la décision.

(Cepeda-Gutierrez c M.C.I. [1998] A.C.F. no 1425; Hilo c M.C.I. [1991] A.C.F. no 228 [C.A.]) […]

 (Dossier de demande et mémoire du demandeur, pages 146 et 147)

[4]               Puisque la décision à l’examen a été rendue en faisant manifestement abstraction de la preuve forte qui figure au dossier, j’estime que la décision est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la décision à l’examen est infirmée, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

Il n’y a pas de question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3708-15

 

INTITULÉ :

MARKO FERGUSON, AUSSI APPELÉ MARKO DELINO FERGUSON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 FÉVRIER 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 FÉVRIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

 

Pour le demandeur

 

Michael Butterfield

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Salsberg

Avocate-procureure

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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