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Date : 20160208


Dossier : T-2010-11

Référence : 2016 CF 147

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2016

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

COMMITTEE FOR MONETARY AND ECONOMIC REFORM (« COMER »), WILLIAM KREHM ET ANN EMMETT

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DES FINANCES, LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, LA BANQUE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une requête déposée par les défendeurs aux termes de l’article 221 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles] pour faire radier la déclaration modifiée des demandeurs datant du 26 mars 2015 [déclaration modifiée].

II.                CONTEXTE

[2]               Le demandeur, Committee for Monetary and Economic Reform [COMER], est un « groupe de réflexion » en matière d’économie établi à Toronto. Créé en 1970, le COMER se consacre à la recherche et à la publication d’ouvrages portant sur la réforme des politiques monétaires et économiques du Canada. Les demandeurs à titre particulier sont des membres du COMER qui s’intéressent à la politique économique.

A.                Historique du litige

[3]               Les présentes poursuites ont été intentées le 12 décembre 2011 à la suite du dépôt de la déclaration originale, qui a été modifiée sur des points mineurs le 19 janvier 2012 [déclaration originale].

[4]               Le 9 août 2013, la déclaration originale a été radiée dans son intégralité par le protonotaire Aalto, sans possibilité d’amendement. Lors de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du protonotaire, j’ai radié la déclaration originale dans son intégralité, mais avec autorisation de la modifier, au moyen d’une ordonnance rendue le 24 avril 2014 [ordonnance du 24 avril 2014].

[5]               Cet appel tout comme les appels incidents à l’encontre de mon ordonnance du 24 avril 2014 ont été rejetés par la Cour d’appel fédérale le 26 janvier 2015. Les demandeurs ont déposé la déclaration modifiée le 26 mars 2015. Les défendeurs présentent maintenant une requête en vue de radier la déclaration modifiée.

B.                 La déclaration modifiée

[6]               La déclaration modifiée des demandeurs, bien qu’elle constitue une version modifiée de la déclaration originale, vise toujours à obtenir une série de jugements déclaratoires relatifs aux trois affirmations de base, notées dans mon ordonnance antérieure du 24 avril 2014 : premièrement, que la Loi sur la Banque du Canada, LRC, 1985, ch. B-2, prévoit la concession de prêts sans intérêt aux ordres de gouvernement fédéral, provincial et municipal aux fins de [traduction] « dépenses en capital humain, » et que les défendeurs n’ont pas rempli leurs obligations juridiques, à savoir s’assurer que de tels prêts sont consentis, entraînant de la part des ordres de gouvernement des dépenses inférieures en capital humain au détriment de tous les Canadiens; deuxièmement, que le gouvernement du Canada utilise des méthodes de comptabilité déficientes en ce qui concerne les finances publiques, sous-estimant par conséquent l’avantage des « dépenses en capital humain » et minant le rôle constitutionnel du Parlement en tant que gardien des finances publiques; et troisièmement, que ces préjudices et d’autres résultent du fait que la politique fiscale et monétaire du Canada est contrôlée, en partie, par des intérêts étrangers privés en raison de la participation du Canada à des institutions financières et monétaires internationales.

[7]               Les allégations de faits qui accompagnent la déclaration modifiée définissent les « dépenses en capital humain » comme étant les dépenses qui favorisent les progrès qualitatifs et quantitatifs d’une nation par la promotion de la santé, de l’éducation et de la qualité de vie de ses citoyens, de façon à en faire des acteurs économiques plus productifs par l’entremise d’institutions et d’établissements tels que les écoles, les universités, les hôpitaux et d’autres infrastructures publiques. Les demandeurs soutiennent que l’investissement dans le capital humain constitue la dépense et l’investissement les plus productifs qu’un gouvernement puisse faire.

[8]               La déclaration modifiée vise à obtenir neuf jugements déclaratoires. Dans le premier, les demandeurs cherchent à faire déclarer que les paragraphes 18 i) et j) de la Loi sur la Banque du Canada exigent que le ministre des Finances [ministre] et le gouvernement du Canada demandent des prêts sans intérêt aux fins des dépenses en capital humain à tous les ordres de gouvernement (fédéral, provincial et municipal), et que la Banque du Canada les consente.

[9]               Dans le deuxième, les demandeurs demandent à la Cour de déclarer que les défendeurs ont non seulement abdiqué leurs obligations légales et constitutionnelles relativement aux paragraphes 18 i) et j) de la Loi sur la Banque du Canada, mais aussi entraîné, en refusant de demander et de consentir des prêts sans intérêt aux termes des paragraphes 18 i) et j), des répercussions négatives et destructives sur les Canadiens par la désintégration de l’économie du Canada et de ses institutions financières, par une augmentation de la dette publique et une diminution de la prestation de services sociaux, ainsi que par l’élargissement de l’écart entre les riches et les pauvres et la disparition continue de la classe moyenne. Dans les faits qui accompagnent leur déclaration modifiée, les demandeurs se servent d’une demande de la ville de Lakeshore, en Ontario, présentée le 11 juillet 2014, comme exemple d’une occasion où le ministre a refusé une demande de prêt sans intérêt sans égard à la nature de la demande ni aux dispositions pertinentes de la Loi sur la Banque du Canada. Selon les demandeurs, les motifs du ministre pour refuser la demande de la ville de Lakeshore sont à la fois fallacieux sur le plan financier et économique et non conformes aux obligations légales.

[10]           Dans le troisième, les demandeurs cherchent à faire déclarer que le paragraphe 18m) de la Loi sur la Banque du Canada ainsi que son application sont inconstitutionnels et, par conséquent, inopérants. Selon eux, les défendeurs ont abdiqué leurs obligations constitutionnelles et les ont remises à des entités privées internationales dont les intérêts ont, dans les faits, été placés au-dessus de ceux des Canadiens et de la primauté de la Constitution canadienne. Les demandeurs déclarent qu’aucun gouvernement souverain comme le Canada ne devrait jamais emprunter de l’argent avec intérêt auprès de banques commerciales, quand il peut le faire sans intérêt auprès de sa propre banque centrale, d’autant plus que cette dernière, contrairement aux banques de n’importe quel autre pays du G-8, est mandatée et détenue par le secteur public, qu’elle doit rendre des comptes au Parlement et au ministre, et qu’elle a été créée principalement dans ce but.

[11]           Dans le quatrième, les demandeurs cherchent à obtenir de la Cour un jugement déclaratoire selon lequel le fait de garder secrets les procès-verbaux des réunions du gouverneur de la Banque du Canada [gouverneur] et d’autres gouverneurs de banques centrales du G-8 outrepasse les pouvoirs du gouverneur, car cela est contraire aux dispositions de la Loi sur la Banque du Canada – en particulier l’article 24 – et devrait être considéré comme une conduite inconstitutionnelle.

[12]           Dans le cinquième, les demandeurs cherchent à faire déclarer que le Parlement, en permettant au gouverneur de tenir secrètes la nature et la teneur des réunions des banques internationales, en n’exerçant pas le pouvoir et l’obligation prévus aux paragraphes 18i) et j) de la Loi sur la Banque du Canada, et en promulguant le paragraphe 18m) de la Loi sur la Banque du Canada, a abdiqué ses fonctions et obligations prévues à l’alinéa 91(1)a), aux paragraphes 91(3), (14), (15), (16), (18), (19), (20) de la Loi constitutionnelle de 1867 ainsi qu’à l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[13]           Les sixième et septième jugements déclaratoires des demandeurs concernent la façon dont le ministre rend compte des finances publiques, façon qui, selon les demandeurs, est erronée sur le plan logique et conceptuel. Les demandeurs cherchent à faire déclarer que le ministre est tenu d’énumérer les dépenses en capital humain – y compris celles liées aux infrastructures qui sont considérées comme des « actifs » et non des « passifs » du point de vue de la comptabilité budgétaire – ainsi que toutes les recettes gagnées avant le retour des crédits d’impôt aux contribuables, à la fois aux particuliers et aux sociétés, puis de soustraire les crédits d’impôt, suivis des dépenses totales, afin d’en arriver à un « excédent » ou à un « déficit » annuel, tel que l’exige le paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[14]           Dans la huitième, les demandeurs cherchent à faire déclarer que les impôts exigés pour payer des intérêts aux banquiers privés, tant canadiens qu’étrangers, à l’endroit du déficit et de la dette sont illégaux et inconstitutionnels. Selon les demandeurs, cette situation résulte d’une violation du droit constitutionnel selon lequel il ne peut y avoir « aucune taxation sans représentation », violation qui se produit lorsque le ministre omet de divulguer au Parlement les recettes prévues avant le retour des crédits d’impôt prévus, avant de déterminer s’il y aura un déficit ou un excédent, au moment du dépôt du budget. Cela signifie qu’un débat parlementaire en règle ne peut pas avoir lieu, violant ainsi le droit à « aucune taxation sans représentation » aux termes des paragraphes 53 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que des impératifs constitutionnels non écrits à cet effet. De plus, il en résulte une violation du droit de vote des demandeurs aux termes de l’article 3 de la Charte, qui est lié au droit à « aucune taxation sans représentation » en lien avec les violations constitutionnelles commises par le ministre. Il en résulte non seulement une violation des modalités de la Loi sur la Banque du Canada relativement aux prêts sans intérêt, mais aussi des violations constitutionnelles consécutives, par le pouvoir exécutif, de son devoir de gouverner, ainsi que l’abandon de sa souveraineté et de son pouvoir décisionnel législatif à la faveur des banquiers privés et étrangers.

[15]           Dans le neuvième et dernier jugement déclaratoire, les demandeurs cherchent à faire déclarer que la « clause privative » conférée par l’article 30.1 de la Loi sur la Banque du Canada a) ne s’applique pas de manière à empêcher le présent contrôle judiciaire, sous forme d’action ou autre, à l’égard des actions ultra vires sur le plan constitutionnel ou légal, ou de manière à empêcher le recouvrement ou l’imposition de dommages-intérêts fondés sur de telles mesures; ou encore b) dans l’éventualité où la clause privative empêche le présent contrôle judiciaire ou le recouvrement, elle est inconstitutionnelle et sans effet, du fait qu’elle viole le droit constitutionnel des demandeurs au contrôle judiciaire et les impératifs constitutionnels sous‑jacents de la primauté du droit, du constitutionnalisme et du fédéralisme.

[16]           Outre le jugement déclaratoire réclamé, les demandeurs exigent aussi dans la déclaration modifiée des dommages-intérêts au montant de 10 000 $ pour chacun des demandeurs à titre particulier, soit William Krehm et Anne Emmett, ainsi que pour les 10 membres du comité de direction du COMER [comité de direction], dont les noms sont mentionnés dans la déclaration modifiée concernant la violation de leur droit constitutionnel à « aucune taxation sans représentation » et la violation indissociable du droit de vote en raison des violations constitutionnelles prétendument faites par le ministre. De plus, les demandeurs réclament le retour de la partie de l’impôt illégal et inconstitutionnel, qui sera calculée et rajustée au moment du procès pour chacun des demandeurs et membres du comité de direction, et qui consiste en la proportion des impôts servant à payer les frais d’intérêts à l’égard du déficit et de la dette accumulés entre 2011 et le moment du procès, frais payés par les demandeurs et les membres du comité de direction à la suite des violations légales et constitutionnelles des droits des défendeurs découlant du refus ou de l’omission de combler les déficits dans le budget au moyen de prêts sans intérêt, ainsi qu’à la suite de la violation de leur droit à aucune taxation sans représentation, dont les montants seront calculés en fonction des modifications de l’intérêt composé énoncées dans le budget, en tant que pourcentage du budget, qui correspond au même pourcentage que celui payé par les demandeurs et les membres du comité de direction, qui sera calculé au moment du procès.

III.             QUESTIONS EN LITIGE

[17]           Les défendeurs ont présenté une requête en radiation de la déclaration modifiée pour les motifs suivants :

1.      elle ne se conforme pas à l’autorisation de modifier accordée et ne remédie pas aux problèmes recensés dans l’ordonnance du 24 avril 2014;

2.      elle vise à ajouter des parties et de nouveaux jugements déclaratoires qui ne sont pas permis en vertu de l’autorisation de modifier et des Règles;

3.      elle ne révèle aucune cause d’action valable à l’encontre des défendeurs, ou de l’un d’entre eux;

4.      elle est scandaleuse, frivole ou vexatoire;

5.      elle constitue un abus de procédure;

6.      elle ne révèle aucun fait qui pourrait démontrer que l’action ou l’inaction des défendeurs, ou de l’un d’entre eux, aurait entraîné la violation des droits des demandeurs au titre de la Charte ou de la Constitution;

7.      le lien causal entre, d’une part, l’action ou l’inaction alléguée des défendeurs ou de l’un d’entre d’eux et, d’autre part, la violation alléguée des droits des demandeurs, est trop incertain et hypothétique pour appuyer une cause d’action;

8.      elle réclame un jugement déclaratoire qui est uniquement possible en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, ch. F-7 (Loi sur les Cours fédérales) et, quoi qu’il en soit, les demandeurs n’ont pas droit à cette mesure;

9.      les demandeurs n’ont pas le droit de demander un avis consultatif de la Cour;

10.  elle demande le règlement judiciaire de questions qui ne sont pas justiciables;

11.  elle cherche à limiter la souveraineté du Parlement ainsi qu’à infirmer ou à écarter le privilège de la Chambre des communes à l’égard de ses propres procédures internes;

12.  les demandeurs ne jouissent pas d’un droit en vertu de l’article 3 de la Charte à une forme particulière de taxation et il n’existe aucun lien causal, ou attente légitime, entre leur vote et le dépôt d’un budget devant la Chambre des communes et les lois qui en résultent;

13.  elle soulève des questions qui ne relèvent pas des compétences de la Cour fédérale;

14.  les demandeurs n’ont pas qualité pour agir en présentant la déclaration modifiée de plein droit et ils ne répondent pas aux critères qui leur permettraient d’avoir qualité pour agir dans l’intérêt public.

IV.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi sur la Banque du Canada sont applicables en l’espèce :

Pouvoirs

Powers and business

18. La Banque peut :

18. The Bank may

[…]

[…]

i) consentir des prêts ou avances, pour des périodes d’au plus six mois, au gouvernement du Canada ou d’une province en grevant d’une sûreté des valeurs mobilières facilement négociables, émises ou garanties par le Canada ou cette province;

(i) make loans or advances for periods not exceeding six months to the Government of Canada or the government of a province on taking security in readily marketable securities issued or guaranteed by Canada or any province;

j) consentir des prêts au gouvernement du Canada ou d’une province, à condition que, d’une part, le montant non remboursé des prêts ne dépasse, à aucun moment, une certaine fraction des recettes estimatives du gouvernement en cause pour l’exercice en cours — un tiers dans le cas du Canada, un quart dans celui d’une province — et que, d’autre part, les prêts soient remboursés avant la fin du premier trimestre de l’exercice suivant;

(j) make loans to the Government of Canada or the government of any province, but such loans outstanding at any one time shall not, in the case of the Government of Canada, exceed one-third of the estimated revenue of the Government of Canada for its fiscal year, and shall not, in the case of a provincial government, exceed one-fourth of that government’s estimated revenue for its fiscal year, and such loans shall be repaid before the end of the first quarter after the end of the fiscal year of the government that has contracted the loan;

[…]

[…]

m) ouvrir des comptes dans une banque centrale étrangère ou dans la Banque des règlements internationaux, accepter des dépôts — pouvant porter intérêt — de banques centrales étrangères, de la Banque des règlements internationaux, du Fonds monétaire international, de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et de tout autre organisme financier international officiel, et leur servir de mandataire, dépositaire ou correspondant;

(m) open accounts in a central bank in any other country or in the Bank for International Settlements, accept deposits from central banks in other countries, the Bank for International Settlements, the International Monetary Fund, the International Bank for Reconstruction and Development and any other official international financial organization, act as agent or mandatary, or depository or correspondent for any of those banks or organizations, and pay interest on any of those deposits;

[…]

[…]

Agent financier du gouvernement canadien

Fiscal agent of Canadian Government

24. (1) La Banque remplit les fonctions d’agent financier du gouvernement du Canada.

24. (1) The Bank shall act as fiscal agent of the Government of Canada.

Honoraires

Charge for acting

(1.1) La Banque peut, avec le consentement du ministre, exiger des honoraires pour remplir de telles fonctions.

(1.1) With the consent of the Minister, the Bank may charge for acting as fiscal agent of the Government of Canada.

Gestion de la dette publique

To manage public debt

(2) Sur demande du ministre, la Banque fait office de mandataire du gouvernement du Canada pour la gestion de la dette publique, notamment pour le paiement des intérêts et du principal de celle-ci.

(2) The Bank, if and when required by the Minister to do so, shall act as agent for the Government of Canada in the payment of interest and principal and generally in respect of the management of the public debt of Canada.

Encaissement des chèques du gouvernement canadien

Canadian Government cheques to be paid or negotiated at par

(3) La Banque ne peut exiger de frais pour l’encaissement ou la négociation de chèques tirés sur le receveur général ou pour son compte et d’autres effets autorisant des paiements sur le Trésor, ni pour le dépôt au Trésor de chèques faits à l’ordre du gouvernement du Canada ou d’un ministère fédéral.

(3) The Bank shall not make any charge for cashing or negotiating a cheque drawn on the Receiver General or on the account of the Receiver General, or for cashing or negotiating any other instrument issued as authority for the payment of money out of the Consolidated Revenue Fund, or on a cheque drawn in favour of the Government of Canada or any of its departments and tendered for deposit in the Consolidated Revenue Fund.

[…]

[…]

Immunité judiciaire

No liability if in good faith

30.1 Sa Majesté, le ministre, les administrateurs, les cadres ou les employés de la Banque ou toute autre personne agissant sous les ordres du gouverneur bénéficient de l’immunité judiciaire pour les actes ou omissions commis de bonne foi dans l’exercice — autorisé ou requis — des pouvoirs et fonctions conférés par la présente loi.

30.1 No action lies against Her Majesty, the Minister, any officer, employee or director of the Bank or any person acting under the direction of the Governor for anything done or omitted to be done in good faith in the administration or discharge of any powers or duties that under this Act are intended or authorized to be executed or performed.

[19]           Les dispositions suivantes de la Loi constitutionnelle de 1867 sont applicables en l’espèce :

Bills pour lever des crédits et des impôts

Appropriation and Tax Bills

53. Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.

53. Bills for appropriating any Part of the Public Revenue, or for imposing any Tax or Impost, shall originate in the House of Commons.

Recommandation des crédits

Recommendation of Money Votes

54. Il ne sera pas loisible à la Chambre des Communes d’adopter aucune résolution, adresse ou bill pour l’appropriation d’une partie quelconque du revenu public, ou d’aucune taxe ou impôt, à un objet qui n’aura pas, au préalable, été recommandé à la chambre par un message du gouverneur-général durant la session pendant laquelle telle résolution, adresse ou bill est proposé.

54. It shall not be lawful for the House of Commons to adopt or pass any Vote, Resolution, Address, or Bill for the Appropriation of any Part of the Public Revenue, or of any Tax or Impost, to any Purpose that has not been first recommended to that House by Message of the Governor General in the Session in which such Vote, Resolution, Address, or Bill is proposed.

[…]

[…]

Application aux législatures des dispositions relatives aux crédits, etc.

Application to Legislatures of Provisions respecting Money Votes, etc.

90. Les dispositions suivantes de la présente loi, concernant le parlement du Canada, savoir : — les dispositions relatives aux bills d’appropriation et d’impôts, à la recommandation de votes de deniers, à la sanction des bills, au désaveu des lois, et à la signification du bon plaisir quant aux bills réservés, — s’étendront et s’appliqueront aux législatures des différentes provinces, tout comme si elles étaient ici décrétées et rendues expressément applicables aux provinces respectives et à leurs législatures, en substituant toutefois le lieutenant-gouverneur de la province au gouverneur-général, le gouverneur-général à la Reine et au secrétaire d’État, un an à deux ans, et la province au Canada.

90. The following Provisions of this Act respecting the Parliament of Canada, namely, — the Provisions relating to Appropriation and Tax Bills, the Recommendation of Money Votes, the Assent to Bills, the Disallowance of Acts, and the Signification of Pleasure on Bills reserved, — shall extend and apply to the Legislatures of the several Provinces as if those Provisions were here re-enacted and made applicable in Terms to the respective Provinces and the Legislatures thereof, with the Substitution of the Lieutenant Governor of the Province for the Governor General, of the Governor General for the Queen and for a Secretary of State, of One Year for Two Years, and of the Province for Canada.

Autorité législative du parlement du Canada

Legislative Authority of Parliament of Canada

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

91. It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make Laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

[…]

[…]

1A. La dette et la propriété publiques. (45)

1A. The Public Debt and Property. (45)

[…]

[…]

3. Le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation.

3. The raising of Money by any Mode or System of Taxation.

4. L’emprunt de deniers sur le crédit public.

4. The borrowing of Money on the Public Credit.

[…]

[…]

6. Le recensement et les statistiques.

6. The Census and Statistics.

[…]

[…]

14. Le cours monétaire et le monnayage.

14. Currency and Coinage.

[…]

[…]

16. Les caisses d’épargne.

16. Savings Banks.

[…]

[…]

18. Les lettres de change et les billets promissoires.

18. Bills of Exchange and Promissory Notes.

19. L’intérêt de l’argent.

19. Interest.

20. Les offres légales.

20. Legal Tender.

[…]

[…]

[20]           Les dispositions suivantes de la Loi constitutionnelle de 1982 sont applicables en l’espèce :

Droits démocratiques des citoyens

Democratic rights of citizens

3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

3. Every citizen of Canada has the right to vote in an election of members of the House of Commons or of a legislative assembly and to be qualified for membership therein.

Vie, liberté et sécurité

Life, liberty and security of person

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[…]

[…]

Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi

Equality before and under law and equal protection and benefit of law

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

[…]

[…]

Engagements relatifs à l’égalité des chances

Commitment to promote equal opportunities

36. (1) Sous réserve des compétences législatives du Parlement et des législatures et de leur droit de les exercer, le Parlement et les législatures, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux, s’engagent à :

36. (1) Without altering the legislative authority of Parliament or of the provincial legislatures, or the rights of any of them with respect to the exercise of their legislative authority, Parliament and the legislatures, together with the government of Canada and the provincial governments, are committed to

a) promouvoir l’égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être;

(a) promoting equal opportunities for the well-being of Canadians;

b) favoriser le développement économique pour réduire l’inégalité des chances;

(b) furthering economic development to reduce disparity in opportunities; and

c) fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels.

(c) providing essential public services of reasonable quality to all Canadians.

Engagement relatif aux services publics

Commitment respecting public services

(2) Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

(2) Parliament and the government of Canada are committed to the principle of making equalization payments to ensure that provincial governments have sufficient revenues to provide reasonably comparable levels of public services at reasonably comparable levels of taxation.

[21]           La disposition suivante des Règles s’applique en l’espèce :

Requête en radiation

Motion to Strike

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas:

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable.

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

(b) is immaterial or redundant

(c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

and may order the action be dismissed or judgement entered accordingly.

V.                ARGUMENT

A.                Représentations sur la requête des défendeurs

(1)               Le critère relatif à une requête en radiation

[22]           Les défendeurs affirment que le critère applicable pour radier un acte de procédure en vertu de l’article 221 est de déterminer s’il est évident et manifeste, à la lumière des faits allégués, que l’action n’a aucune chance de succès : Sivak v. Canada, 2012 CF 272, au paragraphe 15 [Sivak]; R c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17 [Imperial Tobacco]. Bien qu’il existe une règle selon laquelle les faits substantiels dans une déclaration devraient être considérés comme véridiques au moment de décider si la déclaration révèle une cause d’action raisonnable, cela n’oblige pas la Cour à accepter des hypothèses ou des allégations qui peuvent être jugées scandaleuses, frivoles ou vexatoires, ou encore des arguments de droit déguisés sous la forme de faits : Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, au paragraphe 27 [Operation Dismantle]; Carten c. Canada, 2009 CF 1233, au paragraphe 31 [Carten].

(2)               Cause d’action raisonnable

[23]           Les Règles exigent de plaider des faits substantiels qui révèlent une cause d’action raisonnable. Un acte de procédure doit : i) énoncer des faits et non pas simplement des conclusions de droit; ii) comprendre des faits substantiels; iii) exposer des faits, non les éléments de preuve qui serviront à étayer ces faits; et iv) exposer les faits avec concision : voir Carten, précité; Sivak, précité; les articles 174 et 181 des Règles. La déclaration modifiée des demandeurs ne le fait pas. Ses allégations ne fournissent ni les faits substantiels ni les éléments nécessaires relativement à chaque cause d’action. Il n’est pas clair non plus si les demandeurs continuent de s’appuyer sur les allégations de complot et de malversations étant donné que les faits pour étayer ces allégations ne sont pas compris dans les actes de procédure. Par conséquent, on ne peut pas dire que les affirmations comprises dans la déclaration modifiée entraînent la responsabilité des défendeurs ou de l’un d’entre eux.

[24]           La déclaration modifiée comprend des modifications qui ne sont pas permises en vertu des Règles : de nouvelles parties (les membres du comité de direction) et une cause d’action qui ne repose pas sur les faits déjà allégués (allégation d’une violation des droits prévus à l’article 3 de la Charte) ont été ajoutées. Les défendeurs soutiennent en outre que la déclaration modifiée contrevient aux modalités de l’autorisation de modifier du fait qu’elle ne règle pas les problèmes recensés dans l’ordonnance du 24 avril 2014.

[25]           Les défendeurs affirment qu’il n’existe aucun devoir constitutionnel de présenter le budget fédéral de la manière réclamée par les demandeurs. Par conséquent, il n’y a eu aucune violation du principe d’aucune taxation sans représentation. La Cour suprême du Canada a conclu que l’expression « aucune taxation sans représentation » signifie que la Couronne ne peut percevoir un impôt sans l’autorisation du Parlement : Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), [2007] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 14; Loi constitutionnelle de 1867, paragraphes 53 et 90. Les circonstances actuelles laissent entendre que cette exigence constitutionnelle a été satisfaite.

[26]           Le Parlement étant maître de sa propre procédure, on ne peut pas dire qu’il a le devoir de légiférer. Aucune cause d’action ne peut découler de la non-promulgation d’une loi : New Brunswick Broadcasting Co c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319, aux paragraphes 354 et 355 [NB Broadcasting]; Telezone Inc. v. Canada (Attorney General), [2004] O.J. No 5, 69 OR (3d) 161 (CA) [Telezone]; Lucas v. Toronto Services Board, 51 O.R. (3d) 783, au paragraphe 10; Moriss v. Attorney General, [1995] EWJ No 297 (England and Wales Court of Appeal), au paragraphe 38.

[27]           Citant le paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867, les demandeurs allèguent que la méthode comptable employée au cours du processus budgétaire est inconstitutionnelle. Toutefois, la sous-section « Le recensement et les statistiques » est tout simplement l’une des catégories de domaines énumérées à l’article 91 sur lesquelles le Parlement exerce une autorité législative exclusive; cette sous-section n’impose pas un devoir de légiférer et, par conséquent, elle a peu d’utilité pour les demandeurs. Les défendeurs signalent que, de toute façon, la majeure partie de ce que réclament les demandeurs est accessible au public auprès du ministère des Finances. Par exemple, on peut consulter en ligne Dépenses fiscales et évaluations 2012 à l’adresse http://www.fin.gc.ca/taxexp-depfisc/2012/taxexp12-fra.asp.

[28]           Pour ce qui est de l’argument concernant les attentes légitimes des demandeurs, les défendeurs déclarent qu’il relève de la doctrine de l’équité ou de la justice naturelle et qu’il ne crée pas de droits fondamentaux : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 26. La seule procédure qu’il faut accorder à un citoyen canadien prévoit que le texte législatif proposé fasse l’objet de trois lectures à la Chambre des communes et au Sénat et qu’il reçoive la sanction royale : Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39 [Authorson]. Les droits procéduraux décrits par les demandeurs n’ont jamais existé : Canada (Prime Minister) v. Penikett, 1987 CanLii 145 (YK CA), aux paragraphes 17 et18.

[29]           Selon les défendeurs, le fait que les demandeurs misent sur la Magna carta ne leur est d’aucune utilité. Bien que le document occupe une place fondamentale dans l’élaboration des principes constitutionnels canadiens, il a été supplanté par la législation tant au Canada qu’au Royaume-Uni. Il n’a aucune importance ni aucun poids juridique indépendant dans le contexte actuel et, par conséquent, il [traduction] « [peut] être l’objet de changements législatifs ordinaires » : Galati c. Canada (Gouverneur général), 2015 CF 91, au paragraphe 74 [Galati].

[30]           Le privilège parlementaire, y compris ses immunités et ses pouvoirs correspondants, assure le bon fonctionnement du Parlement et constitue donc l’un des moyens permettant de faire respecter le principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs : Telezone, précité, au paragraphe 13; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, au paragraphe 21 [Vaid]. Dans l’arrêt Authorson, précité, la Cour suprême a confirmé le jugement qu’elle avait rendu dans Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753, indiquant que la façon de procéder pour un organe législatif échappe au contrôle judiciaire et relève de l’autodéfinition et du pouvoir inhérent. Au Royaume-Uni, le Bill of Rights of 1689, 1 Will & Mar sess 2, ch. 2, codifie partiellement le privilège parlementaire à l’article 9, lequel empêche tout tribunal d’attaquer ou de remettre en question la liberté d’expression et les débats ou délibérations au Parlement : Prebble v. Television New Zealand, [1994] UKPC 3, [1995] 1 AC 321 (JCPC); Hamilton v. al Fayed, [2000] 2 All ER 224 (HL) [Hamilton v. al Fayed].

[31]           Dès qu’une catégorie de privilège est établie, il ne revient pas aux tribunaux, mais plutôt au Parlement, de déterminer si un exercice donné du privilège est nécessaire ou approprié : Loi sur le Parlement du Canada, LRC 1985, ch. P-1, paragraphes 4 et 5 [Loi sur le Parlement du Canada]; Pickin v. British Railways Board, [1974] AC 765 (HL) au paragraphe 790; Vaid, précité, au paragraphe 29. Les catégories reconnues de privilège comprennent la liberté d’expression et la conduite des débats et des délibérations au Parlement : Vaid, précité. Les défendeurs affirment que le débat sur le budget, sa présentation, les documents d’appui et la législation connexe relèvent de cette catégorie de privilège : Roman Corp c. Hudon’s Bay Oil & Gas Co, [1973] 3 R.C.S. 820, aux pages 827 et 828; NB Broadcasting, précité.

[32]           En vertu des paragraphes 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, les « projets de loi de finances » doivent provenir de la Chambre des communes, et le gouverneur général doit émettre une recommandation pour la dépense de fonds publics. Rien dans la déclaration modifiée ne laisse entendre que ces exigences n’ont pas été satisfaites.

[33]           Le COMER, en tant qu’association non constituée en personne morale, ne peut tirer profit de la protection accordée aux droits électoraux des citoyens prévus à l’article 3 de la Charte. Bien que cette protection puisse s’appliquer aux deux demandeurs à titre particulier, à la condition qu’ils soient des citoyens canadiens, ni l’un ni l’autre n’a présenté de plaidoyer à l’égard d’une telle cause d’action. La déclaration modifiée ne laisse aucunement entendre que le droit des demandeurs de « participer utilement » au processus électoral – ce que la Cour suprême a déclaré protégé par l’article 3 – a été touché de quelque façon que ce soit : Figueroa c. Canada (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 912, au paragraphe 27.

[34]           Pour qu’une cause d’action soit présentée en vertu de la Charte, au moins une menace de violation d’un droit protégé par la Charte doit être démontrée : Operation Dismantle, précité, au paragraphe 7. La déclaration modifiée ne démontre pas qu’il existe un lien entre les actions de l’un des défendeurs et les préjudices allégués aux termes de l’article 3. Les défendeurs font valoir en outre que l’article 3 n’a jamais été interprété comme englobant tous les droits ou attentes légitimes selon lesquels les représentants élus d’un demandeur adopteront n’importe quelle mesure particulière ou s’abstiendront de le faire.

[35]           En ce qui concerne la demande en dommages-intérêts des demandeurs visant le retour des impôts présumés inconstitutionnels, les défendeurs affirment qu’aucune preuve factuelle n’a été présentée à l’appui d’une telle réclamation.

[36]           Les défendeurs abordent aussi plusieurs autres allégations dans la déclaration modifiée. En ce qui concerne les malversations alléguées de la part de fonctionnaires qui retiennent les revenus totaux anticipés, les défendeurs soutiennent que les éléments nécessaires du délit – y compris l’état d’esprit allégué d’une personne en cause, l’omission volontaire, la malveillance ou l’intention frauduleuse – ne sont pas établis : Administration portuaire de St. John’s c. Adventure Tours Inc, 2011 CF 198, au paragraphe 25. Notons l’absence de faits qui étayeraient une conclusion d’inconduite délibérée et illégitime de la part d’un fonctionnaire ou encore une conclusion voulant qu’un fonctionnaire savait que sa conduite était illégitime et susceptible de porter préjudice aux demandeurs : Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, aux paragraphes 23, 28 et 29. Pour ce qui est du délit nommé d’infraction à une loi, la Cour suprême du Canada a établi qu’un tel délit n’existe pas : La Reine c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. à la page 225. Par contre, le recours traditionnellement reconnu lorsqu’une autorité publique manque à son obligation légale est la demande de contrôle judiciaire pour invalidité : Holland c. Saskatchewan, 2008 CSC, au paragraphe 9.

[37]           Les demandeurs présentent également une allégation de complot, mais encore une fois, ils omettent de faire valoir les faits substantiels pour étayer une telle allégation, notamment l’identité des fonctionnaires qui ont eu une telle conduite, le genre d’accord conclu, le moment auquel l’accord a été conclu, les moyens légaux ou illégaux qui ont été employés et la nature du préjudice envisagé pour les demandeurs. Parmi les autres exigences qu’il manque, mentionnons un accord entre au moins deux personnes et l’intention de causer un préjudice : G.H.L. Fridman, Introduction to the Canadian Law of Torts, 2nd ed. (Markham: Butterworths, 2003) à la page 185.

[38]           Les demandeurs font valoir, par l’entremise de l’article 24 de la Loi sur la Banque du Canada, que le Parlement a permis les actions contestées par le gouvernement du Canada. Toutefois, les défendeurs soulignent que cette disposition n’a rien à voir avec la tenue des procès-verbaux par la Banque. De plus, les demandeurs n’ont pas fourni les motifs nécessaires pour démontrer en quoi l’article 30.1 porterait atteinte à leurs droits, article qui prévoit que la Couronne, le ministre des Finances et les cadres de la Banque du Canada bénéficient de l’immunité judiciaire pour les actes ou omissions commis de bonne foi dans l’exercice des pouvoirs et fonctions conférés par la Loi sur la Banque du Canada.

(3)               Jugement déclaratoire

[39]           Les défendeurs présentent une série d’arguments en lien avec la demande de jugement déclaratoire de la part des demandeurs. Premièrement, ils affirment que la Cour fédérale a compétence pour rendre un jugement déclaratoire et proposer des mesures de redressement coercitives uniquement comme le prescrit la Loi sur les Cours fédérales. L’article 18 indique que des mesures de redressement extraordinaires ne sont possibles que sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire aux termes de l’article 18.1. Bien que le paragraphe 18.4(2) permette à la Cour d’ordonner qu’une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action, il n’autorise pas les demandeurs à présenter une demande de jugement déclaratoire ou de mesure de redressement coercitive dans le cadre d’une action.

[40]           Les exigences relatives à un contrôle judiciaire approprié, tel qu’il est énoncé à l’article 18.1, stipulent que seule une partie « directement touché[e] par l’objet de la demande » peut présenter une demande. Les demandeurs ne sont pas directement touchés.

[41]           Les demandeurs réclament des dommages-intérêts visant un « retour de la partie de l’impôt illégal et inconstitutionnel. » Les défendeurs affirment qu’il est difficile de concevoir comment ces impôts peuvent être réclamés sans contester la légalité des instruments qui ont donné lieu à leur augmentation. De plus, la loi est claire. Les demandeurs ne peuvent chercher qu’à attaquer les mesures administratives prises par des acteurs étatiques au moyen d’un contrôle judiciaire : Telezone, précité, au paragraphe 52.

[42]           Deuxièmement, le droit au jugement déclaratoire doit être établi. La Cour suprême du Canada a conclu qu’un jugement déclaratoire d’inconstitutionnalité constitue un jugement déclaratoire pour le règlement d’un véritable litige : Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3 [Khadr]. Avant que le tribunal puisse prononcer un jugement déclaratoire, il doit avoir compétence sur l’objet du litige, la question dont il est saisi doit être réelle et non pas simplement théorique, et la personne qui la soulève doit avoir véritablement intérêt à la soulever. Selon les défendeurs, les demandeurs n’ont satisfait à aucune de ces exigences.

[43]           Troisièmement, les demandeurs n’ont pas le droit de renvoyer une affaire pour obtenir un avis consultatif. Comme il est établi dans l’ordonnance du 24 avril 2014, les demandeurs cherchent à obtenir de la Cour un jugement déclaratoire selon lequel leur interprétation de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution est bonne. Cela revient à demander à la Cour un avis consultatif. N’ayant pas fourni une description adéquate de la façon dont un intérêt ou un droit privé a été touché, les demandeurs n’ont pas démontré une attribution de compétence par une loi du Parlement qui permettrait à la Cour de trancher et de conclure que des infractions à la loi et des violations constitutionnelles ont eu lieu.

[44]           Quatrièmement, un jugement déclaratoire nécessite un véritable litige entre les parties et ne peut pas être prononcé à l’égard d’un litige purement hypothétique : Operation Dismantle, précité, au paragraphe 33; Conseil de bande de la première nation de Whitesand c. Diabo, 2011 CAF 96; Re Danson and the Attorney-General of Ontario, (1987) 60 OR (2d) 679, à la page 685 (CA). En l’espèce, il n’y a pas de véritable litige.

[45]           Cinquièmement, les demandeurs n’ont aucun intérêt ou droit réel qui a été touché par l’interprétation ou l’application de l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada. Comme il est indiqué dans l’ordonnance du 24 avril 2014, malgré l’allégation d’agir pour [traduction] « tous les autres Canadiens », les demandeurs n’ont pas réussi à produire un acte de procédure qui démontre comment « tous les autres Canadiens » ont été touchés à un point tel que cela constitue une violation d’un droit individuel ou collectif. La Cour se limite à juger des droits juridiques contestés et ne peut pas émettre d’avis consultatif sur le droit en général : Gouriet v. Union of Post Office Workers, [1978] AC 435, aux pages 501 et 502 [Gouriet].

(4)               Justiciabilité

[46]           La justiciabilité est un examen normatif qui concerne l’objet de la question posée, son mode de présentation et l’à-propos d’une décision judiciaire : Ami(e)s de la terre – Friends of the Earth c. Canada (Environnement), 2009 CAF 297 [Ami(e)s de la terre].

[47]           Les défendeurs soutiennent que la Cour peut et, en l’espèce, devrait interpréter des lois relativement à une requête en radiation : Laboratoires Servier c. Apotex inc., 2007 CF 837, au paragraphe 38. Les défendeurs déclarent qu’il est essentiel de noter que l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada, qui énumère la mission et les pouvoirs de la Banque du Canada, prévoit que la Banque « peut » faire ce qui est inscrit aux alinéas a) à p). Les demandeurs veulent que les alinéas i) et j) aient valeur d’obligation, de sorte que la Banque du Canada soit tenue par la loi, au besoin, de consentir des prêts sans intérêt aux fins qu’ils définissent. Un tel libellé contraignant n’est pas présent, et le fait de l’invoquer tient de l’absurdité étant donné qu’il laisserait entendre que le Parlement n’a pas donné suite à l’objectif précis de créer une Banque du Canada, tel qu’il est énoncé dans le préambule de la Loi sur la Banque du Canada : réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation.

[48]           Si la Loi sur la Banque du Canada doit avoir une valeur d’obligation, les défendeurs soutiennent qu’il sera alors nécessaire pour la Cour de décrire en détail les occasions où le gouvernement du Canada « doit » demander des prêts et où la Banque « doit » les consentir. Sans ces précisions, tout jugement prononcé par la Cour sera vide de sens et les tribunaux ne prononceront pas un jugement déclaratoire lorsqu’il « aura peu ou pas d’utilité » : Terrasses Zarolega Inc c. R.I.O., [1981] 1 RCS, aux paragraphes 106 et 107.

[49]           Les défendeurs soulignent qu’en l’absence de [traduction] « critères juridiques objectifs », la Cour devrait refuser d’entendre une affaire étant donné qu’une telle procédure signifierait qu’il faut examiner à fond des facteurs de nature politique, ce qui ne se prête guère à un contrôle judiciaire : Ami(e)s de la terre, précité, au paragraphe 33.

[50]           En demandant un jugement déclaratoire selon lequel le ministre et le gouvernement du Canada sont tenus de demander des prêts sans intérêt à l’égard de dépenses en « capital humain » et/ou en « infrastructure », les demandeurs ne font rien d’autre que de solliciter une interprétation de la Loi sur la Banque du Canada; ils veulent obtenir une ordonnance coercitive. L’article 18 n’appuie pas une telle demande. Les défendeurs soutiennent que si le gouvernement du Canada demandait un prêt particulier et si la Banque y consentait, il s’agirait d’une affaire qui ne se prête pas à l’intervention des tribunaux, tant sur le point institutionnel que constitutionnel.

[51]           En outre, la Loi sur la Banque du Canada n’énonce pas d’exigences quant à la façon dont la Banque devrait exercer ses pouvoirs de prêter. Les prêts sont de toute évidence assujettis au pouvoir discrétionnaire de la Banque et à l’examen d’un vaste éventail de circonstances à l’égard desquelles la Banque est la mieux placée pour les prendre en considération et les soupeser.

[52]           Les défendeurs affirment qu’en vertu du plan des demandeurs, la tâche de réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique du Canada relèverait de la responsabilité de la Cour, qui devrait déterminer les exigences relatives aux prêts de façon ponctuelle à l’aide d’ordonnances coercitives.

[53]           En outre, les modifications apportées par les demandeurs n’ont pas réglé la lacune relative au soi-disant « transfert » inapproprié à des institutions internationales. Les défendeurs laissent entendre que les demandeurs veulent que la Cour entreprenne une grande inquisition à l’égard des questions monétaires et fiscales. Ce n’est pas le véritable rôle de la Cour et les défendeurs n’ont aucun tel devoir.

[54]           L’allégation du « transfert » à des institutions internationales n’est pas une action en justice et n’est donc pas justiciable. Elle ne s’intéresse pas à la légalité objective d’une action ou d’une inaction, mais plutôt à la notion abstraite des « intérêts privés » qui ont préséance sur les « intérêts des Canadiens ». Seule la population canadienne peut, à l’aide de l’élection de ses représentants, déterminer les intérêts des Canadiens.

[55]           Les enjeux et les décisions de politique générale des gouvernements, qu’une branche du gouvernement est plus à même de traiter, ne sont pas justiciables : Imperial Tobacco, précité, au paragraphe 72; Lorne M Sossin : Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada (Carswell : Toronto, 1999) aux pages 4 et 5.

[56]           Les défendeurs soutiennent que la déclaration modifiée s’attaque non seulement à la façon dont le Canada élabore et met en œuvre les politiques fiscales et monétaires, mais aussi à sa participation au sein d’organisations économiques internationales. La déclaration tente d’aborder des questions obscures qui ont trait à la gouvernance de la Banque du Canada et à l’élaboration de politiques fiscales – éléments qui sont à juste titre la préoccupation du gouvernement et non du système judiciaire : Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, au paragraphe 302; AFPC c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 424 au paragraphe 36; RJR‑MacDonald Inc c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 aux paragraphes 21 et 68; Archibald c. Canada, [1997] 3 CF 335, aux paragraphes 54 et 83.

[57]           La déclaration modifiée est tellement vaste et générale dans ses paramètres qu’elle constitue un défi pour la gérabilité judiciaire.

(5)               Compétence de la Cour

[58]           Selon les défendeurs, le critère visant à déterminer si une affaire relève ou non de la compétence de la Cour fédérale est stipulé dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, à 766 [ITO-Int’l] :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[59]           En ce qui concerne le premier élément du critère, il n’existe aucune attribution de compétence pour qu’une poursuite soit intentée contre la Banque du Canada. Il a été déterminé que l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, qui prévoit que la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de mesure de redressement contre la Couronne, ne s’applique pas à une société constituée en vertu d’une loi agissant comme mandataire de la Couronne. Par conséquent, la Banque du Canada, une société créée en vertu de la Loi sur la Banque du Canada, ne peut être tenue pour représenter la Couronne ou un mandataire de la Couronne. Les pouvoirs énoncés à l’article 18 ne sont pas des pouvoirs d’agent financier, mais plutôt des pouvoirs que la Banque du Canada est habilitée à exercer de son propre chef.

[60]           De plus, la Cour n’a aucune compétence sur un ministre de la Couronne. Ce ministre ne peut faire l’objet d’une poursuite en sa qualité de représentant; la Reine est le seul défendeur approprié dans une action contre la Couronne : Peter G. White Management Ltd. c. Canada, 2006 CAF 190.

[61]           Les défendeurs font également valoir que la deuxième partie du critère de la compétence énoncé dans l’arrêt ITO-Int’l n’a pas été satisfait. Il n’est pas satisfait par le simple fait qu’un pouvoir prétendument mal utilisé émane d’une loi fédérale. Non seulement les demandeurs n’ont pas de droits précis, mais encore il n’existe aucun cadre législatif détaillé correspondant. Les allégations contre les défendeurs relativement à l’abandon des obligations légales et constitutionnelles doivent être fondées sur la négligence, le délit civil de complot ou la malfaisance. Ces questions se fondent sur le droit de la responsabilité délictuelle et seraient instruites de façon appropriée par les tribunaux provinciaux.

[62]           Pour ce qui est du troisième volet du critère, l’article 3 de la Charte n’est pas qualifié à juste titre de « loi du Canada » au sens de l’article 101. Pour étayer cet énoncé, les défendeurs appliquent le raisonnement de la décision Kigowa v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1990], 1 FC 804, au paragraphe 8, qui a examiné les paragraphes 7 et 9 de la Charte.

(6)               Qualité pour agir

[63]           En tant que dernier point en litige, les défendeurs affirment que les demandeurs n’ont pas qualité pour agir en présentant cette déclaration. Leurs droits privés n’ont pas fait l’objet d’une ingérence et n’ont pas non plus subi de dommages-intérêts particuliers en raison d’une ingérence avec un droit public : Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 RCS 607, aux paragraphes 18 à 22 [Finlay].

[64]           Un mépris général pour une loi ou une action gouvernementale donnée ne suffit pas pour satisfaire à la norme du « intérêt véritable » pour avoir qualité d’agir dans l’intérêt public. Il faut un lien plus fort que celui qui est présenté dans la déclaration modifiée entre la partie qui dépose la déclaration et la mesure législative contestée : Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236; Marchand c. Ontario (2006), 81 OR (3d) 172 (SCJ).

B.                 Réponse des demandeurs à la requête des défendeurs

[65]           Dans la mesure où l’ordonnance du 24 avril 2014 a refusé de radier le jugement déclaratoire (l’essentiel de la déclaration modifiée) et a conclu qu’elle est justiciable, les demandeurs affirment que la présente requête en radiation constitue un abus de procédure, car le principe de la chose jugée et la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquent.

(1)               Le critère relatif à une requête en radiation

[66]           Pour ce qui est des principes généraux devant s’appliquer à une requête en radiation, les demandeurs affirment que les faits exposés par les demandeurs doivent être tenus pour avérés : Proc. Gén. du Can. c. Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 RCS 735; Nelles c. Ontario (1989), DLR (4e) 609 (CSC) [Nelles]; Operation Dismantle, précité; Hunt c. Carey Canada Inc [1990] 2 RCS 959 [Hunt]; Dumont c. Canada (Procureur général), [1990] 1 RCS 279 [Dumont]; Nash v. Ontario (1995), 27 OR (3d) 1 (Ont CA) [Nash]; Canada c. Arsenault, 2009 CAF 242 [Arsenault].

[67]           Les demandeurs font aussi écho au critère cité en renvoi par les défendeurs, en affirmant qu’une déclaration peut être radiée uniquement dans des cas très clairs où l’acte de procédure est incontestablement vicié : Nelles, précité, au paragraphe 3. La Cour a donné une orientation supplémentaire dans l’arrêt Dumont, précité, selon laquelle l’issue de l’affaire doit être « évidente » ou « au-delà de tout doute » avant que la radiation puisse être invoquée (au paragraphe 2). La radiation ne saurait être justifiée parce qu’un acte de procédure révèle « une question de droit contestable, difficile ou importante » : Hunt, précité, au paragraphe 55.

[68]           La nouveauté de la déclaration modifiée n’est pas un motif en soi pour la radier : Nash, précité, au paragraphe 11; Hanson v. Bank of Nova Scotia (1994), 19 OR (3d) 142 (CA); Adams-Smith v. Christian Horizons (1997), 3 OR (3d) 640 (Ont Gen Div). De plus, les affaires qui ne sont pas entièrement réglées par la jurisprudence ne devraient pas être tranchées dans une requête en radiation : RD Belanger & Associates Ltd. v. Stadium Corp. of Ontario Ltd. (1991), 5 OR (3d) 778 (CA). Pour que les défendeurs aient gain de cause, les demandeurs font valoir qu’il faut invoquer une affaire relevant de la même compétence qui traite directement de la même question et qui la rejette : Dalex Co c. Schwartz Levitsky Feldman (1994), 19 OR (3d) 215 (CA). La Cour devrait se montrer généreuse en ce qui a trait à la rédaction des actes de procédure, et autoriser qu’ils soient modifiés avant de les radier : Grant v. Cormier – Grant et al (2001), 56 OR (3d) 215 (CA).

[69]           Les demandeurs rappellent également à la Cour que la démarcation entre les faits et la preuve n’est pas toujours évidente (Liebmann c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1994] 2 CF 3, au paragraphe 20) et que la déclaration modifiée doit être prise telle qu’elle est présentée par les demandeurs, et non pas selon l’interprétation proposée par les défendeurs : Arsenault, précité, au paragraphe 10.

(2)               Déclarations de nature constitutionnelle

[70]           Pour ce qui est des principes généraux à appliquer à leurs déclarations de nature constitutionnelle, les demandeurs font valoir que, comme il a déjà été plaidé devant le protonotaire et devant moi, la Constitution n’appartient pas au gouvernement fédéral ni aux assemblées législatives provinciales, mais plutôt aux Canadiens : Nova Scotia (Attorney General) v. Canada (Attorney General), [1951] RCS 31 [Nova Scotia (AG)]. Le Parlement et le pouvoir exécutif sont liés par des normes constitutionnelles, et ni l’un ni l’autre ne peut abdiquer son devoir de gouverner : Canada (Wheat Board) v. Hallet and Carey Ltd, [1951] RCS 81 [Wheat Board]; Re George Edwin Gray, (1918) 57 SCR 150 [Re Gray] à 157; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1988] 2 RCS 217 [Renvoi relatif à la sécession du Québec].

[71]           De plus, la Cour suprême du Canada a conclu que les omissions du point de vue législatif peuvent entraîner des violations constitutionnelles (Vriend c. Alberta, [1998] 1 RCS 493) et que toute action et toute inaction exécutives doivent se conformer aux normes constitutionnelles : Air Canada c. C.-B. (P.G.), [1986] 2 RCS 539; Khadr, précité.

[72]           Pour ce qui est de la question budgétaire, les demandeurs soutiennent ce qui suit : a) contrairement à l’arrêt Arsenault, les défendeurs dénaturent la déclaration modifiée des demandeurs; et b) l’article 3 de la Charte est intrinsèquement lié au droit à aucune taxation sans représentation et à tout autre droit sous-jacent directement lié au droit de vote.

[73]           Les demandeurs affirment que les défendeurs dénaturent la question constitutionnelle et n’y répondent pas de façon appropriée. Deux allégations et hypothèses erronées ont été faites. Premièrement, il n’est pas manifeste et évident que le paragraphe 91(6) n’impose pas un devoir, ou qu’il n’est pas défendable : Wheat Board, précité; Re Gray, précité, à 157; Renvoi relatif à la sécession du Québec, précité. Deuxièmement, les défendeurs n’ont pas tenu compte du fait que le devoir constitutionnel premier dans le processus budgétaire est d’énumérer toutes les recettes et dépenses. Ce devoir a évolué par rapport à la Magna Carta et il est relié au droit constitutionnel à aucune taxation sans représentation. Les défendeurs ont supprimé et omis de révéler les véritables recettes au Parlement, qui constitue le seul organe ayant le pouvoir constitutionnel de prélever des impôts et, par conséquent, d’approuver les dépenses proposées. Essentiellement, le ministre des Finances a supprimé la capacité du Parlement d’examiner correctement, de débattre et d’adopter les dépenses et les dispositions fiscales correspondantes du budget.

[74]           La thèse des demandeurs est mal interprétée par les défendeurs dans une tentative de faire valoir un droit dans la Magna Carta. Tout ce qui est déclaré, soutiennent les demandeurs, c’est que le droit peut être retracé à la Magna Carta et qu’il est codifié par les articles 53, 54 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il est soutenu que les actions en responsabilité délictuelle, qui se fondent sur ce droit et le droit indissociable de voter aux termes de l’article 3 de la Charte, peuvent être « nouvelles », mais conformes aux règles de plaidoirie et l’ordonnance du 24 avril 2014, tout en satisfaisant aux critères d’une cause d’action raisonnable.

[75]           De plus, l’action en responsabilité délictuelle n’était pas, et ne devrait pas être présentée, sous forme de malfaisance ou de complot public. Au contraire, les actions du ministre des Finances, pour ce qui est du processus budgétaire, et celles des dirigeants de la Banque du Canada qui ont relégué ou abdiqué leur devoir, ont trait aux violations constitutionnelles et aux délits allégués.

(3)               Jugement déclaratoire

[76]           En ce qui concerne le jugement déclaratoire, les demandeurs soutiennent que les allégations des défendeurs sur la question sont, de toute façon, mal avisées et contraires à la jurisprudence. Les demandeurs font valoir que la question a déjà été tranchée par mon ordonnance du 24 avril 2014 et a été confirmée par la Cour d’appel lorsque cette dernière a rejeté l’appel incident des défendeurs. Par conséquent, l’affaire constitue une chose jugée, une préclusion découlant d’une question déjà tranchée et un abus de procédure : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 RCS 77.

[77]           Le jugement déclaratoire est au cœur du droit constitutionnel au contrôle judiciaire : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 27 à 31; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 757, au paragraphe 38; Solosky c. La Reine, [1980] 1 RCS 821, au paragraphe 830. La Cour suprême du Canada a récemment réitéré la portée du droit au jugement déclaratoire, indiquant qu’il ne peut pas être prescrit en vertu d’une loi : Manitoba Metis Federation Inc c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, aux paragraphes 134, 140 et 143.

[78]           Les défendeurs ne tiennent pas compte des articles 2 et 17 de la Loi sur les Cours fédérales, ni de l’article 64 des Règles. La Cour a confirmé que le jugement déclaratoire est disponible, et qu’il peut être demandé, aux termes de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales : Edwards c. Canada (2000) 181 FTR 219 [Edwards]; Khadr, précité.

(4)               Justiciabilité

[79]           En ce qui concerne la justiciabilité, les demandeurs allèguent que la question en litige est non justiciable parce qu’elle traite d’affaires socioéconomiques, prétextant que la Cour suprême du Canada a déclaré que la constitutionnalité d’un texte législatif a toujours été une affaire justiciable.

[80]           Les demandeurs prétendent que les défendeurs ont « patiné » autour de la notion de justiciabilité pour en faire une « question politique ». Les demandeurs affirment ce qui suit :

[traduction] La doctrine de la « question politique » est une ancienne doctrine adoptée tôt dans la jurisprudence au détriment des « pures questions de politique » ou « de choix » et au détriment de « politiques » à propos desquelles il n’existe aucune dimension législative ou constitutionnelle sur laquelle la Cour peut trancher. En bref, l’objet du litige ne portait pas sur des droits législatifs ou constitutionnels affirmés. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

[81]           Pour ce qui est de litiges qui traitent de politiques socioéconomiques que la Cour suprême du Canada a jugées justiciables, les demandeurs soutiennent qu’il faut prendre en considération :

         si le contrôle « des prix et des salaires » relevait de la compétence du Parlement fédéral : Renvoi : Loi anti-inflation, 1975, [1976] 2 RCS 373;

         si les limites à l’égard des paiements de transfert entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pouvaient être modifiées unilatéralement : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 RCS 525 [Renvoi RAPC];

         une contestation par un particulier pour savoir si les paiements de transfert par le gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux relativement aux paiements d’aide sociale étaient illégaux du fait que la province contrevenait à certaines dispositions du Régime d’assistance publique du Canada : Finlay, précité.

[82]           Les demandeurs affirment que le critère véritable de la justiciabilité est de savoir s’il y a « un aspect suffisamment juridique pour justifier l’intervention du pouvoir judiciaire » : Renvoi RAPC, précité, au paragraphe 33. La déclaration modifiée satisfait à ce critère. Lorsqu’il est allégué que des politiques sociales enfreignent ou violent des droits protégés par la Charte, elles doivent être examinées à fond; cela n’exclut pas les « questions politiques » : Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, aux paragraphes 89, 183, 185. Dans de tels cas, la question dont la Cour est saisie n’est pas de savoir si la politique est saine, mais plutôt de savoir si elle viole des droits constitutionnels, ce qui est une question tout à fait différente : Operation Dismantle, précité, au paragraphe 472.

[83]           Le jugement déclaratoire et les dommages-intérêts réclamés dans la déclaration modifiée sont, selon les demandeurs, fondés sur l’interprétation de la Loi sur la Banque du Canada, ainsi que sur les exigences et les obligations constitutionnelles relatives au processus budgétaire. Elles n’ont pas été respectées. Par conséquent, la Constitution est structurellement violée et les droits des demandeurs sont enfreints.

[84]           Les défendeurs ont confondu la notion de justiciabilité avec la notion d’exécution de la loi en ne faisant pas la distinction entre le jugement déclaratoire et les mesures de redressement demandées, et en considérant une partie du jugement déclaratoire comme non exécutable. Le droit de demander un jugement déclaratoire est prévu à l’article 64 des Règles, peu importe si oui ou non une mesure de redressement est demandée ou peut être demandée. De plus, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il peut y avoir des instances où il est approprié d’énoncer un droit mais de ne pas l’appliquer : Khadr, précité.

(5)               Qualité pour agir

[85]           Finalement, les demandeurs allèguent qu’ils ont de toute évidence qualité pour présenter ces questions justiciables à la lumière des faits allégués. Même si cette qualité pour agir est personnelle, elle est également fondée sur l’intérêt public et est conforme à la jurisprudence récente : Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45; Galati, précité.

[86]           La Cour suprême du Canada a déjà conclu que la Constitution n’appartient ni au gouvernement fédéral ni aux gouvernements provinciaux, mais plutôt aux citoyens canadiens (Nouvelle-Écosse (AG), précité), et qu’il s’agit d’un outil pour régler des litiges, dont l’un des objectifs les plus importants est de bien servir ceux qui l’utilisent : Renvoi relatif à certaines modifications à la Residential Tenancies Act (N.-É.), [1996] 1 RCS 186, au paragraphe 210.

[87]           Les demandeurs allèguent qu’il est temps de revoir la question de la qualité pour agir en ce qui concerne la constitutionnalité des lois et actions exécutives. Dans des cas comme celui qui nous occupe, où il est question de la constitutionnalité des lois ou actions exécutives par l’entremise d’un jugement déclaratoire, la qualité pour agir dans l’intérêt public est un droit constitutionnel.

VI.             ANALYSE

[88]           Aux termes de mon ordonnance du 24 avril 2014, entérinée par la Cour d’appel fédérale le 6 janvier 2015, les demandeurs ont signifié et déposé la déclaration modifiée, et les défendeurs ont présenté une deuxième requête en radiation.

[89]           Le contexte de ce litige est énoncé dans mon ordonnance du 24 avril 2014.

A.                Les modifications

[90]           Bien que la déclaration modifiée conserve en bonne partie le jugement déclaratoire décrit aux articles 1 à 10 par rapport au plaidoyer antérieur, les demandeurs ont abandonné les allégations selon lesquelles les actions illégales des défendeurs violent les articles 7 et 15 de la Charte. Dans leur présente demande de jugement déclaratoire, les demandeurs cherchent plutôt à faire déclarer :

[…]
[traduction]

viii) que les impôts exigés pour payer des intérêts aux banquiers privés canadiens et, en particulier, étrangers, sont illégaux et inconstitutionnels en raison de,

A/      la violation du droit ou des droits constitutionnels à aucune taxation sans représentation en raison de l’omission de la part du ministre de divulguer toutes les recettes prévues aux membres élus du Parlement, avant le retour des crédits d’impôt prévus, avant de déterminer si un déficit ou un excédent est prévu, au moment du dépôt du budget, de sorte qu’un débat parlementaire en règle ne puisse pas avoir lieu, violant ainsi le droit à aucune taxation sans représentation aux termes des articles 53 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que les impératifs constitutionnels non écrits à cet effet;

B/      la violation du droit de vote des demandeurs aux termes de l’article 3 de la Charte, qui est lié au droit à aucune taxation sans représentation pour ce qui est de violations constitutionnelles commises par le ministre des Finances;

C/      la violation des modalités de la Loi sur la Banque du Canada, relativement aux prêts sans intérêt, ainsi que des violations constitutionnelles consécutives, par le pouvoir exécutif, de son devoir de gouverner, ainsi que de l’abandon de sa souveraineté et de son pouvoir décisionnel législatif à la faveur des banquiers privés et étrangers;

[…]

[91]           Les demandeurs ont aussi clairement indiqué que leurs réclamations en responsabilité civile délictuelle ne se fondent pas sur le complot ou le méfait public. La nouvelle réclamation en dommages-intérêts se lit comme suit :

[…]
[traduction]

b)      des dommages-intérêts au montant suivant :

i)       10 000 $ pour chacun des demandeurs, William Krehm et Anne Emmett, ainsi que pour les dix (10) membres du comité de direction du COMER, dont les noms sont mentionnés au paragraphe 2a) de la déclaration, pour la violation de leur droit constitutionnel à « aucune taxation sans représentation » et pour la violation indissociable du droit de vote aux termes de l’article 3 de la Charte, qui est lié au droit et à l’impératif de ne subir aucune taxation sans représentation, en raison des violations constitutionnelles commises par le ministre des Finances à l’égard du processus budgétaire;

ii)      le retour de la partie de l’impôt illégal et inconstitutionnel, qui sera calculée et rajustée au moment du procès pour chaque demandeur et les membres du comité de direction, et qui consiste en la proportion des impôts servant à payer les frais d’intérêts à l’égard du déficit et de la dette accumulés entre 2011 et le moment du procès, frais payés par les demandeurs et les membres du comité de direction à la suite des violations légales et constitutionnelles des droits des défendeurs découlant du refus ou de l’omission de combler les déficits dans le budget au moyen de prêts sans intérêt, ainsi qu’à la suite de la violation de leur droit à aucune taxation sans représentation, dont les montants seront calculés en fonction des modifications de l’intérêt composé énoncées dans le budget, en tant que pourcentage du budget, qui correspond au même pourcentage que celui payé par les demandeurs et les membres du comité de direction, qui sera calculé et rajusté au moment du procès.

[…]

[92]           D’autres modifications apportées à la déclaration modifiée ont pour résultat d’étayer les déclarations en fournissant plus de faits (p. ex. les paragraphes 15h) et 22) ou encore de refléter les changements fondamentaux mentionnés plus haut (voir les paragraphes 39, 41, 43 et 47)

B.                 Article 221 – Requête en radiation

[93]           Comme dans le cas de la requête en radiation précédente, il n’y a pas de désaccord entre les parties quant à la jurisprudence de base qui régit une requête en radiation aux termes de l’article 221. Aux fins de la présente requête, j’adopte les principes énoncés aux paragraphes 66 et 68 de mon ordonnance du 24 avril 2014. Essentiellement, le critère à respecter pour radier une action est élevé, et les défendeurs doivent démontrer, dans l’hypothèse où les faits allégués sont véridiques, qu’il est évident et  manifeste que les actes de procédure ne révèlent pas de cause d’action valable ou que la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Voir Imperial Tobacco, précité, aux paragraphes 17, 21 et 25.

[94]           Comme je l’ai conclu dans mon ordonnance du 24 avril 2014, la présente demande demeure à la fois nouvelle et ambitieuse; toutefois, dans l’hypothèse où les faits plaidés sont véridiques, cela ne signifie pas qu’il est évident et manifeste que la demande ne donne lieu à aucune cause d’action valable ou qu’elle n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie au moment du procès.

C.                 Motifs de la requête

[95]           Les défendeurs ont soulevé plusieurs motifs pour radier la déclaration modifiée. J’aborderai à tour de rôle les motifs que j’estime fondés et pertinents.

(1)               Présentation du budget et taxation

[96]           En ce qui concerne le jugement déclaratoire demandé aux alinéas 1a)(vi) à viii) de la déclaration modifiée traitant du dépôt du budget fédéral par le ministre des Finances, les défendeurs allèguent ce qui suit :

12.    [traduction] Il n’existe aucun devoir constitutionnel de présenter le budget fédéral de la manière demandée par les demandeurs. Il n’y a aucune violation du principe d’« aucune taxation sans représentation ». Le principe, tel qu’il est défini par la Cour suprême, signifie que la Couronne ne peut prélever un impôt sans l’autorisation du Parlement. Cette exigence constitutionnelle était satisfaite en l’espèce.

13.    Le Parlement est maître de sa procédure. Il est bien reconnu que le Parlement n’a aucun devoir de légiférer. Il n’y a aucune cause d’action pour l’omission par le Parlement de promulguer une loi.

14.    Les demandeurs allèguent que la méthode comptable employée dans le processus budgétaire est une violation du paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui accorde au Parlement une autorité législative en ce qui concerne « [l]e recensement et les statistiques ». Cette disposition ne leur sera d’aucune utilité. L’article 91 énumère les catégories de sujets et toutes les matières tombant dans ces catégories de sujets dont le Parlement du Canada se voit accorder l’autorité législative exclusive – il n’impose pas d’obligation au Parlement ou au gouvernement. Un renvoi à une catégorie de pouvoir fédéral dans la Loi constitutionnelle de 1867 ne constitue pas une imposition d’un devoir au Parlement de légiférer relativement à cette matière. Par. 91(6) – « Le recensement et les statistiques » – est l’une des catégories de sujets énumérées à l’art. 91 à l’égard desquelles il est déclaré dans la Loi constitutionnelle de 1867 que « l’autorité législative exclusive du parlement [sic] du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans » cette catégorie de sujets.

15.    Quoi qu’il en soit, la plus grande partie des renseignements que les demandeurs cherchent à inclure dans les documents du budget présentés devant le Parlement est accessible au public auprès du ministère des Finances, p. ex. le document Dépenses fiscales et évaluations 2012, accessible à l’adresse http://www.fin.gc.ca/taxexp-depfisc/2012/taxexp12-fra.asp.

[Notes de bas de page omises]

[97]           Les faits étayant la requête par les demandeurs d’un jugement déclaratoire sur cette question sont énoncés aux paragraphes 25 à 43 de la déclaration modifiée. Le principal point juridique est énoncé comme suit :

[39]        [traduction] Les demandeurs affirment, et le fait est, que la « méthode comptable » susmentionnée employée dans le processus budgétaire n’est pas conforme aux pratiques comptables acceptées, qu’elle est erronée tant sur le plan conceptuel que logique et qu’elle a pour effet de toujours rendre l’image réelle et exacte de ce que sont réellement les « recettes » totales, les « dépenses totales » et le déficit ou l’excédent annuel, de ce que sont réellement le « déficit et l’excédent » annuels, au cours d’une année donnée et, par conséquent, de ce qui est réellement la « dette » nationale permanente. En outre, ce qui est plus important encore, les demandeurs affirment, et le fait est [sic] que ces méthodes « comptables » empêchent tout débat ou examen réel par les députés élus, au Parlement, étant donné que l’image financière réelle n’est pas connue ni révélée aux parlementaires ou à la population canadienne. Les demandeurs affirment, et le fait est, que cette méthode comptable viole les dispositions du paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867 et le devoir des défendeurs de tenir des « statistiques » précises ainsi que la capacité des députés au Parlement de débattre totalement et ouvertement du budget, ce qui viole le ou les droits des demandeurs à « aucune taxation sans représentation » et enfreint également leur droit de vote aux termes de l’article 3 de la Charte, qui est lié au principe d’aucune taxation sans représentation.

[…]

[41]        [traduction] Les demandeurs affirment, et le fait est que, cette omission ou le choix délibéré du ministre des Finances, le défendeur, de retenir les recettes totales prévues, avant de soustraire les crédits d’impôt prévus, de même que les dépenses prévues, dans les projets de loi de finances, viole le droit constitutionnel des demandeurs à aucune taxation sans représentation, comme le garantissent les articles 53 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, et l’impératif constitutionnel non écrit la sous-tendant, remontant à la Magna Carta, et diminue, dévalue ou enfreint leur droit de vote en vertu de l’article 3 de la Charte pour ce qui est de la taxation liée au déficit, à la dette, ainsi que l’occasion de débattre de la possibilité d’éviter les deux, notamment en consentant les prêts sans intérêt de la Banque du Canada aux termes de l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada.

[98]           Il est vrai, comme l’affirment les défendeurs, que les demandeurs n’acceptent pas la façon dont le ministre présente le budget fédéral au Parlement. Toutefois, les allégations énoncées plus haut ne portent pas uniquement sur le fait que les méthodes comptables du ministre sont fallacieuses parce qu’elles ne tiennent pas compte, à juste titre, du capital humain ou des crédits d’impôt. Si tel était l’objet des déclarations, alors il ne s’agirait de rien d’autre qu’un débat sur les procédures appropriées de comptabilité dans le contexte du budget fédéral. Cependant, les demandeurs présentent des faits sur la façon dont le budget fédéral est présenté au Parlement et expliquent pourquoi ils jugent cette démarche inappropriée, avant d’énoncer le fondement juridique de leur déclaration. Ainsi, le fondement juridique de la déclaration est que les pratiques et méthodes comptables employées par le ministre enfreignent le paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867 parce qu’elles signifient que les défendeurs ne prennent pas en compte ni ne présentent aucune statistique précise, ce qui, à son tour, enfreint l’article 3 de la Charte étant donné que, au bout du compte, des statistiques inexactes et trompeuses empêchent tout débat significatif sur le budget au Parlement. Il s’ensuit que les députés ne peuvent pas remplir leur fonction de représentation et que les demandeurs (du moins les demandeurs à titre particulier) sont par conséquent imposés sans pouvoir offrir un véritable apport représentatif au budget. Cela mine l’application de l’article 3 de la Charte et les garanties données en vertu des articles 53 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867. Voilà ma compréhension de la déclaration modifiée à ce sujet.

[99]           De toute évidence, les demandeurs n’acceptent pas la façon dont le ministre compile et présente le budget au Parlement. Ils savent qu’en soi, cela ne constitue pas un litige juridique dont ils peuvent saisir la Cour. En conséquence, pour étayer leurs plaintes, ils ont invoqué le paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 3 de la Charte et le principe d’aucune taxation sans représentation. Cette démarche s’apparente-t-elle à toute application antérieure des dispositions et des principes constitutionnels cités et invoqués? Pas à ma connaissance. Par contre, ce n’est pas le litige dont je suis saisi. Un litige en vertu de la Charte laisse habituellement entendre que la Cour suprême du Canada peut révéler une violation de la Constitution ou de la Charte qui n’a pas encore été recensée.

[100]       La cible des demandeurs est le pouvoir exécutif du gouvernement, représenté par le ministre des Finances. Ce sont les actions du ministre qui, selon les allégations, entravent le processus parlementaire et enfreignent la Loi constitutionnelle de 1867 ainsi que l’article 3 de la Charte. Il faut reconnaître que les arguments sous-tendant l’affirmation des demandeurs selon laquelle il y a violation de la Constitution et de la Charte semblent, à ce moment-ci, assez nouveaux et ésotériques mais, comme je l’ai déjà dit, cela ne constitue pas un motif suffisant pour dire qu’ils ne révèlent pas de cause d’action raisonnable ou que la demande n’a pas de possibilité raisonnable d’être accueillie.

[101]       Les demandeurs ont réitéré les mêmes points de façon claire dans leurs plaidoyers :

[traduction]

L’affaire dont vous êtes saisi est qu’il y a une violation exécutive d’une exigence constitutionnelle de la part du ministre des Finances en ce qui concerne le processus budgétaire et qu’en conséquence, la loi qui est promulguée par le Parlement viole le droit constitutionnel à aucune taxation sans représentation. Pourquoi? Les députés ont les yeux bandés.

[Transcription des procédures, p. 38, lignes 17 à 23]

Le droit de vote comprend le droit à une représentation efficace. Si les députés sont aveuglés par les violations exécutives constitutionnelles par le ministre des Finances, de quelle façon une représentation efficace est-elle assurée?

[Transcription des procédures, p. 39, lignes 1 à 5]

[I]l n’est nullement demandé dans les actes de procédure que le Parlement légifère. Nous disons tout simplement qu’il y a une abdication du devoir parlementaire et exécutif en ce qui concerne le budget en ce qui a trait aux faits allégués. Ce n’est pas la même chose.

Et l’inaction s’applique autant au pouvoir exécutif qu’au pouvoir législatif pour ce qui est des violations constitutionnelles...

[Transcription des procédures, p. 39, lignes 15 à 21]

Et les recettes réelles ne sont pas présentées au Parlement. Voilà ce que nous avons allégué. C’est le fait.

[Transcription des procédures, p. 46, lignes 20 à 22]

Au paragraphe 22, j’énonce la codification de ces principes aux articles 53, 54 et 90, puis j’affirme qu’en enlevant les véritables recettes et en ne les révélant pas au Parlement, qui est le seul organe à pouvoir constitutionnellement lever un impôt et, de ce fait, à approuver les dépenses proposées dans le discours du Trône, le ministre des Finances enlève aux députés la capacité d’examiner de façon appropriée le budget, d’en débattre et d’adopter ses dépenses et ses dispositions d’imposition correspondantes par l’entremise des représentants élus de la Chambre des communes. L’ancienne maxime constitutionnelle voulant qu’il n’y ait aucune taxation sans représentation a été confirmée de nouveau après l’adoption de la Charte par la Cour suprême du Canada dans le renvoi relatif à l’éducation.

[Transcription des procédures, p. 50, ligne 21, jusqu’à la p. 51, ligne 5]

[102]       Il me semble que ces arguments et affirmations ne peuvent pas s’appliquer au COMER comme tel, qui n’a aucun droit de vote. En ce qui concerne les demandeurs à titre particulier, même en supposant qu’ils paient des impôts, les allégations demeurent abstraites et théoriques. Une allégation centrale – non étayée par des faits – est que les députés votent sans connaître les faits et se sont fait jeter de la poudre aux yeux par le ministre des Finances. Il n’existe aucun fait allégué pour étayer cette allégation imprécise. Il se peut que les députés comprennent fort bien les questions soulevées par les demandeurs au sujet des pratiques comptables budgétaires, mais ils peuvent avoir décidé de les accepter. Les demandeurs allèguent que le Parlement est induit en erreur par le ministre, mais que les demandeurs ne le sont pas.

[103]       Il n’existe aucun fait pour dire quels députés représentent les demandeurs à titre particulier et si ces députés ont été pressentis pour régler les questions soulevées dans la présente déclaration ou si, ayant été informés des préoccupations des défendeurs, ces députés ont voté pour ou contre le budget. Si les députés représentant les demandeurs à titre particulier ont été informés du problème, alors peu importe la façon dont ils votent, il est difficile de voir comment les demandeurs ne sont pas représentés au Parlement à cet égard. La représentation ne signifie pas que les députés doivent voter conformément aux souhaits des électeurs particuliers. Si les députés représentatifs n’ont pas été contactés, il est alors difficile de comprendre pourquoi les demandeurs à titre particulier se sont présentés devant la Cour pour demander qu’elle statue au sujet de leurs droits de représentation au Parlement.

[104]       Par contre, si les députés, ou du moins ceux qui représentent les demandeurs à titre particulier, sont conscients des préoccupations comptables que les demandeurs soulèvent, alors il me semble que les droits de vote et de représentation des demandeurs à titre particulier ne peuvent pas être sapés.

[105]       Aucun fait allégué dans les actes de procédure ne laisse entendre que des députés « votent les yeux fermés » ou sont trompés par le ministre des Finances. Dans la même veine, rien n’établit que le Parlement omet de surveiller et d’évaluer le processus budgétaire, y compris la façon dont le budget est compilé et présenté par le ministre des Finances. La logique avancée dans la déclaration modifiée est que si le Parlement n’adopte pas les préoccupations des demandeurs concernant le processus budgétaire et qu’il n’y donne pas suite, alors les parlementaires sont aveugles. Il s’agit là d’une affirmation qui n’est pas étayée. Il ne s’agit pas d’un fait.

[106]       Il n’y a rien d’autre qu’une vague affirmation selon laquelle le ministre des Finances « bande les yeux » de ses collègues parlementaires et les égare au détriment des demandeurs à titre particulier et, prétendument, de tous les Canadiens ayant droit de vote.

[107]       Même à un niveau abstrait, cela semble être tiré par les cheveux, c’est le moins qu’on puisse dire. Les demandeurs demandent à la Cour de tout simplement supposer que le Parlement n’a pas les moyens de comprendre la façon dont le budget est compilé et présenté. En l’occurrence, la logique est que, parce que le budget n’est pas présenté comme les demandeurs pensent qu’il devrait l’être, leurs représentants parlementaires s’en font mettre plein les yeux par le ministre des Finances et, de toute évidence, ils ne savent pas ce qu’ils font lorsqu’ils adoptent un budget. Cette thèse est présumée et non étayée par des faits. Elle demeure un débat abstrait quant à la façon dont le budget devrait être présenté.

[108]       Des affirmations vagues, sans faits pour les étayer, ne suffisent pas à satisfaire aux règles de l’argumentation. Voir l’article 174 ainsi que la jurisprudence qui l’accompagne.

[109]       Rien dans les faits allégués dans la déclaration modifiée ne laisse entendre que le Parlement n’est pas pleinement conscient des critiques présentées par les défendeurs à l’endroit du ministre des Finances et que les parlementaires ne sont pas libres de remettre en question tout budget présenté et d’en débattre sous l’angle de ces critiques. Par conséquent, rien n’étaye l’allégation selon laquelle la capacité des députés au Parlement de débattre totalement et ouvertement du budget est entravée de quelque façon que ce soit. De plus, si le ministre des Finances, au moment de compiler le budget, choisit de ne pas tenir compte du « capital humain » ou choisit de retenir les recettes totales prévues, avant de soustraire les crédits d’impôt prévus ainsi que les dépenses prévues des projets de loi de finances, ces choix deviennent également la volonté du Parlement de suivre les procédures établies pour débattre des budgets et les adopter. Les demandeurs ne sont pas en droit d’insister pour que le Parlement débatte des budgets et les adopte uniquement en fonction des principes et procédures qu’ils approuvent et préconisent. Si les demandeurs ne sont pas d’accord avec le processus, alors, comme tout le monde, ils peuvent communiquer avec leurs propres représentants parlementaires. Par conséquent, selon moi, il n’existe aucun fondement factuel dans la déclaration modifiée pour étayer une allégation selon laquelle la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 3 de la Charte ou n’importe quel principe constitutionnel est violé selon le principe d’aucune taxation sans représentation. Si les demandeurs à titre particulier ont un vote, alors ils sont totalement représentés au Parlement, et il revient au Parlement d’adopter ou non le budget présenté par le ministre des Finances, conformément à ses propres procédures. Aucun fait allégué ne laisse entendre que le Parlement n’est pas totalement conscient des critiques que les demandeurs ont soulevées dans la présente action à l’encontre du ministre et du processus budgétaire, ou encore, que le Parlement n’est pas conscient que le processus budgétaire n’est pas ouvert aux sortes de critiques que les demandeurs allèguent dans leur déclaration modifiée.

[110]       La Cour suprême du Canada fait valoir l’argument général suivant dans l’arrêt Authorson, précité, au paragraphe 38, citant Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, précité :

La façon dont les chambres du Parlement procèdent, celle dont une assemblée législative provinciale procède est dans chaque cas une question d’auto-définition, sous réserve de prescriptions constitutionnelles prépondérantes, ou de prescriptions auto-imposées par la loi ou internes. Il est inutile en l’espèce de se lancer dans un examen historique de l’aspect « judiciaire » du Parlement et de l’immunité de ses procédures au contrôle judiciaire. Les tribunaux interviennent quand une loi est adoptée et non avant (à moins qu’on ne leur demande leur avis sur un projet de loi par renvoi). Il serait incompatible avec le pouvoir d’auto-régulation (« inhérent » est un mot aussi approprié) des chambres du Parlement de nier leur capacité d’adopter des résolutions. On peut à bon droit se référer à l’art. 9 du Bill of Rights de 1689, qui fait indubitablement partie du droit du Canada et qui prévoit que [traduction] « les procédures du Parlement ne devront pas être attaquées ou mises en question [devant] un tribunal [ni] ailleurs hors du Parlement ».

[111]       Les demandeurs ne s’attaquent pas à n’importe quelle loi budgétaire qui peut avoir eu une incidence sur eux et qui donne lieu à une cause d’action devant dans une cour de justice. Ils s’attaquent au processus parlementaire qui, selon eux, est utilisé pour présenter des projets de loi de finances, en débattre et les adopter sous forme de loi. Ils veulent que la Cour statue, quoique pour des motifs constitutionnels et relatifs à la Charte, sur la façon dont le Parlement fonctionne. Selon moi, la jurisprudence est claire; ce n’est pas le rôle de la Cour. Il faut en arriver aux mêmes conclusions même si la Cour examine la question selon « quand une loi est adoptée et non avant. » Les projets de loi de finances sont adoptés conformément au processus d’autoréglementation au Parlement dans lequel les députés peuvent soulever les préoccupations des demandeurs. Aucun fait allégué ne laisse entendre que les demandeurs ne sont pas totalement représentés au Parlement dans le cas des projets de loi de finances, comme ils le sont dans le cas de tout autre projet de loi.

[112]       Comme l’a dit clairement la Chambre des lords dans l’arrêt Hamilton v. al Fayed, précité :

[traduction]
L’article 9 du Bill of Rights de 1689 prévoit que :

« l’exercice de la liberté de parole et d’intervention dans les débats et délibérations du Parlement ne peut être contesté ou mis en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu’au Parlement ».

Il est bien établi que l’article 9 ne donne pas, à proprement parler, une définition exhaustive du privilège parlementaire. Dans Prebble v. Television New Zealand Ltd. [1995] 1 AC 321 à la p. 332, j’ai dit :

[traduction] Outre l’article 9 lui-même, il y a toute une hiérarchie qui appuie un principe plus vaste, dont l’article 9 n’est qu’une manifestation, notamment que les tribunaux et le Parlement sont tous les deux bien avisés de reconnaître leurs rôles constitutionnels respectifs. En ce qui concerne les tribunaux, ils n’autoriseront pas de contestation à l’égard de ce qui est dit ou fait à l’intérieur des murs du Parlement dans l’exécution de ses fonctions législatives et la protection de ses privilèges établis : Burdett v. Abbott (1811) 14 East 1; Stockdale v. Hansard (1839) 9 Ad. & E.C. 1; Bradlaugh v. Gossett (1884) 12 Q.B.D. 271; Pickin v. British Railways Board [1974] AC 765; Pepper v. Hart [1993] AC 593. Dans Commentaries on the Laws of England, 17th ed. (1830), vol. 1, p. 163, Blackstone affirmait ce qui suit [traduction] : La loi et la coutume parlementaires prennent leur origine dans la maxime suivante : “Toute affaire concernant l’une ou l’autre Chambre du Parlement se doit d’être examinée, discutée et jugée dans la Chambre à laquelle elle se rapporte et nulle part ailleurs ”.

[113]       L’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada le confirment. Les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes ainsi que de leurs membres sont des questions d’autodéfinition et d’autoréglementation par le Parlement. À mon avis, la présentation du budget fédéral, le débat qui s’ensuit et son adoption ne prévoient aucun rôle par les tribunaux. En l’instance, aucun fait allégué n’étaye une thèse selon laquelle le Parlement ne connaît pas la méthodologie du ministre ou les points de vue des demandeurs, ou selon laquelle il est aveuglé.

[114]       En ce qui concerne la Loi constitutionnelle de 1867 et l’article 3 de la Charte, le COMER, en tant qu’association non constituée en personne morale, n’a aucun droit électoral. Pour ce qui est des demandeurs à titre particulier, aucun fait allégué ne laisse entendre qu’ils n’ont pas une représentation efficace au sein du Parlement lorsqu’il est question des projets de loi des finances. Dans Circ. électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 RCS 158, à 1836, la Cour suprême du Canada a expliqué la signification de représentation :

Notre démocratie est une démocratie représentative. Chaque citoyen a le droit d’être représenté au sein du gouvernement. La représentation suppose la possibilité pour les électeurs d’avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d’attirer l’attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations...

[Souligné dans l’original]

[115]       La représentation ne signifie pas que les demandeurs ont le droit d’obliger le Parlement à agir de la manière qui convient le mieux à leur point de vue quant à la façon appropriée de présenter et d’adopter un budget, et ils n’ont pas présenté de faits démontrant qu’une législation budgétaire donnée a eu des répercussions négatives sur un droit juridique dont ils jouissent.

[116]       Rien dans la déclaration modifiée ne laisse entendre que les demandeurs à titre particulier ne jouissent pas de la même participation significative au processus électoral qu’un autre électeur canadien. Voir l’arrêt Figueroa, précité, au paragraphe 27. Les demandeurs ne souffrent pas d’un manque de représentation effective tout simplement parce que des projets de loi de finances ne sont pas présentés et traités conformément à ce qu’ils devraient ou ne devraient pas contenir, à leur avis, et rien ne laisse entendre qu’ils n’ont pas voix aux délibérations du gouvernement parce qu’ils ne sont pas en mesure de porter leurs griefs et leurs préoccupations à l’attention de leurs députés. Selon moi, la protection offerte par la Constitution et la Charte ne peut pas signifier que les électeurs sont en droit de s’attendre à ce que leurs points de vue sur la présentation et la promulgation appropriées d’une mesure législative donnée puissent être adoptés par le Parlement. Cela ne revient pas à dire que les préoccupations des électeurs au sujet de la façon dont le Parlement promulgue des lois ne sont pas légitimes. Toutefois, la façon dont le Parlement procède est une question d’autodéfinition (voir l’arrêt Authorson, précité) sous réserve, bien entendu, de « prescriptions constitutionnelles prépondérantes, ou de prescriptions auto-imposées par la loi ou internes ». Toutefois, selon moi, malgré les arguments logiques présentés par l’avocat des demandeurs, ces derniers n’ont rien allégué dans la déclaration modifiée qui puisse établir une prescription constitutionnelle prépondérante ou une violation de l’article 3 de la Charte qui pourrait motiver leur demande de jugement déclaratoire ou de dommages-intérêts pour cet aspect de leur déclaration. Les demandeurs n’essaient même pas de porter en litige une loi budgétaire particulière. Ils centrent plutôt leur déclaration sur la compilation du budget et le processus parlementaire comme tel, et je pense que la jurisprudence est claire à cet égard : la Cour ne peut tout simplement pas intervenir. L’article 9 du Bill of Rights of 1688/89 empêche aussi la Cour d’entendre une action à l’encontre d’un député qui vise à rendre les députés personnellement responsables d’actions faites ou de choses dites au Parlement. Voir Hamilton v. al Fayed, précité.

[117]       Alors, selon moi, les allégations dans la déclaration modifiée qui soulèvent la question de la taxation et qui réclament des mesures de redressement fondées sur la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 3 de la Charte et le principe d’aucune taxation sans représentation, doivent être radiées parce qu’il est manifeste et évident qu’elles ne révèlent pas de cause d’action raisonnable et qu’elles n’ont aucune possibilité raisonnable d’être accueillies.

(2)               Questions en litige liées à la Loi sur la Banque du Canada

[118]       Le reste de la déclaration modifiée traite de violations alléguées de la Loi sur la Banque du Canada par le ministre des Finances et le gouvernement du Canada. Pour l’essentiel, cet aspect de la déclaration n’a pas changé depuis mon examen de la déclaration modifiée précédente des demandeurs en avril 2014.

[119]       Je pense qu’il est utile de se rappeler les motifs de l’appel incident des défendeurs dont la Cour d’appel fédérale avait été saisie en janvier 2015 et qu’elle a rejeté :

[traduction]

1.    Le juge a commis une erreur de fait et de droit en concluant qu’il y a des questions ou des violations alléguées dans la déclaration modifiée des demandeurs (« déclaration ») qui sont justiciables;

2.    Le juge a commis une erreur de droit en concluant que l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada ne pouvait pas être interprété dans le contexte d’une requête en radiation, mais nécessiterait une argumentation complète en droit sur l’ensemble de la preuve;

3.    Le juge a commis une erreur de droit en concluant que le protonotaire a décidé que l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada constituait un « impératif législatif » selon lequel la déclaration deviendrait alors justiciable;

4.    Le juge a commis une erreur de droit en concluant que même si l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada est permissif, cela ne règle pas la question de la justiciabilité;

5.    Le juge a commis une erreur de fait et de droit en concluant que la déclaration n’exige pas que la Cour tranche et dicte les choix concurrents en matière de politique et que le critère juridique objectif soit présent pour soupeser les allégations des demandeurs;

6.    Le juge a commis une erreur de droit et de fait en concluant que la déclaration exige que la Cour évalue si les défendeurs avaient agi, et continuent d’agir, conformément aux dispositions de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution;

7.    Le juge a commis une erreur de fait et de droit en concluant que des faits pertinents et substantiels ont effectivement été allégués dans la déclaration à l’appui des jugements déclaratoires demandés selon lesquels les politiques et actions prétendument poursuivies par les défendeurs n’ont pas respecté les dispositions de la Loi sur la Banque du Canada ou de la Constitution;

8.    Le juge a commis une erreur de droit en concluant dans le contexte d’une requête en radiation que toute allégation dans la déclaration de violation d’une loi ou d’obligations constitutionnelles peut être justiciable, selon que les demandeurs peuvent établir une cause d’action raisonnable par l’entremise de modifications appropriées et ultérieures;

[120]       Il ne faut pas oublier non plus que dans mon ordonnance du 24 avril 2014, je n’ai pas dit que les demandeurs étaient susceptibles d’avoir gain de cause dans leurs déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada. Tout ce que j’ai dit, c’est que les déclarations devaient être radiées dans leur totalité parce que, selon leur libellé, elles ne révélaient pas une cause d’action raisonnable et n’avaient aucune possibilité d’être accueillies. La Cour d’appel fédérale a entériné cette position.

[121]       J’ai conclu que [traduction] « toute la portée de la Loi sur la Banque du Canada et ce qui est exigé du Canada ainsi que des ministres et hauts fonctionnaires qui agissent, ou n’agissent pas, conformément aux dispositions de la Loi sur la Banque du Canada est au cœur du litige » (paragraphe 72), et que :

[76]        [traduction] Ainsi, en ce qui concerne le jugement déclaratoire demandé dans la présente déclaration, je suis d’avis que les questions soulevées pourraient être justiciables et convenir à un examen par la Cour. Si les demandeurs s’égarent et abordent la question de politique, ils seront contrôlés par la Cour. Il existe une différence entre la Cour qui déclare que le gouvernement, ou le gouverneur, ou le ministre, devrait poursuivre une politique donnée et un jugement déclaratoire selon lequel la ou les politiques qu’ils ont poursuivies sont conformes aux dispositions de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution. Les faits sont plaidés à l’égard de ces questions. Sous réserve de ce que je dois dire à propos d’autres aspects de la déclaration, les demandeurs devraient être autorisés à aller de l’avant, produire leur preuve et essayer de faire valoir leur cause. Selon moi, on ne peut pas dire qu’il est manifeste et évident, compte tenu des faits allégués, que l’action ne peut pas être accueillie en ce qui a trait à cet aspect de la déclaration. Et même si l’article 18 de la Loi sur la Banque du Canada est interprété comme étant purement permissif, cela ne tranche pas la question soulevée dans la déclaration, à savoir que le Canada n’a pas tenu compte d’aspects cruciaux de la Loi sur la Banque du Canada et a cédé ou abdiqué ses obligations constitutionnelles en s’assujettissant lui-même aux institutions internationales privées.

[122]       J’ai affirmé que les déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada « pourraient être justiciables et convenir à un examen par la Cour » (caractères gras ajoutés) parce que les demandeurs font état des problèmes socioéconomiques qui découlent de violations alléguées de la Loi sur la Banque du Canada et de principes constitutionnels connexes. J’ai conclu que cela donnait un contexte aux violations alléguées dans les déclarations parce que la Cour doit comprendre la version présentée par les demandeurs au sujet de ce qui est en jeu et ce qui découle des violations alléguées :

[75]        [traduction] La démarcation difficile entre ce qu’un tribunal devrait ou ne devrait pas trancher est une question qui se posera sans cesse dans une affaire comme la présente. Toutefois, la question n’est pas de savoir si la Cour devrait obliger le gouvernement et la Banque à adopter les positions économiques préconisées et adoptées par les demandeurs. La Cour ne décidera pas non plus si une politique donnée est [traduction] « fausse tant sur le plan financier qu’économique », même si l’on retrouve ce genre d’accusation dans la déclaration. Selon moi, on demande à la Cour de décider si des politiques et des actions données sont conformes à la Loi sur la Banque du Canada et à la Constitution. Si la justiciabilité est une question de « l’à-propos », alors la Cour est la tribune appropriée pour trancher ce genre de litige. En fait, la Cour le fait tout le temps. La Cour suprême du Canada a dit clairement que le Parlement du Canada et le pouvoir exécutif ne peuvent pas abdiquer leurs fonctions (voir Wheat Board, précité) et que le pouvoir exécutif et d’autres acteurs et institutions du gouvernement sont liés par des normes constitutionnelles. Voir Renvoi relatif à la sécession du Québec, précité, et Khadr, précité.

[123]       D’un point de vue du principe de la chose jugée, il ne faut pas oublier que les parties de la déclaration relatives à la Loi sur la Banque du Canada ont été radiées en vertu de l’article 221. Mes commentaires à propos de la justiciabilité – [traduction] « pourraient être justiciables et convenir à un examen par la Cour » – et non pas « sont justiciables », avaient tout simplement trait aux conclusions du protonotaire Aalto selon qui ces questions n’étaient pas justiciables parce qu’elles traitaient de politique plutôt que de droit. Je soulignais tout simplement que les questions juridiques pouvaient être distinctes des questions de politique, de sorte que les déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada puissent devenir justiciables [traduction] « sous réserve de ce que je dois dire à propos d’autres aspects de la déclaration… » Et lorsque j’affirme que les [traduction] « faits sont allégués à l’égard de ces questions » (paragraphe 76), les « questions » auxquelles je me réfère sont les faits qui distinguent le droit de la politique. Les demandeurs ont raison de souligner que je pensais que les déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada pouvaient aller de l’avant, mais cela dépendait des questions de compétence et de ce que j’avais à dire à propos des autres aspects de la déclaration, et la Cour d’appel fédérale a entériné ce raisonnement ainsi que cette approche relative aux déclarations.

[124]       La raison pour laquelle j’ai dit que les déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada [traduction] « pourraient être justiciables et convenir à un examen par la Cour » est que, selon leur libellé, ces déclarations donnent lieu à des problèmes de compétence et de justiciabilité que les demandeurs devraient avoir la possibilité de régler par l’entremise de modifications. Maintenant que les modifications ont été apportées, la Cour doit décider si les demandeurs ont réglé ces problèmes.

[125]       Les motifs avancés par les défendeurs dans la présente requête aux termes de l’article 221, ainsi que les arguments des demandeurs, doivent être examinés à la lumière de ce que la Cour a déjà tranché au sujet des déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada et de ce que la Cour d’appel fédérale a entériné.

[126]       Les demandeurs blâment les défendeurs pour soulever encore une fois des arguments de justiciabilité que la Cour a déjà tranchés et que la Cour d’appel fédérale a entérinés. Comme le montre une lecture de mon ordonnance du 24 avril 2014, mes conclusions à l’égard de la justiciabilité à l’époque faisaient l’objet de graves réserves. J’ai conclu qu’il y avait des questions juridiques dans les déclarations (violations des dispositions de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution) que la Cour pourrait examiner et que l’on pouvait distinguer des affirmations en matière de politique socioéconomique dans les déclarations : [traduction] « Selon moi, on demande à la Cour de décider si des politiques et des actions données sont conformes aux dispositions de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution. Si la justiciabilité est une question de « l’à-propos », alors la Cour est la tribune appropriée pour trancher ce genre de litige. »

[127]       Cependant, je n’ai pas conclu que les déclarations telles qu’elles sont rédigées suffisaient pour permettre à la Cour de s’acquitter de cette fonction (autrement, je ne les aurais pas radiées aux termes de l’article 221). De plus, j’ai ajouté que les déclarations relatives à la Loi sur la Banque du Canada et à la Constitution devaient être radiées et j’ai indiqué ce que devaient faire les demandeurs par l’entremise de modifications pour permettre à la Cour d’examiner l’aspect juridique (par opposition à l’aspect de politique socioéconomique) des déclarations. Il ne faut pas oublier que j’ai radié toutes les déclarations et que la Cour d’appel fédérale n’a pas tout simplement entériné ce que j’ai dit au sujet de la justiciabilité; elle a aussi entériné ma décision de radier toutes les déclarations, de même que mes motifs pour le faire. Donc, à ce moment-ci, la question importante dont je suis saisi n’est pas de savoir si la Cour pourrait examiner et trancher les aspects juridiques des déclarations; la question est de savoir d’une part si les modifications suffisent pour permettre à la Cour de le faire et, d’autre part, si elles règlent les problèmes que j’ai recensés et qui m’avaient obligé à radier toutes les déclarations en 2014.

[128]       Par souci d’équité à l’égard des deux parties en cause, mon ordonnance du 24 avril 2014 peut parfois semer la confusion sur les questions de compétence et de justiciabilité. Cela ne semblait pas incommoder la Cour d’appel fédérale et, peu importe comment ces préoccupations devraient être caractérisées, je les ai effectivement précisées et j’en discuterai en l’instance, comme je les ai décrites dans mon ordonnance du 24 avril 2014. Les défendeurs n’ont pas tout à fait tort lorsqu’ils caractérisent ces problèmes comme étant liés à la justiciabilité plutôt qu’à la compétence.

[129]       Dans mon ordonnance du 24 avril 2014, j’ai examiné les problèmes de compétence qui découlaient de la déclaration modifiée dont j’étais saisi :

[86]        [traduction] Comme j’ai conclu qu’il n’est pas manifeste et évident que la violation d’obligations législatives et constitutionnelles et que le jugement déclaratoire demandé n’est pas justiciable, tout ce que je peux faire à ce moment-ci, c’est de décider si la Cour a la compétence voulue pour examiner cet aspect de la déclaration. Si des modifications sont apportées à des parties de la déclaration qui sont radiées, il faudra peut-être revoir cette question.

[87]        À ce stade-ci, l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales semble suffisamment vaste pour donner à la Cour fédérale compétence commune là où des mesures de redressement sont demandées à l’encontre de la Couronne. Évidemment, l’affaire ne se termine pas ici et les défendeurs ont demandé à la Cour d’examiner et d’appliquer le critère de la compétence, ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, à la p. 766 [ITO].

[88]        Compte tenu de la décision de la Cour d’appel fédérale dans le jugement Rasmussen v. Breau, [1986] 2 FC 500 au paragraphe 12, selon lequel la Loi sur les Cours fédérales ne s’applique qu’à la Couronne eo nomine, et non à une société créée par la loi qui agit comme mandataire de la Couronne, il est difficile de voir pourquoi la Banque devrait être nommée comme défenderesse. Toutefois, le principal problème dans la façon de déterminer la compétence à ce moment-ci, c’est que les demandeurs n’ont pas encore produit d’actes de procédure qui énoncent de façon adéquate comment un intérêt privé ou autre a été touché par les infractions alléguées aux lois et à la Constitution. Les demandeurs cherchent à obtenir de la Cour un jugement déclaratoire selon lequel leur lecture de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution est appropriée, et que des infractions ont eu lieu. Cela revient à demander à la Cour de donner un avis consultatif, et je ne vois rien dans la jurisprudence qui laisse entendre que la Cour a compétence pour rendre ce genre de conclusion sous la forme d’une déclaration.

[89]        Les demandeurs sont extrêmement vagues à ce sujet. Ils affirment tout simplement que la Cour fédérale a compétence pour prononcer des jugements concernant des lois comme la Loi sur la Banque du Canada, et qu’elle a compétence sur les acteurs publics fédéraux, les tribunaux et les ministres de la Couronne. Ils font valoir qu’ils ont des droits privés, mais jusqu’à maintenant, et étant donné que les réclamations en responsabilité civile délictuelle et les réclamations relatives à la Charte doivent être radiées, je ne vois aucun droit privé en litige. De plus, ils prétendent agir pour « tous les autres Canadiens » mais, une fois de plus, ils n’ont pas encore produit un acte de procédure qui indique de façon adéquate comment les droits de « tous les autres Canadiens » ont été touchés d’une manière qui donne lieu à la violation d’un droit individuel ou collectif. Si les droits de tous les Canadiens sont touchés, alors les demandeurs à titre particulier seraient en mesure de décrire, conformément aux règles qui régissent les actes de procédure, comment les droits individuels ont été violés, mais jusqu’à maintenant, ils n’ont pas encore été en mesure de le faire.

[90]        Il me semble que le problème fondamental relatif à la façon dont les demandeurs peuvent tout simplement se présenter devant la Cour et demander des jugements déclaratoires selon lesquels leurs interprétations de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution sont justes est le motif pour lequel ils ont joint à leur déclaration les violations délictuelles et les violations de la Charte. Ils savent qu’ils doivent démontrer comment les droits individuels ont été violés mais, jusqu’à maintenant, ils n’ont même pas énoncé dans leurs actes de procédure comment leurs propres droits ont été violés, et encore moins les droits de « tous les Canadiens ».

[91]        Pour ce qui est des principes de l’arrêt ITO, cela signifie que les défendeurs n’ont pas encore démontré une attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral, selon laquelle la Cour peut se prononcer sur la déclaration sous sa formulation actuelle (c.-à-d. tout simplement déclarer que des violations législatives et constitutionnelles ont eu lieu, sans décrire de manière adéquate dans les actes de procédure comment un droit privé ou un intérêt privé a été touché ou les motifs pour une cause d’action valide), et ils n’ont pas encore cité un ensemble de règles de droit fédérales qui est essentiel au règlement du litige et qui constitue le fondement de l’attribution de compétence par une loi. Les demandeurs n’ont aucun droit précis en vertu de la législation qu’ils citent et ils n’ont fourni aucun cadre législatif ou autre pour l’exercice de tout droit. Ils peuvent faire ces choses sous réserve de modifications appropriées aux actes de procédure. Cependant, jusqu’à maintenant, je ne peux pas voir comment la Cour obtient la compétence pour prononcer le jugement déclaratoire qui est demandé.

[souligné dans l’original]

[130]       Il me semble que les demandeurs n’ont pas réglé ces problèmes dans la déclaration modifiée.

[131]       Les demandeurs ont des opinions très tranchées et très larges au sujet de la disponibilité d’un jugement déclaratoire et de la compétence de la Cour pour accorder une telle mesure. La position des demandeurs est que

[traduction] tout citoyen jouit d’un droit constitutionnel, à moins que la demande ne soit frivole et vexatoire ou que la Cour n’ait pas compétence, de présenter une question d’intérêt public à la Cour.

[Transcription des procédures, p. 62, lignes 25 à 27]

[132]       Même si j’acceptais cette approche générale relativement à la qualité pour agir, je dois quand même trancher la question de compétence, ce que je ne pouvais pas faire en avril 2014 pour les motifs cités plus haut qui ont été entérinés par la Cour d’appel fédérale, et que je dois accepter comme chose jugée, pour utiliser la logique des demandeurs. J’ai affirmé que les demandeurs ne pouvaient pas tout simplement demander à la Cour un avis consultatif à l’égard des questions relatives à la Loi sur la Banque du Canada parce que [traduction] « je ne vois rien dans la jurisprudence qui laisse entendre que la Cour a compétence pour rendre ce genre de conclusion sous la forme d’une déclaration ». En rétrospective, j’aurais pu la caractériser de question de justiciabilité mais, à mon avis, la terminologie n’importe pas parce que j’ai conclu que le problème tenait au fait que les demandeurs cherchaient à obtenir un jugement autonome qui équivalait à un avis consultatif et qu’il n’appartient pas à la Cour d’accorder des avis autonomes.

[133]       La position des demandeurs à ce sujet est la suivante :

[traduction] Vous avez au paragraphe 29 la décision dans l’arrêt Dunsmuir en ce qui concerne le contrôle judiciaire en tant que droit constitutionnel. Et dans l’arrêt Dunsmuir et d’autres jugements, on interprète le contrôle judiciaire dans son sens large. Il ne s’agit pas de la voie procédurale du contrôle judiciaire au moyen d’une requête plutôt qu’au moyen d’une action. Aux termes de l’article 17, la Cour a conclu qu’on peut demander un jugement déclaratoire au moyen d’une action, et cela se trouve dans mon mémoire.

Mais si je peux renvoyer Monsieur le juge au paragraphe 31, où j’extrais en fait les parties de l’affaire des Métis du Manitoba, et elles sont en italique et en caractère gras aux pages 242 et 243.

[traduction] « Citant Thorsen, la Cour suprême du Canada en l’instance », qui est une cause de 2013, déclare : “La constitutionnalité d’une mesure législative a toujours été une question justiciable. Le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement peut être revendiqué par un jugement déclaratoire selon lequel une loi est invalide ou un acte public est chose jugée.”

Il s’agit de l’extrait du paragraphe 134. Voilà exactement ce que mes clients cherchent relativement aux actions du ministre des Finances et à la violation inconstitutionnelle de leur droit de vote – c.-à-d. leur droit de ne pas être imposés sans une représentation effective par leurs députés – parce qu’ils ont les yeux bandés par le ministre des Finances et par les informations qu’il omet de fournir, ce qui constitue une exigence constitutionnelle, selon nous.

Ensuite, à l’autre page, au paragraphe 140, la Cour suprême déclare :

« Les tribunaux sont les gardiens de la Constitution et ne peuvent être empêchés par une simple loi de rendre un jugement déclaratoire sur une question constitutionnelle fondamentale. Les principes fondamentaux de légalité, de constitutionnalité et de primauté du droit n’exigent rien de moins. »

Vient ensuite le passage, au paragraphe 143, qui répond vraiment aux questions soulevées par mon ami de la Manitoba Métis Federation Inc. – d’ailleurs, c’est une société qui a présenté la contestation.

« De plus, la mesure de redressement pouvant être accordée suivant cette analyse est limitée. Un jugement déclaratoire est une mesure de redressement d’une portée restreinte. Il peut être obtenu sans cause d’action, et les tribunaux rendent des jugements déclaratoires, peu importe si une mesure de redressement consécutive peut être accordée. »

Cela étant légalement reproduit aux termes de la règle 64 de la Loi sur les Cours fédérales, Monsieur le juge, qui est reproduit au paragraphe 32 de mon mémoire, et la présente Cour dans l’arrêt Edwards, immédiatement en dessous, a conclu que le jugement déclaratoire peut être demandé dans une action intentée aux termes de l’article 17, ce qui a été fait. Et cela est conforme à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada dans les arrêts Khadr et Thorsen.

[Transcription des procédures, p. 54, ligne 8, jusqu’à la p. 55, ligne 28]

[134]       Les demandeurs semblent estimer, en tant que groupe de réflexion, qu’ils peuvent tout simplement se présenter devant la Cour et lui demander de prononcer un jugement déclaratoire selon lequel le ministre des Finances et le gouvernement du Canada sont tenus de faire certaines choses en vertu de la Loi sur la Banque du Canada, et que ces derniers ont non seulement abdiqué leurs obligations constitutionnelles, mais aussi permis à des entités privées internationales d’éclipser les intérêts des Canadiens. Le COMER n’a aucun droit à faire valoir en vertu de la Constitution ou de la Charte, et les demandeurs à titre particulier se trouvent dans la même situation que n’importe quel autre Canadien et n’ont donc aucun droit à faire valoir en vertu de la Constitution ou de la Charte. Dans la déclaration modifiée, les demandeurs demeurent collectivement un groupe de réflexion cherchant à obtenir l’appui de la Cour à propos de violations alléguées de la Constitution et de la Loi sur la Banque du Canada en lien avec la Loi sur la Banque du Canada et des institutions internationales.

[135]       Ayant obtenu la possibilité d’apporter des modifications, les demandeurs n’ont présenté aucun fait substantiel dans la déclaration modifiée qui relie le régime législatif contesté représenté par la Loi sur la Banque du Canada à une incidence sur eux-mêmes en tant que demandeurs. Ils prétendent que des jugements déclaratoires autonomes sur la constitutionnalité des lois et de l’autorité juridique sont toujours disponibles pour n’importe quel citoyen canadien.

[136]       Étant donné que mon ordonnance du 24 avril 2014 a été prise en considération par la Cour d’appel fédérale, cette dernière a eu l’occasion de se pencher et de statuer, de façon assez détaillée, sur ce que la Cour peut faire en cas d’allégations qui comportent des demandes autonomes de jugement déclaratoire. Dans Mancuso v. Canada (National Health and Welfare), 2015 FCA 227 [Mancuso], la Cour d’appel fédérale a donné les orientations suivantes :

[31]        [traduction] Les appelants allèguent que leur action peut tout de même être instruite sur la base des paragraphes survivants. À leur avis, cela ne pose aucun problème qu’il n’y ait pas de faits substantiels dans la déclaration, y compris des faits qui relieraient le régime contesté à une incidence sur eux à titre de demandeurs. Ils fondent cet argument sur la proposition selon laquelle des jugements déclaratoires autonomes sur la constitutionnalité de lois et l’autorité légale sont toujours disponibles.

[32]        Ce dernier point ne fait aucun doute. Des jugements déclaratoires autonomes en matière de constitutionnalité peuvent être prononcés : Canadian Transit Company c. Windsor (Corporation de la ville), 2015 CAF 88. Par contre, le droit à la mesure de redressement ne veut pas dire que l’on peut contourner les règles de plaidoirie. Même les simples jugements déclaratoires en matière de constitutionnalité exigent que suffisamment de faits substantiels soient invoqués à l’appui de la déclaration. Les questions relatives à la Charte ne peuvent être tranchées dans un vide factuel : Mackay c. Manitoba, précité, pas plus que des questions de compétence législative aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867 ne peuvent être tranchées sans une base factuelle adéquate, qui doit être énoncée dans la déclaration. C’est particulièrement le cas lorsque l’incidence de la mesure législative contestée fait l’objet de l’attaque : Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, à la p. 1099.

[33]        La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, [2010] 1 R.C.S. 44, au paragraphe 46 a élaboré les conditions nécessaires pour prononcer un jugement déclaratoire : avoir compétence sur l’objet du litige, la question à trancher est réelle et non pas simplement théorique, et la personne qui la soulève a véritablement intérêt à la soulever.

[34]        À la suite de l’arrêt Khadr, la présente Cour, dans Canada (Affaires indiennes) c. Daniels, 2014 CAF 101 (autorisation d’interjeter appel accordée) aux paragraphes 77 à 79 a souligné le danger que pose une contestation d’application générale, sans faits, d’une mesure législative – autrement dit, le fait de ne pas satisfaire au deuxième critère de l’arrêt Khadr. Le juge Dawson a fait remarquer que la mesure législative peut être valide dans certains cas, et inconstitutionnelle lorsqu’elle s’applique à d’autres situations. Un tribunal doit avoir une idée de la portée d’une loi pour déterminer si cette portée dépasse les pouvoirs du législateur, et de combien. Il ne peut déterminer si le Parlement a dépassé la portée de sa compétence législative et s’il a eu plus qu’une incidence accessoire sur des questions réservées aux provinces, sans examiner l’objectif réel de la mesure législative. Il faut des faits pour définir les paramètres de la compétence législative et constitutionnelle. En l’instance, ce danger est tout particulièrement aigu; comme l’a fait remarquer le juge, la mesure législative en question porte littéralement sur des milliers de suppléments de santé naturelle.

[35]        Ce n’est pas le cas. Bien que les demandeurs invoquent Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821 la proposition selon laquelle il existe un large droit de solliciter un jugement déclaratoire, l’arrêt Solosky fait également remarquer qu’il faut « une “ véritable question ” à trancher concernant leurs intérêts respectifs. » La Cour n’est pas convaincue que cette exigence est satisfaite sans présentation de faits indiquant quels sont la véritable question et son lien avec les demandeurs et leur demande de mesure de redressement.

[137]       En l’espèce, dans leur déclaration modifiée, les demandeurs n’ont pas présenté de faits pour démontrer une « véritable » question concernant leurs intérêts respectifs ni le lien de cette véritable question avec les demandeurs et leur demande de mesure de redressement. Comme je l’ai indiqué dans mon ordonnance du 24 avril 2014, même si les demandeurs font une distinction entre les questions juridiques et les questions de politique, les questions juridiques demeurent théoriques sans aucun véritable lien avec un intérêt quelconque des demandeurs, si ce n’est qu’un intérêt à ce que la Cour entérine leur opinion sur les questions soulevées relativement à la Loi sur la Banque du Canada.

[138]       Les demandeurs n’ont pas abordé les problèmes de compétence auxquels je fais référence aux paragraphes 85 à 91 de mon ordonnance du 24 avril 2014. Ils n’ont pas abordé non plus ce que l’on pourrait qualifier, de façon générale, de la compétence de la Cour pour instruire ni sa volonté d’accorder des demandes autonomes de jugement déclaratoire.

[139]       Si l’on fait exception des questions de taxation qui, comme je l’ai dit, ne sont pas justiciables pour les motifs énoncés ci-dessus, les demandeurs n’ont guère fait d’efforts dans leurs modifications pour corriger les problèmes que j’ai soulevés dans mon ordonnance du 24 avril 2014. Le jugement déclaratoire relativement à la Loi sur la Banque du Canada demeure le même. Les dommages-intérêts demandés à l’alinéa 1b)(ii) semblent se fonder sur l’article 3 de la Charte et le principe d’aucune taxation sans représentation, que j’ai déclaré non justiciable.

[140]       Les demandeurs m’ont exhorté à traiter mon ordonnance du 24 avril 2014 et la décision de la Cour d’appel fédérale relativement à ce jugement comme chose jugée. Si je choisis cette voie, alors je dois dire que dans leur déclaration modifiée, les demandeurs n’ont toujours pas fourni de fondement juridique ou factuel relativement à la violation de leurs droits privés, et les jugements déclaratoires ne sont rien d’autre qu’une requête pour que la Cour donne un avis consultatif pour étayer leur point de vue quant à la façon d’interpréter la Loi sur la Banque du Canada et la Constitution.

[141]       Pour surmonter ce problème dans leur première déclaration modifiée, les demandeurs ont joint leur jugement déclaratoire aux articles 7 et 15 de la Charte et à diverses demandes de mesure de redressement, qu’ils ont fini par toutes abandonner. Ils ont préféré joindre le jugement déclaratoire aux déclarations fondées sur l’article 3 de la Charte et aux garanties constitutionnelles de ne pas subir de taxation sans représentation, que j’ai déclarées non justiciables. La Cour se retrouve donc la même situation qu’en avril 2014 :

[91]        [traduction] Pour ce qui est des principes de l’arrêt ITO, cela signifie que les défendeurs n’ont pas encore démontré une attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral, selon laquelle la Cour peut se prononcer sur la déclaration sous sa formulation actuelle (c.-à-d. tout simplement déclarer que des violations législatives et constitutionnelles ont eu lieu, sans décrire de manière adéquate dans les actes de procédure comment un droit privé ou un intérêt privé a été touché, ou encore, les motifs pour une cause d’action valide), et ils n’ont pas encore cité un ensemble de règles de droit fédérales qui est essentiel au règlement du litige et qui constitue le fondement de l’attribution de compétence par une loi. Les demandeurs n’ont aucun droit précis en vertu de la législation qu’ils citent et ils n’ont fourni aucun cadre législatif ou autre pour l’exercice de tout droit. Ils peuvent faire ces choses sous réserve de modifications appropriées aux actes de procédure. Cependant, jusqu’à maintenant, je ne peux pas voir comment la Cour obtient la compétence pour prononcer le jugement déclaratoire qui est demandé.

[142]       Il me semble que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mancuso, précité, a fait savoir clairement qu’une requête en jugement déclaratoire doit établir, par la présentation de faits suffisamment substantiels, que la Cour a compétence sur l’objet du litige et que « la question à trancher est réelle et non pas simplement théorique, et la personne qui la soulève a véritablement intérêt à la soulever ».

[143]       Je ne souhaite pas dénigrer ni minimiser les préoccupations des demandeurs quant à la façon dont le Parlement a traité les questions économiques et monétaires. Or, ce ne sont pas toutes les préoccupations qui peuvent donner lieu à une action juridique pouvant ou devant être réglée par une cour de justice. Au lieu de compléter leurs déclarations antérieures en vertu des articles 7 et 15 de la Charte ainsi que leurs réclamations en responsabilité civile antérieures, les demandeurs ont abandonné tout simplement ces déclarations et présentent maintenant des déclarations qui se fondent sur l’article 3 de la Charte et sur les garanties constitutionnelles de ne pas subir de taxation sans représentation. Peu importe la qualité de leurs arguments, l’adoption soudaine d’une nouvelle stratégie laisse supposer que les demandeurs ne sont pas en mesure de retirer leurs préoccupations de la sphère politique et de les caractériser de sorte qu’elles puissent être étudiées par la présente Cour.

[144]       Il me semble donc que la plus récente déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action raisonnable et n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie au moment du procès. Il me semble aussi que les demandeurs continuent de solliciter un avis consultatif de la part de la Cour sous la forme de jugements déclaratoires selon lesquels leur propre interprétation de la Loi sur la Banque du Canada et de la Constitution est la bonne. Il me semble aussi qu’ils n’ont pas réussi à démontrer une attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral selon laquelle la présente Cour peut se prononcer sur leur déclaration dans sa formulation actuelle ou selon laquelle ils ont des droits précis en vertu de la législation qu’ils invoquent, ou encore, un cadre juridique relativement à ces droits. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Operation Dismantle, précité, la fonction préventive d’un jugement déclaratoire doit être fondée sur autre chose que des conséquences purement hypothétiques et « il doit y avoir un intérêt juridique menacé qui soit identifiable avant que les tribunaux n’envisagent d’y avoir recours comme mesure préventive » (paragraphe 33). La raison d’être de la Cour n’est pas de déclarer le droit de façon générale ni de donner un avis consultatif. La Cour doit se prononcer sur des questions de droit contestées. Voir Gouriet, précité, aux pages 501 et 502.

D.                Autres questions

[145]       Les demandeurs ont soulevé plusieurs autres questions qui ont trait à la pertinence et à l’à-propos de la déclaration modifiée mais, compte tenu des problèmes fondamentaux dont j’ai traité plus haut, je ne vois aucune raison de poursuivre mon analyse.

E.                 Autorisation de modifier

[146]       Les demandeurs ont demandé à la Cour d’envisager, à titre de mesure de redressement subsidiaire, de leur permettre de poursuivre avec le jugement déclaratoire précisé dans leur déclaration modifiée, assorti d’une autorisation de modifier toute partie radiée en lien avec la portion de leur déclaration qui traite des dommages-intérêts.

[147]       Je ne pense pas, comme je l’ai dit plus haut, que même pour le jugement déclaratoire sollicité, les demandeurs aient été en mesure de faire de leur déclaration plus qu’une simple demande d’avis consultatif. De plus, comme je l’ai déjà expliqué, étant donné que les demandeurs n’ont pas réussi à rectifier les problèmes fondamentaux que j’ai soulevés dans mon ordonnance du 24 avril 2014, et qu’ils n’ont proposé aucune façon de les rectifier, je ne vois aucune raison d’autoriser une modification. Les demandeurs ayant déjà obtenu une telle occasion, je suis convaincu par leur réponse que, pour les motifs fournis, il n’y a pas la moindre cause d’action que notre Cour peut ou devrait entendre. Puisqu’il n’y a aucun véritable intérêt juridique en cause, les demandeurs demeurent un groupe de réflexion qui demande à la Cour d’entériner leur point de vue politique et théorique. Des modifications n’y changeront rien.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.      la plus récente déclaration modifiée des demandeurs soit radiée dans sa totalité;

2.      l’autorisation de e soit refusée;

3.      les dépens soient attribués aux défendeurs.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2010-11

 

INTITULÉ :

COMMITTEE FOR MONETARY AND ECONOMIC REFORM (« COMER »), WILLIAM KREHM, ET ANN EMMETT c. SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DES FINANCES, LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, LA BANQUE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 octobre 2015

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSEL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Rocco Galati

Pour les demandeurs

 

Peter Hajecek

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rocco Galati Law Firm Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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