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Date : 20160218


Dossier : T-1190-15

Référence : 2016 CF 220

Ottawa (Ontario), le 18 février 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

DANIELLE BERGERON

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [division d’appel], datée du 22 juin 2015, refusant une demande d’autorisation d’en appeler d’une décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale [division générale].

[2]               Les faits pertinents au dossier sont admis de part et d’autre, bien que les parties en tirent des arguments différents.

[3]               Vers la fin de l’année 2013, la demanderesse a soumis une demande de prestations, qui a été acceptée par la Commission d’assurance emploi du Canada [la Commission]. La demanderesse a été sans emploi du mois de novembre 2013 jusqu’au 1er juillet 2014 lorsqu’elle a accepté un travail à temps plein à titre de courtière hypothécaire chez Multi-Prêts. En août 2014, la Commission a conduit une entrevue téléphonique avec la demanderesse. Celle-ci a indiqué qu’elle avait commencé un travail à temps plein chez Multi-Prêts, mais rémunéré à la commission seulement. Elle a également indiqué qu’elle consacrait en moyenne 30 heures par semaine à ce travail, qu’elle voulait en faire sa source principale de revenus, et que son horaire habituel était du lundi au vendredi, de jour et de soir, ainsi qu’à l’occasion, les fins de semaine. La demanderesse a également révélé vouloir se trouver un emploi à temps partiel tout en continuant son travail chez Multi-Prêts et qu’elle cherchait un emploi de 11 à 20 heures par semaine. Finalement, elle a indiqué que l’entreprise recherchait des courtiers à temps plein et qu’elle ne pouvait pas travailler à titre de courtière pour une autre entreprise.

[4]               Le 11 août 2014, la Commission a déterminé que la demanderesse n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 1er juillet 2014 parce qu’elle n’était pas considérée comme disponible au travail. La Commission a donc imposé une inadmissibilité indéfinie à compter du 1er juillet 2014 ainsi qu’un trop payé au montant de 1 904, 00 $. Le 8 septembre 2014, la demanderesse a présenté une demande de révision. La Commission a téléphoné la demanderesse pour obtenir des renseignements supplémentaires. La demanderesse a indiqué être disponible à travailler comme représentante dans le domaine bancaire, qu’elle pouvait fournir la preuve qu’elle se cherchait du travail, et qu’elle était libre de faire son horaire de courtière comme elle le voulait. Suite à cet entretien, la Commission a refusé la demande de révision et maintenu l’inadmissibilité et le trop payé.

[5]               Le 17 novembre 2014, la demanderesse a déposé un avis d’appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais cet avis était incomplet. Le 29 novembre 2014, elle a déposé un second avis d’appel. Le 15 janvier 2015, une audition a été tenue par téléconférence. Le 14 avril 2015, la division générale a rejeté l’appel de la demanderesse. La division générale a déterminé que la demanderesse n’avait pas prouvé sa disponibilité à travailler en raison du fait qu’elle était employée à temps plein. Le 14 mai 2015, la demanderesse s’est adressée à la division d’appel. Le 22 juin 2015, un membre de la division d’appel a révisé le dossier. Estimant, d’une part, que la division générale avait bien appliqué les critères pertinents dans l’évaluation de la disponibilité de la demanderesse et, d’autre part, que la demande de permission d’en appeler ne soulevait aucune question de droit ou de fait ou de compétence dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision de la division générale, le membre de la division d’appel a refusé d’accorder la permission d’en appeler, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]               C’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique lors de la révision judiciaire d’une décision d’un membre de la division d’appel refusant la permission d’en appeler en vertu de la Loi sur le ministère de l’emploi et du développement social, LC 2005, c 34 [LMEDS]. En somme, le refus d’accorder ici la permission d’en appeler fait-il ou non partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit?

[7]               Du point de vue du droit applicable, selon l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23 [LAE], un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, « capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable ». Dans l’affaire Faucher c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1997] ACF n° 215 [Faucher], la Cour d’appel fédérale a indiqué que la disponibilité d’un prestataire est une question de fait qui doit être analysée en fonction des trois éléments suivants :

a)      le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;

b)      l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable; et

c)      le non établissement de conditions personnelles pouvant limiter indument les chances de retour sur le marché du travail.

[8]               D’un autre côté, selon le paragraphe 58(1) de LMEDS les motifs d’appel sont limités aux erreurs ou manquements suivants :

a)   La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b)   La division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c)   La division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9]               De plus, l’appel devant la division d’appel n’est pas un appel où l’on procède à une audience de novo, c’est-à-dire où une partie peut présenter de nouveau sa preuve et espérer une décision différente. Cela dit, le prestataire doit obtenir la permission d’en appeler. Or, en vertu de l’alinéa 58(2) de la LMEDS, « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[10]           La demanderesse se représente elle-même dans les présentes procédures. Son mémoire écrit est très bref et réaffirme simplement les motifs d’appel antérieurement examinés. La demanderesse soutient que la division d’appel n’a pas respecté le paragraphe 58(1) de la LMEDS en ne tenant pas compte des éléments portés à sa connaissance (notamment au niveau des recherches d’emploi de la demanderesse), alors que la division d’appel a comparé son cas à l’affaire Faucher, ce qui constitue une erreur révisable. Dans ses représentations orales devant la Cour, la demanderesse s’est à nouveau appuyée sur les faits et les explications qui ont été considérés et rejetés antérieurement tant par la Commission que le Tribunal de la sécurité sociale (division générale et division d’appel).

[11]           La demanderesse avait le fardeau de démontrer au membre de la division d’appel que son appel avait une possibilité raisonnable de succès sur la base des preuves au dossier et des critères établis au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Le membre de la décision d’appel a effectivement considéré les motifs d’appel présentés par la demanderesse et a examiné la décision de la division générale. Or, la demanderesse recherchait simplement une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui n’est pas le rôle de la division d’appel. Les arguments d’appel proposés par la demanderesse dans sa demande de permission d’en appeler n’entachaient pas la raisonnabilité de la décision de la division générale. La demanderesse n’a pas contesté le fait qu’elle était employée à temps plein chez Multi-Prêts, mais alléguait plutôt qu’elle n’avait pas reçu de revenus pendant la période en litige du fait qu’elle était rémunérée sous forme de commission, et qu’elle ne s’attendait pas à être payée avant le mois de novembre 2014. De plus, l’argument de la demanderesse se rapportant à l’affaire Faucher n’avait aucun fondement sérieux. En effet, son « cas » n’a pas été comparé à celui de Faucher, mais plutôt analysé à la lumière des critères établis dans cet arrêt, tandis que la demanderesse n’a pas expliqué de quelle façon l’arrêt Faucher aurait mal été interprété ou pourquoi ce dernier ne serait pas applicable en l’espèce. Enfin, un prestataire qui s’impose des restrictions déraisonnables au sujet du genre de travail qu’il cherche ou de la région dans laquelle il décide travailler ne peut pas prouver qu’il est disponible (Canada (Procureur général) c Whiffen, [1994] ACF n° 252 au para 3).

[12]           La demanderesse ne m’a pas convaincu en l’espèce que la division d’appel a commis une erreur révisable, tandis que son refus d’accorder la permission d’en appeler s’appuie sur les preuves au dossier et le droit applicable. La conclusion de la division d’appel à l’effet que l’appel de la demanderesse n’avait aucune chance raisonnable de succès fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[13]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée par la Cour. En l’espèce, le défendeur ne sollicite pas de dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse soit rejetée sans frais.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1190-15

 

INTITULÉ :

DANIELLE BERGERON c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 février 2016

 

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Danielle Bergeron

 

Pour la demanderesse

(EN SON PROPRE NOM)

Me Mathieu Joncas

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Danielle Bergeron

St-Julien (Québec)

 

Pour la demanderesse

(EN SON PROPRE NOM)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Québec (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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