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Date : 20151221


Dossier : T-1876-14

Citation : 2015 CF 1404

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2015

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

STRATHEARN CONSULTING INC.

appelante

et

BARBRA ANN KIRSHENBLATT, KIRKOR ARCHITECTS AND PLANNERS, STEVEN KIRSHENBLATT, RKS BUILDING GROUP LTD., ERIC KIRSHENBLATT ALIAS RICKY KIRSHENBLATT, KING MASONRY YARD LTD., FOREST HILL REAL ESTATE INC., JULIE GOFMAN, M. UNTEL ET Mme UNETELLE

intimés

et

BARBRA ANN KIRSHENBLATT

tierce partie

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel présenté par voie de requête par la société Strathearn Consulting Inc. (l’appelante), en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), visant une ordonnance rendue par la protonotaire Tabib, à titre de juge responsable de la gestion de l’instance et datée du 16 octobre 2015. La protonotaire a fait droit à une requête de l’intimé, Kirkor Architects and Planners (l’intimé), visant à obtenir l’ordonnance prévue à l’article 249 des Règles, afin que l’examen des biens soit effectué.

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, l’appel est rejeté.

Le contexte

[3]               L’appelante affirme qu’elle est titulaire du droit d’auteur sur le dessin d’un projet de rénovation d’une propriété résidentielle située au 33 Strathearn Road, Toronto (Ontario) (33 Strathearn). Le 28 août 2014, l’appelante a intenté une action, au titre de la Loi sur le droit dauteur, LRC 1985, c C-42, elle alléguait une violation d’un intérêt qu’elle avait dans le droit d’auteur, violation commise par l’intimé, parmi d’autres intimés. L’intimé est l’architecte dont les services ont été retenus pour la conception et le dessin des plans architecturaux de la propriété résidentielle située au 21 Vesta Drive, Toronto (Ontario) (21 Vesta), qui, selon l’appelante, sont des exemplaires contrefaits du 33 Strathearn. La propriété du 33 Strathearn appartient à une tierce partie privée, dont le nom ne figure pas dans la présente instance.

[4]               Les parties ont échangé des affidavits de documents, mais aucun interrogatoire préalable n’a encore été mené.

[5]               En février 2015, l’intimé a présenté une requête afin que l’examen du 33 Strathearn soit effectué. L’affidavit en appui à la requête, qui a été souscrit et déposé par l’avocat de l’intimé, indiquait que l’intimé avait retenu les services d’une entreprise spécialisée, Carson Woods Architects & Planners (Woods), pour effectuer l’examen des deux maisons afin que Woods donne son point de vue sur les allégations liées aux caractéristiques architecturales extérieures du 33 Strathearn, comparativement à celles du 21 Vesta. L’auteur de l’affidavit a également affirmé avoir été avisé par Woods que celle-ci exigeait un gros plan de la propriété afin d’effectuer un examen valable, parce que l’entrée de la propriété du 33 Strathearn est située en retrait de la rue et à distance importante de celle‑ci.

[6]               La protonotaire Tabib a fait droit à la requête de l’intimé et a rendu une ordonnance afin que l’examen prévu à l’article 249 des Règles soit effectué (Ordonnance d’examen ou Ordonnance).

La question en litige

[7]               Le présent appel soulève la question de savoir si la protonotaire a commis une erreur lorsqu’elle a fait droit à la requête présentée par l’intimé en vue de l’examen, notamment en ce qui a trait à l’adjudication des dépens.

La norme de contrôle

[8]               Les parties sont d’accord que lorsqu’un appel est interjeté à l’encontre d’une ordonnance d’un protonotaire, la Cour effectue une analyse de novo seulement lorsque :

        i.            l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits;

      ii.            le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond (Apotex Inc c Eli Lilly Canada Inc, 2013 CAF 45, au paragraphe 4 [Apotex CAF 2013]; Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488, au paragraphe 19; AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CF 1301, au paragraphe 21). 

La décision de la protonotaire

[9]               Selon le libellé de l’Ordonnance d’examen :

[traduction]

1.    Les propriétaires du lieu dont l’adresse municipale est le 33 Strathearn Road, Toronto (Ontario), permettront l’accès de la propriété aux experts et aux représentants des intimés afin qu’ils puissent effectuer un examen visuel de la propriété, à un moment qui convient à toutes les parties et aux occupants de la propriété.

2.    L’examen ne doit pas durer plus d’une demi-journée et doit se limiter à lextérieur de la maison.

3.    Le ou les inspecteurs peuvent prendre des photographies ou des vidéographies, mais doivent éviter de prendre toute photographie ou vidéographie de l’intérieur de la maison.

4.    Lutilisation d’une échelle ou d’un escabeau durant l’examen est autorisée à condition qu’aucun dommage ne puisse vraisemblablement être causé à la maison ou au terrain de la propriété par l’utilisation de l’échelle ou de l’escabeau, et que des vues directes de l’intérieur de la maison ne soient pas possibles en raison de l’utilisation de tels objets.

5.    Des frais de 1 750 $ sont payables par l’appelante à l’intimé/la tierce partie Kirkor Architects and Planners.

[10]           La protonotaire a décidé qu’il [traduction] « était juste qu’un examen de cette maison soit effectué à un moment donné », soulignant que l’appelante (la demanderesse dans l’action) a prétendu que le dessin du 33 Strathearn avait été reproduit à la suite de visites de la propriété. Elle a également déclaré que : [traduction] « il y avait un argument convaincant selon lequel, la maison étant une adaptation d’une maison originale construite antérieurement, il n’est pas déraisonnable qu’une visite du site soit plus adéquate pour déterminer ce qui est original, ce qui est nouveau, et comment les deux fonctionnent ensemble, contrairement à ce que permettrait de faire des séries de photographies ».

[11]           La protonotaire a conclu qu’en l’espèce, l’examen ne porterait pas indûment atteinte à la vie privée parce qu’il s’agissait d’une visite à pied de l’extérieur dont la durée était limitée à une demi-journée et qu’aucun échantillon ne serait prélevé ni aucun test destructif de la propriété ne serait entrepris. Elle a également tenu compte du fait que l’intimé avait demandé que l’examen soit effectué avant les interrogatoires préalables, et a conclu que ni la Cour ni l’intimé (défendeur dans l’action) n’ont envisagé qu’une visite du site soit nécessaire après les interrogatoires préalables. Par ailleurs, la protonotaire a conclu que le choix de l’intimé quant au moment où il voulait que l’examen soit effectué n’était pas déraisonnable.

[12]           En ce qui a trait à l’adjudication des dépens, la protonotaire a déclaré qu’elle avait adjugé les dépens parce qu’elle avait reçu une demande en ce sens, et parce que l’appelante avait accepté que la partie qui obtiendrait gain de cause dans la requête se voie adjuger les dépens. Sans l’acceptation de l’appelante, la protonotaire n’aurait pas adjugé de dépens, étant donné qu’une requête était dans tous les cas nécessaire. Elle a poursuivi ainsi :

[traduction]

« La demanderesse a également raison lorsqu’elle soutient que le dossier de requête était incomplet : en particulier, les paramètres de l’examen souhaité n’étaient pas établis, et il n’y avait pas d’engagement ou de proposition selon lesquels il s’agirait du seul examen qui serait effectué. Une requête aurait dû être présentée, mais elle naurait peut-être pas été contestée, si le dossier avait été davantage étayé et si toutes les parties avaient communiqué par téléphone, présumé la bonne foi de part et d’autre, et tenu des discussions dans lesquelles chaque partie souhaitait comprendre et examiner les préoccupations de lautre partie. C’est la raison pour laquelle, si la demanderesse n’avait pas accepté que les dépens soient adjugés à la partie qui obtiendrait gain de cause, je n’aurais adjugé aucuns dépens. »

Les dispositions réglementaires applicables

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Ordonnance dexamen

Order for inspection

249. (1) La Cour peut, sur requête, si elle lestime nécessaire ou opportun pour obtenir des renseignements complets ou une preuve complète, ordonner à légard des biens qui font lobjet de l’action ou au sujet desquels une question peut y être soulevée :

249. (1) On motion, where the Court is satisfied that it is necessary or expedient for the purpose of obtaining information or evidence in full, the Court may order, in respect of any property that is the subject-matter of an action or as to which a question may arise therein, that

a) que des échantillons de ces biens soient prélevés;

(a) a sample be taken of the property;

b) que lexamen de ces biens soit effectué;

(b) an inspection be made of the property; or

c) que des expériences soient effectuées sur ces biens ou à laide de ceux-ci.

(c) an experiment be tried on or with the property.

Autorisation dentrée

Entry on land or building

(2) Dans lordonnance rendue en vertu du paragraphe (1), la Cour peut, pour en permettre l’exécution, autoriser une personne à entrer sur le terrain ou dans le bâtiment où se trouvent les biens.

(2) An order made under subsection (1) may authorize a person to enter any land or building where the property is located for the purpose of enabling the order to be carried out.

Signification à personne

Personal service on non-party

(3) Lorsqu’une requête présentée en vue de l’obtention d’une ordonnance aux termes du paragraphe (1) vise des biens qui sont en la possession dune personne qui nest pas une partie à l’action, l’avis de requête est signifié à personne à cette dernière.

(3) Where a motion is brought under subsection (1) for an order in respect of property that is in the possession of a person who is not a party to the action, that person shall be personally served with notice of the motion.

Les observations des parties

Position de l’appelante

[13]           L’appelante affirme que l’Ordonnance de la protonotaire doit être évaluée de novo et annulée parce qu’elle est manifestement erronée. Il en est ainsi parce que l’Ordonnance d’examen a été rendue en l’absence de fondement probant adéquat, que la requête en vue de l’examen était hâtive et que la protonotaire a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’adjudication des dépens.

[14]           En ce qui concerne l’article 249 des Règles, les termes « nécessaire ou opportun » visent à conférer un vaste pouvoir discrétionnaire à la Cour. Toutefois, les faits d’un cas particulier sont importants et la Cour doit pondérer tous les facteurs applicables qui touchent aux intérêts des parties, des propriétaires de biens et du juge des faits.

[15]           L’appelante affirme que lorsqu’elle a fait droit à la demande d’ordonnance en vue d’un examen au motif qu’il existait un dossier de la preuve qu’elle qualifiait d’« incomplet », l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la protonotaire était fondé sur un principe erroné et n’avait pas de fondement factuel adéquat.

[16]           À cet égard, le seul élément de preuve présenté par l’intimé était l’affidavit d’un avocat selon lequel les services d’un expert avaient été retenus, et l’affidavit contenait une déclaration par ouï‑dire d’une personne anonyme provenant de l’entreprise dont les services avaient été retenus. Il n’a aucunement été fait état des compétences de l’expert et aucune explication n’a été fournie quant aux résultats attendus d’un examen à ce stade initial de l’instance. Cela a empêché la vérification des compétences de l’expert dans un contre‑interrogatoire. Ainsi, en rendant l’Ordonnance d’examen, la protonotaire s’est fondée sur une déclaration par ouï-dire vague, inadéquate et inappropriée et est allée de l’avant en l’absence de preuve présentée par l’expert de l’intimé selon laquelle l’examen était nécessaire ou opportun, contrairement à l’exigence de l’article 249 des Règles.

[17]           L’appelante soutient également qu’une ordonnance d’examen représente une atteinte grave aux droits du propriétaire des biens, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une propriété privée (Apotex CAF 2013, au paragraphe 14). L’examen de la propriété privée d’une tierce partie est une mesure extraordinaire et intrusive et ne devrait être accordé que sur la preuve permettant au juge des faits d’être convaincu qu’un examen aurait un but utile et non conjectural. Lorsqu’elle a accordé l’Ordonnance sans preuve à l’appui, la protonotaire a agi à l’encontre des principes énoncés à l’article 249 des Règles et de la jurisprudence, et a commis une erreur flagrante.

[18]           L’appelante soutient en outre que la requête en vue de l’examen était hâtive. En concluant que l’examen était justifié à l’étape de l’interrogatoire préalable de l’instance, parce qu’il devait y avoir un examen « à un moment donné », le pouvoir discrétionnaire que la protonotaire a exercé en rendant l’Ordonnance était fondé sur un principe erroné.

[19]           La Cour a reconnu que les renseignements susceptibles d’être recueillis au moyen d’un examen pouvaient être facilement obtenus lors de l’examen préalable (Apotex CAF 2013, au paragraphe 15). L’intimé n’a pas démontré que l’examen constituait le seul moyen d’obtenir les renseignements ou qu’il était nécessaire de procéder à l’examen à ce stade « à des fins immédiates » (PJ Wallbank Manufacturing Co Limited c Kuhlman Corporation, [1981] 1 CF 645, au paragraphe 146 (CAF) [Wallbank]; Posi-Slope Enterprises Inc c Sibo Inc, [1984] ACF no 507, au paragraphe 141 (CAF)). L’affidavit de documents de l’appelante comprend de nombreuses photographies et des plans architecturaux pour lesquels d’autres détails seraient probablement révélés durant les interrogatoires préalables. L’expert de l’intimé n’a pas indiqué que ces renseignements étaient insuffisants, de telle sorte qu’un examen était nécessaire ou opportun.

[20]           Enfin, l’appelante soutient que la protonotaire a ouvert la voie à la possibilité d’une multitude d’examens demandés par les nombreux intimés en l’espèce, dont certains sont actuellement inconnus. Dans la mesure où un examen peut être nécessaire ou opportun, il devrait être effectué uniquement après les interrogatoires préalables afin d’éviter que de nombreux examens soient demandés. Ainsi, l’octroi de l’Ordonnance à l’étape de l’enquête préalable ne satisfait pas à l’objectif de proportionnalité, est susceptible de causer un préjudice à l’appelante et est manifestement erroné.

[21]           En ce qui concerne l’adjudication des dépens, l’appelante soutient qu’il était tout à fait erroné de la part de la protonotaire d’adjuger des dépens, au vu du dossier de preuve incomplet de l’intimé. L’intimé n’a entrepris aucune mesure pour combler ces lacunes, même s’il était au courant des objections de l’appelante.

La position de l’intimé

[22]           L’intimé soutient que dans les appels formés contre une décision d’un juge responsable de la gestion de l’instance, celui-ci devrait se voir accorder une certaine latitude pour gérer les cas, et la Cour devrait uniquement intervenir dans les cas les plus manifestes de pouvoir discrétionnaire judiciaire mal exercé (Sawridge Band c R, 2001 CAF 338; Novopharm Ltd c Eli Lilly Canada Inc, 2008 CAF 287, au paragraphe 59 [Elli Lilly CAF 2008]). Le fardeau qui incombe aux plaideurs voulant faire infirmer une ordonnance interlocutoire d’un juge responsable de la gestion de l’instance est lourd (Eli Lilly CAF 2008, au paragraphe 28; Bard Peripheral Vascular Inc c WL Gore & Associates Inc, 2015 CF 1176, au paragraphe 13; Apotex Inc c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2011 CF 52, au paragraphe 15; Apotex CAF 2013, au paragraphe 5). Les protonotaires doivent pouvoir jouir d’une grande latitude dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des instances (J2 Global Communications Inc c Protus IP Solutions Inc, 2009 CAF 41, au paragraphe 16).

[23]           La requête en vue de l’examen n’avait pas une influence déterminante sur l’issue de l’affaire. L’Ordonnance de la protonotaire n’était pas non plus fondée sur une mauvaise appréciation des faits, et cet argument n’était pas invoqué par l’appelante.

[24]           L’intimé soutient que, contrairement aux observations de l’appelante, la protonotaire était en droit de se fonder sur les documents de la requête, les actes de procédure, les observations des avocats dans la requête et sa connaissance des antécédents et des détails de l’affaire, et pas uniquement sur les observations écrites de l’intimé. Comme il ressort des motifs de la protonotaire, l’Ordonnance relevait du simple bon sens et était fondée sur des prétentions de contrefaçon du droit d’auteur.

[25]           Les motifs de la demande d’examen ressortaient du dossier de la requête, et, dans les plaidoiries, l’intimé a expliqué de façon plus approfondie la nécessité d’effectuer l’examen, ainsi que la durée proposée de celui-ci, et a présenté l’expert dont les services avaient été retenus pour effectuer l’examen. En vertu du paragraphe 81(1) des Règles, les affidavits présentés à l’appui d’une requête — autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire — peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits. Le défaut de fournir la meilleure preuve peut relever de la force probante, mais la preuve par affidavit de l’intimé présentée dans la requête ne constituait pas un ouï-dire inadmissible, comme le prétend l’appelante. Il ne s’agit pas d’une erreur fondamentale de droit ou de principe.

[26]           Par ailleurs, de l’avis de l’intimé, la protonotaire n’a été pas en mesure de déterminer si un examen était nécessaire ou opportun en l’espèce sans preuve de l’expert de l’intimé et a expliqué dans ses motifs comment un examen aurait un but utile qui permettrait d’aider le juge des faits. La prétention de l’appelante selon laquelle la preuve fournie à la protonotaire était insuffisante est non fondée et, quoi qu’il en soit, le fait d’accorder une ordonnance sur le fond ne constitue pas une erreur de droit ou de principe lorsque cela aiderait à mieux comprendre les enjeux dans les circonstances.

[27]           L’intimé soutient que la protonotaire a appliqué comme il se doit l’article 249 des Règles. Il n’existe aucun principe rendant obligatoire la tenue des interrogatoires préalables avant d’effectuer un examen. La protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé ce qui était approprié dans les circonstances et a expressément traité la question des délais dans ses motifs. Cela sert également l’objectif établi à l’article 3 des Règles, qui est d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[28]           Une ordonnance d’examen n’est pas, en raison de sa nature, extraordinaire ou intrusive. Le terme « nécessaire » qui figure à l’article 249 des Règles signifie qu’il existe une possibilité raisonnable que le critère proposé ou l’examen révèle quelque chose d’utile au juge des faits (Apotex CF 2013, aux paragraphes 8 et 10). L’expression « nécessaire ou opportun » élargit le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Cour. La protonotaire a mis en balance les intérêts des parties concernées, des propriétaires des biens et du juge des faits et a en définitive conclu que le niveau d’intrusion ou d’invasion était relativement bas. L’ordonnance qu’elle a rendue permet aussi d’assurer qu’il n’y aura pas d’intrusion grave ou de préjudice irréparable causé aux propriétaires du 33 Strathearn en raison de l’examen. Les exigences de l’article 249 des Règles ont été respectées.

[29]           L’intimé soutient également que la protonotaire a exercé le pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour en application du paragraphe 400(1) des Règles d’adjuger les dépens de la requête et a expliqué les motifs de sa décision. Elle ne s’est fondée sur aucun principe erroné en adjugeant les dépens, et, par conséquent, la décision qui relève de son discrétionnaire ne doit pas être rendue de novo.

Analyse

[30]           La position de l’appelante est presque entièrement fondée sur son point de vue que la protonotaire avait commis une erreur en rendant l’Ordonnance d’examen, au motif que le dossier de preuve était incomplet. À cet égard, je ferais d’abord remarquer que le commentaire de la protonotaire relatif au dossier de requête incomplet a été formulé dans le contexte de l’adjudication des dépens. Elle a expliqué que les Règles exigent qu’une requête soit présentée lorsqu’une demande en vue d’une ordonnance d’examen est formulée. La présentation d’une requête était donc inévitable pour obtenir l’Ordonnance. La protonotaire a également déclaré que si le dossier de requête de l’intimé avait été plus exhaustif et si les parties avaient été disposées à discuter de la question de bonne foi, alors la requête n’aurait peut-être pas été contestée. C’est la raison pour laquelle, si l’appelante n’avait pas accepté que la partie ayant obtenu gain de cause se voie adjuger les dépens, la protonotaire n’aurait rendu aucune ordonnance quant aux dépens. 

[31]           En outre, les irrégularités relevées par la protonotaire n’étaient pas liées à la preuve, mais portaient plutôt sur la portée de l’examen demandé. Plus particulièrement, elle a relevé l’absence de paramètres pour l’examen souhaité et l’absence d’une proposition ou d’un engagement selon lequel il s’agirait du seul examen. La protonotaire a tenu compte de ces deux préoccupations dans le libellé de son Ordonnance. 

[32]           Je suis également d’accord avec l’intimé que le paragraphe 81(1) des Règles permet le dépôt des affidavits dans des requêtes de ce type qui peuvent inclure des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, ainsi que les motifs à l’appui de cette croyance (Twentieth Century Fox Home Entertainment Canada Ltd c Canada (Procureur général), 2012 CF 823, au paragraphe 22). Accepter l’affidavit de l’avocat n’était donc pas une erreur fondamentale de droit ou de principe. L’affidavit désignait le cabinet d’architecture dont les services avaient été retenus (Woods) et indiquait que celui-ci avait été retenu afin de comparer les deux maisons et de fournir une opinion. L’affidavit précise que le 33 Strathearn est relativement éloigné de la rue et que le déposant avait été informé par Woods que celle-ci avait besoin d’un accès à une vue rapprochée afin d’effectuer un examen valable. Le déposant a donc exposé la source de ses croyances et le fondement de la demande d’examen. C’était direct et non technique. À mon avis, il était loisible à la protonotaire de soupeser cet élément de preuve, et elle l’a fait, dans son évaluation de la requête d’examen.

[33]           Quant à l’article 249 des Règles, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur son interprétation dans l’arrêt Apotex CAF 2013. Cet arrêt présente un intérêt particulier en l’espèce :

[8]        Les parties ont présenté à la Cour de la jurisprudence indiquant que le mot « nécessaire » employé dans les différentes règles de procédure provinciales semble avoir été interprété de façon constante comme voulant dire qu’il existe [TRADUCTION] « une possibilité raisonnable que l’essai projeté révélera quelque chose d’utile au juge des faits (c’est‑à‑dire quelque chose qui l’aidera à trancher une question en litige dans l’instance) » [...]

[]

[10]      Si on le lit en tenant compte de l’article 3 des Règles, qui a été ajouté lors de la révision des Règles en 1998, le critère énoncé à l’article 249 est clair et il n’est pas nécessaire que la Cour fournisse des lignes directrices plus strictes et détaillées quant à son application. De fait, il ne serait pas sage de tenter de le faire, puisqu’il est évident que l’emploi des mots « nécessaire ou opportun » visait à conférer à la Cour un vaste pouvoir discrétionnaire. Comme toujours, il importe de tenir compte des faits, surtout lorsqu’il est question de requêtes telles que celles qui se fondent sur l’article 249 des Règles, qui nécessitent que la Cour mette en balance de nombreux facteurs liés aux intérêts des trois principaux intéressés : ceux de la partie qui demande le prélèvement d’échantillons ou leur examen, ceux de la partie qui possède les biens visés, et ceux du juge des faits. C’est parce qu’il est nécessaire de soupeser tous les facteurs pertinents qu’une requête doit être présentée en vertu de l’article 249 des Règles alors que ce n’est pas le cas pour les autres règles sur l’examen préalable. À notre avis, voilà exactement ce que la protonotaire avait à l’esprit lorsqu’elle a entrepris de se prononcer sur les requêtes qui lui étaient présentées.

[11]      Nous rejetons la thèse d’Apotex voulant que la Cour ait énoncé un critère strict dans les arrêts P.J. Wallbank Manufacturing Co. Limited c. Kuhlman Corporation, [1981] 1 C.F. 645 (C.A.F.) (Wallbank), à la page 646, et Posi‑Slope Enterprises Inc. c. Sibo Inc., [1984] A.C.F. no 507 (QL) (C.A.F.) (Posi‑Slope), et suivant laquelle la protonotaire et le juge étaient tenus d’exiger qu’il soit démontré que les tests proposés constituaient « le seul moyen » auquel pouvaient recourir les intimées pour présenter leur cause, ou à tout le moins qu’il s’agissait d’un cas « exceptionnel » où les tests étaient la solution de « dernier ressort », comme il est mentionné dans l’arrêt Gerber Garment Technology, Inc. c. Lectra Systems of Canada Inc., [1996] A.C.F. no 41 (QL) (C.A.F.) (Gerber), au paragraphe 3.

[12]      Dans l’arrêt Wallbank, la Cour a infirmé la décision du juge Cattanach au motif qu’il a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’inspection des locaux était le seul moyen qui s’offrait au demandeur. Cela étant, et compte tenu du tort (préjudice) irréparable qui pouvait découler de ladite inspection, la Cour a conclu que le juge naurait pas dû prononcer l’ordonnance. Cette conclusion était fondée sur la mise en balance des facteurs pertinents en fonction des faits particuliers de l’affaire.

[13]      Dans l’arrêt Posi‑Slope, précité, notre Cour a rejeté la requête au motif que la mesure sollicitée n’était pas « nécessaire soit pour les plaidoiries soit pour quelque autre fin immédiate », et a expressément réservé aux demandeurs la possibilité de présenter une autre requête à un stade ultérieur. On ne saurait dire que l’arrêt Posi‑Slope examine la portée complète de l’article 249 des Règles (comme il se lisait à l’époque), alors même qu’il n’est pas fait mention du libellé de cette disposition dans les motifs de la Cour.

[14]      La Cour convient avec Apotex que le même critère entre en jeu en ce qui concerne toutes les ordonnances rendues sur le fondement de l’article 249 des Règles. Toutefois, comme il a déjà été souligné, il importe de tenir compte des faits. Nous sommes aussi conscients que la mise en équilibre des facteurs pertinents peut très bien mener au rejet d’une requête visant l’inspection de locaux privés, comme ce fut le cas dans les arrêts Wallbank et Posi‑Slope, étant donné que la mesure constitue une intrusion importante et risque de causer un tort irréparable à la partie dont les locaux sont visés.

[15]      Habituellement, les renseignements disponibles lors de l’examen préalable (par exemple, une description complète et détaillée des biens ou de la machinerie ou des photographies de ceux‑ci) permettent de répondre à tous les intérêts en jeu. Cependant, dans des affaires complexes portant sur des brevets pharmaceutiques, comme les espèces, les mécanismes habituels de l’examen préalable peuvent ne pas suffire et il n’est pas rare que les parties doivent recourir à l’article 249 des Règles. Bien sûr, les ordonnances ne seront accordées que si la Cour fédérale estime qu’il a été satisfait aux exigences de l’article 249 des Règles.

[16]      Dans de tels cas, le critère de l’« opportunité » peut jouer un rôle particulièrement important dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour (Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c. Apotex Inc., dossier T‑2520‑93, le juge en chef adjoint Lutfy, 4 décembre 2000, Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c. Apotex Inc., 2002 CFPI 1284, conf. par 2003 FCA 221, Glaxo Group Ltd. c. Novopharm Ltée, [1999] A.C.F. no 381 (QL) (C.F. 1re inst.)).

[]

[18]      En concluant ainsi, nous gardons à l’esprit le principe énoncé dans des arrêts antérieurs de la Cour, selon lequel il faut faire montre de beaucoup de prudence avant d’intervenir dans les décisions discrétionnaires portant, comme c’est le cas en l’espèce, sur des questions qui ne sont pas cruciales, rendues par des protonotaires ou des juges de la Cour fédérale appelés à gérer une instance (voir Bande de Sawridge c. Canada, [2002] 2 C.F. 346, 2001 CAF 338, au paragraphe 11, j2 Global Communications, Inc. c. Protus IP Solutions Inc., 2009 CAF 41, au paragraphe 16, Conseil Mushkegowuk c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 133, au paragraphe 5).

[Pas en caractères gras dans l’original.]

[34]           À mon avis, il ressort clairement de l’Ordonnance d’examen que la protonotaire a compris les exigences relatives à la mise en balance des facteurs prévus à l’article 249 des Règles et les a appliquées à la preuve et aux faits qui lui ont été présentés. Elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un principe erroné. Les motifs de la protonotaire démontrent qu’elle était d’avis que l’examen était nécessaire et qu’il y avait une possibilité raisonnable que l’examen révèle quelque chose d’utile au juge des faits. En d’autres mots, elle n’a pas accepté l’argument de l’appelante selon lequel la série de photographies que celle-ci avait produite était suffisante. La protonotaire était clairement d’avis que la visite du site permettrait d’en apprendre davantage, elle a déclaré que [traduction] « la maison étant une adaptation d’une maison originale construite antérieurement, il n’est pas déraisonnable qu’une visite du site soit plus adéquate pour déterminer ce qui est original, ce qui est nouveau, et comment les deux fonctionnent ensemble, contrairement à ce que permettrait de faire des séries de photographies ». Je ne constate aucun problème ou erreur en ce qui a trait à cette conclusion et je fais remarquer que lors de la prise de photographies de la maison, l’appelante peut avoir mis l’accent sur les similarités avec l’autre maison, alors que l’expert de l’intimé peut mettre l’accent sur les différences. Par ailleurs, l’objectif immédiat énoncé de l’examen est d’éclairer l’avis de l’expert, et non pas simplement de fournir d’autres photographies. De plus, comme il ressort de l’arrêt Apotex CAF 2013, l’examen proposé ne doit pas être le seul moyen dont dispose l’intimé, et une ordonnance d’examen ne doit pas être fondée sur un cas exceptionnel.

[35]           La protonotaire a également fait observer que le propriétaire de la maison avait reçu signification de la requête et qu’il ne s’y était pas opposé directement. Elle a conclu que l’examen proposé ne portait pas indûment atteinte à la vie privée, parce cela qu’il s’agissait d’une visite à pied de l’extérieur dont la durée était limitée à une demi-journée, et que des échantillons ne seraient pas prélevés et des tests destructifs ne seraient pas entrepris. De plus, son Ordonnance d’examen interdisait expressément une vue directe ou la prise de photographies de l’intérieur de la maison à travers les fenêtres. Elle a ainsi mis en balance les intérêts de la partie demandant l’examen, du propriétaire de la maison et du juge des faits. La situation n’était pas identique à celle de l’arrêt Wallbank où il y avait une intrusion grave sur les lieux et un risque de préjudice irréparable.

[36]           Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex CAF 2013, le critère de l’article 249 des Règles est évident et vise à conférer un vaste pouvoir discrétionnaire à la Cour. Je ne suis donc pas du même avis que l’appelante selon qui la protonotaire devait fonder son analyse de la preuve sur l’expert en architecture visé. Je ne souscris pas non plus à l’idée que cet expert devait déposer un affidavit à l’appui de la requête, afin de pouvoir être contre-interrogé à cet égard, avant l’examen. Il s’agissait d’un examen visuel direct. Toute question quant aux qualifications de l’expert et à l’utilisation de son rapport peut être traitée à l’étape de l’interrogatoire préalable et lors du procès.

[37]           Quant au caractère prématuré de l’examen, l’appelante soutient que si un examen s’avère en définitive nécessaire ou opportun, alors il devrait seulement être effectué après l’enquête préalable afin d’éviter de multiples examens. La protonotaire a traité du moment de la conduite de l’examen préalable. Elle a indiqué qu’aucune visite additionnelle du site n’était prévue. Par ailleurs, l’avocat de l’intimé m’a informé à l’audience du présent appel que tous les intimés nommés avaient reçu signification de sa requête visant à obtenir une ordonnance d’examen et aucun d’entre eux ne s’y est opposé. Il est vrai qu’il y a des intimés cités sous les noms de M. Untel et Mme Unetelle, toutefois, leur participation à une date ultérieure relève de la conjecture. Quoi qu’il en soit, vu le niveau élevé du pouvoir discrétionnaire conféré aux juges responsables de la gestion de l’instance, la protonotaire serait en mesure de prendre en considération l’examen préalable lors de l’évaluation de requêtes en vue d’examens futurs, y compris le caractère utile de tels renseignements pour le juge des faits.

[38]           L’article 249 des Règles ne contient aucune exigence selon laquelle l’ordonnance doit être accordée uniquement après l’enquête préalable. Il se pourrait bien que la conduite de l’examen et l’obtention d’un rapport d’expert avant l’enquête préalable permettent de mieux cibler les interrogatoires préalables, d’être plus précis, et de procéder plus rapidement, comme le laisse entendre l’intimé. La protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé qu’un examen préalable était approprié en l’espèce. Elle ne s’est pas fondée sur un principe erroné.

[39]           Enfin, compte tenu des circonstances susmentionnées, je ne suis pas d’avis que la protonotaire s’est fondée sur un principe erroné lorsqu’elle a adjugé les dépens à l’intimé. L’article 400 des Règles accorde plein pouvoir discrétionnaire la Cour en matière d’adjudication des dépens. L’appelante a sollicité l’adjudication des dépens de la requête, a accepté que la partie ayant gain de cause se voie adjuger ses dépens, et a également accepté le montant de ces dépens. Le fait d’avancer maintenant que l’ordonnance d’adjudication des dépens rendue par la protonotaire était fondée sur un principe erroné parce qu’elle s’était appuyée sur un dossier incomplet est sans fondement. L’argument selon lequel, parce que l’appelante n’a pas obtenu gain de cause, alors l’adjudication des dépens était fondée sur un principe erroné n’est pas valable.

[40]           L’ordonnance d’examen n’était pas manifestement erronée, car la protonotaire n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. Une évaluation de novo n’est donc pas requise et l’appel est rejeté.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      L’appel visant la décision de la protonotaire est rejeté;

2.      Les dépens fixés au montant forfaitaire global de 2 000 $ sont adjugés à Kirkor Architects and Planners.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1876-14

 

INTITULÉ :

STRATHEARN CONSULTING INC. c BARBRA ANN KIRSHENBLATT, KIRKOR ARCHITECTS AND PLANNERS, STEVEN KIRSHENBLATT, RKS BUILDING GROUP LTD., ERIC KIRSHENBLATT ALIAS RICKY KIRSHENBLATT, KING MASONRY YARD LTD., FOREST HILL REAL ESTATE INC., JULIE GOFMAN, M. UNTEL ET MME UNETELLE

 

LIEU DE LAUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 décembre 2015

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

Le 21 décembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Kevin Sartorio

James Green

 

POUR L’APPELANTE

 

Charles Simco

Isabelle Eckler

Pour les INTIMÉS, Kirkor Architects and PlannerS et Steven Kirshenblatt

 

Jeremy Lum-Danson

Pour les INTIMÉS, Barbara Ann Kirshenblatt, RKS Building Group Ltd et Eric Kirshenbatt (alias Rick Kirshenblatt)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Shibley Righton s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour LES INTIMÉS, Kirkor Architects and PlannerS et Steven Kirshenblatt

 

Ross Barristers

Toronto (Ontario)

 

Pour les intimés, Barbara Ann Kirshenblatt, RKS Building Group Ltd. et Eric Kirshenbatt (alias Rick Kirshenblatt)

 

 

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