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Date : Le 2 février 2016


Dossier : T-1148-15

Référence : 2016 CF 114

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 2 février 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

PATTAMESTRIGE PERERA

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               M. Perera sollicite un contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [division d’appel] lui refusant l’autorisation d’interjeter appel d’une décision du Conseil arbitral [Conseil]. Le Conseil a conclu que M. Perera a travaillé à l’exploitation d’une entreprise pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi et que, par conséquent, il était tenu de rembourser ces prestations.

[2]               Le 26 décembre 2008, l’emploi de M. Perera a pris fin. Il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. Il a été conclu que sa demande avait été établie à compter du 28 décembre 2008 et, à l’exception d’une période de carence de deux semaines, il a reçu des prestations à compter de cette date jusqu’au 25 juillet 2009, moment où il a été réembauché par son ancien employeur.

[3]               Le 4 février 2009, le demandeur a commencé à exploiter une entreprise, Extreme Health Rehab Clinic Inc. Les renseignements fiscaux visant la période du 4 février 2009 au 30 avril 2009 indiquent que l’entreprise possédait un actif total de 58 198 $ et devait à M. Perera 38 682 $. Il n’a perçu aucun revenu de l’entreprise pendant la période où il recevait des prestations d’assurance-emploi, mais il a été inscrit à la liste de paye en octobre 2009. En outre, au cours de la période pendant laquelle il recevait des prestations d’assurance-emploi, il est convenu que l’entreprise était en mode de démarrage et ne vendait pas ses services.

[4]               Le 20 juin 2012, la Commission de l’assurance-emploi du Canada [Commission] s’est rendu compte que M. Perera travaillait à l’exploitation de son entreprise depuis le 4 février 2009; par conséquent, il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter de cette date. Il en est donc résulté un trop-payé de 9 988 $.

[5]               Le 22 mai 2013, le Conseil a rejeté l’appel de M. Perera à l’encontre de la décision de la Commission. Il a statué que la seule question en litige était de savoir si M. Perera était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas pu établir qu’il était sans emploi entre le 4 février 2009 et le 25 juillet 2009. Le litige consistait à savoir s’il était engagé à temps complet dans l’exploitation de son entreprise, conformément au paragraphe 30(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, ou si sa participation était tellement limitée qu’il n’était pas engagé à temps complet, conformément aux dispositions du paragraphe 30(2).

[6]               Ces dispositions prévoient ce qui suit :

30 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

30 (1) Subject to subsections (2) and (4), where during any week a claimant is self-employed or engaged in the operation of a business on the claimant’s own account or in a partnership or co-adventure, or is employed in any other employment in which the claimant controls their working hours, the claimant is considered to have worked a full working week during that week.

(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

(2) Where a claimant is employed or engaged in the operation of a business as described in subsection (1) to such a minor extent that a person would not normally rely on that employment or engagement as a principal means of livelihood, the claimant is, in respect of that employment or engagement, not regarded as working a full working week.

3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :

(3) The circumstances to be considered in determining whether the claimant’s employment or engagement in the operation of a business is of the minor extent described in subsection (2) are

a) le temps qu’il y consacre;

(a) the time spent;

b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;

(b) the nature and amount of the capital and resources invested;

c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise;

(c) the financial success or failure of the employment or business;

d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;

(d) the continuity of the employment or business;

e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise;

(e) the nature of the employment or business; and

f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

(f) the claimant’s intention and willingness to seek and immediately accept alternate employment.

(4) Lorsque le prestataire exerce un emploi relié aux travaux agricoles auquel ne s’applique pas le paragraphe (2), il n’est pas considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail pendant la période débutant la semaine où tombe le 1er octobre et se terminant la semaine où tombe le 31 mars suivant, s’il prouve que, durant cette période :

(4) Where a claimant is employed in farming and subsection (2) does not apply to that employment, the claimant shall not be considered to have worked a full working week at any time during the period that begins with the week in which October 1st falls and ends with the week in which the following March 31 falls, if the claimant proves that during that period

a) ou bien il n’a pas travaillé;

(a) the claimant did not work; or

b) ou bien il a exercé son emploi dans une mesure si limitée que cela ne l’aurait pas empêché d’accepter un emploi à temps plein.

(b) the claimant was employed to such a minor extent that it would not have prevented the claimant from accepting full-time employment

(5) Pour l’application du présent article, travailleur indépendant s’entend :

(5) For the purposes of this section, self-employed person means an individual who

a) de tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise;

(a) is or was engaged in a business; or

b) de tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi.

(b) is employed but does not have insurable employment by reason of paragraph 5(2)(b) of the Act.

[7]               Le Conseil a conclu, par renvoi aux critères énoncés au paragraphe 30(3), que la participation de M. Perera n’était pas limitée et que, par conséquent, il n’était pas sans emploi au cours de la période visée.

[8]               Pour parvenir à sa conclusion, le Conseil s’est reporté à plusieurs arguments présentés par M. Perera et, explicitement ou implicitement, les a rejetés. Plus particulièrement, le Conseil a pris en considération et rejeté l’argument selon lequel M. Perera, parce qu’il ne recevait aucun revenu de son entreprise pendant qu’il percevait des prestations d’assurance-emploi, ne pouvait pas avoir occupé un emploi pendant cette période. Le Conseil a statué que les articles pertinents de la Loi et du Règlement définissent l’emploi au niveau du travail, et non de la rémunération, et que le droit de recevoir un revenu d’une entreprise suffit pour établir l’emploi, même si aucun revenu n’est effectivement reçu.

[9]               La division d’appel a refusé l’autorisation d’interjeter appel. Après avoir énoncé les motifs permettant d’interjeter appel aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, ch. 34, la division d’appel a expliqué ce qui suit :

Dans sa demande, l’appelant réitère nombre des arguments qu’il a plaidés devant le Conseil et exprime son désaccord avec les conclusions du Conseil. Essentiellement, l’appelant demande à ce que je réévalue la preuve et en vienne à des conclusions différentes de celles déjà rendues. L’appelant fait aussi valoir ceci : [traduction] « les décisions antérieures citées par la division générale ne présentent pas le même scénario que mon cas ou une situation applicable à mon cas », mais n’a pas précisé en quoi.

[10]           La division d’appel a ajouté que « Pour m’aider dans mes délibérations, j’ai demandé d’autres observations aux parties. L’appelant n’a présenté aucune autre observation. »

[11]           La division d’appel a conclu que « Pour que son appel ait une chance raisonnable de succès, l’appelant doit expliquer en détail de quelle manière, selon lui, au moins une erreur susceptible de contrôle énoncée dans la Loi a été commise. Comme il ne l’a pas fait, cette demande de permission d’en appeler n’a aucune chance raisonnable de succès et doit être rejetée. »

[12]           La seule question en litige pour la Cour est de savoir si la décision de la division d’appel refusant l’autorisation était raisonnable.

[13]           Même si une grande partie du mémoire de M. Perera est formulée en fonction de l’équité procédurale, sur le fond il soutient que la division d’appel a commis une erreur en ne tenant pas compte des erreurs de fait commises par le Conseil ainsi que des erreurs de droit qui ont trait aux lois et règlements clés.

[14]           Essentiellement, ses observations reprennent les arguments qu’il a soulevés devant le Conseil, sans expliquer comment le Conseil a commis une erreur en les rejetant. Par exemple, il reprend ses arguments selon lesquels il n’a reçu aucun revenu pendant qu’il percevait ses prestations d’assurance-emploi et indique qu’il a finalement repris son ancien emploi comme preuve qu’il n’était pas engagé à temps complet dans l’exploitation de son entreprise.

[15]           Tel qu’il est indiqué, ces arguments ont tous été soulevés devant le Conseil et ont été soit explicitement, soit implicitement rejetés par ce dernier. Ils ne démontrent pas que la division d’appel a été déraisonnable ou injuste en lui refusant l’autorisation d’interjeter appel.

[16]           M. Perera allègue également qu’une violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en raison de la « tension psychologique grave causée par l’État » occasionnée par la conduite du gouvernement pendant les procédures. Cette tension découlait présumément de la nécessité qu’il avait de répondre aux appels téléphoniques et de rédiger des lettres en rapport avec la présente affaire, et du fait qu’il doit le faire après avoir terminé de travailler à 15 heures, ce qui complique les choses parce que la plupart des bureaux du gouvernement ferment à 16 h 30. Même si les documents présentés à la division d’appel font mention de sa préoccupation au sujet du chevauchement entre ses heures de travail et les heures de bureau au gouvernement, il n’a pas auparavant formulé cet inconvénient comme étant une violation de la Charte. Il n’y a tout simplement pas suffisamment de preuves pour étayer son allégation imprécise d’une violation de la Charte et il aurait dû la soulever d’abord devant la division d’appel.

[17]           Finalement, M. Perera allègue dans son avis de demande que lorsqu’il a reçu la requête de la division d’appel pour des observations supplémentaires, il a téléphoné pour obtenir une clarification et un employé du Tribunal de la sécurité sociale lui a répondu d’envoyer ses observations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Il semble sous-entendre qu’à la suite du conseil erroné de cet employé, il a envoyé ses observations supplémentaires au mauvais endroit. M. Perera ne fournit aucun affidavit ni aucune autre preuve pour étayer cette allégation. En outre, la lettre que le demandeur a reçue était très claire et indiquait que ses observations devaient être envoyées au Tribunal de la sécurité sociale.

[18]           Pour ces motifs, je ne peux pas conclure que la décision de la division d’appel était déraisonnable ou injuste. La requête doit être rejetée. Le défendeur ne demande pas les dépens et aucuns dépens ne seront accordés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée, sans dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1148-15

 

INTITULÉ :

PATTAMESTRIGE c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 2 FÉVRIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Pattamestrige Perera

Pour le demandeur

(EN SON PROPRE NOM)

 

Mathieu Joncas

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

DEMANDEUR qui se représente lui-même

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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