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Date : 20160204


Dossier : IMM-2193-15

Référence : 2016 CF 131

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 février 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

NAVDEEP KAUR DHALIWAL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   NATURE DE LA QUESTION

[1]               Il s’agit d’un contrôle judiciaire d’une décision [la décision] d’un agent d’immigration [l’agent] de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) datée du 22 avril 2015. L’agent a refusé la demande de visa de résident permanent de la demanderesse en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) [TQF], déterminant que, contrairement à ce qui est prévu au paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) [le Règlement], la demanderesse n’avait pas l’intention de résider à l’extérieur du Québec.

[2]               La demanderesse soutient toutefois qu’elle a toujours eu l’intention de résider en permanence à Brampton (Ontario), et qu’elle est au Québec en vertu d’un permis d’études pour terminer son doctorat à l’Université McGill. Sa demande de contrôle judiciaire sera accordée pour les raisons suivantes.

II.                CONTEXTE

[3]               La demanderesse est une citoyenne de l’Inde âgée de 30 ans. Elle est entrée au Canada le 17 décembre 2013 en vertu d’un permis d’études. Elle vit avec son mari à Montréal (Québec), où elle en est à sa deuxième année au doctorat en génie électrique. La demanderesse a obtenu sa maîtrise en technologie de l’électronique de puissance et des entraînements de machines électriques de l’institut indien de technologie de Delhi, en Inde. Elle est aussi titulaire d’un diplôme de premier cycle en génie électrique. Avant ses études au doctorat à McGill, la demanderesse a travaillé comme professeure adjointe et ingénieure en logiciel en Inde.

[4]               La sœur aînée de la demanderesse est une citoyenne canadienne vivant à Brampton (Ontario). Ses parents sont des citoyens canadiens permanents et habitent avec la sœur en question, tout comme le frère de la demanderesse, bien que le statut de ce dernier soit inconnu. Dans la famille immédiate, seule la sœur mariée de la demanderesse habite en Inde.

[5]               En août 2014, la demanderesse a soumis une demande de résidence permanente en tant que membre de la catégorie TQF, demande dans laquelle elle a indiqué son intention de s’établir à Brampton. Dans une lettre datée du 1er décembre 2014, la demanderesse a été informée que sa demande était admissible en fonction de son expérience de travail. La demanderesse a en outre été informée que sa demande était en cours de traitement et que la décision définitive quant à son admissibilité serait rendue par un agent des visas.

[6]               Dans une lettre relative à l’équité datée du 3 février 2015, CIC a avisé la demanderesse qu’on croyait qu’elle n’avait pas l’intention de résider à l’extérieur du Québec, car il faut généralement de quatre à cinq ans pour terminer un doctorat, et qu’elle devrait ainsi résider au Québec, où un visa devait lui être délivré dans les prochains mois. Or, cette détermination va à l’encontre du paragraphe 75(1) du Règlement, qui stipule :

75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec. [Non souligné dans l’original.]

[7]               Le 17 février 2015, la demanderesse a répondu à la lettre en joignant sa déclaration solennelle ainsi qu’une déclaration de sa sœur et de ses parents. Les déclarations sous serment de la demanderesse comprenaient les renseignements suivants : (i) elle fréquente McGill, une université de recherche de premier plan, parce que les cours sont donnés en anglais et parce qu’elle a obtenu du financement; (ii) elle prévoit terminer son doctorat dans trois ans, après quoi elle déménagera à Brampton, sa destination prévue; (iii) ses perspectives d’emploi au Québec sont limitées en raison de son manque de connaissance du français.

[8]               Le 22 avril 2015, l’agent a refusé la demande. Selon le Système mondial de gestion des cas, l’agent a examiné la documentation supplémentaire soumise par la demanderesse en réponse à la lettre relative à l’équité du 3 février 2015. Le fond du raisonnement de la décision se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les renseignements fournis ne parviennent pas à me convaincre que vous avez pris les mesures nécessaires pour habiter dans une province autre que le Québec. Vous avez terminé une année de doctorat, études pouvant prendre jusqu’à six ans. Dans votre lettre datée du 17 février 2015, vous mentionnez que vous prévoyez obtenir un supplément de frais de scolarité pour trois ans, terminer votre doctorat puis déménager à Brampton en permanence. Bien que vous ayez de la famille à Brampton, vous avez toujours un permis d’études valide et un certificat d’acceptation du Québec pour études. En outre, vous avez demandé une prolongation de ce permis pour poursuivre vos études. Vous travaillez, étudiez et vivez avec votre mari au Québec depuis janvier 2014. Je ne suis donc par convaincu que vous avez l’intention d’habiter dans une province autre que le Québec. (Dossier certifié du tribunal [DCT], page 4)

[9]               L’agent a noté que le paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la Loi] et le paragraphe 75(3) du Règlement exigent qu’un étranger réponde aux exigences législatives pour obtenir un visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié, ce que la demanderesse n’a pas fait.

[10]           Dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision, la demanderesse avance des arguments pouvant se résumer ainsi : a) l’agent a erré dans son interprétation du Règlement; b) l’agent a déraisonnablement évalué les preuves liées aux intentions de résidence de la demanderesse. Le défendeur réplique que l’agent a bien appliqué les faits par rapport à la loi et a raisonnablement évalué les éléments de preuve.

III.             LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[11]           La première question au dossier porte sur l’interprétation de l’agent du paragraphe 75(1) du Règlement. La norme de contrôle applicable à l’interprétation d’un agent des visas de sa propre loi constitutive demeure une zone grise du droit.

[12]           La Cour peut recourir à deux approches. Selon la première approche, articulée par la juge Gleason dans l’affaire Qin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 147 aux paragraphes 9 à 16 [Qin], conf. par 2013 CAF 263 [Qin CAF], la décision correcte s’applique. La deuxième approche, articulée par la juge Strickland dans l’affaire Ijaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 67 aux paragraphes 20 à 32 [Ijaz], se fonde sur l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] et sur plusieurs cas ayant suivi.

[13]           Dans Qin, la juge Gleason a déterminé qu’elle était liée par la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 339 [Khan] et Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 187 [Patel]), selon laquelle la norme de la décision correcte s’applique à l’interprétation du Règlement par un agent des visas. La juge Gleason a reconnu que la jurisprudence récente de la Cour suprême laisse entendre que la retenue judiciaire est de mise lorsque les décideurs administratifs interprètent leur propre loi constitutive. Néanmoins, elle a déterminé que les décisions Khan et Patel portaient directement sur la question et étaient, par conséquent, exécutoires.

[14]           La décision Qin a été confirmée en appel selon la question de la norme de contrôle, mais pour des motifs différents (Qin FAC, au paragraphe 33). La décision Qin a aussi été suivie dans l’affaire Dashtban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 160 [Dashtban], dans laquelle on a tenu compte de la décision Ijaz, mais refusé de la suivre. Dans l’affaire Dashtban, au paragraphe 26, le juge Boswell, se fondant sur les décisions Qin et Patel, ainsi que sur l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Shahid, 2011 CAF 40, au paragraphe 25, a noté ce qui suit :

[TRADUCTION]

…dans une certaine mesure, l’affaire Ijaz se distingue du présent cas, puisque la question du droit était plus difficile à distinguer de l’évaluation factuelle et que de nouvelles versions du Règlement étaient en cause, or la décision Patel portait moins sur la question (Ijaz, au paragraphe 26). Dans la mesure où la décision Ijaz pourrait être interprétée plus généralement, je refuse de suivre la norme de la décision raisonnable qui a été suivie dans cette affaire.

[15]           Dans la décision Ijaz, la juge Strickland a déterminé que la jurisprudence à la suite de l’affaire Dunsmuir avait fait dévier la jurisprudence de décisions précédentes comme Khan et Patel, reposant plutôt sur Dunsmuir et les décisions plus récentes de la Cour suprême dans les arrêts Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta Teachers], Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) 2013 CSC 36 et McLean c. Colombie-Britannique (Commission des valeurs mobilières), 2013 CSC 67), 2013 SCC 67. La jurisprudence de la Cour suprême laisse entendre que la retenue judiciaire est normalement de mise lorsque les décideurs administratifs interprètent leur propre loi constitutive. Dans la décision Ijaz, il était question de l’interprétation des équivalences d’accréditation dans la même catégorie (TQF) que dans le présent contrôle judiciaire.

[16]           L’approche de l’affaire Ijaz a été appuyée. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Cisnado, 2015 CF 483 [Cisnado], par exemple, le juge Locke a cité la décision Ijaz, en arrivant à la conclusion que la norme de la décision raisonnable doit habituellement s’appliquer lorsqu’un tribunal interprète sa propre loi constitutive (Alberta Teachers, paragraphe 45; consulter aussi B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 87, au paragraphe 64). Toutefois, dans l’affaire Cisnado, il était question d’un appel à la Section d’appel de l’immigration concernant une décision de parrainage refusée par un agent des visas, de sorte que le contexte était différent de celui de la présente cause.

[17]           Comme je reconnais le manque de clarté de la norme de contrôle dans ce type d’affaires et qu’aucune des normes n’est claire pour moi, je vais procéder en me fondant sur le fait que les agents des visas devraient être contrôlés selon une norme de la décision correcte aux fins d’une interprétation purement juridique de leur loi constitutive lorsqu’une importante question de droit, comme la détermination de l’intention, est en cause. J’approuve donc l’analyse de la norme de contrôle en ce qui a trait à l’interprétation de la loi constitutive par les agents des visas établie par le juge Boswell aux paragraphes 22 à 31 de l’affaire Dashtban. Toutefois, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit dans la décision d’un agent des visas supposent une norme de la décision raisonnable.

IV.             ANALYSE

A.                Interprétation du paragraphe 75(1) du Règlement

[18]           La première question consiste à déterminer si l’agent a bien interprété le paragraphe 75(1), qui stipule que les TQF sont des étrangers qui peuvent devenir des résidents permanents du fait (i) de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et (ii) de leur intention à s’établir dans une province autre que le Québec.

[19]           Selon l’interprétation de l’agent du paragraphe 75(1), la demanderesse doit prouver qu’elle a « pris les mesures nécessaires pour habiter dans une province autre que le Québec ». De l’avis de l’agent, comme la demanderesse prévoit terminer son doctorat à Montréal, elle n’a pas l’intention de s’établir à l’extérieur du Québec, ce qui va à l’encontre du paragraphe 75(1).

[20]           Or, l’exigence concernant la région au paragraphe 75(1) porte sur l’endroit où un étranger a l’intention de s’établir, et non sur l’endroit où il ou elle habite actuellement. Le lieu de résidence actuel peut certainement servir à prouver les intentions d’un étranger, mais ne peut être perçu comme un élément déterminant. En outre, rien dans la Loi ou dans le Règlement ni dans les guides de politiques ou les bulletins ne définit « l’intention de résidence » ou n’établit les preuves que les demandeurs doivent produire pour prouver leur intention. En effet, tant que CIC ne conteste pas les intentions d’un demandeur, une simple confirmation dans la documentation de demande d’immigration suffit à prouver l’intention de s’établir dans une province autre que le Québec, comme le prouve le contenu des formulaires d’immigration des TQF exigés (consulter le paragraphe 30 ci-dessous).

[21]           Dans le cas présent, CIC a contesté l’intention de la demanderesse dans sa lettre d’équité du 3 février 2015 : [TRADUCTION] « Je note que vous venez de commencer votre doctorat à l’Université Concordia. Il faut habituellement de 4 à 5 ans pour achever de telles études. Je ne suis donc pas convaincu que vous habiterez dans une province autre que le Québec, où un visa vous sera accordé au cours des prochains mois » (dossier de la demanderesse, pages 150 et 151).

[22]           D’abord, il est à noter que la demanderesse n’étudie pas à l’Université Concordia. De nombreux documents dans sa demande de TQF, dont une copie de son permis d’études, l’offre d’admission et la preuve d’inscription de l’Université McGill et son certificat d’acceptation du Québec, indiquent clairement qu’elle étudie seulement à l’Université McGill.

[23]           Deuxièmement, l’agent qui a rédigé la lettre d’équité n’était pas convaincu que la demanderesse habiterait à l’extérieur du Québec si le visa lui était accordé « au cours des prochains mois ». Toutefois, aux termes de la Loi, il n’est pas obligatoire d’obtenir immédiatement la résidence au Canada (dans une province autre que le Québec). Tant que la demanderesse arrive au Canada avant l’expiration de son visa d’immigration, elle peut, après avoir obtenu sa résidence permanente, résider où elle veut pendant les trois premières années, que ce soit au Québec ou à l’extérieur du Canada, et toujours répondre aux exigences relatives à la résidence. La Loi exigence simplement, aux termes de l’article 28, que le nouveau résident permanent soit un résident pour un total de 730 jours (deux ans) au cours des cinq premières années (puis au cours de chaque période de cinq ans par la suite jusqu’à l’obtention de la citoyenneté). Autrement dit, la demanderesse, si elle devait obtenir le statut de résidente permanente, pourrait vivre à l’extérieur du Canada pendant les trois premières années suivant son arrivée et toujours être conforme aux exigences relatives à la résidence aux termes de la Loi, laquelle prévoit aussi des exceptions pour certaines personnes n’arrivant pas à respecter la règle des « deux années sur cinq ».

[24]           Bien entendu, ce n’est pas la lettre d’équité qui est visée par le présent contrôle, mais elle fait néanmoins partie de la preuve ayant mené au refus subséquent, car on y demande de la documentation pour dissiper les doutes quant à l’intention de ne pas résider dans une province autre que le Québec.

[25]           En réponse à la lettre d’équité, la demanderesse a produit de nombreuses preuves, dont des déclarations sous serment, comme il est indiqué au paragraphe 7 précité. Ces déclarations visaient surtout à affirmer les quatre raisons pour lesquelles elle avait toujours l’intention d’habiter en Ontario :

a)      Comme elle en est à sa deuxième année au doctorat en génie électrique, elle compte obtenir son diplôme dans trois ans, ce qui correspond à l’aide financière qui lui a été accordée avec le prix MEDA (McGill Engineering Doctoral Award).

b)      Elle doit, après cette période de trois ans, déménager à Brampton, sa destination permanente prévue au Canada, pour être près de sa famille immédiate, dont sa mère, son père, son frère, sa sœur et son beau-frère.

c)      Ses perspectives d’emploi dans l’enseignement, profession qu’elle compte exercer, sont limitées au Québec en raison de son manque de connaissance du français.

d)     Son mari, un ingénieur en logiciel, a aussi de bien meilleures perspectives d’emploi en Ontario.

[26]           Dans leurs déclarations sous serment, les parents et la sœur de la demanderesse ont confirmé leur statut de résident au Canada, plus précisément à Brampton (Ontario), ainsi que les liens étroits qui unissent la famille. Ils ont tous affirmé que la demanderesse et son mari s’établiraient à Brampton, et que la famille les aiderait initialement à le faire.

[27]           À la lumière de ces renseignements, j’en arrive à la conclusion que l’agent a erré dans sa lettre de refus du 22 avril 2015. L’agent a déterminé que la demanderesse n’avait pas pris les « mesures nécessaires » pour résider dans une province autre que le Québec. Toutefois, rien n’exige que de quelconques mesures soient prises pour prouver l’intention.

[28]           La demanderesse, à titre comparatif, a fourni un exemple de formulaires de demande du Programme des candidats des provinces (PCP) de l’Ontario. Or, il s’avère que l’Ontario figure parmi les provinces fournissant des exemples des types de preuve pouvant satisfaire l’un des critères propres à tous les PCP : l’intention de vivre et de travailler dans la province de destination. En revanche, ceux qui présentent une demande au programme fédéral en question, le TQF, ne sont tenus que de remplir le formulaire de demande générique IMM0008, où l’on demande simplement, à la question 6, « Où prévoyez-vous vivre au Canada? » a. Province/territoire; b. Ville/village ». Ni ce formulaire ni aucune des directives législatives ou politiques connexes n’exigent de documents à l’appui pour prouver l’intention.

[29]           S’il était exigé de démontrer la conformité au paragraphe 75(1) du Règlement en produisant plus qu’une simple déclaration d’intention de résider en permanence à l’extérieur du Québec, comme il est prévu à la question 6 du formulaire générique IMM0008, cette exigence devrait alors être précisée ailleurs, pour que la demanderesse puisse être au courant. Dans le cas présent, l’agent a erré en imposant une telle exigence.

B.                 Évaluation de la preuve

[30]           La deuxième erreur de l’agent porte sur l’évaluation de la preuve. La demanderesse a produit de nombreux éléments de preuve très crédibles de son intention de résider en permanence en Ontario, soit les liens étroits qui unissent sa famille, ses capacités linguistiques, et ses perspectives d’emploi et celles de son mari. Elle a aussi présenté, à titre comparatif, une explication de son intention de résider au Québec de façon temporaire seulement.

[31]           L’évaluation de l’intention, qui est une notion très subjective, peut tenir compte de tous les indices, y compris le comportement antérieur, les circonstances présentes et les plans futurs, au mieux de ce qui peut être confirmé selon les preuves et le contexte actuels. Dans le cas présent, la demanderesse a clairement exprimé son intention de résider en permanence à Brampton (Ontario) ainsi que son intention de terminer son doctorat au Québec, lequel nécessite une résidence temporaire continue au Québec. Ses intentions ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent. Comme il a été résumé précédemment, la demanderesse a aussi produit des déclarations solennelles pour elle-même, ses parents et sa sœur afin d’expliquer pourquoi elle avait l’intention de déménager en Ontario, le tout en des termes convaincants, corroborant ainsi davantage son intention de vivre à l’extérieur du Québec.

[32]           De toute évidence, la preuve fournie par la demanderesse et sa famille exprimant une intention subjective peut être perçue avec une certaine prudence, car ces déclarations peuvent être naturellement influencées par le désir de la demanderesse d’obtenir son statut de résidente permanente au Canada. Toutefois, la preuve comporte de nombreux indices objectifs appuyant les déclarations sous serment de l’intention de la demanderesse, dont la résidence des membres de sa famille immédiate à Brampton (Ontario), leur citoyenneté canadienne ainsi que la carrière et la langue de la demanderesse et de son mari. Le fait que la demanderesse ne parle pas français et le fait qu’il n’y a que très peu de facultés universitaires exclusivement anglophones au Québec font de l’Ontario un choix objectivement plus intéressant quant aux perspectives d’emploi.

[33]           Finalement, pour ce qui est des conclusions de l’agent concernant le Québec, le fait que la demanderesse étudie dans une province n’indique pas une intention de s’y établir en permanence. Les étudiants voyagent naturellement pour accéder au meilleur programme qu’ils peuvent suivre ou là où l’aide financière leur est offerte. Ces deux éléments s’appliquent à la demanderesse. En outre, sa résidence temporaire est rattachée à ses études, et ce statut, de par sa nature, est de durée limitée, et non permanente. Un permis d’études ne mène pas directement à une résidence permanente. Bien que le permis d’études puisse procurer certains avantages à ceux qui souhaitent finir par obtenir le statut de résident permanent, il y a une claire distinction entre le processus de demande et les critères d’admissibilité de ces deux types de statuts.

[34]           Il n’y a tout simplement rien dans le dossier qui laisse entendre que la demanderesse a l’intention de résider au Québec après ses études à l’Université McGill, études qu’elle a la ferme intention de terminer avant la fin de sa période d’admissibilité, de sorte qu’elle puisse maintenir sa résidence permanente aux termes de la Loi. En arriver à une autre conclusion constitue une évaluation déraisonnable des faits.

V.                CONCLUSION

[35]           L’agent ne s’est pas fondé sur des critères justes dans son évaluation de l’intention. La demanderesse a également fourni une explication détaillée et crédible, justifiant pourquoi elle souhaitait vivre en Ontario, explication étayée par des preuves complémentaires et probantes. En raison d’une mauvaise interprétation des termes « cherchent à s’établir » du paragraphe 75(1) du Règlement et de l’évaluation déraisonnable de la preuve, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à CIC pour qu’un autre agent rende une nouvelle décision.

2.      Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

3.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2193-15

 

INTITULÉ :

NAVDEED KAUR DHALIWAL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Diner

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Clarisa Waldman

 

Pour la demanderesse

 

David Cranton

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats-procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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