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Date : 20160119


Dossier : IMM-7309-14

Référence : 2016 CF 53

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

OYERINDE OLANREWAJU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi) à l’encontre de la décision rendue par un agent d’immigration du Haut­commissariat du Canada au Royaume­Uni par laquelle le demandeur est interdit de territoire pour ce qui est de la résidence permanente pour motifs sanitaires conformément à l’alinéa 38(1)c) de la Loi, car il souffre du virus de l’hépatite B (VHB) et aurait besoin de traitements qui risqueraient vraisemblablement de représenter un fardeau excessif pour les services de santé du Canada.

[2]               Le demandeur est médecin en titre et citoyen du Royaume­Uni et du Nigeria. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés. La seule question à trancher est de savoir si l’agent a conclu de façon raisonnable, à la lumière des éléments de preuve, que le demandeur doit être interdit de territoire parce qu’il souffre du VHB et aura besoin de traitements qui risqueraient vraisemblablement de représenter un fardeau excessif pour les services de santé du Canada.

[3]               Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en n’évaluant pas son état de santé de façon individualisée, et, plus particulièrement, en interprétant erronément la preuve médicale qui démontrait que son état de santé ne nécessite pas de traitements cliniques et que les traitements qu’il reçoit actuellement sont facultatifs.

[4]               Le demandeur a présenté à la Cour de nouveaux éléments de preuve importants dont ne disposait pas l’agent lorsqu’il a rejeté sa demande. Le demandeur n’a pas essayé d’invoquer les éléments de preuve portant sur l’administration et les coûts du médicament ténofovir et des autres procédures médicales utilisées dans le traitement des patients souffrant du VHB décrits dans les documents du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario.

[5]               Cependant, le demandeur a également présenté à la Cour un rapport médical daté du 24 février 2014 rédigé par le Dr Al­Chalabi, un médecin du Royaume­Uni. Le rapport ne figurait pas dans le dossier certifié du tribunal (DCT). Le demandeur a fait valoir que l’analyse raisonnée du médecin agréé datée du 25 avril 2014, qui était le motif préliminaire du rejet de sa demande, ne tenait pas compte de l’opinion du Dr Al­Chalabi, selon laquelle le demandeur suivait un traitement antiviral pour réduire sa charge virale, mais que [traduction] « du point de vue de sa santé, ce traitement n’était pas indiqué puisque sa maladie est très bénigne ».

[6]               Le médecin agréé a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur a été soumis à une évaluation d’un hépatologue consultant, qui a confirmé que le demandeur répondait aux critères pour recevoir un traitement antiviral. Une récente biopsie du foie a révélé la présence de processus inflammatoires et de fibrose. M. Olanrewaju a alors commencé un traitement antiviral pour réduire sa charge virale (réduire la quantité de virus de l’hépatite B dans le sang). Le demandeur était admissible au traitement antiviral, dont l’objectif était d’éradiquer (éliminer) le virus de l’hépatite B et ainsi prévenir la progression de la maladie. Un traitement médical comprenant la prise de médicaments par voie orale tous les jours a été commencé, et un suivi rigoureux auprès d’un spécialiste a été recommandé.

[Non souligné dans l’original.]

[7]               En raison de la contradiction apparente entre le rapport du Dr Al­Chalabi, qui mentionnait qu’un traitement n’était pas indiqué (nécessaire), et l’analyse raisonnée du médecin agréé, selon laquelle le demandeur répondait aux critères pour recevoir un traitement antiviral, une discussion s’est ensuivie pendant l’audience relative au contrôle judiciaire au sujet de l’argument selon lequel la conclusion du médecin agréé n’était pas fondée sur le rapport du Dr Al­Chalabi daté du 24 février 2014. Le dossier certifié du tribunal ne contenait aucun document médical étayant l’analyse raisonnée du médecin agréé.

[8]               L’audience a été ajournée afin de déterminer si le médecin agréé s’était appuyé sur le rapport du Dr Al­Chalabi. Le défendeur a déclaré que le médecin agréé disposait de ce rapport, ainsi que du rapport du Dr Aung qui avait procédé à un examen médical au nom de Citoyenneté et Immigration Canada. Le rapport du Dr Aung ne figurait pas non plus dans le dossier certifié du tribunal. Après avoir analysé davantage la question, la Cour conclut que le fondement de l’analyse raisonnée du médecin agréé n’est pas déterminant en l’espèce, car les autres éléments de preuve ne sont pas contestés et sont suffisants pour trancher la question.

[9]               La demande doit être rejetée parce que le demandeur n’a pas rempli son obligation de démontrer que le traitement de son VHB au Canada ne risquerait vraisemblablement pas de représenter un fardeau excessif pour les services de santé du Canada.

[10]           Selon l’analyse raisonnée du médecin agréé dans la lettre relative à l’équité, le demandeur devra être soumis à des examens et à un suivi rigoureux d’un personnel médical et devra vraisemblablement recevoir une série de médicaments antiviraux, dont le coût serait en grande partie assumé par l’État. On estime que le coût des médicaments excédera les coûts de santé moyen par Canadien sur cinq ans (6 285 $ par année), ce qui rend le demandeur inadmissible.

[11]           En réponse à la lettre relative à l’équité, le demandeur a présenté un autre rapport du Dr Al­Chalabi daté du 3 juin 2014, dans lequel il n’y est fait aucune mention du rapport précédent. Le Dr Al­Chalabi a confirmé que le demandeur souffrait d’une « maladie bénigne » et que [traduction] « le traitement au ténofovir n’a pas été entamé parce qu’il était cliniquement indiqué, mais simplement parce que M. Oyerinde Olanrewaju est médecin ». Rien dans le dossier n’indique si le demandeur payait lui­même les coûts du traitement ou si ceux­ci étaient assumés par l’État.

[12]           Le demandeur a également présenté une lettre d’un gastroentérologue­hépatologue du Royaume­Uni, le Dr Jude. Ce dernier a indiqué que le demandeur [traduction] « a besoin d’un suivi à long terme et devra subir des épreuves de fonction hépatique et rénale environ tous les six mois et une échographie environ tous les douze mois », Il a également indiqué que [traduction] « les sujets non porteurs comme lui ayant de faibles charges virales ont un excellent pronostic et ont de fortes chances d’éliminer les antigènes de surface de l’hépatite B ».

[13]           Dans sa réponse à la lettre relative à l’équité, le demandeur a indiqué qu’il avait l’intention de poursuivre son traitement au ténofovir au Canada. Il a précisé que le coût total du médicament serait de 632 $ par année, soit 52,67 $ par mois. Il reconnaît qu’il aura besoin d’analyses de sang tous les six à douze mois, d’une échographie du foie tous les ans et d’un examen clinique d’un spécialiste tous les ans également jusqu’à ce que son traitement réussisse à supprimer de façon soutenue et satisfaisante le virus. Aucun élément de preuve corroborant ces évaluations n’a été présenté. Le demandeur a ajouté qu’il était disposé à payer l’ensemble des coûts de sa médication et qu’il souscrirait une assurance maladie privée qu’il paierait de sa poche afin que les contribuables canadiens n’aient pas à assumer les coûts du traitement de sa maladie préexistante.

[14]           Dans la lettre de suivi, le demandeur n’a fourni aucun élément prouvant qu’il serait inadmissible au traitement du VHB en vertu des programmes des services médicaux publics comme il avait l’obligation de le faire : Hassan Chauhdry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 22.

[15]           L’agent a souligné dans sa décision que les coûts totaux du traitement au ténofovir s’élèveraient à 6 739 $ par année (561 $ par mois), coûts des analyses et des consultations médicales non compris, ce qui excède le coût moyen annuel par Canadien. L’agent a également souligné que le demandeur a omis de fournir le nom d’une compagnie d’assurance qui couvrirait les coûts du traitement au Canada. Le demandeur a seulement produit une police d’assurance maladie qui n’indique pas que les coûts du traitement requis seraient couverts. De plus, le demandeur n’a pas expliqué comment il prévoyait payer, pendant une durée indéterminée, le coût du traitement prolongé de sa maladie au Canada : Jafarian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 40.

[16]           La Cour conclut que la décision de l’agent, selon laquelle le VHB dont est atteint le demandeur nécessite un traitement qui représenterait vraisemblablement un fardeau excessif pour les services de santé du Canada, est raisonnable, car elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et elle est étayée par des motifs légitimes, intelligibles et transparents : Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 48.

[17]           La demande est rejetée pour l’ensemble des motifs qui précèdent. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’il n’y a aucune question à certifier.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7309-14

 

INTITULÉ :

OYERINDE OLANREAJU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

Wayne Bingham

 

Pour le demandeur

 

Sybil Thompson

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NIREN & ASSOCIATES

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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