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Date : 20151203

Dossier : T-467-11

Référence : 2015 CF 1338

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

VENNGO INC.

demanderesse

et

CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE ET RICHARD THOMAS JOYNT

défendeurs

ET ENTRE :

CONCIERGE CONNECTION INC.

demanderesse reconventionnelle

et

VENNGO INC.

défenderesse reconventionnelle

TABLE DES MATIÈRES

I.       Exposé des faits. 3

II.     Actes de procédure des parties. 7

III.         La preuve. 9

A.     Témoignages de Venngo. 10

(1)        Brent Stucke. 10

(2)        Sharon Mitchell (témoignage par affidavit) 15

(3)        Elizabeth Kieffer 16

(4)        Kevin Hayashi 16

(5)        Douglas Garcia. 17

(6)        Bradley Moyer 18

(7)        Sally Benn. 19

B.      Extraits de l’interrogatoire préalable de Venngo en application de l’article 288 des Règles. 21

(1)        Interrogatoire au préalable de Morgan Marlowe à titre de représentante de l’entreprise CCI et à titre personnel. 21

(2)        Interrogatoire préalable de Richard Joynt, à titre personnel 23

C.      Éléments de preuve des défendeurs. 23

(1)        Extraits des interrogatoires préalables des défendeurs en application de l’article 288 des Règles  24

IV.         Analyse. 24

A.     Responsabilité de Morgan Marlowe et de Richard Joynt 24

B.      Alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce. 28

C.      Alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. 28

D.     Article 22 de la Loi sur les marques de commerce – Dépréciation de l’achalandage. 29

E.      Alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce – Faire passer des produits et services pour d’autres  30

F.      Articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce – Confusion. 32

(1)        Article 19. 32

(2)        Article 20. 33

(a)        Article 6. 34

(i)        Degré de ressemblance. 39

(ii)       Caractère distinctif inhérent 42

(iii)          Le genre de marchandises, services ou entreprises. 43

(iv)      La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage  44

(v)       Autres circonstances de l’espèce. 44

V.     Demande reconventionnelle des défendeurs. 46

VI.         Dépens. 47

Annexe A.. 50

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Dans son action la demanderesse, Venngo Inc. [« Venngo »], prétend que Concierge Connection Inc. [« CCI »] et ses administrateurs, Mme Morgan Marlowe et M. Richard Joynt (collectivement « les défendeurs ») ont violé ses droits dans une famille de marques de commerce canadiennes déposées se terminant par le terme anglais « PERKS » [les marques de commerce de Venngo] en utilisant la marque de commerce déposée « PERKOPOLIS », aux termes des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 [la Loi]. Venngo allègue également que les défendeurs ont fait des déclarations fausses ou trompeuses discréditant l’entreprise de Venngo, qu’ils ont commis le délit de faire passer leurs produits pour d’autres et qu’ils ont diminué l’achalandage, en contravention des alinéas 7a), 7b) et 7c) et de l’article 22 de la Loi. Les dispositions pertinentes de la Loi se trouvent à l’annexe A des présentes.

I.                   Exposé des faits

[2]               Venngo et CCI sont des « fournisseurs de programmes commerciaux », une expression utilisée pour décrire leurs activités d’offre de programmes de réductions, d’avantages et de primes d’incitation à des entreprises et à des organisations professionnelles canadiennes [les clients]. Les clients de Venngo et de CCI signent un contrat afin de pouvoir offrir ces réductions sur des produits et services variés, y compris des billets pour des divertissements, la location d’automobiles, des centres de culture physique, des stations thermales et plus encore) à leurs employés, en plus des traitements et salaires, à titre d’avantages liés à l’emploi ou à l’affiliation. Les employés [« utilisateurs finaux »] peuvent avoir accès à ces avantages en s’inscrivant auprès de Venngo ou de CCI, soit sur le site Web du client (pour Venngo) ou sur le site Web de l’entreprise (pour CCI).

[3]               Venngo a été créée en 2000 et en 2005, elle fournissait des services de fournisseur de programmes commerciaux à diverses grandes sociétés canadiennes. En 2007, Venngo a étendu ses programmes de réductions afin de pouvoir offrir un large éventail de catégories de biens et de services à ses clients. La même année, Venngo a adopté les noms de marques WORKPERKS, MEMBERPERKS et ADPERKS dans le but de promouvoir ses programmes de réductions. En 2008 et 2009, elle a déposé des demandes fondées sur l’utilisation proposée de PARTNERPERKS, CLIENTPERKS et CUSTOMERPERKS. Le tableau suivant présente les détails liés au dépôt et aux enregistrements des marques de commerce de Venngo :

Marques de Venngo

Numéro d’enregistrement

Date du dépôt

Déclaration d’emploi

Date d’enregistrement

WORKPERKS

LMC747589

2007-05-04

2009-08-17

2009-09-15

MEMBERPERKS

LMC791745

2007-05-04

2011-01-18

2011-02-28

ADPERKS

LMC739162

2007-05-04

2009-04-09

2009-04-30

PARTNERPERKS

LMC747313

2008-05-07

2009-08-13

2009-09-10

CLIENTPERKS

LMC768980

2009-05-29

2010-05-07

2010-06-08

CUSTOMERPERKS

LMC769237

2009-05-29

2010-05-07

2010-06-09

[4]               Les marchandises et services énumérés dans tous les enregistrements de Venngo font référence aux programmes de réductions et sont essentiellement les mêmes. La liste des marchandises et services d’une des marques de commerce de Venngo, WORKPERKS, se trouve ci-dessous :

MARCHANDISE/PRODUITS DÉRIVÉS :

Logiciels, plus précisément des logiciels Internet destinés à des applications de portail, à la mise en réseau, aux communications entre entreprises, aux communications de détail, au marketing et à la distribution de produits et services.

SERVICES :

Offrir un ensemble de programmes d’épargne et à valeur ajoutée pour les employés, en ligne et par l’intermédiaire de publications papier; fournir des dispositifs en ligne et des publications papier permettant aux sociétés d’annoncer et de commercialiser leurs produits et services; offrir des services de conception, de création, d’hébergement, de maintenance, d’exploitation, de gestion, de publicité et de marketing pour les programmes d’épargnes et de valeur ajoutée; fournir des interfaces logicielles accessibles par Internet donnant accès à de multiples utilisateurs à une vaste gamme de renseignements.

[5]               CCI a été constituée en société en 2001 et, depuis le mois d’octobre 2006, elle se décrit comme étant une [traduction] « société de conciergerie d’entreprise située à Toronto » offrant à ses clients [traduction] « des programmes de billets et de divertissements à prix réduits pour les employés ». Depuis 2002, elle utilise le terme anglais « perks » pour décrire ses réductions, comme le démontre le site Internet de CCI.

[6]               En 2006, 2007, 2009 et 2010, Venngo a communiqué avec CCI pour proposer d’établir un partenariat, ce que CCI a refusé. En octobre 2007, des échanges de courriels entre les parties ont révélé à CCI les marques WORKPERKS et ADPERKS, le système de gestion des programmes de réductions de Venngo, les groupes d’employés-clients et les groupes d’association et de membres de Venngo, ainsi que les numéros correspondants d’utilisateurs finaux. Venngo soutient que ces renseignements étaient confidentiels, ce que conteste CCI.

[7]               En juin et juillet 2008, l’offre de documents promotionnels de CCI s’est élargie pour inclure des billets de cinéma, pour des parcs thématiques, des événements sportifs, des zoos et des réservations hôtelières.

[8]               Le 28 novembre 2008, CCI a demandé l’enregistrement de la marque de commerce PERKOPOLIS sur le fondement d’un emploi en association avec la [traduction] « vente de billets pour des divertissements et de services de réservations hôtelières », qui a été enregistrée le 1er mars 2011 sous le numéro LMC792711. Au moment du dépôt, les demandes de Venngo pour WORKPERKS, MEMBERPERKS, ADPERKS et PARTNERPERKS avaient été déposées au Bureau canadien des marques de commerce.

[9]               En février 2009, CCI a commencé à utiliser la marque et le nom commercial PERKOPOLIS pour faire la promotion de son entreprise et a lancé son site Web, www.perkopolis.com. En février 2011, l’offre de Perkopolis s’étendait à 16 catégories de services, offrant une grande variété de réductions s’étendant au-delà de l’industrie du divertissement et de l’industrie hôtelière.

II.                Actes de procédure des parties

[10]           Venngo allègue que dès janvier 2010, des rapports indiquant une confusion réelle de la part de ses clients et utilisateurs finaux ont commencé à être portés à sa connaissance et lui sont encore signalés aujourd’hui.

[11]           Venngo a intenté deux autres actions devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en juin et décembre 2013, qui en sont toujours au stade des actes de procédure, invoquant une divulgation non autorisée de renseignements confidentiels à CCI.

[12]           Venngo affirme également que Mme Marlowe et M. Joynt étaient et sont toujours les têtes dirigeantes de CCI qui contrôlaient ses activités quotidiennes, et qu’ils ont sciemment demandé à CCI d’adopter une marque de commerce, un nom commercial et un nom de domaine (respectivement PERKOPOLIS, Perkopolis et perkopolis.com) prêtant à confusion, en plus d’offrir des services presque identiques à ceux offerts par Venngo. Mme Marlowe et M. Joynt ont, volontairement et sciemment, adopté une conduite susceptible de constituer une contrefaçon de marque de commerce et de faire passer des produits ou services pour d’autres, ou ont affiché une indifférence au risque et au fait de faire passer des produits ou services pour autre chose.

[13]           En ce qui a trait à la demande en vertu de l’alinéa 7a), Venngo allègue que les défendeurs ont fait des représentations fausses et trompeuses à des tierces parties dans l’intention de discréditer les services de Venngo, en déclarant que Venngo n’avait ni les infrastructures nécessaires pour offrir un service à la clientèle ni un niveau de sécurité adéquat pour la protection des renseignements personnels des parties tierces.

[14]           Enfin, Venngo affirme que l’enregistrement de la marque de commerce de CCI pour PERKOPOLIS, l’enregistrement LMC 792771, a toujours été invalide étant contraire aux articles 18 et 57 de la Loi en raison de son manque de caractère distinctif [alinéa 18(1)a)], puisque pendant toute la période pertinente, avant et après l’enregistrement, ce nom était semblable, au point de créer de la confusion, à une ou plusieurs familles de marques de commerce de Venngo.

[15]           Les défendeurs affirment que CCI offre des services à tarifs réduits depuis 1999. Le nom commercial Perkopolis a été adopté au début de l’année 2008 et le nom de domaine perkopolis.com a été enregistré le 25 avril 2008. La marque de commerce PERKOPOLIS a été enregistrée le 11 mars 2011, selon une déclaration d’emploi déposée à cette date.

[16]           Les défendeurs affirment également qu’aucun des renseignements fournis par Venngo, à la suite de communications non sollicitées, n’était confidentiel.

[17]           Relativement à la demande de Venngo en vertu de l’alinéa 7a), les défendeurs soutiennent qu’elle n’est liée à aucune des marques de commerce présumées et ne relève donc pas de la compétence de la Cour fédérale.

[18]           Ils nient toute probabilité de confusion puisque :

    1. le terme anglais « perk » est générique;
    2. le terme anglais « perk » est couramment utilisé par des tierces parties et dans des marques de commerce de tierces parties;
    3. le degré de ressemblance entre les marques de commerce de Venngo et PERKOPOLIS dans la présentation, le son ou dans les idées suggérées est faible;
    4. les services et les activités de Perkopolis sont très différents des services et des activités de Venngo;
    5. le caractère commercial écarte toute probabilité de confusion puisque les clients sont avertis et que les cadres instruits sont les consommateurs visés par les services offerts à la fois par les défendeurs en ce qui concerne la marque de commerce PERKOPOLIS et par la demanderesse en ce qui concerne les marques de commerce de Venngo.

[19]           Les défendeurs ont également fait de nombreuses allégations selon lesquelles les enregistrements de Venngo sont invalides. À l’audience, ils ont limité leur contestation de validité des marques de commerce de Venngo aux alinéas 18(1)a) et 12(1)d) de la Loi, à savoir que les marques de commerce n’étaient pas enregistrables à la date d’enregistrement puisqu’elles créaient de la confusion par rapport à des marques de commerce déjà enregistrées.

[20]           Les défendeurs font également valoir que Venngo a été incapable de prouver une cause d’action valide en vertu des alinéas 7a), 7b) et 7c) et de l’article 22 de la Loi, qui exigent la preuve d’un préjudice. Venngo a refusé de produire l’information et les documents à l’appui des dommages engendrés par les activités contestées des défendeurs, et ne peut donc pas avoir gain de cause relativement à ces demandes.

[21]           À l’audience, les parties ont conjointement demandé qu’une ordonnance de disjonction soit rendue, le cas échéant, relativement au montant des dommages-intérêts qui sera déterminé quand une responsabilité aura été établie. Des mesures auraient dû être demandées bien avant le procès, en fait, avant même que les parties commencent les interrogatoires préalables. La demande tardive a malgré tout été accordée en raison du consentement des parties.

III.             La preuve

A.                Témoignages de Venngo

(1)               Brent Stucke

[22]           Brent Stucke est le président fondateur de Venngo, qu’il décrit comme étant un programme commercial entièrement imparti offrant des réductions sur les services de plus de 1 000 vendeurs à des utilisateurs finaux, qui sont des employés ou des membres des clients de Venngo, composés de sociétés ou d’associations professionnelles.

[23]           Venngo est également propriétaire de logiciels tels qu’ADPERKS et que WORKPERKS, qu’elle concède sous forme de licence à ses clients. ADPERKS est un fournisseur de programmes en ligne offrant aux vendeurs une solution à faible coût de commercialisation auprès d’utilisateurs finaux précis. Tout a commencé en 2000, et en 2005, Venngo a mis au point un logiciel original pour de nouveaux programmes de réductions comprenant l’adoption des marques de commerce WORKPERKS, MEMBERPERKS et ADPERKS.

[24]           En 2007, Venngo a été nommée 27e des 50 entreprises de technologie connaissant la croissance la plus rapide (prix Deloitte) et 208e des 500 entreprises de technologie connaissant la croissance la plus rapide en Amérique du Nord relativement à la croissance des revenus et des profits.

[25]           WORKPERKS offre des programmes de remise de fidélité à des clients dont la gestion et le maintien sont entièrement impartis. La page d’accueil de WORKPERKS de novembre 2007 présente une plateforme de connectivité entre les vendeurs et les fournisseurs de produits et services et les utilisateurs finaux.

[26]           En août et septembre 2007, M. Stucke a établi une relation commerciale avec Microsoft, ayant donné lieu à la création de Microsoft WORKPERKS, une page Web destinée aux utilisateurs finaux donnant accès à différentes catégories de fournisseurs. En 2007, Venngo comptait notamment UPS et Hewlett-Packard parmi ses autres clients.

[27]           Venngo a utilisé les marques ADPERKS et MEMBERPERKS en 2007 dans des publicités destinées à des clients potentiels, ciblant plus particulièrement les cadres de ressources humaines (RH) et les décideurs chargés des programmes d’avantages dans des sociétés et des associations. Entre 2007 et 2015, le nombre de courriels envoyés aux utilisateurs finaux est passé de 100 000 courriels à 1 000 000 courriels par mois. Venngo a fait de la promotion à l’aide de ses marques dans divers kiosques de salons professionnels, dont le salon professionnel des professionnels en ressources humaines du Canada. La participation aux salons professionnels demeure une des principales activités de marketing de Venngo, qui en fréquente plusieurs annuellement dans de grandes villes partout au Canada.

[28]           M. Stucke a déclaré dans son témoignage que Venngo a été la première entreprise en son genre à commercialiser des solutions entièrement sous-traitées en 2007 et qu’il n’avait connaissance d’aucune autre entreprise de la sorte à ce moment-là. Il soutient que Venngo fait partie d’un marché à créneaux et qu’à ce jour, Venngo et CCI sont les seuls fournisseurs de programmes commerciaux impartis de ce type. M. Stucke souligne également qu’entre 2005 et 2007, le terme anglais « perk » était peu en usage dans son secteur et précise que Venngo ne s’oppose qu’à l’utilisation des termes anglais « perk » ou « perks » sur son marché à créneaux commercial.

[29]           Les marques CLIENTPERKS et PROGRAMPERKS n’ont pas été utilisées depuis 2009. Les demandes relatives à ces marques de commerce sont donc abandonnées en l’espèce.

[30]           Selon M. Stucke, WORKPERKS a été commercialisée à tous les clients et leurs utilisateurs finaux en ligne, à l’interne, lors d’événements de bienfaisance, dans des salons professionnels et par l’intermédiaire de l’optimisation des moteurs de recherche. Ses clients comprennent par exemple des banques nationales (CIBC, Banque Scotia, HSBS), quatre grands groupes de CPA, Telus, Purolator, FedEx et l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. MEMBERPERKS est semblable, mais elle est utilisée pour les associations. Les clients d’ADPERKS sont notamment Apple, Toshiba, GM, Lenovo, Jack Astors, Goodlife, Club Links, Le Château, La Vie en Rose et Tommy Hilfiger. La croissance des affaires avec Apple a été excellente entre 2008 et 2011, mais a par la suite décliné, ce que M. Stucke attribue à la confusion créée par l’emploi sur le marché par les défendeurs de la marque de commerce PERKOPOLIS, du nom commercial Perkopolis et du nom de domaine perkopolis.com sur le marché.

[31]           Venngo a appris l’existence de Perkopolis en 2009, alors qu’il s’agissait à l’époque d’un courtier en hôtellerie et en divertissement sous le nom de CCI. Perkopolis offre aux clients et aux utilisateurs finaux des réductions de 265 vendeurs, dont 200 ne font pas partie de l’industrie hôtelière et du divertissement, ce qui en fait un fournisseur de programmes commerciaux en concurrence directe avec Venngo.

[32]           Au printemps 2006, M. Stucke a communiqué avec Mme Marlowe (à CCI) en vue de vendre la commercialisation de Venngo. Il a de nouveau communiqué avec elle en 2007, en 2009 et en 2010. Il déclare qu’il croyait que leurs conversations étaient confidentielles. Bien qu’il ne se rappelle pas les détails des discussions, il a estimé avoir divulgué des renseignements confidentiels concernant le modèle d’entreprise et la stratégie commerciale de Venngo à Mme Marlowe en 2006 et en 2007. Par exemple, il a examiné avec elle une présentation PowerPoint qui portait la mention « confidentiel » sur chaque page. Aucun autre document ne lui a été montré ou envoyé.

[33]           En mars 2011, M. Stucke a témoigné que Venngo avait appris l’expansion des services de Perkopolis et s’en est inquiété. Entre avril 2009 et février 2011, CCI a commencé à utiliser la marque de commerce « PERKOPOLIS » et le nom commercial Perkopolis; elle a également élargi ses services afin d’empiéter sur les services de Venngo. M. Stucke soutient qu’il a réalisé que les droits de Venngo étaient violés lorsqu’il a eu connaissance de cas de confusion entre les entreprises. Le premier cas de confusion entre WORKPERKS et PERKOPOLIS a été signalé par des professionnels en ressources humaines au sein de Magna International.

[34]           Contrairement à Venngo, CCI ne mentionne pas qu’elle est la compagnie source dans ses publicités pour Perkopolis destinées aux clients. M. Stucke a déclaré que Perkopolis a tiré profit de l’utilisation de la marque PERKOPOLIS sur le marché à créneaux de Venngo, lui causant ainsi un préjudice.

[35]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Stucke a convenu que Venngo cherche généralement à cibler la personne ayant le plus d’ancienneté dans les services de ressources humaines des entreprises ou associations ciblées pour vendre leurs produits. Cela prend un temps considérable et nécessite une diligence raisonnable, ce qui entraîne généralement un cycle de vente plus long (1 an ou plus), bien que certains cycles de vente puissent être beaucoup plus courts.

[36]           Divers exemples du matériel de marketing d’ADPERKS, de MEMBERPERKS et de WORKPERKS donné à des clients tels que Telus, Ernst & Young, la Banque Scotia, Gowlings, Zurich, CIBC et d’autres, comprennent la phrase en anglais « we call them perks » pour décrire leurs offres et leurs réductions. Les utilisateurs finaux peuvent également choisir de recevoir des mises à jour mensuelles énumérant les avantages offerts désignés par le mot anglais « perks ». M. Stucke reconnaît que le matériel publicitaire de Venngo montre un emploi du terme anglais « perk », y compris les phrases en anglais suivantes : « over the past few weeks we’ve added lots of new perks... », « want to see more perks – visit the site... » et « the number of perks is constantly growing ». De plus, les modèles de Venngo destinés aux clients contenaient des phrases en anglais montrant un emploi générique du terme anglais « perk » comme un nom, au sens d’un avantage offert à un employé, y compris les phrases suivantes : « setting up your perk – in 10 easy steps », « Provide us a brief description of your company and your perk », « perk description », « perk details » et d’autres utilisations du terme anglais « perks » comme un nom.

[37]           Le contre-interrogatoire a également révélé que lorsque M. Strucke a rencontré Mme Marlowe en 2006, il n’a mentionné les marques de commerce de Venngo en cause à aucun moment. De plus, des courriels datant de juillet 2006 et d’octobre 2007 de M. Stucke à Mme Marlowe démontrent qu’il n’y avait aucune entente de confidentialité signée, ni aucune lettre ou courriel confirmant la nature confidentielle des discussions. En outre, M. Stucke ne se rappelle pas avoir laissé le document PowerPoint confidentiel allégué à Mme Marlowe.

[38]           En janvier 2011, Venngo a tenté d’acquérir la Banque TD comme client, avec qui elle a correspondu pendant plusieurs mois. Cependant, la Banque TD a choisi Perkopolis, en raison, reconnaît M. Stucke, de l’impossibilité pour Venngo d’accepter certaines conditions de TD. Postes Canada, Microsoft et RBC ne sont par ailleurs plus ses clients, ceux-ci ayant préféré utiliser Perkopolis.

[39]           Venngo allègue que la confusion provenant de l’utilisation par CCI de la marque de commerce PERKOPOLIS et du nom commercial Perkopolis a été un élément déclencheur, nuisant aux affaires de Venngo et à sa clientèle.

(2)               Sharon Mitchell (témoignage par affidavit)

[40]           Les parties ont consenti, au début de l’audience, à ce que l’affidavit de Sharon Mitchell, fait sous serment le 1er août 2012, ainsi que son contre-interrogatoire soumis lors de la demande de jugement sommaire entendu par le juge de Montigny en l’espèce, soient admis en preuve en vue d’être utilisés au procès, preuve que j’ai retenue.

[41]           Sharon Mitchell est chef de l’exploitation du bureau de Toronto de Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l. En janvier 2011, Mme Mitchell a remarqué qu’un courriel de Perkopolis circulait parmi le personnel de Gowlings, offrant aux employés des promotions sur des billets pour des événements. À ce moment-là, Gowlings entretenait déjà une relation d’affaires avec Venngo pour offrir WORKPERKS à ses employés.

[42]           Mme Mitchell a donc demandé au directeur général de Gowlings si Perkopolis faisait partie de WORKPERKS, étant donné la similarité entre les deux mots. On lui a dit qu’ils n’étaient pas liés. Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Mitchell a admis qu’elle n’a pas examiné d’autres programmes d’avantages pour employés offrant des produits semblables.

[43]           Mme Mitchell a également reconnu qu’elle avait entendu des professionnels en ressources humaines utiliser le terme anglais « perks » en rapport avec des programmes d’avantages pour employés, et elle a reconnu que le terme était utilisé depuis de nombreuses années. Elle ne pense pas que PERKOPOLIS et WORKPERKS se ressemblent ni qu’il y a une ressemblance dans le son, mais elle les [traduction] « voit comme semblables ».

(3)               Elizabeth Kieffer

[44]           Mme Kieffer est un témoin indépendant ayant travaillé pour TD Canada Trust. En juillet 2014, elle a appelé Venngo par téléphone pour ouvrir un compte Perkopolis, pensant que Perkopolis et WORKPERKS provenaient de la même entreprise. Elle déclare au cours de son contre-interrogatoire qu’elle a [traduction] « prononcé le mauvais mot » par erreur.

(4)               Kevin Hayashi

[45]           M. Hayashi était employé comme gérant de l’alimentation, puis comme directeur commercial au sein de ClubLinks de 2011 à janvier 2015. En tant que directeur commercial, il gérait les abonnements et la publicité. C’est en occupant ces fonctions qu’il a eu connaissance d’ADPERKS.

[46]           ClubLinks utilisait les services MEMBERPERKS, ADPERKS et WORKPERKS de Venngo. M. Hayashi connaissait Perkopolis, mais a admis au cours de son contre-interrogatoire qu’il n’était pas responsable de la participation de ClubLinks au programme de Venngo.

[47]           À la fin de 2011, lors d’une rencontre avec Brad Moyer de Venngo, M. Hayashi a dit à M. Moyer que ClubLinks avait le programme PERKOPOLIS de Venngo, ce à quoi M. Moyer a répondu qu’il ne s’agissait pas d’un programme de Venngo et que ce n’était pas la même chose que les programmes de Venngo.

[48]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Hayashi a témoigné qu’il n’avait pas pris en compte l’idée suggérée par les marques précitées, mais qu’il considère que PERKOPOLIS a une sonorité et une apparence semblables à ADPERKS, à WORKPERKS et à MEMBERPERKS en raison de l’usage commun du terme anglais « PERKS ». Il a ajouté qu’il considérerait d’autres marques de tierces parties comme CAMPUSPERKS et QUESTPERKS, associées à des programmes de réductions, comme faisant partie de Venngo étant donné l’utilisation du terme anglais « perks ».

(5)               Douglas Garcia

[49]           M. Garcia est vice-président du développement des affaires au sein de Samba Rewards, un programme de primes d’incitation pour les représentants commerciaux. À titre de vice‑président, il travaille avec des professionnels en ressources humaines.

[50]           M. Garcia connaît MEMBERPERKS, WORKPERKS, CUSTOMERPERKS et Venngo depuis 2008, grâce à des salons professionnels de l’industrie et à des recherches sur Google pour trouver des programmes de primes d’incitation et d’avantages.

[51]           C’est par l’intermédiaire de McDonald’s Canada, qui recherchait un programme de réductions pour les employés, qu’il a découvert PERKOPOLIS. Il connaissait également CCI, mais il ne savait pas que CCI et PERKOPOLIS étaient liées. M. Garcia croyait que PERKOPOLIS était un autre programme de Venngo, jusqu’à ce que M. Stucke l’informe en 2012 que ce n’était pas le cas.

[52]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Garcia a témoigné que les idées suggérées par les marques sont les suivantes : WORKPERKS suggère un programme offrant des avantages aux employés; MEMBERPERKS suggère des avantages offerts à des membres et CUSTOMERPERKS suggère des programmes de fidélité. PERKOPOLIS suggère quant à lui des avantages offerts aux [traduction] « grandes opérations », en raison de l’utilisation du suffixe « opolis ». Il croyait que toutes ces marques étaient liées en raison de leur caractéristique commune, les termes anglais « PERK » ou « PERKS ».

(6)               Bradley Moyer

[53]           M. Moyer a commencé à travailler au sein de Venngo en 2009, comme chargé de compte et il est actuellement directeur commercial. Il vend à l’échelle nationale les quatre produits offerts par Venngo à des professionnels en ressources humaines et à des employés préposés aux ventes formés.

[54]           Depuis 2010, Venngo a participé à entre trois et neuf salons professionnels pour les ressources humaines par année, fréquentés par des vice-présidents des ressources humaines, des gestionnaires et des directeurs de nombreuses entreprises et associations provinciales. Venngo se concentre principalement sur son programme commercial WORKPERKS dans ces salons.

[55]           M. Moyer a entendu parler de Perkopolis pour la première fois en 2010, dans un salon professionnel. Il ne savait pas que CCI en était propriétaire. La preuve de confusion de M. Moyer relative à ces salons professionnels constitue du ouï-dire que je n’ai pas admis en tenant pour acquis qu’elle n’est ni fiable ni nécessaire.

[56]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Moyer a déclaré que le Trillium Hospital Group pensait que Perkopolis et WORKPERKS étaient la même chose. En fait, Venngo a perdu ce client qui s’est tourné vers Perkopolis en raison des coûts; WORKPERKS était plus coûteux, alors que Perkopolis était offert gratuitement à Trillium.

(7)               Sally Benn

[57]           Mme Benn est directrice des comptes principaux au sein de Venngo depuis novembre 2007. Dans le cadre de ses fonctions, elle s’adresse aux employés et organise des dîners de démonstration pour expliquer comment utiliser les sites Internet et les applications mobiles de Venngo, tout en donnant des détails sur les programmes commerciaux.

[58]           Mme Benn participe à deux ou trois salons professionnels par année un peu partout au Canada où on lui a demandé si Venngo était propriétaire de PERKOPOLIS ou y était associée. Lorsque des personnes souhaitent obtenir des renseignements sur PERKOPOLIS, Mme Benn leur explique qu’il ne s’agit pas de la même entreprise.

[59]           Le nombre de participants aux salons professionnels varie; environ 3 000 professionnels en ressources humaines se rendent au salon de la Human Resources Professional Association, alors que les autres salons atteignent environ 300 participants. Venngo y tient des kiosques pour parler de ses avantages, de ses applications, de ses solutions imparties et de ses programmes. Elle offre des dépliants, des prospectus et des brochures sur lesquels on retrouve les marques de commerce de Venngo et sont comarqués du nom commercial Venngo.

[60]           Selon Mme Benn, Perkopolis est le seul concurrent de Venngo au Canada offrant des programmes semblables. Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Benn a reconnu que pour accéder aux sites Web de Venngo pour utiliser les services associés aux marques de commerce de Venngo, les employés doivent utiliser une adresse URL exigeant une authentification (CIBC.Venngo.com ou Scotiabank.Venngo.com, par exemple).

B.                 Extraits de l’interrogatoire préalable de Venngo en application de l’article 288 des Règles

(1)               Interrogatoire au préalable de Morgan Marlowe à titre de représentante de l’entreprise CCI et à titre personnel.

[61]           Ce qui suit résume les principales questions découlant des extraits de l’interrogatoire préalable de Mme Marlowe, représentante des défendeurs.

[62]           Mme Marlowe est présidente fondatrice de CCI et représentante de l’entreprise en l’espèce. Elle confirme être l’unique dirigeante, administratrice et actionnaire de CCI dont elle est aussi propriétaire, présidente et secrétaire. Elle travaille au sein de cette entreprise, qui a commencé par offrir des services de conciergerie commerciale, depuis sa création en 1999. Mme Marlowe prend toutes les décisions opérationnelles et de gestion. CCI n’a que trois employés.

[63]           Mme Marlowe a consulté pour la première fois le site Web de Venngo en 2007 et l’a visité six fois en tout entre 2007 et la date de l’interrogatoire préalable.

[64]           Reid Manchester, un employé de CCI, a eu l’idée du nom de marque de commerce PERKOPOLIS. Ce nom a été retenu après avoir pris en compte plusieurs autres suggestions. Mme Marlowe a enregistré le nom d’entreprise Perkopolis début 2008 et le site Internet de Perkopolis, offrant des billets et des revues à prix réduits, a été créé par Softfocus et lancé en février 2009.

[65]           Mme Marlowe a déposé une demande de marque de commerce pour PERKOPOLIS, pour des services de vente de billets et de réservations hôtelières, sans avoir fait de recherches préalables sur l’enregistrabilité. Au moment de l’interrogatoire préalable, Perkopolis offrait d’autres services.

[66]           Venngo a pris contact avec CCI pour lui proposer d’afficher ses services sur le site Web de Venngo. Mme Marlowe a rencontré M. Stucke en personne en 2005 ou 2006 et a ensuite communiqué avec lui verbalement. En juillet 2010, M. Stucke a offert à Mme Marlowe de s’associer avec lui, ce qu’elle a refusé. Ils n’ont eu aucun contact depuis.

[67]           Mme Marlowe n’est pas au courant de recherches ou de résultats de recherche relatifs aux marques de commerce utilisant le mot anglais « PERKS » ni comment effectuer de telles recherches; elle n’avait pas connaissance des demandes en cours relatives à MEMBERPERKS ou à WORKPERKS lorsqu’elle a déposé sa demande pour PERKOPOLIS. Elle a entendu parler de la marque de commerce WORKPERKS pour la première fois lors de sa rencontre avec M. Stucke, puis elle a appris plus tard l’existence de MEMBERPERKS.

[68]           Mme Marlowe est d’avis que le service de conciergerie de CCI se qualifie du terme anglais « perk ». Depuis 2005, l’entreprise a élargi son offre en raison de la demande des clients visant à ne pas se limiter aux programmes d’avantages à prix réduits pour employés.

[69]           Perkopolis fait de la publicité auprès de ses clients, qui comprennent maintenant près de 300 entreprises, par l’entremise de courriels, d’appels téléphoniques, de brochures, d’affiches, d’une page d’accueil et dans les diverses publications relatives aux ressources humaines. Les revenus de Perkopolis sont générés par la vente de produits et services à ses clients par l’intermédiaire de son site Internet ainsi que grâce à certaines commissions. L’entreprise n’est pas rémunérée par ses fournisseurs.

(2)               Interrogatoire préalable de Richard Joynt, à titre personnel

[70]           M. Joynt s’est joint à CCI en mai 2009 et en est le chargé de compte et directeur du développement des affaires. Il est marié à Mme Marlowe. Il est uniquement responsable des ventes et ne prend pas de décisions pour l’entreprise. Il n’a aucune responsabilité quant aux opérations quotidiennes de Perkopolis, qui sont du ressort de Mme Marlowe.

[71]           Lors de l’interrogatoire préalable, M. Joynt a déclaré, après avoir examiné la pièce 45 (le plan d’affaires de Venngo qu’il avait vu en partie auparavant) qu’il n’avait pas remarqué la mention « confidentiel » inscrite sur chaque page.

C.                 Éléments de preuve des défendeurs

[72]           Les défendeurs n’ont appelé aucun témoin lors du procès et se fondent sur les extraits de l’interrogatoire préalable des parties, les faits établis par les témoins de Venngo, les copies certifiées de l’historique du dossier de la poursuite portant sur les marques de commerce enregistrées revendiquées par Venngo, les enregistrements de PERKOPOLIS et les définitions du dictionnaire des mots anglais « perks » et « perquisites ».

[73]           Les demandes de Venngo pour WORKPERKS, MEMBERPERKS, ADPERKS et PARTNERPERKS ont toutes été déposées avant que CCI dépose sa demande pour PERKOPOLIS et pourtant, le Bureau des marques de commerce n’a cité aucune des demandes précédentes déposées par Venngo contre la demande pour PERKOPOLIS. La demande pour PERKOPOLIS a par ailleurs été déposée avant que Venngo ne dépose ses demandes pour CUSTOMERPERKS et CLIENTPERKS. Une fois de plus, le Bureau des marques de commerce n’a pas cité PERKOPOLIS en opposition aux demandes de Venngo déposées par la suite.

[74]           La copie certifiée de l’historique du dossier de PERKOPOLIS, CUSTOMERPERKS et CLIENTPERKS démontre qu’aucune marque de commerce d’une tierce partie n’a été citée en opposition à une demande d’enregistrement.

(1)               Extraits des interrogatoires préalables des défendeurs en application de l’article 288 des Règles

[75]           Lors de l’interrogatoire préalable, le représentant de Venngo, M. Weissman, a indiqué qu’en dépit de la demande des défendeurs d’obtenir des renseignements financiers à l’appui de la demande en dommages-intérêts en vertu des alinéas 7b) et 7c) de la Loi, aucun renseignement financier ne serait fourni.

IV.             Analyse

A.                Responsabilité de Morgan Marlowe et de Richard Joynt

[76]           Au début de l’audience, Venngo a retiré ses allégations concernant la responsabilité personnelle de M. Joynt. La procédure à son encontre est donc rejetée.

[77]           En ce qui concerne Mme Marlowe, le critère permettant de conclure à la responsabilité personnelle d’un administrateur ou dirigeant d’une société personnellement responsable est défini dans la décision Tommy Hilfiger Licensing Inc. c. Produits de Qualité I.M.D. Inc., 2005 CF 10, aux paragraphes 140 à 142 :

[140] La Cour d’appel de l’Ontario a dit ce qui suit, dans l’arrêt Normart Management Ltd. c. West Hill Redevelopment Co. (1998), 37 O.R. (3d) 97, page 102 :

[traduction] Il est de jurisprudence constante que les têtes dirigeantes des personnes morales ne sont tenues civilement responsables des actes de la personne morale qu’elles contrôlent et qu’elles dirigent que si ces têtes dirigeantes ont elles-mêmes commis un acte qui est délictueux en lui-même ou qui témoigne d’une identité distincte ou d’intérêts différents de ceux de la personne morale de telle manière que les actes ou les agissements reprochés à la personne morale peuvent être attribués à ses têtes dirigeantes (voir l’arrêt Scotia McLeod Inc. c. Peoples Jewellers Ltd. (1995), 26 O.R. (3d) 481, à la page 491, 129 D.L.R. (4th) 711 (C.A.).

[141] Par conséquent, le simple fait d’exercer le contrôle d’une compagnie ne suffit pas à engager la responsabilité personnelle de ses dirigeants. Quel type de conduite peut engager la responsabilité personnelle? Le juge Le Dain expose ses vues sur la question dans l’arrêt Mentmore Manufacturing Co., Ltd. c. National Merchandising Manufacturing Co. Inc. (1978), 89 D.L.R. (3d) 195, (1978), 22 N.R. 161 (C.A.F.) :

Mais quand donc la participation aux actes de la société engage-t-elle la responsabilité personnelle? C’est là une délicate question. Il semblerait que ce soit lorsque la nature et l’étendue de la participation personnelle de l’administrateur ou du dirigeant fasse de l’acte délictueux leur acte délictueux. Il s’agit manifestement d’une question de fait qui doit être apprécié à la lumière des circonstances de chaque cas.

[142] À mon avis, il doit exister des circonstances qui permettent raisonnablement de conclure que l’objectif visé par l’administrateur ou dirigeant de la compagnie était de délibérément, volontairement et sciemment adopter une ligne de conduite qui inciterait à la contrefaçon ou à l’indifférence face au risque de contrefaçon. La formulation exacte du critère applicable est de toute évidence difficile. Il y a lieu à une vaste appréciation des faits de l’espèce pour décider si la responsabilité personnelle est engagée (Mentmore, précité, aux pages 172 à 174).

[78]           Comme je l’ai souligné dans la décision Red Label Vacations inc. (redtag.ca) c. 411 Travel Buys Limited (411travelbuys.ca), 2015 CF 19, au paragraphe 126 :

Dans les affaires où l’on a conclu à une responsabilité personnelle, la participation du dirigeant ou de l’administrateur en question présentait un caractère conscient, délibéré ou intentionnel. De plus, les sociétés de petite taille ou comptant peu d’actionnaires ne doivent pas être traitées de manière différente :

31 Ce principe s’applique non seulement aux grosses sociétés, mais aussi aux petites sociétés comptant peu d’actionnaires. Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer dans l’arrêt Mentmore, paragraphe 24, il n’existe aucune raison pour laquelle de petites sociétés composées d’une personne ou deux ne devraient pas bénéficier de la même approche que les grosses sociétés, sur le plan de la responsabilité personnelle, simplement parce qu’il existe généralement et nécessairement, en ce qui concerne la gestion, un plus grand degré de participation personnelle directe de la part des actionnaires et administrateurs.

32 En effet, le simple fait que les défendeurs individuels sont les uniques actionnaires et administrateurs d’une société n’est pas en soi suffisant pour qu’il soit possible d’inférer que la société était leur agent ou instrument dans l’accomplissement des actes de contrefaçon, ou qu’ils ont autorisé de tels actes, de façon à se rendre personnellement responsables : Mentmore, paragraphe 24.

33 Il s’ensuit nécessairement que la direction ou l’autorisation particulière requises pour qu’il y ait responsabilité personnelle ne sera pas inférée simplement parce qu’une société est étroitement contrôlée : elle ne sera pas non plus inférée de l’orientation générale que les personnes qui exercent un tel contrôle doivent nécessairement donner aux affaires de la société : Mentmore, paragraphe 24.

34 Dans l’arrêt Mentmore, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit, en ce qui concerne la responsabilité personnelle de l’administrateur ou du dirigeant d’une société :

[I]l existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon : paragraphe 28.

Petrillo c Allmax Nutrition Inc., 2006 CF 1199, aux paragraphes 31 à 34.

[79]           De même, en l’espèce, je ne vois aucun élément de preuve donnant à penser que Mme Marlowe a agi hors du cadre de ses fonctions ordinaires, en tant qu’unique administratrice et dirigeante de CCI, et n’est donc pas personnellement responsable des activités contestées de la société défenderesse. L’expansion des services de CCI au-delà de ceux couverts par l’enregistrement de la marque de commerce PERKOPOLIS sur plusieurs années reflète la demande de la clientèle et correspond à une pratique commerciale normale. Les faits entourant l’adoption de la marque de commerce PERKOPOLIS par les défendeurs n’indiquent pas non plus de mauvaise foi. Par conséquent, l’action contre Mme Marlowe est rejetée.

B.                 Alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce

[80]           Lors de l’audience, Venngo a abandonné sa demande présentée en vertu de l’alinéa 7c) de la Loi. Les défendeurs n’ont pas fait passer leurs services pour ceux commandés ou demandés par la demanderesse.

C.                 Alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce

[81]           Voici les éléments essentiels de l’alinéa 7a) :

a)   l’existence d’une déclaration fausse ou trompeuse;

b) le fait que cette déclaration tend à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent;

c) le préjudice en découlant.

JAG Flocomponents N.A. c. Archmetal Industries Corporation, 2010 CF 627, au paragraphe 114.

[82]           Venngo allègue que les défendeurs ont diffusé des déclarations fausses et trompeuses concernant l’entreprise et les services de Venngo, tendant à discréditer Venngo, contrevenant ainsi à l’alinéa 7a) de la Loi. Aucun élément de preuve devant moi n’appuie cette affirmation, bien qu’elle ait été avancée. Les éléments de preuve ne présentent aucune déclaration de CCI concernant des lacunes dans l’infrastructure de Venngo l’empêchant de fournir un soutien à la clientèle ou concernant une protection inadéquate des renseignements personnels et de la vie privée.

[83]           Il n’y a par ailleurs pas de preuve liant des déclarations fausses ou trompeuses faites par les défendeurs à des clients éventuels ou actuels de Venngo relativement aux marques de commerce des parties en litige. À moins que de prétendues déclarations fausses ou trompeuses soient faites en lien avec des domaines de compétence fédérale par ailleurs valide – ici, les marques de commerce en litige – la demande en vertu de l’alinéa 7a) doit être rejetée. En outre, aucun préjudice n’a été démontré en lien avec la présente cause d’action.

[84]           La cause d’action est donc rejetée.

D.                Article 22 de la Loi sur les marques de commerce – Dépréciation de l’achalandage

[85]           La Cour suprême du Canada a défini les exigences auxquelles satisfaire pour qu’une cause d’action soit accueillie en vertu de l’article 22 :

46 Étonnamment, l’art. 22 de notre Loi n’a guère retenu l’attention des tribunaux judiciaires depuis son adoption, il y a une cinquantaine d’années. Apparemment, lorsque l’emploi de plusieurs marques crée de la confusion, le recours privilégié est celui fondé sur l’art. 20. Par ailleurs, en l’absence de confusion, les demandeurs estiment peut‑être difficile d’établir que l’achalandage est susceptible de se déprécier. Quoi qu’il en soit, ces deux causes d’action prévues par la Loi sont très différentes sur le plan conceptuel. L’article 22 comporte quatre éléments. Premièrement, la marque de commerce déposée de la demanderesse a été employée par la défenderesse en liaison avec des marchandises ou services — peu importe que ces marchandises ou services entrent en concurrence avec ceux de la demanderesse. Deuxièmement, la marque de commerce déposée de la demanderesse est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable. L’article 22 n’exige pas que la marque soit connue ou célèbre (contrairement aux lois européennes et américaines analogues), mais une défenderesse ne peut faire diminuer la valeur d’un achalandage qui n’existe pas. Troisièmement, la marque de la demanderesse a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c.‑à‑d. de faire surgir un lien) et, quatrièmement, cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c.‑à‑d. un préjudice). J’examinerai successivement chacun de ces éléments.

Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23.

[86]           L’« emploi » aux termes de l’article 22 exige l’emploi d’une marque de commerce de la demanderesse, telle qu’elle a été enregistrée. Venngo reconnaît que le seul « emploi » allégué par les défendeurs d’une marque de commerce de Venngo est l’emploi des termes anglais « Member Perks » sur le site Web de Perkopolis, tel que cela est représenté dans les pièces P-16 et P-17. L’emploi en l’espèce ne correspond pas à l’emploi de la marque comme marque de commerce pour distinguer les marchandises et les services de CCI de ceux d’autres propriétaires et ne peut pas constituer un fondement de demande valide en vertu de l’article 22 (MC Imports Ltd. c. Afod Ltd., 2014 CF 1161, au paragraphe 44).

[87]           Cette cause d’action est aussi rejetée.

E.                 Alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce – Faire passer des produits et services pour d’autres

[88]           L’alinéa 7b) dispose que :

7. Nul ne peut :

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre[.]

[89]           Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120, au paragraphe 33 :

33  Les trois éléments nécessaires à une action en passing-off sont donc : l’existence d’un achalandage, la déception du public due à la représentation trompeuse et des dommages actuels ou possibles pour le demandeur.

Voir également l’arrêt Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., 2005 CSC 65, aux paragraphes 65 et 68.

[90]           Je conclus que selon les éléments de preuve devant moi, y compris la publicité et l’emploi des marques de commerce de Venngo partout au Canada au cours des cinq ou six dernières années, Venngo a démontré l’existence d’achalandage pour les marques de commerce WORKPERKS, ADPERKS, MEMBERPERKS et CUTSOMERPERKS.

[91]           Venngo soutient qu’en dépit de son refus lors de l’interrogatoire préalable de fournir des renseignements financiers relatifs au préjudice causé par la commercialisation trompeuse alléguée des défendeurs visée par l’alinéa 7b) de la Loi, la Cour peut néanmoins conclure qu’un préjudice a été démontré en raison de :

  1. la perte de contrôle sur l’emploi de l’achalandage attaché aux marques de commerce de Venngo en raison de l’emploi par les défendeurs de la marque de commerce PERKOPOLIS, du nom commercial Perkopolis et du nom de domaine perkopolis.com, créant une confusion inévitable;
  2. l’expansion intentionnelle des services offerts par les défendeurs au-delà de la vente de billets pour des divertissements et de réservations hôtelières pour offrir des services empiétant sur les services de Venngo couverts par les marques de commerce WORKPERKS, ADPERKS, CUSTOMERPERKS et MEMBERPERKS, créant une confusion et causant inévitablement un préjudice.

[92]           La Cour fédérale d’appel a déterminé que le préjudice actuel ou potentiel est un élément essentiel pour conclure à la responsabilité en vertu de l’alinéa 7b). Sans élément de preuve démontrant un préjudice actuel ou potentiel, et sans conclusion de préjudice, la Cour ne peut conclure à une responsabilité et l’action pour commercialisation trompeuse en vertu de l’alinéa 7b) de la Loi doit être rejetée. Il en est ainsi malgré une ordonnance de disjonction (comme en l’espèce) scindant la question du montant des dommages-intérêts et même si les deux premiers éléments – l’existence d’un achalandage et d’une déception causée par une représentation trompeuse – sont prouvés (BMW Canada Inc v. Nissan Canada Inc, 2005 FCA 25, aux paragraphes 35 à 37).

[93]           Je conclus que la nature spéculative des éléments de preuve du préjudice de Venngo est insuffisante pour soutenir une cause d’action valide en vertu de l’alinéa 7b) de la Loi.

[94]           De plus, pour les motifs exposés ci-dessous relativement à la probabilité de confusion en vertu de l’article 20 de la Loi, je conclus également qu’il n’y a pas de probabilité de déception causée par des représentations trompeuses.

F.                  Articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce – Confusion

(1)                Article 19

[95]           L’article 19 de la Loi a été interprété différemment de l’article 20 de la Loi en ce qu’il empêche l’emploi non autorisé par un défendeur d’une marque de commerce enregistrée essentiellement identique à celle enregistrée par un demandeur.

[96]           Si la marque de commerce contestée des défendeurs (PERKOPOLIS) est différente des marques de commerce enregistrées de Venngo (WORKPERKS, ADPERKS, MEMBERPERKS et CUSTOMERPERKS) ou si elle est employée en lien avec des marchandises et des services différents de ceux couverts par les certificats d’enregistrement des marques de commerce enregistrées de la demanderesse, la demanderesse ne peut avoir gain de cause dans une demande fondée sur l’article 19 de la Loi (décision Mr Submarine Ltd v Amandista Investments Ltd, [1988] 3 FC 91, au paragraphe 8 (CAF); décision H-D USA., LLC c. Berrada, 2014 CF 207, aux paragraphes 200 à 205).

[97]           Par conséquent, l’article 19 ne s’applique pas en l’espèce et Venngo ne peut avoir gain de cause dans sa demande fondée sur l’article 19. Je dois donc maintenant évaluer si Venngo peut avoir gain de cause relativement à son action fondée sur l’article 20 de la Loi.

(2)               Article 20

[98]           La portée de l’article 20 est plus vaste que celle de l’article 19 et empêche les défendeurs d’employer toute marque de commerce ou tout nom commercial étant susceptibles de créer de la confusion avec toute autre marque déposée de Venngo. L’article 20 ne se limite pas à la considération d’une marque de commerce identique employée par les défendeurs ou à l’emploi d’une marque étant susceptible de créer de la confusion et couvrant les mêmes marchandises et services que ceux des certificats d’enregistrement des marques de commerce enregistrées de Venngo.

[99]           Par conséquent, tout emploi par les défendeurs d’une marque de commerce ou d’un nom commercial étant suffisamment semblable à une marque de commerce enregistrée de Venngo pour créer de la confusion sera considéré comme une violation en vertu de l’article 20, sans égard aux marchandises, services ou entreprises des défendeurs, pourvu qu’il existe une probabilité de confusion.

[100]       Afin d’évaluer la probabilité de confusion entre toute marque de commerce enregistrée de Venngo et l’emploi par CCI de sa marque de commerce PERKOPOLIS et du nom commercial Perkopolis par CCI en vertu de l’article 20, la Cour doit prendre en considération les facteurs et les circonstances établis à l’article 6 de la Loi, à compter de la date pertinente, soit la date de l’audience en l’espèce.

(a)                Article 6

[101]       L’article 6 de la Loi, interprétée conjointement à l’article 2, énonce les divers facteurs à prendre en considération dans l’évaluation de la question de la confusion. Le paragraphe 6(5) de la Loi précise qu’en décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

  1. le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
  2. la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
  3. le genre de marchandises, services ou entreprises;
  4. la nature du commerce;
  5. le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[102]       La Cour suprême du Canada a rendu une trilogie de décisions aidant à clarifier l’analyse de la probabilité de confusion en vertu de l’article 20. Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, aux paragraphes 54 à 58, la Cour déclare :

54  Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion. Ce sont : [Page 803] « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ». Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte. Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.) [...]

55  La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente, mais elle n’est pas nécessaire (Christian Dior, par. 19), même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant dix ans : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. no 1123 (QL) (C.A.).

(1) Le consommateur occasionnel plutôt pressé

56  Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star CoOperative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi [page 804] Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693. Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit :

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

[...]

57  Cela dit, je souscris entièrement à l’opinion formulée par le juge Linden dans Pink Panther selon qui, dans l’appréciation de la probabilité de confusion sur le marché, « il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen » (par. 54). Une idée semblable a été exprimée dans Michelin & Cie c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1982), 69 C.P.R. (2d) 260 (C.F. 1re inst.), p. 263 :

... on ne doit pas procéder en partant du principe que les clients éventuels ou les membres du public en général sont complètement dénués d’intelligence ou de mémoire, ou sont totalement inconscients ou mal informés au sujet de ce qui se passe autour d’eux.

58  De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678 [...] Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

[103]       Dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, aux paragraphes 18 à 20, la Cour déclare :

18  Comme je l’ai expliqué dans le pourvoi connexe Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 2006 CSC 22, rendu simultanément, l’objet des marques de commerce est de symboliser la source et la qualité des marchandises et des services, de distinguer les marchandises ou les services du commerçant de ceux d’un autre commerçant et d’éviter ainsi la « confusion » sur le marché. Le terme confusion revêt cependant un sens particulier. Le législateur précise au par. 6(1) qu’il y a confusion

si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial [de l’appelante] cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial [des intimées], de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

19  Le paragraphe 6(2) nous apprend qu’une telle confusion survient

lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

20  Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202 :

[traduction] Nul doute que si une personne examinait les deux marques attentivement, elle les distinguerait facilement. Ce n’est toutefois pas sur cette constatation qu’il faut se fonder pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion.

... les marques ne paraîtront pas côte à côte et [la Cour doit] essayer d’empêcher qu’une personne qui voit la nouvelle marque puisse croire qu’il s’agit de la même marque que celle qu’elle a vue auparavant, ou même qu’il s’agit [page 841] d’une nouvelle marque ou d’une marque liée appartenant au propriétaire de l’ancienne marque.

(Citant Halsbury’s Laws of England, 3e éd., vol. 38, par. 989, p. 590.)

[104]       Dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, aux paragraphes 49, 83 et 84, la Cour déclare :

[49]      En analysant la question de savoir si les marques de commerce en cause créaient de la confusion, le juge a appliqué dans l’ordre les facteurs énoncés au par. 6(5) de la Loi avant d’examiner si ces marques se ressemblaient. Bien que l’adoption d’une telle démarche ne constitue pas une erreur de droit, il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) (K. Gill et R. S. Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (4e éd. (feuilles mobiles)), p. 8-54; R. T. Hughes et T. P. Ashton, Hughes on Trade Marks (2e éd. (feuilles mobiles)), §74, p. 939). Comme le souligne le professeur Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires (Vaver, p. 532). En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion (ibid.).

[83]      Dans l’analyse d’une marque de commerce, ni l’expert, ni le tribunal ne doit considérer chaque partie de celle‑ci séparément des autres éléments. Il convient plutôt d’examiner la marque telle que le consommateur la voit, à savoir comme un tout, et sur la base d’une première impression. Dans Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, le juge Spence, qui devait décider si les mots « DANDRESS » et « RESDAN », en liaison avec l’élimination des pellicules, créaient de la confusion, a exprimé succinctement sa pensée aux p. 737 et 738 : [traduction] « [L]e critère qu’il convient d’appliquer est celui de la personne ordinaire à la recherche d’un produit et non pas celui de la personne versée dans l’art du sens des mots. »

[84]      Toutefois, examiner la marque de commerce dans son ensemble ne veut pas dire qu’il faut faire abstraction d’une composante dominante de celle‑ci qui aurait une incidence sur l’impression générale [page 421] du consommateur moyen : voir les motifs de la juge Arden dans esure Insurance Ltd. c. Direct Line Insurance plc, 2008 EWCA Civ 842, [2008] R.P.C. 34, par. 45. Il en est ainsi parce que même si le consommateur regarde la marque dans son ensemble, il se peut qu’un certain aspect de celle-ci soit particulièrement frappant et qu’il en constitue l’élément le plus distinctif. Il en sera ainsi parce que cet aspect est la partie la plus distinctive de l’ensemble de la marque de commerce. En l’espèce, contrairement à l’expert, j’estime que la composante la plus distinctive et dominante de chacune des marques en cause est le mot « Masterpiece », car il en traduit le contenu et l’aspect le plus frappant. Le mot « Living » est fade par comparaison.

[105]       En prenant en considération la synthèse de ces trois décisions de la Cour suprême et les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, la Cour doit décider :

  1. en ce qui concerne la première impression, si le public pertinent, c’est-à-dire principalement les décideurs en matière de ressources humaines des clients des parties, mais aussi les utilisateurs finaux des services offerts par les parties, confondraient ou seraient susceptibles de confondre la source des services de PERKOPOLIS (CCI) avec celle de la source des services de WOKPERKS, d’ADPERKS, de CUSTOMERPERKS ou de MEMBERPERKS (Venngo);
  2. dans la détermination de la probabilité d’une confusion, la Cour examinera en premier lieu le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées – le facteur de l’alinéa 6(5)e) est le plus susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion (Masterpiece, précité, au paragraphe 49);
  3. Les autres facteurs de l’article 6 et des circonstances de l’espèce, dont la preuve d’une confusion réelle, devront également être pris en considération.
(i)                 Degré de ressemblance

[106]       Venngo soutient qu’étant donné sa famille de marques de commerce (WORKPERKS, ADPERKS, MEMBERPERKS et CUSTOMERPERKS), l’emploi par les défendeurs de PERKOPOLIS comme marque de commerce et de Perkopolis comme nom commercial associé aux services et aux activités des parties est susceptible de créer de la confusion et a créé une confusion réelle.

[107]       La Cour ne doit pas « considérer chaque partie de celleci séparément des autres éléments » mais plutôt examiner les marques de commerce dans leur ensemble, telles que le consommateur pertinent les voit, sur la base d’une première impression (Masterpiece, précité, au paragraphe 83).

[108]       Tout en considérant les marques de commerce dans leur ensemble, la Cour peut et devrait tenir compte des composantes dominantes d’une marque si celles-ci sont particulièrement frappantes et affectent l’impression générale du consommateur moyen. Bien que Venngo soutienne que les termes anglais « PERK » ou « PERKS » sont la composante dominante des marques en cause, même si on peut soutenir que les termes anglais « perk » ou « perks » ont un effet sur l’impression générale du consommateur moyen, aux fins des motifs ci-dessous, je conclus que les termes anglais « perk » ou « perks » tels qu’utilisés par les marques de commerce de Venngo sont fortement suggestifs et guère distinctifs.

[109]       Je suis en accord avec les défendeurs pour dire que la Cour devrait examiner chacune des marques de Venngo séparément plutôt que collectivement comme une « famille de marques » pour évaluer le degré de ressemblance et la possibilité de confusion avec la marque de commerce et le nom commercial des défendeurs PERKOPOLIS (Masterpiece, précité, aux paragraphes 47, 48 et 64).

[110]       En comparant chacune des marques de commerce de Venngo avec la marque de commerce PERKOPOLIS des défendeurs, on remarque immédiatement :

  1. qu’il y a peu de ressemblance dans la présentation ou le son;
  2. qu’il y a peu de ressemblance dans l’idée suggérée par les marques.

[111]       Chacune des marques de Venngo suggère que des avantages sont offerts à un groupe particulier ou dans des circonstances précises. WORKPERKS suggère que les avantages sont offerts au travail; MEMBERPERKS suggère que l’offre s’adresse à des membres; CUSTOMERPERKS suggère des avantages sont offerts aux clients; CLIENTPERKS suggère que des avantages sont offerts aux clients; PARTNERPERKS suggère que des avantages sont offerts à des associés et ADPERKS suggère des avantages aux fins de publicité. En effet, les avantages de Venngo sont offerts à ces groupes particuliers et dans ces circonstances précises. Par ailleurs, l’emploi du terme anglais « perk » dans PERKOPOLIS suggère qu’il s’agit d’un type de programme d’avantages, mais ne suggère pas de manière claire à qui s’adresse les avantages ou à quel emploi ils sont destinés, ni d’idées associées aux marques de commerce de Venngo.

[112]       Certains témoins de Venngo n’ont pas pensé que les marques de commerce de CCI et de Venngo étaient semblables dans la présentation ou le son. Ceux qui ont trouvé une ressemblance ont tous indiqué que c’est l’emploi du terme anglais « perk », générique et défini dans le dictionnaire pour qualifier les activités de Venngo, qui était l’unique élément commun leur ayant fait voir les marques comme étant semblables.

[113]       Bien que les défendeurs se fondent sur l’état du registre démontrant que l’adoption et l’emploi des termes anglais « perk » ou « perks » dans les marques de commerce est chose commune pour parler de services de programmes d’avantages et de fidélité, je reconnais qu’il s’agit d’un facteur pertinent, j’accorde peu de poids à cet élément de preuve puisqu’il n’y a aucune preuve que ces marques de commerce sont vraiment employées au Canada ni du degré d’un tel emploi. En fait, plusieurs de ces marques ont été radiées ou ont été l’objet de demandes fondées sur l’emploi proposé. Il est néanmoins possible d’accorder un certain poids à l’état du registre démontrant que les termes anglais « perk » et « perks » sont relativement couramment employés dans les marques de commerce relatives à des programmes d’avantages et de remise de fidélité (The Coca-Cola Company of Canada Limited v Pepsi-Cola Company of Canada Limited, [1942] UKPC 6, aux paragraphes 3 et 4; Park Avenue Furniture Corp v Wickes/Simmons Bedding Ltd, [1991] FCJ No 546, au paragraphe 33 (CAF)).

[114]       Je prends aussi note des définitions du dictionnaire des termes anglais « perk » et « perquisite) » comme étant des éléments de preuve supplémentaires de la signification générique de ces termes pour inclure les « avantages, récompenses et bonus » des employés.

(ii)               Caractère distinctif inhérent

[115]       Les marques de commerce WORKPERKS, ADPERKS, MEMBERKS et CUSTOMERPERKS de Venngo sont des marques de commerce dont elle a inventé les noms. Chacune des marques décrit ou suggère fortement le type de service pour lequel la marque est enregistrée et employée.

[116]       Je suis d’accord avec les défendeurs que chacune des marques de commerce de Venngo est une combinaison d’une catégorie particulière d’utilisateurs finaux et du terne anglais « perks ».

a)      WORKPERKS suggère que des avantages sont offerts aux travailleurs;

b)      MEMBERPERKS suggère que des avantages sont offerts aux membres;

c)      CUSTOMERPERKS suggère que des avantages sont offerts aux consommateurs;

d)     ADPERKS suggère que des avantages sont offerts aux annonceurs.

[117]       Au mieux, les marques de Venngo sont fortement suggestives, voire descriptives des services d’avantages et de remise de fidélité offerts par Venngo et du public visé. Bien que la Cour ne doive pas examiner les composantes des marques de commerce, les marques de Venngo ne possèdent pas de caractère distinctif, de sorte qu’il n’est pas possible de regarder une de ses marques sans associer les deux mots qui la compose : les termes anglais « member » et « perks », « client » et « perks », etc. Le seul élément commun et litigieux entre les marques de Venngo et de CCI est le terme anglais « perks » et il n’y a rien d’exceptionnel ou d’unique concernant l’emploi du terme anglais « perk » dans chacune des marques de commerce de Venngo ou dans la combinaison des mots indiquant à qui les avantages sont offerts.

[118]       De plus, Venngo élimine toute possibilité de caractère distinctif de ses marques en employant au sens générique les termes anglais « perk » et « perks » comme nom sur son site Web et son matériel promotionnel.

[119]       Par conséquent, chacune des marques de commerce a un caractère distinctif faible et n’a droit qu’à une protection limitée (Office Cleaning Services v Westminster Window and General Cleaning Ltd, [1946] 63 RPC 30, aux paragraphes 42 et 43). Ces facteurs favorisent les défendeurs puisque la jurisprudence soutient la vision selon laquelle des marques faibles peuvent permettre de petites différences entraînant l’absence de probabilité de confusion (décision Molson Cos v John Labatt Ltd, [1994] FCJ No 1792, aux paragraphes 5, 6 (CAF) [Molson]; décision Kellogg Salada Canada Inc v Canada (Registrar of Trade Marks, [1992] 3 FC 442 (CAF)).

(iii)             Le genre de marchandises, services ou entreprises

[120]       Il est clair que les services et activités de CCI et de Venngo ainsi que leurs clients et consommateurs se chevauchent substantiellement. Tant Venngo que la société défenderesse sont engagées dans des activités semblables dans la même zone géographique. Comme l’a déclaré le juge de Montigny dans sa décision sur le jugement par voie sommaire, et tel que cela est établi par les éléments de preuve devant moi :

Tant la demanderesse que la société défenderesse sont engagées dans des activités semblables dans la même zone géographique. Elles offrent des programmes de réductions (aussi appelés programmes de récompenses, d’avantages ou de fidélité) à des entreprises et à d’autres organisations. Ces programmes offrent aux employés d’entreprises ou aux membres d’organisations accès à des réductions sur des films et d’autres divertissement, des réservations de chambres d’hôtel, des locations de voitures, ainsi que sur de nombreux autres biens et services. Les fournisseurs de services commerciaux comme la demanderesse et la société défenderesse offrent des programmes de réductions ou de primes d’incitation à d’autres employeurs ou organisations (leurs « consommateurs »), alors que les fournisseurs de programmes non commerciaux sont des organisations ou des entreprises offrants des avantages directement à leurs membres.

Ce facteur favorise Venngo.

(iv)             La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[121]       Venngo emploie ses marques de commerce ADPERKS et WORKPERKS depuis plus d’années que les défendeurs n’emploient PERKOPOLIS, ce qui joue en faveur de Venngo.

(v)               Autres circonstances de l’espèce

[122]       Une circonstance de l’espèce traduisant l’absence de confusion tient au fait que le Bureau des marques de commerce n’a pas considéré que PERKOPOLIS et les marques de Venngo déposées avant ou après, créaient de la confusion. La demande de marque de commerce de CCI pour PERKOPOLIS a été enregistrée sans qu’il n’y ait de citation de demandes déposées antérieurement par Venngo ni d’aucune autre marque de commerce de l’état du registre enregistrée auparavant et employant les termes anglais « perk » ou « perks » dans la marque visant des services d’avantages de fidélité (par exemple QUESTPERKS, CAMPUSPERKS, CLUBPERKS et BIZPERKS). Ce facteur favorise encore les défendeurs.

[123]       Venngo soutient que la preuve d’une confusion actuelle de la part des témoins, Mme Mitchell, M. Hayashi, M. Garcia et Mme Kieffer est suffisante en soi pour étayer une inférence de probabilité de confusion, peu importe la preuve apportée par les défendeurs (Asbjorn Horgard A/S v Gibbs/Nortac Industries Ltd, [1987] 3 FC 544, au paragraphe 18 (CAF); Tradition Fine Foods Ltd c. The Oshawa Group Ltd, 2004 CF 1011, au paragraphe 36).

[124]       La Cour doit cependant se garder d’accorder une protection générale à une marque de commerce qui emploie des termes descriptifs ou fortement suggestifs comme fondement d’une affirmation du caractère distinctif et d’une confusion alléguée entre cette marque et d’autres marques de commerce ou noms commerciaux (Molson, précitée, aux paragraphes 5 et 6; Ultravite Laboratories Ltd. v. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] SCR 734 à la p. 738).

[125]       Comme le soutiennent les défendeurs, la confusion réelle est une circonstance de l’espèce qui doit être considérée dans l’analyse de la confusion, mais n’est pas un atout qui devrait surpasser tous les autres facteurs à prendre en considération pour déterminer la probabilité de la confusion aux termes des alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi. La Cour doit considérer tous les facteurs pertinents et ensuite « faire appel à leur bon sens et ne pas se laisser influencer par leurs ‘‘connaissances ou [leur] tempérament particuliers’’ pour décider s’il y aurait probabilité de confusion chez le consommateur ordinaire » (Masterpiece, au paragraphe 92).

[126]       J’ai rejeté la preuve par ouï-dire de Venngo sur la confusion réelle alléguée, la considérant ni nécessaire ni fiable. Venngo a donc seulement présenté que quelques cas de confusion réelle qui, à mon avis, ne prédominent pas sur ni n’écartent d’autres facteurs de l’article 6 en faveur des défendeurs démontrant qu’il n’y a pas de probabilité de confusion.

[127]       Le témoignage sur lequel Venngo s’appuie pour démontrer une confusion illustre également la faiblesse des marques de Venngo. Par exemple, M. Hayashi et M. Garcia ont témoigné avoir pensé que PERKOPOLIS était liée aux marques de Venngo en raison de l’inclusion du terme anglais « perk ». D’autres témoins ont déclaré que les marques n’étaient pas semblables dans la présentation ou dans le son.

[128]       De plus, M. Stucke a reconnu dans son témoignage que la nature du commerce est telle que la plupart des clients sont des professionnels en ressources humaines expérimentés et relativement avertis, prenant beaucoup de temps et faisant preuve de diligence raisonnable avant de choisir un fournisseur de services comme Venngo ou CCI. Cela réduit d’autant plus toute probabilité de confusion.

[129]       Bien qu’il y ait des éléments de preuve limités de confusion, ces éléments étaient insuffisants pour me convaincre qu’un consommateur ordinaire pressé confondrait les marques de Venngo et de CCI, mise à part simplement en raison du fait que les parties évoluent sur un marché de créneaux ou relativement fermé et ont choisi d’intégrer un terme générique à leurs marques évoquant fortement leurs services, qui n’ont droit qu’à une protection limitée.

V.                Demande reconventionnelle des défendeurs

[130]       Lors de l’audience, l’avocat des défendeurs a indiqué que la Cour devait prendre en considération la validité de la contestation de la demande reconventionnelle en vertu des alinéas 18(1)a) et 12(1)d) seulement si la demande de Venngo était accueillie. Étant donné que la demande de Venngo a été rejetée, je n’ai pas à me pencher sur le seul motif d’invalidité restant sur lequel les défendeurs se sont fondés au procès. Cependant, compte tenu des éléments de preuve relatifs à l’état du registre fournis par les défendeurs et de l’emploi par les défendeurs de la marque de commerce PERKOPOLIS ou du nom commercial Perkopolis, je ne suis pas d’avis que les marques de commerce déposées de Venngo sont invalides.

VI.             Dépens

[131]       Afin de rendre les conclusions susmentionnées exécutoires, il est nécessaire de répartir les dépens de la procédure entre la demande principale et la demande reconventionnelle.

[132]       En ce qui concerne les dépens de l’action de la demanderesse, je suis d’avis que les défendeurs ont droit à leurs dépens puisque la demanderesse a abandonné certaines demandes avant ou pendant le procès et que les défendeurs ont obtenu gain de cause en se défendant seuls pour les autres demandes.

[133]       Pour ce qui est de la demande reconventionnelle, les défendeurs n’ont pas réussi à établir l’invalidité des enregistrements de Venngo. Je ne vois pas pourquoi les dépens de la demande reconventionnelle ne suivraient pas l’issue de la cause; cependant, en l’espèce, j’exerce ma discrétion et je n’accorde pas de dépens en faveur de Venngo. Je constate que la demande reconventionnelle des défendeurs a été présentée comme un plaidoyer subsidiaire dans l’éventualité où Venngo aurait réussi à établir une contrefaçon de la part des défendeurs. Les questions soulevées dans la demande reconventionnelle n’ont pas nécessité beaucoup de temps lors des interrogatoires préalables ni lors du procès, et elles n’ont pas été vigoureusement débattues au procès.

[134]       Pour ce qui est du montant des dépens, si les parties ne peuvent pas s’entendre sur un montant, celui-ci sera déterminé en fonction des observations écrites devant être signifiées et déposées dans un délai de 15 jours à compter de la date du présent jugement.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande de la demanderesse est rejetée et les dépens sont adjugés aux défendeurs.

2.                  La demande reconventionnelle est rejetée, sans dépens.

3.                  Pour ce qui est du montant des dépens, si les parties ne peuvent pas s’entendre sur un montant, celui-ci sera déterminé en fonction des observations écrites devant être signifiées et déposées dans un délai de 15 jours à compter de la date du présent jugement.

« Michael D. Manson »

Juge


Annexe A

Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13)

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

Idem

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les produits liés à cette marque sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

When mark or name confusing

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

Idem

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

Idem

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

Idem

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à cette marque et les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

Idem

(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

Idem

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les produits liés à cette marque sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

Idem

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

Éléments d’appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the goods, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

Interdictions

7. Nul ne peut :

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

Prohibitions

7. No person shall

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

Droits conférés par l’enregistrement

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

 

Rights conferred by registration

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those goods or services.

Violation

20. (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

c) soit vend, offre en vente ou distribue des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial alors que :

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

d) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial, en vue de leur vente ou de leur distribution ou en vue de la vente, de la distribution ou de l’annonce de produits ou services en liaison avec ceux-ci, alors que :

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

Exception  — emploi de bonne foi

(1.1) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’employer les éléments ci-après de bonne foi et d’une manière non susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce :

a) son nom personnel comme nom commercial;

b) le nom géographique de son siège d’affaires ou toute description exacte du genre ou de la qualité de ses produits ou services, sauf si elle les emploie à titre de marque de commerce.

Exception — caractéristique utilitaire

(1.2) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’utiliser toute caractéristique utilitaire incorporée dans la marque.

Exception

(2) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’employer les indications mentionnées au paragraphe 11.18(3) en liaison avec un vin ou les indications mentionnées au paragraphe 11.18(4) en liaison avec un spiritueux.

Infringement

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

(b) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any goods in association with a confusing trade-mark or trade-name, for the purpose of their sale or distribution;

(c) sells, offers for sale or distributes any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, if

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name; or

(d) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, for the purpose of its sale or distribution or for the purpose of the sale, distribution or advertisement of goods or services in association with it, if

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name.

Exception  — bona fide use

(1.1) The registration of a trade-mark does not prevent a person from making, in a manner that is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark,

(a) any bona fide use of his or her personal name as a trade-name; or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark, of the geographical name of his or her place of business or of any accurate description of the character or quality of his or her goods or services.

Exception  — utilitarian feature

(1.2) The registration of a trade-mark does not prevent a person from using any utilitarian feature embodied in the trade-mark.

Exception

(2) No registration of a trade-mark prevents a person from making any use of any of the indications mentioned in subsection 11.18(3) in association with a wine or any of the indications mentioned in subsection 11.18(4) in association with a spirit.

Dépréciation de l’achalandage

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

Action à cet égard

(2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre tous produits revêtus de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

Depreciation of goodwill

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Action in respect thereof

(2) In any action in respect of a use of a trade-mark contrary to subsection (1), the court may decline to order the recovery of damages or profits and may permit the defendant to continue to sell goods marked with the trade-mark that were in his possession or under his control at the time notice was given to him that the owner of the registered trade-mark complained of the use of the trade-mark.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-467-11

 

INTITULÉ :

VENNGO INC. c. CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE ET RICHARD THOMAS JOYNT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 décembre 2015

 

COMPARUTIONS :

M. Kenneth McKay

M. Andrew Jones

Pour la DEMANDERESSE

M. David Reive

M. Manav Singhla

Pour les DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim Lowman Ashton & McKay

Toronto (Ontario)

Pour la DEMANDERESSE

 

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour les DÉFENDEURS

 

 

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