Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20151209


Dossier : T-790-15

Référence : 2015 CF 1367

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

JOHN CHARLES BEIMA

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une requête de la défenderesse visant l’obtention :

a)      d’une ordonnance radiant la déclaration du demandeur avec dépens;

b)      subsidiairement, d’une ordonnance :

i)        radiant des parties de la déclaration et

ii)      prorogeant le délai imparti à la défenderesse pour signifier et déposer sa défense, en lui accordant 30 jours à compter de la date de la présente décision;

[2]               Le demandeur, M. Beima, cherche quant à lui à obtenir les mesures de réparation suivantes dans sa poursuite contre la défenderesse :

a)      750 000 000 $ CAN;

b)      un règlement exempt d’impôt;

c)      une ordonnance interdisant à l’Agence du revenu du Canada [ARC] d’avoir à l’avenir toute interaction, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit, avec le demandeur.

[3]               La présente requête a été instruite et examinée en même temps que la requête dans le dossier T‑791‑15. Il y a beaucoup de chevauchement entre les deux actions qui ont donné lieu à ces requêtes.

[4]               Les deux actions de M. Beima concernent des événements qui se sont produits avant et pendant une vérification et l’établissement d’une cotisation, une instance devant la Cour canadienne de l’impôt, un appel devant la Cour d’appel fédérale et une demande d’ordonnance d’exécution présentée à notre Cour. Comme on le constate à la lumière de la réparation sollicitée, M. Beima demande à la Cour de ne pas l’assujettir aux lois fiscales applicables à tous les citoyens du Canada et de lui accorder une somme considérable pour des griefs qui ont pris naissance en raison de son obligation de faire affaire avec l’ARC. Ces souhaits sont pour le moins irréalistes et l’acte de procédure présenté donne très peu d’explications sur ce qui justifierait qu’on fasse droit à de telles demandes.

[5]               Le demandeur sollicite une somme considérable exempte d’impôt qui serait prélevée sur les deniers publics et voudrait ne plus être forcé de traiter avec l’ARC. Je ne critique pas le demandeur. Il n’est pas représenté par un avocat et il a tout à fait le droit de demander une réparation s’il a une cause légitime du ressort de la Cour fédérale. Toutefois, la nature et la portée des mesures extraordinaires qu’il sollicite donnent à penser que sa poursuite est probablement quelque peu irréaliste.

[6]               Les demandes du demandeur sont empreintes d’irréalisme et d’exagération moralisatrice, ce qui rend très difficile de déterminer si M. Beima a une plainte légitime à formuler ou s’il veut simplement faire obstacle aux procédures fiscales qui l’opposent à l’ARC. Il accuse de [traduction« nombreux employés du gouvernement du Canada » d’actes criminels graves. Il prétend aussi que (l’ancien) premier ministre, M. Stephen Harper, et divers ministres désignés du Cabinet sont concernés par ces actes criminels. Il accuse également des employés du ministère de la Justice et déclare que [traduction« l’employé suivant de la Cour canadienne de l’impôt qui est visé est le juge Steven D’Arcy » et que [traduction] « l’employé suivant de la Cour d’appel fédérale qui est visé est le juge Wyman Webb ». Il accuse toutes ces personnes, et d’autres encore, d’avoir :

[traduction] activement commis du chantage et/ou de l’extorsion, un parjure, mis en danger la vie d’un enfant, soumis un enfant à la violence sexuelle, violé les droits du demandeur, fait entrave à la justice, intenté des poursuites malveillantes, eu une inconduite dans leurs fonctions d’avocat/de juge et falsifié des documents juridiques contre ou concernant le demandeur.

[7]               On peut constater dans la série d’allégations qui suit que la présente action n’est rien d’autre qu’une attaque indirecte d’autres instances (qui remet par ailleurs en question l’intégrité personnelle et professionnelle des juges qui ont rendu des décisions que n’approuve pas M. Beima) :

[traduction]

48. Paige MacPherson tente de se servir de la demande présentée par Margret McCabe comme moyen de communiquer la preuve en vue de l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt.

49. Une ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale. Paige MacPherson a maintenant commis un parjure devant la Cour d’appel fédérale. Paige MacPherson a prétendu que des documents ont été signifiés au demandeur, mais ces documents n’ont jamais été remis au demandeur.

50. Paige MacPherson prend activement des mesures pour empêcher que des documents qui montreraient qu’elle a commis un parjure devant la Cour canadienne de l’impôt se retrouvent devant la Cour d’appel fédérale.

51. Le juge Steven D’Arcy, qui présidait la Cour canadienne de l’impôt, a initialement déclaré qu’il désirait entendre les enregistrements concernant la conduite illégale des employés de l’ARC. Lors d’une audience subséquente, le juge Steven D’Arcy a refusé d’exercer son pouvoir, à savoir celui de la Cour canadienne de l’impôt, et a ordonné que la preuve concernant la conduite illégale soit retirée du dossier.

52. Le juge Steven D’Arcy a activement pris des mesures pour empêcher une enquête criminelle contre Paige MacPherson pour parjure et pour d’autres actes illégaux, faisant ainsi entrave à la justice.

53. Le juge Steven D’Arcy a rendu une ordonnance pour empêcher que la preuve de la conduite illégale soit versée au dossier et présentée à la Cour canadienne de l’impôt.

54. Cela démontre un acte possible d’inconduite judiciaire. Le juge D’Arcy s’est servi de son pouvoir pour camoufler divers crimes commis par divers employés fédéraux.

55. Cela démontre sans aucun doute l’incapacité du juge D’Arcy de pouvoir mener une audience équitable et impartiale.

56. Le juge Wyman Webb, de la Cour d’appel fédérale, a refusé d’admettre des documents dans l’appel actuel du demandeur, lesquels documents démontrent un parjure de Paige MacPherson devant le juge D’Arcy. Si l’appel du demandeur repose sur le fait que l’ordonnance prononcée par le juge D’Arcy était basée sur le parjure de Paige MacPherson, on peut donc conclure sans se tromper que le juge Wyman Webb a ainsi refusé au demandeur son droit à un appel et à une audience juste et impartiale.

57. En refusant la présentation de documents démontrant le parjure de Paige MacPherson, le juge Wyman a activement pris des mesures pour protéger Paige MacPherson contre une enquête criminelle, faisant ainsi entrave à la justice.

58. Le juge Wyman a rendu une ordonnance pour empêcher la transcription de l’instance dont la décision est portée en appel. Cette transcription contient le parjure de Paige MacPherson et ne peut pas être présentée en preuve en appel. Comment un appel peut‑il être entendu ou être juste quand la transcription de l’instance dont la décision est portée en appel n’est pas admise en preuve?

59. En empêchant que les transcriptions soient versées au dossier de l’instance, le juge Wyman a pris des mesures pour empêcher que Paige MacPherson fasse l’objet d’une enquête, ce qui fait entrave à la justice et empêche une audience équitable.

60. Le juge Wyman a prononcé une ordonnance en sachant très bien que le demandeur n’avait jamais reçu de signification ni de copie d’aucune des observations présentées par Paige MacPherson, contrairement à ce qu’exigeait la loi.

61. Paige MacPherson s’est conduite de manière très peu professionnelle et illégale.

62. Paige MacPherson doit faire l’objet d’une enquête pour poursuite malveillante et inconduite de la part d’un avocat.

63. Paige MacPherson a abusé de la confiance du public en permettant sciemment aux employés de l’ARC de commettre de nombreux crimes.

64. Paige MacPherson a intentionnellement et en toute connaissance de cause mis en danger la vie d’un jeune garçon, ce qui a mené à des agressions et à des atteintes à la pudeur sur ce garçon. Cela pourrait rendre Paige MacPherson coupable de complicité après le fait de l’atteinte à la pudeur d’un jeune garçon.

65. En tant qu’employée du MDJC, Paige MacPherson devrait être soumise à un degré beaucoup plus élevé de responsabilité. De multiples actes intentionnels de parjure n’ont pas leur place au MDJC.

66. Paige MacPherson s’est servie de son poste au MDJC pour commettre divers crimes.

67. Paige MacPherson s’est servie de son poste au MDJC pour influencer divers juges et entacher toutes les instances.

68. Il y a eu neuf années de stress et maintenant de dommages causés par des employés de l’ARC, divers ministres, anciens et actuels, du Cabinet du gouvernement du Canada et maintenant des employés du MDJC.

69. Le fils du demandeur a été agressé physiquement et a été victime d’atteintes à la pudeur directement à cause des personnes susmentionnées.

70. Pas un seul employé du gouvernement du Canada n’a jamais tenté de régler cette situation. À chaque étape, ils se sont simplement contentés de commettre des actes de chantage/d’extorsion afin de « forcer le demandeur à penser comme ils veulent qu’il pense ».

71. En date d’aujourd’hui, pas une seule personne au gouvernement fédéral n’a tenté ou n’a décidé de régler la situation ou de s’en occuper. Personne. Pas même le premier ministre Stephen Harper. Le premier ministre a été contacté à ce sujet et a refusé d’agir.

72. L’approche du gouvernement du Canada a simplement été de laisser la situation pourrir et de violer les droits d’un citoyen canadien, encore et encore. Le gouvernement a menti à répétition sur tellement de points qu’ils ne peuvent plus être comptés.

73. Il est temps que le gouvernement du Canada vive le même degré de stress et les mêmes conséquences que le demandeur en le confrontant à son tour au type de mesures prises par ses employés envers le demandeur et de conduite qu’ils ont eue à son égard.

74. Il est temps que le gouvernement du Canada soit tenu responsable de la conduite des personnes à son emploi et des ministères qui le composent.

75. Ce n’est pas la première fois que des employés de l’ARC s’en tirent sans être tenus responsables de leurs actes ni en subir les conséquences. Ce ministère est complètement incontrôlable et devrait être fermé, faire l’objet d’enquêtes et être restructuré pour qu’il soit tenu responsable de ses actes.

76. Actuellement, l’ARC ne rend de comptes à personne et est autorisée à fonctionner sans subir de conséquences. Les employés du bureau de l’ombudsman sont d’anciens membres du personnel de l’ARC. D’après mon expérience, le travail de l’ombudsman consiste principalement à couvrir ou justifier ce que font les employés de l’ARC.

77. Le gouvernement doit être tenu responsable de ses actes. Il est grand temps que cela arrive.

78. Ces gens ont fait subir au demandeur du stress, mis en danger de la vie d’un enfant, porté atteinte à la pudeur d’un enfant et commis de nombreux abus de confiance.

79. Le stress que ces gens ont fait subir au demandeur a affecté son état émotionnel, lui a causé beaucoup de stress et a donc mis en danger sa santé en plus d’être la cause de son important gain de poids.

80. Le gouvernement du Canada veut autoriser les employés à falsifier des dettes, à mettre en danger des vies, à permettre la violence sexuelle, à se parjurer, à permettre la violation de droits, et il veut avoir des employés qui n’ont de comptes à rendre à personne, donc il est temps que le gouvernement soit prêt à payer une compensation et une rétribution pour ses actes.

81. Le gouvernement du Canada a permis une telle baisse du niveau de son système judiciaire et de ses cours les juges ont l’impression qu’ils peuvent ignorer les lois du Canada. Les postes de juge sont des récompenses. Les avocats se parjurent et les juges déboutent les autres plaideurs et rendent des ordonnances fondées sur des mensonges.

82. Les juges refusent d’examiner la crédibilité des avocats qui plaident et ils préviennent activement toutes les conséquences des parjures.

83. Quand un juge d’une cour canadienne rend volontairement et intentionnellement une ordonnance basée sur des plaidoiries fausses, ce juge devrait faire l’objet d’une enquête pour inconduite judiciaire et être jugé coupable du crime même qu’il tente de couvrir, d’entrave à la justice par exemple.

84. Au Canada, à cause de la perte d’intégrité des divers systèmes de justice, les plaideurs qui ne sont pas représentés par un avocat font l’objet de discrimination. Si un avocat fait une déclaration à un juge, cette déclaration est instantanément considérée comme la parole de Dieu, et la preuve du plaideur qui n’est pas représenté par un avocat n’a aucune importance.

85. Depuis trop longtemps, le gouvernement canadien permet la discrimination contre les plaideurs qui ne sont pas représentés par un avocat et il est temps qu’il en soit tenu responsable.

[8]               Nous ne sommes pas en présence d’une déclaration qu’une personne pourrait défendre ou sur laquelle la Cour pourrait se prononcer. Nous sommes en présence d’une diatribe contre des employés du gouvernement, certains membres de la magistrature et le gouvernement du Canada de la part d’une personne qui croit qu’une ordonnance devrait être rendue contre l’ARC lui [traduction« interdisant pour toujours d’avoir toute interaction, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit, avec le demandeur ». Le principal objectif du demandeur consiste à infliger à tout le monde tout le stress auquel il estime avoir lui‑même été exposé en raison des poursuites fiscales dont il a fait l’objet. Les mentions de divers crimes et d’autres formes d’inconduite sont de simples allégations qui ne reposent sur aucun fait susceptible de justifier une action. Le demandeur veut que la Cour lui accorde un privilège dont ne bénéficie aucun autre Canadien. C’est la raison pour laquelle, à cette étape préliminaire de l’instance, la Cour doit s’efforcer tout particulièrement de faire en sorte que M. Beima intente une poursuite qui donne ouverture à une action devant la Cour et, dans l’affirmative, qu’il produise des actes de procédure qui peuvent être plaidés et sur lesquels la Cour pourrait se prononcer de manière équitable et efficace. Lui permettre d’aller de l’avant en se fondant sur la déclaration déposée présenterait un risque de chaos et donnerait lieu à un pur gaspillage des ressources publiques.

[9]               Le fondement juridique invoqué à l’appui des mesures de réparation extraordinaires demandées n’est précisé nulle part dans la déclaration. De toute évidence, M. Beima est extrêmement indisposé par l’ARC, les employés du gouvernement ainsi que les juges de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale. Toutefois, comme le démontrent ses actes de procédure, il n’a pas été en mesure d’exposer comment cette indisposition peut se traduire par une poursuite en justice devant la Cour fédérale.

[10]           Au paragraphe 2 de sa déclaration, M. Beima affirme ce qui suit :

[traduction] De multiples employés du gouvernement du Canada ont activement commis du chantage et/ou de l’extorsion, un parjure, mis en danger la vie d’un enfant, soumis un enfant à la violence sexuelle, violé les droits du demandeur, fait entrave à la justice, intenté des poursuites malveillantes, eu une inconduite dans leurs fonctions d’avocat/de juge et falsifié des documents juridiques contre ou concernant le demandeur.

[11]           Dans sa réponse à la présente requête, M. Beima a utilement tenté de préciser la nature de sa réclamation en termes juridiques :

[traduction] Je soutiens respectueusement que la présente demande vise l’obtention de dommages-intérêts par suite d’activités criminelles, de violation de mes droits, de contravention à diverses dispositions législatives canadiennes, de négligence, d’actes malveillants, d’inconduite de la part d’un avocat, de mise en danger de ma vie, de mise en danger de la vie et de la sécurité de mon fils, etc.

[12]           Même s’ils donnaient ouverture à une action devant la Cour fédérale, des faits insuffisants sont invoqués à l’appui de toutes ces causes d’action.

[13]           Il semblerait donc que M. Beima veut que la Cour lui accorde 750 000 000 $ en dommages-intérêts ainsi que les autres mesures de réparation susmentionnées en raison de ce qui suit :

a)      activités criminelles, y compris le chantage, l’extorsion, le parjure, la mise en danger de la vie de l’enfant et le fait d’avoir exposé un enfant à la violence sexuelle;

b)      violation de ses droits;

c)      violation de diverses dispositions législatives canadiennes;

d)      négligence;

e)      actes malveillants;

f)      inconduite de la part d’un avocat;

g)      mise en danger de sa vie;

h)      etc.

[14]           Les activités criminelles dont fait mention le demandeur dans sa réponse à la présente requête (paragraphe 37) [traduction« comprennent le chantage, l’extorsion, le parjure, la fabrication de documents, la complicité après le fait d’actes criminels comme l’atteinte à la pudeur d’un enfant et l’entrave à la justice ».

[15]           Au cours de l’audience tenue devant moi le 14 septembre 2015, M. Beima a expliqué qu’il avait intenté son action devant la Cour fédérale parce que les actes et les omissions dont il se plaignait mettaient tous en cause des employés fédéraux et des juges de la Cour de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale. D’après lui, il est simplement normal que la Cour fédérale exerce sa compétence et se saisisse de ses plaintes. À ses yeux, la compétence de notre Cour englobe toute activité fédérale. Il fait erreur, mais cela est compréhensible de la part d’un plaideur profane. De plus, il croit à tort que la Cour fédérale est un tribunal supérieur à toutes les cours supérieures provinciales et il s’est présenté devant notre Cour parce qu’il ne veut pas faire valoir ses recours devant ce qu’il considère être des cours inférieures.

[16]           La compétence de la Cour fédérale est énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators Ltd c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, à la page 766 [International Terminal Operators] :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[17]           M. Beima n’a pas tenté d’indiquer ni de plaider comment l’une ou l’autre de ses causes d’action satisfait aux exigences de l’arrêt International Terminal Operators, précité.

[18]           Manifestement, bien qu’elle ait exceptionnellement compétence en matière criminelle, la Cour n’a pas le pouvoir de se prononcer sur une conduite criminelle de la nature de celles qu’invoque le demandeur. Voir Gendarmerie royale du Canada (Sous‑commissaire) c Canada (Procureur général), 2007 CF 564, au paragraphe 38; Letourneau c Clearbrook Iron Works Ltd., 2005 CF 333, aux paragraphes 6 à 9.

[19]           La Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50, a donné naissance à une cause d’action contre la Couronne fondée sur la responsabilité du fait d’autrui et sur les délits civils de ses préposés. Normalement, la Cour fédérale aurait donc compétence pour instruire une telle action mais, comme la déclaration l’indique clairement, les actes qui sont reprochés aux préposés de la Couronne découlent d’autres instances devant d’autres tribunaux. Ainsi, M. Beima semble essayer d’attaquer indirectement des instances qui ont déjà eu lieu ou qui doivent être instruites par d’autres cours, ce qui constitue un abus de procédure devant notre Cour. Il est également clair que M. Beima cherche à obtenir des dommages-intérêts pour responsabilité du fait d’autrui dans une action en responsabilité civile délictuelle, mais il n’a prouvé aucun délit civil.

[20]           En ce qui concerne les allégations vagues de violation de ses droits et de diverses dispositions législatives canadiennes, M. Beima n’a pas réussi à exposer le fondement de tels droits ni à cerner les lois qui, à son avis, étayeraient une cause d’action devant la Cour fédérale.

[21]           Si par « actes malveillants », M. Beima veut parler d’une poursuite malveillante, cette question peut seulement être tranchée dans le cadre d’une instance criminelle; les actions fondées sur la perception des impôts (question qui sous-tend le présent litige) ne constituent pas une « poursuite » au sens du délit civil de poursuite malveillante. Voir Humby c Canada (Procureur général), 2009 CF 1238, aux paragraphes 29 et 30.

[22]           L’inconduite de la part d’un avocat dont il se plaint semble concerner la conduite de Mme Paige MacPherson, conseillère juridique de l’ARC. M. Beima a intenté une poursuite distincte contre Mme MacPherson dans le dossier T‑791‑15. Il n’est nulle part expliqué comment la conduite de la conseillère juridique de la partie adverse dans une instance en matière d’impôts peut donner naissance à une cause d’action, et encore moins à une cause action qui relèverait de notre Cour.

[23]           Ce que M. Beima veut dire par la mise en danger de la vie d’un enfant, par le fait d’exposer un enfant à la violence sexuelle et par la mise en danger de sa vie est loin d’être clair; toutefois, peu importe ce que cela signifie, il n’y a toujours pas moyen de lier de telles allégations à une action qui peut être intentée devant notre Cour.

[24]           Ce que M. Beima veut dire par « etc. » est tout à fait obscur. Il donne simplement avis qu’il se réserve le droit de porter d’autres accusations à l’avenir.

[25]           Il est également évident que la Cour n’a pas compétence pour ordonner que tout montant qu’elle pourrait accorder à M. Beima soit exonéré d’impôt. Tout litige concernant l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) ne peut être tranché que par la Cour canadienne de l’impôt. Dans le même ordre d’idées, la Cour n’a pas compétence pour ordonner à la Couronne de dispenser M. Beima de toute interaction avec les membres du personnel de l’ARC et de l’application de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, LC 1999, c 17.

[26]           Mon examen de la déclaration me porte à être du même avis que la défenderesse sur les questions suivantes :

a)      Les paragraphes 3 à 19, 33 et 80 (les allégations de « dettes falsifiées ») devraient être radiés, car il s’agit d’attaques indirectes de cotisations. Aucune allégation de cotisation délibérément erronée ne peut être accueillie, à moins que la nouvelle cotisation ne soit d’abord jugée invalide par la Cour canadienne de l’impôt. De même, aucune action en dommages-intérêts fondée sur une cotisation non valable ne peut être accueillie, à moins que la nouvelle cotisation ne soit d’abord jugée invalide par la Cour canadienne de l’impôt;

b)      Les allégations de « chantage » et d’« extorsion » au paragraphe 2 devraient également être radiées, parce qu’elles attaquent indirectement les cotisations;

c)      Les paragraphes 21, 29, 31 à 33, 35 et 36, 41 à 46, 48 à 60, 67 et 81 à 85 ainsi que les mentions de « parjure », d’« entrave à la justice », d’« inconduite de la part de juges » et de « falsification de documents juridiques » qui figurent un peu partout dans la demande doivent aussi être radiés, parce qu’ils attaquent la véracité des plaidoiries et de la preuve présentées dans d’autres instances judiciaires ainsi que la procédure suivie et les ordonnances rendues dans ces autres instances. Il s’agit d’attaques indirectes contre ces instances ainsi que d’un abus de procédure devant notre Cour;

d)     Les paragraphes 25, 27, 28, 30 et 34 font état de plaintes au sujet du traitement par les avocats de la Couronne du litige mettant en cause M. Beima. Toute action découlant de plaintes de cette nature est irrecevable en raison du principe juridique selon lequel un avocat n’a aucune obligation de diligence envers la partie adverse : Biron c Aviva Insurance Co, 2014 ONCA 558, au paragraphe 6. Autrement, les avocats se trouveraient au centre d’un conflit intenable entre leurs obligations envers leur client et la nécessité de se protéger contre l’adversaire de leur client.

[27]           Dans l’ensemble, M. Beima n’a pas été en mesure d’indiquer clairement (et la Cour a été incapable de la découvrir par elle-même) dans sa déclaration quelque cause d’action que ce soit à l’égard de laquelle la Cour aurait eu compétence ou qui ne serait pas inappropriée en raison du fait qu’elle constitue une attaque indirecte d’autres instances.

[28]           La déclaration regorge également d’autres problèmes. Elle ne réussit pas à présenter des faits suffisants pour étayer les allégations qui y sont formulées, elle contient beaucoup d’éléments dénués d’importance et est redondante, en plus de contenir des affirmations qui sont scandaleuses, frivoles et vexatoires, y compris des attaques contre des juges avec lesquels le demandeur a fait affaire. La Cour comprend que le demandeur est un plaideur profane et qu’il faut s’attendre à ce qu’il fasse des erreurs dans ses actes de procédure. Certaines d’entre elles pourraient être corrigées avec les conseils de la Cour si le demandeur avait la possibilité de modifier son acte de procédure. Toutefois, rien dans les observations du demandeur ni son acte de procédure que j’ai examiné ne donne à penser que la réclamation de 750 000 000 $ CAN pourrait être exposée de manière à relever de notre Cour, et M. Beima n’a pas expliqué comment sa déclaration pourrait être modifiée de manière à justifier l’instruction d’une action. Par conséquent, je ne vois aucun motif d’accorder au demandeur l’autorisation de modifier sa déclaration.

[29]           Les parties s’entendent sur les principes généraux qui régissent la radiation d’actes de procédure sous le régime de l’article 221 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Le critère consiste à déterminer s’il est clair et évident que la demande ne révèle aucune cause d’action raisonnable (voir Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S 959, à la page 980; Paradis Honey Ltd c Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2015 CAF 89, au paragraphe 37; Isis Nation Estates c Canada, 2013 CF 590, au paragraphe 2). Il est également clair qu’une requête en radiation est un outil qui devrait être utilisé avec parcimonie et qui devrait faire l’objet d’une analyse généreuse et favorable à l’instruction d’une nouvelle action (voir Imperial Tobacco Inc. c R. (Procureur général), 2011 CSC 42). Je suis également conscient que l’absence de compétence doit être « manifeste et établie hors de tout doute » quand des actes de procédure sont radiés pour cause d’absence de compétence (voir Kvaickovski Trade c Phoenix Bulk Carriers Ltd, 2007 CAF 381).

[30]           À mon avis, la question de la compétence est déterminante en l’espèce : il n’existe pas la moindre cause d’action à l’égard de laquelle la Cour aurait compétence (voir Spatling c Canada (Solliciteur général), 2003 CFPI 445; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Seifert, 2002 CFPI 859, au paragraphe 12).


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.      la déclaration est radiée avec dépens en faveur de la défenderesse, Sa Majesté la Reine;

2.      l’autorisation de modifier la déclaration est refusée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-790-15

 

INTITULÉ :

JOHN CHARLES BEIMA c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 SeptembrE 2015

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 DÉcembrE 2015

 

COMPARUTIONS :

John Charles Beima

 

EN SON NOM

 

Wendy Bridges

 

POUr La défenderesse

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

PoUr La défenderesse

 

 

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