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Date : 20151208


Dossier : T-2130-14

Référence : 2015 CF 1357

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

IRENE MCARTHUR

demanderesse

et

LA PREMIÈRE NATION WHITE BEAR

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande présentée par la demanderesse, en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (la Loi), relativement au contrôle judiciaire de la décision rendue le 18 septembre 2015 par l’arbitre James G. Garden (l’arbitre), qui a estimé que, même si la demanderesse a été embauchée par la Première Nation White Bear (la défenderesse) aux termes d’un contrat à durée déterminée et a été congédiée sans motif valable, elle n’avait pas droit à des dommages‑intérêts pour souffrance morale, à des dommages‑intérêts punitifs ni aux dépens avocat-client.

II.  LE CONTEXTE

[2]  La demanderesse, âgée de 42 ans, détient un certificat en gestion des ressources humaines ainsi qu’une accréditation pour l’administration d’un cabinet médical. Elle a auparavant travaillé comme conseillère auprès des étudiants pour le Saskatchewan Indian Institute of Technology.

[3]  Le titulaire du poste de coordonnateur des études postsecondaires de la Première Nation White Bear (le coordonnateur) est responsable de la planification, de la supervision et de l’orientation du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire de White Bear, un programme qui consiste à recueillir des fonds, à recevoir les candidatures des étudiants, à établir l’ordre de priorité des étudiants et à aider le conseil d’administration du Complexe éducatif White Bear inc (le Conseil) dans la tâche de décider quels étudiants recevront une aide financière.

[4]  La coordonnatrice précédente avait été élue au conseil de bande de la Première Nation White Bear après avoir occupé le poste de coordonnatrice pendant huit ans. C’est elle qui avait établi le budget de l’exercice 2011-2012.

[5]  Le 12 juillet 2011, le Conseil a adopté une résolution autorisant un poste de coordonnateur temporaire, pour la période allant du 15 août au 30 juin 2013. L’avis de possibilité d’emploi indiquait ce qui suit : [traduction] « Offre d’emploi : le Complexe éducatif de White Bear (niveau postsecondaire) recherche actuellement une personne enthousiaste et à forte personnalité pour occuper le poste de coordonnateur de l’enseignement postsecondaire (durée de deux ans). »

[6]  La demanderesse a été la candidate retenue et elle est entrée en fonction le 26 août 2011. Il n’y avait aucun contrat de travail écrit.

[7]  Il incombait à la demanderesse d’établir le budget de 2012-2013, qui prévoyait des recettes de 949 272 $ et des dépenses de 951 700 $. Cinquante-huit étudiants ont sollicité une aide financière en 2012 (huit de plus que l’année antérieure). Un rapport de juillet 2012 présenté au Conseil laissait entrevoir un excédent de 4 000 $ à la fin de juin 2012.

[8]  Le traitement des demandes d’aide financière requérait d’établir l’ordre de priorité des candidats inscrits sur la liste. La coordonnatrice et la réceptionniste devaient examiner la liste ensemble. La demanderesse a présenté au Conseil des rapports écrits faisant état d’un conflit de personnalités, notamment d’une attaque personnelle de la réceptionniste; une séance de médiation a eu lieu le 29 novembre 2011. Il s’agit là de l’unique document témoignant d’un problème précis durant la première année d’emploi de la demanderesse.

[9]  Le 11 septembre 2012, la demanderesse a fait savoir au Conseil qu’elle s’attendait, pour le mois d’août, à un déficit budgétaire d’environ 3 000 $. La demanderesse a expliqué que ce déficit résultait du fait que le Programme d’aide aux étudiants indiens (PAEI) avait été non productif, car le poste d’agent du Service d’aide financière avait été vacant et trois autres étudiants avaient été, à son insu, ajoutés par la réceptionniste à la liste des étudiants. Le Conseil n’était pas disposé à les retirer de la liste, de sorte que la demanderesse les a tout simplement intégrés, et ils sont devenus admissibles à une aide financière.

[10]  En novembre 2012, le rapport présenté au Conseil par la demanderesse révélait un déficit de 51 595,58 $. Dans un rapport de janvier 2013 adressé au Conseil, elle faisait état d’un déficit de 69 075,79 $, expliquant que les sommes prévues n’avaient pas été reçues du PAEI, que les étudiants commençaient le nouveau trimestre et que des livres (pour lesquels chaque étudiant reçoit une indemnité de 500 $ chaque trimestre) étaient en cours d’achat. Le rapport contenait une lettre de la secrétaire de direction et conseillère Leisa Grimes, qui recommandait un gel des dépenses et révélait que le chef et le conseil de bande avaient approuvé un prêt intérimaire de 20 000 $ de [traduction] « l’impôt », qui serait remboursé la première semaine de février 2013, lorsque les fonds du PAEI seraient versés à nouveau.

[11]  Le rapport de la demanderesse au Conseil daté du 19 mars 2013 faisait état d’un solde déficitaire de 67 703,57 $ et mentionnait que les fonds du PAEI n’avaient pas encore été versés. Le rapport contenait aussi un projet de budget pour 2013-2014, établi par la coordonnatrice précédente. La demanderesse y précisait que la coordonnatrice précédente voulait établir le budget, car elle envisageait de réintégrer son poste. La demanderesse avait volontiers accepté l’aide de celle qui l’avait précédée et qui avait davantage d’expérience.

[12]  La demanderesse a établi un rapport à l’intention du Conseil le 8 avril 2013, dans lequel elle précisait les engagements financiers à l’égard des étudiants et les recettes prévues pour les trois mois suivants. Après avoir quelque peu examiné le rapport, le Conseil a approuvé un prêt à court terme de Peace Hills Trust de 166 000 $. Une réunion du Conseil fut fixée au 18 avril 2013, au cours de laquelle seraient examinés les documents d’autorisation de découvert de Peace Hills Trust. La demanderesse n’a pas assisté à la réunion, car elle avait la grippe ce jour-là.

[13]  Le lendemain, 19 avril 2013, la demanderesse a reçu du Conseil une lettre contenant des [traduction« allégations de négligence dans l’accomplissement des tâches et autres comportements inacceptables ». La lettre donnait le détail de nombreuses allégations fondées sur : des défauts de paiement, des échéances non respectées, des défauts de suivre et de mettre en œuvre des politiques, des non-divulgations et des défauts de communications. Il ressortait de la lettre que la liste [traduction] « n’était pas exhaustive », que les allégations qu’elle renfermait [traduction« étaient graves » et que la demanderesse devait donner une réponse écrite [traduction« dans un délai de trois jours et au plus tard le 24 avril 2014 [2013] ».

[14]  Le 25 avril 2013, la demanderesse a envoyé au Conseil une lettre dans laquelle elle décrivait des incidents d’intimidations et de harcèlement de la part de la réceptionniste avec laquelle la coordonnatrice collabore étroitement. Le Conseil a accusé réception de cette lettre, en faisant savoir à la demanderesse, par lettre, que des mesures disciplinaires suivraient.

[15]  Le 6 mai 2013, la demanderesse a été informée par lettre qu’il était mis fin à son emploi « pour motif valable ». La lettre du Conseil faisait état d’une série de responsabilités dont la demanderesse ne s’était pas acquittée, à savoir : absence de paiement des fournisseurs et des institutions postsecondaires; non-respect du budget 2012-2013; non-respect des politiques; absence de communication avec le personnel et avec le Conseil; non-production des rapports requis.

[16]  La demanderesse a déposé, auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), une plainte de congédiement injuste. Dans sa lettre au ministre du Travail datée du 22 juillet 2013, elle priait le ministre de désigner un arbitre conformément au paragraphe 241(3) du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 (le Code). James G. Garden a tranché le litige à l’issue d’une audience tenue le 4 mars 2014 et le 14 avril 2014.

III.  LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[17]  Dans sa décision, l’arbitre a recensé quatre questions litigieuses principales à trancher dans l’appel formé par la demanderesse à l’encontre de son congédiement :

1.  [La demanderesse] a-t-elle été embauchée par la Première nation White Bear aux termes d’un contrat à durée déterminée, ou a-t-elle été embauchée pour une durée indéterminée?

2.  La Première nation White Bear avait-elle un motif valable de mettre fin à l’emploi de [la demanderesse]?

3.  Si [la demanderesse] n’a pas été congédiée pour un motif valable, quelle est l’indemnité à laquelle elle a droit? Les circonstances justifient-elles l’attribution de dommages-intérêts exemplaires, et la présente affaire se prête-t-elle à l’attribution de dommages-intérêts pour souffrance morale?

4.  [La demanderesse] devrait-elle se voir accorder des dépens avocat-client et, dans la négative, quels sont les dépens qui devraient lui être accordés?

A.  Première question – Contrat à durée déterminée ou à durée indéterminée

[18]  L’arbitre a estimé que la demanderesse et la défenderesse avaient eu un accord de volonté pour que la relation d’emploi soit d’une durée de deux ans, comme l’indiquait l’avis de possibilité d’emploi, mais il s’est montré hésitant sur la date exacte à laquelle la période de deux ans avait pris fin. Selon la décision, l’expression [traduction« durée de deux ans » pouvait signifier l’une quelconque des quatre dates possibles de fin suivantes : (i) la date à laquelle la coordonnatrice précédente avait réintégré son poste; (ii) le deuxième anniversaire (12 août 2013) du congé de la coordonnatrice précédente; (iii) le deuxième anniversaire (26 août 2013) du premier jour de travail de la demanderesse; (iv) le deuxième anniversaire (13 septembre 2013) de la motion du Conseil recommandant l’embauche de la demanderesse comme coordonnatrice. L’arbitre a conclu ainsi : [traduction« À mon avis, la [demanderesse] aurait raisonnablement compris que son contrat de travail avec la défenderesse prendrait fin, au plus tard, deux (2) ans à partir de la date de son embauche, c’est-à-dire le 26 août 2013, et je tire la conclusion factuelle que son contrat a pris fin à cette date ».

[19]  L’arbitre a eu du mal à accepter la prétention de la demanderesse selon laquelle elle avait été embauchée pour une durée indéterminée, en faisant observer que, compte tenu du propre témoignage de la demanderesse, et puisqu’elle avait admis avoir lu l’avis de possibilité d’emploi, elle devait savoir que le poste était d’une durée déterminée. Il n’existait aucun contrat de travail sous forme écrite, mais, lors du contre-interrogatoire, la demanderesse a déclaré qu’elle savait qu’elle remplaçait la coordonnatrice en titre, laquelle avait demandé un congé de deux ans en raison de son élection comme conseillère de la bande.

B.  Deuxième question – Motif valable

[20]  L’arbitre a classé ainsi les « motifs valables » invoqués par le Conseil pour justifier le congédiement de la demanderesse : (i) défaut de payer les tiers en temps opportun; (ii) défaut de rédiger et produire les rapports en temps opportun; (iii) manquements mineurs aux politiques établies; (iv) non-respect du budget 2012-2013, entraînant un déficit de 166 000 $.

[21]  Selon l’arbitre, la preuve n’appuyait pas les allégations de la défenderesse relatives au défaut de la demanderesse à payer les tiers, ou du non-respect de certaines échéances. Une explication raisonnable, généralement liée aux aspects financiers, a été fournie par la demanderesse. L’arbitre a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[...] même s’il existait un réel fondement pour les allégations de la défenderesse concernant le fait que la demanderesse n’a pas présenté de rapport, n’a pas effectué un paiement ou a fait des entorses mineures aux politiques établies, la défenderesse n’était pas fondée en droit à mettre fin à l’emploi de la demanderesse sans d’abord entreprendre des mesures disciplinaires progressives.

[22]  La demanderesse a affirmé qu’elle n’avait pas les clés du bureau et qu’elle n’était pas autorisée à pénétrer dans le bureau sans supervision. Elle a aussi déclaré qu’elle avait été malade pendant deux jours lorsque la lettre a été remise et qu’elle n’avait pu respecter la date d’échéance. L’arbitre a conclu que le délai de trois jours fixé par le Conseil dans sa lettre du 19 avril 2013 était déraisonnable. L’arbitre a donc exclu cette lettre du dossier disciplinaire de la demanderesse.

[23]  L’arbitre a fait remarquer que le meilleur argument de la défenderesse pour établir un motif valable de congédiement était celui selon lequel la demanderesse [traduction« n’était pas qualifiée ou compétente pour le poste de [coordonnatrice] » et que cela [traduction« n’est apparu évident au Conseil que lorsque le déficit budgétaire s’est rapidement creusé au début de 2013 ». Toutefois, l’arbitre a estimé que cet argument était difficile à admettre. La demanderesse avait accompli avec succès sa période d’essai de trois mois, et son rendement au travail n’avait posé aucune difficulté durant sa première année complète d’emploi. La défenderesse n’avait pas non plus établi le niveau d’inconduite nécessaire pour être dispensée de recourir à des mesures disciplinaires progressives.

[24]  L’arbitre a reconnu que la première raison du déficit budgétaire était le nombre élevé d’étudiants inscrits, ainsi que l’absence de financement adéquat du programme. Trois étudiants avaient été ajoutés au programme, alors que leurs candidatures étaient tardives. Selon la demanderesse, ils avaient été ajoutés discrètement à la liste par la réceptionniste, et le Conseil lui avait simplement dit de [traduction« s’occuper du problème ». L’arbitre a relevé que la demanderesse avait auparavant refusé une candidature tardive. Pourtant, la lacune de la preuve sur la question de savoir quand, comment et pourquoi les trois étudiants additionnels avaient été admis à recevoir une aide financière ne correspondait guère à l’attitude généralement prudente affichée par la demanderesse.

[25]  Toutefois, l’arbitre a relevé que la défenderesse n’avait pas réfuté la preuve montrant que les trois étudiants avaient été ajoutés à la liste par la réceptionniste, que le Conseil était informé de leur aide financière et l’avait approuvée, que la demanderesse avait dû s’accommoder des circonstances.

[26]  L’arbitre a conclu que la demanderesse avait été congédiée sans motif valable, faisant observer que [traduction« la défenderesse ne saurait maintenant avancer d’une manière crédible que [la demanderesse] était responsable de l’important déficit budgétaire parce qu’elle n’était ni qualifiée ni compétente pour accomplir ses tâches de [coordonnatrice]. »

C.  Troisième question – Indemnité

[27]  L’arbitre a appliqué le principe de l’indemnisation intégrale pour évaluer le droit de la demanderesse à recevoir une indemnité, son intention étant d’accorder une réparation pour les pertes entraînées par le congédiement : Larocque c Louis Bull Tribe, [2006] CLAD no 111, au paragraphe 32. À cette fin, il devait, selon lui, chiffrer la perte de salaire et la perte des avantages sociaux de la demanderesse pour la période de 16 semaines commençant à la date de son congédiement (6 mai 2013) et se terminant à la date à laquelle son contrat de deux ans avec la défenderesse aurait autrement pris fin (26 août 2013).

[28]  L’arbitre a calculé les pertes ainsi :

revenu d’emploi comme [coordonnatrice]  14 882,88 $

revenu d’emploi comme coordonnatrice du SITAG  2 000 $

cotisation de pension correspondante de

l’employeur à 5,5 %  928,56 $

pertes totales  17 811,44 $

[29]  L’arbitre a relevé qu’il n’existait aucune preuve ni aucun fondement justifiant une indemnité pour journées fériées perdues. Par ailleurs, même s’il existait une preuve médicale montrant que la demanderesse souffrait de dépression, le lien de causalité entre la dépression et le congédiement n’était pas établi.

D.  Quatrième question – Dépens

[30]  Selon l’arbitre, des dommages-intérêts exemplaires n’étaient pas justifiés par les faits, et la demanderesse se livrait à des conjectures quand elle affirmait que les mesures prises par la défenderesse étaient fondées sur des motivations politiques. Il est normal de pointer du doigt les dirigeants et les gestionnaires lorsqu’un programme ne se déroule pas comme espéré. L’arbitre a ajouté que :

[traduction]

[...] je suis arrivé à la conclusion que [la demanderesse] n’a pas été congédiée pour un motif valable par la défenderesse, mais j’ai l’impression que [la demanderesse] aurait pu faire davantage pour mieux communiquer et mieux gérer la situation (le cas des trois étudiants additionnels ajoutés à la liste) avec le [Conseil].

[31]  Étant donné que deux jours d’audience avaient été nécessaires, l’arbitre a adjugé des dépens de 4 000 $.

[32]  L’appel a été accueilli, et l’indemnité totale accordée à la demanderesse était de 21 811,44 $.

IV.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[33]  La demanderesse soumet plusieurs questions à trancher dans la présente demande, que je reproduis de manière simplifiée ci-après :

  1. L’arbitre a-t-il appliqué le bon critère juridique quant aux aspects suivants :

  1. Y avait-il eu accord de volonté des parties sur le fait que la relation d’emploi était d’une durée déterminée et comportait une date de fin?

  2. Le Statute of Frauds, 1677, 29 Car II, c 3 (le Statute of Frauds) est-il applicable à l’espèce?

  1. L’arbitre a-t-il manqué à l’équité procédurale :

  1. lorsqu’il ne s’est pas acquitté de son obligation légale de fournir des motifs et qu’il a omis ou méconnu les arguments de la demanderesse relatifs à l’application du Statute of Frauds?

  2. Lorsqu’il a tiré des conclusions de fait contraires à la preuve, ou en l’absence de preuve étayant de telles conclusions?

  ii.  Lorsqu’il s’est écarté de la procédure établie pour la production de documents?

  1. Les dépens ont-ils été erronément évalués :

  1. L’arbitre a-t-il omis d’examiner les principes juridiques applicables à l’adjudication des dépens avocat-client?

  2. Des dépens devraient-ils être adjugés à la demanderesse parce qu’elle s’est présentée au contre-interrogatoire le 23 mars 2015?

V.  LA NORME DE CONTRÔLE

[34]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a jugé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question donnée qui est soumise à la juridiction de contrôle est établie d’une manière satisfaisante par la jurisprudence, la juridiction de contrôle peut faire sienne cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette quête se révèle infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la juridiction de contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[35]  Les deux parties affirment que la Cour doit prendre en compte la clause privative figurant à l’article 243 du Code. Selon la défenderesse, la Cour fédérale se doit d’acquiescer aux conclusions des arbitres : Colistro c Banque de Montréal, 2007 CF 540.

[36]  La défenderesse concède que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est la décision correcte. Toutefois, la défenderesse soutient que la Cour fédérale a déjà déterminé le niveau de la retenue qui devrait être montrée dans un cas de congédiement injuste, dictant ainsi l’application de la norme de la décision raisonnable : Payne c Banque de Montréal, 2013 CF 464; MacFarlane c Day & Ross Inc, 2013 CF 464, au paragraphe 34; Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 (CSC), au paragraphe 43 (Khosa).

[37]  La première question en litige soulève deux questions, à savoir une question mixte de droit et de fait et une question de droit. La question de savoir si l’arbitre a validement énoncé le critère permettant de dire si les parties avaient un accord de volonté pour que la relation d’emploi soit d’une durée déterminée est une question qui requiert de se demander si les faits s’accordent avec le critère employé par l’arbitre, et qui sera contrôlée selon la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir, précité, au paragraphe 53. Toutefois, en tant que question de droit, celle de savoir si le Statute of Frauds s’applique en l’espèce sera contrôlée selon la norme de la décision correcte.

[38]  Les questions d’équité procédurale seront contrôlées selon la norme de la décision correcte, mais, parmi les points soulevés dans la deuxième question en litige, seul le point (ii) soulève véritablement une question d’équité procédurale, puisqu’une obligation d’équité prend naissance lorsqu’un demandeur a une attente selon laquelle une procédure sera respectée : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 26 (Baker). Toutefois, les points (i) et (iii) concernent l’appréciation, l’interprétation et l’évaluation des arguments et des preuves présentés par les parties, et ils reviennent à se demander si la décision de l’arbitre était raisonnable : Shatirishvili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 407.

[39]  Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision était déraisonnable, au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[40]  Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :

Recours extraordinaires : offices fédéraux

Extraordinary remedies, federal tribunals

18. (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

18. (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

[...]

[...]

Exercice des recours

Remedies to be obtained on application

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

(3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1.

Demande de contrôle judiciaire

Application for Judicial Review

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

Délai de présentation

Time Limitation

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

Pouvoirs de la Cour fédérale

Powers of Federal Court

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Motifs

Grounds of Review

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(f) acted in any other way that was contrary to law.

Vice de forme

Defect in terms of technical irregularity

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées.

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate.

[41]  Les dispositions suivantes du Code sont applicables à la présente instance :

Caractère définitif des décisions

Decision not to be reviewed by court

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

Interdiction de recours extraordinaires

No review by certiorari, etc.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

VII.  LES ARGUMENTS

A.  La demanderesse

(1)  Première question – Le bon critère juridique

[42]  Selon la demanderesse, la conclusion de l’arbitre selon laquelle les parties avaient un accord de volonté d’après lequel la relation d’emploi était d’une durée déterminée de deux ans était une conclusion factuelle erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments dont l’arbitre disposait. La demanderesse affirme que son témoignage, duquel l’arbitre a déduit qu’elle savait que le contrat était un contrat à durée déterminée, a été mal compris par l’arbitre.

[43]  Selon la demanderesse, en droit, il faut un libellé explicite et sans équivoque pour établir l’existence d’un contrat à durée déterminée, et cette absence d’équivoque sera interprétée de façon stricte contre l’employeur. Un contrat à durée déterminée constitue une exception à la règle générale selon laquelle un emploi est d’une durée indéterminée. Voir Canelas c People First of Canada, 2009 MBQB 67 (Canelas), décision dans laquelle la Cour du banc de la Reine du Manitoba évoquait les principes applicables aux contrats à durée déterminée :

[traduction]

[...] pour qu’un contrat soit à durée déterminée, l’intention des parties doit être clairement exprimée ou nécessairement implicite. Si le contrat est intégralement sous forme écrite et qu’il est équivoque, alors la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque pourra être admise pour dissiper le caractère équivoque [...] Si l’une des parties seulement voulait que la durée soit déterminée, cela est insuffisant (au paragraphe 11).

[44]  La demanderesse affirme aussi que le Statute of Frauds (qui reste en vigueur en Saskatchewan en tant que « droit admis ») s’applique de façon égale à l’employé et à l’employeur et que, en conséquence, les ententes conclues oralement qui vont au-delà d’un an doivent être sous forme écrite : Commission de la réforme du droit de la Saskatchewan (Law Reform Commission of Saskatchewan), Rapport sur la disposition du droit anglais d’origine législative en Saskatchewan (Report on Disposal of English Statute Law in Saskatchewan) (mai 2006), aux pages 4 à 7 (Rapport de la Commission de réforme du droit); Lavallee c Siksika Nation, 2011 ABQB 49 (Lavallee); Erlund c Quality Communications Products Ltd et al, [1972] 29 DLR (3d) 476. Autrement, elles n’auront pas force obligatoire : Smith c Mills (1913), 6 Sask LR 181 (CA Sask), au paragraphe 5; Lavallee, précitée, aux paragraphes 94 à 99.

[45]  Lorsque le Statute of Frauds n’est pas en cause, on peut conclure à l’existence d’un contrat obligatoire, s’il y a accord de volonté des parties : 101008161 Saskatchewan Ltd c Saskatchewan Wheat Pool, 2002 SKQB 209, au paragraphe 30. Le bon critère juridique est le suivant : pour qu’il y ait un contrat, il faut un libellé explicite et non équivoque. En l’espèce, il n’y avait pas de contrat écrit, il faut donc examiner les faits qui ont eu lieu entre la mi‑juillet 2011 et le 26 août 2011. Durant la procédure d’arbitrage, l’intimée [la défenderesse] a produit quatre documents : l’avis de possibilité d’emploi de coordonnateur postsecondaire; le procès-verbal de la réunion du Conseil du 12 juillet 2011; un courriel du 23 août 2011 énonçant les conditions d’emploi de l’appelante [la demanderesse]; une lettre de l’appelante [la demanderesse] qui faisait référence à une motion du Conseil.

[46]  Selon la demanderesse, à aucun moment entre la mi-août 2011 et le 26 août, la défenderesse, pas plus que le comité de sélection, ne l’a informée que le poste de coordonnateur était un poste à durée déterminée, et elle ajoute qu’aucune preuve indiquant le contraire n’a été présentée à l’arbitre.

[47]  La défenderesse prétend que, en laissant la coordonnatrice en titre préparer et présenter, le 19 mars 2013, le budget de l’éducation postsecondaire pour l’année 2013-2014, la demanderesse reconnaissait, par ce fait, que son poste était temporaire, mais la demanderesse affirme que la présentation d’un budget ne permet pas de conclure, en droit, à l’existence d’un contrat à durée déterminée. La défenderesse avance ici deux positions contraires : (i) la préparation du budget par la coordonnatrice précédente est la preuve que la demanderesse savait que son poste était temporaire; (ii) la demanderesse s’est vu reprocher de ne pas avoir remis au Conseil le budget après qu’elle fut priée de le faire à la réunion du Conseil du 19 mars 2013.

[48]  La demanderesse soutient que :

[traduction]

En toute humilité, si [la demanderesse] a reconnu qu’elle remplaçait [la coordonnatrice précédente] et que, pour le cas où celle‑ci ne serait pas réélue, elle réintégrerait son poste, cela ne prouve pas que les parties avaient un accord de volonté que l’emploi de la demanderesse était un emploi à durée déterminée qui prendrait fin le 26 août 2013. Cela prouve toutefois que, pour le cas où [la coordonnatrice précédente] était réélue conseillère de la Première nation White Bear, [la demanderesse] continuerait d’occuper ce poste. Si d’aventure [la coordonnatrice précédente] n’était pas réélue conseillère de la Première nation, et même si elle souhaitait réintégrer son poste [la défenderesse] allait devoir prendre une décision. Elle pourrait choisir de :

i.  maintenir [la demanderesse] au poste de coordonnatrice postsecondaire et signifier un préavis raisonnable à [la coordonnatrice précédente] ou lui verser une indemnité de préavis;

ii.  réintégrer [la coordonnatrice précédente] dans le poste de coordonnatrice postsecondaire et signifier un préavis raisonnable à [la demanderesse] ou lui verser une indemnité de préavis.

[49]  La demanderesse fait observer que le congé de maternité sollicité par la coordonnatrice précédente a été approuvé à compter du 1er septembre 2013, de sorte que, si la demanderesse n’avait pas été congédiée injustement, elle aurait été maintenue dans son poste au-delà de cette date.

[50]  Si l’on considère l’absence d’un contrat de travail sous une forme écrite, le fait que la description de poste sur laquelle s’est fondée l’arbitre n’a pas été présentée à la demanderesse, et le fait que l’arbitre n’a pas tenu compte de l’argument de la défenderesse concernant la date de fin du contrat et a choisi une date totalement différente, il est évident que la conclusion de l’arbitre selon laquelle il y avait accord de volonté des parties a été tirée sans preuve corroborante. Sur ce seul motif, la décision de l’arbitre devrait être annulée.

[51]  Selon la demanderesse, l’arbitre n’a pas fait référence à l’application du Statute of Frauds. Lorsque l’arbitre n’a pas tenu compte des arguments de la demanderesse à cet égard, il a commis une grave erreur judiciaire.

[52]  Par ailleurs, la défenderesse peut difficilement soutenir qu’il serait injuste d’appliquer le Statute of Frauds, étant donné que la Politique sur le personnel de la Première nation White Bear, datée du 22 mai 2009, obligeait les employés actuels à s’assurer que tous les nouveaux employés signent une entente écrite avant d’entrer en fonction. La décision de l’arbitre devrait être annulée en faveur de la position de la demanderesse selon laquelle son emploi était un emploi à durée indéterminée.

(2)  Deuxième question – Équité procédurale

[53]  Selon la demanderesse, en obligeant les avocats des deux parties à communiquer des documents au moins 48 heures avant l’arbitrage du 4 mars 2014, l’arbitre a établi une procédure conforme à l’alinéa 242(2)b) du Code. Au cours d’une communication entre les avocats le 26 février 2014, la défenderesse n’a pas mentionné qu’elle soutiendrait que la relation d’emploi entre les parties était fondée sur un contrat à durée déterminée. Aucune référence n’a été faite non plus de cet argument dans les documents que la défenderesse a divulgués et envoyés le 28 février 2014.

[54]  L’arbitre a permis le dépôt des documents présentés par la défenderesse la première fois au cours du contre-interrogatoire de la demanderesse le 4 mars 2014. L’arbitre s’écartait ainsi de la procédure qu’il avait lui-même établie. Ces documents auraient dû au contraire être exclus ou, subsidiairement, s’ils étaient jugés recevables, cet aspect aurait dû être d’un grand intérêt quant à la question des dépens avocat-client. Invoquant les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, la demanderesse souligne que « plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses » : Baker, précité, au paragraphe 25.

[55]  La demanderesse soutient que, vu le caractère sérieux de sa demande formée contre la défenderesse, la règle fixée par l’arbitre selon laquelle les documents devaient être communiqués au moins 48 heures avant le début de l’audience aurait dû être observée. La demanderesse avait une attente légitime selon laquelle elle aurait droit à ces protections procédurales fondamentales, mais elles ne lui ont pas été accordées. La demanderesse soutient que l’arbitre l’a de ce fait privée de l’équité procédurale et qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’empêcher une employée de connaître la preuve qui pesait contre elle.

(3)  Troisième question – Dommages-intérêts et dépens

[56]  La demanderesse voudrait obtenir : une indemnité pour perte de salaire (58 702,81 $); un remboursement partiel des dépens avocat-client (12 500 $, plus les taxes applicables); les frais majorés du contre-interrogatoire du 30 mars 2014 (1 555,65 $); les coûts afférents à la présente demande; les frais de déplacement (920 $).

[57]  Selon la demanderesse, les réparations pour congédiement injuste qui sont énumérées au paragraphe 242(4) du Code devraient être interprétées d’une manière libérale et inclure les indemnités, la réintégration, de même que l’obligation pour l’employeur de prendre toute autre mesure qu’il est équitable de lui imposer. L’arbitre ne devrait pas limiter l’indemnité pécuniaire aux paiements prévus par le Code ni appliquer les principes issus de la common law du « préavis raisonnable », qui sont applicables dans une action civile en congédiement injuste : Slaight Communications Inc c Davidson [1985] 1 CF 253; Énergie atomique du Canada ltée c Sheikholeslami, [1985] 3 RCF 49. Le paragraphe 242(4) est conçu pour permettre une indemnisation complète du préjudice subi. L’indemnité ne se limite pas à l’indemnité de départ à laquelle l’employé a droit; elle n’est pas non plus calculée par référence au préavis qui aurait dû être donné à l’employé : Première nation de Wolf Lake c Young, (1997) 130 FTR 115.

[58]  Selon la demanderesse, l’arbitre doit accorder un montant qui ne dépasse pas ce que l’employé aurait par ailleurs reçu, en l’absence du congédiement injuste, calculé à partir de la date du congédiement injuste jusqu’à la date de l’audience : Greyeyes c Ahtahkakoop Cree Nation, [2003] CLAS no 205 (Greyeyes).

[59]  La demanderesse ajoute que l’arbitre a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais principe (le principe de l’indemnisation intégrale). La présente affaire soulevait de nombreuses questions complexes qui nécessitaient l’intervention des avocats; une indemnité au titre des frais est donc justifiée : Greyeyes, précitée. En outre, l’audition de l’affaire a eu lieu pendant deux journées, et cela devrait également être pris en compte dans les dépens.

[60]  La demanderesse sollicite aussi les frais majorés entraînés par sa présence au contre‑interrogatoire; c’est une étape qui, selon elle, a été imposée par esprit de vengeance, a prolongé l’audience, et a réduit l’aptitude de la demanderesse à se préparer et à appeler des témoins.

B.  La défenderesse

(1)  Première question – Le bon critère juridique

[61]  Selon la défenderesse, l’argument avancé par la demanderesse quant à l’application du Statute of Frauds est un faux-fuyant. Si le contrat était un contrat à durée déterminée, sa date de fin ne pouvait être postérieure au mois d’août, période pour laquelle des dommages-intérêts ont déjà été octroyés. Si le contrat était renouvelé de mois en mois, la demanderesse a en fait reçu un préavis de quatre mois, ce qui est raisonnable compte tenu des circonstances, et compatible avec le principe de l’indemnisation intégrale prévu par le Code.

[62]  En outre, la question de savoir si le Statute of Frauds est ou non applicable n’intéresse pas l’évaluation de l’indemnité, puisque l’inobservation du Statute of Frauds ne saurait fonder des dommages-intérêts accrus. L’inobservation des règles n’est pas la cause réelle de la perte de salaire, en particulier compte tenu de la conclusion de congédiement injuste qui n’est pas susceptible de contrôle judiciaire.

[63]  La défenderesse affirme aussi que la demanderesse n’a pas produit de preuve des dépens avocat-client ni des frais de déplacement engagés par elle pour aller rencontrer son avocat. Ces frais ont certes été réclamés, mais nulle preuve de leur montant n’a été produite. L’arbitre n’a fait aucune référence aux dommages-intérêts exemplaires que la demanderesse sollicitait (une réclamation de 100 000 $).

(2)  Deuxième question – Équité procédurale

[64]  S’agissant des documents déposés la première fois au contre-interrogatoire, la défenderesse déclare que, même si la demanderesse s’est opposée à leur dépôt, elle n’a sollicité aucun report d’audience après la décision concluant à leur admission.

[65]  Selon la défenderesse, la preuve produite par la demanderesse à propos d’un poste d’une durée limitée à deux ans permet d’affirmer qu’elle occupait un poste à durée déterminée. Il est donc évident que les pièces et documents déposés sont exacts et cohérents et qu’ils ne créent aucun préjudice pour la demanderesse.

[66]  La défenderesse cite l’ouvrage de l’auteure Sara Blake, (Le droit administratif au Canada) Administrative Law in Canada, 5e édition (Markham, Ontario : LexisNexis Butterworths, 2011), à la page 214 :

[traduction]

[...] des vices de procédure mineurs qui n’entraînent pas une injustice pour la partie plaignante ne persuaderont pas une cour de justice de renverser la décision d’un tribunal. Il existe une présomption selon laquelle la procédure suivie était équitable. Il incombe à la partie plaignante de convaincre la cour que le tribunal a commis une grave erreur de procédure et que cette erreur a entraîné une injustice.

[67]  La défenderesse affirme aussi que, même si l’arbitre a commis une erreur en déclarant recevable la preuve produite lors du contre-interrogatoire, cela ne serait d’aucune importance puisque, en tout état de cause, la décision de l’arbitre est équitable.

[68]  En ce qui a trait à l’argument de la demanderesse pour qui la décision de l’arbitre a été rendue de façon abusive ou arbitraire, la défenderesse y répond par trois arguments principaux.

[69]  Premièrement, la conclusion selon laquelle il y a eu accord de volonté des parties est cohérente avec l’aveu de la demanderesse, dont la décision fait état. Toutefois, le résultat demeure équitable même si le contrat de travail n’était pas un contrat à durée déterminée.

[70]  Deuxièmement, la décision de l’arbitre, longue de 24 pages, aborde presque tous les points soulevés par la demanderesse, et cela d’une manière claire qui démontre que l’analyse des faits était intelligible et explicite.

[71]  Troisièmement, la décision de l’arbitre appartenait certainement aux issues possibles acceptables. La défenderesse fait valoir que la demanderesse a reçu une indemnité de préavis de quatre mois, plus les frais, alors qu’elle aurait pu recevoir une indemnité de préavis de deux mois seulement, voire aucune indemnité. L’issue est équitable et conforme au principe de l’indemnisation intégrale. La défenderesse déclare que la demanderesse voulait davantage et a finalement obtenu moins, à l’instar de nombreux autres plaideurs. La décision de l’arbitre était à la fois raisonnable et correcte et elle appartient aux issues acceptables, même si elle ne plaît pas à la demanderesse.

(3)  Troisième question – Dépens

[72]  Selon la défenderesse, les dépens accordés par l’arbitre étaient équitables dans le contexte d’un congédiement injuste; la demanderesse a en réalité reçu une indemnité de préavis de quatre mois, ainsi que les dépens afférents à l’audience, au taux approximatif d’un jour et demi.

[73]  En Saskatchewan, il a été jugé que les dépens avocat-client sont exceptionnels par nature. La Cour d’appel de la Saskatchewan a estimé qu’ils doivent être accordés dans les cas où la conduite de la partie contre laquelle ils sont demandés est considérée comme scandaleuse, choquante ou répréhensible. Ils ne constituent pas une réaction à la conduite qui a donné lieu au litige, mais ont plutôt pour objet de critiquer le comportement qui s’y rapporte, et ils peuvent être accordés dans des cas exceptionnels à l’autre partie à titre d’indemnisation intégrale pour frais raisonnablement engagés : Hope c Pylypow, 2015 SKCA 26; Siemens c Bawolin, 2001 SKCA 84.

[74]  La défenderesse déclare que la décision de l’arbitre n’aurait vraisemblablement pas été différente si les documents versés dans le dossier lors du contre-interrogatoire n’avaient pas été jugés recevables. Les prétentions de la demanderesse selon lesquelles la production de ces documents est un élément central dans le présent appel et relativement aux dépens est donc sans fondement.

VIII.  ANALYSE

[75]  La demanderesse a soulevé plusieurs motifs de contrôle, notamment des questions d’équité procédurale. Toutefois, à mon avis, il n’est pas nécessaire que la Cour examine toutes les questions soulevées. La décision de l’arbitre est entachée d’erreurs fondamentales qui commandent un renvoi de l’affaire pour qu’elle soit examinée à nouveau. Ces erreurs sont manifestes dans les conclusions de l’arbitre selon lesquelles le contrat de travail de la demanderesse était à durée déterminée :

[traduction]

[34]  La difficulté que me pose la prétention de l’avocat selon laquelle l’appelante était embauchée pour une durée indéterminée est que cette prétention est contraire au témoignage de l’appelante, Irene McArthur. L’appelante a reconnu avoir lu l’avis de possibilité d’emploi de la défenderesse portant sur le poste de coordonnateur postsecondaire, avis qui indique clairement que le poste est d’une durée de deux ans. En contre-interrogatoire, l’appelante a reconnu qu’elle remplaçait Diette Kinistino, qui sollicitait un congé de deux ans, la durée de son mandat électif comme conseillère de l’intimée. L’appelante a aussi reconnu que, si Diette Kinistino n’était pas réélue, celle-ci chercherait à réintégrer son poste. Je suis donc d’avis que l’appelante et l’intimée étaient toutes deux d’avis que la relation d’emploi serait d’une durée de deux ans, comme indiqué dans l’avis de possibilité d’emploi. Toutefois, après être arrivé à cette conclusion, je concède qu’il existe une incertitude sur la date exacte de la fin du contrat de deux ans.

[76]  Malheureusement, il n’existe aucune transcription de l’audience qui a eu lieu le 4 mars 2014 et le 14 avril 2014. Cependant, nous savons que la demanderesse n’a pas témoigné à l’audience du 14 avril 2014. Elle a témoigné et a été contre-interrogée le 4 mars 2014. Aucune des parties ne conteste que l’avis de possibilité d’emploi concernant le poste de coordonnateur postsecondaire (pièce R-4) a été envoyé par l’avocat de la défenderesse à l’avocat de la demanderesse le 6 mars 2014 et a été présenté par l’avocat de la défenderesse à l’audience du 14 avril 2014, au cours de laquelle la demanderesse n’a pas témoigné. Ainsi, il n’y avait aucun fondement à la conclusion de l’arbitre selon laquelle la demanderesse avait reconnu avoir lu l’avis de possibilité d’emploi et la mention qu’il contenait que le contrat serait d’une durée de deux ans.

[77]  Il ressort aussi de toute évidence du dossier dont je dispose que, durant la période allant de la mi-juillet 2011 au 26 août 2011 qui avait mené à l’embauche de la demanderesse, les seuls documents qui ont été communiqués entre les parties étaient la description de poste, ainsi que la lettre d’accompagnement et le curriculum vitae de la demanderesse, dont aucun ne fait référence à une durée de deux ans. La demanderesse a aussi produit une preuve par affidavit montrant que, avant qu’elle ne soit embauchée, quiconque agissant pour le compte de la défenderesse, y compris au sein du comité de sélection, ne l’avait informée que le poste était d’une durée déterminée.

[78]  La défenderesse a pu déposer des documents à l’audience – avec l’assentiment de l’arbitre, et en dépit de l’objection de la demanderesse – afin d’établir que le poste était d’une durée déterminée. La pièce R-1 est une lettre datée du 6 février 2012, et la demanderesse a effectivement affirmé avoir vu ce document, mais il est daté de six mois après l’entrée en fonction de la demanderesse, de sorte qu’il ne constitue pas la preuve qu’elle avait consenti à un contrat à durée déterminée. Ce document est sans doute celui que l’arbitre avait à l’esprit quand il a erronément conclu que la demanderesse avait témoigné avoir vu l’avis de possibilité d’emploi. La pièce R-2 est un courriel daté du 23 août 2011 qui parle des conditions d’emploi, mais il s’agit simplement d’une communication interne que la demanderesse affirmait ne pas avoir vue, de sorte que ce courriel ne permet pas de conclure qu’elle avait consenti à un contrat à durée déterminée. La pièce R-3 est le procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration du 12 juillet 2011, mais, là encore, il s’agit d’un document interne dont il n’est pas prouvé que la demanderesse ait pu le voir.

[79]  La conclusion de l’arbitre, au paragraphe 34 de sa décision, est elle aussi fondée sur le témoignage de la demanderesse selon lequel elle remplaçait Diette Kinistino et que Mme Kinistino pourrait vouloir réintégrer son poste si elle n’était pas réélue conseillère, mais, sans la preuve que la demanderesse avait vu l’avis de possibilité d’emploi, cela ne permet pas de conclure que [traduction] « l’appelante et l’intimée avaient un accord de volonté selon lequel la relation d’emploi serait d’une durée de deux ans, comme indiqué dans l’avis de possibilité d’emploi ».

[80]  Comme le fait observer la demanderesse, et comme l’arbitre le reconnaît dans sa décision, lorsqu’il cite la décision Canelas, précitée, pour qu’un contrat soit à durée déterminée, [traduction« l’intention des parties doit être clairement exprimée ou nécessairement implicite » :

[traduction]

[11]  Comme indiqué au paragraphe 4, la première question est de savoir si M. Canelas était employé en vertu d’un contrat à durée déterminée. L’emploi fondé sur un contrat à durée déterminée est l’exception, non la règle. Un contrat à durée déterminée peut être sous forme écrite, ou être un contrat oral, ou un contrat partiellement écrit et partiellement oral. La durée peut être déterminée en fonction d’une certaine date ou d’un certain événement. Toutefois, pour qu’un contrat soit à durée déterminée, l’intention des parties doit être clairement exprimée ou nécessairement implicite. Si le contrat est intégralement sous forme écrite et qu’il est équivoque, la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque pourra être admise afin de dissiper le caractère équivoque. La règle contra proferentem est applicable, en ce sens que la phrase équivoque sera interprétée contre celui qui a rédigé le contrat. Les parties doivent avoir un accord de volonté quant à la durée. Si une seule des parties voulait que la durée soit déterminée, cela est insuffisant. La pratique ou l’arrangement qui a cours dans la communauté ou dans le secteur industriel constitue à ce titre une preuve pertinente et utile. Il a été jugé que [traduction] « une durée déterminée ne devrait pas être implicite dans un contrat à moins qu’elle ne soit nécessaire pour lui conférer une efficacité en affaires ». (Wrongful Dismissal Practice Manual, volume 1, 2e édition, feuillets mobiles (Markham : Butterworths, LexisNexis Canada Inc.), de Ellen E. Mole, au paragraphe 1.26). L’auteure a ajouté ce qui suit :

§1.36 Bien entendu, l’existence de tout contrat à durée déterminée est une question de fait et sera fondée à la fois sur les termes employés et sur le caractère raisonnable ou non des hypothèses que font les parties à partir de ces termes. L’hypothèse d’une partie à un contrat ne conduira pas en général à une durée déterminée vis-à-vis de l’autre partie. Lorsqu’une lettre confirme les détails d’un accord, mais sans rien dire de la durée précise d’un emploi, une durée déterminée ne peut être implicite si elle n’est pas nécessaire pour conférer au contrat une efficacité en affaires. La règle d’exclusion de la preuve extrinsèque peut également entrer en jeu, comme on le verra au chapitre 6, « Effet de la conduite ».

[81]  Manifestement, la croyance erronée de l’arbitre selon laquelle la demanderesse avait vu l’avis de possibilité d’emploi à l’époque pertinente l’a amené à conclure qu’il y avait eu accord de volonté des parties. Bien qu’en l’absence d’une telle preuve, il soit peu vraisemblable que l’arbitre serait arrivé à cette conclusion, la Cour ne saurait dire, au vu de la preuve dont elle dispose, qu’il en aurait nécessairement été ainsi. Voir Khosa, précité, au paragraphe 59; Sivaraja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 732, au paragraphe 61.

[82]  Si l’arbitre avait décidé que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour conclure que les parties avaient un accord de volonté sur l’existence d’un contrat à durée déterminée de deux ans, alors l’arbitre aurait eu à décider si les parties avaient conclu un accord mensuel renouvelable (ce dont je ne dispose d’aucune preuve) ou un contrat à durée indéterminée. Ses conclusions sur cette question auraient alors mené à l’examen de l’indemnité et des frais dus à la demanderesse. Au vu de la preuve dont je dispose, il n’est pas possible de conclure que l’arbitre aurait accordé la même réparation s’il n’avait pas commis une erreur susceptible de contrôle, qui rend sa décision déraisonnable.

[83]  Cependant, par-dessus tout, l’arbitre ne s’est pas interrogé sur l’application du Statute of Frauds à un contrat que même la demanderesse reconnaît comme étant d’une durée supérieure à un an, mais qui n’a pas été consigné dans une entente écrite entre les parties, alors même que la Politique sur le personnel de la défenderesse, datée du 22 mai 2009, obligeait les employés actuels à s’assurer que tous les nouveaux employés signent un accord écrit avant d’entrer en fonction.

[84]  Comme le fait observer la demanderesse, l’arbitre n’a jamais songé à la possible application ni aux conséquences du Statute of Frauds dans les circonstances de l’espèce. C’est là une autre erreur susceptible de contrôle.

[85]  Tout cela suffit à convaincre la Cour que la décision de l’arbitre doit être annulée et l’affaire renvoyée pour qu’elle soit examinée à nouveau.

[86]  La demanderesse déclare aussi que l’arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’il ne lui a pas adjugé les dépens avocat-client. C’est là une question qui peut, et qui devrait, être étudiée à nouveau dans le nouvel examen.

[87]  Toutefois, la demanderesse sollicite aussi les frais majorés afférents à la présente demande, pour les motifs suivants :

[traduction]

81. En ce qui a trait à la présente instance, la Première Nation White Bear a déposé son affidavit le 10 mars 2015, la période de 20 jours applicable aux contre-interrogatoires a donc pris fin le lundi 30 mars 2015. Le 10 mars 2015, l’avocat de Mme McArthur a informé l’avocat de la Première Nation White Bear qu’il était nécessaire de contre-interroger Mme Grimes sur son affidavit. Par ailleurs, l’avocat de la Première Nation White Bear a fait valoir qu’il n’était pas nécessaire de contre-interroger Mme McArthur pourvu qu’elle fasse un aveu. Le 23 mars 2015, Mme McArthur a fait l’aveu. L’avocat de la Première Nation White Bear a par la suite modifié sa position dans un courriel daté du mercredi 25 mars 2015 (à 15 h 16), exigeant que Mme McArthur se présente à une certaine date pour être contre-interrogée sur son affidavit. L’avocat de la Première Nation White Bear savait parfaitement que Mme McArthur résidait à Carberry, au Manitoba, tout en expliquant que, s’il priait Mme McArthur de se présenter à un contre-interrogatoire sur son affidavit, c’était tout simplement parce qu’elle-même avait insisté pour contre-interroger Mme Grimes sur son affidavit. L’avocat de la Première Nation White Bear a envoyé le courriel suivant :

Étant donné que vous insistez pour procéder au contre-interrogatoire de Mme Grimes, je vous prierais de faire comparaître au même moment Mme McArthur comme témoin.

82. Mme McArthur s’est présentée le 30 mars 2015 pour être contre-interrogée sur son affidavit. Le contre-interrogatoire a duré moins de 30 minutes et n’a été que d’une utilité négligeable pour la Première Nation White Bear, au-delà de l’aveu fait par Mme McArthur le 23 mars 2015.

[88]  L’avocat de la défenderesse a informé la Cour qu’il ne savait pas que la demanderesse allait devoir faire toute la route depuis Carberry, au Manitoba, et que, de toute façon, la défenderesse avait le droit absolu de contre-interroger la demanderesse. Toutefois, il ressort clairement de l’affidavit de la demanderesse qu’elle vit au Manitoba, et la décision de l’avocat de la défenderesse de contre-interroger la demanderesse après qu’elle eut fait l’aveu que voulait obtenir l’avocat de la défenderesse semble avoir été fondée entièrement sur le fait que l’avocat de la demanderesse souhaitait contre-interroger Mme Grimes, ce qui était à la fois justifié et nécessaire. À mon avis, la demanderesse devrait être remboursée des dépenses non nécessaires qu’elle a engagées.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre arbitre pour qu’il l’examine à nouveau.
  2. La demanderesse a droit à ses dépens afférents à la présente demande. De plus, la défenderesse remboursera à la demanderesse les dépenses non nécessaires de 1 555,65 $ qu’elle a engagées pour se présenter au contre-interrogatoire.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2130-14

 

INTITULÉ :

IRENE MCARTHUR c LA PREMIÈRE NATION WHITE BEAR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 SeptembRe 2015

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 8 DÉCEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Kirk Goodtrack

POUr La demanderesse

 

Alan G. McIntyre, c.r.

POUr La défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodtrack Law

Avocat

Regina (Saskatchewan)

 

POUR La demanderesse

 

McKercher s.r.l.

Regina (Saskatchewan)

 

pour La défenderesse

 

 

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