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Date : 20151203


Dossier : T -2041-12

Référence : 2015 CF 1336

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

SCOTT TECHNOLOGIES, INC.

demanderesse

et

783825 ALBERTA LTD. (ANCIENNEMENT CONNUE SOUS LE NOM SCOTT SAFETY SUPPLY SERVICES, LTD.) ET SCOTT SAFETY SUPPLY SERVICES INC.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le présent litige porte sur trois marques de commerce enregistrées en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13. La demanderesse allègue que les défenderesses ont :

a.                   appelé l’attention du public sur leurs services, leurs produits et leur entreprise de manière à vraisemblablement causer de la confusion entre leurs services, leurs produits et leur entreprise et ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

b.                  fait passer leurs produits ou services pour ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce;

c.                   violé les droits de la demanderesse sur ses marques de commerce déposées, contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce;

d.                  diminué la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce déposées de la demanderesse, contrairement à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce.

Les marques de commerce

[2]               Les trois marques de commerce en cause sont les suivantes :

a.                   La marque stylisée enregistrée sous le numéro LMC183312 le 26 mai 1972 :

SCOTT DESIGN

en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

(1) Robinets de canalisation de transport de carburant et hydrauliques, et robinets de contrôle de pression pneumatiques, roulette de queue, aileron et chape de stabilisateur d’aéronef, et robinets et cylindres de frein; jauges et instruments d’aéronef, notamment jauge de pression d’huile et jauge de température d’air, et ampèremètres, appareil de mesure et d’essai de l’équipement de respiration et ses pièces, détecteurs de gaz toxique à lecture directe portatif du type à utiliser en conjonction avec l’équipement de respiration avec une pompe à soufflet manuelle et des tubes de détection en verre interchangeables étalonnés de façon à montrer la quantité de gaz toxique présente dans l’air testé, et instruments électriques pour détecter et mesurer les gaz toxiques ou explosifs; équipement de respiration, notamment systèmes de respiration à oxygène et à air fixes et portatifs et systèmes de respiration sous l’eau autonomes, et porte‑oxygènes fixés sur le dossier du siège, raccords de tuyau de masque, régulateurs de la demande, régulateurs de pression, alarmes sonores de basse pression, dispositifs enfichables thérapeutiques, sorties d’oxygène, raccords de chargement et de remplissage, raccords enfichables, collecteurs, robinets de cylindre et robinets de mise en marche, masques et ensembles de masquage, indicateurs de débit, unités de contrôle du débit de l’oxygène, bouteille à oxygène et robinets, robinets de rechargement de type externe, faisceaux, raccords, tubes de respiration, filtre et ensemble de contrôle et loquets de compartiment de largage d’oxygène pour de tels systèmes et trousses de premiers soins, équipement d’inhalation et d’inhalation-réanimation, et générateurs d’oxygène par voie chimique.

b.                  La marque nominale AIR-PAK enregistrée sous le numéro LMC193968 en septembre 1973 en liaison avec un [traduction] « appareil respiratoire ».

c.                   La marque nominale SCOTT enregistrée sous le numéro LMC667252 le 11 juillet 2006 en liaison avec les produits suivants :

(1) Instruments et montages d’instruments portables et fixes utilisés dans l’industrie, en laboratoire et par les services d’urgence pour détecter, mesurer, indiquer et/ou enregistrer la teneur en gaz toxique et/ou combustibles de l’air ambiant ou d’autres gaz et qui peuvent sonner l’alerte lorsque certains seuils sont dépassés, nommément détecteurs de gaz et systèmes de détection de gaz utilisant la technologie de conductivité thermique au sein des catalyseurs, l’électrochimie, la pyrolyse, des rubans de papier et la détection à infrarouge et des récepteurs distants pour des récepteurs pour des sites de détection uniques ou multiples et émetteurs pour la transmission de l’information de détection des gaz; dosimètres‑détecteurs de gaz portables utilisés dans l’industrie, en laboratoire et par les services d’urgence pour indiquer le niveau d’exposition au cours d’une période à des gaz toxiques au moyen d’un changement de couleur visible; instruments fixes et portables utilisés dans l’industrie, en laboratoire et par les services d’urgence pour détecter la présence de flammes au moyen d’ultraviolets/infrarouges et pour fournir des signaux électriques et/ou alarmes; détecteurs thermiques portables utilisés dans l’industrie, en laboratoire et par les services d’urgence pour surveiller la température ambiante au moyen d’un thermistor et pour sonner l’alarme lorsque certains seuils de température sont dépassés.

(2) Gaz carbonique; compresseur d’air portatif, appareils de filtration et de purification pour le chargement de réservoirs à air comprimé; cylindres de stockage d’air comprimé; systèmes de chargement d’air comprimé conçu pour mesurer et analyser l’air comprimé, et cylindres d’air comprimé pressurisé utilisés par les plongeurs autonomes et les employés des salles d’urgence, comprenant un assemblage d’air comprimé, un moteur d’entraînement, des assainisseurs d’air, des cylindres de stockage d’air, et des contrôles automatiques; cylindres de stockage d’air comprimé utilisé par les plongeurs autonomes et les employés des salles d’urgence; instruments pour respirer du gaz carbonique et équipement de manutention de gaz carbonique, vendus séparément ou comme un tout, comprenant des systèmes de chargement d’air comprimé conçus pour mesurer et analyser l’air comprimé, et des cylindres d’air comprimé pressurisé utilisés par

les plongeurs autonomes et les employés des salles d’urgence, comprenant un assemblage d’air comprimé, un moteur d’entraînement, des purificateurs d’air, des cylindres de stockage d’air comprimé et des contrôles automatiques.

La demanderesse

[3]               Les origines de la demanderesse, Scott Technologies, Inc. (Scott Technologies), remontent à 1932, lorsqu’Earl Scott a fondé Uniloy Accessories Corporation, une société américaine qui a fabriqué la première roue de queue d’avion pivotante. La société a rapidement changé de nom pour devenir Scott Aviation Corp.

[4]               Elle a mis au point un appareil respiratoire portatif de bord pour permettre aux pilotes de voler en haute altitude. Par suite de cette invention, elle a mis au point le premier appareil de protection respiratoire autonome (APRA) en Amérique du Nord, qui est devenu connu sous le nom d’AIR-PAK Scott. Il a été mis sur le marché pour les services d’incendie étant donné que les pompiers à l’époque ne disposaient d’aucun équipement pour empêcher l’inhalation de la fumée ou pour respirer de l’air non contaminé. La demanderesse demeure l’un des deux principaux fabricants et fournisseurs d’APRA.

[5]               Scott Aviation Corp. a été achetée par Figgie International en 1967. Figgie International a vendu tous ses actifs en 1997, sauf Scott qui est devenue Scott Technologies Inc. En 1999, la société a été divisée en deux entités commerciales – Scott Aviation et Scott Health and Safety. Au début des années 2000, Scott Technologies Inc. a été achetée par Tyco International et a été intégrée à la division des incendies et de la sécurité, où elle a été exploitée sous le nom commercial « Scott Health & Safety ». Le volet aviation de l’entreprise a été vendu, ce qui fait que seule a survécu l’entreprise d’APRA exploitée sous l’appellation « Scott Health & Safety ».

[6]               En 2011, ou vers 2011, Tyco International a décidé de faire connaître sa division des incendies et de la sécurité sous la marque Scott Safety à l’échelle internationale. Le 24 février 2011, elle a présenté une demande d’enregistrement pour la marque de commerce illustrée ci‑dessous, demande à laquelle s’opposent les défenderesses et qui demeure en suspens :

SCOTT SAFETY & DESIGN

Les produits auxquels cette marque de commerce s’applique se décrivent de la façon suivante :

Appareils d’auto-sauvetage, nommément appareils respiratoires autonomes; dispositifs de mesure et de contrôle pour appareils respiratoires à oxygène, nommément commandes de compresseur, manomètres de compresseur et soupapes de compresseur; caméras à imagerie thermique; masques faciaux pour la respiration; appareils de transmission de communications, nommément amplificateurs de voix et radios bidirectionnelles; vêtements de sécurité pour utilisation par des pompiers, des travailleurs industriels, des premiers répondants et du personnel militaire, nommément vêtements de sécurité, vêtements de protection contre le feu, vêtements ignifugés et tenues de protection contre les matières dangereuses; équipement pour respirateur non médical, nommément postes d’alimentation en air fixes et mobiles; appareils électroniques servant au personnel d’urgence pour les personnes ayant besoin de secours constitués de capteurs pour déterminer l’état de la personne et d’appareils pour envoyer des alertes électroniques au personnel d’urgence; respirateurs; filtres pour masques respiratoires; masques à gaz; détecteurs de gaz portatifs et fixes; vêtements de protection, nommément gants, combinaisons, chaussettes, chaussures, bottes, cache-oreilles, écrans faciaux, chapeaux et casquettes; appareils d’autosauvetage, nommément appareils respiratoires à oxygène pour le transport aérien; purificateurs d’air; casques de protection auditive à usage autre que médical; articles de protection des yeux industriels; matériel informatique et système logiciel pour repérer du matériel et des biens à l’aide de données GPS sur un dispositif se trouvant sur l’équipement et le bien repérés, sauf les marchandises susmentionnées pour les sports ou les activités sportives.

[7]               Scott Technologies ne vend pas directement ses APRA au Canada; elle possède des accords de distribution avec un certain nombre d’entreprises au Canada. Le personnel de Scott Technologies s’occupe de négocier des contrats de vente importants, mais, pour le reste, le marché canadien est laissé à ses distributeurs.

[8]               Au début, le distributeur canadien exclusif des APRA de Scott Technologies était Safety Supply Company, qui distribuait également les produits d’autres fabricants. Safety Supply Company a été plus tard acquise par Aucklands Auto Parts, qui a quant à elle été achetée ultérieurement par une société américaine du nom de Grainger, maintenant connue sous l’appellation « Aucklands Grainger ». En Alberta, les APRA de Scott Technologies étaient vendus normalement par Fides Marketing et son représentant régional, M. Madiema.

[9]               Scott Technologies offre trois niveaux de formation sur la maintenance des APRA. Le programme de formation pour les utilisateurs vise les entreprises et les personnes qui se sont procuré le produit et souhaitent obtenir de la formation sur son utilisation. Celui destiné au personnel sur le terrain ou aux spécialistes permet à un propriétaire d’apprendre comment faire les principales réparations. Le programme de formation destiné aux techniciens permet d’apprendre comment faire les réparations, ainsi que la vérification, les réglages et la réparation des composantes essentielles des APRA. Les seules personnes admissibles à cette formation du plus haut niveau travaillent pour des centres de service autorisés par Scott Technologies ou pour des centres de service internes. Un centre de service interne, comme celui d’un grand service des incendies, répare et entretient son propre équipement, et non celui des autres. Un centre de service autorisé répare et entretient les APRA d’autres propriétaires dans le cadre d’une entente convenue avec Scott Technologies.

Les défenderesses

[10]           Les origines de l’entreprise des défenderesses remontent à sa création par Brent Stark, tel était alors son nom, en 1995. M. Stark était alors âgé de 18 ans et travaillait pour Flint Canada [traduction] « au bas de l’échelle ». Sa copine, Tanya Scott, est tombée enceinte. Lorsqu’il a annoncé la nouvelle à son père, celui‑ci lui a donné le conseil suivant : [traduction] « Un enfant, il faut l’élever et le nourrir. Il va falloir que tu te démerdes ».

[11]           M. Stark a pris ce conseil à cœur et il a créé une entreprise de remplissage et de réparation d’extincteurs d’incendie. Il connaissait ce genre de travail, car il l’avait déjà fait pour les entreprises de ses parents et de ses grands‑parents. La nouvelle entreprise avait comme particularité que, au lieu que les clients aient à se déplacer jusqu’à son commerce pour faire remplir et réparer leurs extincteurs d’incendie, c’est M. Stark qui venait à eux à bord d’une fourgonnette d’occasion qu’il avait achetée; il semble que cette particularité ait contribué pour beaucoup à la croissance de son entreprise.

[12]           M. Stark a enregistré son entreprise en Alberta le 24 mai 1995, sous l’appellation « Scott Safety Supply & Services », en la décrivant comme une entreprise de [traduction] « vente et entretien d’extincteurs d’incendie ». En décembre 1995, la perluète dans le nom commercial a été supprimée, et l’entreprise était simplement appelée « Scott Safety Supply Services ». Un avis publié dans un journal local en date du 13 décembre 1995 montre que l’entreprise utilise la marque de commerce descriptive ci‑dessous.

[13]           Le 29 novembre 1996, Brent Stark a changé son nom; il est devenu Brent Scott. Il a continué d’utiliser ce nom jusqu’au 5 août 2008, date à laquelle il s’est séparé de Tanya Scott; il a alors repris son ancien nom.

[14]           En avril 1998, outre les avertisseurs d’incendie, les manches d’incendie, les fournitures de premiers soins, les dispositifs d’éclairage d’urgence, les systèmes d’extinction d’incendie et les systèmes d’extincteurs à eau du type sprinkler, la publicité de Scott Safety Supply Services annonçait également ceci : [traduction] « Entretien et location d’APRA ». En 1998, M. Scott a suivi la formation destinée au personnel sur le terrain sur la maintenance du AIR-PAK Scott, avec M. Madiema.

[15]           En 1998, Scott Safety Supply Services a étendu ses activités en Colombie‑Britannique. Le 5 mai 1998, l’entreprise a été constituée en société en Alberta sous l’appellation « Scott Safety Supply Services Ltd. ».

[16]           Le 16 juin 2000, Scott Safety Supply Services Ltd. a signé un [traduction] « accord de centre de réparation interne » avec Scott Technologies, qui lui donnait [traduction] « le droit d’inspecter, de réparer et d’entretenir » les APRA Scott dont il était propriétaire. Cet accord est resté en vigueur jusqu’à ce Scott Technologies y mette fin en date du 31 décembre 2003.

[17]           Au fil des ans, Scott Safety Supply Services Ltd. a utilisé divers logos et le nom commercial abrégé « Scott Safety ». En 2007, elle a créé le logo ci‑dessous, qu’elle utilise actuellement.

[18]           En 2011, Scott Safety Supply Services Ltd. a signé un accord avec la Ville de Whitecourt, en Alberta, relativement au parrainage d’une équipe de hockey locale. L’aréna local a été renommé le « Scott Safety Centre ».

[19]           Le 30 septembre 2011, l’avocat de la demanderesse a envoyé une lettre à Scott Safety Supply Services Ltd. pour lui demander de [traduction] « cesser d’utiliser la marque de commerce ou le nom commercial SCOTT seul, ou dans toute marque de commerce ou toute autre appellation commerciale en liaison avec [son] entreprise ».

[20]           Le 3 décembre 2012, Scott Safety Supply Services Ltd. (Scott Safety Ltd.) a vendu presque tous ses actifs à Scott Safety Supply Services Inc. (Scott Safety Inc.) pour la somme de 24 850 000 $. Par la suite, Scott Safety Supply Services Ltd. est devenue la société à numéro 783825 Alberta Ltd. L’une des conditions au contrat de vente prévoyait que Scott Safety Ltd. et Brent Stark rembourseraient à Scott Safety Inc. tous les frais du présent litige.

[21]           Exception faite des situations où il sera nécessaire de faire une distinction entre les deux défenderesses, Scott Safety Ltd. et Scott Safety Inc. seront désignées ensemble comme étant « Scott Safety ».

La preuve

[22]           La Cour a entendu cinq témoins. Mis à part certaines exceptions, dont il sera question plus loin, aucune contradiction n’a été relevée entre leur témoignage et le reste de la preuve présentée de vive voix ou au moyen de documents. Chacun d’eux a témoigné de façon franche et directe et aucun d’eux n’a exagéré les faits. Les témoins ne se sont pas contredits sur les questions importantes. La déposition d’un témoin, Brent Stark, pose problème parce qu’il a déjà donné un faux témoignage par voie d’affidavit. Tel qu’il est mentionné plus loin, la Cour s’est montrée prudente dans l’appréciation de son témoignage.

[23]           Scott Technologies a fait comparaître trois témoins : Casper Gelein, Monica Ratzke et Derek Roy.

[24]           M. Gelein travaille pour Talisman Energy Inc., en Alberta. En 2010, il a été promu au poste de coordonnateur à la santé, à la sécurité et à l’environnement, poste qu’il a occupé jusqu’en avril 2014. Il était chargé de la maintenance et de la réparation des APRA de son employeur. Il a parlé à une représentante commerciale de Scott Safety et il a déclaré ce qui suit dans son témoignage : [traduction] « lorsque j’ai communiqué avec eux la première fois, j’ai cru qu’ils étaient affiliés à Scott Technologies ». Il a appelé Scott Technologies, après avoir trouvé le numéro de téléphone de celle‑ci sur le site Web www.scottsafety.com, et on lui a dit que Scott Safety n’était pas affiliée à Scott Technologies et que Scott Safety n’avait aucune entente avec Scott Technologies pour faire la réparation et la maintenance des APRA Scott.

[25]           À la suite de cette conversation, M. Gelein a parlé de nouveau à la représentante commerciale et il lui a dit qu’il avait été informé que Scott Safety n’était pas qualifiée pour faire l’ouvrage voulu. Elle lui a montré deux certificats de formation datés du 27 juillet 2006, lesquels désignaient deux employés de Scott Safety et attestaient leur participation à un cours de [traduction] « maintenance destiné aux spécialistes » pour l’équipement AIR-PAK Scott. M. Gelein a décidé de ne pas faire affaire avec Scott Safety, mais plutôt avec un centre de service autorisé par Scott Technologies.

[26]           Derek Roy, qui a également été appelé à comparaître par la demanderesse, a déclaré au contre‑interrogatoire que la demanderesse recevait souvent des appels d’utilisateurs de ses APRA qui voulaient savoir si telle entreprise ou telle personne avec laquelle ils envisageaient de faire affaire était autorisée à réparer et à entretenir les APRA Scott.

[27]           Monica Ratzke est détective privée et elle a été mandatée par un représentant de la demanderesse [traduction] « pour recueillir des éléments de preuve sur des publicités et des promotions ou sur toute déclaration par laquelle [Scott Safety Supply Services Ltd.] ou ses employés laissent entendre que l’entreprise appartient à Scott Technologies Inc. ou qu’elle détient une licence pour offrir ses services ou vendre ses produits ou qu’elle y est autrement autorisée ».

[28]           Elle et son mari, en se faisant passer pour des clients potentiels, se sont rendus aux locaux commerciaux de Scott Safety à Whitecourt, en Alberta, le 23 avril 2012. À la suite de cette visite, elle a préparé un rapport dans lequel elle mentionne que les employés de Scott Safety lui ont dit qu’ils [traduction] « ne vendent pas d’extincteurs d’incendie Scott, mais ils en font l’entretien et la réparation ». L’enregistrement audio était parfois difficile à comprendre. Toutefois, je n’ai entendu aucune déclaration en ce sens qui aurait été faite à la détective. Je conclus qu’elle s’est trompée en écrivant cela, puisqu’il n’est pas contesté que la demanderesse ne fabrique pas d’extincteurs d’incendie et qu’elle n’en vend pas. À mon avis, cette erreur n’entache pas sa crédibilité de façon appréciable.

[29]           La partie de son enquête sur laquelle Scott Technologies s’est appuyée concerne l’allégation de confusion. La détective a enregistré sa conversation avec l’employée de Scott Safety dénommée Ambre. Cette dernière a affirmé très clairement que Scott Safety n’était pas un distributeur autorisé, par licence ou autrement, des APRA Scott, mais qu’elle se procurait les APRA d’un distributeur autorisé, tel qu’il était requis. Elle a également déclaré que les techniciens de Scott Safety faisaient l’entretien de certaines pièces des APRA Scott, mais que, dans le cas de certaines pièces, le matériel devait être envoyé à des centres autorisés pour l’entretien. Cet élément de preuve est compatible avec le témoignage de Brent Stark et celui de Russell Rogers, qui a été appelé à comparaître par Scott Safety. Il concorde également avec la déposition d’un autre témoin de Scott Technologies, M. Roy, qui a expliqué que la société offrait trois niveaux de formation et que seul le troisième niveau s’adressait aux centres de réparation internes et aux centres de service autorisés.

[30]           Scott Technologies s’appuie sur une partie des éléments de preuve recueillis par Monica Ratzke pour démontrer la confusion. Il s’agit de la conversation suivante entre la détective et l’employée dénommée Ambre – l’homme dont il est question dans la discussion est le mari de la détective :

[traduction]

Le détective : Maintenant, en ce qui concerne Air Scott, serait‑il plus économique pour lui de trouver un distributeur? Vous n’êtes pas distributeur?

Ambre : Nous ne sommes pas un distributeur, mais nous pouvons les commander. C’est - c’est mêlant -

Le détective : Oui.

Ambre : - surtout parce qu’on s’appelle Scott Safety Supply -

Le détective : Oui. Et c’est pour ça qu’il voulait arrêter, parce que nous avons vu l’enseigne et il voulait -

Ambre : Oui. C’est assez mêlant. Nous ne sommes pas un distributeur. Nous pouvons vendre les produits, nous pouvons entretenir les produits, mais nous ne sommes pas véritablement un distributeur des produits Scott.

Le détective : Oui, d’accord.

Ambre : Vous trouverez des distributeurs principalement dans les plus grandes villes et surtout aux États‑Unis. J’ai reçu quelques fois des appels de gens à la recherche d’un distributeur qui téléphonaient des États‑Unis mais non, c’est juste une question de coïncidence avec les appellations, mais -

Le détective : Oui, d’accord.

[31]           Derek Roy est codirecteur commercial pour l’Amérique du Nord à Scott Technologies. Il a été engagé en 2008 comme chef de zone pour le Canada. M. Roy a témoigné au sujet de l’historique et des produits de Scott Technologies. Il a affirmé que la société offre trois niveaux de formation, qu’elle vend et répare ses APRA au Canada par l’intermédiaire de centres de service autorisés et que, pendant trois ans, de 2000 à 2003, Scott Safety était liée par contrat à Scott Technologies comme centre de réparation interne et que certains de ses employés ont reçu de la formation de Scott Technologies. Il a reconnu que, depuis au moins la date du contrat de centre de réparation interne (le 16 juin 2000), et probablement jusqu’à six mois avant, Scott Technologies savait que Scott Safety utilisait ce nom, mais elle n’a pris aucune mesure pour l’en empêcher. Il a aussi reconnu que le représentant local de Scott Technologies, M. Madiema, aurait mis encore plus tôt la société au courant à propos de Scott Safety. Il a de plus reconnu que Scott Technologies savait que Scott Safety utilisait l’adresse de courriel scotsafe@telusplanet.net depuis 2003. Enfin, il a reconnu que Scott Technologies savait que Scott Safety utilisait les mots « Scott Safety » et qu’elle les utilisait avant que la demanderesse ne le fasse. Il était d’accord pour dire que la preuve démontrait que les défenderesses avaient utilisé les mots « Scott Safety » dès 1995, que la demanderesse avait adopté l’appellation « Scott Health and Safety » vers 2000 et qu’elle n’avait pas utilisé les mots « Scott Safety » avant 2011.

[32]           Il a reconnu que Scott Technologies n’avait aucun contrôle sur ceux qui entretenaient ses produits après leur vente et que [traduction] « les utilisateurs travaillent dans des environnements dangereux et ils sont – ils connaissent assez bien leur environnement et sont des utilisateurs avertis ». Tel qu’il a été souligné précédemment, il a affirmé que Scott Technologies se fait souvent demander si certaines entreprises qui vendent ou louent ses APRA sont des centres de service autorisés.

[33]           M. Roy a également été contre‑interrogé sur trois cas de confusion réelle allégués par la demanderesse, outre la conversation de Mme Ratzke avec Ambre. Le premier cas est lié à un élément de preuve recueilli sur LinkedIn à propos d’une employée des défenderesses. La page Web numérisée montre qu’elle est RMU autorisée et EMT de Scott Safety depuis quatre mois. Sous l’en‑tête [traduction] « Informations générales » et à côté de l’élément [traduction] « RMU, Scott Safety » figurant sous [traduction] « Expérience » se trouve le logo actuellement utilisé par la demanderesse, lequel est reproduit au paragraphe 6 ci-dessus. M. Roy a reconnu que, lorsque quelqu’un inscrit le nom de son employeur, le programme LinkedIn ajoute automatiquement les renseignements relatifs à l’employeur [traduction] « présumé » de la personne, et que la demanderesse avait entré des renseignements la concernant dans ce programme. Il est donc raisonnable de conclure que, si l’on inscrit le nom « Scott Safety » sur ce site Web, le logo actuel de la demanderesse sera inséré automatiquement à côté de ce nom, parce que la demanderesse a entré cette information. La Cour souligne que la page LinkedIn de Russell Rogers, employé et témoin des défenderesses, ne contient pas le logo de la demanderesse et qu’il a entré « Scott Safety Supply Services Inc. » comme son employeur, et non simplement « Scott Safety ».

[34]           M. Roy a également déclaré que la demanderesse s’appuyait sur un courriel reçu le 12 novembre 2012, dans lequel Brogan Safety Supplies demandait des [traduction] « éclaircissements quant à la question de savoir si Scott Safety de Whitecourt, en Alberta, est autorisée, d’une quelconque façon, à entretenir, à réparer ou à ajuster l’appareil respiratoire SCOTT et à en régler le débit ». M. Roy a affirmé qu’[traduction] « il y avait confusion quant à la question de savoir si Scott Safety de Whitecourt, en Alberta, est autorisée, d’une quelconque façon, à entretenir, à réparer et à ajuster l’appareil respiratoire SCOTT et à en régler le débit ». Il a dit ce qui suit en contre‑interrogatoire : [traduction] « c’est une question qui revient souvent en ce qui concerne ceux qui prétendent être en mesure de faire l’entretien ».

[35]           Enfin, M. Roy a été interrogé sur une demande faite à la demanderesse dans un courriel envoyé par M. Chernichen, LL.B., directeur, Sécurité dans l’entreprise, Canadian Natural Resources Limited, qui se disait préoccupé par la réduction des effectifs de Scott Safety. Il a écrit ce qui suit dans son courriel envoyé le 2 février 2015, à 13 h 24 :

[traduction]

Ma demande est assez urgente. J’ai été informé par l’un de vos employés qui travaille à votre bureau de Whitecourt, en Alberta, que des employés de Scott Safety ont été avisés verbalement qu’ils allaient être licenciés à la fin du mois.

Canadian Natural est cliente de Scott Safety. Si l’information qui m’a été communiquée est exacte, cela pourrait avoir des répercussions sur le rendement du personnel de Scott Safety qui collabore avec le personnel de Canadian Natural sur le terrain.  [Non souligné ni en caractères gras dans l’original.]

Juste un peu plus de deux heures après, à 15 h 44, il a écrit ceci :

[traduction]

Toutes mes excuses. J’ai confondu « Scott Safety » avec « Scott Safety Services ». C’est de cette dernière que je me préoccupe. Mes excuses. Veuillez ne pas tenir compte de mon courriel précédent.

[36]           En contre‑interrogatoire, M. Roy a affirmé que, mis à part ces deux courriels, il n’avait pas eu de contact avec M. Chernichen.

[37]           Les défenderesses ont fait comparaître deux témoins : Brent Stark et Russell Rogers.

[38]           Brent Stark, tel qu’il a été mentionné précédemment, a fondé Scott Safety en 1995 et il en est demeuré le principal actionnaire jusqu’au moment de sa vente en 2014.

[39]           Brent Stark a changé son nom pour celui de Brent Scott le 29 novembre 1996, après avoir établi son entreprise. La demanderesse souligne que, jusqu’à tout récemment, les défenderesses ont adopté la position selon laquelle il a changé de nom lorsqu’il a lancé son entreprise. Au paragraphe 3 de l’exposé modifié de la défense (daté du 17 octobre 2014), Scott Safety avance ceci : [traduction] « À partir de 1995, Brent Scott (tel était alors son nom) a commencé à faire des affaires en Alberta sous l’appellation “Scott Safety Supply & Services” […] » [souligné dans l’original]. De plus, en réponse à la lettre de la demanderesse, l’avocat de Scott Safety a écrit ce qui suit : [traduction] « au moment où M. Brent Stark a commencé à exploiter Scott Safety, il s’appelait M. Brent Scott ». Enfin, dans l’affidavit qu’il a souscrit le 22 avril 2013 et déposé auprès du Bureau des marques de commerce en vue de l’opposition à la demande d’enregistrement de la demanderesse visant la marque de commerce SCOTT SAFETY & DESSIN, Brent Stark déclare au paragraphe 3 : [traduction] « En 1995, au moment où j’ai lancé mon entreprise, mon nom était Brent Scott ». La demande de changement de nom, jointe à l’affidavit sous la cote A, montre clairement que sa déclaration est fausse. Cet affidavit pose d’autres difficultés sérieuses, notamment la confirmation que les images jointes à l’affidavit montrent les logos de l’entreprise à une date beaucoup plus antérieure que la réalité. Ces déclarations entachent la crédibilité de M. Stark en tant que témoin dans la présente instruction. Par conséquent, je ne retiendrais pas son témoignage, à moins qu’il ne soit confirmé par d’autres témoins ou par un élément de preuve documentaire, ou à moins que les circonstances confirment qu’il présente un fondement de vérité.

[40]           J’accepte cependant son témoignage sur l’origine du nom commercial Scott Safety Supply & Services, en mai 1995.

[41]           La demanderesse avance ceci aux paragraphes 2 et 10 de sa réponse :

[traduction]

Le nom « Scott » a été adopté pour les affaires dans le but de dissimuler l’identité du propriétaire de l’entreprise.

[…]

En adoptant « Scott » comme nom après la création de l’entreprise, M. Stark a cherché à induire la demanderesse en erreur au sujet de sa véritable identité et à se donner un fondement qui lui permettrait et permettrait aux défenderesses de s’appuyer sur l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce. Les défenderesses étaient déterminées à bâtir leur entreprise sur le nom de Scott, peu importe les actions de la demanderesse.

[42]           Brent Stark a déclaré dans son témoignage qu’il a pris le nom de « Scott » pour sa nouvelle entreprise parce que c’était le nom de famille de sa copine qui était enceinte, que le père de celle-ci, Cec Scott, avait une entreprise appelée « Scott Wireline » qui approvisionnait en huile et en gaz les clients de la région, qu’il était sur le point de prendre sa retraite et que son entreprise avait bonne réputation. Les parents de M. Stark, pour leur part, avaient déjà exploité une entreprise d’extincteurs d’incendie qui n’avait pas bonne réputation. En résumé, M. Stark voulait effectivement tirer parti de la réputation de quelqu’un, à savoir celle de son futur beau‑père, et non de celle de la demanderesse.

[43]           Le témoignage de M. Stark à cet égard est plausible et il n’a pas été contredit par d’autres éléments de preuve. Rien n’indique que M. Stark connaissait la demanderesse ou les APRA Scott au moment où il a lancé son entreprise. Qui plus est, lorsqu’il l’a lancée en employant le mot « Scott », ses activités se limitaient au remplissage et à la réparation des extincteurs d’incendie – des activités que la demanderesse n’exerçait pas à l’époque et qu’elle n’a jamais exercées. Même l’avocat de la demanderesse a reconnu dans sa plaidoirie que Brent Stark n’avait pas nommé son entreprise Scott Safety en vue, à l’époque, de tirer parti de la réputation de l’entreprise de la demanderesse. Cette dernière soutient plutôt que c’est ce qu’il a pourtant fait ultérieurement.

[44]           Comment M. Stark a‑t‑il fait pour que son entreprise, qui se spécialisait initialement dans l’entretien des extincteurs d’incendie exclusivement, intègre l’entretien des APRA Scott? Le seul élément de preuve à cet égard a été fourni par M. Stark, et, encore une fois, j’accepte son témoignage, étant donné qu’il est compatible avec les éléments de preuve documentaire de l’époque et qu’il est plausible. Il a affirmé que, lorsqu’il se déplaçait pour aller faire l’entretien des extincteurs d’incendie, on lui demandait parfois s’il pouvait également faire l’entretien des appareils respiratoires Scott et de ceux d’autres fabricants. Il a expliqué que, comme il en était à ses débuts, il était prêt à tout faire : il disait donc à ses clients qu’il pouvait le faire et il retenait ensuite les services de quelqu’un d’autre pour le faire, majorait le prix et fournissait ce service et d’autres à ses clients. Cette explication est plausible. Premièrement, M. Stark en était à ses débuts et il est un homme qui possède un penchant évident pour les affaires (si l’on considère rétrospectivement la valeur de son entreprise quelque vingt ans plus tard). Deuxièmement, il voyageait dans les régions pétrolières éloignées de l’Alberta pour fournir des services, et il est plausible que ses clients préféraient avoir quelqu’un qui venait leur fournir autant de services que cela était possible pour leur permettre d’économiser le temps et l’argent nécessaires pour se déplacer jusqu’à la ville pour faire faire le travail.

[45]           Le reste du témoignage de M. Stark, dans la mesure où il est pertinent, portait sur son entreprise, les changements d’appellation et les divers logos utilisés au fil du temps. Lorsque sa preuve présentait un intérêt pour les questions que la Cour doit trancher, elle était corroborée par les documents produits et par d’autres témoins, notamment par la détective engagée par la demanderesse.

[46]           La Cour souligne en particulier que l’un des documents produits par les défenderesses dont a parlé M. Stark est une publicité diffusée dans le « Whitecourt Star Small Business Week » du 22 octobre 2003. Il s’agit d’une annonce avec l’en‑tête « Scott Safety » et, bien que l’annonce elle‑même comporte l’ancien logo des défenderesses, reproduit au paragraphe 12 ci‑dessus, l’en‑tête et le contenu de l’annonce parlent de l’entreprise simplement comme étant « Scott Safety », et non en la désignant par son nom commercial au complet. Cet élément de preuve montre l’emploi le plus antérieur de la marque de commerce « Scott Safety » par les défenderesses – environ sept ans et demi avant que la demanderesse ne se renomme « Scott Safety » en 2011.

[47]           M. Stark a repris son nom d’origine lorsqu’il s’est séparé de sa conjointe.

[48]           L’autre témoin appelé par la défense était Russell Rogers, vice‑président, Développement des affaires, de Scott Safety Inc. Il avait travaillé à partir de 2007 pour Scott Safety Ltd. et il a continué de travailler pour le nouveau propriétaire après la vente de celle‑ci. Il a confirmé que, à l’époque où il avait été engagé, la société utilisait le logo reproduit au paragraphe 17 ci‑dessus.

[49]           M. Rogers a confirmé la déclaration de Brent Stark selon laquelle le travail effectué sur des APRA Scott pour le compte d’autrui consistait à vérifier l’intégrité du réservoir d’air et à faire des réparations mineures, comme remplacer une courroie ou une boucle. Il a aussi confirmé que tout autre travail d’entretien était confié à un sous‑traitant. Il a aussi témoigné au sujet d’une offre reçue d’une société américaine pour l’achat d’un maximum de 2000 APRA Scott remis à neuf, offre qui n’a pas été acceptée parce que la revente d’APRA remis à neuf ne faisait pas partie des activités principales des défenderesses.

[50]           M. Rogers a également parlé de deux des situations invoquées par la demanderesse comme preuve de confusion. Premièrement, il a confirmé la déclaration de Derek Roy selon laquelle, lorsque quelqu’un entre le nom d’un employeur dans un profil LinkedIn, le programme insère automatiquement le logo de cet employeur, s’il a déjà été téléchargé sur ce site Web.

[51]           Il a également parlé du courriel envoyé par Mike Chernichen de Canadian National Resources Limited, un client de Scott Safety. Il a expliqué qu’il avait licencié Kirk Madden, le beau‑fils de M. Chernichen. Il interprétait le courriel de la façon suivante : « Si vous le licenciez, assurez-vous de bien le traiter, sinon votre entreprise pourrait en souffrir ». La Cour accepte cette interprétation comme étant raisonnable compte tenu du fait que M. Chernichen n’était pas directement concerné par le contrat intervenu entre son employeur et Scott Safety.

Les questions en litige à trancher

[52]           La Cour doit trancher les questions suivantes en s’appuyant sur les plaidoiries et la preuve :

a.                   Les défenderesses ont‑elles appelé l’attention du public sur leurs services, leurs produits et leur entreprise de manière à vraisemblablement causer de la confusion entre leurs services, leurs produits et leur entreprise et ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce?

b.                  Les défenderesses ont‑elles fait passer leurs produits ou services pour ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce?

c.                   Les défenderesses ont‑elles violé les droits de la demanderesse sur ses marques de commerce déposées, contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce?

d.                  Les défenderesses ont‑elles diminué la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce déposées de la demanderesse, contrairement à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?

Si la réponse à l’une de ces questions est « oui », la Cour doit alors tenir compte des moyens de défense soulevés par les défenderesses, à savoir (1) le délai et l’acceptation par la demanderesse, (2) la préclusion, (3) le fait que les défenderesses ont utilisé les marques de commerce seulement pour décrire les services et produits offerts en revente et en location, (4) l’utilisation de bonne foi d’un nom personnel, (5) la perte de caractère distinctif de la marque de commerce Scott.

Si aucun de ces moyens de défense n’est établi, la Cour doit alors évaluer les dommages‑intérêts à accorder pour la contrefaçon de la marque de commerce de la demanderesse, pour la commercialisation trompeuse ou pour la diminution de l’achalandage.

Analyse

[53]           La demanderesse soutient que les défenderesses se sont livrées à une pratique de commercialisation trompeuse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Afin de faire valoir cette prétention fondée sur la loi, la demanderesse doit prouver :

1.                  qu’il y a un achalandage attaché à une marque de commerce valide détenue par le plaignant : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65, [2005] 3 RCS 302, au paragraphe 67, BMW Canada Inc c Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255 (BMW Canada), aux paragraphes 14 et 30;

2.                  que les défenderesses ont fait une fausse déclaration par négligence ou avec insouciance qui sème ou est susceptible de semer la confusion entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux de la demanderesse : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65, [2005] 3 RCS 302, au paragraphe 68;

3.                  que la fausse déclaration des défenderesses a causé ou est susceptible de causer des dommages à la demanderesse : Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au paragraphe 33, Remo Imports Ltd c Jaguar Cars Ltd, 2007 CAF 258, [2008] 2 RCF 132, au paragraphe 90, Pharmacommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2009 CAF 144, aux paragraphes 6 à 12, Target Event Production Ltd c Cheung, 2010 CAF 255, aux paragraphes 20 et 24, Hollick Solar Systems Ltd c Matrix Energy Inc, 2011 CF 1213, au paragraphe 118.

[54]           La demanderesse soutient que les défenderesses ont fait [traduction] « passer d’autres marchandises ou services pour ceux qui avaient été commandés ou demandés », contrairement à l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation et elle ne sera pas examinée plus à fond.

[55]           La demanderesse soutient de plus que les défenderesses ont usurpé sa marque de commerce. Pour obtenir gain de cause dans une action en contrefaçon de marque de commerce, la demanderesse doit établir ce qui suit : [traduction] « 1) elle est en droit d’engager l’action au sujet de la marque de commerce déposée qui est en litige, et 2) la vente, la distribution ou l’annonce de marchandises ou de services a eu lieu, 3) en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, 4) par une personne non autorisée en vertu de la Loi sur les marques de commerce à employer la marque de commerce déposée, 5) en tant que marque de commerce » (Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and unfair Competition, 4e éd., Toronto (Ontario), Carswell, 2014), à l’al. 7.4b)).

[56]           Le concept de confusion est au cœur des concepts de commercialisation trompeuse et de contrefaçon. L’interdiction de commercialisation trompeuse de l’alinéa 7b) prévoit que « nul ne peut appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion » : BMW Canada, au paragraphe 14. L’interdiction de contrefaçon prévue aux articles 19 et 20 exige qu’il existe de la confusion ou une probabilité de confusion. Il y a confusion si les défenderesses laissent croire au public que les produits, les services ou l’entreprise sont ceux de la demanderesse ou ont été approuvés ou autorisés par cette dernière, ou encore qu’il existe un certain lien commercial entre elles.

[57]           La demanderesse fait valoir qu’il existe une probabilité de confusion entre « Scott Safety » et la marque de commerce SCOTT de la demanderesse. Les allégations concernant la marque de commerce AIR-PAK n’ont pas été présentées sérieusement et ne doivent pas être examinées. Si la demanderesse ne peut pas établir qu’il existe une probabilité de confusion entre l’usage de « Scott Safety » et sa marque de commerce SCOTT, alors cette prétention doit être rejetée.

[58]           La demanderesse soutient que l’élément prépondérant de la marque de commerce utilisée par les défenderesses est « Scott ». Elle fait également valoir que l’ajout de la dénomination « Safety » au mot « Scott » ne sert pas à distinguer la marque des défenderesses de celle de la demanderesse, étant donné que les produits et les services de toutes les parties sont liés à la sécurité.

[59]           Les défenderesses soutiennent d’autre part que le mot supplémentaire « Safety » est très important. En effet, elles soutiennent que ce litige vise avant tout la décision de la demanderesse d’ajouter le mot « Safety » à sa marque SCOTT, suivant la décision de Tyco de changer le nom de son entreprise à l’échelle mondiale pour « Scott Safety », le nom qui est utilisé par les défenderesses depuis de nombreuses années.

[60]           Je soupçonne que les défenderesses ont raison de souligner que ce changement de nom à l’échelle mondiale est la cause de ce litige; cependant, bien que cela puisse avoir une certaine pertinence pour opposer les moyens de défense fondés sur le retard, l’acquiescement et la préclusion, ce changement n’est aucunement pertinent pour trancher la question concernant la confusion.

[61]           Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait du public consommateur pertinent. Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce énumère une liste non exhaustive de facteurs que le tribunal doit prendre en considération pour décider si une marque de commerce ou un nom commercial est source de confusion :

En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[62]           Le facteur figurant à l’alinéa a), soit le caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle les marques et noms sont connus, nuit quelque peu à la demanderesse, car le mot « Scott » est un nom courant, qui n’a pas un caractère distinctif inhérent. J’accepte et je conclus que la marque de la demanderesse est bien connue au Canada (y compris dans la région pétrolière de l’Alberta) en ce qui a trait à ses APRA. Toutefois, il est également clair que, dans le cadre du marché principal des défenderesses (la région pétrolière de l’Alberta), sa marque de commerce – Scott Safety – est également bien connue.

[63]           Le facteur figurant à l’alinéa e), le degré de ressemblance entre les marques, milite quelque peu en faveur de la demanderesse, puisque « Scott » ressemble à « Scott Safety ». Il s’agit d’un facteur important, car, si deux marques ne se ressemblent pas, alors « il est peu probable que l’analyse amène à conclure à une probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire » : Masterpiece Inc c Alavida Lifestyle Inc, 2011 CSC 27, [2011] 2 RCS 387, au paragraphe 49.

[64]           On ne sait pas trop à quelle partie les facteurs figurant aux alinéas b) à d) sont favorables. En ce qui a trait au facteur figurant à l’alinéa b), la période d’utilisation, la demanderesse a utilisé « Scott » à titre de marque de commerce au Canada plus longtemps que les défenderesses ont utilisé « Scott Safety ». Cependant, ce facteur n’est pas éloquent en l’espèce. La Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Mattel, Inc  c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (Mattel) au paragraphe 77 que la « [p]ériode d’emploi n’est importante que pour trancher une question de fait, soit celle de savoir si la marque de commerce est réellement et véritablement devenue distinctive » (citant Harold G Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd., (Toronto, Carswell, 1972), p. 133). En l’espèce, la preuve démontre que les marques de commerce de la demanderesse et des défenderesses sont distinctives dans l’Ouest du Canada et dans la région pétrolière de l’Alberta en particulier. Il n’a pas été démontré qu’une marque est plus distinctive que l’autre.

[65]           De même, les éléments de preuve à l’égard des facteurs figurant aux alinéas c) et d), le genre de produits et la nature du commerce, sont à double tranchant. D’une part, la demanderesse et les défenderesses offrent des produits ou services différents. La demanderesse exerce principalement ses activités dans le domaine de la fabrication et de la vente d’APRA. Les défenderesses fournissent essentiellement des services médicaux d’urgence et des services d’incendie, ainsi que de la formation en sécurité. Il y a un certain chevauchement dans la mesure où elles vendent de l’équipement de détection de gaz (bien que de marques différentes). En outre, une petite partie de l’entreprise des défenderesses (environ 5 %) se compose de services d’entretien, de location, et de revente d’APRA neufs et remis à neuf, y compris certains appareils fabriqués par la demanderesse. Bien que la demanderesse ne loue pas ses APRA au Canada ni ne vend d’APRA remis à neuf, on peut prétendre que ces marchés de la revente et de la location recoupent le marché d’APRA neufs, dans la mesure où chacun d’entre eux attire les clients qui songent à utiliser les APRA fabriqués par la demanderesse. De plus, M. Stark affirme que les défenderesses ont revendu certains APRA neufs, bien qu’il n’ait cependant pas expliqué clairement si ces appareils étaient fabriqués par la demanderesse.

[66]           D’autre part, les clients de la demanderesse et des défenderesses se recoupent; elles prennent une part très active dans la fourniture de produits et de services aux entreprises de l’industrie pétrolière.

[67]           Compte tenu du léger recoupement des produits et des services des parties et du recoupement encore plus important de leur clientèle, on pourrait penser, comme l’a demandé instamment la demanderesse, que les facteurs figurant aux alinéas c) et d) militent en faveur d’une probabilité de confusion. Toutefois, cette prétention est minée, à mon avis, par la complexité de la clientèle des parties dans le secteur pétrolier. Tant M. Roy que M. Rogers ont témoigné que leurs clients respectifs dans le domaine de l’extraction pétrolière étaient des clients avertis à l’égard de leurs produits respectifs. Cette complexité générale atténue les préoccupations quant à la confusion.

[68]           Reste alors la situation où le facteur figurant à l’alinéa a) milite quelque peu en faveur des défenderesses, le facteur figurant à l’alinéa e) milite quelque peu en faveur de la demanderesse, et les autres facteurs ne sont pas nettement en faveur de l’une ou l’autre partie. Compte tenu de cette « égalité », je suis d’avis que le facteur contextuel le plus important est l’absence de preuve de confusion réelle. Ce facteur a été examiné par la Cour suprême dans l’arrêt Mattel au paragraphe 55 :

La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente, mais elle n’est pas nécessaire (Christian Dior, par. 19), même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant dix ans : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. nº 1123 (QL) (C.A.). Comme nous le verrons plus loin, une conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée. [Non souligné dans l’original.]

[69]           Tout d’abord, l’arrêt Mattel montre clairement que la preuve d’une confusion réelle n’a pas à être nécessaire pour établir une probabilité de confusion, puisque, si c’était le cas, cela aurait pour effet de hausser le critère d’une « probabilité de confusion » à une « confusion » en soi, contrairement au paragraphe 6(2) de la loi. Deuxièmement, l’arrêt Mattel établit que, bien que cela ne soit pas nécessaire, une preuve de confusion réelle est pertinente pour établir une probabilité de confusion. Cela s’explique par le fait que, par définition, des événements qui sont susceptibles de se produire se produisent plus souvent que des événements qui sont peu probables de se produire et, par conséquent, le fait qu’une situation s’est réellement produite indique, toutes autres choses étant égales par ailleurs, qu’elle était susceptible de se produire. Troisièmement, et, surtout dans le cas qui nous intéresse ici, l’arrêt Mattel établit qu’une absence de preuve de confusion réelle peut vouloir dire qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. Il s’agit là du corollaire naturel du point deux ; le fait que quelque chose ne s’est pas produit donne à penser, toutes autres choses étant égales, que l’événement n’était pas susceptible de se produire.

[70]           La mesure dans laquelle un tribunal peut tirer une conclusion à partir d’une absence de confusion réelle dépend des circonstances. Dans l’affaire Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, [1988] 3 CF 91 (Mr Submarine), la Cour d’appel fédérale a reconnu au paragraphe 29 que l’absence de preuve de confusion réelle était « un fait important », étant donné que les parties avaient utilisé leurs marques de commerce respectives en lien avec des entreprises de restauration de la région de Dartmouth au cours des dix années antérieures. Il convient de comparer cet arrêt avec la décision Absolute Software Corporation c Valt.X Technologies Inc, 2015 CF 1203 (Absolute) dans laquelle j’ai conclu au paragraphe 8 que ce manque de preuve de confusion réelle n’était [traduction] « pas surprenant, étant donné que la défenderesse est une entreprise en démarrage et en croissance et qu’elle avait vendu jusqu’alors moins de 2 000 $ de produits ».

[71]           En l’espèce, les faits se rapprochent manifestement beaucoup plus des faits de l’affaire Mr Submarine qu’à ceux l’affaire Absolute. Les parties font toutes deux la promotion de leurs produits auprès de clients du secteur pétrolier depuis plusieurs années. Si les clients étaient susceptibles d’être confondus par l’usage de la marque « Scott Safety » des défenderesses, on s’attendrait à trouver une preuve de cette confusion. Je suis d’accord avec les défenderesses pour dire que la preuve d’une confusion réelle dans la présente affaire est extrêmement faible.

[72]           En particulier, je souscris à l’interprétation du témoignage de M. Gelein par les défenderesses. M. Gelein n’a pas confondu les défenderesses avec la demanderesse, et il n’a pas non plus confondu leurs produits et services; il voulait simplement savoir si Scott Safety était une distributrice autorisée de la demanderesse. Il aurait très bien pu poser cette question, comme bien d’autres l’ont fréquemment fait, indépendamment de la dénomination de l’entreprise. Rien ne laisse entendre qu’il pensait que les défenderesses pourraient être autorisées en raison de leur dénomination. En outre, M. Gelein a pu confirmer que les défenderesses n’étaient pas des distributrices autorisées lorsqu’il a appelé la demanderesse après avoir trouvé ses coordonnées sur le site www.scottsafety.com. Le seul point qui a semé la confusion chez M. Gelein était la production par le représentant commercial des défenderesses des certificats de formation qui avaient été délivrés à des personnes travaillant chez « Scott Safety ». Il déclare ce qui suit :

[traduction]

Et bien, lorsque je les ai reçus, je n’avais pas vraiment je veux dire que j’étais un peu mêlé à propos de ça, ils ont All Out Group comme commanditaire principal, puis la filiale Scott Safety. Alors, je ne savais pas qui qui c’est Scott Safety. Était-ce Scott Safety Whitecourt? Est-ce que c’est Scott AIR-PAK? Et puis, je je ne sais pas.

La confusion de M. Gelein semble découler de l’utilisation de l’expression « Scott Safety ». M. Gelein a pu trouver cette expression déroutante, car, d’une part, il associait « Scott Safety » à « Scott Safety Whitecourt » mais, d’autre part, il a trouvé les coordonnées de la demanderesse sur le site Web « www.scottsafety.com ». En d’autres termes, la confusion de M. Gelein ne découlait pas du fait que tant la demanderesse que les défenderesses utilisaient « Scott »; sa confusion provenait du fait que tous deux utilisaient « Scott Safety ».

[73]           On peut dire la même chose du courriel de M. Chernichen. Il admet qu’il a confondu « Scott Safety », soit la demanderesse, avec « Scott Safety Services », en l’occurrence, les défenderesses. Encore une fois, la confusion n’était pas liée à la marque de commerce Scott et elle ne dépendait pas de celle-ci; elle dépendait plutôt de l’usage par les deux parties de l’expression « Scott Safety » pour décrire leur entreprise.

[74]           De même, Ambre, l’employée des défenderesses qui a parlé à l’agent d’infiltration, a simplement dit que, parce que la société s’appelle Scott Safety Supply, certaines personnes pensent qu’il s’agit d’une distributrice autorisée des produits Scott. Sa déclaration donne à penser que la confusion porte sur la question de savoir si son employeur est un distributeur autorisé de la demanderesse. Comme elle le dit, [traduction] « nous pouvons vendre les produits, nous pouvons en assurer l’entretien » et la capacité des défenderesses à le faire porte certains à penser qu’elles sont des distributrices autorisées, [traduction] « surtout que nous nous appelons Scott Safety Supply ».

[75]           Si on peut soutenir que cela constitue la preuve d’une confusion réelle avec la marque de commerce SCOTT, il s’agit d’une preuve négligeable. Je reconnais qu’une confusion quant à la question de savoir si les défenderesses sont des distributrices autorisées de la demanderesse pourrait être suffisante pour satisfaire au critère de la confusion visé au paragraphe 6(2), si cette confusion a été causée par l’usage par les défenderesses de la dénomination « Scott ». En effet, si une personne croit que les défenderesses sont des distributrices autorisées de la demanderesse, elle pourrait alors conclure que les « produits […] ou que les services liés [aux marques de commerce de la demanderesse et des défenderesses] sont fabriqués [...] ou exécutés, par la même personne ». Le fait qu’une personne croit à tort que les défenderesses sont des distributrices autorisées de la demanderesse peut aussi être suffisant pour satisfaire au critère de la confusion visé à l’alinéa 7b), dans la mesure où cela peut amener cette personne à confondre les biens, les services, ou l’entreprise de la demanderesse avec ceux des défenderesses.

[76]           Toutefois, à mon avis, il s’agit là d’une très faible preuve de confusion. Il ne s’agit pas d’une preuve directe de confusion réelle, mais simplement d’une déclaration d’une personne, qui n’a pas été appelée à témoigner, qui discutait avec un client potentiel qui lui avait dit qu’il avait arrêté parce qu’il y avait confusion. Tout au plus, cette déclaration est la preuve qu’un « certain » nombre inconnu de personnes ont dit à Ambre qu’il y avait confusion sur la question de savoir si les défenderesses étaient des distributrices autorisées de la demanderesse, en partie à cause de la dénomination de celles-ci.

[77]           Le courriel de Brogan Safety Services offre encore moins une preuve de confusion. Bien que dans le courriel on ait demandé des éclaircissements sur la question de savoir si les défenderesses étaient autorisées à assurer l’entretien de l’équipement fabriqué par la demanderesse, rien n’indique que quiconque aurait pensé que les défenderesses pouvaient être autorisées à le faire en raison de leur dénomination. En effet, M. Roy a convenu [traduction] « qu’il s’agit là d’une question courante qu’on vous pose souvent relativement aux personnes qui prétendent avoir la capacité d’assurer l’entretien ».

[78]           Enfin, le profil LinkedIn de la nouvelle employée des défenderesses ne constitue pas une preuve de confusion. Elle a entré le nom de son employeur comme étant « Scott Safety » et il n’y a aucune preuve qu’elle voulait dire qu’il s’agissait d’une autre entreprise que celle des défenderesses. La saisie automatique du nouveau logo de la demanderesse, qui n’était toutefois pas encore déposé, n’a été effectuée que parce que la demanderesse a fourni l’information à LinkedIn. Tout ce que cela peut démontrer, c’est que cette employée en poste depuis quatre mois n’était pas prudente en faisant remarquer que le logo qui avait été inséré n’était pas celui de son nouvel employeur; cela ne démontre pas qu’il y avait eu confusion chez elle à propos de l’identité de son employeur.

[79]           Il n’existe aucune preuve réelle de confusion malgré le fait que l’entreprise des défenderesses a exercé ses activités dans un marché dans lequel la demanderesse exploite son entreprise depuis plus de 20 ans. Il n’existe à peu près aucune confusion et donc aucune contrefaçon des marques de commerce de la demanderesse, et il n’y a pas eu non plus de commercialisation trompeuse.

[80]           Reste la prétention selon laquelle les défenderesses ont entraîné la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce de la demanderesse, en violation du paragraphe 22(1) de la Loi. Contrairement à la commercialisation trompeuse et à la violation, la « confusion » ne fait pas partie de l’analyse fondée sur le paragraphe 22(1).

[81]           L’un des éléments obligatoires qui doivent être prouvés pour établir une prétention au titre du paragraphe 22(1) est que l’incidence de l’usage par les défenderesses sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce de la demanderesse (c.-à-d., un préjudice) : Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824, au paragraphe 46.

[82]           La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve démontrant qu’elle a perdu des ventes en raison de la marque de commerce des défenderesses, ou encore que celle-ci a eu une incidence sur ses ventes. Elle a admis franchement qu’il n’y avait pas eu de telles pertes. Dans de telles circonstances, on ne peut pas dire que l’effet de l’usage par les défenderesses de la dénomination Scott Safety a « probablement » diminué la valeur de son achalandage. Je suis convaincu que cet usage n’a eu aucune incidence sur l’achalandage attaché à la marque de commerce de la demanderesse, SCOTT.

[83]           Pour ces motifs, l’action de la demanderesse doit être rejetée.

[84]           Si j’avais conclu que les défenderesses avaient contrefait la marque de commerce SCOTT de la demanderesse, je n’aurais pas accordé de dommages‑intérêts compte tenu de l’admission qu’il n’y a eu aucun préjudice. De plus, je n’aurais pas accordé à la demanderesse de mesure injonctive. Il s’agit d’une mesure équitable et discrétionnaire. En l’espèce, la demanderesse est depuis longtemps au courant de l’usage par les défenderesses de « Scott Safety » et elle a même été avertie il y a quelques années par M. Roy de garder un œil sur cette entreprise; mais elle n’a rien fait, du moins jusqu’à ce qu’elle ait décidé de se renommer à l’échelle mondiale Scott Safety, soit la marque de commerce même des défenderesses. Une entreprise ne peut pas se tourner les pouces et permettre à une autre d’exploiter son entreprise, d’y investir et de la faire croître, puis surgir et solliciter la protection du tribunal lorsque cela lui convient, en affirmant qu’elle a été traitée injustement. En l’espèce, s’il y a injustice, ce sont les défenderesses qui ont été traitées injustement par la demanderesse lorsqu’elle a décidé d’utiliser le même nom que celui que les défenderesses utilisaient depuis plus de 20 ans.

[85]           Les défenderesses ont droit aux dépens. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant des dépens, les défenderesses devront signifier et déposer des observations écrites ne dépassant pas dix (10) pages, et un mémoire de frais dans les quinze (15) jours des présents motifs. La demanderesse devra signifier et déposer ses observations écrites dans les quinze (15) jours suivant la réception des observations des défenderesses. Le jugement au sujet des dépens est pris en délibéré.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. La Cour réserve son jugement sur le montant des dépens, en attendant de recevoir les observations conformément aux motifs.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

M.-C. Gervais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T -2041-12

INTITULÉ :

SCOTT TECHNOLOGIES INC c 783825 ALBERTA LTD ET AUTRES

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 14, 15, 16 ET 17 SEPTEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 DÉCEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Peter E. J. Wells

Christine Laing

POUR LA DEMANDERESSE

Grant N. Stapon

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Bennett Jones s.r.l.

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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