Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20151103


Dossier : T‑1‑15

Référence : 2015 CF 1241

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 3 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

FAISAL ANASHARA

demandeur

et

SWAGGER PUBLICATIONS INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC, 1985, c T‑13 (la Loi), d’une décision rendue par le délégué du registraire des marques de commerce (le registraire) le 5 novembre 2014. Dans cette décision, le délégué a radié le numéro de la marque de commerce LMC 723,265 pour la marque de commerce SWAGGER (la marque) appartenant au demandeur, M. Anashara, aux termes de l’article 45 de la Loi.

[2]               À la demande de Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L, s.r.l., avocat de la défenderesse, le 9 juillet 2012, le registraire a donné à M. Anashara l’avis prévu à l’article 45 de la Loi. L’avis exigeait que M. Anashara fournisse une preuve établissant l’emploi de la marque SWAGGER au Canada à l’égard de chacun des services et produits que spécifie l’enregistrement au cours de la période pertinente, du 9 juillet 2009 au 9 juillet 2012.

[3]               En réponse à l’avis donné aux termes de l’article 45, M. Anashara, agissant pour son propre compte, a fourni un affidavit. Toutefois, il n’a pas fourni d’observations écrites. Une audience a eu lieu, mais M. Anashara n’y a pas participé et il n’y a pas envoyé de représentant. La partie requérante (Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L, s.r.l.) était représentée à l’audience (DCT, décision du registraire, p. 2, au paragraphe 7).

[4]               Le registraire a estimé que M. Anashara n’avait pas établi l’emploi de la marque en liaison avec les services et produits visés par l’enregistrement au sens des alinéas 4(1) et 4(2) de la Loi. De plus, le registraire a estimé que M. Anashara n’avait pas établi l’existence de circonstances spéciales qui justifiaient le non‑emploi de la marque au cours de la période pertinente. Dans le présent appel, M. Anashara a fourni d’autres éléments de preuve afin de faire modifier la décision du registraire.

I.                   Norme de contrôle applicable à la décision du registraire

[5]               M. Anashara n’a fourni aucune observation sur la norme de contrôle applicable. Toutefois, l’avocat de la défenderesse a présenté un exposé concis de l’état du droit :

[traduction] Il est bien établi que la norme de contrôle applicable dans un appel formé en vertu de l’article 56 de la Loi dépend de la question de savoir si une preuve nouvelle a été produite qui aurait eu pu avoir un effet sur la décision du registraire ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’aucune preuve nouvelle n’est produite, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. À l’inverse, lorsqu’une preuve nouvelle a été produite, la Cour doit trancher la question de novo après avoir examiné la preuve dont elle dispose. (Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145 (CAF), au paragraphe 29)

Comme l’a déclaré la juge Carolyn Layden‑Stevenson dans le jugement Vivat Holdings Ltd. c Levi Strauss & Co., 2005 CF 707, au paragraphe 27 :

« Pour avoir une incidence sur la norme de contrôle, la nouvelle preuve doit être suffisamment importante.  Lorsque la preuve additionnelle ne va pas au‑delà de ce qui a déjà été établi devant la Commission et a peu de poids, mais ne consiste qu’à compléter ou tout simplement répéter des éléments déjà mis en preuve, alors l’application d’une norme comportant une moins grande déférence n’est pas justifiée. Le critère en est un de qualité et non de quantité. »

(Mémoire des faits et du droit de Swagger Publications, aux paragraphes 24 et 25)

[6]               Par conséquent, la question à trancher est celle de savoir si M. Anashara a fourni de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent appel, et, le cas échéant, si ces nouveaux éléments de preuve auraient pu avoir un effet sur la décision du registraire.

II.                La preuve présentée devant le registraire

A.                Les produits

[7]               Dans la Loi, le terme « emploi » est défini au paragraphe 4(1) en liaison avec les produits :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

A trade‑mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

[8]                Par conséquent, en réponse à l’avis, M. Anashara devait faire la preuve (i) du transfert de propriété (ii) concernant la marque SWAGGER (iii) dans la pratique normale du commerce afin de respecter le critère de l’emploi en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

[9]               La marque de commerce SWAGGER a été enregistrée (LMC 723,265) pour les produits suivants : tee‑shirts, polos, chandails et chemises à manches longues; vêtements et articles chaussants pour hommes, femmes et enfants, nommément chaussures, espadrilles, tricots, chandails, ensembles d’entraînement, pantalons d’entraînement, chemises sport, ensemble molletonnés, jerseys, débardeurs, tee‑shirts, vêtements sport et vêtements d’entraînement, nommément chaussettes, shorts, uniformes, bandeaux serre‑têtes, serre‑poignets, visières, vestes sport, ensemble molletonnés, pantalons molletonnés, vestes, chaussettes, boxeurs, polos, chemises et pantalons habillés, cravates, mouchoirs, foulards et gants, chapeaux, accessoires, nommément, lunettes de soleil, lunettes, étuis à lunettes, bijoux, montres, housses à robes, sacs de sport, articles de toilette, nommément, déodorants en bâton, gel capillaire, gel pour le corps, savon de bain, lotion et hydratant pour les mains et le corps, baumes; parfumerie, nommément eau de Cologne; parapluies (dossier du demandeur, à la page 19).

[10]           Tous les articles de toilette indiqués dans l’enregistrement de la marque n’ont aucune pertinence dans la présente instance, car M. Anashara a transféré cette partie de l’enregistrement à Proctor & Gamble en date du 4 juillet 2012 (dossier de la défenderesse, à la page 11).

[11]           L’affidavit fourni au registraire par M. Anashara comportait plusieurs allégations concernant l’emploi de la marque de commerce et des pièces visant à faire la preuve de l’emploi de la marque, mais pas précisément dans le cadre juridique d’un transfert aux termes de la Loi. Par exemple, M. Anashara a fourni un bon de commande d’étiquettes arborant le mot « swagger », des copies de courriels à des détaillants et des distributeurs concernant SWAGGER, ainsi que des activités promotionnelles. La date de certains éléments de preuve ne correspondait pas à la période pertinente.

[12]           Les affidavits déposés en preuve ont effectivement démontré que certains produits ont été transférés le 1er janvier 2011 sans explication particulière :

[…] À la pièce D, on trouve également des reçus de la fabrication de 5 200 étiquettes Swagger datant de 2010 (employées sur mes produits, dont certaines ont été annexées sous la cote I), des reçus de vente datant de 2011, et un reçu de fabrication de bijoux (2007).

[Non souligné dans l’original]

(Dossier de défenderesse, p. 16, au paragraphe 6 iii)

[13]           Les reçus de vente de 2011 à la pièce D incluaient les articles suivants : tee‑shirts, jeans, foulards, chapeaux, sacs (sacs de sport, sacs fourre‑tout, petits sacs de voyage), chandails/vestes à capuchon, chaussures de toile, vestes, casquettes et déodorants (dossier de la défenderesse, à la page 39).

[14]           Parmi ces articles, les suivants figuraient dans les produits visés par l’enregistrement (LMC 723,265) : tee‑shirts, jeans, foulards, chapeaux, sacs de sport, chandails, chaussures, vestes (dossier de la défenderesse, à la page 19).

[15]           Aucune preuve étayant précisément le transfert n’était à la disposition du registraire.

B.                 Les services

[16]           Dans la Loi, le terme « emploi » est défini au paragraphe 4(2) en liaison avec les services :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

A trade‑mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

[17]           Par conséquent, en réponse à l’avis, M. Anashara était requis de faire la preuve des services rendus ou de la publicité relative à un service rendu, en utilisant la marque SWAGGER.

[18]           La marque de commerce SWAGGER a été enregistrée (LMC 723,265) pour un emploi en liaison avec les services suivants : édition de magazines, sous forme imprimée et électronique, disponibles et téléchargeables sur Internet ou d’autres réseaux informatiques mondiaux.

[19]           Dans son affidavit, M. Anashara a traité de l’inscription du nom de domaine Internet www.swaggerswagger.com et, à la pièce A de l’affidavit, il a inclus une copie de l’avis d’expiration du nom de domaine pour www.swaggerswagger.com pour démontrer la propriété (affidavit du demandeur, p. 1, au paragraphe 5).

[20]           La pièce I jointe à l’affidavit semblait être une tentative de démontrer l’emploi en ce qui concerne les services d’« édition en ligne », mais aucune explication n’y était fournie. Les pièces consistaient en cinq captures d’écran de www.swaggerswagger.com et deux captures d’écran de www.swaggeroriginal.com. La copie d’un court article portant le titre « March 2012 Swagger Magazine » a également été déposée en preuve, mais il n’était pas mentionné d’où il provenait, s’il était accessible en ligne ou imprimé, s’il était offert en vente ou s’il s’agissait d’une publicité ou d’un autre contexte.

C.                 Pratique normale du commerce

[21]           M. Anashara n’a pas fourni de description particulière de sa « pratique normale du commerce » dans son affidavit.

[22]           Les pièces jointes à l’affidavit consistaient en des factures pour des kiosques lors de salons professionnels et de festivals, mais leur date était antérieure à la période pertinente. La marque SWAGGER était clairement indiquée sur ces factures. Les éléments de preuve étayaient également l’exploitation d’un site Internet qui semblait offrir en vente des articles SWAGGER.

III.             Les conclusions du registraire

A.                Les produits

[23]           Le registraire a conclu que M. Anashara n’avait pas démontré l’emploi de la marque au sens du paragraphe 4(1). En ce qui concerne les reçus de janvier 2011 déposés en preuve, le registraire a conclu ce qui suit :

Le Propriétaire atteste également que la Pièce D comporte des reçus de vente de 2011; cependant, il ne donne pas plus de détails en ce qui concerne ces ventes présumées, permettant apparemment à la pièce de parler d’elle‑même. En effet, la Pièce D présente ce qui semble être 16 reçus manuscrits, chacun étant daté du « 01/01/11 ». Les reçus semblent présenter des ventes individuelles d’articles vestimentaires, certains correspondant à des marchandises décrites dans l’enregistrement. Ceux‑ci comprennent des tee‑shirts, des jeans, des chapeaux, des capines [sic], des vestes et des chaussures. Cependant, je souligne que ces reçus n’arborent pas la Marque et que le Propriétaire n’indique pas en détail le contexte des transactions, et notamment si ces ventes ont été faites en lien avec des articles vestimentaires arborant la Marque.

[Non souligné dans l’original]

(DCT, décision du registraire, p. 4, au paragraphe 13)

[24]           Le registraire a également conclu :

De plus, en ce qui concerne les reçus de la Pièce D portant la date du « 01/01/11 », je ne puis admettre que ces reçus établissent l’emploi de la Marque pour deux raisons. En premier lieu, on ne sait pas avec certitude si les reçus représentent des ventes de marchandises arborant la Marque telle qu’elle est enregistrée. À cet égard, le Propriétaire ne fournit aucun détail à propos des ventes et la Marque ne figure pas sur les reçus. En second lieu, les reçus ne semblent pas représenter des ventes faites dans la pratique normale du commerce. Il semblerait que les reçus ont tous été préparés le jour de l’An 2011. Étant donné que le reste de la preuve n’établit pas de ventes effectuées au cours de la période pertinente et que le Propriétaire n’a pas fourni d’explication relativement aux reçus de 2011, il est difficile de conclure que les reçus font la preuve de véritables transactions commerciales [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (C.F. 1re inst.)].

(DCT, décision du registraire, p. 4, au paragraphe 19)

[25]           Par conséquent, le registraire n’était pas d’avis que les reçus démontraient l’emploi de la marque au sens du paragraphe 4(1).

B.                 Les services

[26]           Le registraire a conclu que M. Anashara n’a pas démontré l’emploi en liaison avec des services, au sens du paragraphe 4(2) :

En ce qui concerne les services visés par l’enregistrement, le Propriétaire présente des instantanés d’un site Web, www.swaggeroriginal.com, qui semblent présenter des parties d’un « magazine » en ligne. Les dates présentées sur les pages sont comprises dans la période pertinente, et la Marque figure sur les deux pages. Cependant, comme l’a souligné la Partie requérante à l’audience, le Propriétaire ne fournit aucune explication quant à la pertinence de ces pages Web ou de ces instantanés. En effet, si le Propriétaire atteste que son site Web est celui qui s’affiche au www.swaggerswagger.com et s’il fournit des documents d’enregistrement pour démontrer qu’il en a la propriété, il ne fait aucune mention de l’adresse www.swaggeroriginal.com dans le corps de son affidavit. Rien dans la pièce elle‑même ne me permet de conclure que le site Web est détenu ou exploité par le Propriétaire ou que les articles ont été produits par le Propriétaire ou licencié. En l’absence d’explications supplémentaires, je ne peux conclure que la présentation de la Marque sur ce site Web constitue un emploi par le Propriétaire en liaison avec les services visés par l’enregistrement.

Par conséquent, j’estime que le Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.  

(DCT, décision du registraire, p. 4, aux paragraphes 21 et 22)

C.                 Pratique normale du commerce

[27]           Le registraire n’a pas tiré de conclusion particulière sur ce que constituait une pratique normale pour M. Anashara, mais il a souligné qu’en ce qui concerne les reçus de 2011, « ... les reçus ne semblaient pas représenter des ventes faites dans la pratique normale du commerce ». (DCT, décision du registraire, p. 5, au paragraphe 19)

IV.             Éléments de preuve en appel

A.                Les produits

[28]           Dans le présent appel, M. Anashara a fourni des renseignements et des pièces additionnels dans l’affidavit qu’il a produit à la Cour et qui explique le transfert des produits effectué le 1er janvier 2011 comme suit :

[traduction] Je, Faisal Anashar, en tant que propriétaire de la marque de commerce SWAGGER, fais appel de la décision du registraire en vertu du paragraphe 56 de la Loi sur marques de commerce, au motif que le registraire a commis une erreur en annulant l’enregistrement de ma marque parce qu’elle n’aurait pas été employée. J’ai consacré beaucoup d’argent, de temps et d’efforts pour la marque de commerce SWAGGER, du moment où j’ai produit la demande visant à en obtenir l’enregistrement auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada le 6 octobre 2006 jusqu’à maintenant, pour qu’au final, je ne l’emploie plus ou la laisse devenir inactive. J’ai employé la marque de commerce SWAGGER sur mes produits et services et je continue de le faire. Je trouve l’allégation de non‑emploi assez surprenante et la décision de radier ma marque de commerce, injuste. La pièce B établit l’emploi de la marque en liaison avec divers produits et services. Elle présente des photos de produits qui démontrent leur transfert dans la pratique normale du commerce et elles ne laissent aucun doute dans l’esprit des consommateurs quant à la marque et la marque de commerce et les biens et services en liaison avec lesquels elle est employée. Ces produits et services comprennent des tee‑shirts portant la marque SWAGGER sur l’étiquette apposée à l’intérieur des tee‑shirts et sur les tee‑shirts également, des chemises habillées cousues à Toronto qui affichent clairement une étiquette SWAGGER tissée à l’intérieur de la chemise (une des 5 200 étiquettes achetées en 2010 et pour lesquelles le reçu a été fourni au registraire), des jeans portant également la marque SWAGGER, un sac à provisions affichant la marque de commerce SWAGGER dans lequel les produits achetés par les consommateurs sont mis, un dépliant faisant la promotion de rabais sur les produits SWAGGER lors du festival Caribana à Toronto en 2012, un dépliant pour un événement de magasinage du Nouvel An tenu en 2011 pour lequel des reçus de ventes ont été fournis dans le dossier de preuve initial fourni au registraire, différents produits SWAGGER offerts en vente, ainsi que des articles et des entrevues parus dans le magazine SWAGGER sur des thèmes comme le sport, la musique, la mode, les produits, les gens et la culture au cours des trois périodes précédant l’avis donné en vertu du paragraphe 45 (2009‑2012).

[Non souligné dans l’original] [version anglaise traduite telle quelle]

(dossier du demandeur, p. 9, au paragraphe 2)

[29]           Au cours de l’audience du présent appel, M. Anashara a témoigné sous serment afin de fournir des précisions sur ses affidavits. M. Anashara a déclaré que son deuxième affidavit visait à combler les lacunes que le registraire avait, à son avis, soulevées et il a expliqué que les photos des produits ont été fournies afin de démontrer que les produits qu’il vendait portaient la marque.

[30]           Lors du contre‑interrogatoire, M. Anashara a confirmé que les reçus manuscrits ont été produits le 1er janvier 2011. Il a déclaré qu’en tant qu’exploitant d’une petite entreprise, il était commun d’utiliser des reçus manuscrits comme ceux fournis en preuve.

[31]           Au cours du contre‑interrogatoire de M. Anashara et dans ses observations, l’avocat de la défenderesse a remis en question de manière générale la crédibilité de M. Ashanara, et plus précisément en ce qui concerne les éléments de preuve qu’il a fournis pour étayer l’emploi de la marque. Sur la question de l’emploi, M. Anashara a fourni des réponses valables et directes à toutes les questions posées dans le cadre du contre‑interrogatoire. L’avocat de la défenderesse n’a fourni aucun élément de preuve pour contredire le témoignage de M. Anashara. Je conclus, par conséquent, que le témoignage de par M. Anashara est crédible.

B.                 Les services

[32]           Dans le deuxième affidavit fourni à la Cour, M. Anashara ne précise pas comment la marque SWAGGER est employée en liaison avec les services tels qu’ils énoncés dans l’enregistrement.

[33]           M. Anashara semble vouloir démontrer, au moyen de certaines des pièces jointes à son affidavit, l’emploi de la marque en liaison avec les services. Plus précisément, M. Anashara a fourni les éléments suivants : une recherche du domaine www.swaggeroriginal.com dans la base de données WHOIS (pièce G, à la page 95) pour démontrer la propriété; des photos additionnelles qui semblent être des captures d’écran de deux sites Web (pièce B, aux pages 27 à 30 aux fins d’exemple); et plusieurs captures d’écran de petits articles publiés anonymement sur le site Web www.swaggerorignal.com (pièce B, aux pages 45 à 54).

[34]           Je conclus que M. Anashara n’a pas établi le type de services d’édition pour lesquels la marque SWAGGER est enregistrée et employée.

C.                 Pratique normale du commerce

[35]           Des dépliants promotionnels pour une vente du Nouvel An 2011, ainsi que pour le festival Caribana à Toronto en 2012 figurent à la pièce B jointe au second affidavit (dossier du demandeur, aux pages 41 et 42).

[36]           Dans son témoignage, M. Anashara a confirmé de façon franche que tous les articles vendus dans les festivals, les salons professionnels, et d’autres événements décrits comme étant des boutiques éphémères où, d’après mon interprétation de la preuve, des produits sont temporairement en vente soit dans un environnement commercial ou lors d’un événement social accessible sur invitation seulement. Dans ses observations, M. Anashara a affirmé que les petites entreprises comme la sienne ne vendent pas leurs produits dans de grands magasins, comme des magasins à rayons, des pharmacies ou des épiceries.

V.                Y a‑t‑il de nouveaux éléments de preuve?

[37]           L’avocat de la défenderesse soutient que les « nouveaux » éléments de preuve fournis par M. Anashara dans le présent appel sont une simple répétition de ceux qui avaient été fournis au registraire. En ce qui concerne les questions des produits et de la pratique normale du commerce, je ne souscris pas à cet argument. Je conclus que M. Anashara a fourni de nouveaux éléments de preuve crédibles relativement à ces deux questions.

[38]           Pour ce qui est des produits et de la pratique normale du commerce, je suis d’avis que les renseignements additionnels présentés dans l’affidavit et le témoignage oral de M. Anashara sont importants parce qu’ils indiquent la date, le lieu et le contexte relatifs à la vente de produits portant la marque qui a eu lieu le 1er janvier 2011. En ce qui concerne ces ventes, en plus des reçus de vente qui établissaient le type d’articles vendus. M. Anashara avait également publié un dépliant annonçant l’événement de vente. Sur le dessus du dépliant, il y a la marque, SWAGGER, en gros caractère suivi de ce texte :

[traduction]

Célébrez avec nous la nouvelle année le 1er janvier 2011 Veuillez vous joindre à nous pour rencontrer du monde et profiter du magasinage et des rafraichissements offerts. Des hors‑d’œuvre et de la musique sûrs de vous plaire vous attendent. La fête commencera la veille du jour de l’An et se poursuivra jusqu’aux petites heures du matin, de 22 h à 4 h. APPELEZ LE 416‑898‑5555 LIEU : 826, RUE COLLEGE. L’ENTRÉE SERA LIMITÉE À LA CAPACITÉ DE LA SALLE.

(Dossier du demandeur, à la page 41)

[39]           Pour ce qui est de la question de la pratique normale du commerce, je conclus selon la preuve à ma disposition que l’entreprise de M. Anashara fonctionne d’une manière qui peut sembler particulière pour certains, mais elle constitue la pratique normale du commerce pour beaucoup d’entreprises.

[40]           Pour ce qui est des services, j’estime que M. Anashara n’a pas fourni de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux fournis au registraire. Les affidavits déposés en preuve n’établissent pas clairement que M. Anashara publie ou fournit des services d’édition en utilisant la marque SWAGGER, ou que la marque SWAGGER a été utilisée dans la publicité de publication ou de services d’édition, plus précisément, selon la période visée dans l’avis, soit entre le 9 juillet 2009 et le 9 juillet 2012.

VI.             Les nouveaux éléments de preuve auraient‑ils eu un effet sur la décision du registraire?

[41]           Le fardeau de démontrer l’emploi de la marque qui incombe à M. Anashara n’est pas lourd. Il suffit de présenter un commencement de preuve de cet emploi. La preuve d’une vente unique, si telle vente a été faite de bonne foi durant la période pertinente dans la pratique normale du commerce, suffira (Jagotec AG c Riches, McKenzie & Herbert LLP, 2006 CF 1468, au paragraphe 5; Vogue Brassiere Inc. c Sim & McBurney, (2000) 180 FTR 220, au paragraphe 43).

[42]           J’estime que les nouveaux éléments de preuve décrits auraient très certainement eu un effet sur la décision du registraire, tant sur la question du transfert de produits que sur celle de la pratique normale du commerce. Il en est ainsi parce qu’il aurait conclu que, en réponse à l’avis relatif aux produits, la vente de produits du 1er janvier 2011 satisfaisait aux exigences de l’article 4(1) de la Loi. À mon avis, le registraire aurait maintenu l’enregistrement pour les produits suivants : t‑shirts, jeans, foulards, chapeaux, sacs de sport, chandails, souliers et vestes.

[43]           Aucune preuve n’a été fournie afin d’étayer l’emploi de la marque en liaison avec d’autres produits indiqués dans l’enregistrement de la marque de commerce no 723,265.

VII.          Conclusion

[44]           Pour les motifs exposés, le présent appel est accueilli en partie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit :

La Cour ordonne que la décision du registraire de radier la marque SWAGGER pour « les tee‑shirts, les jeans, les foulards, les chapeaux, les sacs de sport, les chandails, les chaussures et les vestes » soit annulée. 

La Cour ordonne que des dépens, fixés à la somme forfaitaire de 1 500 $, soient payables sans délai à M. Anashara par la défenderesse.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elise Colas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T ‑1‑15

 

INTITULÉ :

FAISAL ANASHARA c SWAGGER PUBLICATIONS INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 OCTOBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

LE 3 NOVEMBRE 2015

ONT COMPARU :

Faisal Anashara

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Stephen M. Turk

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephen M. Turk

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.