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Date : 20151106

Dossier : T‑501‑14

Référence : 2015 CF 1206

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2015

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION

demanderesse

et

MINISTRE DE LA SANTÉ,

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

défendeurs

VERSION PUBLIQUE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS

(Identique à la version confidentielle du jugement et des motifs rendus le 26 octobre 2015)

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 28 janvier 2014 par laquelle le ministre de la Santé [le ministre ou Santé Canada] a conclu que le formulaire V devait être rempli à l’égard de la présentation supplémentaire de drogue nouvelle [PSDN] de la demanderesse déposée en vertu de l’article C.08.003 du Règlement sur les aliments et drogues, CRC 1978, c 870 [le RAD], pour répondre au brevet 2,196,922 [le brevet 922] de Sanofi‑Aventis Canada Inc. [Sanofi] en ce qui concerne le médicament ELOXATINE. De l’avis du ministre, la demanderesse était une « seconde personne » au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement AC], et devait donc se conformer au paragraphe 5(2) dudit règlement. Le ministre a donc conclu que la PSDN était incomplète d’un point de vue administratif et qu’elle serait déchiquetée à moins que le formulaire V ne soit soumis dans les dix jours.

[2]               La demanderesse soutient que Santé Canada a commis les erreurs suivantes : (i) son interprétation du paragraphe 5(2) du Règlement AC était erronée parce qu’elle faisait relever de cette disposition une PSDN liée à une présentation qui ne relevait pas du paragraphe 5(1); (ii) il a mis en attente, sans motif raisonnable, l’examen sur le fond de la PDN en attendant que les dispositions du Règlement AC soient respectées; et (iii) il a, sans motif raisonnable, imposé un délai plus court que celui prévu pour solliciter un contrôle judiciaire.

[3]               La présente affaire est étroitement liée à celle que la Cour a examinée sous le numéro de dossier T‑1963‑13 et elle a été instruite en même temps.

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’estime que la présente demande de contrôle judiciaire est théorique et que la Cour n’a donc pas à la trancher.

I.                   Contexte

[5]               Pour connaître le contexte factuel complet de la présente affaire, il convient de se reporter aux motifs de la Cour dans le dossier connexe Hospira Healthcare Corporation c Ministre de la Santé, Procureur général du Canada, Sanofi‑Aventis Canada Inc., 2015 CF 1205, publiés en même temps que les présents motifs. Le dossier connexe concerne la protection des données dont jouit ELOXATINE à titre de drogue innovante en vertu du RAD, laquelle doit expirer le 15 décembre 2015.

[6]               L’ELOXATINE bénéficie également de la protection d’un brevet, soit le brevet 922 inscrit sur le Registre des brevets le 19 juin 2007, deux jours après que Sanofi eut reçu son avis de conformité initial relativement à la solution pour injection d’oxaliplatine à 5 mg/mL. L’avis de conformité de Sanofi se rapporte à la fois à la poudre sèche et à la solution pour injection.

[7]               Au moment où la demanderesse a déposé sa PDN relativement à l’OXALIPLATINE POUR INJECTION en poudre lyophilisée pour solution intraveineuse à raison de 50 mg et 100 mg, aucun brevet inscrit sur le Registre ne visait de médicament dont l’oxaliplatine était l’ingrédient actif, et aucun avis de conformité n’avait été délivré à l’égard de nouveaux médicaments contenant de l’oxaliplatine.

[8]               Cependant, la situation a changé lorsqu’est venu le temps pour Santé Canada d’examiner la PDN de la demanderesse relative à l’OXALIPLATINE POUR INJECTION. Pour divers motifs évoqués dans le dossier connexe, l’examen final de la PDN ne s’est achevé que le 30 octobre 2013. Entre‑temps, le brevet 922 avait été inscrit sur le Registre des brevets le 19 juin 2007, deux jours après que Sanofi eut reçu son avis de conformité pour l’ELOXATINE.

[9]               Le 31 octobre 2013, le ministre a informé la demanderesse que la délivrance de l’avis de conformité relatif à l’OXALIPLATINE POUR INJECTION avait été recommandée, mais qu’elle ne pouvait avoir lieu aux termes de l’article C.08.004.1 du RAD avant l’expiration de la protection des données concernant l’ELOXATINE. Le ministre a estimé que la PDN était fondée sur des comparaisons avec ce médicament. Cette décision est contestée dans le dossier connexe – à l’égard duquel l’avis de demande a été déposé le 28 novembre 2013.

[10]           Le 20 décembre 2013, la demanderesse a néanmoins décidé d’apporter un changement à la forme posologique de l’OXALIPLATINE POUR INJECTION au moyen d’une PSDN, conformément à l’article C.08.003 du RAD et au document intitulé Changements survenus après l’avis de conformité (AC) : Document sur la qualité (Ottawa : Santé Canada, 2012). Ces dispositions s’appliquent aux parties qui souhaitent apporter des changements à de nouveaux médicaments après la délivrance d’un avis de conformité, mais aussi, comme dans le cas de la demanderesse, aux présentations à l’égard desquelles la délivrance d’un avis de conformité a été recommandée, mais mise en attente. La PSDN de la demanderesse se rapportait à une nouvelle forme posologique finie du médicament de la demanderesse, qui se présente comme une solution pour injection prête à l’emploi (SOLUTION D’OXALIPLATINE).

[11]           Une ébauche de la monographie contenant des références à la monographie canadienne du médicament ELOXATINE de Sanofi était jointe à la PSDN.

[12]           Dans une lettre datée du 2 janvier 2014, Santé Canada notifiait à la demanderesse qu’elle devait soumettre un formulaire V pour répondre au brevet 922 de Sanofi; la PSDN entraîne l’application du paragraphe 5(2) du Règlement AC.

[13]           Le 10 janvier 2014, la demanderesse a sollicité un réexamen et le retrait de la lettre du 2 janvier 2014, estimant qu’elle n’était pas une « seconde personne » au sens du Règlement AC, et que le paragraphe 5(2) n’entrait en jeu que lorsque la PSDN est déposée à l’égard d’une présentation qui relève ou relevait du paragraphe 5(1).

[14]           Dans une lettre datée du 28 janvier 2014, Santé Canada a maintenu sa position.

[15]           Le 7 février 2014, la demanderesse a déposé le formulaire V requis sous toute réserve et réaffirmé qu’elle n’était pas une seconde personne au sens du paragraphe 5(2) du Règlement AC.

[16]           Le 27 février 2014, la demanderesse a déposé son avis de demande (modifié le 12 novembre suivant), qui est l’objet du présent contrôle judiciaire.

[17]           Après que la présentation eut été jugée incomplète sur le plan administratif, la PSDN a été déclarée en suspens pour des motifs relatifs à la propriété intellectuelle en attendant que les autres exigences du Règlement AC soient remplies à l’égard du brevet 922, et que prenne fin par ailleurs la protection des données. Cependant, cette décision rendue par le ministre le 26 septembre 2014 n’a pas été contestée par la demanderesse.

II.                La décision contestée

[18]           Après avoir résumé la position de la demanderesse, le ministre a maintenu qu’elle était une « seconde personne » au sens du Règlement AC, définie à l’article 2 comme « [l]a personne visée aux paragraphes 5(1) ou (2) qui dépose la présentation ou le supplément qui y sont prévus ». La demanderesse était, par conséquent, tenue de se conformer au paragraphe 5(2) :

(2) Dans le cas où la seconde personne dépose un supplément à la présentation visée au paragraphe (1), en vue d’obtenir un avis de conformité à l’égard d’une modification de la formulation, d’une modification de la forme posologique ou d’une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, lequel supplément, directement ou indirectement, compare celle‑ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes de l’avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard duquel une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi — , cette seconde personne doit, à l’égard de chaque brevet ajouté au registre pour cette autre drogue, inclure dans son supplément :

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

(b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration présentée par la première personne aux termes de l’alinéa 4(4)d) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) elle ne contreferait aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant la drogue pour laquelle le supplément est déposé.

[19]           Le ministre a conclu que la mise en attente fondée sur le formulaire V serait maintenue à l’égard de la PSDN jusqu’à ce que ledit formulaire soit soumis. La demanderesse avait dix jours civils à compter de la date de la décision pour s’y conformer.

III.             Analyse

[20]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir si le Règlement AC s’applique à la PSDN de la demanderesse alors qu’il n’était pas pertinent pour l’évaluation de sa présentation antérieure ou qu’il n’en a pas été tenu compte.

[21]           J’estime que cette question est théorique pour les motifs suivants.

[22]           Tout d’abord, le brevet 922 de Sanofi a expiré le 7 août 2015. Par conséquent, le Règlement AC n’empêche plus le ministre de délivrer un avis de conformité à l’égard de la SOLUTION D’OXALIPLATINE.

[23]           Deuxièmement, bien que l’interdiction découlant du Règlement AC ne soit plus en vigueur, le ministre ne peut toujours pas délivrer d’avis de conformité à la demanderesse en vertu du RAD. La protection des données concernant le médicament ELOXATINE de Sanofi (relativement aux deux formes posologiques) expirera le 15 décembre 2015, et même si j’avais conclu dans le dossier connexe que la protection des données ne s’appliquait pas au médicament ELOXATINE POUR INJECTION de la demanderesse – et tel n’est pas le cas –, celle‑ci s’applique à la SOLUTION D’ELOXATINE pour deux raisons : (i) la PSDN de la demanderesse a été déposée après que Sanofi eut reçu son avis de conformité relativement à ELOXATINE et que son brevet 922 eut été inscrit sur le Registre des brevets, et (ii) la demanderesse n’a pas déposé de demande de contrôle judiciaire de la décision du 26 septembre 2014 concernant la mise en suspension pour des motifs relatifs à la propriété intellectuelle.

[24]           Par conséquent, même si je conviens avec la demanderesse que le Règlement AC ne s’appliquait pas à sa PSDN, aucun avis de conformité ne peut être délivré en sa faveur avant le 15 décembre 2015. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire n’a pas réellement d’objet et s’avère donc théorique.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Les dépens sont adjugés aux deux défendeurs.

« Jocelyne Gagné »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑501‑14

INTITULÉ :

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION c LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

les 24 juin 2015, 25 juin 2015 et 26 juin 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge GAGNÉ

date DU JUGEMENT ET des motifs confidentiels :

le 26 octobre 2015

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS (IDENTIQUES AUX MOTIFS CONFIDENTIELS) :

LE 6 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Susan D. Beaubien

POUR LA demanderesse

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION

J. Sanderson Graham

Leah Garvin

POUR LES défendeurS

LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Judith Robinson

Brian Capogrosso

POUR LA défenderesse

SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna, LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA demanderesse

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES défendeurS

LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada

Norton Rose Fulbright

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LA défenderesse

SANOFI‑AVENTIS CANADA INC.

 

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