Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20151016


Dossier : IMM-360-15

Référence : 2015 CF 1174

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 16 octobre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

RUIJIAN CHEN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demande d’asile de Ruijian Chen a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour des raisons de crédibilité. La SPR avait plusieurs raisons de conclure que M. Chen n’était pas exposé à un risque en Chine en tant qu’adepte du Falun Gong, dont le fait qu’un document censé être un avis d’arrestation concernant le père de M. Chen était un document frauduleux.

[2]               La Section d’appel des réfugiés a confirmé la conclusion de la SPR quant à la nature frauduleuse de l’avis d’arrestation, quoique sur un fondement différent. M. Chen affirme que cela équivalait à l’examen d’une nouvelle question par la SAR, et qu’il était inéquitable sur le plan de la procédure que la SAR conclue que le document était frauduleux pour un autre motif que celui invoqué par la SPR sans d’abord l’avoir avisé de ses préoccupations et lui avoir donné la possibilité de répondre à ces préoccupations.

[3]               L’authenticité de l’avis d’arrestation a été directement mise en cause par M. Chen dans son appel. La SAR devait donc examiner la preuve et tirer sa propre conclusion quant à l’authenticité du document, qui ne constituait donc pas une [traduction] « nouvelle question » soulevée en appel, de sorte que la SAR n’a pas agi d’une manière inéquitable sur le plan de la procédure en rejetant l’appel.

I.                   Analyse

[4]               L’argument de M. Chen soulève une question d’équité procédurale. Lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée, la Cour doit déterminer si le processus suivi par le décideur satisfaisait au degré d’équité exigé eu égard à l’ensemble des circonstances : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 R.C.S. 339.

[5]               La SPR a examiné deux questions dans son évaluation de l’authenticité de l’avis d’arrestation : le fait que le document citait une disposition inapplicable du Criminal Procedure Law of China (le CPLC) à l’appui de l’arrestation du père de M. Chen, et le fait que l’adresse de l’établissement de détention où le père était censé être détenu n’était pas indiquée.

[6]               La SPR était disposée à convenir que l’avis d’arrestation faisait référence à la disposition applicable d’une version antérieure du CPLC, et qu’il était possible que le document fasse simplement référence à une ancienne version de la loi. Toutefois, compte tenu du témoignage de M. Chen selon lequel l’avis d’arrestation visait à informer les membres de la famille de la détention d’un parent, la SPR a conclu que l’absence de l’adresse de l’établissement de détention mettait en doute l’authenticité du document.

[7]               M. Chen a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR, alléguant notamment que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en concluant que l’avis d’arrestation n’était pas authentique. La SAR a confirmé la conclusion de la SPR, quoique pour d’autres motifs.

[8]               La SAR a estimé qu’il n’y avait aucun élément de preuve étayant la conclusion de la SPR voulant qu’un avis d’arrestation contienne nécessairement l’adresse de l’établissement de détention où une personne est détenue. Toutefois, la SAR n’était pas d’accord avec la SPR pour dire que la référence à une disposition erronée du CPLC dans l’avis d’arrestation pouvait s’expliquer par le fait qu’il s’agissait d’un ancien avis. En arrivant à cette conclusion, la Commission a fait remarquer que la preuve documentaire indiquait que le CPLC avait été modifié en 2012. La SAR en a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que, en septembre 2013, tous les avis d’arrestation aient été mis à jour pour faire référence à la loi modifiée.

[9]               M. Chen ne conteste pas le caractère raisonnable de la conclusion de la SAR à cet égard. Ce qu’il dit, c’est que la SAR l’a privé de son droit à l’équité procédurale en soulevant et en tranchant une nouvelle question – celle de la référence à une disposition inapplicable du CPLC dans l’avis d’arrestation – sans l’aviser que cette question était examinée et lui donner la possibilité de présenter des observations sur cette question.

[10]           La Cour suprême du Canada a examiné la question de savoir ce qui constitue une « nouvelle question » soulevée en appel dans l’arrêt R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, où elle a affirmé qu’une question est « nouvelle » lorsqu’elle « constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s’appuyer — autre que les moyens d’appel formulés par les parties — pour conclure que la décision frappée d’appel est erronée ». La Cour a ajouté que « [l]es questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties […] et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties » : au paragraphe 30.

[11]           Bien que les commentaires formulés dans l’arrêt Mian l’aient été dans le contexte d’une affaire criminelle, les principes établis par la Cour suprême ont été appliqués dans les instances en matière d’immigration : voir, par exemple, Ching c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 71, [2015] A.C.F. no 722.

[12]           M. Chen n’a pas raison de dire que la seule question dont était saisie la SAR était de savoir s’il y avait des éléments de preuve étayant la conclusion de la SPR concernant l’adresse de l’établissement de détention manquante. L’appel de M. Chen mettait directement l’authenticité de l’avis d’arrestation en cause en appel, et ce qu’il cherchait à obtenir de la SAR, c’était une conclusion portant que l’avis d’arrestation était un document authentique. C’est là la question que la SAR a examinée, et il ne s’agissait pas d’une « nouvelle question » au sens de l’arrêt Mian, puisqu’elle n’était pas différente sur le plan factuel de la question formulée par M. Chen, et qu’on ne peut pas non plus prétendre qu’elle ne découle pas raisonnablement de cette question.

[13]           Il convient également de souligner qu’il ne s’agit pas d’un cas où la SAR a invoqué un motif entièrement nouveau – que M. Chen ne pouvait raisonnablement prévoir – pour conclure que le document était frauduleux. La SPR a tiré deux conclusions au sujet de l’avis d’arrestation, et M. Chen aurait dû s’attendre à ce que la question de la référence au CPLC se pose en appel.

[14]           La SAR a examiné les deux conclusions de la Commission se rapportant à l’avis d’arrestation, a procédé à sa propre analyse de la preuve et a tiré sa propre conclusion quant à l’importance de la preuve. C’est ce que M. Chen s’attendait à ce que la SAR fasse en examinant l’appel, et c’est le rôle que doit jouer la SAR : voir Huruglica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799, aux paragraphes 39 à 55, [2014] 4 R.C.F. 811.

[15]           Enfin, je souligne également que M. Chen n’a aucunement démontré qu’il a subi un préjudice du fait que la SAR ne lui a pas donné la possibilité d’aborder la question de la référence à une disposition inapplicable du CPLC dans l’avis d’arrestation. M. Chen affirme que s’il avait su que la référence erronée contenue dans l’avis d’arrestation était en cause, il aurait présenté des observations faisant état du fait que la police chinoise est connue pour ne pas suivre la procédure criminelle. Il avait cependant déjà présenté ces observations à la SAR, si bien que le préjudice résultant de l’absence d’avis n’a pas été établi.

II.                Conclusion

[16]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que la présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres et ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction française certifiée

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-360-15

 

INTITULÉ :

RUIJIAN CHEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 OCTOBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 OCTOBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Matthew Oh

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nina Chandy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.